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L'enfer d'Ypres

HRP:

L'enfer d'Ypres

I.

Le plan Haruno.
"Personne par la guerre, ne devient grand."

Après Mekiel, la quarante-huitième division d'élite menée par le commandant Kimblee fut envoyée à Ypres. C'était le dernier secteur encore occupé par l'armée vindexoise, qui s'était fait battre à Eminar, Isthme et dernièrement dans la région arctique. Des défaites difficiles à encaisser et qui réduisait toujours plus les chances de victoire. Mais le moral des troupes d'Aldebaran était au beau fixe. Ils ne faisaient que défense leur terre natale, quoi de plus légitime ? Exaltés par des discours révolutionnaires vides de logique mais pleins de démagogie, ils ne laissaient aucun répit pour les quatre divisions qui avaient difficilement débarqués sur l'île.

L'absence de permission pour les soldats était très difficile pour eux. Ce choix était dû à des nécessités purement logistiques. Le nombre de morts étant inférieur au nombre de marins vivants, cette décision peu compréhensible des combattants fut prise dès le départ. La conséquence principale fut la disparition progressive des hommes qui étaient là au début de la guerre. Elle durait déjà depuis trois mois, et d'une intensité rare. Les estimations étaient sans appel : sur cent marines débarqués au début de l'opération, moins d'une dizaine étaient encore en état de lutter. Bien sûr, la majorité était simplement blessés. Grave ou non, ils ne pouvaient plus combattre. D'autres étaient morts, ou portés disparus.

Quoi qu'il en fut, rien ne changeait pour la division. Forte d'un millier d'hommes, dont un gros quart était faiblement expérimenté à cause des pertes causées par la conquête de Mekiel, elle allait participer à une grosse opération de percée du front. La quatre-vingts unième et la quatre-vingtième n'avaient pas réussi à elles deux à en finir dans cette région campagnarde. En fait, si un travail similaire à ce qui avait été fait dans les autres secteurs n'était pas possible, c'était à cause de la nature du champ de bataille. En effet, ces plaines vallonnées étaient jonchées de lignes de défense, principalement constituées de tranchées. L'artillerie, présente en grand nombre dans les deux camps, avait creusé le paysage et enlevé le côté verdoyant de la région. Partout, on ne trouvait plus que de la terre labourée par des bombardements successifs. La liste des victimes de ce front s'allongeait inexorablement, et le haut-commandement comptait bien profiter de l'arrivée de deux divisions supplémentaires pour mettre un terme à ce massacre.

Carte:

Le quartier général était installé à Baïkal, une grande ville de Mekiel. Il n'avait pas pu être placé dans le secteur-même à cause de la portée des canons vindexois. C'était là-bas qu'avait été conçu le plan Haruno, du nom du contre-amiral qui l'avait en grande partie fait. Le plan était le suivant : une offensive de grande ampleur qui devait avoir lieu au nord, portée par la quarante-huitième division d'élite et la soixante-dix-neuvième division. Ils devaient encercler, avec l'aide d'un bataillon de la quatre-vingtième, l'armée vindexoise et ainsi leur interdire l'accès à la côte de manière définitive, et mettre hors d'état de nuire un grand nombre d'ennemis. C'était la première phase.

La deuxième phase devait faire rompre la ligne de front, par une attaque puissante du nord dans un premier temps, puis une offensive en simultané à l'est et au sud, le tout appuyé par une artillerie qui faciliterait l'avancée des troupes dans le no man's land. Un plan ambitieux et qui allait être très coûteux. Néanmoins, c'était une nécessité pour avancer une fois de plus vers la victoire.

Carte:

Le ciel était gris. Mauvais temps ou effet de l'utilisation excessive de la poudre à canon, nul ne sait. Les tirs lointains devenaient de plus en plus proche, et bientôt le bataillon Godwin dont faisait partie Mountbatten vit la provenance de ces sons. De gros canons, alignés en batterie, faisaient feu l'un après l'autre, avant de recharger. Longs de deux à trois mètres, leurs imposants tubes visaient les cieux. A chaque fois qu'un servant de pièce venait actionner un levier bien précis, l'obus remontait de plus en plus vite le canon jusqu'à atteindre le frein de bouche. Là, dans un grand fracas, une flamme apparaissait et l'obus partait répandre la mort à plusieurs kilomètres de là. Un petit nuage de fumée gênait pendant quelques secondes les artilleurs, avant qu'ils remettent un autre obus. Et la routine macabre continuait.

Ils soutenaient un assaut menés à une dizaine de kilomètres de là. Le bataillon devait traverser à pied les différentes lignes tenues par la Marine, avant d'arriver à la deuxième, là où ils devaient se poster. Le paysage était dévasté par les combats. Ils s'enfoncèrent dans le réseau de tranchée de la troisième ligne, avant d'atteindre la deuxième. Les tirs des armes à feu devenait de plus en plus perceptible, contrairement au vacarme de l'artillerie.

Le sol était plus haut que leur tête lorsqu'ils étaient enfouis dans ces cavités étroites. Les soldats déjà présents étaient fatigués ; cependant, ils n'avaient pas combattu dans de telles conditions aussi longtemps que les troupes à l'est. Contrairement à ces derniers, ils étaient encore propres sur eux et ressemblaient encore à un marine de base, celui qu'on retrouve aisément sur les mers bleues. Mais pour les autres, le tableau était bien moins reluisant. Leurs têtes étaient sales, couverte d'une couche d'un mélange de poussière, de terre et de crasse. Leurs cheveux désorganisés étaient couverts de poussières et de boue, arrivée là par les impacts des tirs d'obus. Ils n'étaient pas rasés et attendaient calmement la mort dans leur trou. Le traumatisme psychologique était grand. A chaque assaut, de nombreux soldats mourraient. Les visages changeaient inlassablement pour ceux qui survivaient, au point qu'ils n'étaient attachés à personne tant ils savaient que la vie ne tenait qu'à un fil là où ils étaient.

C'était la triste réalité d'Ypres.


Dernière édition par Mountbatten le Mer 25 Juil 2018 - 18:43, édité 2 fois
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L'enfer d'Ypres

II.

Prémices.
- Et maintenant, que fait-on mon commandant ?

- Tu vois la butte là-bas ? Répondit le commandant Godwin, en désignant de son doigt un relief parsemé de tranchées et de matériel militaire.

- Oui !

- Elle est à plus ou moins six à sept kilomètres de nous. On va devoir rester en deuxième ligne un moment ; mais ça ne durera pas. On m'a ordonné de relever les troupes sur place dans deux heures ; et nous devrons garder nos positions jusqu'à ce que le plan Haruno soit mis en application.

- Combien de temps est-ce que ça prendra ?

- Ça dépend de la vitesse des deux autres divisions. Il faut que l'offensive soit simultanée ; sinon on risque de se faire repousser. Mais je dirais que ça se fera dans moins d'un jour.

- Un jour là dedans ? On ne tiendra pas !

- Je sais bien ; mais qu'est-ce que tu veux qu'on y fasse. Ce sont les ordres de Kimblee ; et puis il faut bien des troupes en première ligne !

- Certes...

Les deux officiers baissèrent leur tête et rentrèrent se mettre à l'abri dans la tranchée. Le bataillon allait devoir attendre, entassé sur un long réseau de tranchée. Des planches recouvraient le sol, ce qui évitait l'enlisement des hommes et du matériel. Des rondins fortifiaient les côtés, et servaient de marche lors des assauts. Des armes, des munitions, des bandages, des effets personnels... tout un tas de choses recouvraient le champ de bataille. Sans compter les nombreux cadavres et autres morceaux d'humains.

Ils devaient attendre dans cet enfer. Attendre, impuissants. Ils ne pouvaient blâmer personne, si ce n'est leur funeste destin. Alors ils s'allongeaient par terre, les uns à la suite des autres, et s'occupaient. Certains jouaient aux cartes, d'autres scrutaient l'horizon en essayant de dominer leur peur. Mais la majorité des marins ne faisait rien et restait fixée sur leurs pensées. Ils n'avaient jamais été aussi près de la mort. Ypres avait la sombre réputation d'être le secteur le plus dangereux ; et ils purent confirmer ces propos.

Mount restait fixé sur ce visage. Celui qu'il avait progressivement découvert, qu'il avait appris à aimer. Celui de Louise. Il sortit de sa veste une photo des deux amoureux. Il effleura avec son doigt sa bien-aimée. Elle était partie, mais il ne pouvait s'y résoudre. Comment était-ce arrivé ? Pourquoi n'avait-il rien empêché ? Il culpabilisait de n'avoir rien pu faire. Son cœur souffrait d'un vide monumental ; et même s'il avait encore sa famille, il était désespérément seul dans ce cauchemar.

A côté de lui, un homme d'une quarantaine d'année regardait lui aussi une photo. Celle de sa famille. Il pensait à sa femme et à ses deux filles, restées à Boréa sur North Blue. Avant, il était dans la quatre cents quarante-quatrième division de la Marine. Des éléments de cette division étaient partis renforcer la quarante-huitième. Il était là depuis deux semaines, et avait eu le temps de saisir le caractère horrible de cette guerre. Il rassurait sa famille avec des lettres définitivement optimistes. La guerre qu'il décrivait ressemblait plus à un maintien de l'ordre qu'un conflit ouvert. Les pertes étaient bien moins importantes ; et la Marine contrôlait la grande majorité du territoire. Pourtant, il ne savait pas s'il allait être de retour à la maison.

Les deux heures étaient passées très vite, trop vite. Personne dans le bataillon n'était encore prêt à affronter l'incommensurable défi auquel ils étaient confrontés. Certains priaient leur dieu, en espérant vainement qu'il puisse leur porter secours. Le Marijoan regardait ces scènes de désespoir avec indifférence. Il n'avait jamais cru en un quelconque dieu. Il avait toujours été très cartésien ; mais il comprenait largement ce besoin de se rassurer. Ils se persuadaient en quelques sortes, qu'ils n'étaient pas seuls dans cette épreuve.

Le bataillon Godwin quitta peu à peu la tranchée de soutien pour se diriger vers la tranchée de tir. Ces appellations, typiques du jargon militaire, leur étaient encore inconnues avant de venir à Ypres. Seuls les officiers ayant reçu une formation connaissaient ce genre de choses. La guerre n'était pas seulement un carnage ; c'est un carnage organisé et structuré par des doctrines établies par des intellectuels.

Ils traversèrent des tranchées de communication, bien défendues. Ils ne tardèrent pas à prendre la relève des soldats précédents. Par conséquent, le nombre de marins présents au front augmenta considérablement, en prémices de l'offensive. Ces mouvements furent repérés par les vindexois et ils se préparèrent au mieux à recevoir l'attaque. Les canons furent bien préparés et les soldats étaient sur le pied de guerre.

Très vite, les membres de la quarante-huitième purent observer les soldats d'en face, en prenant toutes les précautions possibles pour éviter de se prendre une balle. Les échanges de tirs étaient fréquents, et les snipers n'attendaient qu'une seule chose : une tête qui dépassait, et elle était vite criblée d'une balle. Alors l'attente devint très vite insoutenable. L'humidité, l'insalubrité et l'étroitesse de l'endroit gangrenait le moral des troupes. Partout, l'appréhension gagnait les cœurs.

Les heures passaient, sans qu'aucun ordre ne soit donné, à part celui d'attendre. Les officiers s'impatientaient : la combativité des hommes baissait de plus en plus. Il fallait lancer l'offensive le plus vite possible ; mais ils savaient pertinemment qu'un plan de grande envergure comme celui-là aurait bien plus d'impact qu'une initiative isolée.

Après quatre heures d'immobilité, le den den du commandant d'élite sonna. Le sourire aux lèvres, le trentenaire lança le feu vert pour attaquer les positions ennemies. Les soldats prirent leurs armes et leur courage à deux mains, et escaladèrent la tranchée pour traverser le mortel no man's land.
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III.

Assaut.
Sur des dizaines et des dizaines de kilomètres, l'assaut avait été lancé. Une incroyable marée humaine se jetait à la charge contre les positions vindexoises. Les hommes se hissèrent difficilement en haut de la tranchée ; puis s'élancèrent dans le dangereux no man's land. Leurs ennemis ne tardèrent pas à riposter ; et les premières rafales vinrent faucher les plus malchanceux. Pour éviter ce sort tragique, certains marins sautèrent dans des trous causés par l'artillerie lors des jours précédent pour se mettre à l'abri, le temps de récupérer pour mieux repartir. Les officiers beuglaient leurs ordres à la troupe, les exhortant d'avancer malgré le danger. Ils montraient eux-mêmes l'exemple, à l'instar de Mount. Sabre en avant, suivis par ses subordonnés les plus courageux, ils défiaient la mitraille et enhardissaient les soldats à proximité.

Cette atmosphère guerrière avait quelque chose de particulier. D'un côté, ils voulaient rejoindre au plus vite leurs camarades pour combattre l'ennemi. De l'autre, ils avaient la peur au ventre, notamment car les victimes s'accumulaient à chaque mètre. L'enjambement des cadavres rappelait à chaque instant le danger qui guettait ces hommes, engagés dans une horreur qui dépassait leur simple condition.

Les Barois, nom donné aux troupes stationnées de manière permanente à Ypres, se défendaient avec hargne. Ces derniers étaient vêtus d'un habit gris foncé, parfait pour le combat dans un tel environnement. Leurs bottes de bonne qualité leur permettaient une bonne mobilité ; contrairement aux troupes de la quarante-huitième, moins habituées à ce terrain. Certains arboraient des plastrons en métal, derniers vestiges d'une tradition militaire fortement ancrée dans ce district. Même s'ils pouvaient parfois protéger contre des éclats d'obus, ils étaient lourds et ralentissaient leur porteur. C'était souvent les officiers qui en portaient. Un détail des plus importants était cependant à relever : la présence de casques, et son absence dans la Marine. Cela s'explique par la grande divergence des stratégies et des doctrines de chaque camp. Qu'importe quelle vision était la bonne ; le résultat sur le terrain était sans appel. Les vindexois avaient un avantage en terme de protection, qui évita à beaucoup d'entre eux la mort d'une balle dans la tête.

Les balles fusaient et les marines tentaient de riposter maladroitement. Ils essayaient de se placer derrière un quelconque obstacle - typiquement un arbre ou un chariot abandonné - afin d'abattre les défenseurs. Certains, ayant vu un ennemi et ainsi que la possibilité de le mettre hors d'état de nuire, restaient à découvert, le temps d'un tir. Ce fut, dans de nombreux cas, une mauvaise idée qui se solda par une blessure, voire plus.

Le lieutenant d'élite continua de charger vers les positions adverses, sabres en main. Il n'y fit pas attention sur le moment, mais il dévia plusieurs balles avec ses armes, ce qui intrigua autant les tireurs, que ses compagnons. Ses lames semblaient être guidées par un instinct surnaturel et elles s'érigeaient devant les projectiles juste avant qu'ils n'atteignent l'officier. Ce prodige rendit indifférent son responsable, car il était trop concentré sur sa tâche actuelle : remporter la bataille.

Au bout d'interminables minutes, les premiers éléments du bataillon Godwin arrivèrent à une dizaine de pas des tranchées baroises. Ils purent lancer quelques grenades pour neutraliser les postes de mitrailleuses et préparer leur arrivée. De plus en plus de soldats se réfugièrent derrière les buttes de terre qui précédaient presque immédiatement les fortifications ennemies. Il fallait à présent prendre d'assaut cette fichue tranchée.

Pendant ce temps, l'artillerie tonnait. Les obus s'abattaient sur les deuxièmes et troisièmes lignes, pour faciliter une percée profonde, qui ne serait pas obstruée par d'exténuants combats, aussi meurtriers que redoutés par la troupe. La précision des canons de la Marine ne permettaient pas encore un appui-feu rapproché, qui aurait pu aider l'assaut, car le risque de toucher leurs propres soldats était trop grand.

Enfin, ils se lancèrent à l'assaut. La résistance était moins élevée que prévue ; et les Barois croulèrent sous le nombre important de marins. Si la première tranchée, dite tranchée d'assaut, était bien organisée et prête à une défense farouche, les suivantes étaient moins hautes et moins bien fortifiées. Dans cette zone d'Ypres, la guerre de position avait duré peu de temps comparé aux autres secteurs du front ; et elles ressemblaient plus à des fossés qu'à de véritables tranchées. L'avancée continua, mais les vindexois surent s'organiser pour mener une contre-attaque.

Lorsque les premiers éléments de la quarante-huitième parvinrent à la troisième ligne, un violent barrage d'artillerie les bloqua sur place. Ils avaient eu le temps de mettre en service leurs canons, et les marins n'eurent pas d'autre choix que de reculer. Cependant, les tirs d'obus les suivirent dans leur retraite : les artilleurs barois appliquaient la technique dite de barrage roulant, qui consistait à tirer un feu continu sur plusieurs centaines de mètres, et qui avançait petit à petit en s'enfonçant dans les positions ennemies pour ne laisser qu'un tas de débris et de cadavres. Une technique redoutable et maintes fois appliquées à Ypres.

Les soldats les plus avancés n'avaient pas d'autre choix que de prier et de compter sur leur bonne étoile. Les explosions arrivaient en continu tout autour d'eux, dans un vacarme assourdissant. Certains avaient de la chance ; et mourraient sur le coup lorsqu'un obus venait s'abattre un peu trop près d'eux ; ou même sur eux. D'autres recevaient de violents éclats de shrapnels, qui leur lacéraient la peau. C'est de cette manière que certains se retrouvaient les tripes à l'air, ou avec une jambe en moins.

C'était un spectacle affreux, mais qui tourna court au grand dam des vindexois. Des tirs de contrebatterie vinrent mettre hors service les pièces d'artillerie ennemies et leurs servants. Après quelques minutes seulement de pilonnage, les canons barois n'étaient plus que des pièces métalliques éclatées et éparpillées sur le sol. La progression fut reprise, et les blessés furent pris en charge par les médecins.

La vision horrifique de ces hommes agonisants traumatisa de nombreuses recrues. Les vétérans étaient encore sensibles à cette vue ; néanmoins, ils n'éprouvaient aucune difficulté à regarder ces bouts de chair reposants à l'air libre. L'insensibilité était à son paroxysme chez les combattants de la quatre-vingtième, pour qui ces horreurs étaient quotidiennes.


Dernière édition par Mountbatten le Sam 4 Aoû 2018 - 22:11, édité 1 fois
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IV.

D'une main de fer.
Une gigantesque tour de composés métalliques se forma en quelques secondes, stupéfiant le bataillon entier. Puis, il vint s'abattre dans un grand fracas sur quelques malheureux ; mais ce n'était pas fini pour autant. Très vite conscient du danger, les fantassins durement éprouvés se mirent à l'abri à toute vitesse. Cette grande barre était en réalité faite d'armes et d'objets en acier qui jonchaient le champ de bataille. Ils semblaient un tout ; pourtant ils n'étaient pas reliés par de quelconques biais physiques ; cela s'expliquait par les pouvoirs du Major Friedrich Von Dennewitz, à qui incombait la tâche de repousser la horde bleue dans leur avancée.

Ses pas se firent vite remarquer. Il marchait vers ses ennemis ; et son uniforme complet émettait un bruit métallique à chaque pas. Il revêtait une cape rouge foncé avec des épaulettes jaunes, salies par le terrain et la poussière. Un plastron en acier décoré par des symboles en feuilles d'or protégeait son torse ; et il était ceinturé par une bande de la même couleur que sa cape. Sous cette fine pièce d'armure se trouvait sa tunique de militaire. Un ton gris était de vigueur chez les Barois ; mais les officiers portaient généralement une veste de couleur différente ; ici, Von Dennewitz arborait la couleur ardoise, dont les bords étaient dorés.

Il portait un casque richement orné d'un aigle, ainsi que d'une tête de mort. Enfin, il avait un masque à gaz brun, qui l'empêchait de divulguer ses propos à ses adversaires. S'il pouvait communiquer avec ses troupes par le biais d'un petit den den, il ne pouvait pas directement s'exprimer. Il ne portait pas ce masque encombrant par pur plaisir ; lors d'une bataille, un marine lui avait jeté de l'acide au visage. Il en fut définitivement défiguré et son système respiratoire en fut fortement affecté. Son port était impératif, si ce n'est vital.

Ses bottes noires claquaient le sol fermement et faisait transparaître sa détermination à stopper l'offensive de la Marine. Un silence pesant s'installa, entrecoupé du bruit qu'il faisait en posant ses pieds au sol. Après quelques secondes de flottement où les soldats purent appréhender toute la dangerosité du personnage qui se trouvait face à eux, ils firent feu sur lui avec toutes les armes disponibles. Néanmoins, leur espoir de voir ce nouvel opposant réduit à l'état de cadavre partit en fumée. Il arrêta net les projectiles, qui semblaient flotter dans l'air comme par magie. Il fit un pas de plus ; dès lors, les balles revinrent à leurs envoyeurs. Beaucoup furent fauchés par leurs propres projectiles, qui s'étaient retournés contre eux sans qu'ils puissent y faire quelque chose.

Il n'avait pas de temps à perdre avec les petits lèches-bottes ; il voulait défaire le plus vite possible les gradés, pour nettoyer la zone comme il le fallait. D'un mouvement de main, il leva tous les objets métalliques dans un grand cercle, puis les fit tournoyer si rapidement qu'ils créèrent une tornade qui emporta les marins dans les airs, avant qu'ils s'écrasent contre le boue. Certains se firent embrocher par des armes contondantes, et continuaient de tourner avec les autres objets aimantés, avant de décélérer et de tomber au sol. L'ouragan se déplaça latéralement, conformément aux souhaits de Friedrich, écrasant toute résistance là où il passait. Les rangs se retrouvaient encore plus décimés ; mais le Marijoan tenta d'y mettre fin le plus rapidement possible.

Il se faufila en geppou et en invisible pour surplomber le Major, alors qu'il tuait sans difficulté ses hommes. Situé juste au-dessus de sa tête, il fonça sur lui. C'est alors que sa lame vint buter sur une autre, tandis qu'il était encore dans les airs. Il vit alors un volatile, qui brandissait cette épée. C'était un autre mangeur de fruit du démon, qui avait la faculté de pouvoir se transformer en aigle. Sur son œil gauche, une prothèse rouge semblait l'analyser froidement. Il comprit vite que cet œil artificiel permettait à son porteur de le voir, même invisible ; dans ce cas, il était inutile de le rester. Redevenant visible, Mountbatten atterrit au sol avec un genou à terre. En relevant la tête, il put comprendre que ces deux adversaires étaient à la fois puissants, mais également intimement liés. Il n'avait jamais vu une ressemblance vestimentaire aussi frappante, que ce soit à Eminar, à Isthme ou à Ypres. De plus, ils étaient tous maudits et dotés de pouvoirs spéciaux qui allaient lui compliquer la tâche.

- Vous tous ! Reculez ! Vous ne servez à rien ici ; occupez vous des blessés et préparez-vous à mieux repartir !

- Attendez ; je viens avec vous chef. Seul, vous ne faites pas le poids.

- Reçu. Tu t'occupes du piaf, je m'occupe de l'aimant vivant.

- Ça marche.


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L'enfer d'Ypres

V.

Coeur noir.


Musique:

A peine eût-il le temps de finir sa phrase que le Major levait deux grandes colonnes d'objets métalliques dans les airs. Elles grandissaient à vue d'œil ; et à chaque seconde passée, elles devenaient de plus en plus menaçantes. Pendant ce temps, son frère prit son envol et sembla disparaître dans le brouillard. Mais les deux marins n'étaient pas dupes ; il préparait quelque chose.

Mount prit son fusil à la hâte et largua une salve de balles bien précise sur l'officier ; mais ce dernier arrêta les projectiles sans aucun problème, et les renvoya sur ses adversaires. Le Fantôme et son subordonné se mirent en position pour les parer ; mais leurs lames s'échappèrent de leurs mains, les laissant sans défense. Ils protégèrent leur visage avec leurs bras. Malgré tout, le résultat fut loin d'être satisfaisant. Ils furent atteint à plusieurs endroits ; leur chair fut transpercée ; tandis que du sang jaillit de leurs plaies. La faible vélocité des projectiles sauva les deux militaires d'une mise hors combat rapide.

Ses ennemis affaiblis par son attaque, Friedrich W. Von Dennewitz fit monter ses colonnes d'armes dans les airs, avant qu'elles ne fusionnent tout en descendant en direction du sol. Cette nouvelle masse cylindrique fut projeté vers les deux militaires, qui furent touchés de plein fouet. Ils croulèrent devant cette technique si efficace, et se dégagèrent avec difficulté. Gravement blessés, ils n'eurent pas le temps de s'en remettre, car Karl W. Von Dennewitz fonça sur eux. Sous ses ailes, deux mitrailleuses lâchèrent une rafale de balles sur plusieurs dizaines de mètres, avant qu'il remonte pour éviter de toucher le sol. Ils esquivèrent à la dernière seconde, en se plaquant contre le monticule de pièces métalliques.

La situation était plus que critique pour le duo. Ils pouvaient être assaillis à nouveau par un oiseau qui pouvait les mitrailler sans craindre de représailles ; et le vindexois qui se dressait juste derrière le tas d'armes sur lequel ils s'étaient réfugiés pouvait manipuler tout ce qui était aimanté sans problème. Devant de tels adversaires, les possibilités s'en retrouvaient très amoindries. Blessés, criblés de balles à divers endroits, ils étaient en très mauvaise posture. Cependant, ils comptaient bien se battre jusqu'au bout.

Le champ de bataille regorgeait de cadavres, et ils ne comptaient pas les rejoindre. Le ciel s'était couvert et une fine pluie ruisselait sur les combattants. La boue compliquait tout mouvement, et la tenue de combat de chacun rendait chaque geste inconfortable. L'atmosphère grisâtre semblait leur signifier que tout espoir était vain ; que, comme des centaines d'autres, ils allaient mourir ici. Ils ne seraient plus que des noms sur des registres tenues par des bureaucrates qui n'avaient jamais mis les pieds dans une telle guerre. Ils allaient être enterrés dans un cimetière militaire érigé à la va-vite, par des prisonniers de guerre qui allaient manipuler leur dépouille sans aucune considération, sous le regard indifférent de ceux qui les gardaient. La vie et la mort d'un soldat n'avait rien d'héroïque à Vindex. Cela faisait partie d'un processus qui les transcendait, et qui n'en avait rien à faire d'eux. On ne trouvait là-bas qu'un destin tragique. Une mort dans l'horreur, ou une vie pleine de désespoir et de cauchemars.

Une telle vision effrayait la plupart des soldats ; mais ces deux-là avaient appréhendé cette idée. Ils avaient déjà survécu trois mois dans ce conflit ; ils comptaient bien rester jusqu'à la victoire de la Marine. Concernant Mountbatten, la rage liée à la mort de Louise lui donnait une force supplémentaire. Se relevant tant bien que mal, il incita son camarade à en faire de même. Ils gravirent le petit monticule pour affronter celui qui les avait mis dans cette situation.

La pluie s'accélérait, tandis que l'aigle faisait demi-tour. Il fallait agir maintenant.

La douleur était intense, mais leur volonté était plus forte. Float courut à la droite du Barois, au moment où le Marijoan s'avançait à sa gauche. Devant une telle manœuvre, il décida de relier les objets métalliques à proximité à ses mains. Cependant, Pacific enroula ses énormes poings avec de la corde. Son ennemi n'avait pas prévu qu'il utilisait le Rope Action, ce qui le priva de tout mouvement, alors que le lieutenant d'élite s'approchait dangereusement. Fixant ce dernier derrière les verres menaçants de son masque à gaz, il s'avoua impuissant et ne put que se résigner. Mount sortit alors ses lames fantômes et écorcha violemment l'officier vindexois. Le renégat étant immobilisé, il enchaîna plusieurs coups avec ses lames, ce qui mit en lambeau son uniforme. Il hésita longuement à le frapper à la tête, car il avait encore quelques bribes d'honneur dans son for intérieur.

Mais l'aigle se rapprochait de plus en plus ; et il se décida à le faire, quitte à le défigurer à vie. Il lui asséna un violent coup latéral, de gauche à droite, perforant son masque et coupant net son nez. Il put découvrir le visage de celui qu'il avait brutalisé, tout en constatant les ravages de l'acide. De longues cicatrices ornaient son visage ; et nombre d'entre elles avaient été ouvertes avec son attaque. Le spectacle était horrifique, et le Fantôme ressentit toute la violence de la guerre. Il frappait un homme immobilisé, et l'avait définitivement défiguré, alors même qu'il l'était déjà.

Alors, dans ce face à face terrible, le Barois prononça ces mots, en dépit de la profonde douleur qu'il ressentait.

- Bien des hommes cachent, autant qu'ils le peuvent, la noirceur et la méchanceté de leur cœur. N'es-tu pas d'accord avec moi ?

Cette ignorance de la douleur s'expliquait par la prise régulière de fentanyl, un antalgique très puissant qui l'aidait à supporter la douleur encore bien présente liée à l'acide. Ces mots laissèrent son assaillant de marbre, figé par la monstruosité de la scène.

- Mount, qu'est-ce que tu fous ?! Le piaf revient !

Pacific ramena Mountbatten à la réalité, et ce dernier partit se mettre à l'abri, accompagné de l'autre lieutenant. Une ultime rafale les épargna, et l'oiseau constata avec horreur ce qu'avait subi son très cher frère. Ce dernier était encore bloqué par ses deux extensions de bras, qui étaient immobilisés par des cordes.

- Libère le.

- Quoi ?

- Fais ce que je te dis. C'est inutile, ils vont partir et nous pourrons reprendre notre avancée.

- Mais on peut les capturer !

- T'as vu notre état ?

- On peut largement supporter un dernier effort à mon avis.

- Cesse de faire l'arrogant, et fais ce que je te dis...

Le regard désespéré du Marijoan fit céder Pacific. Il avait encore, à ce moment-là, une once d'humanité. De plus, ils devaient se faire soigner dans les plus brefs délais, sous peine de perdre trop de sang.

Pacific détacha ses cordes pour que le cadet puisse embarquer son aîné avec lui. Ils s'éloignèrent dans les cieux, tandis que les soldats de la quarante-huitième arrivaient à la hâte au secours de leurs officiers, gravement blessés.


Dernière édition par Mountbatten le Sam 4 Aoû 2018 - 22:21, édité 1 fois
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L'enfer d'Ypres

VI.

Honte à eux.
Nonobstant la mise hors service des deux officiers, les troupes d'élite avaient continué à avancer, faisant une progression record. Le corridor fut conquis, conformément au plan Haruno. Le ravitaillement vindexois s'aggravait de jours en jours, la production de vivres étant au point mort. La dévastation du pays entraînait des famines ponctuelles, ignorées de la Marine. Les lignes de front avaient fusionnées en une seule, longue de plusieurs centaines de kilomètres. Les quatre divisions de la Marine contenaient non sans mal les tentatives désespérées des Barois, si bien que de plus en plus de sections arrivaient sur le front en surplus. La demande croissante en homme surlignait aussi les pertes toujours plus importantes. De plus, elles étaient bien plus concentrées que les mois précédents. Dans certains secteurs, chaque assaut se soldait par des pertes d'au moins quatre-vingts pour cent.

Les vindexois jetaient leurs dernières cartes dans cette bataille. Si Ypres tombait, l'issue du conflit ne faisait plus l'ombre d'un doute. Les combats étaient acharnés ; jamais, ces hommes n'auraient pensé affronter de telles choses. Ils étaient d'une rare intensité, et la peur semblait partie du cœur des renégats.

Une convalescence courte fut imposée aux deux hommes, qui restaient cloués au lit quelques jours pour être parés à combattre. Leurs soldats étaient temporairement sous les ordres de leurs sergents d'élite, mais ils ne se faisaient pas de soucis. La plupart d'entre eux étaient des hommes du rang, qui avaient prouvé leur valeur sur le terrain et qui avaient été promu en conséquence. A Vindex, les compétences l'emportaient sur les attributs d'apparats. Les sous-officiers et officiers qui ne méritaient pas leur place étaient tués ; tout comme les plus faibles. Survivre là-bas était un combat de tous les jours, tant la guerre avait pris une place importante dans leur vie.

Mountbatten repartit au front, accompagné de son camarade. Ils avaient des rapports très professionnels ; pourtant, ils se connaissaient depuis longtemps. Mais cette frontière avait toujours existé entre eux, et empêchait leurs rapports d'évoluer vers une amitié simple, sans protocole. Nul ne doute qu'ils éprouvaient un certain attachement pour l'autre. Néanmoins, la nécessité de rester à distance des autres soldats prévalait sur tout. Le Fantôme avait pu l'expérimenter deux fois : se lier d'un lien fort avec d'autres combattants pouvait être bien plus douloureux qu'une balle.

Ils y retrouvèrent leurs subordonnés, contents d'avoir de telles personne à leur tête. Il s'en était sorti plus ou moins indemne, ce qui était une très bonne nouvelle. Alors, ils revinrent dans les tranchées. L'air était saturé de poudre à canon et d'odeurs détestables, notamment celle des cadavres en décomposition. Enterrés à deux mètres du sol, ils attendaient patiemment la suite des opérations. Certains devaient effectuer leur tour de garde et prenaient position ; d'autres s'occupaient comme ils le pouvaient. La nuit tombait et l'alcool commençait à faire oublier l'horreur de la guerre. Un accordéon et un harmonica faisaient une sourde musique, perdue dans cet océan de malheur. Mount restait en retrait de ses hommes et regardait d'un œil impassible leur amusement.

Il savait pertinemment que certains allaient mourir dans les prochains jours, ou même semaines. Peut-être même tous.

Alors, pensif, il se posa sur un banc de fortune, les yeux rivés vers les planches qui tapissaient la tranchée. Il avait déjà perdu tant dans cette guerre, et certaines nuits il revoyait le visage de ses camarades tombés au combat. Louise et Ratzkill en premiers, mais il se souvenait de temps à autre de marines qu'il avait commandé et qui étaient morts. Il se revoyait les emmener à la mort, les arracher de leur famille. Honte à ces adultes, qui envoyaient des enfants se faire faucher sous les balles.

Un simple marin vint le voir. Après un vain garde-à-vous, il tenta timidement d'engager la conversation.

- Euh... Je voulais vous demander lieutenant...

Ce dernier leva les yeux vers son interlocuteur. Un gamin, qui portait maladroitement son uniforme.

- Quand est-ce qu'on en aura fini, avec Vindex ?

- Quand ?

Mount ricana. C'était plus un rire nerveux qu'autre chose.

- Et bien quand on gagnera, soldat. Tu sais depuis combien de temps ça dure ?

- On m'a dit que ça faisait quelques mois déjà...

- Trois, pour être précis.

- Vous y étiez ? Je veux dire... Vous êtes là depuis le début ?

- Je suis là depuis le début, gamin.

Il planta en lui un regard rempli d'amertume et de rage. Une rage contre ses ennemis, mais aussi contre le Gouvernement Mondial. Le petit était interloqué. Lui, n'avait expérimenté la guerre que ces dix derniers jours. Pourtant, il avait difficilement survécu.

- Et bien sûr, pas de permission. Ici les hommes qui survivent sont précieux, car il faut bien encadrer la chair à canon toute fraîche qu'on envoie au feu. Comme toi.

- ...

- Qu'est-ce que tu veux. C'est la guerre.

- A-t-elle encore un sens ?

Il esquissa un sourire moqueur. La grande naïveté du soldat l'amusait autant qu'elle le brisait.

- Il n'y en a jamais eu.

- Mais... Pourquoi fait-on tout ça alors ?! Pourquoi combat-on ? Il y a bien une raison !

- Oh, oui il y en a une. La seule que j'ai trouvée durant tout ce temps, c'est les intérêts du Gouvernement Mondial.

- C'est suffisant pour y donner du sens, non ?

- Ahah. Si tu le dis. Aller, va, tes camarades t'attendent.

Et le jeune soldat repartit, ses idéaux chamboulés. Qui de mieux placé pour parler de la guerre qu'un vétéran ? On se rendait très vite compte du non-sens de cette invasion, à partir du moment où on avait assez de recul. Tous les marins qui avaient survécu s'en était rendu compte, de Godwin à Kimblee, en passant par les contre-amiraux des différentes divisions. Mais ils étaient encore motivés. Soit par leurs ambitions personnelles, soit par des idéaux stupides, comme celui de la Justice absolue. Où est la justice, lorsqu'on combat un peuple qui souhaite sa pleine souveraineté ?

Le Fantôme en avait marre de tout remettre en perspective. Chaque homme n'était qu'un pion sur l'échiquier. Les dirigeants du Gouvernement Mondial jouaient pour abattre l'adversaire, sans verser une larme pour les pièces qui étaient mises de côté. Ils jouaient avec des milliers de vies humaines, mais cela ne leur faisait rien.

Son esprit ne savait pas quoi faire. Il était tiraillé entre loyauté et haine. Il était assommé par ses pensées, et décida d'y réfléchir plus tard. Encore fallait-il qu'il survive jusque là.


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L'enfer d'Ypres

VII.

L'enfer.
Le plan Haruno avait permis de grandes avancées à plusieurs endroits du front. Au sud, la quatre-vingt-unième avait aussi conquis l'autre corridor, avec l'appui de la quatre-vingtième, durement éprouvée lors de ces longs jours de combats. Un bataillon qui avait débarqué à l'extrémité sud-est et qui fut bloqué depuis les premiers jours de la guerre put enfin rejoindre le reste de sa division.

Au nord, le front avait également été réduit ; à présent, l'état-major de Baïkal réfléchissait à l'ultime offensive, censée mettre un terme à la présence vindexoise à Ypres. Les commandants de division étaient réunis pour réfléchir au meilleur plan possible. Les pertes avaient franchi le cap symbolique des dix milliers d'hommes mis hors combat côté Marine, incluant les blessés, les prisonniers, et bien sûr les morts. Cette guerre attirait aussi l'oeil des plus hautes instances du Gouvernement Mondial : ces chiffres très élevés remettaient en cause le bien fondé de cette campagne. Néanmoins, elle avait coûté trop chère pour qu'un retrait soit possible.

Après la grande offensive, la situation était calme. Chaque camp pensait ses blessures et enterrait ses morts... et surtout, réfléchissait à la suite des opérations. Alexandros Zhukov, le commandant en chef des Barois, portait sur lui la responsabilité de ce secteur, appuyé par un florilège d'officiers compétents. Les difficultés s'accumulaient et les chances de victoire se réduisaient considérablement chaque jour. Les manques se faisaient de plus en plus sentir dans les rangs et les mutineries se multipliaient, réprimés sèchement.

Moins d'une dizaine de jours après la bataille, Mountbatten attendait les ordres, l'air nonchalant. Il but quelques gorgées de sa gourde, avant de la fermer. Dans sa petite loge d'officier, il écrivait une lettre à sa mère, sur une table en bois rayée par l'usure. Un dial faiblissant illuminait la petite pièce, et il écrivait à l'aide d'une plume et d'une encre qu'on lui avait donnée pour qu'il fasse ses rapports. Il y décrivait la perte récente de Louise et de Ratzkill, ses doutes et ses sentiments. C'était la première fois qu'il lui écrivait depuis la perte de ses deux proches. Son écriture était structurée et très organisée, de par son habitude des rapports militaires. D'habitude, il ne livrait que très rarement ses sentiments, encore plus à l'écrit. Adopter une telle formalisation permettait de se délivrer plus facilement en quelques sortes. Il évita de mettre sur écrit ses doutes quant aux buts de cette guerre, car il savait pertinemment que le courrier était filtré, avant d'être envoyé. La censure était une autre de ces facettes sinistres d'un Gouvernement Mondial qui étendait de plus en plus son contrôle sur les individus.

Alors, un jeune homme du service postier vint emporter sa lettre pour un long voyage sur Grand Line, jusqu'à Marijoa, sa ville natale. Il repensait parfois à son enfance dorée là-bas ; et s'en moquait. Ceux qui n'avaient connu que cet environnement ne pouvait pas se rendre compte de l'horreur du monde. Par cette pensée, il accusait directement les principaux dirigeants du Gouvernement Mondial, qui ne réfléchissaient que pour leurs intérêts, pendant que d'autres se sacrifiaient pour eux.

Le crépuscule descendait doucement sur le front. L'horloge sonnait les dix-sept coups. Mount scrutait les positions ennemies sans réellement les épier. Il regardait, pensif, ses ennemis, en évitant de trop se mettre à découvert.

Soudain, il vit dans le ciel des lueurs jaunes qui montaient. Ce rideau de lumière sembla s'envoler ; mais très vite, il attira son attention. Ce n'était pas du tout normal, et cru même halluciner. Alors, levant sa tête, le Fantôme regarda avec plus d'attention.

Il avait enfin compris. Dans un ultime beuglement, il lança :

- TOUS AUX ABRIS !

Les autres soldats qui avaient remarqué ce phénomène pressèrent leurs camarades pour qu'ils se mettent à l'abri. Ils se mirent tous contre le mur de la tranchée, leurs mains sur la tête et serrant leurs poings. C'était un réel déluge de feu qui s'apprêtait à se déverser sur eux. Un léger sifflement s'intensifia au fil des secondes, et le premier obus produisit une violente déflagration. Il fut suivie d'une centaine d'autres, qui s'abattirent violemment sur la première ligne de la Marine. Une deuxième salve fut lancée, puis après, puis une autre, et encore une autre... Pendant plusieurs dizaines de minutes, l'enfer s'abattait sur les pauvres soldats.

Les obus tombaient partout ; il n'y avait nulle rédemption possible, nul salut. Une sorte de châtiment divin semblait tomber sur eux. Les explosions tuaient sur le coup les hommes situés au plus proche de l'impact ; tandis que les autres étaient déchiquetés par les shrapnels. Les projectiles ne choisissaient pas leurs cibles ; ils tuaient sans regarder le passé de chacun. Une personne qui avait survécu au bout de plusieurs semaines de guerre pouvait être éliminée en un instant, par le plus grand des hasards.

Les plus chanceux pouvaient se réfugier dans des cavités creusées sur les côtés de la tranchée, augmentant leurs chances de survie. La terre était labourée par les obus, et elle tombait violemment sur les marins aux alentours, vivants comme morts. Ils avaient le visage noir de par le bombardement intensif qu'il endurait. Ils étaient las et semblaient déjà morts de l'intérieur. C'était la première fois que ces marins d'élite subissaient un tel pilonnage; alors que c'était la norme chez la quatre-vingtième.

Certains devenaient fous et ne se souciaient plus de leur vie, déambulant dans la tranchée, et en sortaient parfois. Ils finissaient vite par se faire transpercer par des morceaux de métal, et tombaient raides mort sur le sol. Les gradés essayaient tant bien que mal de remonter le moral des troupes ; mais ils étaient tout aussi impuissants. Les appels den-den se répétaient tous : "Tenez bons".


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L'enfer d'Ypres

VIII.

L'enfer.
Après de longues dizaines de minutes de bombardement intensif, les obus s'arrêtaient de tomber sur la première ligne, pour mieux retomber sur la deuxième. Ils employaient la technique dite de barrage roulant : un feu continu sur plusieurs kilomètres pour tout nettoyer et permettre une percée dans le front. Une retraite était donc impensable, sous peine de retrouver le feu et finir anéanti. Les forces de la Marine se relevaient difficilement, comptant les pertes à la hâte et pensant ses plaies précipitamment.

Mountbatten avait été épargné, comme une vingtaine de ses subordonnés, sur un total de deux sections. La majorité avait péri, ou était trop blessée pour se battre. Ces derniers avaient de grandes chances de mourir, car les quelques médecins présents dans la tranchée étaient débordés. Ils gisaientlà où ils étaient attendant impuissants la mort. Un destin funeste, auquel ils ne pouvaient rien changer. Avec un den-den apeuré, le Marijoan fit son rapport au commandant Godwin, resté en retrait.

- Ici le lieutenant d'élite Mountbatten. Nous avons subi de lourdes pertes suite au bombardement. J'ai dénombré vingt-deux soldats aptes à combattre, les autres sont morts ou gravement blessés. Je vous demande des renforts, la position est intenable.

- Lieutenant, j'ai le regret de vous informer... que je ne peux pas vous envoyer de renforts. Le barrage roulant nous interdit tout envoi de troupes vers la première ligne.

La voix du commandant d'élite transpirait l'impuissance. Il savait que ses hommes avaient été lourdement touchés par le bombardement et leur demandait un dernier effort : tenir une position, avec une infériorité numérique élevée. Néanmoins, il ne pouvait rien y faire, et cela le rendait fou. Il était bien loin le temps des tapis rouges à Marijoa pour lui : le voilà confronté aux dures réalités de la guerre. Et de telles situations le rendaient fou.

- Bien reçu. Dit-il, froidement.

Puis, il raccrocha.

Alors, il parcourait la tranchée, constatant avec nonchalance les dégâts des obus. Il organisa un dernier rassemblement avant l'offensive vindexoise, où il galvanisait les hommes encore en état de combattre.

- Messieurs ! Nous ne sommes que vingt ; et une horde furieuse d'ennemis s'apprête à nous attaquer. Nos chances sont faibles, nos pertes lourdes ; mais je crois en nous. Vous m'avez prouvé, à maintes reprises, votre compétence et votre courage : ne faiblissez pas maintenant. Le monde nous regarde, la Marine ne peut se permettre de céder un pouce de terrain aux terroristes révolutionnaires et aux vindexois corrompus par leurs discours mensongers. Souriez, car peu ont eu une telle occasion de servir le Gouvernement Mondial. Levez vos fusils et vos épées contre l'ennemi ; tirez jusqu'à la dernière balle ! Sabrez jusqu'à ce que votre sabre se brise ! Repoussez votre fatigue comme vous repousserez votre adversaire. Levez haut l'étendard de la vengeance, car aujourd'hui la victoire sera notre ! Lança-t-il dans une ultime harangue aux défenseurs de la tranchée.

Ce petit discours permettait de remonter le moral des troupes, même s'il n'y avait pas mis son coeur. Il avait beaucoup menti, mais sauvait les apparences devant ses hommes. "Terroristes", voilà le mot qu'il avait employé pour décrire les soldats de la Révolution. Or, plus la guerre avançait, plus il les comprenait.

Ses hommes se dispersèrent et se mirent en position, ramassant le matériel des morts pour leur propre profit. Mitrailleuses, grenades... tout était pris pour défendre jusqu'au dernier cette position. Les autres sections étaient assez loin d'eux et devaient elles aussi tenir leurs positions ; aucun renfort n'était possible. Un large pan du front avait été pilonné et l'assaut général n'attendait que l'ordre de Zhukov. Les marins se dissimulaient du mieux qu'ils pouvaient derrière les buttes de terre, les sacs de sables et autre couverts qui pouvaient les aider. Ils s'étaient répartis en binôme, pour mieux concentrer leur feu.

C'était des centaines de marins qui retenaient leur souffle sur plusieurs dizaines de kilomètres. Derrière eux, ils entendaient les obus tomber sur les autres lignes. Le repli avait été ordonné pour les deuxième et troisième ligne, pour éviter des pertes inutiles. L'artillerie gouvernementale essayait tant bien que mal de localiser les canons ennemis pour les faire taire pour permettre le renforcement de la première ligne.

Un grand bruit vint ébranler le calme apparent de la zone. C'était un cri des vindexois, qui se donnaient du courage avant d'aller au combat. Ils sortirent de leurs tranchées et parcoururent le champ de bataille à toute vitesse. C'était une compagnie d'infanterie entière qui s'élançait. Le rapport était d'un marin pour six vindexois. Cette horde humaine avançait stoïquement, en dépit des rafales tirées depuis les différents abris qu'utilisaient les hommes du Fantôme.

Néanmoins, ils répliquaient, ce qui limitait les tirs des défenseurs. Les attaquants traversaient le no man's land, enjambant tous les obstacles qu'ils rencontraient. Certains trébuchaient, d'autres étaient touchés ; tandis que la majorité se ruaient vers les positions adverses.

Les mitrailleuses de la Marine crachaient leurs flammes sans interruption, jusqu'à ce que les servants se prennent des balles entre les deux yeux, faisant taire la machine pour un certain temps. Une fois assez proches de la tranchée, les Barois lancèrent quelques grenades, qui éliminèrent des soldats de la Marine sans qu'ils puissent y faire quelque chose. Alors, ceux qui avaient survécu jusque là dont le lieutenant d'élite, se préparèrent à recevoir la vague ennemie. Ils se regroupèrent pour optimiser leur résistance.

Les vindexois rentrèrent dans la tranchée et furent accueillis par des salves d'armes automatiques ; et ceux qui avaient le malheur d'aller à l'endroit où les marins s'étaient regroupés étaient tranchés nets. Ils étaient moins d'une dizaine encore en vie pour tenir la position. Il n'y avait aucun espoir ; mais ils comptaient bien les retenir suffisamment longtemps pour empêcher une trop grande progression dans leurs lignes.
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L'enfer d'Ypres

IX.

Tenir jusqu'au bout.
Grâce à des tirs d'enfilade et une bonne position dans la tranchée, les hommes de la quarante-huitième parvinrent à tenir bien plus longtemps qu'espéré. Cela exaspérait les officiers barois, qui pensaient pouvoir percer le front plus facilement. Mais qu'importait ; les sections de la Marine qui protégeaient les flancs de celles de Mountbatten avaient été battues. Le commandant de la zone lança une manoeuvre d'encerclement de ces irréductibles défenseurs. Il fallait sécuriser l'arrière des troupes qui effectuaient l'offensive, et une poche de résistance pareille n'était pas concevable.

Ils avaient bougé et s'étaient positionnés dans une place forte, placée sur une colline, ce qui donnait un avantage certain. Là, ils purent exploiter au mieux les points forts des armes qu'ils avaient à disposition, notamment des armes automatiques. Ils n'étaient plus que sept encore en vie. Trois mitrailleuses quadrillaient les alentours, empêchant tout lancer de grenade. Mount se chargeait d'éliminer les menaces les plus importantes avec son fusil à lunette.

Un poste den-den était à disposition, déserté par ses opérateurs. Ils gisaient au sol, dans une marre de sang rougeâtre. Ils s'étaient pris des shrapnels en pleine figure ; ce fut fatal. D'un mouvement du pied, le lieutenant les écarta pour accéder aux outils de communication. Il avait perdu son den-den personnel et devait à tout prix contacter les troupes de l'arrière pour pouvoir se faire exfiltrer. Près d'une heure avait passé depuis le début de l'assaut vindexois.

PULU PULU PULU. PULU PULU PULU.

Composant le numéro de son supérieur, le Fantôme espérait entendre une voix au bout du fil. Il était temps de sortir de cet enfer. Ses yeux scrutaient désespérément le petit animal, apeuré par les bruits et l’atmosphère. Enfin, il entendit quelque chose.

- Allo ?

- Ici le lieutenant d'élite Mountbatten. Quelle est la situation de votre côté ? Nous avons impérativement besoin de renfort.

- Quoi ? Vous êtes encore vivants ? Bon Dieu. Nous pensions que la première ligne avait complètement été massacrée. Combien d'hommes sont avec vous ?

- Six.

- Bon. Ils ont mené une violente offensive, mais elle est à présent enrayée. Nous peinons à regagner du terrain, mais nous devrions pouvoir vous aider. Je viendrai personnellement diriger la contre-offensive pour vous secourir. Pouvez-vous nous donner votre emplacement ?

- Nous sommes sur la place forte numéro trois du secteur huit, dans la première ligne. Vous voyez où c'est ?

- Affirmatif. Nous devrions être là dans plusieurs dizaines de minutes. Tout dépend du nombre d'ennemis que nous aurons à affronter.

- A priori nous en avons éliminé une bonne partie. Si vous faites une percée vers nous, ce ne sera pas très compliqué.

- Bien reçu. Tenez bons.

KOTCHA

Se tournant vers ses subordonnés, il leur clama la nouvelle.

- Des renforts arrivent ; je vous demande un dernier effort !

Cela donna un regain de motivation pour ces quelques survivants.

Mais les munitions venaient à manquer. Ils avaient trop tiré, et ils se mirent à économiser les balles. Leur visage couvert de terre, d'éclats métalliques et de gouttes de sang, ils avaient mauvaise mine. Fatigués par les combats incessants, démoralisés par les pertes très nombreuses, ces hommes tenaient malgré tout. Cette bravoure fut aussi remarquée par les commandants barois, qui en vinrent à respecter ces combattants. Néanmoins, ils n'allaient pas leur faire de cadeaux pour autant.

La contre-attaque les pressait. Il fallait prendre cette place forte pour l'utiliser contre ses constructeurs. Parfois, une défense efficace reposait sur des détails. Une nouvelle vague plus importante fut envoyée au feu.

Ils arrivaient par trentaines, de tous les côtés. Pour ne pas gaspiller les précieuses cartouches, l'officier donna l'ordre de tirer lorsqu'ils seront à moins d'une quarantaine de mètres. Camouflés derrière d'épais sacs de sables, les servants étaient bien protégés. Les vindexois n'avaient qu'une seule option pour prendre la place forte : balancer des grenades, et admirer les cadavres fumants qui en résulteraient.

Malheureusement pour eux, les marins étaient bien décidés à rester en vie. Les tireurs étaient le plus précis possibles pour ne pas perdre des balles, et les chargeurs s’exécutaient très vite, de manière à ce qu'ils ne soient pas débordés par le nombre. Le Marijoan, exténué, n'avait plus la force de se mettre en invisible et de tenter quoi que ce soit. Dissimulés derrière une butte de terre, il essayait d'utiliser une cartouche pour plusieurs barois. C'était compliqué à réaliser mais faisable grâce au dénivelé.

Alors, ils se défendirent ardemment, jusqu'à l'arrivée des renforts. A la fin, ils en venaient à utiliser leurs armes de poings pour tuer les derniers assaillants. A la vue des soldats de Godwin, les barois s'étaient repliés sur leurs positions initiales. Tout autour de la place forte, le nombre de cadavres était impressionnant, dû à la topographie du terrain et à la présence de mitrailleuse dans le camp de la quarante-huitième.

Harassés, les survivants étaient enfin sauvés après des combats intenses et particulièrement violents. A Ypres, les affrontements étaient bien plus durs qu'autre part. Ils se laissèrent tomber contre le sol. Certains s'appuyaient contre des sacs de sables ou des caisses. Ils regardaient le ciel, d'un gris menaçant. Les marines grimpèrent la colline pour découvrir le petit groupe de soldat. Ils avaient un regard terrifiant. Le regard de ceux qui avaient entrevu l'enfer, qui avaient maintes fois vus la mort. Celui de ceux qui avaient perdu leurs camarades et leur humanité.

Les infirmiers de la Brigade Scientifique se précipitèrent pour les prendre en charge le plus vite possible. Le petit groupe de soldat qui avait été chargé de partir en premiers pour les sauver étaient menés par le commandant d'élite en personne, qui ne tarda pas à faire son apparition. Il rentra dans la position et découvrit ces hommes, qui avaient tenu jusqu'au bout.

Sans un mot, il statuait les pertes colossales. Il était contrarié par ce bilan, mais savait qu'il ne pouvait rien y changer. Les ordres de l'état-major étaient clairs : faire une ultime contre-attaque pour chasser les vindexois hors d'Ypres. Cela avait assez duré.

Il s'arrêta devant Mount, le regard à la fois désolé et vide. Le commandant d'élite n'avait même pas pu les sauver. Devant l'impossibilité d'envoyer des renforts, il avait dû attendre d'enrayer l'offensive baroise avant de les secourir. Ce sentiment d'impuissance le hantait. Malgré tout, son lieutenant ne lui en tenait pas rigueur. Il savait pertinemment qu'il existait des intérêts stratégiques qui transcendaient la survie de quelques sections de combat. C'était horrible, mais vital pour gagner une guerre.

La vie reprenait petit à petit le dessus dans la tranchée. Les nouveaux venus s'occupaient des blessés, et des nombreux cadavres. Des sentinelles guettaient les mouvements ennemis, pendant que d'autres remettaient en état l'infirmerie. Ils n'étaient qu'une section tout au plus, en attendant que le gros des troupes arrivent.
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L'enfer d'Ypres

X.

L'envol.
Soudain, un léger sifflement se fit entendre.

Les soldats l'avaient bien trop souvent entendus pour passer outre. Ils savaient ce que ça signifiait et chacun abandonna son activité du moment pour se réfugier, espérant survivre. Les médecins se pressèrent de placer ceux dont ils s'occupaient dans des cachettes, pour éviter de mourir. Alors, ils courraient se mettre aux aussi à l'abri, dans un autre abri. Mountbatten avait aidé les toubibs et partit donc au dernier moment.

Mais c'était trop tard.

Un torrent de feu traversa toute la tranchée. Les violentes déflagrations terrorisaient toujours les marins, qu'importe leur expérience. Beaucoup, pris par surprise, finirent par se faire exploser par les obus, ou lacérés par les shrapnels. Un ultime barrage avait été lancé pour préparer une offensive de la dernière chance, avec ce qu'il restait d'artillerie dans le camp vindexois.

Les sauveteurs se trouvèrent très vite dans une position de victimes, eux aussi. A chaque fois qu'un tir explosait vers la tranchée, il soulevait une grande quantité de terre et de matériel situé autour de l'épicentre. Ajouté à cela la peur de chacun, et le résultat est l'absence de coordination. Tout ce qu'ils pouvaient faire, c'était attendre que les canons barois se taisent. Ils attendaient dans leurs abris, priant que le leur ne vole pas en éclats.

C'est à ce moment-là qu'un obus vint s'écraser près du lieutenant d'élite, alors qu'il allait s'enfouir dans un petit abri. Il explosa à deux mètres de lui sur sa droite et lui projeta des dizaines d'éclats, sur le corps et le visage. Sous la puissance de l'explosion, il bondit pour atterrir un peu plus loin.

Sonné par la déflagration, il resta à terre un moment. Blessé à plusieurs endroits, il sentait les morceaux de métal qui s'étaient incrustés dans sa chair. C'est alors qu'il se rendit compte que son visage était aussi touché. Il passa sa main dessus, sentait un relief plus irrégulier que d'habitude.

Puis il comprit.

Il comprit que son œil était aussi touché, et que toute la partie droite de son visage était ravagée. Il ne pouvait même pas appeler un médecin, c'était inutile. Ravalant sa salive, il n'en revenait pas. La douleur vint petit à petit, jusqu'à devenir insupportable. La pensée même d'avoir perdu un œil le rendait fou. Il s'évanouit tant elle était intense, recroquevillé dans un coin de la tranchée, espérant simplement qu'on le sauve au plus vite. Les bruits des explosions devenaient de plus en plus lointains. Il quittait ses camarades pour s'envoler dans les bras de Morphée.
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L'enfer d'Ypres

XI.

Repos.
Les semaines s’étaient enchaînées pour le Marijoan. Cloué au lit, il avait cicatrisé au bout d'un mois et demi. Son œil droit avait été trop endommagé pour penser à retrouver la vue avec. C'est pourquoi, après les événements qui l'avaient mené à l'hôpital militaire, il avait été opéré et on lui avait greffé un œil cybernétique. Son statut de lieutenant d'élite lui avait permis ce privilège, ce traitement étant assez rare et coûtant assez cher à la Brigade.

Alors il avait dû s'adapter à sa nouvelle vue. En plus de pouvoir simplement voir, il avait de nombreuses fonctionnalités qui rendaient sa vue plus performante et bien au-dessus de celle du commun des mortels. Parmi les caractéristiques de cette prothèse, les plus utiles étaient le détecteur de chaleur intégré, ainsi qu'un viseur de haute précision. Parfait pour le tireur d'élite qu'était le Fantôme.

L'avantage de ce type de prothèse était sa discrétion. C'était un œil qui ressemblait trait pour trait aux yeux naturels, à l'exception près que la pupille était d'un rouge vif.

Mount avait fait le choix de le dissimuler derrière sa paupière, et de ne le révéler qu'en cas de nécessité. Il n'avait jamais vraiment aimé les cyborgs, et le voilà qui le devient. Sa paupière était couverte d'une grosse cicatrice qui parcourait son œil de haut en bas. Les personnes qui le voyaient pensaient alors qu'il avait tout simplement perdu son œil ; mais grâce au travail exceptionnel des médecins, il en avait un autre à la place. C'était en quelques sortes sa botte secrète.

Il avait aussi appris la mort du commandant Godwin. Il était mort là-bas, dans la tranchée, pendant le bombardement. Ça l'avait affecté plus qu'il ne l'imaginait. Il avait déjà perdu Ratzkill, Louise, et maintenant lui... Et il survivait encore et toujours. Un mort est toujours moins malheureux que ses proches.

Un peu malgré lui, il avait été choisi par l'état-major pour le remplacer à la tête du bataillon Godwin. Il avait choisi de laisser son nom dessus, pour se souvenir. Sa mémoire devait être conservée. Cet homme, friand des parades et des défilés, avait aussi changé dans cette guerre. Mount l'avait vu devenir plus réfléchi, plus pragmatique et conciliant. Peut-être plus humain aussi. Il avait vu ses failles, alors qu'il tentait avant de les dissimuler. Une guerre change un homme, c'est ce qu'on disait souvent.

Il avait aussi appris que c'était Kraft qui avait été derrière la mort de son supérieur. C'était lui qui commandait le secteur à ce moment-là. C'était un as de la révolution très qualifié et qu'avait déjà affronté Mountbatten sur Mekiel. En quelques sortes, ils s'étaient tactiquement parlant combattu à nouveau sur Ypres. Il louait une haine irrationnelle envers lui, car il avait tué sous ses yeux son meilleur ami. Sa revanche... Il y pensait souvent, lui qui n'avait pas pu empêcher son exécution.

Ypres avait été conquis pendant sa convalescence. Les pertes étaient énormes, comme d'habitude. Le dernier obstacle avant la victoire était Aldebaran, la capitale vindexoise. A présent, les forces du Gouvernement Mondial préparaient un assaut amphibie sur la ville. En effet, elle était entourée par le fleuve de l'île, le Cataracte. Les ponts avaient tous été détruits par les révolutionnaires lors de leurs défaites successives.

C'était un autre défi logistique. Le fleuve était trop peu profond aux abords de la capitale pour amener des navires de guerre à portée. Il fallait donc acheminer des très nombreuses barques, toutes modifiées par la Brigade Scientifique pour convenir à la mission. Elles étaient plus protégées , grâce à l'ajout de plaques de métal, et on pouvait poser une mitrailleuse dessus pour créer des tirs de couverture. Le courant était aussi un autre problème ; mais les ingénieurs y travaillaient sans relâche.

Le reste des divisions se reposait, en attendant de partir à la boucherie une fois de plus. La victoire était proche, certes ; néanmoins, la résistance vindexoise promettait d'être farouche. Un moment d'inattention suffisait pour se prendre une balle bien placée.

Le Marijoan était finalement retourné auprès de ses troupes, après avoir mis son nouvel uniforme. Point de cérémonies ; on lui avait annoncé sa promotion sur son lit à l'hôpital, avec seulement un « merci », accompagné de la médaille des blessés. Et puis c'est tout.

Il y avait beaucoup plus importants que ça à faire.
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