Au bâtiment principal de la Marine de Logue Town. En pleine soirée mais déjà la nuit est noire car les jours sont raccourcis en cette période.
Un commandant a convoqué un petit gradé pour lui assigner une mission. La mission que tous détestent. Mais le convoqué est nouvellement muté alors faut qu'il y passe. Ils ne se sont jamais rencontrés. Le Cmdt Het Master a seulement lu le dossier du transfert et le sergent qui arrive sait seulement que le commandant à la peau couleur charbon. Arrivé devant la porte, il ferme son poing et frappe avec vigueur.
TOC-TOC-TOC !
La lumière, sous la porte, montre une ombre qui s'approche et..
clic
..la lumière s'éteint soudainement. Het reviens sur ses pas et s'assit sur son bureau, face à la porte. Un individu lambda qui assisterai à ça, froncerai les sourcils d'incompréhension. Le Sergent, lui, ne montre ni sa surprise et n'a pas l'intention de signaler à nouveau sa présence. Pour lui, dans la vie, c'est donnant-donnant. Il a fait une action, le Cmdt Master aussi : l'équilibre est là. Le Sergent se met au garde à vous et laisse place à la patience.
Le temps passe.
Et passe encore.
Puis passe une mouche.
Et repasse la mouche qui se pose sur son nez.
La tentation de la dégager est grande.
Ses yeux rouge sang louchent pour lui lancer des flammes, pour seule réaction elle danse sur son pif pour le narguer. Il rage intérieurement en imaginant mile et une manière d'atomiser une mouche. Si Yugo Martelli n'était pas un justicier modèle très à cheval sur les règles, il aurait bougé. Mais le garde à vous est une position sacrée et il sait qu'il doit rester comme une statue de pierre. Étant seul dans ce long couloir, il se permet un léger écart qui devrait passer inaperçu. Sa bouche s'entrouvre légèrement et il souffle vers le haut par intermittence. Ô quelle joie pour la mouche ! Il n'en fallait pas plus pour l'amuser. Elle saute dans le vide... Et remonte de plus belle par le courant aérien ! Trampoline fantastique ! Geyser d'air ! Elle effectue, en s'aidant de ses ailes, le record d'un quintuple salto arrière et atterrit avec brio sur sa position initiale.
Pendant ce temps, le Cmdt Master est satisfait des quelques minutes écoulées. Il a une bonne première impression du convoqué. Dans la pièce totalement obscure, il s'avance à nouveau vers la porte. Malheureusement il ne verra pas le pitre de l'autre côté qui lui aurait grimacé à la gueule, puisqu'il ne l'ouvre pas. Il toque à son tour.
TOCTOC ! TOC ! TOCTOCTOC !
- Un deux-Un-Un deux trois. Lorsque vous viendrez dans mon bureau, c'est ainsi que vous me signalerez votre identité - expliqua-t-il.
Aussitôt, satisfait que la mouche soit partie à cause de la porte qui tremblait sous les coups, il répéta la leçon avec la même force.
TOCTOC ! TOC ! TOCTOCTOC !
Le commandant retourne s'asseoir sur son bureau en faisant exprès de laisser éteint.
- Entrez !
Le temps d'ouvrir il laisse entrer la lumière du couloir. Son attention cherche l'homme sans se préoccuper de l'agencement ni de la décoration de la pièce. Il remarque une grosse masse musculaire vêtue de noir qui lui fait face à quelques pas sans obstacle entre eux. Donc pas de chaises. En refermant il se remet au garde à vous.
- Bonsoir et bienvenue Sergent Yugo Martelli. Votre mémoire absolue sera mise à l'épreuve aujourd'hui. Vous ferez la ronde du centre ville, de minuit à minuit, et le rapport me sera remit en main propres. Je veux le moindre détail, jusqu'au moindre mot.
- Merci. Reçu à cent pour cent mon Commandant.
- Parfait. Repos Sergent. Bonne chance.
C'est alors que la lune absente à l'extérieur se présente ici même. Le Cmdt Master lui adresse une demi-lune d'émail éclatant qui se dessine dans la pénombre. Sourire bienveillant, amusé, ou carnassier en mettant en valeur ses dents de scie ?
Martelli s'en fiche. Il consulte son horloge interne et sait qu'il lui reste une heure avant le début de sa ronde. S'il n'était pas aussi sûr de ses capacités, il se demanderai pourquoi "bonne chance". Retrouvant la lumière, il se demande plutôt pourquoi cette entrevue s'est déroulée dans le noir. Il connait la signification subliminale, mais pourquoi cette technique est à la mode chez les supérieurs ? Par égo peut-être.
Sachant qu'il a du temps devant lui, il contemple un tableau exposé dans le même couloir. Est peint un monstre marin qu'il espère imaginaire, que le titre présente sous le nom de "Béhémoth vainqueur des flottes". La monstruosité tentaculaire et démesurée est clairement terrifiante.
Soudain.
Une porte s'ouvre.
L'ombre animée d'un Soru en sort à vive allure.
Elle lui passe devant en lâchant deux mots d'animaux presque inaudibles car emportés par le vent de l'allure et entre dans une autre porte.
Elle ressort.
Lui repasse devant.
Saisit une feuille virevoltante échappée de son dossier.
Et.
Disparais à nouveau dans un bureau.
Alors forcément, regarder la créature en l'imaginant être un chat et ses cinq navires attrapés comme des souris, ça la ridiculise et c'est plus joli à voir. C'est juste un gros matou hideux de la mer, de plus de soixante mètres de haut, qui fracasse au dessus de sa tête deux navires l'un contre l'autre et qui s'amuse à jongler avec les trois autres devant lui. Bzzzt. Par contre, elle, la mouche, n'est pas imaginaire et se dirige vers son..
CLAP !
Morte.
Elle était moins énergique que tout à l'heure.
Yugo décide de visiter un peu et il tombe sur un être humain qui se frotte les yeux comme réveillé soudainement. C'est moi qui suis assise sur le sol puisqu'il pleut dehors. Je comptais passer la nuit ici après être entrée sous un faux prétexte en montrant ma licence.
- Que faites-vous ici ?
L'homme debout, que je déteste naturellement, fixe mes mouches avec un regard embrasé. Je siffle. Elle accourent et se mettent en rangées aériennes. Je vois que ses mains lui démangent. Une manque à l'appel. Je fais le lien avec le bruit qui m'a réveillée. Furax.
- ASSASSIN ! TU AS TUÉ NUMÉRO DIX ! T'AS TELLEMENT PAS DE COUILLES QUE T'AS BESOIN DE TUER UNE MOUCHE POUR TE PROUVER QUE TU AS DE LA FORCE ! CE QUI EST PETIT EST MIGNON ET CE QUI EST GRAND - TOI T'ES GRAND - C'EST INSIGNIFIANT ! ET LES CONSÉQUENCES DANS TOUT ÇA ! AVANT TON MEURTRE DE SANG FROID T'Y A PENSÉ ! IMAGINE QUE MES DÉSORMAIS SOIXANTE-TROIX AMIES SOIENT UN BATAILLON DE LIONS ! JE TE FOUTRAI ALORS EN JUSTICE POUR CRIME GRATUIT CONTRE UN ANIMAL DE COMPAGNIE !
Je me lève et commence à partir en le maudissant.
- SOIT MAUDIT À VIE ! QUE TON ÂME SOIT TOURMENTÉE ET ÈRE INDÉFINIMENT DANS LE NÉANT ! TOURMENTÉE ! TOURMENTÉE ! Tourmentée. Pauvre numéro dix, ma fofolle acrobate, y'en avais pas deux comme toi.
Le Sergent Martelli, grand superstitieux, tombe sur ses genoux.
- Je suis maudit.. Maudit..
Un tourbillon d'air cubique lui tourne autour, cela lui confirme qu'il est bel et bien maudit. Levant la tête, il reconnait l'ombre de l'utilisateur fou amoureux du Soru.
- Eeeeeeh Sssssseeeeeerrrgeeeeent sssssss'eeeeeeeehhhhh kooooooooaaaa sssssseeeee rrrrrraaaaaaafffffffuuuuuuut ! Ooooooooon booooossssseeeee-eeeeeeen SSSSSSSIIIIILLLLLEEEEEEENSSSSSSEEEE iiiiiiisssssiiiii !
- Une sorcière... Un fantôme...
- Pfffffffff
Et l'inconnu, tel un coup de vent, repart aussi silencieusement qu'il est arrivé.
- Maudit.