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Hautes Instances

- Sweetsong, un colis pour toi.

- Déjà ? Mais je viens tout juste de rentrer !

- Et euh... lui aussi. Enfin, ne nous en veux pas, vu la taille du machin. Les gars sont déjà en train de... taper dedans.

- Quoi ?! Taper dans mon colis ? Mais bordel, qu'est-ce qu'il leur a fait ? Bon attends, j'arrive...

C'est toujours dur de comprendre lorsque l'on interrompt ma sieste matinale, avant que le café n'agisse. Pour le coup, on peut dire que ce réveil est plutôt efficace. Enfin bon, plus que la prétendue visite de mon coordinateur, venu m'annoncer que Murphy avait défini une heure pour notre rendez-vous. C'est vrai qu'il veut me rencontrer celui-là, mais les raisons derrière tout cela sont relativement mystérieuses. Je m'en méfie, car généralement les services qu'il demande viennent avec un prix. Or je n'ai rien fait de mal, alors qu'est-ce qu'il pourrait bien me proposer pour que je me mette dans la merde à sa place ?

En attendant, je me redresse et fais les quelques pas qui me distancient de la porte. Laissée entrouverte. Je passe donc de l'autre côté pour atterrir dans la pièce principal, l'open-space inoccupé, similairement bâti à celui du CP8. Sauf qu'au CP9, à part les Coordinateurs et les Administrateurs, il n'y a pas de bureaucrates.

- Bon sang de mer-

- Hé, Anna, tu te fais de chouettes potes en mission on dirait !

- Si c'est comme ça, j'aimerais bien faire une mission avec toi, moi aussi.

Un baril vissé sur le sol. Gros, dodu, rempli d'alcool fraîchement distillé. Avec écrit "Ai Konsho" bien en gros et en gras dessus, pour ne laisser aucun doute sur le nom du destinateur. Évidemment. La géante dans son art le plus pur et le plus fidèle. A côté, évidemment, une table recouverte de gobelets et de nombreux agents en train de puiser dedans avidement. Dans mon cadeau. Mon tonneau.

- C'est pour moi, bande d'andouilles ! fais-je tout en bloquant l'accès au précieux liquide.

- Hihi, quel dommage que tu aies un rendez-vous avec Murphy, hein.

- Ouais, puis tu devrais déjà y être normalement.

J'arque un sourcil, mon coeur manque un battement. Hébétée, je demande :

- Comment ça ?

Et les six gaillards qui ne peuvent s'empêcher de se gausser, qui ne me répondent pas. Pour qu'au final un crissement de pneu de chaise roulante mette temporairement fin à la rigolade. Et que Alvaro dévale la pente aménagée dans les escaliers pour qu'il puisse les emprunter.

- Anna, qu'est-ce que tu fiches ?! Tu devrais être avec l'Aministrateur depuis dix minutes !

Pour que les rires recommencent de plus belles, encore plus tonitruants, grossiers et gras qu'avant Je vais peut-être envisager un autre Coordinateur, tiens.
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Knock, knock, knock.

Pas de signal, j'entre. Découvre derrière la porte une grande pièce avec une vue incroyable sur tout Marie-Joie. Un endroit commun, partagé par le Directeur et l'Administrateur du CP9. Sauf que, comme à son habitude, le Directeur est sur le terrain, privilégiant l'infiltration et la discrétion. Alors O'Murphy est le seul aux commandes et est typiquement celui qui fait tourner la maison. Visiblement, le bureaucrate prend même un malin plaisir à afficher l'absence de son collègue. En ne prenant pas la peine de débarrasser son bureau des toiles d'araignées ni même en le remplissant avec ses propres dossiers. Non, au lieu de cela la seconde moitié du gigantesque bureau situé tout en haut de l'immeuble est vide et sale. Peuplée par les bêtes. Tandis que l'autre est nickel chrome, à la moindre poussière près.

- Monsieur O'Murphy, vous vouliez me voir ?

Pour un Administrateur du CP9, le gusse fait plutôt jeune. Occupé à ratifier de la paperasse, avachi sur son bureau, le petit mégalomane remarque à peine ma présence. Mais me fait signe de m'asseoir, probablement le temps qu'il finisse ce qu'il a entrepris. Je sied donc, attendant le moment propice pour engager la conversation, celui où il se relève, enlève ses lunettes et me regarde dans les yeux. L'air abscons. Puis enfin un large sourire sur le visage. Un sourire de carnassier.

- Ah, Sweetsong, ma chère Sweetsong. Vous permettez que je vous appelle Annabella ? Voire même Anna, c'est plus court. Après tout, le temps c'est de l'argent, comme on dit. N'en perdons pas avec les formalités administratives.

Ca commence bien, pour un administrateur. Qui ne veut pas s'embêter avec les formalités administratives. Sauf que celui-ci comprend ma perplexité et se corrige.

- Entre vous et moi, je veux dire. Mais bon, attaquons les choses sérieux. Vous avez fait du très bon boulot, Anna. Et je vous ai conviée pour en parler. Pour vous féliciter. Entre autres choses.

Entre autres choses ? Cela veut-il laisser entendre qu'il a une affaire à me confier ? Je reste sur mes gardes. L'homme possédant un sacrée palmarès de missions noires distribuées à son actif, je préfère ne pas me mettre plus dans le pétrin que je ne m'y suis déjà mis. Quoi que, au final... Si j'y réfléchis bien.

- Alors c'était vous depuis le début ?

Il sourit mais ne dit mot. Et qui ne dit mot consent évidemment, lui plus que personne d'autre. Il vérifie cette règle en adoptant une expression espiègle, attendant que je fasse les comptes.

- Enies Lobby, l'assassinat de mon père, c'était votre décision, votre mission. Et le Fruit du Démon aussi. A partir de là...

- Inutile de poursuivre, j'ai l'oeil sur vous depuis votre arrivée Anna. Je pense que vous avez l'étoffe d'un véritable agent du CP9. Enfin, pour la discrétion on repassera. Votre couverture Marine a peut-être été un peu loin dans la hiérarchie... mais toutefois, les résultats sont là. Et c'est ce que j'aime, les résultats. Surtout ceux liés à ce que vous avez fait sur Strong World et Lone Down. J'ai fait le bon choix en mettant Hayley sur la piste de Caldaerys, mais je n'imaginais pas que ça se finirait aussi bien...

Depuis le début, il savait. Il avait toutes les cartes en main et je n'étais que son pion final pour venir renverser ses intrigues soigneusement mises en place. Et à chaque fois, il y a gagné à titre personnel. Sans vraiment savoir de quoi il s'agit, j'en suis pertinemment sûre.

- Pour quoi m'avez vous appelé cette fois-ci ? Je vous préviens, je me suis engagé avec Raoul pour m'entraîner à l'apprentissage du Rokuogan. Je ne serai pas disponible pendant au moins une bonne semaine.

- Rien qui presse. Le Nouveau Monde, vous connaissez ? J'ai quelques affaires là-bas qui y fleurissent. Mais comme toujours, qui dit affaires, dit révolution et gouvernement corrompu...

Ou plutôt le contraire non ? L'administrateur du CP9, un fin jardinier capable de déraciner les mauvaises herbes pour planter des superbes parterres à la place. Et le désherbant, c'est bien évidemment le CP9. Mais le pire dans cette histoire, c'est que cette combinaison fonctionne bien. Et qu'à l'instar de la richesse infinie de l'administrateur, celle du CP9 et son poids politique ne cessent d'enfler. Car le type a le bras long évidemment, aussi long que la suite de chiffres figurant le solde de son compte en banque.

Le Nouveau Monde, hein ? Les océans des Empereurs, les mers déchaînées renvoyant vers la piraterie et la criminalité pour tout un paquet d'îles. Ou bien des endroits sauvages ou fondamentalement révolutionnaires. Il n'y a que sur ce genre de territoire que la crasse peut évoluer sans craintes, car le GM peine à la contenir. Trop profondément enracinée. Mais comme il faut bien commencer quelque part...

- Je vous écoute.
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Je claque la porte en sortant, me fendant d'un petit sourire en coin.

Un petit dossier vert dans la main droite. En papier, même pas en carton. A l'intérieur, tous les détails que je dois prendre en compte, en plus de mon entretien avec O'Murphy. "Carte blanche" ? Qu'est-ce qu'il espère de moi ? Enfin, visiblement, n'importe quelle action dans le coin où il m'envoie semblerait lui être profitable. Il faut juste que je m'y rende, ça fait la moitié du boulot. L'autre, infiltrer la révolution locale. Une certaine Vox Dystopia.

Je dois m'avouer un peu surprise. Le Nouveau Monde n'est pas propice à la présence du Gouvernement Mondial. Bien souvent c'est même le contraire. C'est déjà un sacré charnier à agents du CP dans lequel je mets les pieds. La Nécropole d'Arcadia, hein. Rien que le nom est suffisant pour me pousser à racler le fond de mon tonneau, pour en retirer une dose minime de rhum arrangé.

- Vous m'avez vraiment rien gardé, bande de salauds.

- Hips. Désolé. se marre-t-il.

Foutus gars. Foutus collègues. Mais il faut faire avec et de toute manière, ce n'est pas aujourd'hui que je vais célébrer quoi que ce soit. Mission en tête, je dois m'épuiser aussi physiquement que psychologiquement, quand je pense aux éléments en vigueur.

C'est toujours assez flou.

Une autre mission d'envergure, même si les objectifs réels de l'Administrateur demeurent obscurs, je sais ce que je dois faire. Mettre un terme à la Vox Dystopia, le mouvement révolutionnaire de l'île. Mais aussi et surtout, renverser les riches esclavagistes qui empêchent le gouvernement d'enquêter. Et d'avoir un pied à terre sur l'île. Une nuisance qui aurait dû être endiguée il y a des années de cela, quand la dystopie est née. Mais quand le GM s'en est inquiété, il était trop tard. Et les agents sur place ont systématiquement disparu. Alors on m'envoie.

Je suis la nouvelle solution radicale du CP9, il semblerait. Quand les négociations échouent, quand il faut organiser la bataille et déclencher les affrontements. Utiliser la révolution pour nettoyer la bourgeoisie. Puis profiter de la faiblesse de la révolution pour la bouter elle aussi.

Je pose tout ça sur mon bureau, décrochant ma veste du porte-manteau au passage.

J'y penserai en m'entraînant. Car Raoul m'attend et le vieil homme n'est pas vraiment très patient. Il me tarde pourtant de plonger mon nez dans l'histoire atypique de cette île dangereuse. De prendre le train et d'embarquer dans l'autre sens, en direction du Nouveau Monde. Mais d'autres obligations me contraignent à repousser l'échéance. Comme je l'ai dit à mon supérieur, ça ne sera pas pour tout de suite. Tout dépend de l'entraînement. Et de la vitesse à laquelle j'apprendrai le Rokuogan.

Alors je descends la cage d'escalier et quitte le bâtiment. L'air est frais dehors, le temps clément. Les conditions météorologiques sont adéquates. Espérons juste que cette fois je ne fasse pas tout capoter.
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