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Et ils se tiendront à carreau

Trois navires, deux grands et un moyen qui ont pourtant la même particularité, n'avoir que des femmes à leurs bords. J'ai dû temporairement stopper l'aménagement de petite maison à bord du Rōzen Meiden ,ma main encore bandée se remet à peine de ma tentative désespérée à Asterion. Un échec de plus, comme l'avait était mon commandement sur place. Nous allons rejoindre notre prochaine affectation, le vent est dans notre dos, la météo est clémente également. Est-ce que ce sera la meilleure nouvelle de la journée ? On verra ça quand on aura rejoint la flotte du contre-amiral. Les trois navires sont en formation malgré le fait que cela ressemble décidément plus à une sorte d'escorte civile ou un amas de navires divers qu'a une formation sérieuse.

Les jours ont été long et se sont tous ressemblé, j'ai pris le coup et j'apprécie de m'occuper des recrus principalement. D'un côté, j'essaye avec un peu de mal de jouer le bâton en étant sévère, avec relativement peu d'efficacité et les pauses au salon de thé plus ou moins improvisé sont une des carottes à bord de mon navire... Enfin, celui sous mon commandement direct, mais c'est un point de détail.  Des journées d'exercices, de manœuvres diverses et d'amélioration physique, mais pas que, aussi s'assurer qu'elle comprennent ce qu'est la marine, qu'elles soient prêtent à protéger et servir. On a eu des pertes et on en aura encore, j'ai eu tout le temps de pleurer à Astérion, maintenant je vais de l'avant et laisse un sourire sur mon visage, elles savaient ce qu'elles faisaient, ils savaient aussi dans quoi ils se sont engagés.

C'est au milieu de ce train de vie quotidienne que finalement, on nous annonce que la flotte que l'on rejoint est en vue. Comme prévu, on se prépare pour le salut, le garde-à-vous de masse en position et en rang sur le côté du navire. Les signaux s'échangent, les vitesses sont adaptées et finalement on les voit et... Par la barbe de mon père, qu'est-ce que c'est que ça ?! Mon sourcil droit se lève tellement haut en voyant ce qu'on approche qu'il a bien failli se décrocher pour flotter au-dessus de ma tête. Je ne suis pas la seule à penser cela et encore moins celle qui cache le moins sa surprise. En face de nous c'est un mélange grossier et décadent d'hommes dans des tenues plus ou moins improbables mélangeant allègrement des tenues civiles et des parties d'uniforme trouée et rapiécée. C'est la division clownesque ? Ils ont eu un problème de matériel ? Une infestation de mites géantes et de gnomes voleurs de slips ?

Évidemment, inutile de préciser que de leurs côtés aucun effort n'a été fait pour montrer son respect, ou même un semblant d'ordre. Si encore ça avait était une division de vétéran, cela serait presque pardonnable, mais ce n'est absolument pas le cas. Je ne ferais pas de réflexion sur l'alcool, ça serait hypocrite, mais si un seul ose venir taper dans mes tonneaux je le ferai dégager aussi sec d'une pichenette et quand celle-ci vient d'une femme de presque treize mètres de haut, c'est à prendre au sérieux.

"Qu'est-ce que c'est que ces guignols ?"

Pendant qu'un semblant d'ordre se fait au niveau du cuirassé, je ne peux que constater la dérive qui existe de notre côté, pendant que les huiles doivent se serrer les mains, de notre côté on a un amas de boulets qui essayent de s'inviter à bord. On a un tas de clichés plus ou moins mélangés les uns aux autres, du soiffard au macho en passant par... Est-ce qu'il vient de mettre la main aux fesses d'une de MES marines ? Je lui lance un regard mauvais, il se met à rire et recommence en prenant bien le temps de lui palper le fessier pour me provoquer. Je commence à bouillonner, finalement son supérieur le prend par l’épaule et le tir en arrière avant que mon esprit ne s'échauffe suffisamment pour que je pense à faire quelque chose qu'on regretterait tous les deux. Enfin presque, je regarde l'un des rare à arborer encore son manteau d'officier sur ce navire, malgré son torse nu et un pantalon trois quarts dignes d'un... D'un pirate oui !

"Je vais être clair, vos hommes ne sont pas bienvenus à bord. Si un seul s'avise encore de venir sans mon autorisation, surtout pour harceler une de mes subordonnées, je le ferai partir avec perte et fracas."

Bien sûr, si j'avais le visage qui va avec ses propos, j'aurais eu de l'autorité, mais ce n'est pas le cas. Par contre, les demoiselles suivent avec bonheur mes consignes qui sont d'interdire nos vis a vis à bord ou d'entrer en contact avec eux, les lâchés de vomi ou les regards salaces ayant certainement bien aide à leur donnée envie de laisser une certaine distance entre nous. Par contre, si un officier qui m'est supérieur invalide celle-ci, je ne sais pas dans combien de temps tout ceci va dégénérer, mais cela risque d'être trop rapide pour que cela soit contrôlable. Je commence déjà à organiser des patrouilles pour ce soir, heureusement pour le moment elles dorment pour la plupart dans des dortoirs, cela limitera la casse s'ils viennent jouer pendant la nuit, mais pour assurer le coup je les ferais se mouvoir par escouade, même pour simplement aller prendre une collation ou aller aux toilettes. Ce sont des animaux, pas des hommes et encore moins des militaires. Décidément on commence à avoir la désagréable habitude de croiser la lie de la fonction et ça ne me plaît toujours pas.

Il y aura toujours des cas particuliers, des hommes et des femmes qui dérogent un peu aux règles et dans certains cas ça reste acceptable en général, c'est exceptionnel. Mais ici j'ai l'impression d'être tombé dans la poubelle de la marine, est-ce qu'ils ont regroupé tous les cas sociaux de chez nous ici ? Malheureusement, si c'était le cas ça voudrait dire qu'il n'y a pas d'autre cas semblable, mais plus discret, car, isolé ailleurs. Dans un sens je me dois de les remercier intérieurement, en ne faisant même pas semblant de se tenir bien, je sais tout de suite que je dois prendre des mesures, aucune de nos sœurs tous navires confondus ne sera victime d'un de ces satyres, je m'en assurerai personnellement.


Dernière édition par Ai Konshō le Lun 29 Aoû 2016 - 12:36, édité 1 fois
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- Quelle bande de...

Rustres. Pirates. Voleurs. Mécréants. Mendiants. Il y en a pour tous les goûts. Pour toutes les couleurs. Des bandits, des vauriens, des types mal sapés, torses poils, d'autres avec un regard mesquin, un sourire goguenard. Et après dix têtes finement observées, il n'y en a pas un seul, mais pas un seul. Non pas un seul qui ressemble à un soldat de la Marine.

- J'espère que le Contre-Amiral n'est pas dans le même état.

Ou du moins, j'imagine. Si cela se vérifie, alors l'hypothèse de la piraterie n'est plus à écarter. Mais à creuser, doucement. C'est déjà le cas, finalement, rien qu'à voir les tronches qu'arborent les sous-fifres. Et leurs vêtements dépenaillés. Mais pour l'officier en chef qui doit se la jouer finaud et accueillir de nouvelles têtes, finalement il s'avère que le cas est différent. Lui et ses lieutenants. Son précédent Commodore ? Disparu avec la troisième division. Mystérieusement.

- Entamez la manœuvre d'approche.

- L'amarrage ?

- Voilà c'est ça.

Des navires dans la flotte du dénommé Nielson, il y en a tout un tas. Un cuirassé, deux corvettes, trois caravelles. Et ce en comptant la disparition de la 875ème. Bref, c'est sur la cuirassé que se dresse le bonhomme. Grand, fier, quarantenaire au moins, peut-être un peu plus. Avec, pour sa part, une tenue impeccable donc. Je le vois même me gratifier d'un signe de la main et d'un sourire faussement amical. Mais au fond, je devine que tout cela, c'est juste du spectacle.

- Attends que je te coffre, sale traître. On verra si tu continues à sourire avec les mains menottées. pensé-je sur le moment.

Car notre voyage touche à son but et je n'ai plus qu'une seule envie, c'est d'en découdre. De lui faire cracher sa culpabilité ou bien de m'en retourner avec le bonhomme blanc comme neige. Pas d'entre deux. Je suis pas venue pour trier ses sous-vêtements en fonction des couleurs, mais pour décider si le gaillard est viable. Ou s'il se fout tout bonnement de la gueule de la Marine depuis un an et des poussières. Et puis bon, merde. J'en suis certaine que tout ça c'est un putain de carnaval et que tous ces pitres en train de danser et balancer des baisers. De montrer leurs culs par dessus le bastingage. Ceux-là, ils n'ont plus rien des bons soldats du Gouvernement Mondial, mais juste d'infâmes forbans que j'enverrais volontiers au trou. Comme le commandant de la 52ème sur Astérion, sauf que pour le coup je ne peux rien faire. Juste supporter leurs œillades bovines et leurs grimaces. Leurs mouvements du bassin connotés et pour les plus téméraires, l'engin en-dehors du pantalon à faire des tours et des tours en signe de provocation ultime. Contre l'autorité des femmes ou bien simplement pour rappeler la supériorité du machisme ?

Pas besoin de plus pour consterner la Lieutenante-Colonelle et la Commandante, qui toutes deux font signe de barricader les issues. Pas un seul de ces hommes ne mettra le pied sur leurs navires et j'escompte bien faire de même. J'en discuterai personnellement avec le Contre-Amiral, de ce comportement outrager. Et j'espère bien connaître le fin mot de cette supercherie.

Mais en attendant, je me dois d'avancer sur la planche qui lie les deux cuirassés. Et débarquer en zone ennemie avec mon escorte. Ma Lieutenante qui affiche une mine sombre, fermée et garde les yeux rivés sur l'horizon. Le regard brumeux. Mais pour les deux sergentes et la vice-lieutenante qui ferment la marche, la foule houleuse semble de trop. Ce qui me pousse à donner l'ordre aux branleurs de se pousser, de s'écarter du chemin.

- Eh c'est qu'elle a du cran d'commander comme ça, la bonne femme !

- Bon sang elle s'est crue où la potiche ? L'Contre-Amiral il va vous dresser tout ça !

- Héhé, vagins.

Bordel, ils mettent vraiment mes nerfs à rude épreuve. Dans tous cela, c'est Verra qui parvient à rester la plus calme. Fort heureusement, les autres navires restent à bonne distance. Et je compte bien veiller à ce que cette mesure soit conservée. Pas de fraternité avec ces bougres, même s'il est fort possible que certaines en aient envie. Car c'est tout bonnement humain. Mais l'accouplement, ailleurs. Il y a des bordels pour ça. Enfin bref, le supplice touche à sa fin. Nous voilà devant l'élite, l'homme à qui je fais une référence, suivie par mes subalternes.

- Contre-Amiral Nielson.

- Ah, je n'en pouvais plus d'attendre ! L'enfant prodige de la Marine, la fameuse Commodore Holmes. J'ai beaucoup entendu parler de vous, vous savez ?

Il est avenant. Et accueillant. Un caractère qui saurait faire fondre les femmes, avec sa virilité suant par tous ses pores et son bouc finement taillé. Un séducteur né, aussi fourbe et vil que doué dans ses propos. Et les flagorneries qui vont avec. Mais je ne tomberai pas dans le piège, non. Je joue à son jeu, car je suis au courant des choses. Comme Betty. Sinon nul autre. Pour la 346ème, pour Vasilieva et Konsho, tout cela est parfaitement en règles. Les hommes sont certes brusques et sauvages, mais elles se persuadent qu'il va falloir faire avec. Pas moi.

- Je vous remercie, Contre-Amiral. Le voyage fut long, en effet. Heureusement, nous voici réunis désormais.

Flatteries et contre-flatteries. Qui aura le dernier mot ?

- Tout à fait. Nous allons bientôt pouvoir reprendre la mer. Enfin, dans une semaine ou deux. Comme vous avez pu le voir, mes hommes se sont un peu décomplexés. Ils ont pris cette longue période d'attente pour une permission.

- J'ai cru voir ça. Malheureusement, mes femmes en sont un peu déconvenues. Des comportements à corriger, je l'espère. La Marine ne saurait tolérer un tel grabuge. Je suppose que vous comprenez, Contre-Amiral, vous qui êtes encore si soigné dans votre apparence, que votre exemple doit être appliqué.

Des phrases comme des chicanes. Un échange de langues de vipères, qui laisse entrapercevoir à l'homme que je ne suis pas un benêt bon à commander à droite à gauche. Je suis pleine de réflexions et d'audace. Ce qui ravit étrangement mon interlocuteur qui ponctue ma pique d'un sourire encore plus ravissant.

- Ce sera fait, bien évidemment. Lieutenant ?

Son second, visiblement. Nonchalamment assis sur un rambarde en bois, celui-ci se dresse sans faire montre de respect, ni rien. Puis vient se placer à nos côtés, sans même daigner m'accorder un regard.

- Veillez vous assurer que ces demoiselles ne manquent de rien. A commencer par un peu d'espace et d'ordre dans nos rangs.

- Mouais. Ça sera fait, j'pense.

Une blague, une vaste blague. Même Browneye l'a compris, plissant les yeux suite à cette intervention. Mais plus que la transparente décadence de l'officier, celle du cynisme du Contre-Amiral. Il ne fera rien, à nous de nous débrouiller. Voilà le message. Clope au bec, Verra intervient donc, ignorant les deux hommes pour s'adresser à moi uniquement.

- Nous allons rester en haute mer ?

- Je pense bien, si le Contre-Amiral nous le permet ?

- Votre embarras est compréhensif, je n'ai aucune raison de me mêler de vos affaires. Vous gérez vos femmes comme vous l'entendez.

"Et moi de même. Je gère mes hommes et mes affaires aussi, sans que vos éléments ne viennent fouiner." Voilà le message. Enfin, tant mieux, au moins nous pourrons prendre de la distance et respirer. Les effluves de transpiration et de vomi, d'alcool sont particulièrement insoutenables. Et je me dis que comme les présentations sont faites, je peux d'ores et déjà prendre congé du membre de l'Amirauté. Au moins, j'ai plus ou moins cerné le gusse, qui est plus fourbe qu'il ne prête à le penser. Et à moins de savoir ce que je sais où d'être aussi futé que ma Lieutenante, cela passe évidemment comme une lettre à la poste dans la plupart des cas.

- Alors si vous nous le permettez. Nous allons y procéder. Et je reviendrai vers vous incessamment sous peu, Contre-Amiral.

- Il me tarde de vous revoir, Commodore. Votre présence est forte agréable à mes yeux.

Foutaises, je le gêne. Son œil tique, sa paupière se soulève par intermittences. Et son chien de garde semble péniblement se retenir de montrer les crocs.

- Ouais héhé ma jolie, reviens quand t'veux !

- Et montre nous tes nichons !

Je les ignore. Je ne peux rien faire d'autre. Même mes gardes, prostrées, s'en rendent compte. Tandis que sur l'autre navire, le cuirassé, les cris s'élèvent et les injures montent. Mais je calme le jeu dès mon premier pas à bord. Dès que la planche est hissée et que nous nous éloignons.

- Mesdames. Ne soyons pas aussi bêtes et bestiales que ces hommes. Vous valez mieux que cela. Lieutenante, vos ordres ?

- A partir d'aujourd'hui, nos navires vont stationner au large de l'île. Nous ferons régulièrement des allers et retours au Port, mais rien de plus. Interdiction d'avoir des contacts avec les hommes de la 755ème ou de la 644ème. Tout rapport dépassant le seuil de la simple cordialité sera bien évidemment sanctionné.

"Ouf" général, sauf pour certaines allumeuses qui ne peuvent s'empêcher d'afficher une mine dégoutée. Car oui, il y en a. Mais bon, celles là je m'en carre l'oignon. Puis le message passe d'un navire à l'autre. Et nous voici à nous éloigner de la flotte, en petit groupe de chaloupes, pour aller remplir nos réserves, à quai, et nous dégourdir un peu les jambes. Profiter du paysage, de la nature verte des îles, de ses étranges piliers rocheux.

Et de la pêche aux informations.


Dernière édition par Annabelette Sweetsong le Dim 28 Aoû 2016 - 16:26, édité 1 fois
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J'effectue une séparation nette entre les hommes ou peu importe ce que c'est des autres divisions et la nôtre. Pendant que les grandes sont de sortie, je suis là pour garder la maison et je vais bien le faire. Je fais s'aligner et s'attacher entre eux nos trois navires, créer des patrouilles et interdit formellement le moindre déplacement à moins de quatre sur les navires. Face à ce genre d'imbéciles, une femme isolée est une cible ou une victime à leurs yeux. Pourquoi avoir rassemblé les navires ? La réponse est simple, mon sloop est au centre, je ne peux pas les garder constamment sous pression, j'ai moi-même constaté que c'est une mauvaise idée. Du coup, les deux navires de guerre serviront de rempart au Rōzen Meiden qui servira pour les pauses et le repos. Simple et efficace, mais cela n'interdira pas la vigilance.

En parlant de vigilance...

"Commandante, un message du cuirassé, un groupe de chaloupes approchent par bâbord."
"Elles viennent d'où ?"
"De la flotte du contre-amiral."
"Ils sont désespérés à ce point ?"
"En fait Commandante... Elles le sont peut-être."

Oui, j'aurais dû y penser... Mais j'avoue que j'ai un peu de peine pour elles. Il y a bien quelque rares femmes dans le reste de la marine, mais dans le peu que j'ai vu de leurs forces, j'ai un peu de peine pour elles. Je les fais venir en contournant nos navires, une vigie surveille la flotte "alliée" pour voir quelle est leur réaction. Un des navires semble être plus agité que les quatre, comme s'ils cherchés un intrus ou toute autre chose du même genre, mais avec un manque d'efficacité certainement dû au désordre à bord. J'ordonne qu'ils continuent leurs surveillances, pendant que je vais voir de quoi il retourne. Ainsi monte à bord du premier navire de la 346eme un tas de femmes et... D'hommes habillés en femme.

"Des Okamas ?"
"Des quoi ?!"

Elle m'explique ce qu'est la voie des Okama et la situation d'une île nommée Kamabaka, c'est spécial, mais je comprends rapidement de quoi il en retourne. Cela créer un dilemme, d'un côté je refuse d'avoir des hommes à bord, de l'autre est-ce que je peux réellement rejeter des personnes qui au fond ont un cœur de jeune femme. Surtout, qu'est-ce qui me prouve que ce ne sont pas juste des hommes déguisés qui veulent venir tel le loup au milieu des agneaux ? La réponse est finalement plus rapide à venir que je l'imaginais... Elles sont toutes en uniformes Iles le sont aussi, sans être impeccable, il y a un gouffre entre leur tenue et leurs manières de se comporter et les autres. Je les fais venir sur le sloop géant sous bonne escorte et leur propose de discuter de leurs situations autour d'une tasse de thé. Cette proposition est accueillie avec enthousiasme, surtout par les quatre hommes en uniforme féminin, certainement les plus soignés que je n'ai jamais vu toutes affectations confondues ou presque.

"Je m'assurerai que les demoiselles en sont bien."

Même avec l'habitude elle me surprend encore, décidément Betty finira par me faire avoir une crise cardiaque un de ces jours. Alors que ce qui doit rassembler le total du personnel féminin des autres divisions est assis autour d'une table, j'observe leur visage et le constat est alarmant et triste à voir.

"Je peux savoir ce qui vous à prit de venir jusqu'ici malgré les ordres ?"

Aucune d'entre elles n'ose réellement répondre, il n'y a que des premières et secondes classes et vu l'état de machisme constaté dans les forces du contre-amiral cela ne m'étonne pas un instant.

"Vous n'avez pas étaient officiellement affectées à la 346éme division et j'imagine que vos supérieurs ne sont pas informés de votre déplacement ?"

Aucune réponse encore. C'est bien ce que je craignais, au mieux elles ont désobéi, au pire elles vont être considérées comme des déserteuses et quand les hommes de Nielson viendront les reprendre elles subiront un châtiment exemplaire et terrible... Même si j'imagine qu'elles ont déjà dû subir plus d'un outrage si elles en sont au point de venir directement nous voir comme pour demander asile. S'il ne s’agissait que de les héberger et les protéger quelques jours, ça irait, mais je ne vais pas pouvoir les cacher éternellement et de toute manière ils vont vite comprendre ce qu'il en retourne.

"Pitié, ils sont... Ils ont..."

La seule qui ose réellement prendre la parole n'aligne pas une phrase cohérente, mais ce qui m'inquiète le plus, c'est surtout qu'elle semble avoir environ quatorze ans et que je suis certaine que son ventre rond n'est pas la conséquence d'un abus de pâtisserie. Je ne peux rien faire pour elles, absolument pas, encore moins quand une subalterne vient avec un escargophone... Déjà ? Je dois réfléchir vite, trop vite, et alors que je me fais insulter via un denden mushi modèle géant haut de presque un mètre cinquante, je sors la première excuse qui me vient à l'esprit.

"Je ne peux malheureusement pas vous les renvoyer... Je viens de les placer en quarantaine pour risque sanitaire. Elles resteront à notre infirmerie tan que je n'aurais pas l'aval de notre médecin de bord."
"Ce n'est pas mon problème salope !"
"Surveillez votre langue, je ne fais qu'appliquer le protocole."
"Je m'en fou, quelles ramène leur petit cul tout de suite, sinon !"
"Sinon quoi ? Au lieu de me fustiger, vous feriez mieux de vous assurer que l'épidémie ne se répand pas à votre bord..."
"Si elles ne sont pas de retour dans deux heures, on viendra les chercher et [...]"

Oui je lui ai raccroché au nez, mais je suis certaine que la suite de la phrase allé aller vers des menaces sexuelles, imagées et dégoûtantes. Un seul regard vers Browneye suffit à lui faire comprendre que j'étais sérieuse par rapport à la mise en surveillance des demoiselles et des quatre un peu mois féminin, mais tout à fait femme à mon regard. C'est un peu méchant pour elle, mais c'est le seul moyen que le règlement de la marine me laisse pour les garder à bord et se peux importe ce qu'en dira le contre-amiral, même s'il intervient, un risque de santé à priorité. Au moins, je pourrais les surveiller et les faire surveiller, car je n'ai pas de doutes qu'ils finiront par venir. Bon, puisqu'ils veulent jouer à qui s'est qui a la plus grosse, je vais prendre mon fusil lourd dans la cale de mon navire-base et je commence à le nettoyer sur le pont du cuirassé, en étant bien en vue des navires de la flotte. Peut-être que la vue d'un canon de dix mètres de long et de calibre 200mm les dissuadera de faire trop de zèle.
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"A la sale Marguerite", "Vipère au Poing", "La Taverne de Maître Dédé". Des noms aussi loufoques que recherchés désignant la rangée de bars incrustés dans la falaise, bâtis sur son flanc. Car le Port est étrangement façonné, vertical et non horizontal. Juste les quais, en contrebas, qui permettent de mettre pied à terre, mais assez rapidement on se retrouve dans les airs. Après avoir escaladé plusieurs escaliers.

- Rappelez-moi ce que l'on cherche déjà.

- Des informations.

A force, la patience de la jeune femme est mise à rude épreuve. Mais son alcoolémie davantage. Pourtant je lui dis : pas besoin de prendre une boisson alcoolisée à chaque fois que l'on rentre dans un troquet. Mais mes conseils elle s'en fiche. En vrai, l'opportunité est bonne pour étancher sa soif. Sa soif de narcotiques pour oublier la douleur qui la taraude et qu'elle dissimule maladroitement. Elle ne s'est pas encore remise de la perte de Kold, hein ?

- Mais euh... Quel genre d'informations ? Il suffirait pas d'organiser une battue, d'aller dans la jungle ?

- On n'est pas sur Shishoku, ici. C'est plus l'île qui risque de nous bouffer que le contraire. Il faut que l'on sache où l'on met les pieds. Il nous faut un spécialiste. Et avant cela, savoir où se trouve se fichu repère.

Nous passons devant un nouveau bar. "La Baraque à Fritz". Le coin n'a rien d'accueillant et à force, nous nous enfonçons de plus en plus dans les obscurs troquets éloignés des escaliers. Au-dessus, c'est les boutiques. Et à l'étage d'au-dessus encore, les premières résidences. Vraiment étrange, mais au moins les planches en bois sont résistantes. Et puis de ce côté-ci du Port, la vue est plutôt belle. Tandis que de l'autre, il faut sombre et les maisons se font face. Pas forcément besoin d'aller jusque là, on finira bien par trouver notre homme non ? Un guide, tout ce qu'il nous faut. Et ceux-ci on les trouve bien dans les tavernes, sinon ailleurs. Mais surtout auprès d'un verre.

J'entre donc, suivie de ma subordonnée. Avec nos manteaux et nos uniformes, on décroche quelques œillades intéressées, curieuses ou bien même nonchalantes. C'est coutume dans le coin visiblement, de détester la Marine. Faut dire que cela va faire un an que Nielson n'a pas bougé. Mais qu'il n'a pas non plus pris la peine de débarrasser le coin de la vermine pirate qui le parasite, comme un vilain furoncle que personne n'oserait percer. Sauf que ça, personne ne l'évoque. Le sujet semble tabou.

- Pour vous, ça s'ra quoi ? m'assène le gérant, en train de servir des bières à la pression, profitant de sa tournée pour nous alpaguer dans le mouvement.

La politesse n'est plus vraiment de mise. Je m'en suis rendue compte dès le premier bar : ici les gens ne disent jamais bonjour. Ni au-revoir.

- Une pinte de votre meilleure bière. Et pour la jeune femme qui est avec moi un verre d'ea-

- Un rhum. Un verre de rhum.

C'est pas sérieux. Mais surtout, son tempérament devient de moins en moins fiable. La jeune femme s'épluche à chaque verre ingéré, comme une patate. Exactement. Elle perd des couches de son intelligence et ses discussions se font moins intéressantes. Mais surtout, cela n'aide pas à sa dépression. Et pour cela, j'essaye de lui rappeler notre présence. Mais elle s'en fiche. Alors la conversation recommence pendant que nous nous mettons à table.

- Je sais que c'est dur, mais il va falloir que vous passiez à autre chose.

- Qu'est-ce que vous insinuez ? Que je suis toujours préoccupée par la perte de mes femmes ? Que je me noie dans l'alcool ?

- Vous voyez, je n'ai même pas besoin de vous le dire. Mais non, ce n'est pas la perte de vos femmes qui vous déchire autant. Juste une seule. Je le sais. Je suis au courant, Vasilieva. Pas la peine de me mentir. Puis je suis votre supérieure.

La bonne femme lève les yeux au ciel tout en poussant un soupire d'exaspération.

- C'est vrai, vous savez tout. Oui, Kold me manque. Et oui, nous avions une relation. Mais qu'est-ce que cela change à vos manigances ? Moi aussi je sais des choses. Vous croyez que personne ne se doute de quoi que ce soit, avec vos promotions éclair ?

Merde, la situation se retourne contre moi. Enfin, je fais mine de rien, juste le visage fermé. Et les sourcils froncés. Je descends d'un décibel, dans le doute, pour intimer la jeune femme à faire de même. Pas besoin d'ébruiter ce qui a besoin de rester secret. Un excès de zèle pourrait faire capoter ma mission. Mais bon, elle a raison. Alvaro, tu ne me facilites pas la tâche, avec ta promotion surprise.

- Je ne vois pas de quoi vous parlez, mais je vous prie de le faire moins fort. Les murs ont des oreilles.

- Mais c'est pas les murs ici le problème c'est...

- Sshh ! Bon sang !

- Y'a plus de soulards que de murs. C'est pas comme si ça les intéressait de savoir.

- De savoir quoi, bon sang ? Vasilieva, passez à table, j'en ai marre de vos débilités éthérées.


Vrai, je commence à perdre patience. Sans prêter gare, ma main enserre son bras et le compresse, d’anxiété. D'énervement. Mais elle ne ressent pas la douleur. Pas sur le moment. Avec tous les verres de rhum qu'elle a englouti. Elle dit juste :

- Je sais que vous êtes une agent du Cipher Pol. Je l'ai su dès que vous avez mis les pieds à bord du navire. Et puis, vos compétences, le Rokushiki. C'est pas le genre de styles de combat que l'on retrouve dans la Marine régulière. Mais je l'ai vraiment su lorsque vous avez reçu cette lettre, à Astérion. Le sceau du Gouvernement Mondial et la promotion. Vous pensez que je suis aveugle ?

Non pas. Mais très maligne, certainement. Et puis, au vu des regards soupçonneux que la bonne femme pouvait me balancer quelques fois, je me doutais qu'elle se doutait. Mais c'étaient juste des doutes. Là, actuellement, c'est avéré, c'est dit. Et je n'ai aucune raison de mentir tant qu'elle reste dans la confidence. Enfin, je m'apprête à lui dire qu'elle a parfaitement raison, quand un gusse pénètre dans le bar en gueulant.

- Bordel, c'qu'y sont encore à rien fout'. Y débarquent p'tain, 'vec plus d'bateaux. Et y font rien pour empêcher ça.

- Bordel, Jacky, t'fais chier. C'tait calme avant qu't'arrives.

- Ouais, tout l'monde s'en fout d'tes histoires de pirates. L'Crâne-qui-rit est désert d'puis des années. Personne peut y accéder. C't'un putain de bourbier là-bas.

Des pirates ? Intéressant. En tout cas, les différents gars attablés autour de nous commencent à s'énerver, tandis que le soulard vient rencontrer le gérant. Qui refuse de lui servir un verre.

- M'enfin m'faut bien boire qu'c'est. On m'traite de fou, mais moi j'sais bien. Qu'les Marines foutent rien, credieu. J'suis pas né d'la dernière pluie et... oh...

En se retournant pour s'accouder au comptoir, le bonhomme nous a aperçues et nous dévisage. Laissant tomber sa clope par terre, sous l'effet de surprise. Puis quelques gouttes de sueur qui perlent sur son front. Pourtant, il ne s'arrête pas en si bon chemin.

- V'là t'y pas qu'ils viennent même boire dans nos bars l'cons, p'tain. L'est où la Justice. Ça défend quoi là ? Hein ? Et mon verre, l'est où ?!

- Jacky, tu gênes la clientèle. entame le barman qui essaye maladroitement de calmer le jeu.

Forcément ça ne marche pas. Mais Vasilieva comme moi, nous préférons rester coi. Et regarder l'ivrogne dans les yeux, écouter son charabia. Moi surtout. Il a beau être bourré, il sait visiblement des choses. C'est peut-être le type que l'on cherche.

- C'que c'est c'te connerie, que j'gêne. C't'eux qui gênent ouais. Foutent rien et maint'nant j'devrais m'barrer pour qu'ils continuent à rien fout' ?

Pas de doute, celui-là est un bon. Mais comme le gérant semble sur le point de le fiche dehors, j'attends. Ça sera plus facile de le rattraper et de discuter de tout ça avec lui dans une ruelle. Même si l'on est jamais à l'abri des espions. Reste à espérer qu'il n'y en ait pas. Un risque à prendre.

- Allez, fous le camp. Y'a rien pour toi aujourd'hui, t'as trop bu.

- Mais que... P'tain... riposte vainement le gusse, prestement choppé par le col de sa chemise souillée et traîné dehors par le videur.

Sur le pas de la porte, juste avant de la refermer violemment, celui-ci conclue même :

- Casse-toi Jacky, dégage ! Reviens quand tu seras sobre. C'est pas la première fois que je dois te virer de mon bar. La prochaine fois, c'est définitif.

Bon, au moins, maintenant on sait où chercher. J'échange un regard complice avec la Lieutenante-Colonelle, qui enfile déjà son manteau sur ses épaules. Ses joues toujours aussi roses, son nez rouge, mais néanmoins toujours en capacité de raisonner. C'est bien, c'est ce dont j'ai besoin. Je fais de même avec ma veste qui semble deux fois plus lourde, avec mes nouveaux galons. Et mes médailles. Puis j'ouvre la marche. Le barman, toujours posté sur le pas de la porte, nous ouvre tout en se confondant dans les excuses.

- Vraiment désolé, mes dames. C'est un bon gars, il est juste un peu chiant. Lui faites pas de mal, surtout.

- Ne vous en faites pas, nous ne sommes pas là pour ça.

On peut bien l'interroger sans lui taper dessus, non ? Bref, nous revoilà dehors. L'air est frais et chargé de sel, mais le vent s'est levé. Et du coup, le gaillard exilé du bar peine davantage à marcher. Les jambes à trente degrés au-dessus du sol, à force. Nous le rattrapons donc rapidement, avant de l'entraîner dans une étrange cavité. Entre deux habitations.

- M'enfin qu'c'est ? P'tain, la Marine ! Lâchez-moi bougresses. J'rien fait moi. J'vais crier. A l'ai-

Je le bâillonne temporairement pour étouffer ses cris. Attendant qu'il se soit calmé pour le délivrer. L'endroit est obscur et bardé de caisses et de tonneaux vides. Pour calmer le gusse, je plonge la main dans l'une de mes poches et en ressors une liasse de billets, tandis que Vasilieva l'immobilise. Plus besoin de lui bloquer la trachée, l'argent est suffisant pour le laisser estomaqué.

- P'tain comment ça s'fait tout c't'argent. Hohoho. 'Voulez ach'ter mon silence ? Promis j'parlerai pas. Muet comme une carpe, l'vieux Jacky.

Sacré bonhomme, fidèle à lui-même. J'en ai vu des types comme ça, il me fait d'ailleurs penser à Ulrich Winrald, l'informateur de la CIA. Exactement le genre de personnes dont nous avons besoin. Mais pour le moment, il faut surtout le rassurer. Visiblement ce-dernier n'a pas confiance en la Marine et je comprends bien ses motifs, quand on voit les bagnards de Nielson. Rien de très Marine là-dedans.

- Ce n'est pas ton silence que l'on veut. Le "Crâne-qui-rit", les pirates du coin... Tu sais quoi à ce sujet ?

Une étincelle semble soudain émerger dans le regard vitreux du vieil homme. Ne se sentant d'ailleurs plus du tout en danger, celui-ci prend place sur l'une des caisses et balance ses jambes avec un sourire édenté qui veut tout dire.

- Bwéhéhé, z'êtes pas comme les z'autres Marine vous, n'est-ce pas ?

- Bon dieu, non ! s'enthousiasme la Lieutenante-Colonelle, à l'entrée de la ruelle, dardant un œil dehors et une oreille dedans.

- Nous sommes là pour enquêter sur la présence des pirates. Les rumeurs racontent que Ravrak aurait une planque sur les Pythons Rocheux. Et tu as l'air de savoir pas mal de choses à ce sujet.

- Hehe, Ravrak... Ouais p'tet bien, j'connais pas trop l'drapeaux pirates, hein. Mais y'en a bien un qu'trône au sommet du Crâne, j'l'ai vu p'tain. Pis ça canonne souvent dans l'coin, qu'y'a un navire imprudent qui passe l'long d'la côte au nord. Et boum ! C'est dangereux. Mais personne fout rien. La Marine, l'a pas bougé depuis un an. 'Pensez y changer que'que chose ?

- Si vous nous conduisez à ce fameux Crâne, probablement oui. Nous avons toute un régiment sur le pied de guerre, prêt à frapper. Il nous manque juste un guide et-

- Un guide ?! Brah, p'tain, z'auriez dû l'dire plus tôt mes d'moiselles. Au lieu d'me kidnapper comme ça, qu'c'est. C'sûr, moi j'suis vot' homme. J'suis guide, v'voyez.

- Vous êtes surtout ivre.

- Faut c'qui faut, c'comme ça qu'ça marche. J'ai t'jours été guide et j'ai t'jours été bourré. J'pense que l'jour où j'serai ni l'un ni l'autre, j'serai canné.

Peut-être. J'ai du mal à accorder du crédit au bonhomme sur ce propos, mais je me dis qu'étrangement, on peut lui faire confiance. Faut être assez con et assez franc pour venir gueuler à tue-tête un secret que les autres semblent taire secrètement. C'est le seul atout que nous ayons dans notre manche. Donc pendant que Vasilieva fait le guet, j'entretiens la conversation avec le vieil alcoolique. Qui promet de nous guider dès ce soir, si jamais on accepte de raquer plus. Sinon il faudra attendre un mois pour la prochaine pleine lune.

- C'est pas dit que l'on survive un mois. avoué-je intérieurement.

Pas le choix, il faut mettre la main au porte-monnaie. Et aux deux millions que j'ai déjà déboursé pour calmer le gusse, viennent s'ajouter cinq autres millions.

- Avec ça, tu guideras mes femmes à travers la forêt cette nuit, jusqu'au repère des pirates. Tu auras l'autre moitié après.

- Bah c't'un marché qui m'semble raisonnab', ouais. J'f'rai bien ça c'sûr, m'dame. Mais promis, j'dis rien. Pas un mot et on s'revoit c'soir pour la traversée. Héhé.

- Pas dans le Port par contre. Il nous faut un endroit où l'on peut passer inaperçues. Il y a probablement des pirates ici qui pourraient prévenir le camp. Nous devons rester discrets.

Des pirates ou bien les cinq navires de Nielson, juste devant. Mais ça, je le garde pour moi. Puis l'homme hoche la tête, comprenant la nécessité de la chose. Tant mieux.

- Ouais, y'a bin ça. Une plage au nord d'Port, toute blanche, héhé. Y'a presq'pas d'bestioles, les jeunes utilisent parfois l'coin pour leurs bains d'minuit. Enfin bref, là-bas c'bien, j'vous y attendrai à l'heure prévue, ouais.

S'en suivent quelques brefs échanges avec Vasilieva qui vient s'ajouter à la conversation, histoire de vérifier que l'on s'est bien entendus sur la chose. Que tout est clair. Et finalement l'homme file, sans dire au-revoir. Comme la tradition de l'île le veut. A notre tour, nous revenons dans la lumière, vérifiant bien qu'il n'y a personne aux environs. Personne, sinon une petite vieille avec un enfant en bas âge. C'est pas elle qui nous dénoncera.

- Tu penses que ça fonctionnera ?

J'ai des doutes, mais comme d'habitude, si l'on ne prend pas de risques, on n'arrivera à rien. Notre seule option, c'est de faire confiance au vieil alcoolo et espérer que la chance soit avec nous. Au pire des cas, le mec s'est mis sept millions dans les poches, au mieux il nous guidera comme promis. J'entame le trajet retour, choisissant bien la direction que l'on prend, celle qui nous mène aux escaliers descendant vers les quais. Haussant les épaules, je réponds finalement :

- On verra bien cette nuit.
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Ils vont venir, je n'en doute pas un instant, j'espère juste que ces deux heures ne sont pas là pour leur permettre de le faire de la bonne manière. Pour le moment, je me cache derrière le règlement, mais je ne suis pas idiote, si Nielson veut vraiment les faire revenir, il lui suffit de peu de chose pour y arriver. Enfin, ça serait le meilleur des cas les moins agréables, il pourrait aussi finir par imposer les échanges ou la coopération entre les divisions et là toutes nos filles seront en danger. Pas au sens propre du terme, parfois les blessures les plus douloureuses sont dans l'esprit ou le cœur. Il y a toujours eu des abus, des incidents et des maltraitances, j'en ai entendu parler sans réellement y croire, mais de là à le contacter encore une fois et surtout à une telle échelle est effrayante dans un sens.

"Commandante, que fera-t-on si le contre-amiral vient lui-même les chercher ?"
"Prier pour que ça n'arrive pas, en tout cas pas avant d'avoir une solution viable."

Je suis encore sur le bord du plus grand de nos navires, à nettoyer un fusil plus grand qu'ils ne rêveront jamais de tenir entre leurs mains, plus puissant qu'ils ne peuvent l'imaginer sans avoir vu ce genre de jouet en œuvre. S'il n'a pas la totalité de la puissance d'une pièce d'artillerie de cuirassé, il a pour lui la précision et la cadence de tir d'un canon naval ne peuvent égaler pour le moment. Enfin, ça, c'est ce que les géants disent, mais ce genre de chose ne doit plus être vrai pour les modeler les plus récents... Les temps changent, je me demande ce que mes parents penseraient en voyant ce que devient la marine ici, ils ont travaillés pour Nielson il y a des années, est-ce qu'il était déjà aussi permissif ?

La tension est palpable à bord, Betty est venue me signaler à sa manière que les quatre demoiselles au corps d'hommes se tiennent à carreau et semblent apprécier leur séjour en quarantaine comme une sorte de vacances émotionnelle. Forcement au milieu de rustre, d'alcoolique et d'homme machiste de tout poils je peux bien imaginer qu'elles ne sont pas pressées d'y retourner et encore, s'il s'agissait que de ce genre d'indélicatesse cela ne serait pas aussi grave. Finalement, ils tiendront leurs promesses à la minute près, deux heures après l'appel il y a bien des embarcations qui sont à l'eau et des gens remontés et armés dessus... Bon, la bonne nouvelle c'est que :

"Un contre-amiral ne serait pas assez stupide pour envoyer des hommes sans le moindre signe de la marine, alors qu'il peut tout régler d'un simple coup d'escargophone."
"Commandante, vos ordres ?"
"Signalé des navires inconnus à la flotte."

Les signaux sont envoyés, aucune réponse, que ce soit de la flotte du contre-amiral ou même aux chaloupes, parfait. Je me lève, les vise avec le fusil et beugle.

"Première sommation."

Avant de tirer, en évitant bien évidemment de toucher les embarcations, c'est le principe. Ils se mettent à rire dans celles-ci d'ailleurs, ils pensent que je n'oserai pas tirer dessus. La seconde et ultime somation ne fait que confirmer leurs aprioris. Mais la suite elle ne va pas être aussi douce.

"Signalez des contacts hostiles à la flotte, branle-bas de combat, que les tourelles du cuirassé les ciblent."

Maintenant qu'ils ont étaient officiellement déclarés comme inconnues hostiles et qu'un bon paquet de canons lourds les ciblent, ils ne semblent plus aussi confiants... Ils arrêtent de ramer et après une bonne paire de minutes, l'un d'eux semble recevoir un appel via un escargophone. Évidemment à cette distance c'est tout ce qu'on peut voir, ça et le fait qu'ils semblent avoir une discussion virulente. Enfin à moins que ce soit "normal" sur leurs navires de bouger autant et sembler s'époumoner à la moindre discussion tendue ? Finalement les embarcations font demi-tour, non sans lancer quelques provocations à vase de doigt d'honneurs et de morceau de chair ou de fesses à l'air... Mais tout ceci est temporaire, a un moment donné ou un autre notre supérieur direct tel un monstre va sortir de sa grotte, je ne fais que gagner du temps.

Tout ceci, ce ne sont que des enfantillages, quand ils n'auront plus la patience de faire n'importe quoi ils useront des règles de la marine et à ce moment-là je n'aurais plus le choix... J'ai juré de protéger et servir, mais au final je n'en reste pas moins impuissante dans ce genre de cas. Est-ce que j'ai eu raison de faire cela ? Cela ne risque pas d'empirer leurs vies par la suite ? Le temps nous le dira...


Dernière édition par Ai Konshō le Mer 31 Aoû 2016 - 13:03, édité 1 fois
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La traversée sera longue, les eaux particulièrement tumultueuses. Les vagues viennent frapper les jetées et font presque chavirer les chaloupes, quand bien même celles-ci sont encore à quai. Nous attendons jusqu'à être au complet, jusqu'à s'assurer que tous les femmes sont là avec les cargaisons et les ressources à ramener à bord. Vasilieva supervise, moi je regarde le lointain. Les navires collés les un aux autres, des tirs de sommation.

- Konsho, qu'est-ce que vous êtes en train de foutre, bon sang ?

Sûr, ça va mal barder pour la géante si celle-ci s'amuse à jouer avec son canon sans justification valable. Enfin, pour le moment on finit d'amarrer les ressources pour entamer le voyage retour. Avec le sentiment, peut-être, que laisser le commandement à la jeune femme n'était pas forcément une bonne idée.

Assez difficilement, nous finissons par revenir aux navires et décharger les cargaisons. Puis les femmes, Vasilieva et moi les premières. Pressées de savoir ce que c'est ce boucan. Et quelle surprise de voir sur le navire de la géante, depuis le pont du cuirassé, de nouvelles têtes ! Des femmes n'appartenant vraisemblablement pas à la 346ème, sinon je le saurais.

- Putain Konsho, qu'est-ce que vous avez foutu ? J'avais dit pas d'échanges !

Je débarque en trombe et darde un regard furieux sur la Commandante, puis sur ses petites protégées parmi lesquelles figurent... Roh non, j'y crois pas.

- Des espions potentiels.

L'archétype du travesti, presque. Des hommes déguisés en femme dans le lot. Ils sont peu, mais assez pour représenter une menace. Je demande donc des comptes à la géante sur toute cette histoire qui m'informe de l'état des faits, penaude.

- Et ça vous étonne qu'après ils essayent d'aborder le navire ? Si vous en laissez un passer, vous ouvrez la porte à tous les autres. Les ordres sont stricts et encore heureux que ça n'ait pas viré au drame. Bon sang, Konsho, vous étiez prête à descendre des hommes de la Marine ? Je sais bien qu'ils y ressemblent pas, mais ce que vous avez failli faire aurait pu être jugé pour haute-trahison !

Je ne déconne pas. Mais surtout, je retourne mon regard furieux vers la fine équipe encore regroupée sur le pont du sloop. Bon, heureusement ils ont tous l'air d'être là. Allez, je dois réparer ses conneries sinon ça va barder avec le Contre-Amiral et il y a tout intérêt à ce que ça aille bien. Pour l'intérêt de ma mission.

- Préparez leur une chaloupe et renvoyez-les d'où ils viennent. Ce ne sont ni nos femmes, ni nos hommes. Et je n'ai aucune envie de me fiche une inimitié avec un membre de l'amirauté que l'on vient juste de rencontrer pour un prétexte aussi bidon.

Surtout juste avant l'opération que l'on s'apprête à réaliser et qui demandera une extrême prudence. Enfin c'est déjà pas mal que Vasilieva comprenne que l'on ne doit pas faire appel aux autres divisions. Le machisme et la dépravation des hommes aidant, celle-ci est donc persuadée que la 346ème suffira, que les autres ne seront que des boulets. Finalement, une fois les intruses et intrus embarqués dans une chaloupe qui s'appelle revient, en direction de la flotte de Nielson, je fais signe à la Commandante de me suivre. Ainsi qu'à la Lieutenante que je retrouve sur le pont du cuirassé. Là, c'est assez grand pour que la géante y tienne et assez solide pour ne pas provoquer de dommages. Elle n'est pas la première à se tenir sur un tel navire ni la dernière.

- Pour la chair à canon, c'est pas si mal pourtant.

- Moins pour une attaque surprise et nocturne.

- Et il est hors de question que ces hommes approchent mes femmes. Je n'ai pas envie de retrouver l'une de mes subalternes violées en chemin ou pire.

La Commandante approuve d'un signe de la tête. Parfait, on peut dans ce cas passer à la prochaine étape. L'élaboration du plan.

- Notre point de rendez-vous est ici. fais-je tout en dardant un doigt sur un emplacement de la carte, au nord du symbole figurant le Port. Minuit pile, l'heure à laquelle on doit y être. Je ne peux malheureusement participer, des obligations me retiennent à bord, c'est pourquoi Vasilieva sera en charge de la direction du régiment.

Celle-ci poursuit donc. Fidèle adjudante qu'elle est, mais aussi fine stratège.

- J'ai déjà rencontré notre guide. Il peut avoir une allure un peu surprenante, mais on peut compter sur lui. Enfin j'espère. Une fois que nous l'aurons rencontré, nous mettrons le cap en direction du repère pirate que certains appellent ici le "Crâne-qui-rit". Un endroit bien dissimulé dans la forêt, au nord de l'île.

- Pourquoi ne pas attaquer directement par le nord, dans ce cas ?

- L'idée est tentante, cependant le temps de trouver l'infrastructure et d'établir la topologie des lieux, nous aurons déjà subi de lourdes pertes en nous faisant canonner depuis la côte. De plus il nous faut réaliser une attaque furtive. La nuit est parfaite pour cela.

Puis viennent d'autres questions et d'autres réponses, jusqu'à ce que je mette un point final à la réunion. En vingt minutes, on a rapidement eu le temps de faire le tour.

- Très bien, je ne vois pas plus d'éléments sur lesquels revenir. Pour ma part, j'ai des affaires urgentes à régler dans ma cabine. Je vous laisse dialoguer davantage de votre stratégie si vous le désirez. Gardez ka carte.

Quittant donc le gaillard avant du navire où le conseil a eu lieu, je m'enfonce dans les méandres du navire pour enfin retrouver ma cabine. Encore plus vaste que celle du Clipper et beaucoup plus éclairée. Beaucoup plus en désordre aussi, mais pour le coup je ne peux pas y faire grand chose. Ce sont les livres et la multitude de feuilles volantes qui provoquent cet état. Et les ranger me prendrait au moins une bonne après-midi que je n'ai pas, évidemment.

- Ça reste quand même plutôt confortable. affirme l'agente du CP4, assise sur mon siège.

- Fais-toi plaisir, je déteste cette foutue chaise. fais-je tout en déplaçant une pile de livres, en retour.

- Tu ne m'as pas faite venir pour me faire asseoir sur une chaise, j'imagine bien. J'ai entendu votre conversation là-haut. Cela promet d'être intéressant.

- Oui, probablement. Mais toi et moi avons autre chose à faire que de nous confronter à des pirates cette nuit. Plus vite nous agissons, mieux c'est.

- Mettre mon oncle derrière les barreaux ?

- Trouver un alibi attestant de sa traîtrise serait déjà bien, même si j'en suis intimement convaincue. Il n'a même pas essayé de le cacher pour ses hommes, juste lui. Je ne l'aurais jamais pensé aussi provocateur.

Je vérifie bien que la porte est fermée à double tour, puis pose finalement mon derrière sur l'espèce de tabouret faisant face au bureau auquel est attablée ma subordonnée. Celle-ci me regarde dans les yeux, attendant d'en savoir plus.

- Puisqu'il semblerait que nous soyons condamnées à rester ici jusqu'à la nuit tombée, autant m'en dire plus au sujet de Nielson. Pourquoi le détestes-tu ?

- C'est pas forcément que je le déteste, mais c'est comme cela que mes parents me l'ont inculqué. Enfin tout cela, ça remonte à très loin. Et finalement c'est assez stupide comme histoire quand on y pense, car je conserve de bons souvenirs de mon oncle durant mon enfance.

- Étonnant lorsque l'on voit l'homme qu'il est devenu aujourd'hui.

Je ne peux que partager ce sentiment de haine à l'égard du Contre-Amiral qui, même s'il n'est pas un traître, n'a toutefois rien fait pour combattre la vermine pirate parasitant l'île. Un an de mandat et trois divisions de la Marine gâchés pour rien. Pour quoi d'ailleurs ? Quel est l'intérêt de rester au large de l'île ? Il doit bien y avoir quelque chose qui force le Contre-Amiral à demeurer à quai et ça ne doit pas être l'absence d'une troisième division. Celle-ci n'a disparu qu'en hiver dernier, ce qui laisse encore plusieurs mois de mouillage inexpliqué derrière.

- Oui mais il n'a pas toujours été ainsi. Je me souviens, au début de sa carrière, c'était un homme méritant et efficace. Avant qu'il ne soit promu Contre-Amiral et ne mette les pieds sur cette île maudite. Et puis, contrairement à mon père et à ma mère, lui jouait avec moi.

Hochant la tête, j'engage la jeune femme à poursuivre. Puisque de toute manière, je n'ai pas de précédents similaires à conter. Alors celle-ci me fait donc un résumé de son enfance et de tout ce qu'elle sait sur le Contre-Amiral. Et finit même par avoir les yeux qui brillent d'une lueur enfantine en évoquant certains souvenirs. De cette manière, je sais que notre ennemi commun a un jour été un homme bon qui s'est laissé corrompre. Un moyen intelligent et ressourçant de tuer le temps tout en apprenant plus sur notre cible et ce qui fait de lui un être humain avant un potentiel criminel.

Maintenant, il ne reste plus qu'à enquêter et découvrir si l'officier a encore une once humaine. Ou s'il n'est plus qu'un vulgaire pirate. De toute manière, il commence à faire nuit. Alors nous entamons d'autres sujets de discussion, plus amicaux, plus privés. Entre agents du Cipher Pol.
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