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Le retour de Blackburn : Deux arguments de poids



Il était une fois un gigolo 



L’humeur de James était en parfait accord le temps, complètement pourri. Il était assis dans son confortable canapé à regarder la pluie tomber à l’extérieur. Hormis pour boire quelques gorgées de son rhum favori, il restait totalement immobile.


Ce n’était pas le genre pourtant à rester comme une loque ainsi. Mais depuis plusieurs mois déjà une profonde nostalgie l’avait profondément envahie. Voilà maintenant deux ans qu’il avait choisi de mettre entre parenthèses sa vie de pirate. Le choix avait été plutôt simple. Un rapide calcul du nombre de cicatrices reçues en comparaison au nombre de pièces d’or récoltées. Pourtant la mer, l’aventure lui manquait viscéralement.

Cela remonte déjà à deux années, quittant tant bien que mal las Camp. Il avait dû faire d’incroyables sacrifices pour rejoindre North Blue. Épuisé, au bord de la ruine il débarquait ici pour recommencer une nouvelle vie. Survivant au départ grâce à des petits larcins à droite à et gauche. Il décida rapidement d’utiliser son savoir-faire pour gravir quatre à quatre les échelons de la pyramide sociale.
Ne voulant pas recommencer les erreurs du passé, il se rangea bien vite du bon côté de la loi. Et surtout changea de nom, James W. Blackburn laissa place à Edward Hills, jeune et brillant négociant en granite marin à la recherche de nouveaux marchés. Usant jusqu’à la corde de son éducation aristocratique, il avait réussi à se créer un personnage pour le moins crédible.

Possédant des ressources très limitées, il ne pourrait pas faire illusion très longtemps. Il jeta son dévolu, sur une petite baronne locale, veuve d’un magnat du commerce, une certaine Rosita. De vingt ans son ainé et plutôt bien conservée, la femme arborait deux arguments de poids. Autant joindre l’utile à l’agréable donc. Mais la concurrence était rude et bien installée. Dans ce monde, tous les coups étaient permis pour disqualifier les adversaires. Certains remettaient en doute sa prétendue société, l’accusant de n’être qu’un imposteur.
Au final il réussit tant bien que mal à sortir son épingle du jeu. La rombière ayant un petit faible pour les jeunes hommes. Mais ce n’était qu’une première victoire et le début des problèmes.

Comme cette nuit, où dans la chambre de son hôtel deux gaillards se pointèrent avec la ferme intention de lui démonter la tronche. Après en avoir terminé avec eux, il se pointa au domicile du commanditaire. Il lui ficha une telle trouille, que le petit bourgeois quitta l’ile dès le lendemain sans demander son reste. En prenant un énorme risque de dévoiler sa véritable identité, il réussit un joli coup sur le plan financier. Alors que la nouvelle du départ précipitée de Bakinston faisait le tour de l’ile, James quant à lui faisait main basse sur de nombreux biens numéraires et de valeurs. De quoi faire durée, encore l’illusion d’Edward !

Sa relation avec la baronne prit rapidement une nouvelle tournure. Cette dernière tomba en effet rapidement amoureuse de sa jeune conquête. Pour le plus grand bonheur d’Edward qui se voyait chérir du matin au soir. Quelque temps après il quitta sa chambre d’hôtel pour rejoindre la magnifique demeure familiale des Santos.

Soucieux de maintenir un minimum sa couverture, il avait embauché un pauvre bougre d’une ile voisine. Ce dernier avait pour mission de venir chaque mois lui rendre visite à domicile pour lui faire un compte rendu des activités de la société. Bien évident tout ceci était du flanc, l’homme de main gracieusement payé ne cherchait pas plus loin que le bout de son nez.

Cependant quelque chose, ou plutôt quelqu’un tracassait le jeune homme. Don Roberto, l’actuel patron de la société familiale.

Jusqu’ici dans un souci de longévité, Edward s’était bien gardé de s’approcher de près ou de loin des activités de la famille.

Après le décès du patron historique, Don Carlito, les affaires s’écroulèrent. L’entreprise au bord de la faillite ne dois son salue qu’à l’intervention salvatrice de Don Roberto. Longtemps rester dans l’ombre de son frère, ce dernier perçu jusqu’alors comme un second couteau démontra l’étendue de ses talents.
Pour l’avoir croisé à plusieurs reprises, James éprouvait un certain respect pour lui. Force de la nature, il était quelqu’un doté d’une intelligence rare et d’un grand charisme. Seule ombre au tableau, il ne pouvait pas voir Edward de près comme de loin. Depuis le début il avait flairé l’entourloupe du jeune homme sur sa belle-sœur. Il ne manquait d’ailleurs jamais une occasion pour le lui rappeler ou lui envoyer des piques à chaque repas.

D’ailleurs, il ne s’était pas embarrassé avec les manières. Entre quatre yeux, il lui avait fait bien comprendre qu’il le tolère uniquement, car il rendait Rosita heureuse. Mais qu’il ne devait en aucun cas s’approcher des affaires familiales au risque d’avoir affaire personnellement à lui. Message reçu 5 sur 5 pour Edward. Son but était de mener une vie de pacha pendant quelque temps, pas de reprendre les reines d’une entreprise.

Tout allait bien jusqu’à ce jour…

vous voulez un whisky ? Juste un doigt 

Comme il est de tradition dans les Santos, chaque mois c’est l’occasion pour toute la famille et les principaux actionnaires de se réunir. Carlita préparant pour l’occasion avec son personnel un somptueux repas.

Comme d’habitude, James était la cible favorite de Don Roberto. Jouant à son jeu favori, comment piéger le père Edward aujourd’hui ? Un coup une question sur le cours du Granite marin. Un coup une question sur l’origine de ses matières premières. Généralement le jeune homme sortait complètement éreinté des repas. Mais il acceptait volontiers de payer ce prix pour garder sa place auprès de mesdames.

Le repas se déroula comme à son habitude, de façon très courtoise. Le thème central restait bien évidemment l’activité de l’entreprise et les grands axes de développement. Don Roberto n’avait pas fait que redresser la barre, il avait réussi l’exploit à étendre les frontières de la société.

Edward quant à lui essayer tant bien quel mal de dévier les tirs du patriarche à son encontre durant la majeure partie du repas avec plus ou moins de succès. Il ne lui en voulait même pas, honnête avec lui-même, il assumait pleinement ce rôle de parasite.

Alors que le repas touche à sa fin, la Rosita lâcha une bombe qui fracassa les murs !

« Je me suis rendue hier chez le notaire, j’ai décidé de céder l’ensemble de mes parts de l’entreprise à mon sucre d’orge d’Edward ! Les réunions me prennent un temps fou ! Et c’est d’un ennui… »

Le concerné recracha de stupeur son vin.

James n’en croyait pas ses oreilles, comment avait-elle pu faire ça ? Deux années qu’il travaillait s’en relâche pour couvrir ses arrières et voilà qu’elle foutait tout en l’air.

Bien évidemment la réaction du patron ne se fit pas attendre. Lui d’un naturel si calme et réfléchi laissa exploser sa fureur aux yeux de tous. Voyant à tort derrière tout ça une manœuvre du gigolo, alors que c’était totalement faux.

En vain, le jeune homme tenta de se justifier, mais personne ne lui laissa l’occasion. De son côté Rosita fidèle à elle-même se braqua et invoqua la rancœur de Roberto envers son défunt mari rendant tout dialogue impossible. La dispute s’intensifia au point de voir les assiettes volées dans tous les sens.

Avant d’en venir aux mains, le patron se leva et quitta les lieux emmenant avec lui sa femme :
« Prends ton manteau on s’en va ! »

La tension redescendit progressivement avec le départ du reste des convives. Rosita ne faisait certes pas figure de lumière dans ce monde. Cependant, il n’en restait pas moins que sous ses airs de rombière niaise, elle cache une forme d’intelligence. Depuis la mort de son mari et sa mise en retrait avec la montée en puissance de son ex-beau-frère, elle voyait son monde se rétrécir de jour en jour. Là où autrefois elle était Madame Santos avec tout le prestige qui en découlait. Elle était maintenant,  la veuve qu’on sort uniquement pour les grandes occasions pour rappeler l’aspect familial de l’entreprise. Au final, James qui pensait rouler son monde fut finalement le dindon de la farce. Il ne pouvait pas imaginer un seul instant que Rosita puisse échafauder ce genre de plan ? Tout ça, deux années à le chérir pour simplement faire chier le vieux ? Non il ne pouvait y croire.

Quoiqu’il en soit, il était bien dans la merde dorénavant. Jusqu’ici il s’était bien tenu de mettre un pied dans les querelles internes ou de prendre position. Le voilà maintenant après cette journée sous le feu des projecteurs. Autant dire qu’il venait de se mettre les trois quarts de la famille à dos, avec le patriarche en tête. Il sentait déjà le souffle de ce dernier sur sa nuque.

Il ne savait pas quand ni comment, mais il était certain que tôt ou tard cette histoire allait lui retomber sur le coin du museau. Les jours qui suivirent furent étonnamment calmes. Blackburn ne fit aucune apparition publique, préférant rester sous les radars quelque temps pour se faire un peu oublier.

Le sport c'est la santé !

Il devait être sept heures du matin, un bruit sourd arriva aux oreilles du jeune homme encore dans son lit. Se levant précipitamment, il se dirigea vers les escaliers pour voir qui pouvait bien être cette personne très insistante de bon matin.
Il se rappela que c’était le jour de son rendez-vous fictif avec son homme de main. Mais ce n’était pas le genre à venir faire un tel boucan pour s’annoncer.
La femme de maison ouvrit en catastrophe la porte d’entrée. Mais la malheureuse n’eut même pas le temps de prononcer le moindre mot qu’elle était repoussé violemment sur le côté. Toujours en haut des escaliers l’ancien pirate aperçut le patriarche furieux débouler dans la maison en compagnie de plusieurs hommes de mains armées et de soldats. Cela n’augure rien de bon pour James.

« EDWARD ! Enfant de putain ! Regarde ce que je te ramène ! Ton employé modèle ! »

Maintenu par deux solides gaillards, Mazu se tenait là lui aussi. La tronche couverte de bosses et de bleus, il semblait avoir passé un mauvais quart d’heure .7.

« Je suis dans une merde noire… »

Voyant la mine déconfite de James, le patriarche jubila avant de rajouter :

« Alors tu vas répéter sagement ce que tu m’as dit tout à l’heure, sur votre petit jeu à tous les deux. »

Dans un timing parfait, Rosita pointa ses gros nibards dans la place.

« C’est quoi tout ce bordel Roberto ?! Qu’est-ce que tu viens faire chez moi à cette heure ? Nous menacer !! »

« La ferme la grosse et écoute plutôt ça ! »

Le pauvre Mazu raconta en détail sa rencontre avec James, le contrat qui lie les deux hommes et surtout que tout n’était que tu vent !

« Alors ! Qu’est-ce que tu réponds à ça le merdeux ?! »

Blackburn était fait comme un rat, il n’avait plus qu’une seule option, mettre les voiles une fois de plus.

« Mais ! Ce n’est pas tout ! Je crois que ces messieurs veulent te parler » il désigna les soldats.

« Mister James W. Blackburn, pirate de son état ! »

Rosita explosa de rage à côté de James, insultant sans relâche les visiteurs. Elle n’avait décidément que faire de la véritable identité de l'homme qui partageait sa couche depuis deux années. À la grande surprise du principal concerné. Balançant tout ce qu’il lui venait en direction des soldats qui tentaient de s’emparer de son amant, elle décida de se jeter dans la mêlée à la surprise générale.

« ROBERTO ! TU ME CASSES LES COUI… AHHH »

La pauvre baronne dégringola les escaliers, renversant au passage les soldats. Elle termina sa course au rez-de-chaussée, la nuque brisée.

« ASSASSIN ! LE PIRATE ! Il l’a tuée !!!! ASSASSIN ! »

« C’est un accident ! Elle est tombée toute seule !! Vous...»

Une détonation résonna dans la maison, l’un des gardes venait de faire feu en direction du jeune homme. La munition se planta dans le plafond au-dessus de ce dernier. Blackburn se jeta au sol par réflexe !

Il lui fallait maintenant quitter le lieu au plus vite, sans armes, il n’avait aucune chance. Il prit donc ses jambes à son cou, traversant la demeure avec à ses trousses une dizaine d’hommes enragés. Plusieurs détonations claquèrent derrière lui sans pour autant l’atteindre. Il avait pour lui l’avantage du terrain connaissant comme sa poche la demeure. Il arriva à s’enfermer dans une pièce en bloquant la porte à l’aide d’une armoire. Ce petit stratagème n’allait pas les retenir bien longtemps, mais assez pour pouvoir réfléchir à la suite. Se dirigeant vers la fenêtre il entendait déjà les coups dans la porte pour la fracasser. N’ayant pas d’autres choix il décida de s’agripper au rebord pour se laisser tomber, plusieurs mètres plus bas. La chute fut rude comme il fallait s’y attendre. À peine redressé, il se retrouvait déjà en compagnie de soldats présents à l'extérieur.
S’ensuivit un bref échange de coups avec deux militaires un peu trop confiant sur leurs capacités à maitriser le sabre. Prenant définitivement la tangente, cette fois-ci armée d’un sabre et d’une arme à feu. Il lui fallait maintenant quitter l’ile au plus vite avant que la nouvelle ne s’ébruite.

Le souci c’est qu’au fil du temps il s’était fait un nom sur l’ile, ou du moins une réputation. Le Gigolo de Rosita pour être exacte. Le voir comme ça déboule en sueur dans les rues avec un sabre à la main attirer la curiosité.

« Qu’est-ce qu’il lui arrive ? Il vient de se rendre compte que sa femme à l’âge de sa mère ? »

Au prix d’une course effrénée, il débarqua enfin sur le port. Cherchant désespérément un bateau sur le départ il ne trouva qu’une petite embarcation de pêche. Sans attendre son reste, il sauta à l’eau et nagea en direction de celle-ci. Une foule s’était massée sur le port pour voir ce que pouvait bien tramer le gigolo. Des blagues fusaient dans tous les sens et des rires hilares lui parvenait aux oreilles, mais qu’importe. Alors que les marins l’aidaient à monter abord, il jeta un coup d’œil en direction de la terre. Les militaires avaient le plus grand mal à traverser la foule.

« Mais il t’arrive quoi garçon ? C’est quoi ce bordel ? ».
La marine hurla et fit de grands gestes en direction du petit navire pour les enjoindre à faire demi-tour.
Pour prévenir toute mauvaise surprise, James braqua le capitaine avec son pistolet. Même si l’arme était dorénavant inutilisable à cause de l’eau, l’effet de surprise était bien présent lui.

« Pleine voile loin d’ici capitaine, et fissa ! »


Après deux années au vert, James était de retour dans la partie bien malgré lui. Mais il ne cachait pas sa satisfaction, cette vie lui manquait terriblement. Il regretta cependant que Rosita termine ainsi comme ça. Elle méritait mieux que ça. Un jour, peut-être il reviendrait ici lui rendre justice à sa façon, mais pour le moment d’autres projets l’attendaient.



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