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Fin de l'enfer


Plusieurs mois étaient passés depuis que le jeune Kal Cinco avait débuté sa formation d’élite au QG du BAN. Il avait enduré durant tout ce temps tellement d’épreuves, de souffrances, de doutes. Tout ceci l’avait forgé et l’avait complètement métamorphosé. L’ancien voyou avait été quasiment enterré pour laisser place à un homme bon, droit dans ses bottes, bienveillant. Cette transformation ne pouvait que le rendre heureux, lui qui avait toujours espéré changer. La marine avait été finalement la bonne porte à emprunter. L’enfer qu’il vivait depuis des mois allait bientôt se terminer et d’ici une semaine, Kal allait faire partie de ce corps d’élite qu’il avait appris à connaître et à aimer. C’était une fierté et une satisfaction énorme, le fruit d’efforts considérables. Le groupe de départ n’avait plus rien à voir avec celui d’aujourd’hui. 105 recrues, venues de partout à travers le monde, s’étaient présentés le premier jour de la formation. Aujourd’hui, quasiment au terme de celle-ci, ils n’étaient plus que dix-neuf à faire partie du groupe. Groupe qui était devenu au fil du temps une équipe soudée. Ils avaient enduré les mêmes souffrances, les mêmes épreuves, les mêmes caprices des instructeurs. Ils savaient désormais qu’ils pouvaient réellement compter les uns sur les autres.

Kal avait cependant noué des affinités plus prononcées avec certains coéquipiers. Notamment avec Joe « Sac à merde » et Jango la montagne de muscles, qui étaient devenus au fil du temps ses véritables frères d’armes. Il y avait également Amanda, une jeune blonde qui lui avait collé une raclée lors des premières épreuves d’arts martiaux ; ainsi que Wataru, un garçon au crâne rasé âgé de seulement dix-huit ans. La petite troupe avait appris tellement de choses en quelques mois. Repérage, analyse, planification, logistique, arts martiaux, infiltration, camouflage, guérilla urbaine, tactiques de combat et encore un tas d’autres domaines où ils excellaient désormais. Ils étaient quasiment des vrais soldats et la dernière semaine marquerait définitivement leur entrée dans la Marine d’élite. Durant tout l’apprentissage, les instructeurs ne les avaient pas ménagés. Des courses d’orientation en pleine nuit dans une forêt hostile pour au final ne dormir qu’une heure ou deux et le lendemain apprendre tout un tas de choses sur la navigation ou sur les transmissions. Des épreuves comme ça ils en avaient avalé un nombre incalculable. Mais ils s’étaient endurcis et certaines choses qu’ils pensaient impossibles il y a quelques mois étaient devenues leur tasse de thé.

Ce jour-là, sous une pluie torrentielle, le Lieutenant d’élite McKlean gueulait sur ses élèves comme à son habitude. Affalé dans sa couchette après avoir effectué une épreuve d’infiltration et de guérilla la veille, Kal sursauta lorsqu’il entendit le timbre de voix de son Lieutenant. Il fit un bond, s’habilla en un éclair et rejoignit le groupe hors de la tente qui attendait patiemment les instructions de « La Gueulante ».

- Bordel, Cinco, magne-toi ton cul ! Ça fait déjà trente secondes de trop qu’on t’attend.

- Excusez-moi Lieutenant, ça n’arrivera plus, répondit Kal en se joignant au rang.

- Bon, il ne vous reste plus qu’une semaine à tenir. Mais croyez-moi, on ne vous fera pas de cadeaux au cours de celle-ci. Ce n’est pas parce que vous êtres pratiquement au bout de la formation que vous l’avez réussie. Ce n’est pas terminé, alors ceux qui oseront relâcher leurs efforts, je n’hésiterai pas le moins du monde à les éjecter. C’est bien clair ?!

- Oui, Lieutenant !

- Aujourd’hui, exercice d’infiltration puis d’assaut. J’vais vous laisser avec l’instructeur Harrick, il vous aidera à planifier l’épreuve. Ne nous décevez pas !

Le Lieutenant repartit sans dire un mot de plus et laissa ses élèves sous le déluge d’eau. Kal était littéralement trempé jusqu’aux os. Les mains derrière le dos, le torse bombé, la tête haute ; il patienta tout comme ses camarades en attendant l’arrivée de « Gracile ». Malgré les mots « infiltration » et « assaut » prononcés par le Lieutenant McKlean, le groupe ne savait pas vraiment ce qui l’attendait aujourd’hui. Comme c’était le cas depuis quelques semaines déjà, les élèves planifiaient eux-mêmes les exercices de mise en situation. En effet, tous les enseignements qu’ils avaient assimilés au cours de la formation leur permettaient maintenant de pouvoir concocter seuls les missions. L’instructeur Harrick n’était là que pour les superviser et pour vérifier que personne ne commettait d’erreurs. Celui-ci ne tarda pas à arriver. Sous la pluie, il s’approcha de ses élèves qui poireautaient là depuis quelques minutes et présenta une mine sérieuse.

- Bien le bonjour jeune gens. Comme vous l’a sûrement expliqué le Lieutenant, ça va être un exercice de mise en situation. La base ici-même représentera une sorte de QG pour un criminel recherché activement. Vous allez devoir vous infiltrer, rejoindre le QG puis le prendre d’assaut et enfin capturer le forban. C’est pas bien compliqué, mais bien entendu je vais vous laisser planifier tout ça. Je vous laisse quinze minutes maximums pour me concocter un plan rapide. Allez-vous mettre à l’abri sous vos tentes. Magnez-vous !

Les élèves rejoignirent rapidement une des tentes, contents d’enfin pouvoir se mettre à l’abri. Kal retira son t-shirt noir et l’essora avec force. De l’eau s’échappa du tissu et créa une flaque d’eau au sol. Le jeune homme se rhabilla de son haut désormais essoré puis redressa ses lunettes avec son index.

- Bon les gars, vous proposez quoi ? Demanda-t-il en se raclant la gorge.

- Moi j’ai une petite idée. C’est simple et efficace. Donc à l’aide de barques on s’infiltre par la mer. Ensuite, on s’infiltre discrètement dans la forêt et on rejoint la base. Je propose que deux tireurs se séparent du groupe d’assaut afin de le couvrir de loin. Et après rien de bien compliqué, on investit la base et on capture le criminel, expliqua Amanda d’un air sérieux.

Le plan était simple mais terriblement efficace. Tout le monde approuva la tactique proposée par Amanda. Il ne restait plus qu’à savoir qui seraient les tireurs de précision.

- Pour les tireurs, premièrement, Sac à merde, on le sait c’est le meilleur. Et je propose Kal également, prononça Jango.

Encore une fois, tout le monde était d’accord. Sac à merde était un tireur hors pair, le meilleur d’entre tous. Kal, quant à lui, ne se débrouillait pas trop mal au tir même si ce n’était pas vraiment son domaine de prédilection. Néanmoins, il accepta tout de même de jouer le rôle du tireur.

- Bon, c’est parti alors !
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La barque glissait lentement sur l’eau. Kal, Sac à merde et Amanda ramaient avec délicatesse. La nuit été tombée depuis un moment et la pluie s’était arrêtée. Dans l’obscurité, plusieurs barques accostaient sur la plage de l’île. Dans un silence de plomb, les recrues, armées jusqu’aux dents, avancèrent sur le sable encore chaud en direction de la forêt. Ils s’engouffrèrent à travers celle-ci, toujours sur leurs gardes. Leurs visages étaient dissimulés sous un maquillage noir et ils se déplaçaient comme des animaux traquant leur gibier. Aucun mot ne sortait de leur bouche, leurs ordres étaient indiqués par des gestes de tête et des signes de mains. La cohésion du groupe était sans faille. Tous ces mouvements avaient été répétées et appris des centaines de fois, ils étaient devenus au fil du temps des automatismes.

Pendant plusieurs minutes, les futurs soldats d’élite progressaient longuement à travers les branchages et les rochers. Soudain, une des recrues qui fermait la marche se mit à hurler de douleur. Tout le monde se retourna, surprit par le cri. Trois hommes cagoulés sortis de nulle part venaient d’assommer le bleu. Ils frappèrent également trois autres stagiaires qui tombèrent à leur tour dans les pommes. L’équipe, ne comprenant pas vraiment ce qui était en train de se dérouler décida de riposter et attaqua les cagoulés. Amanda bondit sur l’un d’eux mais se fit stopper dans son élan par cinq épaisses phalanges qui s’écrasèrent sur son joli minois. Elle s’effondra sur le sol boueux, inconsciente. Sac à merde, les yeux brûlant de rage braqua son fusil en direction des hommes mais Kal l’empêcha de tirer. Le jeune homme pensait que c’était encore une farce des instructeurs et que ce n’était pas une réelle attaque. Cependant, ayant tourné le dos à ses adversaires afin d’arrêter Joe, Kal reçut un violent coup derrière la nuque et il s’écroula à son tour. Les hommes cagoulés assommèrent les dernières recrues encore debout avec une facilité déconcertante.

Quelques heures plus tard…

Kal rouvrit les yeux péniblement. On lui avait mis un sac en toile de jute sur sa tête qui l’empêchait de voir. Impossible de se défaire de celui-ci, ses mains étaient menottées dans son dos. Désorienté, il essayait tant bien que mal de se calmer et de reprendre ses esprits afin de comprendre ce qui se tramait. La mission venait d’échouer étant donné qu’apparemment, ils venaient de se faire capturer par « l’ennemi ». Le corps tuméfié, les mains endolories à cause des menottes, le jeune homme n’arrivait pas à se lever. Il ne savait pas où il était, il ne sentait qu’une odeur putride qui lui attaquait les narines.

- Vous êtes nos prisonniers, vous allez la fermer et nous écouter. Si vous nous balancez des infos, on pourra peut-être vous relâcher. Mais ne vous avisez pas de mentir sinon vous risquez de le regretter amèrement !

Kal reconnut la voix de son supérieur, le Lieutenant McKlean. Il s’agissait donc bel et bien d’un mauvais tour de la part des instructeurs. Ce qui devait être à la base une mission d’infiltration et d’attaque allait se transformer en interrogatoire. Soudain, le jeune homme entendit les gémissements d’une des recrues qui essayait de se débattre. Les instructeurs étaient certainement en train de le relever et de l’emmener pour l’interroger sans ménagement. Quelques minutes passèrent et des cris se firent entendre dans une autre pièce. Les instructeurs retournèrent ensuite dans la « cellule » et prirent cette fois-ci Wataru avec eux. Toutes les recrues y passèrent. Une odeur infecte se dégageait de la pièce où se trouvaient les prisonniers. Kal sentait son camarade à côté de lui trembler comme une feuille et il comprit que cette odeur émanait de lui.

- Putain, tu t’es pissé dessus ?

- J-j… je… pardon… répondit-il en bégayant.

A priori, il devait être claustrophobe. Ce fut bientôt le tour de Kal. Les instructeurs le relevèrent et l’emmenèrent pour sans doute l’interroger. Le jeune homme ne chercha pas à résister ou à se débattre, sachant pertinemment que c’était inutile. Il n’était pas assez fort pour tenir tête à un seul de ses instructeurs. Les cagoulés le traînèrent dans une salle à côté et lui retirèrent le sac qui le cachait le visage. Kal fut soudainement ébloui par la lumière qui lui agressa les yeux. La pièce était relativement confinée et une ampoule pendait au centre du plafond. Au milieu de la place était disposée une petite table usée avec deux chaises en bois de chaque côté. On ordonna au jeune de prendre place sur l’une d’entre elles. Kal s’exécuta sans oser dire un mot et le Lieutenant McKlean, toujours cagoulé, s’assit également. Le jeune homme était exténué, esquinté et avait énormément de mal à reprendre ses esprits.

- Alors, alors… Pourquoi ton groupe et toi vous étiez armés prêt de la base de Samuel ? Vous vouliez le capturer ?

- Samuel ? Je savais même qu’il avait un nom ce criminel, répondit Kal difficilement.

- Pour qui vous travaillez ?

- Pour nous. Un criminel comme lui ça doit valoir une belle somme si on le rapporte à la marine. Du coup on a décidé d’aller le capturer. C’est tout. On ne travaille pour personne.

- Et comment vous connaissiez sa cachette ?

- Euh…

Le Lieutenant, toujours dans son rôle, colla une gifle mémorable à Kal. Apparemment, le jeune homme n’avait pas bien réussi à mentir.

- En plus tu oses me mentir ?! Tu sais quoi ? J’vais ramener tes camarades ici et je vais leur faire sauter la cervelle un par un si tu continues !

- Je vous déconseille de les toucher.

- Et pourquoi ça ?

- Je vous buterai si vous les touchez.

- Hahaha, et comment tu comptes faire ça microbe ?

- Je sais pas, je trouverai un moyen. Si vous voulez prendre la vie de quelqu’un ici, prenez la mienne, mais laissez-les partir. Clair ?

Kal perçut un léger sourire qui se dessina à travers la cagoule de son instructeur. Tout à coup, une autre personne fit son apparition dans la pièce. Le jeune homme tourna la tête et découvrit le Sergent d’élite Sanclair. L’homme-poisson ne portait pas de cagoule – de toute manière on l’aurait reconnu facilement – et s’avança vers la table où se trouvaient les deux hommes. McKlean retira à son tour le tissu qui lui masquait le visage et annonça à Kal que la petite mise en scène était terminée.
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S’en suivit un long cours théorique sur les interrogatoires. Le but de cet enlèvement fictif était de voir la manière dont les élèves allaient réagir à ce stress. Le Lieutenant McKlean expliqua à Kal – toujours menotté – comment il fallait se comporter en situation réelle d’enlèvement. Si l’ennemi utilisait des moyens de torture, délier sa langue se faisait facilement. Pour ne pas parler, il n’existait qu’une seule option : ne pas se faire prendre. A la suite de ces longues explications, les deux instructeurs menèrent leur élève à l’entrée d’une sorte de labyrinthe. Devant la porte d’entrée en fer, le Lieutenant lui retira ses menottes à l’aide d’une clé. Les mains complètement violettes et engourdies, Kal essayait tant bien que mal de faire affluer le sang dans celles-ci en les bougeant. De plus, son corps était meurtri par les nombreux coups qu’il avait reçu des instructeurs.

- Écoute moi, tu as une heure pour ressortir de cet endroit. Tout est plongé dans le noir mais dans chaque pièce il y a une issue, compris ?

- O-oui, Lieutenant.

- Si dans une heure pile tu n’es pas ressorti, la formation s’arrête pour toi. Allez, c’est parti.

McKlean ouvrit la porte dans un grincement strident. Kal pénétra dans la pièce totalement sombre et la porte se referma derrière lui. A l’instant où il fut plongé dans le noir, le jeune homme éprouva un sentiment de compassion envers son camarade claustrophobe qui s’était uriné dessus ; il n’allait certainement pas réussir cette épreuve. Mais ce n’était pas l’heure de réfléchir et de tergiverser, Kal savait qu’il fallait se dépêcher. Il avançait à tâtons dans le noir en utilisant ses mains pour essayer de trouver une ouverture. Le jeune homme s’abaissa et trouva un passage étroit dans lequel il put se faufiler à plat ventre. Celui-ci le mena dans une pièce encore plus confinée que la précédente. Et durant de longues minutes, dans le noir total, le futur soldat d’élite se glissa dans des espaces exigus qui le menèrent de pièces en pièces. Il savait que le temps lui était compté et il ne fallait hésiter à se lancer à travers des passages étroits.

Et après de nombreux efforts malgré la douleur qui se lançait un peu partout sur son corps, le jeune Kal trouva une échelle qui le mena à une sorte de trappe métallique. Avec le peu de forces qu’il lui restait, il l’ouvrit et se tira pour remonter à la surface. Après avoir passé autant de temps enfermé, le jeune homme se réjouit de retrouver enfin l’air libre. Il se trouvait en plein dans la forêt tropicale, dans des hautes herbes. L’instructeur Harrick, sorti de nulle part, vint à la rencontre de son élève et l’aida à se relever.

- Quarante-cinq minutes et trente-deux secondes, bien joué Cinco.

- Merci Sergent, répondit Kal, qui jubilait intérieurement.

Cette réussite le rapprochait encore un peu plus de la Marine d’élite. Il ne lui restait plus qu’une semaine à tenir, il fallait absolument redoubler d’efforts pour parvenir au bout de cette aventure. Ces quelques mois passés sur cette île l’avaient complètement métamorphosé. Il était passé du jeune voyou impulsif et sans repères au futur soldat d’élite avec des convictions, des principes et une droiture sans pareille. Son but était proche. Quelques instants plus tard, ses camarades qui avaient également accompli l’évaluation rejoignirent le jeune Kal pour le féliciter. Malheureusement, en tout, ils n’étaient que quinze à avoir réussi. Le jeune homme ne put que ressentir de la compassion envers les quatre qui venaient d’échouer. Se faire éliminer à une semaine de l’échéance n’était sûrement pas facile à digérer. Malgré tout, Kal se réjouissait que Wataru, Sac à Merde, Amanda et Jango continuaient la formation.

- Jango, comment t’as fait pour réussir cette épreuve ? T’es taillé comme une armoire à glace !

- Haha ! Franch’ment, j’en ai aucune idée… J’étais aplati comme une crêpe mais heureusement pour moi j’ai réussi à me faufiler !

Il était clair que Jango disposait d’une carrure plus qu’impressionnante. Kal était stupéfait devant l’accomplissement de son ami, il n’aurait jamais cru que celui-ci puisse s’immiscer à travers les passages étroits. Les deux compères en rirent pendant quelques secondes avant qu’ils ne soient coupés net par une voix familière. Le Lieutenant McKlean.

- J’vous félicite les bleus. Vous avez réussi l’épreuve. Je sais bien que quatre de vos camarades ont échoué mais ça signifiait tout simplement qu’ils n’étaient pas aptes à devenir des soldats d’élite. Si on avait décidé de les laisser continuer ; une fois en opération réelle ils n’auraient sans doute pas été à la hauteur et ils auraient mis en péril la mission ainsi que les vies de leurs camarades de section ! Vous vous souvenez qu’au début de la formation je vous avais dit que votre nombre s’allégerait ? On ne vire pas des recrues pour faire joli et pour montrer que la formation du BAN est la plus dure. On les vire parce que le métier en lui-même est dur et qu’il faut être à la hauteur ! Ce stage, à côté de tout ce que vous allez affronter et endurer durant votre carrière, c’est de la pisse de chat ! J’espère que ça rentre bien dans votre crâne ?!

- Oui, Lieutenant !

- Bon, vous avez fait du beau boulot aujourd’hui. On rentre à la base.
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Cinq jours plus tard…

Les élèves allaient aujourd’hui devoir passer leur ultime épreuve et très certainement la plus dure. La formation du BAN était connue pour se terminer par un test en condition réelle, sur un vrai théâtre d’opération. Les jeunes recrues avaient donc été envoyé sur leur première mission alors que le titre de « soldat d’élite » ne leur avait pas été encore octroyé. Mais ils connaissaient tout, ils étaient prêts. En quelques mois, ils avaient assimilé toutes les bases enseignées par les instructeurs. Après un long briefing effectué par le Commandant d’élite Kaiser Jugo en personne, les bleus avaient été envoyé bien au large de l’île du BAN, là où un navire pirate avait été repéré depuis un certain temps. Les quinze futurs soldats d’élite avaient donc pris la mer sur une petite embarcation marine afin d’intercepter les pirates qui rôdaient dans les parages. Grâce aux enseignements du Sergent d’élite Castel Roc concernant la navigation, les recrues purent se déplacer en mer sans aucun souci.

Après une heure à naviguer, les recrues aperçurent au loin le bâtiment qui arborait un drapeau noir au sommet de son mât. Kal, qui avait pris la tête de l’embarcation militaire, donna quelques directives à ses camarades afin de se préparer au combat et de rejoindre le navire ennemi. Soudain, alors que les futurs soldats d’élite se rapprochaient de l’adversaire afin de passer à l’abordage, les pirates ripostèrent en tirant des boulets de canon en direction des recrues. La petite embarcation ne résista pas à l’attaque et un boulet transperça la coque du bateau. Le choc provoqua une secousse et Kal se rattrapa à une rambarde afin de ne pas tomber.

- Sac à merde, dégomme-les !!!

Joe écouta son ami, attrapa son fusil et se plaça en position de tir. Il fit feu à plusieurs reprises et de nombreux pirates, notamment la vigie, chutèrent du navire pour aller rejoindre les fonds marins. Cependant, les forbans contre-attaquèrent et Sac à merde se mit à couvert rapidement afin d’esquiver les balles tirées depuis l’embarcation ennemie. Le plomb traversa le bois du navire militaire déjà fortement endommagé.

- Il faut qu’on les aborde maintenant ! Si on perd du temps, on risque de sombrer ! Préparez-vous à l’abordage !!!

Le bâtiment de la marine se rapprocha des pirates et l’aborda par bâbord. Armés jusqu’aux dents, les quinze futurs soldats d’élite n’hésitèrent pas une seconde à se jeter dans la mêlée contre une trentaine de pirates. Dans un élan de fureur, Kal bondit également sur le bateau ennemi et rejoignit ses camarades dans un combat qui faisait déjà rage. L’acier s’entrechoqua et le bruit des tirs retentissait. Les recrues étaient, certes, en infériorité numérique, mais ils n’en demeuraient pas moins d’excellents combattants. Jango, grâce à sa force surhumaine, écrasa plusieurs pirates en les tabassant à coups de poing. Sac à merde enchaînait les coups de sabre et les tirs de pistolet. Wataru, armé de son fidèle bâton, était insaisissable et prouvait bien qu’il était un expert en arts martiaux. Amanda, quant à elle, tranchait sans cesse les pirates qui se ruaient sur elle, la croyant faible. Kal, déchaîné, passait de pirate en pirate, frappant tout sur son passage avec force et vitesse.

- Abattez-moi ces merdeux ! Nous sommes plus nombreux, ne les laissez pas prendre l’avantage ! Hurla le capitaine pirate à ses hommes qui se faisaient décimer.

Le capitaine pirate, vêtu de son tricorne et de son long manteau, tenait tête à trois recrues qui s’étaient jetées sur lui. Il combattait avec fougue, les déstabilisant par la force qu’il exerçait à travers son sabre. Les attaques pleuvaient sur les trois recrues qui avaient l’impression qu’elles combattaient plusieurs personnes en même temps alors qu’elles étaient pourtant en supériorité numérique face au capitaine. Kal replaça ses lunettes à l’aide de son index et décida d’aller aider ses camarades à mater le chef des pirates. Le jeune homme se rua en direction du forban et lui asséna un coup de poing en pleine mâchoire. Au grand étonnement de Kal, celui-ci ne broncha pas et riposta en tranchant en diagonale le torse du jeune bleu qui chancela puis posa le genou à terre. Jango, qui venait d’assister à la scène de loin, perdit complètement les pédales à la vue de son camarade en sang. La montagne de muscles fondit alors sur le capitaine pirate et le plaqua au sol de toutes ses forces.

Les deux hommes se relevèrent et un duel s’engagea entre eux. Le capitaine pirate prit cependant rapidement l’avantage après avoir tranché Jango à de multiples reprises. Mais celui-ci, plein d’adrénaline et de colère agrippa son adversaire par la taille et l’envoya valser quelques mètres plus loin. Le capitaine s’écrasa lourdement au sol puis se remit d’aplomb péniblement. Dans un élan de fureur, il empoigna son sabre à deux mains et se précipita sur Jango qui n’eut pas le temps d’esquiver. Le sabre lui traversa l’abdomen et le Capitaine afficha un sourire railleur en retirant sa lame de la recrue. Jango s’effondra et baigna dans son propre sang.

- NOOOOON !!!

Kal entra dans une rage profonde. Il se releva tandis que du sang continuait à s’échapper de sa blessure et il redressa ses lunettes sur le sommet de son crâne. Ses yeux étaient injectés de sang et il serrait machinalement ses poings, prêt à en découdre. Le jeune homme s’élança avec vélocité en direction du Capitaine et écrasa son poing en plein sur son visage. Sous la puissance de l’impact, son nez se brisa et quelques dents s’envolèrent. Le forban riposta à son tour et taillada les bras de Kal qui les avait placés devant son visage afin de se protéger. Puis, un coup de talon dans l’abdomen envoya la jeune recrue s’écraser sur des tonneaux quelques mètres plus loin. Profondément blessé mais animé par une haine sans pareille, le futur soldat essaya de se relever, en vain. Malgré l’adrénaline et la colère qui parcouraient son corps, la douleur était bien trop présente.

Le capitaine se rapprocha de sa cible en affichant un large sourire qui dévoilait sa dentition imparfaite. Tout à coup, une balle traversa la poitrine du flibustier. Celui-ci s’arrêta net et constata avec désarroi le trou béant. Il s’effondra lamentablement au sol raide mort. Sac à merde, qui était l’auteur du tir, vint en aide à son ami en mauvaise posture et l’aida à se relever en passant son épaule autour de son cou. Les combats touchèrent à leur fin et ce fut une victoire des recrues qui avaient cependant essuyé trois pertes. Jango et deux autres camarades avaient péri durant l’affrontement. La majorité des pirates avaient perdu la vie tandis que les autres avaient été ligotés au mât. Leur première vraie mission venait d’être accomplie, cependant les élèves ne la considérait pas comme une réussite étant donné qu’ils venaient de perdre trois frères d’armes.

Kal pansait ses blessures mais il avait la tête ailleurs. Il venait de perdre son ami, l’un de ceux dont il était le plus proche. Jango était un homme bon, Kal le savait. Un soir d’épreuve d’observation, les deux compères avaient échangé sur leur passé, chose qu’ils ne faisaient pas souvent. Tout comme Kal, Jango était un ancien bandit qui du jour au lendemain avait décidé de changer de vie et de trouver une raison d’être, sachant pertinemment que sa carrière de brigand ne le mènerait à rien. Les deux camarades avaient un parcours relativement similaire et c’est ce pourquoi ils étaient devenus rapidement de très bons amis. Mais aujourd’hui, le corps sans vie de Jango gisait sur le pont du navire pirate, au milieu d’un tas d’autres cadavres. Celui qu’ils appelaient « la montagne de muscles » venait certainement de sauver la vie du jeune Kal en s’étant rué sur le capitaine pirate.

Après s’être brièvement remis des affrontements, les futurs soldats d’élite retournèrent sur l’île du BAN à bord de l’embarcation pirate.
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Deux jours plus tard…

C’était l’heure. La formation été terminée et aujourd’hui les recrues allaient enfin devenir des soldats d’élite. Allongé sur sa couchette dans sa tente, Kal se remémorait toutes les épreuves, toutes les souffrances qu’il avait endurées pendant des mois. Aujourd’hui, tout prenait fin et un immense sentiment de satisfaction et de fierté lui parcourait l’esprit. Lui qui jusqu’alors ne se sentait pas utile dans sa vie allait aujourd’hui devenir quelqu’un. Malgré cette réussite extraordinaire, au cours du stage, bon nombre de ses camarades furent obligés de quitter la formation. Et deux jours plus tôt, Jango ainsi que deux autres camarades perdaient la vie dans l’affrontement contre les pirates. Kal était perturbé, un sentiment de tristesse et de bonheur l’animait.

Mais ce n’était pas le moment de tergiverser, la cérémonie d’intégration dans l’Elite allait bientôt débuter. Kal se releva difficilement de sa couchette à cause de ses nombreuses séquelles qui résultaient des combats. Il but quelques gorgées dans sa gourde de combat, versa un peu d’eau dans le creux de sa main puis se rinça le visage. Wataru qui s’était levé en même temps que Kal lui adressa un sourire et sans dire un mot, les deux amis sortirent de la tente afin de rejoindre leurs compagnons. L’ambiance était morne et gaie à la fois. Les élèves étaient troublés par les récents décès de leurs confrères, mais ils savaient que c’était les risques du métier. Une carrière de soldat d’élite n’était pas tout rose et ce n’était certainement pas la dernière fois qu’ils allaient perdre des camarades.

A peine sortis de la tente, qu’un soleil de plomb accabla les deux camarades. La chaleur mêlée à l’excitation et à l’impatience faisaient suer le jeune Kal qui rejoignit le rang en compagnie de Wataru. Les mains derrière le dos, le torse bombé, la tête haute et fière, les recrues qui allaient bientôt être brevetés attendaient leurs instructeurs. Ceux-ci ne tardèrent pas à arriver en grande pompe. Ils étaient tous là. Les huit instructeurs ainsi que le Lieutenant McKlean talonnaient le charismatique Kaiser Jugo. Un frisson parcourut l’échine de Kal et son cœur commença à battre la chamade. C’était maintenant qu’il devenait quelqu’un, maintenant qu’il allait être récompensé de tous ses efforts. Le jeune homme avait repoussé ses limites de nombreuses fois durant le stage, il n’avait auparavant jamais pensé être capable de surmonter toutes les épreuves du BAN. Mais aujourd’hui tout s’achevait, il allait rentrer dans l’Elite. C’est cette formation qui l’avait façonné et qui aujourd’hui l’avait fait devenir l’homme qu’il avait toujours voulu être. Le Commandant d’élite Jugo, commandant en chef du BAN, se plaça devant ses recrues qui allaient devenir dans quelques instants des soldats et les toisa un à un.

- Messieurs, aujourd’hui, vous entrez dans la grande famille de l’Elite. Durant toute la formation, vous avez prouvé que l’esprit et le mental étaient plus important que le physique. Et voilà aujourd’hui devant moi douze personnes qui ont grandement mérité d’intégrer nos troupes. Je sais que vous avez perdu trois camarades durant l’affrontement sur votre première vraie mission mais vous devez comprendre que ce sont les risques du métier. Quand on s’engage, on sait qu’on peut potentiellement y laisser notre peau. C’est pourquoi tout le monde n’est pas qualifié pour ça. Mais vous, vous l’êtes. Vous l’avez prouvé durant ces mois. Mais cette formation n’était au final qu’un avant-goût de ce que vous allez rencontrer dans votre carrière. La réalité est toujours plus dure que l’entraînement. Mais vous saurez vous montrer à la hauteur, car vous représentez la justice. La vraie. Celle qui est discrète, puissante et impitoyable. Que votre route soit longue sous les drapeaux de la marine. Jeune gens, en cet instant, je vous nomme Marines d’élite. Bienvenue dans la famille.

Une joie incommensurable s’empara de toutes les recrues qui eurent du mal à cacher leurs émotions.

- Mais avant que l’on vous remette vos insignes et vos affectations, les instructeurs et moi-même avons décidé de nommer le major de promotion directement au grade de Caporal d’élite. Pour ton sens du devoir, ton courage, ta capacité à diriger, ta détermination et ton abnégation, nous te nommons major de promotion. Caporal Cinco Kal, sors des rangs !!!

Des larmes remontèrent involontairement. Kal fut traversé d’un sentiment extraordinaire. Ses lèvres tremblaient, quelques larmes perlaient le long de ses joues et il sortit des rangs, tentant tant bien que mal de se contenir. Le Lieutenant McKlean s’approcha du jeune homme.

- Retiens tes larmes Caporal. Un gars d’l’élite ça ne pleure pas ! Félicitations, tu l’as bien mérité. Tu es affecté ici, à North Blue. On t’envoie au QG rencontrer ton nouveau supérieur, le Commandant Méphis Toffel. Allez, retourne dans le rang.

Le Caporal s’exécuta puis les instructeurs vinrent à la rencontre des nouveaux promus, leur donnèrent leurs nouvelles affectations et les félicitèrent du parcours qu’ils avaient accompli. Une fois la « cérémonie » terminée, les instructeurs ordonnèrent à leurs subordonnées de préparer leurs paquetages. Dans les tentes, les nouveaux soldats en profitèrent pour s’échanger quelques mots.

- Même si on a des affectations différentes, j’espère qu’on se reverra tous un jour, ce qu’on a vécu ici ne peut être oublié, s’exclama Wataru.

Kal s’en allait pour le QG de North Blue. Il ne savait pas ce qui l’attendait là-bas, ni même ce qui l’attendait dans sa carrière de marine d’élite. On venait de le nommer Caporal et il allait sûrement déjà avoir de nombreuses responsabilités. Le jeune homme ne connaissait encore rien du monde qui l’entourait. A ce stade, il ignorait toutes les joies et les peines qu’il allait rencontrer…
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