Recherches en eaux troubles



Un homme au visage marqué par le temps était en train de se promener dans les allées de la rue des bars, non loin du centre-ville. Cette homme de la cinquantaine avait le visage fermé et tentait d’esquiver tous les regards, même si certains des passants avaient eu vent de sa véritable identité. Il attirait sans doute l’attention à cause du poulpe qui était accroché à son épaule et qui semblait un brin stressé. Visiblement  à la recherche de quelque chose, une adresse vraisemblablement, l’homme enchaîna les rues. Jean Patrique car tel était son nom, continua sa traversée en faisant attention de vérifier chaque enseigne, jusqu’au moment où il s’arrêta face à une maison d’un style plutôt classique, qui ne se démarqua guère des autres, mais qui avait pour particularité une devanture avec écrit en gros

« Rupert Brown Agency, car la vérité se trouve ici ! »

Patrique inspira un grand coup et demanda au poulpe si il n’était pas trop tard pour faire demie-tour, mais la créature ne lui répondit pas. Il frappa donc et n’entendit aucune réponse, si bien qu’il entra et se dirigea vers la porte du fond qui était indiquée par des flèches. Prenant son temps, il entendit une succession de Ping et de Pong qui le laissa perplexe. Une fois devant la porte, il l’ouvrit tranquillement et vit alors passer une balle rebondissante

-Vous pourriez frapper avant d’ouvrir ! lançai-je à l’homme qui me faisait face
-Excusez-moi monsieur Brown, mais j’ai une affaire pour vous.
-Vraiment ? Fallait commencer par-là mon brave… Tenez asseyez-vous !

L’homme ferma la porte tandis que j’enlevai mes pieds du bureau. Une fois en place, celui qui s’avère être un futur client me raconta toute son histoire

-Comme vous le savez sans doute déjà, la révolution et la marine ont eu une échauffourée ici même il y a peu de temps…
-Si pour vous une échauffourée cela veut dire la destruction d’une grande partie du centre-ville, effectivement c’était une petite altercation…
-Là n’est pas le propos, si j’suis ici, c’est pour que vous retrouviez un de mes amis disparu.
-Un révolutionnaire j’imagine ? Ce n’est pas le boulot de votre hiérarchie que de les retrouver ?
-Vous savez, je commence à croire que j’suis qu’un pion pour la révolution, comme l’était Wade !
-Wade ? Vous voulez parlez de votre ami ?
-Oui tout à fait et voici Poulpy son compagnon ainsi que celui de Bradstone.
-Richard Bradstone ? J’ai entendu dire que le bateau qui devait l’amener à Ennie Lobbies avait subi l’attaque d’un roi des mers…
-Vraiment ? C’est une perte bien regrettable pour la révolution… C’était un bon vivant en plus d’être un type sympa, en tout cas il savait mener ses hommes.
-Comme le disait ma mère, tant que l’on pense à quelqu’un celui-ci ne meurt pas.


L’homme s’était arrêté de parler et lâcha même une larme suite à mes propos. Je ne voulais pas le blesser ou alors était-il tout simplement ému par le dicton de ma mère. Quoi qu’il en soit je me devais de faire avancer les choses pour ne pas rester toute la journée ici

-Un mouchoir ?
-Non ça ira… Où en étais-je ?
-Vous me parliez de Wade qui était visiblement porté disparu et dont la révolution n’a même pas cherché à le retrouver…
-Ah oui c’est vrai ! On nous prend vraiment pour des billes à la révolution ?
-C’est le cas de le dire, mais ça c’est un autre discours…
-Donc voilà, je veux que vous enquêtiez sur la disparition suspecte de Wade.
-Vous auriez des pistes à me suggérer ?
-Tout ce que je sais, c’est que des types m’ont dit qu’ils l’avaient vu la dernière fois près du port.
-Le port de Luvnellgraad donc… Autre chose ?
-Non pas que je sache… AH SI TENEZ !

Jean Patrique me tendit un carnet fortement usé mais dont les pages étaient encore lisible

-Je ne sais pas si ça pourra vous aider, mais c’était les seules affaires de Wade et de Bradstone
-Merci.

Alors que je commençai à feuilleter le carnet, le poulpe rampa sur mon bureau en marbre avant de continuer sa course sur mon épaule. Hésitant entre lui donner un coup de poing et une mandale, mon client m’expliqua que Poulpy, tel était son nom, aimait facilement les gens, surtout quand ils ont à manger.

-Ca vous direz pas par hasard de le garder ?
-Que voulez-vous que je fasse d’un poulpe ?
-Sans ses propriétaires, il n’y a peu de chance qu’il survive longtemps quand on voit l’état de nos cantines.
-Mais vous êtes horrible ! Vous n’avez aucune honte à vouloir manger un animal aussi sympathique ?
-Ca veut dire que vous voulez bien le garder ?
-Oui, mais qu’à la seule condition que je puisse changer son nom !
-Vous voulez l’appeler comment ?
-Swanson .
-C’est plutôt cool comme prénom.
-Je ne sais pas d’où cela m’est sorti, mais j’ai trouvé ce nom très approprié, très viril...

La discussion continua pendant un long quart d’heure avant que l’homme ne prenne la porte, me laissant avec un poulpe et un carnet remplis de propos insensés.



    Après quelques interrogatoires auprès des travailleurs du port et de passant, aucun ne vit l’homme que je recherchais. Je dus donc me débrouiller tout seul pour découvrir de nouveaux éléments probants. Pour cela, je me dirigeai vers une droguerie à côté de l’agence qui avait le don de vendre tout et n’importe quoi. Certains disent qu’il s’agissait d’un prêteur sur gage, mais pour ma part le vendeur ne m’avais jamais fait de remise, sans doute avait-il vu que je n’étais pas un pigeon comme la plupart de ses clients. Quoi qu’il en soit, j’étais dans l’obligation de faire une halte par sa boutique pour pouvoir avancer dans mon enquête.  Ouvrant la porte en bois qui grinçait comme pas possible, je me retrouvai face à des étalages de toutes sortes… parfum, alcool, légumes, fruits ou matériaux de bricolages, autant dire qu’il y avait de tout dans ces quelques mètres carrés. Alors que je scrutais scrupuleusement les articles susceptibles de m’intéresser ; le vendeur, un homme d’une quarantaine d’années à l’embonpoint bien développé, me fixa pendant un moment avant de me lancer

    -Je peux vous aider ?
    -Oui, c’est-à-dire que j’aimerais bien faire de la plongée…
    -De la plongée ? Ma foi vous êtes bien le premier à me demander une telle chose…
    -Vous savez c’est pas compliqué, il me faut juste une paire de lunettes et un tuba.
    -Un tuba ?
    -C’est une sorte de tuyau qui permet de respirer sous l’eau.
    -Désolé j’ai pas de tuba, mais j’ai bien un vieux tuyau qui pourrait pour servir, quant aux lunettes, j’ai bien une paire, mais je ne sais pas si elles vous plairont…
    -Vous savez je n’ai pas l’intention de monter sur le podium, j’ai juste besoin de plonger un moment.
    -Pourquoi donc si ce n’est pas indiscret ?
    -Pour une enquête en cours qui sera surement plus compliquée tout ce que j’ai pu faire jusqu’à présent.

    L’homme s’en alla dans réserve à la recherche du matériel, pendant que je m’imaginais tout un tas de scénarios sur mon enquête. Si la révolution et la plupart des gens pensaient que Wade était mort, j’avais comme l’intime conviction qu’il s’agissait d’un coup monté et qu’il était quelque part en vie. Mais pour prouver tout ça, je devais d’abord trouver un indice pouvant m’aider, sinon j’allais me retrouver dans une impasse. Le vendeur revint après cinq minutes avec le matériel, en me demandant au passage 10 000 berries.

    -Hérésie !
    -Quoi donc ?
    -10 000 Berries ? Vous me prenez pour un dragon céleste ?
    -Un quoi ?
    -Laissez tomber…

    C’est avec hésitation que je lui tendis l’argent et un sourire vint se figer sur son visage. Je pris la porte aussi vite que je l’avais ouverte, puis je me dirigeai vers le port de Luvnellgraad. L’agitation était à son paroxysme dans les rues sinueuses du quartier suite à l’Operation Théolinus. Bien que les faits aient surtout touché le centre-ville, les quartiers environnants vivaient dans la peur de se faire attaquer de nouveau par les agents du gouvernement ou les révolutionnaires. Cet incident fit remonter les rancœurs de ses habitants envers la révolution, mais aussi le gouvernement mondial qui n’avaient pas respectés certains accords écrits. Certains crièrent même à une vraie indépendance de Luvneel, mais les détracteurs firent rapidement leur apparition. C’est donc au sein de cette atmosphère tendue que j’avançai tranquillement vers mon objectif que je vis quelques dizaines de mètres plus loin. Un tuyau en plastique et une paire de lunettes à la main, je me mis sur un ponton sur lequel aucun bateau était amarré et qui en plus de cela était bien à l’abri des regards. Je mis mes lunettes sur la tête avant de me retourner vers le poulpe

    -Je me demande par où commencer, t’as une idée Swanson ?
    -Plup Plup !
    -T’as raison, commençons par fouiller dans l’eau !

    Armé d’un tuyau de plastique, je plongeai dans l’eau à la recherche d’un indice susceptible de me faire avancer dans mon enquête. L’eau était trouble et les rejets de la ville ne m’aidaient pas à voir clair. Je me contentai donc de suivre Swanson qui avait l’air de savoir où il allait, même si je trouvais qu’il se dirigeait un peu trop profondément dans l’eau pour moi. Ma vision fût juste, car je commençais à perdre connaissance, ce que vit le poulpe immédiatement. Dans un effort surhumain, je  remontai dans l’eau, mais perdit le contrôle de mon corps à peine sorti la tête de l’eau. L’animal m’aida en me crachant de l’encre à la tête, puis en me frappant avec ses tentacules. Je me mis à flotter en direction du port alors que le poulpe avait disparu. Il devait sans doute en avoir assez de moi et me laissa à mon triste sort. Mais ma surprise fût grande quand je le revis quelques minutes après, avec un marcel tacheté de sang qui l’entourait. Posé sur le ponton que j’avais réussi à attraper quelques secondes auparavant, je pris le marcel et Swanson, car une discussion s’imposait

    -Kuf kuf, tu penses que cela appartient à Wade ?
    -Plup Plup ! ajouta Swanson en crachant de l’encre en l’air.
    -Si tu le dis ! Du coup tu penses qu’on devrait chercher des traces de sang dans le coin ?
    -Pluuuuuuuuuuup !
    -Ca tombe sous le sens ! Mais je te rappelle que c’est un quartier malfamé…
    -Pluuuup…
    -T’as raison, c’est vrai que la marine a une base dans le coin !

    Après une pause bien méritée, le temps pour moi de sécher mes vêtements, je pouvais me remettre à enquêter avec l’aide de Swanson.






      -Dit gamin ! T’aurais pas une pièce par hasard ? me lança un mendiant
      -Non, mais par contre je connais quelqu’un qui pourrait vous donner un job.
      -J’en veux pas de ton job, je veux des berries !
      -Pas de bras, pas de chocolat !
      -Hein ?
      -Bah pas de bras pas de chocolat ! Pas de boulot, pas d’argent…
      -J’aime pas les types arrogant dans ton genre !
      -Je veux vous donner un emploi et voilà comment vous remercier ! Vil youpin des basses cours…
      -Comment que tu m’as appelé ? REPETE UN PEU POUR VOIR !

      L’homme continua de s’exciter tout seul devant moi, quand je pris la sage décision de quitter l’entrée de la ruelle dans laquelle je voulais me diriger pour continuer ma route. Le mendiant me fixa un long moment et me suivi même sur plusieurs dizaines de mètres, avant de se rendre compte que je l’avais vu. Il se mit alors en plein milieu de la rue peu fréquentée, cria un grand coup afin que je me retourne. Content que sa stratégie ait payé, il n’avait cependant pas prévu qu’un événement au milieu d’une ville pouvait attirer les mégères.

      -ET TOI LA !
      -Oui ?
      -VIENS TE BATTRE !
      -Pas le temps pour de telles inepties, j’ai une enquête à mener !
      -Une enquête ? Encore un pseudo détective gurarararahahaha.

      La pic était sortie avec une telle facilitée et malgré tout elle faisait très mal. Je n’étais pas du genre susceptible, mais je n’aimais pas que l’on m’attaque sur ce que je sais faire de mieux, surtout par le premier venu. Je m’approchai tranquillement de lui avant de préparer un coup de poing, mais visiblement il vit ma manœuvre et se mit en position défensive

      -Alors maintenant tu veux te battre ? J’ai été double ceinture noire de jujitsu aéronautique !
      -J’ai un pistolet et un poulpe !

      Le mendiant me vit prendre l’arme dans mon manteau, alors il se rua sur moi et frappa d’un grand coup dans le bras, ce qui fit virevolter le pistolet dans les airs. Désarmé, je pris Swanson de mes deux bras et le tripota pour qu’il crache de l’encre et cela marcha. La cécité l’envahit durant quelques secondes, ce qui me suffit pour lui asséner deux uppercuts et un crochet du gauche. Le mendiant qui tapait un peu au hasard tomba au sol, ce qui me permis de le frapper encore un coup. L’intelligence était un fort chez moi, mais on ne pouvait pas en dire autant de ma dignité. Je tentais donc de lui donner des coups de pied, mais en plus de les esquiver, l’homme se releva et fonça sur moi. Il avait retrouvé tous ses sens et j’allais en faire les frais. Je me devais d’agir et vite, si bien que je me mis à courir prés de mon pistolet qu’un enfant était en train de ramasser non loin de là

      -Du balais le marmot c’est mon arme !
      -Euh…

      Je fus le plus rapide à ramasser l’arme et je me tournai vers le mendiant qui était juste derrière moi. L’homme s’arrêta essoufflé, toujours avec de l’encre sur la tête, mais également ivre de colère. Quant à moi, je restai stoïque même si mon moi intérieur était bouillonnant et avait envie d’en découdre. Cette idée traversa mon esprit et s’en alla aussi vite qu’elle était arrivée. Il était en effet inconcevable que je puisse tuer quelqu’un dans la rue, qui plus est devant des civils et le tout en période de crise. Je jouai donc le bluff

      -Bouge plus où je te tire une balle dans la tête !
      -T’as vu le monde autour de nous ? Tu penses vraiment que je vais te croire ?
      -Tu as raison…

      Le mendiant fonça donc sur moi en se disant que je n’allais pas tirer, mais quelle grossière erreur. La balle partit du pistolet pour aller se loger dans le bras gauche de mon adversaire, provoquant au passage un bruit sourd. Du sang commença à couler dans la rue et des habitants étaient déjà sur le qui-vive pour rameuter la marine. Mon but n’étant pas de provoquer un tapage, je lançai une bourse de dix milles berries à mon adversaire et un tissu qui pourrait faire office de bandage. L’homme cria et en profita pour sur jouer, comme pour me faire passer pour un monstre. Je profitai de l’instant pour m’éclipser en direction de rues adjacentes au port afin d’être tranquille, mais également pour faire avancer mon enquête. Après plusieurs heures de durs labeurs, je vis ce qui ressemblait à des tâches de sang qui étaient visiblement là depuis de nombreux jours. Cela pouvait être tout et n’importe quoi, mais la trainée se dirigeait vers le camp de la marine. La nuit commença à tomber, mais j’avançai en direction de la base de la marine afin d’avoir le fin de l’histoire





        Non loin devant moi, un groupe de trois hommes étaient en train de prendre leur pause cigarette à proximité immédiate du portail de la garnison. Le lieu ne payait pas de mine et se fondait d’ailleurs bien dans l’ensemble architectural, bien que la muraille qui en faisait le tour n’était pas des plus distinguée. Je m’approchai d’eux tout en cherchant une excuse pour les accoster, ce qui visiblement était plus compliquée qu’il n’y paraissait. Une fois à leur auteur, le plus âgé des trois de fixa un long moment comme pour me dire « tu veux quoi », auquel je répondis

        -Auriez-vous une cigarette à me dépanner s’il vous plait ?
        -Ouer ça doit bien pouvoir se faire. ajouta le plus jeune de la bande
        -Puis je l’ai vu ce révo, je l’ai attrapé par le col avant de lui en foutre une bien placé et ça jpeux tdire qu’il s’en souvient encore… Putain c’est toi Rupert ?
        -Ça fait un sacré bail Jean Pierre, la famille va bien ?
        -On fait aller, c’est pas la grande forme mais ça va passer…
        -Tu nous le présente ton pote ?
        -C’est Rupert Brown les amis, sans doute l’un des meilleurs détectives de Luvneel ?
        -Et il a quoi à son actif ton pote Rupert ?
        -C’est notamment moi qui vous ai donné le tuyau concernant l’usine Toutsy…
        -T’es en train de me dire que t’es le responsable du démantèlement de ce réseau ? me demanda le jeune marin
        -Il y a de grosses chances que ce soit le cas.
        -Et le gouvernement n’a jamais pensé à te recruter ?
        -Si une fois, mais disons que je suis un électron libre, que les chaînes du Gouvernement Mondial ne m’enchante guère… Dis Jean Pierre je peux te parler deux minutes ?
        -Ouer vas y, de toute ils avaient fini leur clope.

        Après que les deux marins eurent fini leur cigarette, nous nous dirigeâmes dans une ruelle discrète à quelques pas de là, afin d’être sûr de ne pas nous faire entendre. Jean Pierre me regarda d’un œil interrogateur, se demandant ce que je voulais lui demander. J’hésitai quelques secondes sur la façon d’aborder le sujet, puis je me lançai

        -Dis-moi, tu te souviens du passage de Ventura sur Luvneelgraad ?
        -Un peu que jm’en souviens, Bradstone et sa clique ont détruit la moitié du centre-ville…
        -De ce que j’ai vu, c’est plus Morneplume qui a provoqué ce souk que la révolution !
        -Si tu le dis…
        -Fin bref, je m’en fiche un peu de tout ça...
        -Aboule dans ce cas, jsuis pressé !
        -Je recherche un homme que vous avez sûrement attrapé… Je ne sais pas à quoi il ressemblait, mais je sais par contre qu’il était au port avant de venir ici.
        -Je ne vois pas de quoi tu parles…
        -Bizarre… C’est exactement ce que j’étais en train de m’imaginer sortir de la bouche de ta femme quand je vais lui dire pour tes frasques lors de déplacements.
        -T’OSERAIS PAS ? lança-t-il avec colère
        -Tu parles que je vais me gêner ! Si jusqu’à présent je n’ai rien dit, c’est juste parce que tu m’étais utile, mais maintenant que tu ne veux rien m’avouer, plus de raisons de garder ce secret plus longtemps…
        -T’es qu’une enflure Brown, tu le paieras un jour ou l’autre !
        T’as certainement raison, mais pas aujourd’hui en tout cas j’ai une enquête à finir… D’ailleurs tu pourrais me dire si t’as vu Wade.
        -Tu parles de ce primé qu’on a retrouvé sur le port ? Je sais pas ce qu’il a de spécial ce type, mais toute la caserne était en fête après l’avoir choppé…
        -Il est où maintenant ?
        -Je peux pas te le dire !
        -J’imagine déjà ta femme te larguer et jeter tes affaires sur le trottoir…
        -T’es au courant que tu pourrais bousiller ma carrière…
        -C’est pas la première fois que ça t’arrive… Et puis franchement, tu crois vraiment que le gouvernement va remonter jusqu’à Jean Pierre Lafrite, seconde classe de la caserne de Luvneelgraad ?
        -T’as un problème avec mon statut ? Et puis tu vaux pas mieux que moi…
        -Sûrement, mais au moins la vérité éclate avec moi !
        -Qui te dis que ces gens sont prêts à voir la vérité.
        -Ce n’est pas mes oignons, on me paie pour la découvrir, pas pour savoir si les gens sont prêts ou non à la découvrir…
        -Ca n’empêche que tu restes un gros enfo**é Rupert Brown !
        -Moi aussi je t’aime bien Jean Pierre, mais je t’apprécierais encore plus si tu pouvais me donner l’endroit où se trouve Wade…
        -Tu sais que tu m’emmerdes profondément là ? une pause pour respirer et réfléchir s’impose J’ai entendu dire qu’il était dans une prison de South Blue…
        -Bah tu vois quand tu veux Jean Pierre ! un blanc de quelques instant s’installe avant la suite Tu sais quoi ? La prochaine fois qu’on se croise je te paie un verre ou même deux vu que tu as été coopératif !
        -Tu restes un beau con**ard !
        -Moi aussi je t’aime !

        Dis-je avant de quitter du regard mon indic pour me diriger vers la cellule révolutionnaire la plus proche. Ce qui est bien dans un royaume comme Luvneel, c’est qu’il n’est pas très difficile de trouver des QG révolutionnaires.



          Pour me rendre dans les quartiers de la révolution de Luvneelgraad, je devais forcément passer par le centre-historique de la ville. Lieu d’un véritable carnage, l’endroit ressemblait davantage à des ruines qu’au lieu vivant que je connaissais et pour cause, la ville avait décidé de fermer le quartier aux touristes. L’endroit servait donc de squat pour les plus pauvres, de lieux d’échanges pour les affaires louches ou encore de lieu pour cacher les cadavres de façon efficace même si la marine n’était pas dupe et qu’elle pouvait parfaitement voir la différence entre un homme mort par balle et un autre mort par les gravats. Des équipes de soldats étaient bien là pour surveiller la moindre parcelle du centre-ville, mais le manque de main d’œuvre limité l’efficacité du dispositif. Ainsi il n’était pas étonnant de voir dans la dernière paru post carnage de l’IneCé que le taux de criminalité dans le quartier avait progressé de plus de 40% en l’espace de quelques semaines, là où d’habitude ce taux était quasiment nul.

          La criminalité n’était pas le seul fléau de ce quartier, la pauvreté l’était tout autant, même si cela n’était rien face à la haine grandissante des habitants. Suite au fameux incident, les habitants en voulait non seulement aux révolutionnaires car c’était soit disant de leur faute si la ville s’était retrouvé dans cet état, mais ils en voulaient également à la marine d’avoir tout détruit sur leur passage et de s’être enfuit comme des malpropres. Le principal fautif, le lieutenant Morneplume et son fruit du démon de la roche. En effet, les principaux dégâts engendrés dans le quartier n’était pas dû à des explosions, mais tout simplement à des mouvements du sol.

          Mais ça le Gouvernement Mondial ne l’avouera jamais, tout du moins il tentera de le cacher aux yeux du monde, même si les gens ne sont pas dupes.

          Mon regard se posa une demi-heure durant sur le spectacle sordide que le paysage m’offrait, avant que je ne quitte ce quartier pour l’allée de la soif comme les locaux avaient tendance à l’appeler. Il s’agissait d’une rue étroite, mais où les bars et restaurants se regroupaient. Ainsi on pouvait déguster des langoustes de South Blue dans un restaurant tout en dégustant un cognac provenant de Little Garden dans le bar d’à côté. Mon choix se porta sur le bar/restaurant au nom évocateur « la surprise de Milly ». La devanture ne payait pas mine, mais l’intérieur était très chaleureux, surtout pour une bâtisse révolutionnaire. J’y fis donc mon entrée, commanda un thé à la demoiselle qui me proposa de faire un choix parmi trente sortes de thés. Après moult débats avec moi-même, je pris le Oolong Darleejing d’Alvel, un thé noir corsé d’après la vendeuse. Je payai ensuite le thé, tout en demandant à la serveuse si elle était la fameuse Milly et quelle était la surprise. La jeune femme se contenta de rigoler et de me donner deux biscuits sablés. Je n’étais pas fan du croustillant de manière générale, mais il fallait avouer que ses gâteaux passaient divinement bien avec le thé. Je sirotai donc mon thé tout en regardant autour de moi, espérant voir un quelconque signe d’activité révolutionnaire.

          Le flegme et l’ennuie s’empara suffisamment de moi pour ne pas finir ma tasse de thé. Fort heureusement,  les choses s’activèrent lorsque je vis sortir d’une porte isolée deux personnes qui ne ressemblaient pas à des clients du bar. J’attendis donc leur départ pour retourner voir la vendeuse à qui je demandai

          -La révolution est installée ici ?
          -En quoi ça vous regarde ?
          -Disons que j’ai une information pour eux susceptible de leur plaire.
          -Une information de quel genre ?
          -Un genre suffisamment important pour le prendre en considération…

          La serveuse frappa trois fois du pied sur le plancher avant de sortir un verre et de le remplir d’un whisky de la région. Je ne comprenais pas ce qui se passait, mais tout me sembla plus logique lorsque je vis arriver quelques secondes plus tard un homme au physique imposant, le crâne dégarni et plus de poils sur le menton que sur la tête. Il me scruta du regard, remercia la serveuse, bu son verre avant de me dire

          -Alors comme ça t’as une info susceptible de nous intéresser ?
          -Tout à fait... Mais comment être sûr que je peux vous faire confiance ?
          -Tu ne serais pas venu si ce n’était pas le cas non ?
          -C’est bien vrai…
          -Du coup tu nous dis ce qui t’amène ou on continu de boire et de ne rien dire…
          -Oui excusez-moi… Un de mes clients voulait connaître la vérité concernant Wade et il s’avére que j’ai découvert quelque chose de très intéressant.
          -C’était qui ce client ?
          -Un des vôtres, un certain Jean Patrique…
          -Jean Patrique ? Je lui ai toujours dis que c’était cause perdue la disparition de Wade
          -Il se trouve qu’il avait raison et que Wade n’est pas mort.
          -Pas mort ? Comment tu sais ça ?
          -J’ai fait ma propre enquête, et il s’avère que votre ami révolutionnaire est sur une prison de South Blue.
          -Sans doute Whipéria… un blanc s’installa pendant quelques secondes Bon sang ! Si tout ça c’est vrai… Putain  va falloir que je prévienne les autres…
          -Et encore une dernière chose !
          -Quoi ?
          -Vous pourriez dire à Jean Patrique de revenir me voir dans mon agence, il y a quelques broutilles dont on doit discuter.
          -Qu’est-ce qu’il a encore foutu ?
          -Rien, juste de simple formalité comme récupérer son poulpe…
          -Il vous a refourgué Poulpy ?
          -Oui, non pas que je n’aime pas cette créature bien au contraire, mais il me semble plus judicieux que vous la gardiez et que vous la rendiez à Wade le moment venu.
          -Il est où en ce moment ?
          -La dernière fois que je l’ai laissé il était juste devant le bar à se battre contre un poisson qui était tombé d’un étalage…

          La discussion continua un long moment. J’en apprenais davantage sur la révolution tandis que l’homme avec qui je buvais apprenait les astuces pour être un bon détective. Je me décidai de partir quand je vis que je n’arrivais plus à tenir debout. La serveuse me donna un verre d’eau que je bus d’une traite, avant de la saluer dignement, de sortir du bar et de marcher au loin afin de décuver.