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Lonesome Metropolitan

- Tu trouves pas qu'il y a une odeur étrange ? On dirait les carbonaras de ce midi....

- Non, gne bemabque bien. Gnaut dire qu'à gnause de gne budain de demps, gn'ai sûbement chobbé un bhûme...

- Sans déconner, Sherlock.

Il faut vite que je jette ce foutu sac à vomi. C'est ce qui me traverse l'esprit au moment où j'arrive à saisir les bribes de conversation des manutentionnaires, occupés à décharger la cale. Avec autant de facilité à l'aller qu'au retour, nous arrivons efficacement à nous faufiler entre les caisses lorsque les deux hommes ont le dos tourné, pour finalement sortir discrètement du dirigeable. Le sac de voyage sur l'épaule, je progresse donc à la suite de mon coéquipier qui me guide à travers les quais. Des quais immenses.

- La Malmise, un fleuve qui traverse la ville.

Au vu de la saleté apparente des eaux, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il porte bien son nom. N'hésitant pas une seule minute au vu de la pollution du machin, je jette donc mon sachet cartonné dans lequel se trouve feu mon repas. Celui-ci est aussitôt englouti par les eaux noires et épaisses du plan d'eau.

- J'espère que toute la ville n'est pas aussi sale. fais-je tout en jetant un regard observateur dans les environs.

Pour le moment on ne peut pas voir grand chose. Dissimulés entre les rangées de cargaisons stockées sur les quais, le paysage semble n'être qu'un labyrinthe de gros caissons en taule disposés en gigantesques blocs. Des pâtés de maisons, mais en version conteneurs. D'ailleurs les deux gars du zeppelin ne sont pas les seuls à bosser ici, raison de plus pour foutre le camp rapidement sans trop s'interroger sur ce qu'il peut bien y avoir dans les caisses.

- Non, mais l'eau est une ressource précieuse ici. Tu comprends bien pourquoi.

A nouveau, je zieute avec un regard abscons les eaux poisseuses et polluées. Ouais, impossible de boire ou de se laver avec une telle chose. Sauf si on veut chopper des maladies. Par chance, notre chemin nous mène plutôt loin de la Malmise et de ses effluves pestilentielles, pour nous mener davantage vers le centre-ville. Vers l'un des quartiers, celui des ouvriers selon les indications fort utiles de mon guide touristique.

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- Ca a son petit charme.

- N'est-ce pas ? Une architecture typiquement de chez nous. Des immeubles de style Victorien.

Les bâtisses ainsi nommées bordent la route, mitoyennes les unes aux autres, lourdes et hautes comme des centaines de petites tour aux multiples étages. Certaines sont en sale état, d'autres totalement insalubres et inhabitables, tandis que les plus belles semblent avoir été récemment rénovées au vu de la peinture fraiche qui les recouvre. Malgré ce curiosité architecturale, Lone Down est le pays fondateur du paysage terne, qui ne tarde pas à faire un avec la légère bruine qui s'abat depuis le...

- Oh...

Étrange vision que celle de l'archipel de Strong World au loin, vu du dessus. Encore plus étrange lorsque l'on se rend compte que l'immensité bleue tout en-dessous n'est en réalité pas le ciel. Mais bientôt ce paysage céleste va changer, car déjà de gros nuages semblent se profiler à l'horizon. Et avec eux des pluies torrentielles qui m'amènent à considérer une marche un peu plus rapide. Où doit-on se rendre déjà ?

- Au quartier des mineurs. Il existe des tunnels aménagés qui le raccordent aux Mines Asthirites.

Je hoche la tête, bien déterminée à ne pas poser davantage de questions. Nos déplacements doivent être furtifs, surtout si l'homme peut être aisément reconnu. Ce n'est pas une capuche sur le crâne qui nous met spécialement en sécurité, ni même en confiance. Raison pour laquelle on longe les murs des maisons étroites construites tout en hauteur. En briques ocres. Car parmi les couleurs primaires de Lone Down on retrouve du ocre, du gris et du marron. Ocre sur les bâtiments, gris pour le ciel et le marron pour la boue qui tapisse les pavés. Ou bien peut-être qu'il ne s'agit pas uniquement de boue.

- Erk. fais-je tout en esquivant une flaque noirâtre et immonde aux relents encore plus dégoutants.

J'aurais aimé dire que la traversé s'est déroulée rapidement, cependant ce n'est pas le cas. Déjà une heure que nous marchons dans les rues infinies, arpentons ruelles et boulevards, passons par un bon nombre d'intersections et croisons une quantité inégalable de statues de tout style. Et nous ne sommes toujours pas sortis du quartier des ouvriers.

- Lui, c'est le vice-amiral Nel Sohn. L'un des pères fondateurs de Lone Down et un membre éminent de la Marine à son époque. C'est pour défendre le royaume qu'il a cessé de se battre pour le Gouvernement Mondial. Un exemple pour moi.

- Même si vous étiez resté Commodore, vous n'auriez rien pu changer à la situation de l'île. Vous avez échoué à la défendre contre la révolution.

Ma pointe se veut acerbe et sèche, pour mettre l'homme devant ses propres démons. Il a quitté son poste alors qu'il aurait pu percer plus haut dans la hiérarchie et revenir avec toute une armada pour délivrer sa patrie. Mais non, il a choisi de tout plaquer pour devenir Lord, prince d'un roi déchu, puis plus personne. Exilé.

- Je ne regrette pas mon choix. Vous êtes là non ? Une attaque aurait fait un grand nombre de morts, mais vos compétences stratégiques vont permettre de réduire les coûts humains.

Droite comme un piquet, je refuse d'avancer davantage. Au contraire, je me retourne vers l'individu et le prends à part, dans l'une des nombreuses ruelles séparant les pâtés de maisons victoriennes.

- Que savez-vous de mes compétences stratégiques ? Qu'est-ce qui vous fait penser qu'un Commandant de la Marine pourrait normalement changer la situation de votre pays à lui seul ? Je ne fais même pas partie de l'élite. Alors, parlez, dites moi tout.

L'homme en a trop dit ou pas assez, il doit se rendre à l'évidence. Je sais qu'il sait. Et je me doute que Hayley est derrière tout cela. La pimbêche.

- La reine m'a dit que vous en étiez capable... en tant qu'agent émérite du Cipher Pol. m'avoue-t-il avec une expression oscillant entre la désolation et l'inconfort.

- Bon et bien au moins tout est clair. Mais vous avez intérêt à ne rien divulguer à ce sujet. Je tiens à l'intégrité de ma couverture. Sinon je n'hésiterai pas à briser chacun de vos os et vous donner en pâture aux bêtes sauvages. Je me suis bien fait comprendre ?

L'ex-Commodore affiche un regard crispé, mais finit enfin par confirmer, à bon entendeur. C'est tout dans son intérêt de la mettre en veilleuse s'il veut récupérer son trône. Et au moins il sait à présent à qui il a à faire. Plus rien ne m'empêchera donc d'aborder nos futures manœuvres de façon concrète et directe, sans avoir à passer par une traduction appropriée. Car la justice à laquelle j'obéis n'est pas la façon de procéder, mais le rendu final. Il y aura donc forcément des innocents qui devront perdre la vie, mais ça je pense qu'il en est déjà conscient. Tout ne peut pas être tout blanc ou tout noir.

- Remettons nous en route, sinon on risque de susciter l'attention des riverains. conclus-je tout en me dirigeant derechef en direction de l'allée.

Pour enfin pénétrer quelques minutes plus tard dans le quartier des mineurs et découvrir dès la première rue passée une entrée souterraine bordant l'intersection. Un grand trou avec des rambardes sur les côtés, un panneau par-dessus et des marches qui semblent descendre vers l'obscur inconnu. Alors on descend en haut, spécificité Lone Downinenne, sans se poser plus de questions.

Dans les tunnels de la Mine Asthirite.
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- Sympa l'éclairage.

J'admire l'inventivité et l'ingéniosité des mineurs, qui ont su créer de véritables voies souterraines dans les anciennes mines aujourd'hui trop pauvres en minerai pour être exploitées. En tout cas les axes principaux, car il y a régulièrement des intersections permettant d'accéder à des ramifications plus brutes, moins accessibles. Là où le passage est strictement réservé au personnel des mines. J'ai d'ailleurs étrangement l'impression qu'ici le sol est plus propre. Soigneusement dallé par une myriade de petites briques brunes qui rendent le chemin plat et facilitent la circulation à pieds. Mais aussi l'utilisation de moyens de locomotion.

- Regardez ça.

- Qu'est-ce que c'est ? On dirait une grosse brouette.

- C'est un chariot de mines. Il sert à transporter les matières premières extraites des sédiments. Si vous observez bien, vous pouvez voir que ses roues sont glissées à l'intérieur de petits rails qui se poursuivent tout le long du chemin et se ramifient aux croisements

Ouais, c'est plutôt sympa. Le concept du train est repris pour le déplacement de petits wagons. Je ne suis pas plus étonnée que ça par la découverte, mais néanmoins épatée par la propreté du travail. Des tranchées bien droites dans la brique, assez profondes pour que les roues des engins ne dévient pas et assez propres pour qu'il n'y ait pas d'obstacle en chemin. Entre ça, le sol parfaitement nettoyé et l'éclairage au gaz qui éclaire assez bien la voie pour ne pas laisser un seul coin de pénombre, on peut dire que les mineurs ont parfaitement su aménager leur lieu de travail pour bénéficier de très bonnes conditions.

- Il faut dire que le Lord du quartier des mineurs est l'un des plus efficaces. Vous savez, Will Stone, je vous en ai déjà parlé. Il est très attaché aux lois du travail et au bien-être de ses travailleurs...

- Je pense qu'on se connait assez pour commencer à se tutoyer, Peter.

Peut-être un peu trop rude, trop sec, mais l'idée est là. Je n'ai jamais été très fada des formules de politesse et dès que j'en ai l'occasion, je préfère me débarrasser. Réduire la distance, d'autant plus que le gaillard connaît désormais ma nature aussi bien qu'il se doute des raisons pour lesquelles je l'aide. Un dernier bastion pour le Gouvernement Mondial sur cet archipel ne sera pas de refus et l'ex-Commodore doit d'ailleurs me rejoindre là-dessus, lui qui regrette tant ses années de services. Lui donner une bonne raison de ne plus manquer les tuniques bleues en garnissant sa ville avec. Ou mieux. Mais je préfère laisser cette idée au placard pour le moment. Rien n'a été décidé.

- C'est d'accord, Amanda. Tu as amplement raison. Tiens, j'en profite pour te signaler que nous approchons de la colonie des Inversés.

Une colonie, c'est le mot. D'abord nuage de points lumineux à l'horizon, la ville se rapproche inexorablement jusqu'à faire figurer ses bâtiments inversés, construits à l'envers et accessible grâce à divers moyens. Généralement des escaliers, mais aussi des ponts de cordes ou bien même à partir des cavités dans les parois rocheuse de l'immense caverne. Une véritable ville souterraine de plusieurs milliers de personne qui s'étend sous Lone Down... à l'envers.

- En effet, le spectacle est très anodin. fais-je en voyant un homme passer à côté de nous, vêtu à l'envers.

Ce qui ressemble à un pantalon sur le torse et un gilet en guise de pantalon. Je préfère ne pas imaginer comment les femmes peuvent se dépatouiller si elles intervertissent aussi leurs sous-vêtements. Mais bientôt nous pénétrons dans l'enceinte de l'agglomération et c'est là que les choses se corsent réellement.

- La chaussée est surélevée ? Les lampadaires éclairent le sol ?? Et c'est quoi ça... une statue ?!

- Je t'avais prévenue. Allez viens, fais gaffe à où tu mets les pieds par contre : les égouts on curieusement tendance à remonter. Il sembleraient qu'ils n'aient pas encore trouvé un moyen de faire circuler l'eau dans le sens inverse.

Précautionneuse, je suis donc docilement le prince qui nous conduit finalement jusqu'à l'une des plus grosses bâtisses de la ville. Et pour cause, il s'agit de l'hôtel de ville.

- La maire d'Asthirite. Elle est avec nous. Une personne de confiance qui va nous loger et nous couvrir si les choses commencent à se gâter. Par contre, elle est un petit peu spéciale.

- Elle s'habille à l'envers elle aussi ?

- Bon dieu non. Mais elle a un style assez... particulier.

***

Particulier. C'était le mot, celui qui qualifiait parfaitement notre hôte. Grande, fine, étrangement habillée... et particulière.

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- Bienvenue à Asthirite mes dearies ! Oh Peter tu m'as tellement manqué ! Prendras-tu un thé ? Il est d'y hier.

- Non merci Bridget. Tu sais que je ne digère pas le thé.

- C'est vrai, j'oublie tout le temps. glousse la bonne femme avant de jeter un œil amusé dans ma direction, fendant aussitôt son visage d'un grand sourire mystérieux. Qui nous amènes-tu là ? Oh mon dieu. Mais elle est magnifique. Toi tu as encore été faire du charme à la surface, je parie. Attends laisse-moi deviner...

Très bien, elle est totalement folle. Ou bien elle prend des substances illicites. Je la coupe donc avant que ça dégénère.

- Non mais c'est pas...

- Oh je sais ! Ça doit être la fameuse Lieutenante de la Marine dont tu m'as parlé il y a quelques jours ? Celle qui a destitué cet enfoiré de Caldaerys. Ce salopard qui nous a rendus anormaux. Sauf cette ville, hihihi. Nous n'oublions pas les anciennes coutumes. La tête en haut, les pieds en bas.

- Tu as vu juste une fois de plus Bridget, décidément. Sauf que cette jeune femme n'est plus Lieutenante, mais Commandante désormais. Elle est venue m'aider à bouter la révolution.

- Oh, oui oui oui ! Je me souviens parfaitement notre discussion. Et nous ramener dans le bon sens, tu as dit. Je me rappelle, je ne suis pas encore totalement folle.

Si elle l'est. Son accoutrement le laisse transparaître, mais son comportement le vérifie. Ses cheveux roses hirsutes ne peuvent décidément pas s'empêcher de la trahir... et elle se dit normale ou veut l'être. Comme tous les déséquilibrés du coin. En tout cas je n'ai pas à me dépatouiller pour lui expliquer quoi que ce soit, elle sait déjà pas mal de détails. Et ce qu'elle ne sait pas, elle semble le deviner. Le tirer de son chapeau magique loufoque.

- Promis, je ne viendrai pas fouiner dans vos affaires. Je regarderai ça à distance, comme la gentille petite spectatrice que je suis. Et j'interviendrai quand vous le jugerez nécessaire, bien évidemment. Je suis là pour ça. Et pour toi, little darling, bien évidemment !

- Merci pour ton soutien, Bridget. Pourrais-tu nous indiquer l'endroit que tu nous as dégotté pour que nous puissions échafauder nos plans tranquillement ?

- Dieu mais c'est bien sûr ! Ma veste. Hop. Suivez-moi !

Virevoltante, la maire vient prendre la relève de Peter en tant que guide touristique désormais. Sa démarche est aussi singulière que sa coiffure. Totalement ridicule. Mais elle assure que c'est pour mieux vivre "normalement".

Spoiler:

Cette redondance de la normalité me fait d'ailleurs me questionner sur la réaction que pourrait avoir un Inversé si on se mettait à l'appeler ainsi. C'est mon compagnon qui me répond.

- Ne. Fais. Jamais. Cela.

Son regard est d'ailleurs effrayé rien qu'à l'idée d'y penser. Ça a donc le mérite d'être clair et je n'ose pas m'y essayer avec l'olibrius que voici. La curiosité a ses limites. Voyageant donc dans le dédale d'étranges ruelles, inversées jusque dans les plaques de rues montées à l'envers, nous voilà désormais en périphérie de la cité. Un coin qui semble délabré et abandonné. J'espérais pas un hôtel de luxe mais quand même.

- Nous y voici !

- L'ancienne demeure du Lord Was-Hinton ?

- Farpaitement.

Ça y est, elle inverse les lettres. Je ne peux même pas dire que je ne m'y attendais pas, ça serait mentir. Non, à la place j'occulte l'idée que tout ceci est anormal, sinon je pense devenir rapidement désagréable malgré moi. Car ma frustration se voit assez rapidement sur mon visage.

- Bonne trouvaille, on ne viendra jamais fouiller dans le coin, ça c'est sûr.

- Pourquoi ?

La bâtisse qui se dresse devant nous est un peu solitaire et moche, c'est vrai, mais niveau délabré il y a pire. Pourtant elle ne m'inspire pas confiance, c'est vrai. Une raison surnaturelle qui me hérisse les poils du cou lorsque je darde trop longtemps l'oeil sur l'une des fenêtres salies par les aléas du temps.

- Ah... c'est hanté...

- Quand il y a eu la Nuit des Masques, la nuit où la révolution a pris le pouvoir sur l'île, les anciens Lords n'ont pas eu le choix : se plier au nouveau gouvernement, fuir ou bien mourir. Le vieux Lord Was-Hinton était responsable du quartier des mineurs et était un Inversé. Et il n'a pas voulu courber l'échine ou bien fuir devant l'ennemi.

- Alors les soldats révolutionnaires sont venus et ils l'ont exécuté au sein même de sa maison, hihihi. Ainsi que sa femme et ses trois enfants. Oh et son petit-fils, un nourisson. Depuis l'endroit a la réputation d'être... ahem... Hanté ?

Et bien dis donc. Moi qui pensais que la révolution n'avait pas l'étoffe pour régner et que c'étaient des mous du slip. Ils venaient de prouver qu'ils pouvaient véritablement être sanguinaires et violents. Les alter-égos du CP en étaient peut-être vraiment, au final.

Bref, les explications données, la chapelière nous laisse finalement les clés avant de nous regarder fixement nous éloigner en direction du manoir tout en nous saluant follement avec sa main gantée. Déjà, une aura froide entoure le lieu, comme si la température avait brusquement chuté. Le bois gonflé par l'humidité grince et craque, la porte est donc difficile à ouvrir, mais finit par céder après plusieurs tentatives. J'entre la première et remarque que l'intérieur est richement décoré, quoi que rempli de poussière. Car si le bâtiment, vu de l'extérieur, ne paye pas de mine, à l'intérieur c'est une vraie caverne d'Ali Baba. Rien n'a été touché ni volé et tout est à sa place depuis presque vingt ans. Y compris les tâches de sang qui désignent efficacement les endroits où la famille Was-Hinton a trouvé la mort.

- Glauque et inhospitalier. Hanté par des victimes de la révolution. Un endroit parfait pour fomenter notre coup d'état. conclus-je en me frottant les mains pour me réchauffer.

Allez, il est grand temps de discuter projets pour les prochains jours désormais.
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- Donc tu voudrais que je t'accorde un entretien avec Will Stone pour le convaincre de se ranger de notre coté ? Je te l'ai déjà dit : c'est impossible. J'ai essayé de nombreuses fois et pourtant. On est bons amis, mais ça n'influence pas son travail.

- On n'a rien à perdre, il ne nous trahira pas de toute manière. C'est une valeur sûre. Puis ça va probablement me permettre de prendre la température et de revenir à la charge plus tard, lorsque la situation se sera débloquée.

- Lorsque tu auras réussi à incriminer la révolution pour une faute qu'elle n'a pas commise ? C'est bien une tactique de Cipher Pol ça.

- Faut savoir ce qu'on veut : être un gentil toutou qui veut que tout aille bien et que rien ne change ou bien être prêt à faire des sacrifices. On en avait déjà parlé non ?

- Oui... Désolé j'ai encore du mal à jongler avec cette facette. J'ai peur de me sentir coupable pour les vies qui vont être perdues.

- Crois moi, tu ne seras pas le seul. Tous les chefs d'état ont du sang d'innocents sur leurs mains. Par chance, tu m'as moi, donc pas besoin de te les salir. Maintenant contacte Stone et trouve moi un moment pour m'entretenir avec lui. Il ne peut peut-être pas nous aider directement, mais il doit bien y avoir un moyen de s'arranger.

J'époussette frénétiquement la table basse en acajou sur laquelle nous avons posé nos babioles. Des escargophones, des cartes, de la paperasse en pagaille qui atteste de tout et de rien. Pas tant que ça d’informations utiles sur le moment, elles sont pour la plupart dépassées et défraichies. Pas le choix, il faut partir à la pêche aux scoops et Stone est ma première piste. La seule pour le moment. Mais comme on est au beau milieu de la nuit, le prince me promet qu'il passera un coup de fil demain au plus tard. Alors le temps passe et on finit par prendre congés l'un de l'autre pour s'endormir dans nos chambres rapidement aménagées. Plusieurs fois je me réveille pendant la nuit, sûre d'avoir entendu un bruit, une respiration, un chuchotement. Mais ce n'est rien, rien d'autre que le vent qui passe dans les galeries d'Asthirite. Alors je me rendors sans penser aux fantômes. Ou en tout cas j'essaye, pour ne pas m'effrayer.

Premier jour des opérations : Down Park, treize heures.

- Fish ?

- N'Chips.

- Personne ne vous a suivi au moins ?

- Personne que j'aie pu remarquer.

Deux bancs. Adossés l'un à l'autre, un endroit parfait pour une rencontre discrète. L'homme est certes reconnaissable mais l'endroit est relativement désert à cette heure-ci, apparemment. Pour ma part, les habits traditionnels victoriens me vont comme un gant. Je rentre dans le moule, aussi lambda que possible. Et personne ne pourrait se douter de quoi que ce soit.

- Je suppose que Jackspear m'a déjà présentée.

- Vous supposez bien. Une Commandante de la Marine, je me demande quelles ressources vous devez posséder pour prétendre pouvoir renverser un gouvernement à vous seule.

- De la jugeote plus qu'autre chose. avoué-je, n'ayant certes pas grand chose de plus à part un pouvoir sismique démesurée.

Mieux vaut ne pas le dévoiler.

- D'autres plus intelligents que vous s'y sont essayé et ont perdu au change.

- Mais d'autres n'y ont pas mis les moyens nécessaires. Je suis bien déterminée à aider votre ami, peu importe votre flegme ou votre neutralité. Vous ne voulez donc pas nous assister ?

L'homme soupire. Je lui devine une expression faciale trahissant sa fatigue. Un homme bien en chair mais pas obèse, plutôt commun dans son physique. Un peu vieux, toutefois. Je n'ai vu son visage qu'une seule fois et c'est uniquement au moment où je suis venu le rejoindre, m'asseyant à ses côtés. Depuis mon regard fixe un petit géranium, plus loin, avec l'illusion parfaite d'être fascinée par la nature luxuriante de l'endroit.

- Pas que je ne veux pas, mais je ne peux pas. Je ne peux pas permettre de déclencher une guerre civile ou ce genre d'idioties massivement meurtrières. Ce n'est pas dans mes procédés ni dans mes valeurs. Les résultats seront d'innombrables vies perdues plus qu'autre chose et je n'ai pas spécialement envie que ça arrive.

- Pas si le peuple se soulève. Que vont faire quelques milliers de soldats contre une centaine de milliers de manifestants, gardes des quartiers compris ?

- Vous vous aventurez sur un terrain glissant. Vous êtes seuls pour le moment. Le peuple ne vous suivra pas. Pas pour des belles paroles et une haine factice contre la révolution. Puis qu'est-ce qui vous laisse croire que les autres Lords se rallieront à votre cause ?

- L'intuition.

Coup de bluff en vérité, je sais que l'homme va refuser en bloc toutes mes propositions. Mais celui-ci est sur un fil qui peut à tout moment se déséquilibrer. Et invariablement la balance penche du côté des sentiments. De simples informations suffisent dans les grandes villes pour gagner instantanément en poids et en notoriété. Ou pour enclencher un mécanisme de soulèvement. Et pour ça, il ne me faut rien qu'un petit aveux. Une rumeur tout au plus.

- Il y a peut-être Quinn Elizabeth. Cette moribonde serait prête à tout pour avoir ce qu'elle veut. avoue presque à contre cœur le Lord du quartier des mineurs.

- Ah. Et qu'est-ce qu'elle voudrait ?

- Un rêve curieux qui me fait m'interroger sur la nature de sa relation avec Guinness. Son amante officieusement, mais tout le monde le sait. Bref, ce qu'elle veut c'est probablement la seule chose que vous êtes à même de lui offrir. En fait, c'est même vous la seule personne capable de faire quelque chose pour elle sur cette satané île.

Très intéressant. Un rapport de force qui pourrait naître dès la première négociation. Un monopole dû à mon affiliation au Gouvernement Mondial peut-être ? Pourvu que ça ne soit pas trop déconnant. On ne peut qu'espérer devenir un Dragon Céleste, mais jamais ça ne se concrétisera. Je demande donc, avec un ton qui trahit largement ma curiosité :

- Chose qui est ?

- La jeunette n'est pas farouche quand il s'agit de se la mettre dans le lit. Enfin, avant de devenir Lady. A une époque on pouvait l'acheter avec n'importe quoi, mais elle a développé des goûts de luxe lors de sa nomination. Une catin de luxe. Maintenant elle s'est mise en tête de vouloir déménager sur Marie-Joie pour vivre parmi les nobles, comme une vraie aristocrate.

Rien que ça ? Quoi que, on peut toujours lui faire miroiter ce rêve. Peut-être même le réaliser par la suite, histoire de ne pas se retrouver avec une femme aux intentions graveleuses dans les jambes. Et de ne pas avoir à la faire disparaître mystérieusement. Il s'agirait par contre de prendre de gros risques en dévoilant la couverture Lone Downienne de ma couverture Marine pour aller lui balancer mon offre et mes conditions. Mais si ça fonctionnait cela porterait bien évidemment ses fruits. Bien lourds et bien juteux. Une aubaine et une première Lady à nos côtés, qui en entraînerait probablement plein d'autres. Trois, c'est un bon nombre, pas besoin de tous les avoir. Juste la majorité.

- Merci Lord Stone, vous nous avez déjà bien aidés.

Inutile d'afficher ce air las que je te reconnais, vieux syndicaliste. Néanmoins il est vrai que sa piste va nous permettre d'avancer radicalement. Étonnant qu'il n'en ait pas parlé à Peter avant. Peut-être que celui-ci s'est montré moins insistant ? Le prince n'a pas la tête d'une homme pouvant faire pression pour obtenir ce qu'il veut. Surtout pas sur un vieil ami à lui. Il n'a d'ailleurs pas la carrure pour remplacer le chef révolutionnaire, ce pourquoi il sera important de le seconder perpétuellement dans ses décisions avec le Gouvernement Mondial. Pour que Peter Jackspear devienne un simple pantin au fil des ans. Mais ça, je me garde bien de lui dire.

- Tant que vous ne commettez pas d'atrocités. Peter peut bien jouer avec sa propre vie ou avec la votre. Vous êtes les seuls responsables de vos actes. Le peuple, lui, n'a rien demandé.

- Oui, moi aussi j'espère vous revoir très bientôt, Lord Stone. lâché-je dans un certain rictus plutôt bien dévoilé.

Plus tôt que prévu, j'espère bien. Tout dépendra de mon entrevue avec Quinn. En attendant, retour à Asthirite pour tenir Peter au courant des dernières nouvelles. Et aussi me préparer pour une visite surprise dans la demeure de la politicienne.

De nuit, bien évidemment.
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Premier jour des opérations : Cité de Webmaster, vingt-deux heures.

L'endroit est étrangement calme. Et froid. Les gouttelettes de pluie n'ont plus rien d'apaisant. Elles fondent sur leurs proies comme des bêtes féroces et viennent s'y écraser comme tant d'avalanches de neiges. Des grêlons. L'île doit être traversée par un nuage de glace. Le bon côté à tout ça : les rues sont désertes. Et plus encore celles de la Cité, puisque l'endroit est un peu élitiste. Oh non, la révolution a ouvert les portes pour que n'importe qui puisse y accéder, là n'est pas le problème. Mais les mauvaises habitudes ont le dos dur, on ne change pas des traditions et des rituels comme ça. Des fanatiques ne peuvent pas permettre à des dévots de fouler du pied un endroit sacré impunément, juste car la permission a été donnée.

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Malgré le fait que la gigantesque allée, s'étendant par delà la Malmise à travers un pont gigantesque, abrite nombre de commerces dont certains possèdent encore des vitrines éclairées, l'endroit est désert. Normal vu l'heure : tout est fermé. Peut-être y a-t-il plus de circulation en journée ? Bref, j'évolue le plus possible dans l'ombre, tâchant de ne pas trop attirer l'attention des gardes qui font leur ronde ou bien des quelques citoyens Lone Downiens badinant à des heures tardives, usant de la protection de leur parapluie pour charmer de jeunes demoiselles impressionnables. La vie est belle, malgré le temps, à Lone Down.

La demeure de la Lady est aisément indiquée. Dans une rue des plus urbaines qu'il soit, un grand bâtiment sombre uniquement accessible via une petite cour enceinte d'autres habitations mitoyennes. Une sorte de château d'immeubles, sans tours ni pont-levis. Mais tout de même. Et bien évidemment, sa bâtisse est la plus grosse et la plus imposante, pour mieux se démarquer des bourgeois non-nobles et autres notaires. Je toque, donc, m'apprêtant à voir dépasser par l'entrebaillement de la porte le visage inexpressif d'un quelconque domestique. Ce qui arrive finalement, bien que tardivement.

- C'est pour ?

- Bonjour, je m'appelle Helena B. Carter, j'aurais souhaité m'entretenir avec votre maîtresse.

- Elle n'est pas là. Il est tard, rentrez chez vous.

Quand la gouvernante s'empresse de me claquer la porte au visage, je bloque celle-ci en mettant le bout de ma chaussure dans l'interstice qui se réduit considérablement. Par peur de me faire plus de mal en pressant davantage, la vieille femme se stoppe immédiatement dans son geste. Et il est vrai que mon gros orteil souffre pas mal de ce sacrifice.

- Alors je suppose que ce n'est pas son carrosse qui est garé dans l'allée. Celui avec sa plaque dessus, évidemment.

- Madame je...

- C'est bon Gryzelda. Laissez-la entrer, qu'on en finisse. Probablement l'une de ces religieuses qui viennent prêcher la bonne parole. J'en ai déjà eu trois cette semaine.

Parfait. La voix provenant de l'intérieur de la demeure que je devine comme celle de ma cible me donne même les éléments pour couvrir la raison de ma visite. Il faut dire : c'était ça ou bien pénétrer par effraction, un peu plus tard dans la nuit. Quitte à choisir, je préfère encore rentrer maintenant et ne pas poireauter sous la pluie. Ni avoir à retenir mon hôtesse en otage pour qu'elle ferme prestement son clapet. Un moyen préférable d'aborder les choses en douceur.

- Religieuse ?

- Je sais, je n'en ai pas l'air. J'ai dû faire abstraction de ma tenue à cause du temps.

- Mmh. Entrez. grince la bonne femme tout en déverrouillant les quelques serrures supplémentaires qui bloquent l'entrée.

Une petite chaîne en fer forgé à retirer et me voilà devant un spectacle orgueilleux. Celui d'un hall parfaitement propre, parfaitement décoré avec des marbrures et tapisseries finement dorées sises un peu partout pour rappeler l'idée de richesse. Voilà une femme qui apprécie baigner dans l'or et l'argent, définitivement. Que l'on ne me dise pas que celle-là défend l'intérêt des travailleurs. De quel quartier est-elle responsable déjà ? Ah oui, les ouvriers.

- Qu'est-ce que vous attendez, venez me voir qu'on en finisse. Ne vous attendez pas à ce que je me déplace. J'ai fait mes prières journalières et je me suis déjà confessée cette semaine, ça devrait aller vite.

Oui, non, on va rapidement éluder le sujet ou en tout cas dès que possible. Les feulements de la jeune femme proviennent du salon, une pièce vaste et riche en meubles divers, bibliothèques regorgeant de livres ou bien d'objets de collection. Au milieu : un sofa et plusieurs fauteuils qui encerclent une table basse dans un bois aussi travaillé que précieux. Une variante de bois d'Adam, visiblement, même si je ne suis pas spécialiste de la chose.

- Asseyez-vous ma sœur. Vous devez savoir que malgré le fait que vous veniez me déranger à une heure pareille, j'apprécie beaucoup ce que vous faites.

Quelle chance. Je m'exécute, entrant dans le champ de vision de la Lady, dévoilant mes traits et mes habits ainsi qu'une expression qu'elle devine aisément comme étrangère à la religion. Pas un visage crispé mutilé par le vœu de chasteté, mais un sourire qui se veut aimable et manipulateur.

- Vous n'êtes pas une religieuse ! Que venez-vous faire chez moi ? s'emporte la propriétaire, non sans toutefois manifester le désir de me voir vider les lieux.

Elle est curieuse de la raison de ma présence, en réalité. Prostrée par mon indécence et ma tromperie, mais toutefois assez sceptique pour ne pas ordonner à son gorille de me jeter dehors. En m'analysant davantage, elle comprend même que je ne suis pas du coin. Chose que mon accent vient appuyer lorsque je prends la parole, enfin.

- Je viens discuter affaires.

- Affaires ? Quelles genre d'affaires ? Je suis déjà Lady et je baigne dans la luxure. De quoi pensez vous que je puisse avoir besoin ?

Son ton est froid et sec, mais laisse toutefois transparaître son intérêt. Je l'ai d'ores et déjà piquée à vif et elle a mordu à l'hameçon. Visiblement le mot "affaire" est définitivement ce qui l'anime. Ainsi donc les rumeurs sont vraies : il n'y a rien d'elle que l'on ne puisse acheter.

- Le genre d'affaires qui pourraient exaucer votre vœu le plus cher. Un désir qui, s'il venait à s'ébruiter aux oreilles de votre amant, pourrait générer pas mal de problèmes.

Ses yeux deviennent ronds comme des soucoupes, son visage rouge et ses ongles viennent mutiler les accoudoirs de son canapé. Pourtant sa colère vient soudain laisser place à la surprise.

- Vous osez me menacer dans ma propre demeure ?

- J'ose vous faire une offre dans votre future ancienne demeure.

Instantanément, son visage passe du rouge tomate au blanc pâle. Ses nerfs se relâchent brutalement et la jeune femme semble revoir sa position. Ainsi que la façon avec laquelle elle me considère. Je ne suis plus une espionne ni une assassine, mais un messager venu lui tendre la main.

- Je... euh... Tout à fait, oui. Parlons affaires mais... Eh bien... Pas ici, suivez moi. Mon bureau fera un espace convenable pour discuter de cela.

Sa main tenant encore son verre de whisky vient porter le reste du liquide à sa bouche prestement, avant que l'aristocrate parvenue ne se redresse d'un bond et sinue entre ses innombrables meubles de salon pour me guider jusqu'à un espace plus privé. Où les oreilles sauront rester loin des murs. Trois pièces plus loin nous gravissons donc un escalier qui nous mène jusqu'au second étage du manoir. Et c'est une fois arrivées au bout d'un étrange et sombre couloir que Lady Elizabeth vient m'ouvrir la porte, me laissant pénétrer la première avant de verrouiller l'entrée après son passage. Installée derrière un épais bureau en bois du même acabit que sa curieuse table de salon, ou presque, elle reprend :

- Soyons honnêtes. Qui êtes-vous et quelle est votre proposition ?
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Autant y aller cash. La balance pèse aussi bien d'un côté que de l'autre et si elle accepte de baigner dans notre plan, il serait idiot pour elle de nous trahir. Sauf si elle tient à perdre sa place de notable et ses acquis.

- Mon nom est Amanda Holmes et je suis Commandante de la Marine. Je suis venue pour destituer Guinness Murphys de la place de Lord Président et nettoyer le royaume de toute présence révolutionnaire.

Le visage impassible, la jeune femme encaisse sans mot dire. Elle attend que j'en vienne à son propre intérêt dans l'histoire. Ce pour quoi je m'entretiens avec elle, là maintenant.

- Des sources sûres m'ont informé de votre désir de posséder une demeure à Marie-Joie. De pouvoir quitter cette île et vivre dans la capitale du Gouvernement Mondial.

- Qui sont ces sources ? s'inquiète la Lady, s’efforçant de rester calme en apparence même s'il est bien visible qu'elle bouillonne à l'intérieur. Personne n'est censé le savoir. Surtout pas Guinness, il le prendrait comme une trahison et me ferait exécuter sur le champ. C'est le prix pour les traîtres par ici.

- L'un de vos collègues Lords.

- Stone. Je me doutais que ce salopard était derrière tout ça. Il me déteste et m'a toujours détestée. Il ne peut vraiment pas encadrer les classes aisées. Il a dû trouver le bon filon pour savoir ça. Mais pourquoi vous l'a-t-il dit ?

- Et bien, dans le cas où la révolution serait boutée hors de l'île, il existe encore des personnes prêtes à reprendre le flambeau du roi déchu.

- Jackspear. On le croit mort, mais tout s'explique finalement. Faire jouer les relations, ça sert.

- Vous me semblez plutôt bien placée pour le savoir. me permets-je tout en conservant une visage fermé.

Quinn ricane, dévoilant ses incisives effilées et pointues. Ma pique semble lui avoir plu, pour une raison que j'ignore. A moins que ça rentre dans ses délires, de se faire marcher dessus. Une masochiste, manquait plus que ça. Mais une femme intelligente, bien que guidée par ses caprices. Ses déductions me font comprendre qu'il ne faut pas la sous-estimer, malgré ses airs de potiche. Une ancienne prostitué, ça sait habilement manipuler les gens. Et quand je suis amenée à coucher pour obtenir quelque chose, c'est un fonctionnement à peu près similaire qui se met en place. Pas de sentiments, nous sommes toutes les deux des espèces de sociopathes, l'une plus refoulée que l'autre.

- Du coup vous êtes ici pour que je me rallie à votre cause ? Celle du Gouvernement Mondial et de Peter Jackspear en tant que prochain Lord Président ? à ces mots elle hausse les épaules, sa réaction presque enfantine. Si j'y gagne bien ce que vous me promettez, j'accepte de marcher dans le coup. J'en ai ras la claque de la révolution et de ses discours hypocrites. Remarquez, la Marine c'est à peu près la même chose. De ce que j'ai entendu sur la Justice du Gouvernement Mondial, l'impartialité n'est visiblement pas l'une des valeurs dont peut se targuer votre institution.

- Mais ce n'est pas la Justice que vous recherchez n'est-ce pas ? C'est une bonne situation. Vous voulez vous élever plus haut. Devenir plus riche. Et ce n'est pas en restant à Lone Down que ça va arriver.

Elle sourit. Touchée. Elle s'avoue donc vaincue, les mains levées en signe d'abdication.

- Suis-je si prédictible ?

- Vous êtes une femme entreprenante qui sait ce qu'elle veut. Je suis aussi ce genre de femmes. Je ne reculerai devant rien pour accomplir ma mission.

- Sauf qu'il n'y a aucune mission qui régit mes actes. Seulement mes souhaits et mes désirs. Guinness a été le premier à exaucer mon vœu, mais maintenant ça me suffit plus. Et voilà que vous débarquez avec un nouveau rêve, servi sur un plateau d'argent serti de diamants. Pourquoi refuserais-je ?

- La loyauté ?

- Encore une chose qui nous différencie.

- Alors c'est une transaction honnête. Votre support pour le renversement du gouvernement en échange d'un train de vie bourgeois sur Marie-Joie.

Un grand sourire naît sur le visage de mon interlocutrice. Celle-ci s'applique déjà à sortir un papier pour sceller notre accord par écrit, même si ce n'est pas nécessaire. C'est presque trop facile. Il me faut une assurance. Il me faut lui spécifier oralement les termes qui nous lient.

- Mais qu'est-ce qui nous prouve que vous n'allez pas nous trahir ?

- Je n'y gagnerais rien ?

- Évidemment. Néanmoins laissez-moi vous dire ce qui arrivera si jamais vous étiez prise par un moment d'égarement. commencé-je tout en adoptant une posture un peu plus menaçante, les mains posées sur le bureau, avançant dangereusement mon visage en direction de la bourgeoise qui se campe progressivement au fond de son siège, surprise. Non seulement vous n'y gagnerez rien, mais vous y perdrez beaucoup. A commencer par un échange de bon procédés : vous nous balancez, on fait de même. Votre désir si cher de rejoindre Marie-Joie deviendra publique, Stone s'en chargera personnellement. Et vous pourrez dire adieu à votre petit coin de paradis sur la ville des Dragons Célestes pour toujours. Sans compter que le reste de vos jours sera écoulé soit dans une cellule, soit sur la potence.

Terminant mon discours à quelques centimètres de son faciès, je me replie brusquement pour revenir m'asseoir sagement sur la chaise qui m'a été attribuée.

- Je suis bien au courant de tout cela, merci. tremble spasmodiquement la bonne femme, cherchant à se maîtriser après un tel ascenseur émotionnel. Je suis assez intelligente pour trahir la révolution mais pas assez idiote pour me mettre à dos l'armée qui contrôle la quasi-intégralité des quatre océans.

Je conserve quelques secondes supplémentaires une attitude nonchalante. Un regard noir et méprisable envers la traîtresse en qui je n'ai pas réellement une confiance absolu. Il me manque toujours quelque chose pour être sûre qu'elle conservera sa langue dans sa poche. Comme semblant lire dans mes pensées, la noble laisse trainer son ongle finement manucuré sur les striures marquées dans le bois de son bureau.

- De plus, j'ai une information capitale à vous transmettre, là, maintenant. Et si la rumeur venait à s'ébruiter que c'est moi qui vous l'ai dit, il ne me resterait plus qu'à sauter par la fenêtre et prier pour une mort rapide et indolore.

Intéressant. La conversation atteint le paroxysme de son intérêt et tout semble découler de fil en aiguille assez facilement. Je lui fais signe de continuer, à nouveau paisible et satisfaite.

- Il existe désormais, à la place de l'ancien palais royal, une école. Un gigantesque établissement qui forme les enfants et adolescents des quatre quartiers à divers enseignements. L'objectif est de briser l'ordre établi et permettre, par exemple, à une enfant d'ouvrier de devenir fonctionnaire après ses études. Un projet très apprécié, notamment par la vieille Marjorie Patcher qui le chapeaute depuis déjà une bonne décennie. Sauf qu'assez récemment, le débat à propos des cours prodigués par les instituteurs et professeurs a été remis sur la table par le Lord Président. Pour cause : la présence pas assez significative de la révolution dans les matières enseignées, avec différentes propositions spécifiques pour, implicitement, créer des enfants soldats. Ou en tout cas les formater pour qu'ils rejoignent la révolution et ne vivent pus que pour remplir les idéaux révolutionnaires.

C'est... c'est magistral. Un scoop, je le tiens. Je ne peux d'ailleurs m'empêcher d'ouvrir une bouche béante suite à cette révélation. La corde est là, il suffit juste de l'enflammer et c'est la révolution qui explose. Changer une école en usine à petits soldats. Du lavage de cerveau pour enfant. Je vois déjà les gros titres venir.

- Actuellement le vote de la réforme a été fixé à l'ordre du jour du prochain conseil de la Chambre des Lords, vendredi prochain.

Vendredi prochain... dans quatre jours. Fantastique, tout se déroule encore mieux que prévu.

- Bien évidemment comme la vieille Patcher est attachée à son école, elle ne laissera jamais une telle décision passer. Et comme il est nécessaire d'avoir la majorité des voix, la réforme sera probablement reportée ou annulée.

Non, ça ne joue pas en notre faveur pour le coup. Cette réforme est un véritable trépied, une bombe prête à exploser pour peu que le peuple l'apprenne. Et il l'apprendra. Mais ça ne sera pas nécessaire, il faut un dernier élément déclencheur. Et celui-ci peut éventuellement être Marjorie Patcher. Enfin, pas la vieille dame en elle-même, mais plutôt sa disparition suspecte à l'orée de la réunion. Une étrange coïncidence qui mettrait assez la puce à l'oreille aux citoyens du royaume pour les pousser à marcher dans les rues. Et si... Et si Guinness Murphys possédait alors la majorité des voix pour valider son amendement, il deviendrait automatiquement le coupable idéal.

- Elle ne sera ni reportée, ni annulée. Il faut qu'elle passe au contraire. avoué-je tout en croisant les mains sur le plan de travail, sérieuse comme jamais.

- Je ne pense pas qu'il soit possible de convaincre la Lady de voter en faveur d'une telle loi.

Elle n'a toujours pas saisi mon sous-entendu. La révision doit passer et elle passera. J'affiche donc un sourire machiavélique, qui la pousse à lever un sourcil interrogateur.

- Je n'ai jamais parlé de la convaincre.
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Cinquième jour des opérations : Cité de Webmaster, dix-huit heures trente.

Fin du travail. Le chemin semble de plus en plus difficile à parcourir entre l'école de Roublard et son humble demeure dans la Cité de Webmaster. Pourtant celui-ci ne change pas, mais le poids des années ne fait que croître sur les épaules de la frêle vieille femme. Elle est consciente qu'elle n'est plus toute jeune et devrait demander de l'aide pour transporter ses lourdes piles de documents, difficilement accumulés dans ses deux valisettes pleines à craquer. Pourtant elle n'ose pas. Ou elle ne veut pas, tout simplement. Elle n'est pas faible et ne veut pas le devenir, quel exemple cela serait pour la jeunesse ? Les enfants ont besoin d'un directrice dynamique et forte. Mais tout de même, à soixante-dix ans. Il s'agirait d'au moins réfléchir à un successeur.

Déjà l'avenir ne semble pas radieux pour l'éducation Lone Downienne. Cet amendement révolutionnaire, une vraie plaie. Détruire la seule chose que la révolution a apporté de bon dans ce pays. Ça et les provisions quotidiennes qui parviennent difficilement à alimenter le royaume en ressources. En matières premières. Et pourtant ils veulent la détruire. Surtout cet infâme Lord Président qui ne montre son vrai visage que maintenant, lorsque les années semblent l'avoir bonifié auprès du peuple. Pourtant la vieille Lady n'oublie pas qu'il s'agit d'un assassin. Un régicide.

C'est donc péniblement qu'elle parcourt son chemin routinier, seule, jusqu'à sa maison. Une maison victorienne sans prétention. L'honorable dame n'a jamais vu l'utilité de s'entourer de choses précieuses. Elle ne tient pas à inculquer l'orgueil à ses disciples et à ses enseignants. Ce n'est pas une qualité, l'humilité oui. Alors elle s'approche de son humble demeure lentement, jusqu'à atteindre finalement la porte et se délester temporairement de ses deux poids. Tourner la clé dans la serrure, débloquer la vieille porte après trois poussées rituelles et rentrer chez soi.

A l'intérieur, il fait sombre. Pourtant le temps est plutôt clair au dehors, mais les pauvres yeux fatigués de la directrice peinent de plus en plus à supporter la lumière du soleil. On la dit bien conservée grâce à ses mèches blondes et à ses fines rides et pattes d'oies qui lui dessinent perpétuellement un visage jovial. Pourtant elle se sait âgée. Lorsqu'elle se voit le matin dans la glace, lorsqu'elle se lève et voit ses pieds meurtris par le temps fouler le plancher craquant. Lorsque la seule chose qui lui reste est son chat. Fifi ? Où est-il d'ailleurs ? Probablement dehors, l'animal passe le plus clair de son temps loin d'elle désormais. Comme ses enfants et ses petits enfants. La vie est encore plus difficile lorsque l'on est seule. Son mari est partie bien avant elle, emporté par un cancer du poumon. Et elle sait qu'elle va suivre, à un moment ou à un autre. Parfois elle espère mourir assez vite pour le rejoindre, parce qu'elle vit seule et qu'elle est triste. Mais c'est uniquement lorsqu'elle est chez elle, autrement les choses vont bien. Ou en tout cas elle le laisse paraître.

Ça y est, à peine rentrée et elle doit déjà faire le ménage. La vaisselle des trois derniers jours, la poussière qui s'accumule trop vite et son châle plein de poils de chat. Fifi ? Non, toujours pas là. Elle s'applique à pousser, épousseter, déplacer, avec sa pelle et son balai. Comme il serait pratique d'avoir un appareil lui permettant d'aspirer les vilaines choses par terre, trop basses pour son pauvre dos. Mais non, elle doit se baisser, malmener sa colonne vertébrale. Car elle est seule et que personne ne le fera à sa place. Pas de femme de ménage, pas d'aide soignant. Elle refuse tout ça, elle veut la paix et l'autonomie. Elle n'est pas encore gâteuse, elle a des choses à enseigner. Des tas. L’œuvre de sa vie en tant que grande littéraire du pays, grande scientifique et chercheuse émérite. Et elle n'a même pas contribué à l'invention d'une machine capable d'aspirer la poussière. Déception et dépression chronique. Mais la vieille dame est habituée, elle regrette beaucoup de choses. Au moins autant que tout ce dont elle est fière d'avoir accompli.

Bref, demain le conseil se réunit. La Chambre des Lords. Un titre qu'elle prend très au sérieux, en tant que doyenne parmi ses confrères et ses consœurs. Elle est la plus vieille de tous les Lords et Ladies qui ont existé, une mention qu'elle emportera dans sa tombe. Au moins jusqu'au prochain. Mais heureusement sa position ne se limite pas à ça. Malgré sa solitude et sa fatigue, elle arrive encore à tenir grâce à une raison symbolique et magnifique. Une chose dont elle est fière : l'amour que lui portent les habitants du royaume. On l'appelle "la Petite Mère" ou encore plus communément "Maman". On se sent proche d'elle et elle se sent proche de ses concitoyens. Elle leur rend visite régulièrement, elle vit parmi eux. Elle ne comprend pas ces autres Lords qui ne profitent pas de cette opportunité d'aimer et d'être aimé. Sauf peut-être Will Stone, ce vieux rabougri. Mais pas les deux autres. Ni même Guinness, ce révolutionnaire imbu de lui même. Ce monstre qui veut transformer ses pauvres enfants en zombies. En chair à canon. Il est hors de question que ça arrive.

Cette pensée éveille automatiquement en elle un sentiment d'énervement et de frustration. Elle s'acharne donc à nettoyer plus vite, plus fort. A récurer les assiettes pour en effacer les taches de nourriture. Quand un bruit se fait entendre. Fifi ? Non, pas de réponse. Son chat aurait miaulé. Il n'aurait pas tardé à venir se glisser contre ses jambes et à rouler sur le dos. Pourtant le bruit est proche. Quelque chose qui est tombé avec le vent peut-être ? Elle ne se rappelle pas avoir laissé la fenêtre de sa chambre ouverte. Alors elle s'interrompt dans sa besogne et commence à grimper les escaliers. Difficilement et lentement, car ses vieux os la font souffrir. Car ses jambes tirent lorsqu'elle fait un pas de plus. Cette journée a vraiment été fatigante. Elle recommence. Une dernière fois : Fifi ? Sa voix trahit un certain malaise. Une peur inexplicable. "Et si ?" Mais rien du tout, pas de conditionnel. Elle ne croit pas qu'il existe une personne assez malhonnête pour venir se glisser chez elle et lui faire peur. Pas les enfants du quartier, ils ne feraient jamais ça. Ils l'adorent car elle est si vieille, si âgée et si seule. Et elle leur donne toujours des bonbons et des biscuits. Et du thé, qu'ils jettent systématiquement dans ses plantes, discrètement. Mais elle le voit bien.

Non ce ne sont pas des enfants. Et ce n'est pas Fifi. Mais la fenêtre, elle, est belle et bien grande ouverte. Aurait-elle oublié ? Elle prend le réflexe de la fermer tous les matins pourtant. Il pleut tellement ici, ça serait inconsidéré. Alors elle s'avance dans sa petite chambre, étrangement sombre. Ah, le temps qui fait encore des siennes. Il va pleuvoir bientôt. Puis... Non, non elle a dû halluciner. Elle devient trop vieille, décidément. Serait-ce la démence qui l'atteint ? Qui lui fait voir des ombres ? Elle s'est déplacée dans le coin de l'un de ses yeux, furtive. Elle ne se tromperait pas en affirmant que celle-ci était près de sa commode où elle range ses vieux bijoux. Des antiquités sentimentales sans valeur pécuniaire. Elle vérifie : non tout est là. Elle se fait des idées. A force d'être vieille. Et seule. Un miaulement se fait d'ailleurs entendre en contrebas. Fifi, il est là. Alors elle s'en retourne vers les escaliers. Elle voit déjà le moment où son gentil matou va lui demander des croquettes. Car elle adore le nourrir. C'est son petit protégé, son enfant. Ce qui lui reste pour ne pas être toujours seule. Alors elle recule. Elle se retourne, souriante. Cette pensée lui donne le cœur léger. Il en faut peu pour être heureux, décidément. Et si elle arrive à le faire comprendre aux autres, alors ce pays sera déjà moins sombre. Mais son déplacement est soudain interrompu. Tout se joue en quelques centièmes de secondes. Elle s'est retournée et quelque chose de froid lui comprime la poitrine. Elle sourit toujours, innocente. Quand la balle part.

Bakam !

Elle s'écroule, la vieille dame. Toujours souriante. Toujours entreprenante. Elle aurait voulu aider plus. C'est ce qui la chagrine. C'est sa dernière pensée tandis que son cœur s'arrête. Tandis que sa bouche vient dégorger un liquide rougeâtre et poisseux. Allongée sur le côté, elle regarde les marches de l'escalier. Elle voit l'ombre descendre, elle reconnaît les formes voluptueuses d'une jeune femme sous l'étrange tenue noire moulante. Mais ses yeux refusent de dessiner ses traits. Ils sont vieux, aussi vieux qu'elle. Et elle est seule. Si seule. Mais elle sourit, car c'est le meilleur moyen d'aborder la mort. Elle a souri toute sa vie, elle sourira toute sa mort aussi. Et Fifi ? Il trouvera quelqu'un. Il ne sera pas seul. Juste elle, seule et vieille. Et mourante, plus que jamais. Une dernière bouffée d'air avant que ses convulsions ne l'achèvent. Avant que son corps ne cesse de bouger. D'être mu par la vie.

Et il reste là. Seul et vieux. Allongé dans un bain de sang. Jusqu'à ce que les secours arrivent, enfoncent la porte et la découvrent. La pauvre Marjorie Patcher.

Sixième jour des opérations : Lone Down, dix heures du matin.

Aujourd'hui le peuple déplore sa perte. Celle de la mère de tous. La maman de Lone Down. Car elle était si forte, si brave et si aimée. Mais lorsqu'elle est morte, on l'a retrouvée si fragile, si vieille et si seule.

Et pourtant elle souriait pour l'éternité.
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Sixième jour des opérations : Asthirite, dix heures.

Quand tout marche. Quand tout va comme sur des roulettes. Comme sur ces étranges wagons des mines, fixés dans leurs rails. Cette perfection perfectionniste et cette symétrie parfaite faisant jaillir les plus beaux chefs d’œuvres naturels.

J'étais satisfaite.

Mais peut-on en dire autant de mon camarade, celui à l'origine de cette demande, de cette mission, transi d'être en partie responsable de la mort de Marjorie Patcher ?

- Cela fait tellement étrange... d'être un assassin.

- Tu n'as assassiné personne. Combien de fois il va falloir te le répéter ? La seule chose dont tu t'es chargé dans ce plan, c'est le moins ingrat. Faire courir la rumeur par rapport au conseil de cet après-midi et de la réforme. C'est tout ce que tu as fait.

- Je sais, mais je suis responsable de tes actes, Amanda. Je suis celui qui t'a mandé.

- Tu n'es pas responsable de mes actes. Le Gouvernement Mondial est responsable de mes actes.

- Je n'avais jamais tué d'innocent en tant que Marine, pour le Gouvernement Mondial...

- Parce que ça n'est pas un travail de Marine. Raison de plus pour que l'on ne te suspecte jamais. Ni toi ni moi. Nous ne faisons que saisir l'opportunité qui se présente. Se rallier au peuple qui se soulève, faire entendre notre voix, s'instaurer en tant que figure de cette rébellion et rebâtir le royaume.

- Je ne suis plus sûr d'y arriver... Je ne pense pas pouvoir leur mentir... faiblit le gaillard.

Auparavant si guillerette, me voilà désormais fumante. Saisissant le prince et ses sentiments de femmelette par le col, je lui en décroche une bonne dans la poire, espérant lui remettre les idées en place. Je fulmine, carrément.

- Je ne me suis pas faite autant chier pour que tu viennes me balancer ta faiblesse et ton ingratitude à la gueule. C'est ton royaume, ton peuple. Tu en fais ce que tu veux. Tu peux bien comprendre que peu importe les moyens, seul le résultat compte ? Tu as oublié de penser à l'avenir de ton pays ? A cette école de révolutionnaires qui se forme ? C'est petit à petit que Lone Down va sombrer dans la démence et l'anarchie. Alors maintenant il faut agir et reprendre ton royaume en mains, car sinon il va dépérir et s'autodétruire. Tu sais que tu en es capable, tu ne veux juste pas affronter la dure réalité. Oui, l'une des Ladies a dû mourir, mais des innocents survivront. Et le printemps refleurira quand Murphys sera capturé et derrière les barreaux et toi Lord Président. Tu as oublié comment ton père est mort ? Tu veux que d'autres subissent la même chose ? Car ça arrivera, tôt ou tard. C'est ce que la révolution fait et ce qu'elle fera toujours. Tuer des innocents pour se protéger, pour incriminer le Gouvernement Mondial. Pour se faire passer pour les défenseurs du bien et les protecteurs des pauvres et des faibles. Mais toi tu connais la vérité tout autant que moi. Maintenant redresse-toi et agis comme le prince que tu es. Ou le Commodore de la Marine, comme tu préfères. Pour la Justice de Lone Down !

Transitant par bons nombre d'expressions faciales, les yeux progressivement plus écarquillés, l'homme semble regagner de l'aplomb à la suite de cette dernière ovation. Comme je lui intime donc, il bombe le torse et se regonfle de vitalité. Sa corde sensible, le royaume, l'aide à ne pas perdre espoir. J'espère qu'il n'y aura pas besoin de revenir là-dessus.

- Tu as raison Amanda. Je comprends désormais pourquoi la reine Farewell t'a choisie comme sa Protectrice du Royaume.

- Et j'espère que tu ne l'oublieras pas, cette fois-ci. Nous allons rétablir l'ordre et la paix. Mais pour ça il reste encore quelques petites choses à faire.

Maintenant que l'esprit de mon interlocuteur est opérationnel, nous pouvons désormais aborder les différents événements qui ont eu lieu ces derniers jours. Car le peuple gronde, dans la rue. Il pleure la perte de sa mère, mais il enrage aussi pour cette rumeur que l'on a fait courir progressivement, gonfler de jour en jour. Depuis ma rencontre avec Lady Quinn Elizabeth.

C'était donc Peter qui s'en était chargé. Et il l'avait bien fait. Le lendemain, au petit matin, le mot courait déjà chez les mineurs, tandis que ceux-ci foraient la pierre et creusaient la terre pour dénicher le fruit de leur labeur. Bientôt les mines étaient infestées, alors elles ont débordé. Le jour suivant, les potins ont atteint les ouvriers, parmi les premiers concernés par l'avenir de leurs enfants. Ceux ayant aussi le sang le plus à chaud, au vu de la précarité de leur quartier. Ce sont bien les ouvriers les plus nombreux, mais aussi ceux les moins bien payés et à même de se soulever le plus rapidement. Pour la moindre petite chose. Alors ils ont fait entendre leur voix. Le quatrième jour, la rumeur s'était étendue aux fonctionnaires qui ont choisi de faire grève et les ingénieurs qui ont rallié les ouvriers. Tout s'est déroulé bien trop vite pour que le gouvernement en place puisse faire quoi que ce soit. A part mettre les gardes aux portes de la Cité pour endiguer la marée vivante.

Au soir de cette dernier jour, Marjorie Patcher a été retrouvé assassinée dans sa propre demeure.

La figure de la protestation contre la réforme. Maintenant que celle-ci était devenue publique, elle s'était emballée à prôner le calme et la sérénité, la manifestation passive. Mais elle rejoignait aisément les idéaux des manifestants. Elle voulait voir cette réforme disparaître à tout jamais. Qu'elle ne soit jamais remise sur le tapis. Elle s'inquiétait même d'un passage en force grâce à l'article Carranough-Twah. Une mesure prédictible.

Et elle avait été assassinée.

Il est dix heures aujourd'hui et la foule est plus que jamais véhémente. Un seul débordement de la part des gardes et des forces de la révolution, monopolisées elles-aussi pour calmer les soulèvements de part et d'autre de la ville. Une seule giclée de sang. Et la rébellion passive se transforme en révolution. Ha, quelle ironie. Une révolution contre la Révolution. Un beau bras d'honneur aux valeurs révolutionnaires.

- Il ne nous reste plus qu'à gagner la confiance des deux autres juges restants. Et avec les gardes des quatre quartiers ainsi que tout le peuple de Lone Down, nous devrions pouvoir traverser les forces ennemies de part en part. La reddition se fera rapidement. Du moins je l'espère, mais je ne vois pas d'autre solution pour eux. Ils seront en infériorité numérique et débordés de toutes parts.

- Will m'a dit que si Murphys profitait de l'absence de Marjorie pour faire passer sa réforme, il rejoindrait notre cause.

- Comme prévu. Ils ne sont plus que quatre à décider et je me suis bien assurée que Lady Elizabeth vote en faveur de l'amendement. Stone non. Il reste Builder.

- Builder est corrompu jusqu'à la moelle, mais loin d'être un idiot. S'il a eu vent de la rumeur comme quoi Murphys est à l'origine de la mort de Marjorie, il ne viendra pas placer sa tête sous le couperet.

- Alors si le Lord Président décide de ne pas reporter le vote malgré tout ce qu'il est en train de se passer, la réforme devrait théoriquement passer.

- Reste à savoir si Murphys est assez aveugle pour faire cela.

- Il le fera. Je ne pense pas qu'il ait le choix. Cette idée d'école révolutionnaire, ça doit mijoter depuis un paquet de temps dans son crâne. Surtout que l'idée doit venir d'en haut. Il ne fait qu'obéir.

- Alors ses supérieurs le font courir à sa propre perte.

- Car ils ne savent pas ce qu'il est en train de se passer. Ou refusent d'y croire, peut-être. C'est assez dystopique comme situation, pour la révolution. Et très soudain. Ils n'escomptaient pas la fuite de cette information, qui a dû être mise sur le dos de la vieille Marjorie à titre posthume.

- Pauvre femme...

- Plus rien de mal ne peut lui arriver désormais.

Si ça peut le consoler. Mais je ne crois pas que ça fonctionne. Au lieu de cela, le bonhomme me renvoie un regard dépité. Peu importe. Campés chacun à un coin de notre table, dans notre quartier-général, il ne nous reste en vérité plus qu'une seule chose à faire désormais.

Attendre.
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