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Là où va le Serpent, un Dieu le précède. [Quête]

C'est toujours difficile de trouver un endroit tranquille en ce bas monde. En général, plus vous cherchez à être peinard, et plus vous retombez sur des casse-noisettes qui ont pour seul but dans la vie de vous déranger. Bref, à moins de choper une île déserte... et encore. C'est dans cette optique que j'avais navigué depuis Karaté Island jusqu'à l'île de Baterilla. Au moins, hormis les foutus vautours et quelques mouettes, je ne risquais pas d'avoir beaucoup de compagnie. Bon, certes, Han me suivait toujours où que j'aille maintenant qu'il m'avait retrouvé. En bon membre de la famille Li chargée de la protection de la lignée royale, il ne comptait sans doute plus me lâcher d'une semelle. C'est tout de même une bonne chose, car au moins, j'étais moins seul pour m'entraîner. Après avoir camouflé le navire en le cachant dans la crique de l'île, histoire d'éviter que des pirates en vadrouille ne se pointent attiré par notre côté touriste, nous nous étions rendus sur la plage afin de pouvoir commencer à fêter nos retrouvailles comme il se devait, en échangeant assez de coups pour reprendre l'habitude de combattre avec l'autre. Installés à trois bons mètres l'un de l'autre, nous nous fixions avec une certaine intensité tout en restant immobile. Les pieds s'enfonçant dans le sable pour prendre nos appuis. Bien que nous soyons tendus, on peut voir un sourire amusé sur notre visage, car nous sommes, après tout, ravis de nous revoir et pouvoir reprendre notre vieille habitude de se tarter la face comme au bon vieux temps.

Et c'est parti. Il s'élance vers moi, poings serrés, avant de prendre une impulsion sur ses jambes et sauter pour tenter un coup de pied retourné dans les airs. Mauvais choix. Ayant plus d'allonge que lui et également de vitesse, je fais également la même chose, mais au sol. Mon pied frappe alors son torse avant que le sien ne m'atteigne, changeant radicalement son angle de chute pour le faire valser sur le côté. Il se réceptionne néanmoins avec brio, dérapant sur deux bons mètres dans le sable. Je ne m'arrête pas, courant vers lui pour stopper ma course une fois que je suis assez près pour cogner. Mon poing fonce en direction de sa tête, mais il se penche sur le côté, laissant celui-ci passer juste devant son nez. Sans la moindre hésitation et avec une certaine maîtrise, il m'agrippe le poignet pour me tordre le bras et me faire poser genou à terre. Mais dans cette position, je le frappe d'un crochet du droit, quitte à me tordre légèrement le bras qu'il me tient. Alors qu'il s'élève dans les airs suite au coup, il donne une légère impulsion de son bassin pour faire un salto en me filant un coup de pied qui me repousse un mètre plus loin en dérapant dans le sable.

Petit temps mort, nous nous observons en laissant un léger ricanement émaner de notre bouche tandis que nous essuyons tous deux le léger filet de sang qui coule de nos lèvres. Bien qu'il soit plus petit que moi et sensiblement inférieur sur tous les domaines des capacités physiques, la force de ce garde du corps réside surtout dans sa technique au combat et sa polyvalence dans le maniement des armes. Alors que nous nous apprêtons à nous remettre au combat, fonçant l'un vers l'autre, mon attention se porte sur une immense voilure qui se dessine derrière Han. Lui, en revanche, ne peut pas la voir, et profite de mon inattention pour me coller une baigne qui me fait faire un tour sur moi-même du haut vers le bas pour me laisser m'écraser misérablement sur le sable.


- Jusque-là je pensais que vous aviez fait des progrès Maître, mais il semblerait que je me sois trompé.

Me relevant en me tenant le nez, je secoue la tête de droite à gauche pour me remettre du choc qui m'a méchamment secoué. Faisant craquer mon pif en le remettant droit et en expulsant de chaque narine par une violente expiration nasale, le sang qui s'y trouve, je tends le doigt de manière à montrer à Han ce qui se trouve derrière lui. Le petit gars percute la raison de mon inattention. Tout comme moi, il sait les appréhensions que j'ai envers la Marine depuis la mort du précédent roi qu'était mon paternel, assassiné par le Gouvernement Mondial. Les soldats n'étant que les chiens de garde de ces politiciens corrompus, aussi bien moi que Han, nous ne les portons pas dans nos cœurs. Nous nous regardons alors en nous demandant respectivement ce que ces Marines peuvent bien venir foutre sur l'île déserte de Baterilla. Après tout, si on regarde derrière la plage où nous nous trouvons, il n'y a rien d'autre que des ruines laissées par les assauts d'un pirate. Je ne vois néanmoins pas la raison qui peut les pousser à se pointer dans ce lieu de mort et de désolation... hormis ma théorie précédente sur la raison de vivre des chieurs ayant pour mission de vous pourrir la tranquillité à chaque fois que vous souhaitez être peinard.

Fixant Han, je lui fais signe de foncer vers la jungle qui se trouve juste à côté des ruines, histoire de ne pas être repéré les soldats. Tout en courant, j'affiche un sourire qui n'est pas pour rassurer mon garde du corps. Depuis que nous sommes tout gosse, il sait très bien que quand j'arbore un tel rictus, les ennuis sont au bout du voyage et qu'en général, il vient à les affronter avec moi de manière pour le moins violente. Je décèle l'inquiétude sur son visage alors que nous nous planquons derrière un plan de fougères plus que touffu. Je l'avais mis au courant de mes projets concernant le fait de me faire remarquer de manière pour le moins excessive afin de faire connaître mon nom dans le monde entier en espérant que cela amène mon fils à partir à ma recherche. Voilà pourquoi il se doutait sûrement de ce qui allait suivre. Le fixant alors que le navire Marine approche, je m'adresse à lui sur un ton des plus ironiques, confirmant ses craintes, le tout en gardant un bon angle de vue sur nos futurs visiteurs qui seraient là dans moins d'une vingtaine de minutes.


- Ça te dirait de faire un bon Bresse Bleu ?


Dernière édition par Winchester D. Arthur le Lun 27 Juin 2011 - 2:58, édité 2 fois
    Alors que les minutes passaient, Han et moi tentions de mettre au point une stratégie pour faire tourner en bourrique le gang des casquettes blanches. En général, ce n'était pas vraiment difficile pour deux esprits aussi... "Diaboliques" que les nôtres. Nous avions pas mal de connaissances accumulées durant nos jeunes années à rendre chèvre les domestiques du palais royal de Nosgoth. C'est pourquoi, en souvenir du bon vieux temps et d'un commun accord, nous nous étions tous les deux entendus pour jouer la carte du "Voo et Moa". Bon, même moi, et non Moa, je devais avouer que c'était quelque chose de mesquin et très bas. Mais je devais tout de même admettre que c'était assez drôle de voir les Marines s'énerver face à ce stratagème des plus fourbes. Planqués dans notre buisson, Han et moi en riions d'avance à la manière d'éminences grises qui constaterait que son étoile de la mort va bientôt poutrer les gentils sans qu'ils ne percutent ce qui va leur tomber sur le coin de la trogne. Mouhahahaha ! Que c'est bon d'être vilain !

    Quelques instants passèrent avant que finalement, l'équipage du navire Marine n'arrive à bon port, se stoppant devant les débris du vieux port. En plus d'avoir l'air paumés, ils me donnaient l'impression d'être totalement paniqués. Un grand guignol en blouse blanche les accompagnait. Le genre de mec qu'on qualifierait de petite couille nerveuse qui n'a pas peur de gueuler sur les grandes baraques molles du cervelet. D'ailleurs, il confirma cette appréhension, en hurlant comme un putois sur la demi-douzaine de Marines ayant débarqué avec lui. Je ne savais pas de quoi il pouvait bien parler, mais visiblement, à en croire ce que hurlait le nabot, ils avaient perdu un truc qui s'était barré ici, et il était capital pour eux de le retrouver. Un trésor ? Une arme ? Le string de la dernière playmate de la Gazette des Pirates ? Quoi que ce soit, il semblerait que cela était d'une très grande valeur. Et qui dit grande valeur, dit intérêt pour les pirates que Han et moi étions. Bon, okay, on avait pas d'équipage, mais nous étions pirates dans l'âme... ou plutôt aventuriers.

    Après avoir joué à Pierre-Papier-Ciseaux celui qui tiendrait le rôle de Voo l'aveugle, et Moa son copain, il ressortait que je me coltinais le rôle du non-voyant. Pas très glorieux, mais en pensant à ce qui allait suivre, je ne pouvais m'empêcher de ricaner, ou plutôt de glousser. Arrachant une branche d'arbre que j'effeuillais, je fis en sorte de donner l'impression que c'était une "canne blanche" de fortune. Gardant les yeux fermés, je laissais Han faire mine de m'aider à marcher correctement. Visiblement, prendre de la bouteille rendait cette manœuvre plus facile qu'autrefois. Le vieil aveugle est plus crédible que le jeune il faut croire. Titubant légèrement, je m'avançais avec mon garde du corps en direction du groupe de Marine. Inutile de dire que ces derniers nous ordonnèrent de stopper notre marche, pour commencer à nous questionner. A la voix plutôt hargneuse, je me doutais qu'il s'agissait du guignol en blouse blanche déjà bien énervé qui vint nous interroger.


    - Halte ! Qui êtes-vous ? me demanda-t-il avec un sérieux non-dissimulé.
    Sans autre forme de préambule, je répondais à sa question par un
    "Voo" net.
    - Nan, pas moi, vous ! reprit le malheureux scientifique.
    - Oui, je suis Voo.
    On put alors sentir que notre ami commençait à perdre patience lorsqu'il me reposa la question sur un ton nettement moins amical.
    - Bon, contentez-vous de répondre, d’accord ! Qui êtes-vous ?
    - J’ai déjà répondu à la question !
    - Vous êtes dur de la feuille ? lanca-t-il en s'approchant de moi, affichant sans doute une mine peu réjouie que je ne pouvais voir à cause de mes yeux fermés.
    - Nan, Voo aveugle !
    - Pas moi, vous êtes aveugle ! me dit-il en posant son index sur mon poitrail.
    - C’est ce que je viens de dire à l’instant !
    - Vous avez dit quoi ?
    - Je n’ai pas dit quoi, j’ai dit Voo.
    - Donnez-moi votre nom à vous ! demanda une énième fois le chercheur excédé.
    - Et Voo est la réponse !
    - Vous la ferme ! répliqua-t-il, avant de se tourner vers Han en piétinant comme un gosse qui ferait un caprice. Vous !
    - Oui ? repris-je, en sachant pertinemment qu'il ne s'adressait pas à moi.
    - Je parle à ce type ! Quel est votre nom ?
    - Moi ?
    - Oui vous !
    - Je suis Moa. répondit Han avec un air des plus sérieux qui me donnait encore plus envie de rire.
    - Lui c’est Moa, et je suis Voo ! récapitulais-je pour en remettre une couche et faire craquer le pauvre bougre.
    - Et moi je vais vous botter les fesses ! Parce que maintenant je ne joue plus ! Vous, moi ! Je vais vous mettre à tous une bonne raclée ! s'énerva notre interlocuteur en nous montrant successivement du doigt avec hargne.

    Alors que les autres soldats derrière lui ricanaient de manière discrète, cachant leur envie de se moquer de leur chef derrière leur casquette, Han et moi jugions qu'il était tout de même temps de mettre fin à la plaisanterie. Ni une, ni deux, nous nous jetâmes un regard avant de reporter notre attention sur le scientifique, pour lui coller un double pruneau dans la face qui le fit dégager dans les bras de deux soldats s'écroulant sous son poids et la force de projection. Profitant de la surprise que notre comportement généra chez les autres gardes, Han s'élança dans les airs pour en frapper un d'un coup de pied retourné aérien, alors que je frappais le plus proche de mois avec ma paume de main d'un geste net pour le projeter au loin. L'un des deux restants leva son sabre en hurlant pour essayer de me l'abattre sur le crâne. Sans hésitation, je levais mon bras pour bloquer son assaut en frappant ses poignées de mon radius. Ecarquillant les yeux, il me lança un
    "Mais... vous n'êtes pas aveugle ?!" qui m'aurait bien fait rire si nous n'étions pas en train de nous battre. Ma seule réponse fut un coup de poing en plein visage qui le laissa sur les fesses avec le nez en sang.

    Han s'était occupé du dernier soldat, dans une acrobatie plutôt artistique, mêlant salto avec les jambes tendues, et coup de pied simultané. Décidément, il avait bien progressé dans le domaine des arts martiaux le bougre. Sans attendre que les bruits des coups échangés n'alertent les autres Marines restés sur le bateau, nous prîmes avec nous le corps du scientifique, avant de nous échapper dans la jungle. Après tout, s'il en était un qui pouvait nous renseigner, ce serait certainement ce nabot colérique. Néanmoins, l'alerte était donnée, et l'on put voir derrière nous débarquer plusieurs dizaines de Marines à nos trousses. Han portait le corps de l'arsouille en blanc et semblait se débrouiller de manière plutôt habile alors que nous nous enfuyions à travers la jungle. Malheureusement pour les Marines qui n'étaient que de simples troufions, nous avions l'expérience de notre côté. Aussi, semer une bande d'amateurs dans ces fourrés n'était pas une tâche trop ardue. Nous ignorions néanmoins qu'à la tête de la troupe se trouvait un Capitaine de la Marine, resté pour l'instant sur le navire.

    Après une bonne vingtaine de minutes à courir, nous finîmes par trouver les restes d'une des villes de Baterilla. Voilà qui serait un excellent endroit pour se reposer en attendant que notre "invité" ne reprenne connaissance. D'ici peu, sans doute se réveillerait-il. Ce sera alors le moment idéal pour lui poser des questions sur le mystérieux chargement qu'il semble avoir perdu, sa valeur, le prix à la revente, son utilité, les quotas des prochaines courses d'escargophones et la progression du cours de la bourse en ce qui concerne le soja ! Enfin, je m'emportais un peu, affichant clairement des Berrys à la place de mes yeux, alors que Han récupérait en pratiquant un exercice de relaxation respiratoire pour reprendre son souffle. Nous étions dans les restes d'une habitation poussiéreuse, et nous n'attendions qu'une chose... que notre ami ne retrouve ses esprits, le tout en espérant ne pas être retrouvés par la Marine d'ici là.
      Après une bonne demi-heure d'attente pendant laquelle nous pendîmes le scientifique par les pieds en l'attachant avec des lianes, Han et moi décidâmes de le réveiller. Quelques pichenettes ne suffirent pas, c'est pour nous nous dûmes passer aux tartes dans la figure... ce qui se montra redoutablement plus efficace. Malheureusement, nous n'avions pas prévu que notre interlocuteur se mette à brailler comme une pucelle effarouchée. Aussi nous finîmes par lui en recoller une afin de le calmer, le plongeant à nouveau dans les bras de Morphée. Soupirant, ce ne fut qu'au bout du troisième réveil que l'arsouille compris qu'il ne fallait pas crier sous peine de se faire talocher sévèrement. Pas très rapide à la comprenette pour un scientifique ce gaillard. Mon vieux chien comprenait plus rapidement les choses de la vie, et pourtant, c'était loin d'être un futé... genre saint-bernard pataud avec un nom de musicien.

      Bien entendu, Han et moi dûmes entendre les habituelles répliques du genre "détachez-moi" ou encore "vous ignorez qui je suis", blablabla, blablabla et blabla. Choses qui manquèrent de peu d'envoyer notre ami à nouveau dans le coma d'ailleurs. Ce n'est que lorsque Han stoppa mon poing à quelques centimètres du pif de cet homme que celui-ci comprit qu'il valait mieux éviter de l'ouvrir et faire des réclamations dans sa position. Il n'était pas dans un supermarché où il pouvait se plaindre en gueulant sur la caissière. Ici monsieur, c'est le Fast-Food, où on te sert de la bouffe que tu peux manger et chier, et même intervertir ces deux actions, sans que ça ne change le goût de ta nourriture. Ici, si tu gueules, y'a un videur de deux mètres qui vient te mettre sur le pif avant de te virer à grand coup de pompes dans l'arrière train. Maintenant que notre homme avait compris ce fait, nous allions pouvoir parler de manière plus intéressante.


      - Bon alors ! Parles sinistre andouille ! C'est quoi le machin de grande valeur que vous avez perdu ici ? demandais-je avec un air autant pressé que colérique.
      - Vous ne croyez quand même pas que je vais parler, sinistre idiots ? répondit le mauvais bougre.
      - Mauvaise réponse. Nous z'afons les moyens dé fous faire barler !

      Et Paf, un coup de bâton magique qui fait cracher ses boyaux dans le ventre. Être à l'envers rendait la chose encore plus désagréable à la pauvre âme.

      - Che rébète la guestion ! Qu'afez-vous berdu ?!
      - Un... un spécimen de recherche ! Une créature ramenée de Grand Line... sur l'île de Strong World. Je parlerai, je parlerai... mais par pitié, arrêtez avec cet accent ! cracha le scientifique entre deux inspirations haletantes.
      - Quel genre de créature ? s'interrogea brusquement Han, cassant mon trip Teuton avec son sérieux habituel.
      - Un... Serpent. Projet E-123.
      - En quoi est-il si spécial et important pour la Marine ? continua le garde du corps sans même me laisser le temps de poser la moindre question à mon tour.
      - Il nous avait été ordonné de le ramener... afin d'étudier les toxines qu'il produisait et... de la synthétiser pour en faire une arme. Mais cette saleté s'est enfuie et... le collier émetteur nous a indiqué qu'il se trouvait ici !
      - Alors juste parce qu'un serpent fait du poison, comme tous les autres serpents, vous jugez que c'est une mission capitale de le ramener pour l'étudier ? Dis l'ami... tu ne serais pas un peu bête ? lançais-je en poussant le gaillard ligoté comme une anguille avec mon index pour qu'il se balance malgré lui.
      - Ce serpent est une forme d'intelligence animale peu commune ! Son niveau de réflexion est...
      - Déjà plus élevé que le vôtre puisqu'il vous a échappé... dis-je en coupant le scientifique dans sa tirade.

      Faisant alors signe à Han de venir en aparté afin de discuter de ce qu'il convenait de faire, je sentais en moins une réticence à capturer le pauvre reptile et le revendre. J'avais toujours eu plus d'estime pour les animaux que pour les êtres humains à dire vrai. Alors faire du commerce sur leur dos n'était pas vraiment le genre d'actions auxquelles j'aspirais. Puis bon... si je retrouvais mon fiston, ce dernier aurait sûrement des appréhensions sur ce genre d'actes répréhensibles. Avoir un père qui deal les chiens errants du quartier, c'est un peu la honte... sans parler du sentiment de mépris et de dégoût que l'on éprouve à l'égard de ce genre de personnes.

      Je fis alors remarquer à Han qu'il vaudrait mieux se dépêcher de choisir ce que nous ferions de la bestiole... car celle-ci venait d'apparaître juste devant la fenêtre à moitié brisée de la maison où nous étions. Pour confirmer ce fait, le scientifique saucissonné se mit à braire comme un cochon qu'on égorge. Si on en croyait ses exclamations, la bête était venue pour lui. Allons bon... Voilà encore un chercheur égocentrique à souhait. Quand comprendrait-il que le monde ne tourne pas autour de lui ? C'est ce que je me disais, du moins, jusqu'à ce que la bestiole mauve toute en longueur n'explose la fenêtre afin de passer par celle-ci pour se diriger vers nous. Nan, simple coïncidence. Elle devait avoir faim et ne pas avoir trouvé la moindre proie avant nous. Un ver de terre géant qui pense... et puis quoi encore.

      Oui bon, par contre, le fait qu'elle nous ignore totalement, avançant entre Han et moi, pour se diriger vers son "vieil ami", je ne me l'expliquais pas vraiment. Ce truc faisait six bon mètres de long et ondulait dans la pièce comme si les deux seules personnes capables de bouger n'étaient pas là. Lorsque Han tenta de s'avancer vers le docteur Maboule pour s'interposer, le monstre tourna sa tête vers lui pour pousser un... cri ? Ou sifflement ? Bref, une exclamation pas très contente si j'en jugeais la monstrueuse paire de crochets qui luisaient à la lumière. Sympa comme attirail. Mais ce n'est pas pour autant que je vais le laisser boulotter notre otage préféré.

      Alors que le monstre se remit à avancer, au moment où il allait s'abattre sur sa proie déjà bien ficelée, sa mâchoire se referma sur le vide, à seulement deux ou trois centimètres du nez de l'homme à l'envers. Le reptile fit plusieurs tentatives en faisant claquer sa bouche juste devant l'autre pignouf qui hurlait comme une fillette, avant de comprendre que ce qui clochait se trouvait derrière lui. Allez savoir pourquoi, mais un grand blond avec des chaussures noires avait jugé bon de marcher sur la queue du serpent... enfin... sur la... cuisse ? Bref, sur le seul morceau du serpent, car il n'est fait que d'un morceau, pour l'empêcher d'avancer, en pressant très fort.

      Mais bien sûr que la bestiole ne le prit pas bien ! Mais bien sûr qu'elle me montra les crocs ! Mais bien sûr qu'elle m'envoya valser à l'étage en traversant le plafond d'un coup de queue ! Ce n'est pas le fait d'avoir traversé une cloison en bois et d'avoir la tête à moitié planté dans le deuxième étage qui allait occulter le fait que... bah voilà, il était coriace l'animal. Plus que ce que j'aurais pensé. Pressant de mes mains contre le plafond dans lequel ma tête était encastré, je finis par me dégager... retombant à travers le trou que j'avais fait un instant plus tôt, et m'effondrant sur le serpent qui n'avait pas prévu ce retour de flamme. Au moment où je me redressais, celui-ci tourna sa tête avec un air de surprise et d'incompréhension. Ce qui ne s'arrangea pas quand je lui mis une bonne tarte en pleine caboche qui le sonna un peu. Alors qu'il secouait la tête pour reprendre ses esprits, j'attisais la hargne du monstre avec une tirade provocatrice.


      - Haha ! C'est chiant de ne pas avoir de mains pour cogner hein mon salaud !

      Zbaf ! A peine venais-je de finir ma phrase que la bestiole décolla une partie de sa peau pour déployer une paire d'ailes qui, dans son mouvement, me colla un marron en pleine trogne, me sonnant à mon tour. Ah ouais... vraiment pas commune la bestiole ! Dans toute ma vie et l'expérience que j'avais de ce monde, j'avais frappé beaucoup de serpents, mais jamais un serpent ne m'avait frappé ! Voilà qui était plutôt atypique et me laissait songeur... et légèrement groggy.

      Enfin, pendant ce temps, Han avait décroché le saucisson humain pour le prendre sur son dos et se diriger vers la porte de sortie. Bien entendu, le gros lézard pas content n'était pas d'humeur à laisser partir sa proie. M'éjectant d'un coup de son immense corps pour me faire m'écraser contre un mur de la bâtisse, l'animal se dirigea lui aussi vers la sortie. Une course entre mon garde du corps, encombré d'un poids mort encore un peu trop vivant à mon goût, et le serpent ailé, s'engagea... pour ne pas durer très longtemps. Je ne savais pas pourquoi les deux forces en présences s'étaient arrêtées après quelques mètres une fois dehors. Décidant de ne pas attendre que la réponse me tombe du ciel, je sortis également de la baraque en me hâtant.

      Mauvais choix. Une fois dehors, je vis pas moins d'un cinquantaine de Marines, avec à leur tête un type qui avait toutes les caractéristiques d'un Capitaine de la Marine. A savoir : les médailles, l'uniforme, la casquette, l'air hautain, les cicatrices, et la tête qui donnait l'impression de dire "c'est quoi ce bordel" et "vous allez prendre cher". Un haut gradé pas content qui va pas tarder à nous faire un caca nerveux en somme. Le serpent lui-même semblait intimidé par le gros bras qui croisait justement ceux-ci en serrant les dents. Bien entendu, dans un tel moment, n'importe qui se serait tu. Sauf que bon, tant que j'ai le gosier sec et moins d'alcool que de sang dans l'organisme, la réflexion, c'est pas trop mon truc. Face à tant de guignols, tout ce que je trouvais à dire était un
      "Ah ouais quand même..." des plus inutiles, si ce n'était pour convaincre que j'étais un benêt. Quoi qu'en un sens, passer pour un ahuri peut parfois être plus utile que de passer pour un génie. Tout cela, je n'allais pas tarder à le démontrer.
        La question à cent mille berrys : comment se sortir d'un traquenard, face à un serpent ailé géant, une cinquantaine de Marines qui vous disent bonjour de leurs armes à feu, et un Capitaine à l'apparence de catcheur bodybuildé allaité aux anabolisants ? Si j'avais droit à ce foutu appel à un ami, je le passerai sans doute... sauf que le seul ami capable d'y répondre était également dans la même situation et ne semblait pas détenir la solution miracle. En plus regardez-moi un peu ce chef. Le genre blondinet coupé court à la tondeuse, qui se balade torse nu pour exhiber son imposante musculature, avec des gants troués au niveau des jointures osseuses qui font la limite entre main et doigts. A en juger son grade, il ne doit pas être un enfant de cœur. Voilà qui allait rendre les choses intéressantes. Dangereuses, mais intéressantes.

        Un trouffion donne l'ordre de se rendre, en chargeant son fusil, avant de nous ordonner encore une fois de lui remettre le scientifique ligoté. Ouais... j'aime pas trop recevoir des ordres d'un jeunot, encore moins quand c'est un membre du gang des casquettes blanches. Tu le veux ton scientifique ? Tu vas l'avoir mon bonhomme. Mais je suis pas la Fée Dex moi. J'assure pas une livraison sans casse avec remboursement à la clef en cas de pépin. Je jette un oeil en coin à Han qui sait très bien ce que je vais pas tarder à faire. Quant au gros serpent, il semble avoir parfaitement compris la situation, même s'il crache en persifflant, genre pas content du tout. Visiblement, il en veut encore plus à ces foutus Marines qu'à Han et moi. C'est plutôt un bon point.

        Allez, voilà que le guignol ligoté en blouse blanche se libère de l'étreinte d'Han, avant de s'avancer vers le peloton, les larmes aux yeux, genre le sentimental qui rentre au pays pour y sauter la reine du bal qu'il a pas vu depuis perpette. Seulement, pas futé comme il est, il se met à courir. Les Marines tâchant de rester calme face à ce "mouvement brusque", relâche leur vigilance pendant un dixième de seconde. N'étant pas rond comme un coin, j'avais toute les chances de réussir à saisir le bon timing pour me mettre en mouvement au même moment que l'arsouille en blouse blanche. Et paf, ça manque pas. D'un seul coup, les muscles des Marines se raidissent et ils redressent leurs armes. Sauf que ce court instant de relaxation leur coûte la victoire en un coup. Au moment où ils réalisent la chose, je suis déjà derrière le pauvre mariolle en blanc, avant de l'étaler d'un coup de pied horizontal dans la colonne vertébrale.

        Pif, paf, boom, voilà qu'il décolle et fonce droit dans le peloton de la vingtaine de militaires possédant des armes à feu, et en fait tomber les deux tiers par terre en s'échouant contre eux. Forcément, qui dit peloton dit rangs serrés. Faites en tomber un, vous avez un bel effet domino, et en moins de deux secondes, plus aucun marine avec un fusil debout. Résultat ? On a que quelques secondes avant qu'ils ne se remettent en position et ne tire pour leur foncer dans le lard et leur tartiner la trogne de confiture aux marrons. Aussi bien Han que moi nous élançons vers le groupuscule. Sauf que bon, vingt en moins, ça en laisse quand même une trentaine sabres en main, prêts à en découdre. Han sort son bâton en or de son étui dorsal pour commencer à distribuer des coups à tout va avec une agilité pour le moins déconcertante, même pour moi. Y'a un truc pas net dans sa manière de bouger qui me laisse à supposer qu'y'a anguille sous roche.

        Enfin, pas le temps de me préoccuper des détails, j'ai moi aussi pas mal de mariolles qui veulent me faire des misères, et pas comme j'aimerais. Ni une, ni deux, je fonce dans le tas en me mettant à tourbillonner sur moi-même, courbant légèrement le dos en avant. A la manière d'un tourbillon humain, j'envoie balader tous les guignols sur mon passage en distribuant des coups de paumes de main, avant d'arriver devant mon principal objectif : le grand mec sculpté comme le Major Bob qui se balade à moitié nue. La vitesse de mon assaut semble l'avoir surpris, et peut-être était-ce ce seul avantage qui me permit de lui porter le coup final, terminant de tourner pour concentrer toute la force cinétique de ce Chaotic Maelström dans mes paumes de mains et les libérer en pleine poitrine du Capitaine.

        Vu la masse de muscle, le gaillard ne décolle pas, mais dégage en arrière, laissant une trainée dans le sol avec ses pieds, dérapant sur une bonne dizaine de mètres. Me redressant, je le vois tête baissée, avant qu'il ne remonte celle-ci, les dents serrées. D'un seul coup, il prend une profonde inspiration et se remet droit avant de rire un grand coup. Dites donc... il s'est tellement contracté qu'il a réussi à neutraliser la plupart des dégâts de cette attaque. Rien que pour ça, j'en juge qu'il est loin d'être un bleu dans l'art du combat. Mais c'est qu'il prend un peu la grosse tête mon Major Bob là. Va falloir que je lui apprenne un peu l'humilité à grand coup de pied dans l'arrière train.

        Enfin, sauf qu'à ce moment-là, alors qu'on se dévisage à la Clint Eastwood en plein duel de pistolero, y'a trois Marines qui fendent l'air entre nous, volant avec un manque de grâce laissant penser qu'ils viennent de se faire méchamment botter l'arrière train. En me retournant, je vois quoi ? Le serpent géant qui vient de lâcher un gros nuage de gaz et de le balayer d'un coup de queue pour envoyer les Marines armés de fusils un peu partout. Et à côté de lui ? Bah pas grand-chose. Juste Han qui s'éclate avec son bâton, sauf qu'il a l'air un peu différent. Primo, il est tout blond, secundo, il a une queue... enfin, une derrière quoi, et des poils un peu partout. Tertio... il a foutrement une gueule de singe, en plus de se déplacer avec une adresse particulièrement caractéristique de ce genre de bestiole. Dis-moi mon salaud, t'aurais pas mangé un Fruit du Démon de type Zoan par hasard ?

        Pas le temps de lui poser la question. Mon Capitaine face à moi chope un Marine en plein vol et me l'envoie comme un boulet de canon. Nan mais sérieusement, tu croyais que ce genre de trucs allaient marcher ? Je laisse alors mes mains dans mon imperméable, levant juste la jambe droite. Juste après, paf, un grand coup vers le haut en dépliant celle-ci, interceptant le projectile vivant pour le faire changer de trajectoire à quatre-vingt-dix degré, plein ciel. Ouais mais ce que j'avais pas calculé, c'est que le le lanceur suivait juste derrière. Ce qui fait que quand le troufion dégage mon champ de vision, je me retrouve face au Capitaine à à peine un mètre de moi, qui m'abat une méga taloche direct en plein estomac. Sûr que si Elton John avait été là, c'est en mattant cette scène qu'il aurait eu l'idée de faire la chanson Rocket Man.

        Du coup se passe quoi ? Bah je décolle, genre propulsé aux commandes d'une Formule Un invisible en marche arrière, pour jouer les mannequins de crash-test dans les ruines d'une baraque. Zbaf, tonton Arthur joue les passe-muraille un peu bourrin. Explosion de la pierre qui sert de mur, gros nuage de poussière à cause du choc, et moi qui suis un peu sonné. Bordel, c'est pas de la gonflette ses muscles à c't'animal ! Il sait cogner, et il le montre. Si j'avais boulotté un truc au petit-déjeuner, sûr que je le rendais dans l'instant après un coup comme ça. Alors que je vois flou, une silhouette s'approche. Vu le pelage doré que j'arrive un peu à distinguer, ça doit être Han. Sauf qu'au lieu de me prendre sur son dos pour qu'on se tire, il me chipe ma besace de gnôle. Bordel, si t'as vraiment soif, attend au moins qu'on risque pas de se faire défoncer par la Marine ! Moi qui pensais être un poivrot...

        Ha, non en fait. J'ignore pourquoi, mais cet abruti m'enfourne la moitié de la bouteille dans le gosier pour me faire boire. C'est quoi ce bordel ? J'ai rien contre un petit coup, mais je préfère me détendre en vidant une choppe après un combat, pas pendant. Question de professionnalisme merde ! Comment je vais me battre avec un coup dans le nez moi ? La réponse à cette question n'allait pas tarder à arriver... sauf que je serai trop saoul pour m'en souvenir. Alors que ma vue se troublait et que j'avais l'impression de perdre conscience, et bah... c'est ce que je fis. Enfin, plus ou moins.

        L'instant après celui où j'eus l'impression de perdre connaissance, on put voir une silhouette émerger du nuage de fumée sensiblement moins dense qu'au début. La démarche ? Les bras pendant vers le bas, le dos légèrement voûté, titubant de gauche à droite. Le capitaine a du mal à croire que je sois encore debout après avoir encaissé son attaque. Seulement là mon bonhomme, tu as tout intérêt à bien ouvrir tes mirettes. Le mec en face de toi n'a rien à voir avec le Arthy que t'as envoyé valser quelques secondes plus tôt, tant sur le plan sérieux que sur celui du guerrier. Là, tu vas goûter un autre produit régional.

        Le Drunken Master entre en piste !
          Émergeant des ruines et autres décombres du bâtiment où j'avais été propulsé, je me tenais à moitié courbé face au Capitaine. Pouvais-je voir le serpent géant qui terminait la petite dizaine de Marines situés autour de lui ? Sans doute pas. Pouvais-je voir le monticule de soldats gisant à terre suite aux coups de Han ? Encore moins. Non. Le peu d'attention dont je pouvais faire preuve était tourné vers mon adversaire. Levant lentement la tête, on put apercevoir mon regard vitreux, juste avant que je n'ai un soubresaut animé d'un "Hic" pas très esthétique. L'exhibitionniste me fixait avec un air perplexe... du moins, c'est ce que je percevais à travers ses trois reflets qui ne cessaient de bouger de droite à gauche. Il me fallait juste quelques secondes pour que j'entre en état de Drunken Master et que le point se fasse.

          Ha ! Il n'en reste plus qu'un ! Le calme avant la tempête vient de foutre le camp pour laisser place à un tourbillon de violence. Ni une, ni deux, je m'élance vers le capitaine et... me casse magistralement la gueule par terre à deux mètres de lui. Gros silence bien pesant. Puis petit silence dubitatif. Et enfin, silence brisé par un "Zzzzzz" assez bruyant émanant de ma personne. Suite à quoi, je vous laisse imaginer la réplique emprunte d'indignation que mon opposant émis en voyant que je pionçais joyeusement. Mêlant colère et méfiance, le Capitaine s'approcha pour essayer de voir si j'étais bel et bien endormi et ainsi s'il était possible de me capturer sans faire davantage de remue-ménage.

          Mauvais choix. Tchop ! Et je t'attrape le pied gauche avec ma main droite en restant à terre, le tout avant de relever la tête et de te fixer avec un sourire d'ahuri complètement stone. T'as pas le temps de comprendre ce qui t'arrive que je donne une impulsion sur mes genoux, en prenant appui avec ma main de libre, pour me dresser à l'envers, jambes en l'air. Ouais sauf que... niveau équilibre, dans mon état, c'est pas du grand art. Paf, mes deux jambes se calent sur tes épaules. Je te lâche le panard et me redresse. T'as la tête entre mes jambes et moi j'suis sur tes épaules face à toi. Comment j'te dis coucou ? Avec un coup de boule en me penchant en avant. Ça plus mon poids, voilà que tu te casses la gueule en arrière, laissant apparaître un peu de sang sur ton front qui vient de se faire aplatir par le mien. Au moins l'alcool atténue la douleur que ce genre de truc me fout !

          Au moment où tu te casses la gueule, moi j'tombe aussi, logique ! Sauf que j'fais un rouler-bouler pour finir sur le ventre et... recommencer à dormir. Bon, là forcément, quand tu te relèves, tu le crois moyen que j'sois en train de dormir, même malgré la grosse bulle de morve qui gonfle et dégonfle de ma narine droite. Pour éviter de tomber une deuxième fois dans le piège, tu décides de foncer et foutre un méga coup de poing vers le bas. Ouais mais non. Au moment où t'es proches, je te refais la même en gardant l'équilibre, me tenant sur les mains pour commencer à te filer une série de coups de pieds dans cette posture plus qu'improbable. Bah oui mon gars, c'est ça le Drunken Fist... quand ça t'arrive sur le coin de la gueule, tu trouves rien d'autre à faire que te demander c'est quoi ce bordel et cette manière de combattre !

          Au final, le grand gaillard finit par me chopper la jambe alors que je tentais de lui enfoncer sa tête dans son corps pour supprimer le truc moche plein de veine qu'est son cou. Direct, il me lancer comme une flèche polynésienne l'animal. Moi forcément, j'décolle à perpette les bains pour finir par rouler sur le sol en dérapant. Emporté par l'élan, je donne une brève impulsion de ma main sur le sol, derrière moi, pour que ça me repropulse en l'air et me permette de me rétablir. Pas parce que je suis bourré que j'accepte qu'on foutte mon imperméable en lambeau non plus !

          Fixant le mec, titubant légèrement parce que je sens des relans d'alcool, je finis par tendre ma main devant moi et lui faire signe de venir se battre, genre "C'm’on mon gars ! Viens tâter du Winchester si tu l'oses". Il n'en faut pas plus pour que le mastodonte n'en vienne à foncer vers moi et que j'en fasse de même, toujours en souriant comme un gros niais. Paf, il lance un direct du droit que j'esquive en me laissant tomber sur le côté comme une feuille morte... ou un alcoolo qui ne sent plus ses jambes. Plus rapide que moi, il me fait alors une talonnette qui me fait perdre le peu d'appui que j'avais. Je me réceptionne en prenant appui sur ma main pour faire un pseudo-demi-salto, reculant comme si je perdais l'équilibre en esquivant in-extremis un autre coup de poing. On arrive alors près d'un mur et, au moment où j'allais être dos à celui-ci, je fais volte-face et commence à marcher dessus, à la verticale, pendant trois grands pas avant de prendre appui et faire un salto pour me retrouver derrière mon assaillant désormais face au mur. Il se retourne alors, et moi je fais quoi ? Bah... j'saute dans sa direction, poings brandis en avant, genre tu sais, le plombier vert qui fait le même coup dans ce jeu où on doit se tarter la trogne ! Sauf qu'au lieu de le faire avec ma tête, bah je me propulse en l'air, à l'horizontale, avec mes poings. Le pauvre bougre traverse alors le mur de la maison, sans doute plus à cause du poids qu'il représente que de ma propulsion.


          - Alors, c'est qui maintenant le... Hic... Lion hein ?! lui lançais-je à travers le nuage de fumée, en faisant des gestes amples assez ridicules du style Kung-Fu pratiqué par un novice.

          Ouais enfin, sauf que rester face à un écran de fumée dans lequel se trouve un mec en pétard qui vient de se prendre le second coup assez moche depuis le début du combat, c'est pas vraiment ce qu'on peut appeler une bonne idée. J'ai pas le temps de percuter quoi qu'une grosse paluche surgit et me choppe en plein visage. Genre pour en faire de la purée quoi. Là, j'vois alors le mastodonte bien furax, avec les veines des tempes qui ressortent à mort, qui serre les dents. Là, je l'ai vraiment foutu en pétard. Et il ne se prive pas pour me le faire remarquer de manière fracassante, genre en commençant par me foutre une taloche en plein estomac. Là, j'ai mal. Si si, j'ai mal ! Quand vous êtes complètement torchés et qu'un mec vous frappe aussi fort à cet endroit, ça fait rarement du bien.

          Et il continue. Lâchant mon visage, profitant du fait que je sois sonné, il commence à me talocher hyper rapidement avec ses maousses poings. C'est limite s'il gueule pas un "Atatatatatata" pendant deux minutes non-stop l'animal. La fréquence des coups est si élevée qu'arrivé un moment, je ne ressens plus la douleur de chaque coup, mais juste une grande douleur continue dans le bide, là où il me frappe. Pour peu, j'aurais l'impression qu'une mitrailleuse Gatling est en train de lâcher la sauce sur moi. Manque plus que les trous dans mes fringues et mon corps pour que ça soit le cas.

          Alors qu'il agit ainsi, y'a alors le gros serpent qui apparaît derrière lui, dans les décombres derrière lui, gueule grande ouverte pour essayer de le bouffer tout cru. Ouais mais nan en fait. Le mec fait demi-tour direct en levant son bras, ce qui a pour effet de foutre une monstrueuse taloche sur le côté du visage du serpent, et de l'envoyer compter les moutons après l'avoir fait dégager à perpette. Quand il se retourne vers moi, le Capitaine voit que j'ai l'œil ultra-vitreux et que ce dernier est pratiquement sur le point de se révulser. Alors qu'il commence à sourire, c'est là que ça se produit. Forcément, quand tu tapes un mec complètement imbibé dans l'endroit où il retient ce qu'il a bu... il finit forcément par tout rendre. Un gros "Bweuarrrrrgh" plus tard, le mec est tout couvert de vomi. De la masse visqueuse et jaunâtre émerge deux grands yeux écarquillés qui laissent à penser qu'il ne comprend pas vraiment ce qui vient de se passer.

          Mais moi non plus je percute plus ! C'est un peu comme si j'émergeais. Je suis où, pourquoi j'ai super mal au ventre et je sens que j'ai pratiquement toutes les côtes cassées ? Qu'est-ce qui s'est passé depuis que j'ai été envoyé dans la bâtiment maintenant derrière moi ? C'est pas la première fois que j'ai une absence dans ce genre et ça commence à me gonfler. Enfin là, j'ai pas le temps de me poser la question. Y'a un Marine bodybuildé face à moi, couvert de dégueuli et qui semble pas très content. Il lève son poing, sans doute pour me le présenter une énième fois de manière pas très sympathique. J'ai pas le temps d'analyser ce qui se passe. Je perçois alors un mouvement sur le côté, à savoir celui d'un objet qu'on envoie à travers la masse poussiéreuse qui résulte de l'endroit où le serpent s'est échoué.

          Pas de temps à perdre, la colère ouvre grand la garde de mon adversaire qui croit sûrement que dans mon état je ne vais pas contre-attaquer. Pourquoi penserait-il cela ? Je prends une très légère impulsion de mon pied gauche, pour dresser le droit et le diriger vers la tête de mon adversaire. Oh punaise sa grand-mère la punk ! Je percute pourquoi il pensait que j'allais pas faire de contre-offensive ! Rien que ce simple mouvement réveille toute la douleur que mon saoul avait plus ou moins endormi. Maintenant que je ne suis plus bourré, je la sens bien fort la saleté. En plus de ça, l'attaque au coup de poing frappe mon épaule gauche, ce qui accentue mon mouvement de rotation et donne plus de puissance à mon pied frappant sa figure, à la manière d'une porte tournante.

          Si le coup de pied simple aurait juste pu lui faire mal, il fallait le voir associé au projectile qui lui fonçait droit dessus. Il ne s'agissait ni plus ni moins du bâton doré de Han Li. Le cylindre frappa le côté droit de la tête, alors que mon pied fit pression de l'autre côté, mettant immédiatement hors-course le Capitaine dont les yeux se révulsèrent instantanément. Alors que je m'écroulais sur le sol suite à l'attaque, lui, il restait debout, complètement immobile, la bouche en cœur genre "Je me demande quoi mais je me fais interrompre et mettre sur pause". Han émerge alors des décombres, portant le serpent sur son épaule, toujours en mode semi-singe. Il s'arrête devant le capitaine, et pose son index sur le front de celui-ci, qui s'écoule alors en arrière.


          - Joli timing Maître ! Même si le vainqueur fait peine à voir.

          Peine à voir, peine à voir... attend que je sois remis sur pieds, et tu verras si je fais peine à voire espèce d'andouille ! Je sens plus mon ventre, sauf lorsqu'il me gueule dessus pour me dire que je viens de me le faire réduire en charpie par un Officier pas très content, le tout alors que j'ignore ce qui s'est passé pendant au moins cinq à dix minutes. Je perds alors connaissance, sans doute à cause de la douleur plus qu'intenable. C'est que ça me lance cette merde ! Il a dû faire de mes entrailles une jolie confiture à la fraise ce con !

          Puis pif paf poum ! Je me réveille ! Il est quelle heure ? Très tard si j'en juge le fait qu'il fasse nuit. Je regarde mon torse, et je vois que Han l'a visiblement soigné comme il l'avait pu. J'ignore où il a trouvé le matos médical, mais j'ai des bandages au niveau de tout le ventre, ainsi qu'à celui de l'épaule gauche où j'ai reçu la dernière attaque du Capitaine. Mais pas le temps de voir ce qui m'arrive ! Je suis où bon sang ! Deux trois coups d'œil et je percute que je suis sur le navire de la Marine si j'en juge les sigles sur le pavillon qui flotte. Cet enfoiré d'Han aurait pu me mettre dans une chambre au lieu de me laisser sur le pont. Voilà qu'il apparaît, sous sa forme humaine et plus de macaque tout blond. Inutile de dire que je lui demande un rapide résumé de la situation. Il se met alors à me parler en mode "Moi Tarzan, toi Jane" pour être sûr que je percute. Bordel ! C'est lui Cheeta dans l'histoire que je sache !

          Selon ses dires, pendant que je "dormais", il en a profité pour transférer le matos du navire pirate ainsi que le trésor sur celui de la Marine, en meilleur état, ainsi que la plupart des pièces utilisables. Du coup, les Marines sont en plan au beau milieu de Baterilla avec un bateau pirate qui ne peut plus naviguer. Un bruit derrière moi me fait sursauter et je vois alors le serpent dans sa cage qui s'agite et crache dans tous les sens, visiblement pas très content d'être là. Han me sort qu'il ne savait pas ce que je voulais en faire. Il est vrai qu'au marché noir, la bestiole aurait pu valoir un bon paquet. Cependant, j'évite de faire dans le trafic d'êtres vivants. Je ne suis pas comme ces enfoirés de Tenryuubitôs que je sache. Plutôt crever.

          Je me lève alors et fixe le serpent qui a la fureur dans l'oeil. Il n'a pas l'air de beaucoup m'aimer. Il écarquille ses pupilles en voyant tout de même que je lève ma jambe, comme pour frapper. De peur, il ferme ses paupières en voyant que je porte un coup. Seulement, ce n'est pas lui que je visais à travers la cage, mais bel et bien le cadenas qui gardais celle-ci ouverte. Lorsqu'il ouvre les yeux, il me voit alors ouvrir tout grand la porte en la tenant par l'un des barreaux. Avec un air toujours sérieux, je m'adresse à lui sur une voix détachée.


          - Allez, file d'ici en vitesse. T'as sûrement un chez-toi qui t'attend.

          L'animal ne semble pas en croire ses yeux en m'entendant prononcer ses paroles. Il reste immobile un court instant, comme pour digérer ce que je viens de lui dire, le tout avant de se mettre à ramper rapidement sur le pont du navire et de plonger dans l'eau en passant par-dessus bord. Je me tourne vers Han qui me rend un sourire amusé. Je suis certain que le bougre savait ce que j'allais faire. Néanmoins, il semble approuver le fait de perdre la somme que l'animal aurait pu nous rapporter. Plus que quiconque, il était un de ceux qui aimait voir chez moi ce côté humaniste et droit. Ou peut-être était-ce parce qu'il savait que dans la cale du navire se trouvait les fonds de recherche servant à l'étude de l'animal et qui représentaient un beau paquet de Berrys. Allez savoir. Néanmoins, jamais je ne me serais douté que durant notre traversé...

          Une créature restait dans notre sillage à nous suivre,
          Plus intriguée et attachée à nous que nous n'aurions pu le croire.