Abus et mineurs

*Décidément, il faut vraiment que j'y travaille, je n'ai pas le pied marin...* Une bonne vingtaine de minutes s'était écoulée depuis qu'il avait touché terre, mais Jaros sentait encore le sol tanguer sous lui, entretenant l'insidieux reste de nausée qui, décidément, ne voulait pas le quitter. Les passants, autour de lui, jetaient de temps à autre des regards curieux ou amusés à ce jeune homme pas très assuré sur ses jambes, le visage plus pâle que jamais mettant en relief son regard encore brumeux et légèrement cerné. *Avoir l'air d'un gamin qui a abusé sur l'alcool, génial.* Jaros venait d'arriver à Chom et la sensation de se faire remarquer de piètre manière l'envahissait presque autant que sa nausée.

Il était à Inu Town, une île proche de Manshon, merci aux marins qui avaient bien voulu le laisser faire le trajet - en échange du nettoyage du pont - autrement impossible pour lui. Il n'avait plus d'argent, plus rien, et si le dernier repas qu'il avait fait datait du jour même, eh bien c'était celui qui venait de finir ses réserves de pain sec et de poisson fumé. Jaros savait qu'il ne pourrait pas se retrouver du travail sur son île natale sans avoir de gros problèmes; la mafia avait été très claire à ce sujet, s'il faisait quoi que ce soit d'un peu trop proche de leurs affaires, il devrait soit les rejoindre, soit être considéré comme opposant direct. Considéré mort quelques temps après, surtout... Si l'idée de partir de Manshon était encore pour le jeune homme hors de propos, aller travailler quelques jours ailleurs s'imposait plus ou moins à lui, à présent. Une mine de cristaux précieux était une piste qui ne se refusait pas.

- Encore faut-il arriver jusque là...

Mieux valait ne pas se présenter pour demander un travail tout titubant, Jaros en avait bien conscience. *Bon, je vais attendre que ça finisse de passer.* S'installant sur un muret, il regarda autour de lui patiemment. L'endroit était propret et accueillant, surtout en comparaison avec la ruine encore terriblement présente de Manshon. Pas très grand, également, très peu de bâtiments possédaient plus de deux étages, et il était facile d'apercevoir la campagne verdoyante aux alentours. Avec le soleil qui pointait le bout de son nez à travers les quelques nuages paresseux émaillant le ciel, le cadre devenait particulièrement plaisant. Se laissant aller un peu en arrière, le jeune homme ferma les yeux en levant le visage à la lumière. Il se détendit, laissant le reste de mal de mer s'en aller, profitant de la douce chaleur.

- Jeune homme ! Connaissez-vous la Brasserie des trois chaumes, la meilleure brasserie de Chom ?

Interrompu dans son délassement par une voix féminine et énergique, Jaros ouvrit brusquement les yeux et se redressa vivement. Cheveux châtains rassemblés en une tresse reposant sur une épaule, joues roses et expression avenante, l'inconnue devant lui avait sous le bras un gros panier garni de bouteilles et de bouts de papiers, probablement des prospectus, en outre sa robe s'ouvrait avec générosité sur sa gorge tout aussi rose. Sans être réellement jolie la bougresse était indéniablement avenante, et le jeune supposa immédiatement qu'elle venait lui vendre quelque chose.

- Je ne suis pas d'ici, non.

- Elle vient d'ouvrir cette semaine, nous offrons la première pinte à tout nouveau client, alors profitez-en, si le cœur vous en dit. Tenez, c'est cadeau !

Un peu interloqué, Jaros pris la petite bouteille qu'on lui tendait, répondit avec retenue au dernier sourire que cette fille lui fit avant de continuer sa distribution publicitaire. De la bière gratuite, ça ne refusait pas, il n'allait pas être méfiant à ce point. Il ne comptait pas la boire tout de suite en revanche; heureusement elle était suffisamment petite pour rentrer dans une des poches de son trench, formant une drôle de protubérance tout de même. *Bon, plus qu'à espérer qu'ils embauchent à la mine...*


*******


- ... et tu les tracteras jusqu'aux terrils, pigé ? Le salaire restera le même pour ça.

- On est d'accord alors, oui.

Tapant dans la main caleuse du grand contremaître, Jaros était plutôt satisfait. Aller chercher les wagons remplis des déchets d'excavations et les ramener à la surface, voilà qui était dans ses cordes; ça ou déblayer des ruines, il n'y avait pas un si grand écart. On le paierait bien suffisamment, aussi, même s'il devrait trouver lui-même où loger, ce qui n'allait pas poser grand problème vu le cadre si agréable que l'île offrait. Son nouvel employeur regarda d'un air un peu suspicieux le relief dans le manteau du jeune gringalet qu'il venait d'embaucher, puis passa à autre chose.

- Va rejoindre ct'équipe alors, on a un gars arrivé récemment comm' toi et d'autres, t'expliqueront bien le reste.

Le geste vague indiquait le pied du terril le plus frais, où quelques ouvriers finissaient de vider leurs wagons, la plupart s'asseyant par terre ou sur de petits rochers pour se reposer un peu. Jaros n'obéit pas sans réfléchir. Ils étaient en début d'après-midi, et commencer maintenant le travail n'allait pas vraiment de soi, pour une paie au nombre de jours.

- Je serai payé même pour un tiers de journée ?

- T'auras le quart, j'peux pas faire mieux mon gars. Si t'es pas content va voir ailleurs.

Hochant la tête, le jeune homme se dirigea donc vers ses nouveaux coéquipiers. La plupart étaient crasseux et quelconques, discutant entre eux de très banale façon. Mais il y en avait un à part... Il attira l'attention de Jaros presque de suite, pour une raison bien précise. Assis sur un rocher, le front en sueur strié par des mèches de cheveux humides, l'homme ressortait du lot. Pas à cause du bandeau qu'il avait à l’œil ou de son visage taillé à la serpe, quoique si, tout de même, mais surtout de ce qu'il avait à sa ceinture. Un sabre à la poignée et au fourreau ternis et rayés, étrange accessoire à la hanche d'un travailleur dans une mine de cristaux. L'idée qu'il puisse être un garde assurant la sécurité de l'endroit ne tenait pas pour Jaros; il ne serait pas ici, mais plutôt à patrouiller dans les boyaux ou aux entrepôts. Intriguant. Tentant une approche au culot, le jeune homme interpella donc ce drôle d'énergumène.

- Dites, le sabre est là pour faire joli ?

Loin de se braquer, l'autre sortit une blague de sa poche, et, roulant une cigarette avec la gestuelle d'un fumeur invétéré, rétorqua que, oui, certains se baladaient effectivement avec des armes pour pavoiser. Jaros eut l'envie de sourire, mais l'autre ne le regardait pas vraiment de toute façon. Les autres ouvriers restaient dans leur coin, regardant la scène par dessus l'épaule; sans doute le jeune homme eut-il mieux fait de s'adresser à eux, mais... Mieux valait prendre les informations où elles semblaient être d'abord. Un type avec un sabre, voilà qui méritait au moins un intérêt de surface.

Il n'avait rien de mieux à faire sur le moment, surtout. Sortant la bouteille qu'il avait encore dans sa poche, il la regarda quelques instants, puis la tendit au borgne. Elle ne tiendrait pas bien les heures à la mine à faire des aller-retours, de toute façon, mieux valait la boire avant qu'elle ne soit complètement tiédie, et Jaros n'avait pas vraiment soif.

- Envie de se désaltérer, peut-être ? On me l'a donné à Chom mais les bières en plein après-midi, ce n'est pas ma tasse de thé.

Un signe de main indiquant un refus fut la réponse qu'il obtint, puis l'homme dégaina une flasque métallique, la déboucha d'une main experte et en prit une gorge, la cigarette prestement mise de coté entre ses doigts. Une grosse gorgée, témoignant d'une solide habitude, et un instant plus tard, il se remit la sèche aux lèvres, libérant sa main pour essuyer de la paume le goulot, avant de tendre le flacon à Jaros. *Espérons que ça ne me mette pas un coup trop solide avant de commencer le travail...* Il la prit, renifla discrètement *oh, c'est pas du sirop, en effet* et se permit une petite lampée, un peu risible en comparaison de l'autre. Ce n'était pas bon, vraiment pas, assez fort mais pas au point de rendre la chose complètement désagréable. Le jeune homme pinça un peu les lèvres, mais ne grimaça pas plus, rendit la flasque rapidement, avant d'ouvrir finalement sa bière avec précaution - après son trajet dans sa poche, elle risquait de mousser sévèrement - et heureusement, succès. Avoir de quoi se rincer la bouche lui paraissait bien plus attrayant qu'il y a quelques secondes. La bouteille ouverte, il plia les jambes, et tenta d'entamer un peu plus la discussion.

- Merci, mais j'avoue que j'en reprendrai pas de si tôt. Vous êtes là à bosser à la mine depuis longtemps, ou c'est vous l'autre arrivé récemment ?

Goûtant sa bière, il la trouva, bien que fatalement à une température plus que passable, d'une agréable amertume maltée, qui chassa les relents de frelaté du tord-boyau - whisky ou assimilé, pensa-t-il - du borgne. *Peut-être que j'irai à cette brasserie ce soir, finalement...*

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Les yeux grands ouverts, il se redressa à une vitesse folle, cherchant de la main droite la garde de son sabre. Malgré la pénombre, il localisa son arme sans trop de difficultés et d’un bond, se mit en position défensive, avant de se rendre compte du ridicule de la situation. En caleçon, l’arme à la main, il avait manqué de découper la moitié des meubles de la chambre miteuse qu’il avait réservé. Pour une fois qu’il avait assez de ronds pour se payer une place en auberge, … Soupirant, il reposa sa lame ébréchée contre le mur, et se rassit sur le rebord du lit en bois. Il s’étira quelque peu et jeta un coup d’œil à travers les stores qu’il n’avait pas fermé totalement. L’aurore arrivait, et cela ne servait donc plus à grand-chose de se rendormir.

Encore installé au bord de son plumard, il repensa à sa nuit passée et, avec une moue, accepta la situation sans rechigner. Après tout, il n’y avait pas de doute désormais. Toute cette drôle d’histoire de duo bizarre, de maffieux surarmés, et de véhicule métallique envoyant des obus n’avait été, selon toute vraisemblance, qu’un mauvais rêve. En même temps, une cabine en métal qui volait grâce à un moteur à hélices, cela n’avait aucun sens. Pourquoi pas une carlingue qui se déplaçait dans les airs avec des ailes, tant qu’on y était !

Après s’être rhabillé, il descendit les marches qui le menaient à l’accueil de l’auberge, et, sans regarder l’homme ventripotent assis derrière son comptoir, posa quelques deniers sur le rebord de ce dernier. De quoi payer la nuit, du moins, celle qu’il venait de passer. Pour la prochaine, par contre, il devrait improviser, pour changer. Ou alors dormir dehors, ce qui était déjà plus dans ses cordes. Dans tous les cas, il n’avait pas le choix, il allait devoir s’improviser une activité quelle qu’elle soit, parce qu’il était aussi fauché que les blés, et, jusqu’à preuve du contraire, l’argent ne poussait pas dans les arbres – ou alors dans des arbres qu’il ne connaissait pas.

Il avait atterri à Inu Town par hasard, et ne comptait à l’origine pas particulièrement y rester. Ce n’était pas son premier passage sur l’île, et lors de ses dernières aventures dans le coin, il avait sympathisé avec un homme nommé Hank le Borgne, à qui il avait piqué l’idée de se faire passer pour un invalide, pour mieux se fondre dans la masse. Jusqu’à maintenant, cela semblait avoir plutôt bien fonctionné. Dans tous les cas, Hank lui avait dépeint une mine de pierres précieuses, où ça embauchait à tour de bras, et ce depuis presque dix ans. Compte tenu du fait que ses maigres économies ne lui permettaient pas d’abandonner le coin assez vite, la situation ne pouvait tourner que d’une seule façon. Snake allait devoir casser quelques caillasses, et gagner un solde dérisoire, mais suffisant pour quitter le coin. Au pire, il partirait avec la caisse ou quelque caillasse brillante…

Le Serpent n’eut pas trop de difficultés à trouver l’emplacement de la mine, cette dernière étant annoncée par environ une quinzaine de panneaux. Sans sourciller, il s’approcha du contremaître, et l’aborda lui demandant s’il n’y avait pas du travail. Ce dernier semblait dubitatif.

« Filez moi une masse, ç’devrait être assez explicite pour vous. »
marmonna l’ancien marin, en retirant son pardessus noir. L’homme plissa les sourcils, et, après réflexion, lui fournit l’outil. Le Serpent, n’eut pas vraiment besoin de plus d’un coup pour lui montrer qu’il allait être un atout pour la mine. Il s’approcha d’un rocher de bonne taille, banda ses muscles et le frappa avec sa masse de toutes ses forces, le fracturant net au milieu. Des années d’entrainement à la manipulation du sabre l’avaient entrainé plus que nécessaire. « Je suppose que ça vous suffit. » conclut-il face à l’air ébahi de son interlocuteur. Ça lui suffisait, évidemment. Compte-tenu de la situation hors de commun, il obtint même un salaire presque décent. Du moins, suffisant pour se payer l’hotel, et peut-être même des petits extras…

La matinée passa, aussi chiante qu’une après-midi de pluie d’Octobre à Dunkerque. Il frappait les rochers. Les rochers explosaient. Des collègues venaient ramasser les bouts. Puis il recommençait. Et ainsi de suite pendant un nombre de minutes qu’il cessa rapidement de compter. Lorsque l’heure de la pause vint, il s’assit avec plaisir sur un petit promontoire rocheux. Ses bras commençaient à chauffer, à force de cogner comme un sourd sur des caillasses. Fallait dire qu’il en avait fait des travails rébarbatifs, mais là, c’était le pompon. Alors qu’il comptait s’en griller une en toute tranquillité, un jeune gars tout élancé l’aborda, le questionnant sur son sabre. Il jeta un coup d’œil à l’endive qu’il avait face à lui, puis il regarda son arme, derniers vestiges de son passé dans la marine, et esquissa un semblant de sourire. « Ouais, à c’qui parait y’a des mecs qui les portent pour faire les beaux. » Rétorqua le Serpent, assez explicite.

L’arme avait attiré plus d’un regard, mais il avait été absolument hors de question de laisser trainer sa lame à portée de n’importe quelle main. Elle n’avait pas de grande valeur marchande, mais il n’avait pas très envie de devoir se dégotter un autre sabre. Déjà parce qu’il n’en avait pas forcément les moyens, mais aussi parce que cette dernière l’avait accompagnée depuis belle lurette. Oh, il ne se faisait pas d’illusions, elle était en fin de vie, à moins de la faire réparer, mais, en l’état, il n’avait pas les moyens…

A la proposition de bière, il rétorqua par sa propre proposition. De l’alcool presque fait maison, enfin, c’est ce que lui avait dit le pécore à qui il l’avait acheté. Il s’était probablement fait baratiner, tant le whisky tapait dans le gosier, mais ce n’était pas bien grave après tout. Peu importait le flacon, n’est-ce pas ? Le gamin était curieux, et le Serpent plissa un peu les yeux, pour l’observer. Il n’avait pas l’air de bosser pour ses anciens employeurs, pas plus que pour la marine, mais il ne pouvait pas en avoir le cœur net. Il devait rester vague, du coup, comme d’habitude en somme.

« Ouais. J’suis arrivé ce matin, pour casser quelques caillasses. » Commença-t-il. Si le mioche savait que quelqu’un était arrivé ce matin, il n’y avait aucune raison de lui cacher qu’il s’agissait de lui. « La paie a pas l’air fameuse, mais elle a le mérite d’exister. » Ajouta le déserteur avant de tirer une grosse latte de sa sèche. Pas fameux ce tabac, pour changer. Puis, se rendant compte que son interlocuteur le questionnait sur le boulot, il eut comme un déclic. « T’es pas un peu freluquet pour venir briser de la roche, mon gars ? »

Peut-être avait-il face à lui un bonhomme à la force inattendue ?
Le petit ne s'écrasa pas. Très sur de lui, il rétorqua que si sa carrure n'est pas très représentative, elle lui suffisait largement pour être plus fort que la majorité des pélos qui traînaient dans le coin. Il s'agissait d'un « petit don familial, apparemment » . Il avait si sûr de lui que le Serpent s'empêcha de répondre. Après tout, il savait sans doute de quoi il parlait...
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*Guère convaincu, le borgne, hein...* Jaros pouvait comprendre qu'on doute de sa capacité à effectuer de lourdes tâches physiques, vu sa carrure maigrichonne. Le contremaître avait eu les mêmes doutes, mais soulever le tonneau plein de cristaux avec aisance avait largement suffi. Il n'en serait sans doute pas différent ici. Prenant une nouvelle gorgée de sa bière, le jeune homme savoura un peu l'instant, finissant de faire partir le goût acre de l'alcool non identifié que trimbalait l'homme au sabre. Jaros finit de vider sa bouteille en silence; il ne lui semblait pas plus pertinent que ça de tenter encore de parler, pas pour le moment. L'inconnu était  manifestement du genre taiseux, mieux valait ne pas trop chercher à le stimuler en vain.

Une petite minute plus tard, le son d'une cloche aigrelette signala la fin de la pause, et le pack d'ouvriers non loin d'eux se mit en branle; sans un mot, l'homme au sabre les imita. Deux d'entre eux se mirent à pousser le lourd - et grand, aussi long que Jaros allongé - wagon, en ahanant bruyamment. Les autres, ramassant leurs outils, se dirigeaient vers les galeries minières, mais Jaros ne leur accorda que peu d'attention. Se relevant souplement tout en rangeant la bière vide dans une des poches de son manteau, il alla droit vers les rails et se posa en face de la poignée du chariot métallique, tout en interpellant les mineurs qui le déplaçaient.

- Stop ! Vous pouvez aller avec les autres, je peux m'en occuper tout seul.

Sortant la tête de derrière le wagon, l'un des ouvriers, un homme grand au corps épais et au visage mangé par une barbe brune hirsute, le regarda avec des yeux parfaitement rond. Son collègue s'était quant à lui spontanément esclaffé aux propos de Jaros. Loin de se formaliser, le jeune homme agrippa fermement la grosse poignée soudée au wagon qui pendait devant lui, et tira avec une force modérée. En grinçant fortement sur ses roues, le gros engin se mit en branle; il était plus lourd que ce à quoi s'attendait Jaros, qui plissa ses traits sous l'effort, mais cela suffit. Les deux mineurs partirent au petit trot à la suite de leurs camarades.

*Est-ce parce que je n'ai rien dans le ventre, ou ce truc est si lourd que ça ? Oh, peu importe.* En se dirigeant vers l'arrière du wagon, le vagabond hésita à enlever son trench; le travail risquait d'être salissant, même s'il avait une petite idée pour le rendre plus efficace - et moins noircissant le concernant - pour toute l'équipe. Il s'abstint donc finalement, et se mit à pousser. Ses biceps et ses épaules lui donnaient presque l'impression de crisser légèrement, à croire que les fibres musculaires sous sa peau tendue étaient des câbles rouillés. Il n'avait plus qu'à espérer de ne pas avoir à trop regretter d'avoir compté autant sur ses capacités.

L'intérieur de la mine était éclairée d'un nombre conséquent de lanternes, luxe assez conséquent dans ce genre d'exploitation. Jaros dut arrêter son wagon à un embranchement, avant de comprendre qu'il n'avait rien à faire mis à part pousser pour se retrouver au fond, où avait lieu l'abattage. Moins profond qu'il ne l'aurait d'abord crû, il retrouva les ouvriers de son équipe, qui lui crièrent quand arrêter la benne; dans leurs mains, des pioches et des grosses masses. En s'approchant, le jeune homme s'ébroua un peu, s'habituant encore à l'odeur saturée de poussière rocheuse de l'endroit, puis prit la parole.

- Bon, vous m'expliquez comment ça se passe ?

Le mineur le plus massif, crâne chauve et regard acerbe, grogna quelque chose à ses collègues, ce qui déplut instantanément à Jaros, avant de répondre d'une voix grasse.

- On abat tout c'qui passe, on four'tout dans l'benne, et on envoie au tri, vu ? Pis faut r'prendre au tri au r'tour pour vider au terril.

- Et le travail n'est pas plus divisé que ça, tout le monde fait tout ?

- Bon... Attendez, on verra le moment venu.

A la tête qu'on lui fit, éclairé obliquement par les lanternes au plafond bas, le jeune homme comprit bien qu'ils n'avaient pas du tout compris. Il n'était pas une lumière, mais il était clair pour lui que diviser les tâches bien spécifiquement entre les ouvriers permettraient d'avancer plus vite et plus efficacement; la mine offrait des primes passé un certain rendement, après tout, autant en profiter. Sans en dire plus pour le moment, il alla prendre une pioche parmi celle qui attendaient contre une parois non loin, alla casser la roche et la terre compactée avec les autres. Le borgne avançait à une vitesse surprenante, et les autres mineurs faisaient un peu le vide autour de lui. Jaros tenta d'en faire autant mais il n'avait pas le coup de main; cela ne l'empêcha pas d'avancer aussi vite, si ce n'est plus que le barbu qui s'éloigna bien vite de lui.

Rapidement les gravas s'entassèrent, et au signal du chef d'équipe - le grand chauve -, voilà que les pioches étaient troquées pour de larges pelles, et que tout était transféré prestement dans le wagon. Le jeune homme mis un peu de temps à réagir, mais tout se fit sans problème. Jaros compta seulement maintenant le nombre précis d'ouvriers avec lui; ils étaient neuf, dix avec lui. Ils finissaient de pelleter quand le jeune homme remarqua quelque chose. Ils n'étaient pas encore très profonds, mais il faisait étonnamment frais pour une mine. Sans pour autant avoir jamais été dans une d'entre elles, il savait bien que la chaleur était une des caractéristiques habituelles. Les autres étant... *L'humidité et le manque d'air.* Pour cela, ils étaient plutôt servis, sans pour autant que ce soit insupportable.

*Bon, plus qu'à espérer que ça passe...* C'était le moment que Jaros attendait. Le wagon plein, il lâcha ses outils, s'avança prestement, et d'une énergique poussée qui fit craquer sinistrement ses articulations, commença à le faire remonter, sous le regard médusé du chef d'équipe et de ses collègues. Remonter la benne pleine était la tâche la plus difficile, après tout - et celle qui faisait râler les propriétaires rechignant à fournir un matériel plus adéquat -, si difficile qu'elle leur prenait la majeure partie du temps.

- Il faudrait juste une personne avec moi, le reste peut continuer à abattre. On gagnera du temps comme ça.

*Si tant est que je ne me foire pas comme un crétin...* Malgré le ton neutre qu'il avait utilisé, Jaros se mettait un peu à douter de son idée fort ambitieuse. Si tant est qu'elle soit acceptée...
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La fin de la pause vint aussi attendue qu’une famine après une période de disette. Lentement, mais surement – après tout il fallait bien manger – les ouvriers reprenaient leurs postes. Petites fourmis, chacune attrapait sa pelle, sa masse, son casque, sa lanterne, et se mettait au boulot, donnant une drôle d’image de bordel organisé. Chaque péon savait ce qu’il avait à faire, sans doute, comme mus par une main divine invisible. Tous sauf un. Le nouvel arrivé – qui plus est, toujours inconnu, puisque non présenté au Serpent – avait décidé contre toute attente de s’accorder le rôle de pousseur de wagon. Aussi inopiné qu’étonnant pour l’assemblée, il harponna le chariot et commença à le faire avancer sur les rails. L’ancien marin perçu quelques chuchotements d’admiration, mais très vite, le reste des pécores retournait à leur labeur, à savoir, principalement casser de la caillasse au fond de la mine.

Aussi mollement que le reste de ses compagnons d’infortune, le déserteur se dirigea vers le fond de la carrière. Il attrapa une masse en fer posée contre l’entrée du long couloir, et la posa sur son épaule, avant de s’engouffrer sous la terre. Les flammes dansantes faisaient briller comme des étoiles des quelques minéraux précieux qu’on pouvait apercevoir dans la roche. Aucune chance pour le travailleur moyen de les réduire en miettes, contrairement à la pierre, plus friable. Il n’avait pas fallu très longtemps à l’ancien marin pour se rendre compte que l’organisation n’était pas la principale attention des contremaîtres. La sécurité des employés, probablement non plus. Certaines poutres laissaient à désirer, sans aucun doute. Le bois n’était pas pourri, loin de là, mais si l’excavation était vouée à durer quelques années de plus, il faudrait les renforcer. Et autant s’y mettre tout de suite. Après tout, il suffisait d’un seul éboulement…

Ceci dit, la sécurité était sans doute le cadet des soucis du Serpent. Il était là pour l’argent, et si possible, chopper une pierre ou deux. Ou du moins, telle était son idée à l’origine, mais il avait vite déchanté. Les minéraux extraits dans cette carrière n’avaient rien de très commerciaux, du moins pas sous cette forme, de ce que lui avait raconté l’un des autres mineurs. Il ne s’y connaissait pas plus que ça, mais il savait reconnaître un rubis, un saphir ou une topaze et la mine dans laquelle ils étaient n’avait rien de tout cela à leur proposer. Tant pis, il restait toujours la caisse à tirer s’il n’était pas payé…

Mais pour être payé, encore fallait-il se mettre à l’œuvre. A l’aide de sa masse, il se mit à frapper la pierre, creusant dans cette dernière des sillons d’une taille que leurs collègues n’avaient que rarement vue. A chaque coup, à chaque impact, de la sueur venait perturber sa vision, coulant sur sa paupière non protégée. C’était plutôt désagréable. Cela le força à faire une pause, alors que le reste des mineurs passaient de la pioche à la pelle, afin de remplir le charriot de gravats. Ces derniers seraient triés et traités plus tard, à l’extérieur, ou du moins c’est ce que supposait le faux borgne. S’il avait très envie de s’allumer une sèche, il évita, se disant qu’il ne s’agissait probablement pas d’une grande idée. Heureusement pour lui, le dernier arrivé avait besoin d’un coup de main, pour sortir de la mine le wagonnet  farci de décombres. C’était une aubaine, puisque cela permettrait au Serpent de remettre un pied à l’extérieur de la grotte, ce qui était parfait pour fumer une petite cigarette prohibée.

Alors qu’il s’avançait vers Jaros, le grand chauve s’avança. Il leur demanda s’ils pensaient vraiment être capables … Le Serpent l’interrompit et le fit taire d’un simple bruit de bouche, assez explicite. Ils pourraient sortir les caillasses de sous la terre, et plutôt deux fois qu’une – même si une fois suffisait, après tout.

« Allons-y. » Se contenta-t-il de dire à son compère, alors qu’il posait les mains sur l’arrière du wagon. Poussant de toutes ses forces, et bien évidemment à l’aide du maigrichon, ils firent avancer les roues métalliques sur les rails, à un rythme plutôt soutenu qui plus est. Dans un silence uniquement rompu par le grincement du métal qui frottait sur les voies, ils avancèrent jusqu’à la moitié du chemin. Le Serpent s’arrêta, il lui fallait une pause. Et vu la tronche que tirait l’autre endive, il ne semblait pas être le seul. Prenant quelques secondes, il s’assit sur un promontoire rocheux « Laisse-moi reprendre mon souffle. » Lança-t-il alors qu’il respirait plus fort que d’habitude. La cigarette n’était plus une option.

Au bout d’une trentaine de secondes de silence, l’ancien déserteur se releva. « Quelque chose ne va pas. » Marmonna-t-il, presque plus pour lui que pour son interlocuteur. Sous son regard interrogateur il poursuivit. « L’air est beaucoup trop dense. Ce n’est pas normal… » Et c’était vrai. Ils avaient beaucoup trop de mal à respirer, c'était ... hors de l'ordinaire, pour le moins.

Et cela ne pouvait pas être anodin…
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*Pas normal ?* Jaros, les bras un peu douloureux, avait lui aussi le souffle court, et l'air avait une drôle de saveur dans sa bouche, et ne calmait que peu ses poumons. Le borgne était sévèrement intoxiqué au tabac, ses bronches n'avaient donc pas une sensibilité si fiable, mais il avait probablement un peu l'habitude. Quoique... Après tout il n'était pas là depuis bien longtemps, selon les dires du contremaître, relativisant d'emblée la pertinence de l'avis qu'il venait de donner. *Bon, on va essayer d'en avoir le coeur net.*

- Pas normal ? Depuis combien de temps tu bosses ici, en fait ?

Arrivé le matin même, disait-il. Pas vraiment encore habitué, donc, surtout avec sa consommation de clopes, qui semblait tout sauf négligeable vu l'odeur qu'il dégageait. Il y avait donc de quoi être au moins dubitatif. Jaros n'avait en outre aucune idée de la marche à suivre lorsqu'un problème de ce genre se présentait; le job n'avait ni contrat ni assurance, et le contremaître s'était bien gardé de lui faire toute une liste exhaustive de tout ce qu'il serait susceptible de faire, laissant la tâche aux autres ouvriers. *Je suis un idiot fini, décidément...* Restait que douter qu'il y ai un réel problème - et pas juste le manque d'air inhérent à la profondeur - semblait plus raisonnable.

- On va bien voir si on sent une différence quand on sera plus haut, mais pour le moment mieux vaut éviter de lancer l'alerte pour rien. On est sous terre, pas étonnant qu'on respire mal.

Haussant les épaules, l'autre acquiesça en silence. Quelques dizaines de secondes plus tard, Jaros frappa dans ses mains pour les dynamiser, s'étira un peu les bras. Il était grand temps de reprendre leur montée erratique. C'était à se demander comment l'équipe pouvait y parvenir auparavant, et surtout pourquoi ils n'utilisaient pas des wagons plus petits, ou un système de remontée un tant soi peu pratique -voire même les deux, pourquoi pas -, puisqu'en l'état, l'efficacité laissait clairement à désirer. *C'est à se demander s'il n'y a pas quelque chose dans l'eau douce de l'île qui rend crétin les habitants...* La mine, mise à part son éclairage fort généreux relativement au contexte, était organisé de manière bien chaotique, aux yeux pourtant néophytes de Jaros. Ils croisèrent à un embranchement une autre équipe, qui, éreintés, semblaient à avoir du mal rien qu'à maintenir en place leur chargement. Entrecoupé de respirations profondes pour ne pas avoir de crampes, le jeune homme se permit un commentaire à voix haute, alors que la lumière changeait graduellement de teinte autour d'eux, annonçant la surface proche.

- Je ne sais pas... Qui est aux commandes de cette mine... Mais franchement c'est... Organisé n'importe comment...

A ses cotés, le borgne eut un grognement difficile à interpréter, Jaros n'insista pas; mieux valait garder son souffle, de toute façon. Le jeune homme eut la désagréable sensation de se faire enfoncer les talons dans le sol par le poids du wagon, lorsqu'ils parvenaient enfin à l'entrée de la mine. Il se savait plutôt léger, mais tout de même. D'une poussée particulièrement énergique, Jaros engagea leur chargement sur l'aplat d'où il était parti, et fit craquer ses épaules et ses bras en s'étirant. Il allait devoir se roder à l'exercice, mais la gêne dans ses membres se dissipait rapidement, heureusement. Le jeune homme ne perdait cependant pas de vue son objectif d'efficacité, mais en se tournant vers l'homme au sabre, il vit bien qu'il était temps de faire une pause d'au moins une minute; il n'allait jamais reprendre son souffle s'ils continuaient.

- Je te laisserai nous guider jusqu'où on trie avant de charger les gravas pour les mettre au terril, hein. Je vais vite fait voir quoi pour l'air.

Signe de tête explicite mais sans plus pour toute réponse, c'était bien suffisant. En s'approchant, le jeune homme se concentra comme il pouvait. L'air était respirable, mais la différence n'était pas si flagrante que ça avec les boyaux de galeries bancales; simplement plus d'oxygène, ce qui était bien normal. *Ils devraient faire des voies d'aération, vu la profondeur de la mine ça ne serait pas bien difficile.* Du moins, Jaros n'était pas vraiment capable de le sentir autrement; sans doute le borgne était-il bel et bien trop intoxiqué par ses cigarettes - d'ailleurs il s'en roulait déjà une - pour se rendre compte ou non d'un problème à ce niveau. Des mineurs sortaient, des outils abîmés pleins les bras, et au regard qu'ils lancèrent à Jaros, il comprit que non, il n'y avait rien d'anormal, et qu'il avait l'air bizarre avec on air inquisiteur, penché en avant et le nez froncé.

- Bon, fausse alerte.

Complaisant, Jaros revint vers le wagon, et laissa l'autre fumer en silence, profitant du moment pour s'épousseter comme il le pouvait, ôtant un peu de la poussière sèche et collante qui s'était agglutiné à son trench et son pantalon. Assez proche de ce qu'il pouvait connaître avec les chantiers de la reconstruction, finalement; qu'elle vienne de maisons en ruine à Manshon ou de parois souterraines à Chom, la crasse restait de la crasse.Taciturne jusqu'au bout, l'homme au sabre ne pipait mot, tirant à la place avec assiduité sur sa cigarette. Jaros n'était pas indisposé par le silence, mais que le bougre se soit porté volontaire l'intriguait encore.

La force dont il avait fait la démonstration avec une masse à la main rappelait au jeune homme une sale expérience *cette maudite mafieuse...* récente, ajoutant à cela une dose de méfiance non négligeable; si ce borgne ne dégageait cette affreuse impression d'agressivité écrasante et irrépressible, il pouvait tout à fait être affilié aux Familles, ou tout du moins dangereux. Mais en le voyant... Jaros devait bien admettre qu'il ressemblait plutôt à un écorché vif, le genre qui n'est vraiment bien nulle part, et qui creusait doucement sa tombe à coup d'alcool et de tabac. Brisant le silence, le jeune homme essaya d'amorcer un brin de conversation.

- Tu as une idée de qui est aux commandes ici ?
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L’autre n’avait pas l’air de le croire et immédiatement, le Serpent plissa des yeux. Enfin de l’œil, celui qui n’était pas couvert par le bandeau. Le ton que le grand gaillard en face de lui avait utilisé ne laisse que peu de doutes sur son avis sur la situation. A savoir, qu’il pensait que l’air était normal et que lui était taré, ou pas loin en tout cas. Si ce n’était probablement pas le cas – après tout, le Serpent avec développé une certaine paranoïa depuis qu’il avait joué les filles de l’air auprès de M. Hitchcock, mais ceci est une autre histoire – il n’en restait pas moins persuadé qu’il détenait la vérité. Peut-être même que, sous ces airs de jeunot qui débutait, il s’était infiltré dans cette mine pour … pour quelque chose.

Bon, évidemment le cheminement de son esprit s’arrêtait là. Il fallait dire qu’il n’avait fondamentalement aucun indice qui prouvait que la grande endive soit de mauvaise foi, mais … avait-il des indices du contraire ? Et bien non ! Tout était possible. Peut-être même que ce brave mec, sous ses airs serviables et sympathiques, s’adonnait à des passe-temps inavouables, tels que torturer les vieux. Ou les chats. Ou pire, les vieux chats ! Dans tous les cas, l’ancien sous-officier de trouzième ordre fit comme d’habitude, il se déconnecta autant de la discussion – alternant réponses proches de l’onomatopée et grognements – que de l’action – ne prenant donc plus aucune initiative.

Malheureusement – pour lui – Jaros ne l’entendait pas de cette oreille. Il semblait persister dans son envie d’échanger quelques mots, du moins, il en donner l’impression. Ceci dit, heureusement – toujours pour lui – l’effort était tel qu’il leur était compliqué de maintenir un semblant de discussion. Pousser le wagonnet sur ses rails n’était pas une tâche aisée. Plutôt le contraire, d’ailleurs.

« Merde ça pèse une chiée, c’te bordel. » marmonna-t-il avant de répondre à une question affirmativement de la tête, alors qu’il n’en avait pas écouté un traître mot. C’était là sa chance. Il sortit son paquet de cigarettes, et en encocha une entre ses dents. L’idée d’allumer son briquet dans la mine semblait mauvaise, mais il devait profiter de l’aubaine de la pause, n’est-ce pas ? Savourant l’inspiration, il réfléchit à sa situation. Il était en train de pousser un chariot rempli de … hmm … bordel, en destination d’un endroit où on extrayait ce bordel et on en faisait quelque chose de valide. Le processus était pour le moins obscur à ses yeux, et qui plus est, la suite n’avait sans doute pas lieu au sein de la mine.

Le gosse était revenu alors qu’il finissait sa sèche. Le déserteur éteint sa sèche sur le mur, et la jeta au sol, puis fit craquer les os de ses épaules en s’étirant. Il pensa à s’épousseter, mais c’était peine perdue, la journée n’était pas finie et s’il avait prévu une douche, il ne pourrait de toutes façons pas se rhabiller si facilement. Quoi qu’il en était, il avait été tellement absorbé par cette problématique qu’il n’entendit pas la première partie de la question de son interlocuteur, et dût lui demander de répéter.

« Aux commandes de … la mine ? Ou de la compagnie minière ? » Demanda-t-il, avant de se rendre compte que cela ne changeait pas grand-chose, puisque de toutes façons, il n’en avait pas la moindre idée. « Ben… j’en sais rien en fait. » Il était venu pour le flouze, avant tout, et Hank le borgne avait été assez explicite sur le fait que les employeurs payaient rubis sur ongle. « Pourquoi ? Ça change quoi ? »

« Euh... Pas grand-chose, oui; juste qu'il n'est pas très compétent...  » Répondit-il, avant d’enchaîner sur un « Bon, on continue ?  » un petit peu après. Ah, décidemment, il n’était pas très clair ce jeune homme… Le duo continua à remonter la voie jusqu’à ce que le wagon s’arrête sec. Principalement car le rail était fini. Les deux mineurs d’infortune ne s’en étaient même pas rendu compte. Quelques mineurs armés de pelles surgirent, comme sortis de nulle part. Ils allaient sans doute s’occuper de décharger leur chariot.

Le Serpent plissa les yeux, quelque chose continuait à ne pas tourner rond. Les hommes avaient un teint blafard, comme si ... comme s'ils étaient malades. Il se gratta la tête et demanda à l'autre gars « Ils te semblent normaux, ces glandus ? »
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*Normaux ? Comment ça...* Jaros, intrigué, observa attentivement les mineurs que le borgne lui désignait. Ils n'avaient pas l'air au mieux de leur forme, certes, mais pas plus ni moins que les autres, aux yeux du jeune homme; tous les ouvriers souffraient physiquement des sales conditions dans lesquelles ils travaillaient. En ce sens, il n'y avait donc rien de particulièrement anormal, mais au ton que l'homme au sabre avait employé... *Il a l'air complètement paniqué, ou au moins un peu dérangé...* Gardant contenance, Jaros fronça un peu les sourcils, et répondit d'un ton posé.

- Bon, je saurais pas dire, mais on va aller voir le chef avant de redescendre, hein ?
- Le chef ? Pourquoi faire ?
- Si y'a vraiment un problème d'air dans les galeries, c'est bien lui qu'il faudrait prévenir non ?

Devant l'air tout sauf convaincu, le jeune homme prit une inspiration, et essaya de s'expliquer un peu plus.

- Ben, c'est simple, ou tu lances l'alerte littéralement au pif, ou bien tu te barres en courant de la mine, finalement. Me semble pas être une bonne idée de crier au loup comme ça, et... Je sais pas, mais t'as l'air d'être comme moi et de pas tant avoir le luxe de refuser une paie sur n'importe quel coup de tête. Les mineurs ont autre chose à foutre que de discuter eux, puis n'ont pas l'air du genre à moufter, alors autant être fixé et s'adresser au mec qui décide. En tout cas...

Jaros tapota des phalanges le wagon à coté d'eux.

- On va pas rester planté là toute la journée, autrement je sens que la paie va se faire la malle.
- Ça m'semble acceptable. P'têt' que l'aut' crâne d’œuf en saura plus.

Moue un peu dubitative, mais le borgne avait hoché la tête; bien. La question réglée, Jaros alla attraper deux pelles dans le fatras qui gisait non loin, et lui en tendit une. Il était grand temps de vider leur benne, après tout. La fin de leur rail arrivait sur une butée, avec en contrebas un large tas de gravas où parfois brillaient les petits cristaux précieux; des ouvriers allaient et venaient, remplissant de plus petits chariots pour les emmener au tri; le jeune homme pouvait apercevoir des rangées de bacs rectangulaires sur tréteaux, un myriade de mains affairées dans leur contenu. Jaros vit que le wagon avait l'un de ses cotés pouvant s'ouvrir à l'aide de loquets; plus pratique pour vider le tout en contrebas, en effet. Imitant le borgne, qui avait au moins un peu d'expérience dans la manœuvre, il posa sa pelle et se positionna, le regardant pour se synchroniser avec lui.

A son signal muet, ils ouvrirent la benne, dont le battant claqua brutalement jusqu'au sol, manquant d'écraser les doigts d'un Jaros un peu trop distrait. Le chargement dégringola en soulevant une quantité non négligeable de poussière, les faisant tous deux bien tousser, puis ils durent pelleter pour finir de vider le wagon. Puis, une fois cela fini, ils jetèrent leurs pelles, refermèrent leur benne en silence - exceptée les grincements métalliques de celle-ci -, puis le jeune invita d'un geste du menton le borgne à prendre la tête pour les conduire jusqu'à leur prochaine étape.

S'accordant au rythme de l'autre, Jaros essayait de le cerner mentalement. Il ne parlait décidément pas beaucoup, un peu réticent au dialogue sans pour autant rester totalement solitaire. Méfiant qui plus est, il avait l'air de craindre qu'on en attente à son intégrité à tout moment et par tous les moyens, reléguant les habitudes du jeune homme à de l'innocente aménité au tout-venant. *Il est à la limite de la paranoïa pure et simple, le bougre.* A moins que tout cela ne soit qu'une façade - le cas échéant à la limite de la perfection -, ce que Jaros ne pouvait pas non plus rejeter complètement, il n'était bel et bien qu'un individu qui perdait pied dans son existence. Cela intriguait autant que dérangeait le jeune homme, qui avait bien conscience de ne pas être si loin de cette description...

Mettant ses pensées de coté lorsqu'ils passèrent au niveau du bâtiment rudimentaire en bois nu où il avait trouvé le grand contremaître chauve, le jeune homme invita le borgne à le suivre; à l'entrée, ledit chef -le crâne, hein - brillait au soleil descendant, tandis que son propriétaire discutait à voix basse avec un employé au costume aussi tiré à quatre épingles que poussiéreux. Jaros s'avançant, intima aussi éloquemment et discrètement que possible l'homme au sabre de s'exprimer. Arrivé à la hauteur du chef de mine, qui eut un regard plissé et un peu incrédule sur le singulier duo qui venait le trouver l'air prêt à leur aboyer à la figure, le borgne alla donc droit au but.

- L'air est trop lourd, on a du mal à respirer, et plus que dans les autres mines que j'ai pu faire. Y'a un truc qui cloche, mec. Après z'en avez p'tet' rien à faire que tout le monde clamse dans la mine, mais perso, j'ai pas envie d'y rester.

Le ton, un peu désinvolte, restait loin d'être léger, et le chauve - dont le crâne luisait plus que jamais, semblait-il - refréna la gueulante qui lui montait dans la gorge avant même qu'elle ne finisse de se former; son regard avait rapidement voleté entre l’œil de son interlocuteur, le vieux sabre à sa ceinture, et le grand jeune homme derrière lui. Au vu de son comportement, Jaros supposa spontanément que ce petit chef de mine cherchait à ne pas commettre d'imprudence, bien que ce soit assez étrange au vu de la situation. Croisant puis décroisant immédiatement les bras, ce dernier répondit d'une voix mesurée.

- Z'êtes tous les deux nouveaux, et c'est vous qui v'nez me dire que quelque chose va pas ? On va voir ça, c'est possible qu'y ai une poche de gaz qui s'répande à cause d'une des équipes d'abattage. On a de quoi vérifier. Z'avez qu'à aller au tri en attendant. Vot' paie bouge pas.

*Ma foi, on a vu bien pire comme traitement. C'en est presque suspect...* Soit ils venaient de découvrir le pot aux roses, soit Jaros ignorait quelque chose sur son paranoïaque collègue. Difficile de croire que ce traitement si compréhensif soit la simple expression du caractère consciencieux et concerné du contremaître. Ni même que la simple petite démonstration de force que le jeune homme avait pu faire tout à l'heure soit suffisant à rendre l'homme aussi doux, mais ce n'était que spéculation qui ne s'appuyait sur pas grand-chose. Une fois revenu à leur wagon, Jaros se permit tout de même une petite remarque à voix basse.

- L'était bien conciliant le gars, non ? A se demander s'il ne savait pas déjà ou quoi...


Dernière édition par Jaros Hekomeny le Jeu 14 Juin 2018 - 17:22, édité 1 fois
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Le Serpent était assez sûr de lui en général, et il avait suffi qu’il commence sa phrase pour sentir le doute envahir le contremaître. Etait-ce parce qu’ils avaient baladé à deux le contenu d’un wagon normalement porté par toute une ribambelle de trous du cul, ou était-ce la présence de son sabre à la ceinture ? Il ne savait pas trop. Ce qui était certain c’est que l’autre crâne d’œuf n’était pas confortable avec cette discussion, et qu’il n’avait aucune envie qu’elle ne s’éternise. Choisissant donc bien ses mots, il les renvoya dans leur vingt-deux, de façon bien trop calme ceci-dit.

Une fois de retour à leur poste, la grande perche en fit la remarque au Serpent. Et ce dernier acquiesça de la tête plusieurs fois. L’autre avait raison, c’était louche, quand même, de laisser planer le doute de la sorte, comme si… L’ancien marin s’arrêta, et posa les mains sur ses hanches. « Ouais, c’est trop facile. J’crois qu’il aime pas trop les mecs qui sortent du rang, ce zygoto là. » Marmonna-t-il en esquissant une moue. « Faudrait pas qu’il tente de nous la faire à l’envers, sinon j’crois que j’vais pas apprécier. » Ajouta-t-il, le visage plutôt fermé. Enfin, plus fermé que d’habitude. Faut dire qu’en général, le Serpent ne respirait pas non plus la joie et la bonne humeur.

Quelques heures de travail se déroulèrent dans le plus grand des calmes. Il fallait dire que le travail, physique comme pas deux, avait tendance à les abêtir. Un homme fatigué était moins enclin à discuter ou refuser les ordres. Par contre, il avait plus tendance à laisser son esprit divaguer. Ce n’était pas le cas du borgne qui, masse à la main, continuait à concasser les murs de la mine vitesse grand V. Soudainement un coup de sifflet résonna contre les murs de la mine, interrompant les travailleurs dans leur dure labeur. Il s’agissait du contremaître, bien évidemment, qui sans introduction, se mit à beugler quelques prénoms : « Martin, Okazaki, Steel, Linard. » Les quatre hommes lâchèrent leurs outils, certains une pioche, d’autres une pelle, pour disparaitre avec le chauve au bout du couloir. Le Serpent, étonné, demanda à son voisin de quoi il s’agissait. Ce dernier plissa les yeux ne comprenant pas la question, avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’un nouveau. « Oh, y vont nous payer. Y zappellent les gens par groupes et voilà, y nous payent. » Le borgne opina du chef, et reprit la pelle.

Le contremaître réapparut quelques minutes plus tard, et réitéra son appel, changeant les patronymes des appelés. Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le grand jeune, le Serpent, et un bonhomme malingre qui sentait la mort. « Brindille, Serpiente. » cria le chauve. Le Serpent s’approcha et demanda au contremaitre s’il ne devaient pas aussi ramener l’autre dernier bonhomme, ce à quoi l’autre répondit : « Hé non, on sait pas pourquoi qu’il vient encore lui. On l’paye plus depuis belle lurette, mais y continue à v’nir… Il partira tout à l’heure sans doute… »

Le déserteur regarda Jaros et haussa les épaules. C’était étonnant de laisser trainer un crève la dalle dans la mine, mais si ça fournissait de la main d’œuvre gratuite … pourquoi pas après tout. Ils suivirent le chauve jusqu’à une salle, creusée dans la roche de la mine, une sorte de gros plaque en bois faisant office de porte. Dans la salle illuminée par deux lampes à huile fixées au mur, ils purent observer un tabouret pour le chauve, et une autre planche posée cette fois sur deux tréteaux, jouant le rôle de table, sans doute. Bien évidemment, le chauve n’était pas seul. Deux gros bras armés d’épées courtes, qui n’avaient pas des gueules de porte-bonheur, jouaient le rôle de comité de bienvenue.

« Bon, les n’veaux. Faut qu’vous sachiez un truc. On aime pas trop les fortes têtes, par ici… » éructa le pelé.

Ça commençait mal.


Dernière édition par Serpiente le Mer 27 Juin 2018 - 23:42, édité 1 fois
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Jaros avait l'esprit un peu embrouillé lorsqu'il se retrouva, Serpiente - puisque le borgne s'appelait apparemment ainsi - à coté de lui, face aux gros-bras patibulaires du contremaître. Embrouillé par les quelques heures de travail en silence où il s'était interrogé au sujet de la mine et de son collègue, de son île natale et de s'il devait la rejoindre ou pas, sans que rien vraiment ne sorte de tout cela au final. Restait qu'il y avait toujours des raisons de le tenir à l’œil, et plus encore d'essayer d'en apprendre plus sur lui. Une petite pensée rassurée lui vint lorsqu'il entendit qu'il n'avait, heureusement, pas oublié d'utiliser un surnom. Pensée qui ne pesa pas lourd lorsque le contremaître entama son petit jeu d'intimidation.

Rien qu'au ton employé par le grand chauve, le jeune homme aurait eu assez pour se méfier d'emblée, mais la présence des échalas à l'air torve ne laissait pas la possibilité de se méprendre. Les choses risquaient fort de mal se passer. Jaros n'était pas inquiet à proprement parler, mais la question de comment être payé sans se retrouver parti prenante dans quelque empoignée lui parut diablement épineuse. *Va falloir être fin et espérer qu'on se capte avec Serpiente, autrement...*

- A peine z'êtes là, et qu'ça fait chier, et qu'ça vient faire l'fier, v'nir nous dire c'qui faut. T'sors d'où toi hein, l'à-qu'un-œil, à t'prendre pour l'trou du cul du monde ?! Et l'aut' là, qui mate comm' si qu'était un p'ti prince en visite !

Grognements d'approbations appuyant ses mots qui peinaient à bien faire sens cela manquait de percutant, le contremaître prenait de l'essor. Loin d'être bien sensible à la verve à ses yeux inexistante du bougre, le jeune homme tenta de rien n'en laisser paraître, mieux valait jouer profil bas pour le moment. Aussi bas que possible sans tomber dans un aplatissement pur et simple, cela allait sans dire pour Jaros. Son comparse n'avait pas l'air non plus facile à écraser. Emporté dans sa démonstration et encouragé par ses gorilles, le chauve s'avança, et tendit un doigt agressif vers le jeune homme, ce qui l'irrita très fortement d'emblée. *Je sens que ça va tourner court, mon travail ici, j'ai tout sauf envie de ramper devant un crétin pareil...* Cela lui donna l'envie de couper court, il sentait l'ambiance tourner doucement mais sûrement vers quelque chose de propice à une escalade rapide dans la violence.

- Bon, on ne va pas discuter de comment vous gérez votre mine, hein. Filez moi ma paie, idem pour Serpiente, et on n'en parle plus.

Serpiente, acquiesçant en silence, posa la paume de sa main sur le sabre à sa ceinture, ce que remarqua Jaros du coin de l’œil. Ce n'était pas trop ce qu'il aurait espéré malheureusement, le borgne participait à la montée de la tension. Le ton du jeune homme était ferme, sans doute trop neutre et égal au goût du contremaître, surtout en conjonction à l'attitude tout sauf amène de l'autre homme. Il ne reçut pas très bien l'invite à ne pas s'étendre, manifestement. Lui avait d'autres plans en tête, et il comptait bien les concrétiser.

- Tu t'fous d'ma gueule p'tite merde. Et fais pas l'beau l'à-qu'un-œil, avec. Vous v'nez fouiner et vous pensez qu'ça va êt' oublié comm' ça ? Et vot' paie, j'm'en cogne.

Jaros comprit que la chose ne se réglerait pas sans violence. *S'il croit qu'il va me sucrer mon dû, ce lourdaud !* Le contremaître avait lâché ses dernières paroles d'un air dédaigneux, presque rieur, comme si on venait de lui proposer d'aller danser la valse en tutu au fond de la mine. Il n'avait aucune intention de rester dans la cordialité, le jeune homme passa donc à l'action. Cela le rebutait profondément, mais rien ne serait accompli ici s'il cherchait à rester civilisé coûte que coûte. Tout avait déjà été dit, ne restait plus qu'à espérer que tout se finisse rapidement. A peine les mots sortis de la bouche du chauve qu'il s'avançait tout en sortant en un instant son petit pistolet, qu'il arma et braqua bien fermement sur le front de l'homme. Les gorilles, réagissant avec un petit temps de retard, furent stoppés net par l'injonction cassante que Jaros cracha.

- On bouge pas ! Lâchez vos coupe-choux, ou votre petit chef aura le crâne plus aéré que jamais. Allez !

L'air plus froid que jamais, le jeune homme bluffait totalement, l'arme n'ayant pas vu le moindre grain de poudre noire depuis des lustres. Eut-il été tout seul, sans doute n'aurait-il pas tenté, mais Serpiente constituait un appoint non négligeable. S'il ne s'y attendait pas, il n'en montra rien. Le grand chauve, quant à lui, avait perdu toute contenance, pâlissant avec une vitesse surprenante, cherchant à écarter la tête du canon qui s'appuyait au milieu de son front sans oser vraiment le faire. Jaros n'appréciait pas d'entraîner de force Serpiente là-dedans, mais entre ça et se défendre lorsque la menace serait montée d'un cran puis concrétisée... Le choix semblait vite fait pour n'importe qui.

- On est parti du mauvais pied, mais ça va être vite vu, avec un peu de bonne volonté. Vous nous payez, on se barre, et on n'en parle plus, on oublie tous ensemble, clair ?
- Tu... tu-tu-tu...

Plongeant ses yeux dans ceux tremblotant comme de la gelée du contremaître, Jaros parla plus doucement.

- Cette mine, elle est bonne à fermer si les officiels en entendent parler, mais on va généreusement fermer les yeux. On est d'accord là dessus, tu vois, c'est pas nos affaires. Nos affaires par contre, c'est de se faire payer, et de se quitter en tout bien tout honneur, sachant qu'on nous pissera pas dans le dos. Est-ce qu'on s'est bien compris ?



Dernière édition par Jaros Hekomeny le Mer 27 Juin 2018 - 17:22, édité 1 fois
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Le temps, qui avait semblé s’écouler si longuement jusqu’alors semblait désormais filer à la vitesse de la lumière. Ces genres de situations semblaient se multiplier lorsque le Serpent était dans les parages. Comme on dit, il faut toujours se méfier de l’eau qui dort. Dans le cas de l’ancien marin, il s’agissait de sa chance, en quelque sorte. Il avait un don invraisemblable pour se retrouver dans des situations qui, au premier coup d’œil, n’avaient rien de spéciales et qui soudainement dégénéraient jusqu’au sang. Parfois le sien, souvent celui des autres.

Dans le cas présent, probablement celui des autres.

Tout ça pour dire qu’il n’était pas plus étonné que cela, lorsque le chauve à l’air idiot avait commencé à l es enguirlander. Leur criant dessus, il tentait sans doute d’instaurer le doute. Manque de bol, le duo d’ouvriers néophytes ne semblait pas du genre facile à impressionner. C’était plutôt l’inverse. Alors que le petit chef haussait la voix, le déserteur plissa les yeux, le fixant d’un air défiant. Il ignorait ouvertement les deux gardes et posa sa main sur la garde de sa lame. Le geste était simple et explicite, s’il fallait sortir de cette mine en laissant derrière lui une traînée de sang, il serait leur homme.

Lorsque le contremaître annonça qu’ils seraient privés de solde, le Serpent comprit qu’il était soit idiot, soit trop sûr de lui. Peut-être même les deux. A force de pousser un animal, il mordait. Et Jaros fut le premier à montrer les crocs. Sortant un minuscule pistolet d’un endroit incongru, sans doute, il braqua le front de la tête de pioche sans sourciller, trahissant au final une nature bien plus belliqueuse qu’on aurait pu le croire de prime abord.

« Oooh. » Marmonna l’ancien marin en souriant à pleine dents alors que son comparse crachait aux gardes de ne pas bouger. « Tu es trop sympathique, mon grand. » Continua-t-il à voix basse, sans vraiment espérer que ce dernier ne t’entende. Alors que Jaros négociait avec le contremaître, le Serpent s’avança lentement, mais surement vers ces pauvres gardes qui ne s’attendaient sans doute pas à ce que leur tour de garde soit si compliqué.

« … Est-ce qu'on s'est bien compris ? » Entendit-il dire à sa gauche. Lui ce qu’il avait bien compris c’est qu’ils ne risquaient pas de sortir de là en un seul morceau s’ils faisaient confiance à ces ruffians. Le Serpent parla plus fort, cette fois-ci. « Compris. » Annonça-t-il alors qu’il rompait enfin la distance entre lui et le premier garde. D’un direct au menton, il envoya sa tête frapper le mur, sous l’air horrifié du deuxième qui tenta de se munir de son arme. C’était peine perdue. Le Serpent était beaucoup trop rapide. D’un coup de coude, il le heurta à la tempe, l’envoyant rejoindre son coéquipier qui mangeait déjà le sol.

« Ah. On est plus confortables à discuter comme ça, je trouve. » Baragouina-t-il alors que les deux autres le regardaient d’un air hagard. « Il en va sans dire que ce sera double paie pour nous, crane d’œuf. »

Ce dernier, blanc comme un linge, semblait avoir du mal à reprendre les esprits. Peut-être n’avait-il jamais rencontré d’employé récalcitrant qui ne s’était pas écrasé face à son service d’ordre ? Lentement, il passa à côté du chefaillon, toujours braqué par Jaros, puis s’approcha de la lampe à huile, dont il éteint la mèche. « Mais … » Commença, le chauve, ses yeux allant du borgne à la grande perche à tour de rôle. Lentement toujours, le Serpent dévissa l’embout de la lampe, et s’approcha du contremaître sur lequel il versa le contenu de la lampe. « Sinon, je serai obligé de sévir. ». Ajouta-t-il, avec un sourire mauvais.
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La situation, pour Jaros, dérapa d'une manière aussi prévisible que dérangeante. Ou plutôt, tout se passe d'une manière qu'il aurait pu prédire mais qu'il n'avait pas considéré; le jeune homme avait sous-estimé la retenue de son borgne camarade d'infortune. L'homme, d'aspect taiseux et farouche, méfiant, avait en quelques secondes embrayé dans l'escalade de la violence. Avec une fluidité aussi surprenante que témoignant d'une manifeste habitude, qui plus est. Serpiente était diablement fort et rapide, les primates n'avaient rien eu le temps de comprendre. En quelques instants, ils s'étaient retrouvés au tapis, sans même avoir le temps de brandir leurs armes.

N'en laissant rien paraitre, le jeune homme n'était pas du tout à l'aise avec ce que la situation était devenue. *Quel crétin j'ai été aussi, merde...* C'était après tout lui qui avait répliqué à la menace de ce petit chef miteux et ses deux sbires... Gardant en joue le contremaître, il alla repousser du pied les deux épées courtes tombées par terre, les mettant loin de grosses mains malvenues. En simultané, c'était l’ébullition, dans la tête de Jaros. Le moment était après tout critique. *Au moins ils n'ont pas mon vrai nom, c'est déjà ça, mais je vais être dans la merde noire si jamais tout ne se règle pas ici.* La nécessité de mettre fin à cette situation rapidement s'imposait. Mais que faire, que dire ? Clairement se montrer en opposition avec Serpiente allait tous les deux les desservir, mais l'idée de se compromettre plus avant ne l'enchantait guère. Il se sentait déjà stupide d'avoir ainsi réagi, certes dans son bon droit, mais en dépit d'un bon sens plus avisé.

S'ils partaient après ça, il était plus qu'improbable que le contremaître en reste là. "Sévir" avec Serpiente était hors de question. Faire amende honorable... La simple formulation de l'idée était risible. *Bordel, mais comment je vais me sortir d'un truc pareil ?* Jaros devait trouver une solution qui passe outre ces dernières. Rebondissant un peu impulsivement sur la réplique de son borgne comparse, il s'avança un peu plus, relâchant dans le même temps la pression de son arme sur le front du chauve.

- Mais j'insiste, ici on est là pour être généreux l'un avec l'autre, hein ? Allez, compte ce que tu dois, ce serait bête de s'attarder.

Le "allez" avait été ponctué d'une petite poussée du canon contre le crâne lisse et plus graisseux que jamais. Fort motivé à l'idée d'être généreux, apparemment, le petit chef véreux s'activa avec une vivacité exemplaire. Ses doigts graisseux et tremblants, en revanche, ne l'aidèrent pas vraiment dans sa tâche. N'osant trop faire un pas, il dût se pencher sur la table encombrée qu'il avait devant lui pour prélever fébrilement deux liasses de billets. Tendant le tout à bout de bras, Serpiente réceptionna avec prestesse avant de compter les berries rapidement. Lorsqu'il en présenta deux autres à Jaros, ce dernier n'en prit qu'une.

- Un peu de sérieux, vous avez oublié que j'ai fait qu'une demi-journée ? Et n'oubliez pas de noter le tout hein ! Ce serait dommage que ce soit considéré comme une irrégularité, n'est-ce pas ?
- Ou... Oui.

En réalité ils avaient convenu pour encore moins que ça, mais le jeune homme préférait éviter de trop chipoter sur le moment, surtout si la chose était à son avantage. Ou plutôt, il ne sentait que trop la nécessité de faire en sorte que la chose soit à son avantage, sur le long terme. Le chauve, toujours aussi déconfit, jeta un regard nerveux vers ses gardes, qui ne se décidaient toujours pas à faire un mouvement, avant de croiser le regard de Jaros. Tout en maintenant bien son pistolet, il se pencha sur le bureau, prit de quoi écrire et l'avança vers le contremaître, accompagnant le tout d'un sourire.

"Prime pour service rendu". Voilà ce que le chauve trouva à écrire - inventivité surprenante au vu de la situation en un sens - comme justificatif. *Bon, eh bien ça fera l'affaire je suppose. Plus qu'à...* Le jeune homme, sentant l'odeur caractéristique du tabac, se tourna vers Serpiente, qui s'était allumé une cigarette, regardant d'un air songeur le petit chef de mine couvert d'huile, qui sembla prêt à se liquéfier sur le sol tant il avait la trouille. Ses lèvres flageolantes s'ouvraient quand Jaros l'assomma d'un coup ferme de son arme sur l'arrière de son crâne. Le chauve s'écroula comme un paquet de chiffon, et ne bougea plus. Il n'y avait pas de temps à perdre, maintenant.

- Bon, Serpiente c'est ça ? Merci d'avoir réagi comme ça, mais par contre le coup de l'huile...

Lorsqu'il l'avait versé, le jeune homme avait pendant un instant hésité sur la marche à suivre. Si le borgne avait mis sa menace à exécution, les choses auraient pris un virage encore plus fâcheux. Hors de question pour Jaros d'être associé à un meurtrier, surtout d'aussi barbare manière. Reste qu'il n'avait pas oublié l'aide apportée ou même le danger que pouvait représenter Serpiente pour lui.

- M'enfin bref, ils vont pas se réveiller dans l'heure qui suit, reste qu'en ce qui me concerne, je ne vais pas m'attarder ici. Je te propose qu'on se barre rapidement, mais il y a au moins un truc que je voudrais mettre au clair calmement.

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Ce fut un Serpiente souriant à pleines dents qui réceptionna le paquet de biftons, d’une main experte. Il engouffra la liasse dans sa poche sans prendre la peine de compter ces derniers, estimant que quelque fût le montant, il était le bienvenu – et sans aucun doute supérieur à la paye attendue. Dans tous les cas, il avait en poche assez de ronds pour se permettre quelques jours supplémentaires en pension complète, et pour s’acheter un billet qui le tirerait de ce lieu sordide. Il n’avait jamais vraiment voulu poser les pieds sur cette île, et s’en extraire semblait un plan, sinon très réfléchi, au moins cohérent. Pour aller où, par contre, c’était une toute autre histoire.

Il fallait dire que le déserteur n’avait jamais eu de destination particulière en tête. Poursuivi comme il l’était – ou plutôt, comme il pensait l’être – il n’était jamais resté bien longtemps sur le même îlot, préférant à la stabilité une mobilité tentante. De plus, s’il avait des hommes à ses trousses, comme il en était persuadé, il avait plutôt intérêt à se fondre dans la masse, et c’était plus facile sur une île sur laquelle il n’avait pas menacé de mort qui que ce soit. Il fallait donc prendre ses clics et ses clacs et se barrer fissa d’Inu Town.

Alors qu’il s’allumait sa sèche, l’autre endive assomma le contremaître, mettant un point final à l’échange – productif du point de vu pécuniaire. A son intonation, il comprit que son collègue n’avait pas aimé son intervention. Il n’avait donc pas compris la supercherie. Si pour le reste de l’assemblée, il avait versé de l’huile sur le pauvre Crâne d’œuf, en réalité il n’en était rien. Il avait simulé l’huile en utilisant sa fiole, qu’il avait cachée dans sa manche. Dans la panique, personne ne s’était arrêté à l’odeur, si caractéristique de la bibine de mauvaise qualité. Et si elle tordait – et pas qu’un peu – les boyaux, elle n’était pas inflammable au point de cramer vif un bonhomme. Tout au plus de lui filer une petite brulure. La question ne tarda pas à arriver, comme prévue.

« Ta menace, c'était juste du flanc ? »

Il inspira fort en fixant Jaros, pour lui faire comprendre qu’il y avait anguille sous roche. Puis il s’approcha du chauve, qui avait rejoint le pays des songes, affalé sur sa table, et passa le doigt sur son épaule.

« De la bonne gnôle gâchée, juste pour l’effet. » Bougonna –t-il, en faisant glisser sa fiole hors de sa manche, et la rangeant dans sa poche intérieure, localisation habituelle. « Faudrait mieux qu’on se tire d’ici, pour sûr. J’ai pas spécialement envie de tomber nez à nez avec le reste de la clique. Direction l’port, si ça t’dit, l’Endive. Perso c’est là-bas que je me dirige, il est temps de changer d’air. »

Le Serpent posa la lampe sur la table, puis se retourna et poussa la porte, dans le tintement habituel de son sabre dans son fourreau. Il avait bien envie de se tirer de cette mine, et d’envoyer paître tous les moutons qui y travaillaient. Ils ne devaient pas être bien loin du débarcadère. Il suffirait de filer deux ou trois biftons à un capitaine, et il prendrait le large loin de cette île…
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Pas vraiment rassuré par la réponse de Serpiente, Jaros sentait l'adrénaline perdre de son effet. Le relatif sang-froid dont il avait fait preuve s'estompait, laissant place à la vision claire de la situation dans laquelle ils restaient empêtrées... Et de l'urgence de s'en extirper définitivement. *Je sais pas si je dois le croire, mais ce qui est sûr c'est que je ne devrais pas traîner...* Nul besoin qu'on l'incite à décamper donc, le jeune homme partait déjà avec vivacité et répondit en se retournant à demi.

- Le port, ouais. Mieux vaut qu'on se sépare, me semble.

Ton fort plat, presque hésitant. Pas l'adieu le plus poli, mais l'heure n'était pas aux formalités. Il n'y avait plus grand-monde à la mine, lorsqu'ils sortirent; le soleil était bas, rougissant vers l'horizon emplissant le ciel strié de nuages de nuances rosées. Pensant à jeter un dernier regard en arrière, Jaros se ravisa, et partit d'un pas rapide, droit devant lui. Il n'y avait personne aux alentours, tant mieux. Arrivée dans la pente douce de la colline menant à Chom, il se mit à courir. De tumultueuses pensées l'accompagnèrent dans son élan. Réaliser pleinement ce qui venait de se produire fut un peu laborieux pour lui; ou plutôt explorer toutes les possibles conséquences.

Certes il n'avait fait que se défendre, de façon fort proactive sans doute, mais ce n'était pas lui qui avait initié l'escalade de la violence. La possibilité d'avoir été trop loin restait, cependant. Trop loin pour les autorités locales, qu'elles soient officieuses ou officielles, mais vis à vis de ses propres principes, surtout. Voilà ce qui obsédait Jaros. Le fait que sa venue à Inu Town tourne ainsi au fiasco total et le mette à nouveau dos au mur quant à sa survie même en était repoussée plus loin, dans un coin reculé de sa conscience. *Putain d'imbécile, à se foutre dans un truc pareil, aussi... Tout ça parce qu'un type borgne pique mon attention. Qui c'était ce type d'ailleurs... Oh et puis merde, on s'en fout, ça change rien à ce que j'ai fait. D'ici cette nuit, peut-être que...* Quest

Tourmente stérile qui, en plus de tourner en rond, manqua de le faire trébucher lorsque le pré qu'il traversait fit place au chemin. Obligeant le jeune homme à marquer un temps d'arrêt, autant dans son déroulement interne néfaste que dans son élan. Un peu irrité, Jaros reprit un rythme plus rapide encore. Du moins physiquement. Aussi futile et fortuit soit-elle, cette interruption avait eu un bel effet. Il se permit quelques soupirs agacés. Soupirs agacés qui redoublèrent d'intensité lorsqu'il arriva aux abords de Chom. Il flottait dans l'air un parfum douceâtre, mais surtout les rires grossiers, chants et cris de badauds en liesse. Apparemment, l'alcool coulait à flot dans une joyeuse humeur; le jeune homme se souvint de cette bouteille qu'on lui avait donné gratuitement.

- Bordel...

Il se remit à courir, plus vite cette fois, aussi vite qu'il le pouvait. *Faut que je trouve un bateau avant qu'il soit trop tard...* Il lui fallait se presser, le port n'était pas proche - la ville étant reculée dans les prés de l'île - et le soir tombait. Un petit contingent de marines arrivant en sens inverse jetèrent des regards surpris lorsque Jaros passa en trombe à coté d'eux. Il avait un peu ralenti en voyant leur approche, mais son allure resta suffisamment étrange pour qu'il craigne que l'un d'eux ne l'interpelle au moins de la voix. Il n'en fut rien, heureusement pour le jeune homme. *Merde, merde...* Frayeur un peu inutile, puisque des ferrys inter-îliens étaient encore accostés lorsqu'il arriva, essoufflé, aux abords des quais.

- Héhé ! T'as pas vu l'temps passé mon gars ?

Air goguenard, un marin à l'uniforme reconnaissable de la compagnie que Jaros avait emprunté à l'allée le toisait, appuyé sur le bastingage du bateau de transport divers. En partance pour Manshon, bien évidemment. *Bon, j'espère qu'il me restera assez pour acheter à manger, tout de même...* Répondant par un sourire bref et glacial, le jeune homme contenta de s'avancer, sortant quelques billets froissés de sa poche. Il sentait la faim, étreinte qui lui titillait les entrailles; pas plus que d'habitude, heureusement. Il tiendrait encore quelques jours avant d'avoir des problèmes.

Son entrée dans le ferry dûment réglée, il s'assit contre une caisse près de la poupe, à l'abri des embruns, et se recroquevilla, sentant déjà la nausée venir avec le roulement du bateau. *La traversée va être longue...* Il en aurait presque préféré s'endormir, au risque de se faire détrousser.
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Le duo mal assorti quitta donc la mine, abandonnant par la même occasion la possibilité de devenir un peu plus riches. Car l’argent, sans dégueuler des poches du contremaître, était plus que présent. Si le jeune homme à sa droite n’était pas de ceux qui dépouillaient, charognards le temps d’un soir, lui s’y était déjà essayé. Et il était à peu près sûr que les armes des deux gardes qu’ils avaient déposés dans le bras de Morphée pouvaient se négocier au marché – noir ou non – pour un bon prix. Peut-être qu’en évitant de les dévaliser, il gagnait quelques points positifs de Karma cosmique, ou quelque chose dans le genre. Ce n’était de toutes façons pas vraiment important, il avait assez de blés pour quitter cette île et s’éviter de trop bosser quelques jours, quelques semaines s’il ne brulait pas tout en bibine. Alors qu’il ne s’y attendait pas trop, l’autre hère décida de s’esquiver, sans trop de discrétion d’ailleurs.

Le Serpent sourit, et étouffa un ricanement, alors qu’il regardait Jaros prendre la poudre d’escampette. L’autre grand dadais n’avait pas apprécié ses manières, c’était aussi clair que son cache œil sur sa figure. Sans faire dans les sentiments, donc, mais trahissant un minimum de nervosité, il avait opté pour la solution facile, celle de déguerpir tout bonnement. Pourquoi pas, il n’avait pas de comptes à rendre au déserteur, de toutes façons. Le coup de l’alcool sur le crâne d’œuf n’avait pas dû lui plaire. C’était pourtant un bon tour de passe-passe qu’il avait sorti là. Il le ressortirait à l’occasion, en tout cas.

Ignorant le fuyard, Joseph Snake repassa sa main sous sa veste et en tira la liasse de billets qu’il avait engouffrée dans cette dernière quelques minutes plus tôt. Elle était plus touffue que ce qu’il avait cru voir de prime abord. Il laissait derrière lui un contremaître dans les vapes, deux bonhommes assommés, et un mystère qu’il ne résoudrait sans doute jamais. A vrai dire s’il y avait bien un point qui le dérangeait c’était de ne pas savoir ce que fermait cette mine. Quelque chose clochait, c’était évident, et lorsqu’ils avaient soulevé le sujet, les choses avaient quelque peu vrillé, preuve sine qua non

Mais ce n’était pas bien grave, il n’était pas détective et ne faisait que peu dans l’humanitaire. S’il fallait tirer ça au clair … et bien quelqu’un d’autre se chargerait de la tâche. Tant pis. Le pas avisé il traversait l’une des artères principales de la ville lorsqu’il croisa une escouade de marins. Une bonne dizaine, le fusil à l’épaule, marchant dans le sens inverse à sa route. Alors qu’il croisait leur chemin, il entendit quelques bribes de conversations. « Et elle est où cette mine ? »

Le Serpent, stoïque, continua son parcours sans sourciller. Les nouvelles circulaient vite dans le coin, trop vite… Il était convaincu que la marine avait quelques billes dans les affaires de la mine. Mais encore une fois, il n’avait ni l’envie, ni le temps de s’en soucier. Loin de là même.

Une demi-heure plus tard, il était accoudé au bastingage d’un navire de commerce. Le capitaine n’avait pas été très difficile à convaincre, deux ou trois billets avaient suffi. Oh, il se doutait que, ayant aperçu la liasse, ce dernier tenterait quelque chose pendant la nuit pour s’approprier la somme rondelette.

Tant mieux, pensa le Serpent tout sourire, s’allumant une sèche qu’il venait de tirer de sa besace. Il avait encore besoin de se défouler.
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