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Le loup, le chasseur et le poète.

I "vous pouvez être sûr qu'ils seront aussi tenaces que la pourriture sur mes chicots !"


Le  navire filait à toute vitesse sur le chemin argenté dessiné par la lune , projetant des gerbes d'écumes dans les airs.
A bord, les voix d'esclaves résonnaient à travers l'immensité de l'océan, certains clamaient leurs joies pour avoir réussi à quitter l'île de tous leurs malheurs, d'autres pleuraient la mort des compagnons gisant encore sur le pont, réduits au silence par les balles des soldats de la marine.
L'évasion de notre héros et sa bande s'était soldé d'un succès en demi-teinte, car beaucoup d'hommes avaient perdu la vie dans la bataille final pour quitter le port.
Le reste du plan s'était plutôt bien déroulé, le galion était maintenant aux mains des fugitifs et voguait sur le royaume de Poséidon depuis maintenant une trentaine de minutes.

Sola était posté sur le gaillard arrière, surplombant l'intégralité du navire. Il regardait les dix marchands captifs se rassembler lentement et s’asseoir les un à côté des autres sur le pont, sous la menace d'une dizaine d'esclaves pointant revolvers et sabres sur eux. Notre héros dénombra quinze de ses semblables sur le ponts et six autres sur le gaillard avant. Il reconnu Blum, Bewell et César à l'avant du navire, à côté d'un cordages laissé à l’abandon. Sur le pont principal, Léon était appuyé contre le grand mât, bras croisé et visage dur, Syrian était assis sur l'un des canons de la rangé de gauche, Jacky se tenait face à lui, dans la même posture.  Koto et Kan faisait partit de ceux ayant géré les otages, ils étaient maintenant accoudés sur le bastingage droit. Le poète en déduit logiquement que seul neuf de ses quinze camarades étaient à bord, le reste d’esclaves lui était inconnue et constituait le groupe libéré pendant la prise du navire sur le port. Quatre de ces hommes gisaient tristement sur le sol, inanimé.

Daju se tenait à côté du poète et observait attentivement la scène de son seul œil. Sa chemise trouée et sa chevelure, couleurs charbons, flottaient au vent.  Il tenait la barre d'un air fier, tel l'ancien glorieux pirate qu'il avait été dans une autre vie. Son visage balafré était éclairé par les rayons lunaires et rendaient l'homme encore plus ténébreux.
Il lâcha le gouvernail, fit deux pas en avant et leva un bras dans les airs.

"HOOOOY !!"

L'immense cris fit cesser le boucan immédiatement et tous se tournèrent vers le borgne. On entendit bientôt plus que le vent claquer les voiles du bateau et les vagues se fracasser contre celui-ci. L’expérience de piraterie de Daju l'avait naturellement désigné comme le leader de l'opération sur terre, il était donc logique qu'il agisse comme tel une fois sur les mers.

"Voila l'topo : ça a été un sacré merdier, y'a eu des morts, des imprévus et de la chicane, mais bon dieu... ON A RÉUSSI !!" clama Daju de sa voix roque en levant son sabre dans les airs. A ces mots, tous les esclaves hurlèrent en même temps. Après quelques secondes d’euphorie, le pseudo-capitaine donna un coup d'épée puissant dans la rambarde devant lui, se qui calma l'assembler de suite. Il tourna la tête vers Sola et le saisit par la manche, tirant l'homme à sa hauteur. Il passa un bras autour du cou du poète, et lui sourit de ses dents moisies avant de reprendre :

"C'est c'jeune taré qu'vous voyez là qu'il faut r'mercier ! C'grâce à lui qu'on a pus faire tous c'chemin ! Sola, tu nous a r'filé l'espoir et l'envie de nous barrer de l'île, et on peux tous t'remercier pour ça ! Mais pas maintenant. Maintenant... l'plus dur reste à venir les gars ! On chialera nos morts plus tard, parce que d'ici quelques heures, vous allez voir un navire marine nous coller au fion, et vous pouvez être sûr qu'ils seront aussi tenaces que la pourriture sur mes chicots ! "

Sola regarda les marchands assis devant lui, il pouvait lire la peur et l’incompréhension dans leurs yeux. Il se dégagea du bras de Daju et prit à son tour la parole.

"Personne ici ne veux plus de victimes ! Et surtout pas moi..Je sais que vous n'y êtes pour rien messieurs, mais le sort en a voulu ainsi, nous sommes tous maintenant dans le même bateau. Il ne vous sera fait aucun mal, ce que nous voulons, c'est simplement réaliser notre rêve : devenir libre.."


Sola laissa planer quelques secondes de silence, puis descendit les escaliers menant au pont et se dirigea vers le groupe de prisonnier. Il se posta devant un homme, vêtit d'un long manteau blanc ornée de dorure, il le regarda avec bienveillance et tendit un bras dans sa direction. L'homme regarda le poète d'un air incrédule avant d'empoigné doucement la main de notre héros. Sola tira sur le bras du marchands et le releva d'un coup sec, les deux se regardèrent quelques secondes silencieusement. Le marchand n'avait pas l'air apeuré par la situation, il semblait même au contraire rassuré, sans doute grâce aux paroles du poète.

"A partir de maintenant, vous n'êtes plus nos prisonniers, vous êtes nos alliés. Que ceux qui veulent nous rejoindre ce lèvent ! Sachez que ceux qui vont nous poursuivre ne nous feront pas de cadeaux et chercherons à reprendre ce navire par la force, que vous soyez avec nous ou contre nous. Plus nous serons nombreux et plus nous arriveront rapidement sur une nouvelle île. Si vous nous aidez, nous vous protégeront coûte que coûte, et vous serez tous libéré des que nous toucherons terre, vous avez ma parole, et la sienne !" continua t-il en montrant du doigt la montagne de muscle à la chemise délabrée.
Deux autres hommes se levèrent, ils balayèrent du regard le pont et ses occupant et se postèrent timidement près d'un tonneau de poudre, tel des animaux qu'on viendraient d'apprivoiser . Un autre marchand se mit debout et s'arrêta face à Sola, sa tenue paraissait moins reluisante que les autres, son visage était boursouflé et ses cheveux d'un gras répugnant. Il regarda le poète avec méfiance et s'approcha à quelques centimètres de lui.

"Comment peut-on te faire confiance, l'esclave ?
- Crois en moi.
- Ah.. Bien, je vais faire ça alors."


Son haleine empestait l'alcool et le rat crevé, il fit un quart de tours et avança de quelques pas. D'un coup, il fit volte-face et se jeta sur Sola en dégainant une lame caché dans sa botte. Sola eut à peine le temps de bloquer le bras de son assaillant, la lame s'arrêta à un poil de son œil gauche. Il balaya l'homme en un éclair et lui écrasa la tête avec son genoux avant de lui confisquer sèchement son arme. Deux esclaves accoururent pour lui venir en aide.
Daju arracha son sabre encore planté dans le bois et descendit lentement l'escalier à son tour. Il s'arrêta au milieu de celui-ci et pointa son épée vers notre héros.

"Ne l'prend pas pour n'importe qui, p'tit con ! Sola vous a laissé l'choix et t'as fais le tiens...moi, j'suis pas aussi gentil qu'le gamin figure toi ! César, Syrian, foutez le à la cale et faites un joli saucisson !"

Les deux esclaves qui s'étaient alarmés prirent le marchand par les bras et le traînèrent vers l'unique porte du gaillard avant.

"BANDE D’ENFOIRÉE ! VOUS ALLEZ TOUS COULER ET NOURRIR LES REQUINS ! POURRITURE D'ESCLAVES !!"
hurla t-il avant de disparaître. On entendit bientôt qu'un cri lointain provenant des entrailles du navire, puis, plus rien à part le clapotement des flots. Jacky, doyen sur le galion, se leva de son siège canonique, le visage agacé. Il craqua sa nuque par deux reprises et s'avança vers le cercle humain d'un pas lourds faisant craquer le plancher.

"Bon, si il y en a d'autres qui veulent apprécier les joies d'une chambre de luxe comme votre copain, qu'il nous fasse signes. Les autres, restés pas plantés là, on dirait un troupeau de bétail !  Aller moussaillons, quartier libre. Je veux bien un coup de main pour déplacer les cadavres à l’intérieur du navire aussi, qu'on ai moins l'impression de voguer sur un cimetière à voile !"


Les marchands se levèrent un à un, et s’agglutinèrent aux bastingages par petit groupe de trois ou quatre, suivit par un mouvement de foule général de tous les esclaves, provoquant la cohue sur le pont.
Sola traversa la foule mouvementée et se posta seul à l'avant du navire pour admirer la mer. Il se permit un instant d'évasion en regardant l'eau tumultueuse devant lui. Différentes émotions traversèrent son corps et s'entremêlèrent, créant en lui une sensation étrange qu'il ne connaissait pas encore, comme une ivresse sans alcool, comme un orgasme sans sexe. Son esprit était confus et son taux d'adrénaline extrêmement haut, sans compter que les dernières heures vécu était indéniablement les plus intense de toute sa vie. Mais quelque chose malgré tout devint clair, limpide. il comprit que l'océan deviendrait pour lui une source insatiable et inexorable de poésie, qui dicterait ses actes et ses pensée à tous jamais, et qu'importe le dénouement de cette nuit, que plus rien ne serait comme avant à partir de cette nuit.


Quelques heures plus tard


L'aube se levait sur le vaste océan, il devait être sept heure du matin environ. Sola était plongé dans ces pensées, fumant un peu d'herbe qu'il avait précieusement conservé. Il contemplait l'énorme boule de feu gagner de la hauteur dans le ciel, peignant les quelques cumulus d'un jaune pâle. Une main vint taper l'épaule de notre héros qui se retourna brusquement, comme éjecté d'un doux rêve, il en fit tomber sa pipe. Daju et César se tenait devant lui, le balafré prit la parole :

"Bon, et maintenant quoi ?
- On vas où maintenant ? Parce que soit on fonce droit devant, soit on trouve une direction, bref tu m'a compris !
- J'en sais rien les gars.. Je sais pas, mais faut qu'on trouve !
- Ouai, on sait pas où on va quoi ! Moi j'peux naviguer autant qu'vous voulez avec ce p'tit bijou, mais si on à pas un endroit précis où aller, ça risque de s'corser...
- Je pensais que tu saurais quoi faire après avoir pris la galion Daju ! Tu sais pas où est l'île la plus proche ?
- Et bas non !
- On est mal !
- On encore un peu de temps pour réfléchir César.
- Non non, on est vraiment mal !!"


César montrait à présent l'horizon du doigt. Daju et Sola se retournèrent et virent au loin une voile aux couleurs bleu et blanche flottant dans la pénombre. Un galion ennemie était à peine visible, mais bel et bien à leur poursuite. Les trois se regardèrent à nouveau.

"Merde, ils ont réagi sacrément vite. Faut dire qu'ils savent surement mieux piloter que notre bande de bras cassé ! César, dis à tous ceux qui savent à peu près naviguer de c'démerder pour pousser le navire à sa vitesse maximal. On va devoir prier pour tombé sur une île d'ici peu de temps, si on veux éviter un combat naval... Sola, suis moi, faut qu'j'te montres un truc."


Une goutte de sueur naquit des cheveux grisonnant de César et dévala sur son visage défraîchis, elle s'engouffra dans sa barbe poivre et sel et tomba à ses pied. La crainte des événements qui allaient suivre put se lire dans les yeux bleus azur de l'homme.
Il tourna les talons et exécuta l'ordre donné tandis que les deux autres se dirigèrent vers la porte menant à la cale. Le borgne l'ouvrit et les deux compères entamèrent la descente d'un petit escalier en colimaçon pour atteindre le niveau inférieur, où étaient postés une quinzaine de canons à bâbord et tribord de la coque. Ils descendirent encore quelques marches pour arriver un étage en dessous. Là était entreposé un énorme stock de vivre et d'alcool en tout genre, amassé dans des caisses et tonneaux. Des viandes pendaient aux plafonds et se balançait doucement, l'odeur du lieu était agressive et prenait à la gorge. Dans le fond se trouvait une bâche bosselé où dépassaient des bouts de bras et jambes humaines, laissant deviner les cadavres du navire. Daju fit un signe à Sola et ils se dirigèrent vers une autre salle, séparé d'un simple drap. Le poète poussa le tissu et passa sa tête pour examiner les lieux, il s'agissait du dortoirs. Des hamacs étaient étendus au plafond et des vêtements jonchaient le sol. Au fond, une porte comportant trois verrous était entrouverte et laissait échapper un peu de lumière. Daju passa sur la gauche du poète en le bousculant légèrement, il traversa les rangées de couche et s'engouffra rapidement dans la dernière pièce. Sola le suivit et y pénétra à son tour. L'espace était minuscule, trois tonneaux étaient entreposés entre les quatre murs. Daju souleva le couvercle d'un des contenants, laissant apparaître une petite montagne de billet et pièce dorée.

" Pendant la prise du navire, on a fouillé les lieux d'fond en comble et on est tombés la d'ssus. Les autres coffres sont remplies des même merveilles, doit bien y avoir quinze millions de berrys, voir plus ! Si on arrive arrive à c'sortir de c'te galère, même on divisant avec tous le monde, ça nous f'ra une somme pas dégueu' pour commencer notre nouvelle vie !
- En effet ! Il y a encore d'autres endroits intéressants comme ça dans le bateau ?
- Un étage inférieur avec les mêmes quantités de bouffes et un tas d'armes entreposé, plus ton copain avec qui t'as fais mumuse t'à l'heure. Y'a aussi la cabine du capitaine, en dessous du gaillard arrière.. avec pas mal d'instrument d'navigation, qu'personne ne sait utiliser bien sûr ! Et des tableaux pas trop moche accrochés aux murs, sinon, rien d’intéressant.
- Gaillard ?
- Ah oui... gaillard arrière, c'est là où y'a le gouvernail. Gaillard avant, ben c'est l'autre partie plus haute que l'pont. T'as aussi la poupe qui désigne le cul d'un rafiot et la proue, qui désigne..ben l'avant hein !
- Ah d'accord ! Mes premiers mots du champs lexical des navires... ça se fête.
- Je t'en apprendrais plein d'autres des comme ça si tu veux ! Sola.. Vu qu'on est que tous les deux, j'voulais savoir un truc.. Tu t'es prit la tête avec le colonel Späre dans les champs avant hier, et c'est pas une première, il a l'air d'sortir de ses gonds seulement avec toi. Il t'a embarqué avec lui et on t'a plus revu jusqu'au lendemain, tu nous a expliqué que tu voulais te barrer de l'île le soir même. Je te connais pas hyper bien, mais j'sais reconnaître un homme tourmenté quand j'en vois un, qu'est ce qui s'est passé Sola ?
- C'est personnel, et long à expliquer.
- Nous sommes sur un galion que nous avons volé tous les deux après avoir organisé ensemble une évasion... Et on a encore du temps devant nous avant que les boulets d'nos amis militaires nous sifflent aux oreilles. Nous sommes dans le même bateau maintenant, comme tu l'as bien dit tout à l'heure, Sola...
- Späre m'a emprisonné dans une des tours d'observations et torturé pendant plusieurs heures avant de m'avouer qu'il était amoureux de ma mère. Pour lui, c'est à cause de moi si elle est morte. Il me hait Daju, il me hait comme tu ne l'imagine même pas. Nos destins sont.. liés en quelques sorte.
- Tu veux dire que...
- Il est possible qu'il soit sur le navire qui nous poursuit.
- Bordel... Un joyeux foutoir tous ça !
- On devrait remonter sur le pont maintenant."


Les deux hommes firent le chemin inverse, Sola profita de repasser devant les marchandises pour fouiller les caisses entreposés. Il en ouvra une, puis une deuxième et encore une autre, il fouilla cette dernière pendant un temps et finit par en sortir une petit bouteille de saké. Il regarda Daju en lui adressant un sourire satisfait et débouchonna la flasque avant de prendre cinq grosse gorgée au goulot. Il reposa la bouteille bruyamment sur la caisse en lâchant un petit rot disgracieux.

"J'avais pas bu de saké depuis longtemps, ça fait du bien ! T'en veux un peu ?" Dit-il en tendant la bouteille à son camarade, le borgne esquissa un sourire et lui répondit d'un signe négatif de la main. Le poète reprit la bouteille et la glissa dans sa poche, puis les deux regagnèrent les hauteurs du galion.
Plusieurs hommes s'occupaient des voilages tandis que les autres observaient le navire militaire au loin. Daju remonta jusqu'au gouvernail tandis que Sola se dirigea vers deux de ses camarades, occupés à charger un canon de poudre. Les deux têtes brunes se distinguaient facilement du reste du groupe. De pars leurs habits de marine, subtilisés sur l'île dans la nuit après avoir éliminés les militaires, mais également car ils étaient les plus jeunes de l'embarcation, avec Sola, et dénotaient largement des visages durs et marqués des autres esclaves.

"Vous avez gardés vos déguisements à ce que je vois" lança le poète d'un sourire narquois.
" Bas, on sait jamais.. ils nous prendront p'têtre pour l'un des leurs !" répondit Koto d'un ton ironique
"Et pis, ça nous vas pas si mal , non ?" Ajouta Kan, tout aussi ironiquement. Ils tournèrent aussitôt le dos à Sola et retournèrent à leur tâche. Le poète rejoignit Daju et s'appuya contre la rambarde de la poupe, observant les voiles ennemies à leurs poursuites. Le navire devait être à deux ou trois milles nœuds nautique d'eux. Sur le galion, les hommes se tenaient prêt, les canons avaient été placés, la poudre préparé, les armes vérifiés et les nerfs aiguisés.

Quand le soleil fut à son zénith, les esclaves pouvait distinctement voir le navire de guerre cuirassé à trois mats. A première vue, il était visiblement bien plus armé que celui de Sola et devait également comporter bien plus d'hommes en son bord.

Quelques heures plus tard, le premier boulet de canon vint s'écraser dans l'eau à quelques mètres seulement du navire, un nouveau tirs ne tarda pas à être porter, le boulet siffla juste au dessus du mat central et termina sa course une dizaine de mètre devant le bateau. Sept esclaves rejoignirent Sola et Daju, ils préparèrent les trois canons collé à la poupe et lancèrent une première salve de boulet en direction du cuirassé. Les hommes hurlaient à pleine gorge, levant leurs sabres et leurs poings en l'air, comme pour se donner du courage dans ce moment périlleux, La bataille naval était lancé. Une symphonie de bruit sourd commença alors, avec de multiples canons comme instruments et des esclaves en guise de chefs d'orchestre. Le galion était encore à bonne distance et les tirs ennemies étaient imprécis, mais pour combien de temps ?
Soudain, une détonation d'un autre genre, bien plus stridente, s'éleva au dessus des cris des matelots. L'instant d'après, un esclaves tomba de l'échelle de cordes sur laquelle il se trouvait et s'écrasa net sur le pont. Sola reconnue Léon, agonisant au pied du mât de misaine, son épaule saignait abondamment et le malheureux se cramponnait à sa jambe droite, visiblement brisé lors de l'impact au sol.
César, munis d'une longue vue, observa les assaillants au loin. Il s'écria :

"Chiotte, le colonel späre ! ATTENTION LES GARS, LE COLONEL DE L’ÎLE EST AVEC EUX !
- Que tous les marchands aillent s'abriter dans la cale ! Ceux qui veulent nous filer un coup d'pattes sont les bienvenues !! Restez au maximum à l'abris du sniper surtout, de cette distance, il peut tous nous abattre !"


César lâcha sa longue-vue et s'empressa d'allé porter secours à Léon, il l'aida à se relever et l'épaula jusqu'à la cabine du capitaine. Au même moment, tous les marchands se dirigèrent avec hâte vers le lieu indiqué par le borgne. Seul deux restèrent sur le pont, Sola alla à leur rencontre.

"Vous savez ce que vous faites les gars ?"

Un boulet passa à quelques centimètres d'une des voiles dans un sifflement assourdissant.

"Nous n'avons jamais été fan d'esclavagisme, alors si on peut vous aider, nous le ferons.
- Il y a des armes avec les provisions du navire, mais vous connaissez les lieux mieux que moi. Merci messieurs, je n'oublierais pas votre dévouement si on se sort de ce bourbier."


Sola récupéra la longue vue et retourna sur le gaillard arrière pour observer le navire, il vit Jerss Späre debout sur le mat de beaupré, son fusil à la main, il lui donna  l'impression de le regarder directement dans les yeux. Le poète put également voir une cinquantaine de marines armées, dont le lieutenant de Späre. L'évasion du groupe avait rameuté une bien belle brochette de militaire. En voyant tout ce monde le pourchasser, le poète dégaina frénétiquement son sabre et lâcha la lunette, qui roula dans l'escalier et continua sa course sur le pont.

*Je t'attend Späre. viens donc qu'on en finisse !*

Les rafales de boulets ennemies ne s'estompaient pas et les tirs étaient de plus en plus précis.
Au bout d'une demi-heure, l'inévitable se produisit, un projectile vint traverser la voile du grand mat, et un deuxième fit partir le nid de pie en éclat. Les hommes s'affolèrent et le vacarme sur le navire s'intensifia encore un peu. Daju agrippait le gouvernail nerveusement, son visage ne laissait rien transparaître mais il était en réalité de plus en plus inquiet par rapport à leurs chances de survie. De son côté, Jacky fixait l'océan depuis quelques minutes avec la longue vue qu'il avait récupéré. Soudain, il s'écria :

"TERRE ! TERRE A L'HORIZON !!!"

Une île commençait en effet à se dessiner devant eux, environ une heure serait nécessaire pour la rejoindre. il s'agissait maintenant d'une course contre la montre, qu'ils devaient à tout prix gagner pour espérés ne pas finir au fond de l’océan avant la tombée de la nuit.
    Aucuns bruits ne se dégageaient de la forêt, ce jour-là il ne pleuvait pas, le vent ne soufflait pas. L’atmosphère était lourde, l’air était saturée d’humidité et un voile de nuage cachait le ciel et le soleil et mettait toute l’île dans une serre naturelle. D’habitude des sons se propageaient de tous les êtres vivants qui grouillaient dans la forêt, sans doute que le vacarme causé quelques minutes plus tôt les avait fait taire. Seule la respiration profonde de Tozan essayant de retrouver ses esprits rompaient le silence lourdement installé. Tous les animaux terrestres, les oiseaux et même les insectes avaient fui de par les hurlements libérés par la troupe d’hommes qui trouvèrent la mort quelques instants auparavant.

    La sueur, l’humidité et le sang se mélangeait et couvrait le corps de Tozan, ces vêtements étaient imbibés et se plaquaient contre son corps. On pouvait même alors percevoir les mouvements du thorax du chasseur essayant de retrouver son souffle et de baisser son rythme cardiaque. Son regard était encore dirigé vers le corps du chef de la bande de brigands qui l’avait pris en chasse, ces pauvres ignorants ne s’étaient pas doutés qu’ils avaient entamer une véritable chasse à l’homme contre un être qui était en fait leur prédateur. Ce dernier ne bougeait plus, il réalisait au fur et à mesure des secondes ce qu’il venait de se dérouler, lorsqu’il était dans le feu de l’action seul sa survie était réellement importante mais maintenant que le danger avait disparu la confusion de la colère qui se dissipait avec la frayeur de ses propres actes se mixaient et laissait le jeune meurtrier sans voix.
    Confus, Tozan s’assit dos à un rocher et pris conscience de la situation. Il était vivant et venait d’exécuter de sang-froid une douzaine d’enflures pour sauver sa peau, aucuns ne lui avait échappé donc le reste des bandits du village ne serait pas au courant, cependant il restait à peine une demie journée avant que les autres ne prenne conscience que leurs congénères ne rentraient pas. Maria et Bernie était toujours au village et il ne pouvait pas les laisser à leurs sorts car les bandits étaient au courant du lien entre lui et les deux concernés, ils feraient le lien rapidement et se dirigerait directement chez Maria pour au moins la prendre en otage en attendant mon retour.

    - *Je suis donc obligé de retourner au village, je ne peux pas les abandonner je dois faire quelque chose. J’ai à peine toute l’après-midi pour me décider. *

    Cela ne faisait aucun doute, il allait devoir les sauver, elle et son magnifique et loyal chien. Mais tout d’abord il devait se reposer, les émotions qui se bousculaient dans son esprit et l’effort physique qu’il venait d’effectuer l’avait fatigué. Le violent coup de pierre qu’il reçut dans le dos ne le faisait pas souffrir car ce n’est pas une si petite blessure qui traverserait sa résistance à la douleur, mais l’incision dans sa peau était bien là, elle saignait et le piquetait légèrement, il ne pouvait pas la laisser saigner et s’infecter. Ce n’était pas sa principale occupation à cette heure, il préféra prendre le temps de respirer et de recouvrer ses esprits, toujours adossé à cette roche Tozan se laissa tomber doucement vers la gauche et s’allongea de tout son long sur la mousse humide, il ferma les yeux et eut le bonheur d’entendre à nouveau les oiseaux se poser sur les branches non loin de là, les insectes grouiller et la vie reprendre faiblement à cet endroit de la forêt qu’il avait forcé à passer au silence.

    Le son de la voix d’un homme rompu le calme tout juste établis, le chasseur se retourna précipitamment et découvrit un homme allongé à terre qui semblait avoir déjà perdu la vie, mais c’était le deuxième être présent qui l’intrigua. Il était accroupi, dos à lui, face à sa victime, cet individu venait donc de le sauver car l’homme qui jonchait le sol n’était autre qu’un brigand plus malin qui eu l’intelligence de se cacher et de ne pas se faire avoir par tous ses pièges. Il voulu alors remercier son bienfaiteur mais avant tout connaitre son identité.

    - Hoy toi merci de m’avoir…

    La personne se retourna brusquement montrant alors une partie de son visage sale et son regard sombre, il n’attendit pas la fin de la phrase de Tozan pour bondir et se cacher derrière des arbres, cependant il ne prit pas la fuite et le scrutait de sa cachette, il n’avait surement pas l’habitude de rencontrer des humains, peut-être même était-ce la première fois qu’il s’adressait à un humain sur cette île autre que pour les tuer. Bien déterminé à découvrir qui était caché derrière cette apparence mystérieuse il mit sa seule main valide en l’air et enfonça la lame qui prolongeait son autre bras dans le sol pour montrer que ses intentions étaient loin d’être mauvaise à son égard.

    Quelques minutes passèrent, les deux hommes semblaient s’observer et essayer de comprendre ce que pouvait penser l’autre. Jusqu’à ce que l’individu commence à s’approcher et à sortir de sa cachette, ses traits pouvaient alors être distingué de mieux en mieux, il était maintenant sorti entièrement et faisait face à Tozan qui était assis. La première chose qu’on pouvait remarquer chez lui était sa pilosité, il avait beaucoup plus de poils que la normal, et ses pieds étaient grands. Il décrocha ses premières paroles.

    - Pourquoi tu les as tous tué ?

    - C’était soit eux soit moi, et toi pourquoi tu m’as sauvé ?

    - Je ne sais pas encore, qui-es-tu ?


    - Un simple chasseur qui tente de survivre tant bien que mal, et toi ?


    - Il n’y a rien à savoir sur moi. C’est quoi ton nom ?


    - Tozan, je voulais quand même te remercier de m’avoir couvert, j’avais relâché mon attention je ne sais pas si je l’aurai vu. Et le tien ?

    - Nashi, prouve-moi que je ne t’ai pas sauvé pour rien.


    - Tu n’as qu’à venir avec moi et constater par toi-même ce qui se passe dans le village, personnellement je dois d’abord la sauver.

    Nashi sembla réfléchir un moment avant d’accepter de le suivre dans sa quête, Tozan n’avait aucune idée de pourquoi ce jeune sauvage semblait maintenant déterminer à le suivre jusqu’au village, alors qu’il savait très bien qu’il s’exposait à de grands dangers, peut-être n’en avait-il pas peur après tout, il finirait bien par le découvrir.

    - Et tu comptes aller sauver cette personne alors que tu as une plaie qui saigne dans ton dos ?


    Effectivement, Tozan ne s’était pas rendu compte que la pierre qui lui avait été lancée dans son dos avait causé des dégâts, la plaie n’était pas très importante mais elle pourrait l’affaiblir rapidement si elle n’était pas soignée.

    - Si je dois te suivre vers le danger, je préfère le faire avec toutes les chances de mon côté alors laisse-moi voir cette blessure.


    Tozan ne bougea pas et observa cet étrange individu sortir des plantes et fleurs de sous son habit, il se mit dans son dos, il ne pouvait plus voir ce qu’il faisait mais étrangement il n’avait pas peur de lui il ne lui semblait pas dangereux mais il ne comprenait toujours pas ce qui l’amenait à faire tout ça pour lui. Son nouveau compagnon soigna alors sa blessure pour cautériser la plaie et éviter qu’elle ne s’infecte.

    Quelques temps se passèrent après que Nashi l’ai soigné, les deux se posaient autant de question sur la vie de l’un et l’autre mais ne posaient aucune question pour briser le silence qui régnait. Ils ne se décrochaient même pas un regard, mais l’intrigue subsistait bel et bien. Après ces dizaines de minutes silencieuses qui leur permis de se reposer, Tozan rompu le silence en expliquant à Nashi comment ils devaient procéder.

    - Nashi, la personne que je dois sauver se nomme Maria, je ne peux pas attendre la nuit pour aller au village et la sauver car si quelqu’un s’aperçoit avant la fin de la journée que les brigands que j’ai tués ne sont toujours pas rentré alors s’en est finit de Maria.

    - Pourquoi ils s’en prendraient à elle ?


    - Parce qu’ils nous ont vu ensemble hier et ce matin et même s’ils sont bien stupides ils feront rapidement le lien entre les brigands disparus, Maria et moi.

    - Donc il va falloir se faire discret mais de jour…

    - T’as tout compris, je connais le chemin mais je ne dis pas que ça va être simple, en tout cas si jamais on se fait remarquer il faudra qu’on coure le plus vite possible pour les emmener dans la forêt, là on aura peut-être une chance de s’en sortir et de retourner sauver Maria et Bernie.


    - C’est qui Bernie ?

    - Son adorable chien.

    Sur ce, le duo entama le chemin vers le village, Tozan ne comprenait toujours pas pourquoi cet étranger décida de le sauver puis de le suivre mais au moins avec lui il aurait plus de chance de sortir vivant de cette affaire. Ils traversèrent la forêt dense que tous deux avaient l’habitude de fouler depuis de nombreuses années, puis les barricades en bois du village commençaient à se dessiner derrière luxurieuse végétation de l’Archipel Vert.
      Les pensées de Nashi, des électrons libres qui allaient et venaient sans la moindre interruption, il ne savait même pas dans quoi il s'embarquait, enfin si, il le savait. Mais pourquoi avait-il accepté la requête de cet inconnu si facilement ?

      *Certes je dois passer au-dessus de mes peurs mais... c'est si soudain, je crois que j'en prend trop*


      L'adrénaline le consumait et dès lors où nos deux protagonistes apercevaient les barricades de bois, le jeune garçon fît part de son angoisse à Tozan.

      « Tu sais, je risque de ne plus être d'une grande utilité, dans quelques heures je ne pourrais plus me servir de mon corps, je deviendrais un poids pour toi, un fardeau tu comprends ? »

      Tozan le regarda l'air circonspect et acquiesça d'un mouvement de tête.

      « C'est pourquoi nous devons nous dépêcher, Maria et Bernie doivent à tout prix quitter cet endroit, à mes yeux du moins »


      « Je vais t'aider du mieux que je le peux »

      « Pourquoi fais-tu ça pour moi ?»


      Le silence reprît à nouveau et tous deux avancèrent tapis dans les feuillages.

      « Longeons les barricades vers l'est, c'est par là que se trouve la maison de Maria »

      Le silence intemporel d'ordinaire dans cette partie de la forêt, laissait place cette-fois-ci à des discours aqueux dans l'esprit de Nashi qui luttait ardemment contre la fatigue des effets à long termes de la plante.

      « Tient toi debout bougre d'imbécile, t'as encore trop bu toi ! »

      « Z’est po d'ma faute, z'adore le zaké »

      « Tache d'être vigilant, c'est un soir où il ne me dit rien qui vaille »

      *aïe aïe Aïe*

      Les échos lancinant de leurs paroles se propageaient dans la tête du garçon.

      *Quel mal de chien... Mais je peux le faire*

      « Tient c'est ici » ! l'interrompit Tozan.

      « Je reconnais la volute de fumée et l'odeur de ses repas, maintenant nous devons trouver un moyen d'entrer. »

      « Pour ça j'ai une idée » rétorqua Nashi

      A peine ces mots prononcés, il se mit à quatre pattes et commença à creuser sous les palisses de bois, ses grandes mains délogeant la terre dans un mouvement presque inné.

      Tozan s'empressa de faire de même aussi bien qu'il le pouvait avec la seule dont il était pourvu, mais son élan fût vite interrompu par un vif coup de coude.

      « Laisse-moi faire, tu me faire perdre plus de temps qu'autre chose »

      Les veines de l'homme loup se contractant, symbole du mal qui le rongeait, haletant.

      Tozan, vexé par cette réaction se tint debout à l'écart et se tût. Mais il ne pouvait être en colère contre lui, après tout il était en train de l'aider et quelque soit ses motivations il ne pouvait ignorer ce geste.

      « D'accord... »


      Nashi venait de creuser un fin tunnel leurs permettant l'accès au camp des brigands.
      Lui se meut sans difficulté, quant à Tozan, il eut un peu plus de fil à retordre dût à l'étroitesse de celui-ci. Se servant de la lame implantée dans son poignet pour lui donner un appui solide.


      Une fois de l'autre côté, ils devaient se faire discret, la fameuse maisonnée étant à quelques mètres de leurs positions et les gardes allant et venant autour des bâtiments.

      Un pas puis un autre dans la délicatesse de chacun, l'un de l'animal qui chasse, l'autre de la prudence et de la rigueur. Les ombres se faufilant ici et là, reflet de la danse du feu des lanternes qui éclairaient le début d'une soirée qui allait être mouvementée.

      Tozan ouvrit la porte et se précipita sur Maria, il enveloppa sa bouche de sa main dans le but qu'elle n'alerte point les garde et lui murmura à voix basse :

      « Ne dis rien, c'est moi Tozan » !

      Ses yeux à elle semblaient s'illuminer dans la pénombre.

      Nashi lui se présentait d'une toute autre manière... Des éclairs jaillissant de siens à l'encontre du compagnon de la demoiselle qui lui aboyait dessus. Les deux à quatre pattes grommelant.

      « Et euh voici... Nashi… je ne sais pas vraiment qui il est mais il m'a bien aidé, il peut te paraître un peu spécial, et n'est pas très loquace, mais nous sera utile à coup sûr ».

      Maria se desserra de l'étreinte de Tozan, et prit le chien avec elle, et l'emmena dehors pour éviter qu'il n'alerte les gardes.

      Nashi quant à lui, se retourna et prît discrètement une autre poignée de feuilles.

      *Bon sang ce que j'ai mal, j'ai l'impression que mes muscles vont éclater. Il faut que je tienne le coup, c'est risqué et je ne l'ai jamais fait... mais je vais devoir tenir coûte que coûte*

      Les aboiements du chien se transformant en une douce mélopée.

      *Il est pas du tout adorable ce chien*
        Quelques instants plus tôt, au village, des questions commencèrent à se soulever. La fin de journée se faisait ressentir, des brigands tenant le rôle de garde débriefaient sur la lassitude :

        - Je suis crevé, vivement que la nuit se lève et que la relève nocturne prenne le relais.

        - Complètement d’accord avec toi, qu’on aille se boire une bonne chope de cervoise !

        - Ouai, et fumer une de ses plantes relaxantes qu’on a trouvé l’autre jour près du ruisseau !

        - Vous déconnez ou quoi, moi j’attends la bouffe ! Les autres devaient nous ramener une bonne dose de viande ce soir… D’ailleurs ils ne sont toujours pas revenus ces enfoirés, ils devaient juste tuer l’autre gars une fois leur petite partie de chasse terminée. J’espère qu’ils ne sont pas en train de se faire un barbecue sur la plage sans moi sinon j’en tue un direct !

        - Ah ouai t’as raison je les avais totalement oubliés ceux-là.

        - Ça se trouve il leur est arrivé une bricole non ? ça ne leur ressemble pas de partir une journée entière.

        - C’est vrai ça, t’es pas si stupide que ça toi en fait.

        - Le gars avec eux avait l’air louche aussi, on aurait dit qu’il cachait un truc.

        - On devrait peut-être aller prévenir les boss avant que ça nous retombe dessus dites ?

        - T’as raison on sera plus tranquille.

        Les gardes tirèrent à la Courtepaille pour savoir qui d’entre eux allaient devoir avoir la corvée d’annoncer ça aux boss. Le plus jeune, celui qui criait déjà famine fût tirer au sort, il râla un bon coup et alla en direction de la résidence de fortune qui leur servait de point de rassemblement au centre du village.

        Il arriva devant l’entrée, respira un bon coup, dégluti et ouvra la porte. Il passa la tête dans l’ouverture et aperçu les trois hommes en question. Il rentra et referma la porte derrière lui, il osa prendre la parole mais à peine un son sortit de sa bouche que l’un des trois gaillards cria :

        - LA FERME !

        Cela sans même prendre le temps de regarder à qui il s’adressait, le garçon se figea comme un manche à balais.

        Le trio de chefs était assis à l’extrémité d’une grande table rectangulaire, ils avaient tout de l’allure des personnages malfamés. Ces gars-là étaient devenus les patrons du village de par leurs forces physiques et leurs qualités de leader, il n’en fallait pas tant pour diriger un village d’un millier d’habitant composé d’ex-prisonnier apparemment. Ce village comprenait majoritairement des crapules qui avait goûté aux traitements tristement légendaires du sous-sol du QG de West Blue, c’était là-bas qu’ils s’étaient rencontrés, leur alliance leur a permis de s’imposer. Celui assis à l’extrémité de la table était basané, le crâne exempté de tout cheveux, il avait l’air assez large d’épaule. Celui de gauche était au contraire tout pale, des grosses poches sous les yeux, ceci dit il devait être au moins aussi musclé que son voisin de table. Le dernier, à droite, était un asiatique, il semblait plus petit mais les traits de son visage paraissaient plus sévères que ceux de ses camarades. Ils avaient tout trois les yeux rivés sur ce qui était sur la table, un jeu en bois où plusieurs pièces se faisaient déplacer sur une table de jeu.

        L’homme pâle ouvra sa bouche pour demander :

        - Le premier qui perd va devoir s’occuper de l’autre là-bas, ok ?

        - Ok.

        - Hmm.

        Une bonne dizaine de minutes s’écoulèrent avant que l’un d’eux se mette à jurer et les deux autres s’esclaffer. Le jeune homme, sur le pas de la porte, observait toujours la scène sans avoir bouger d’un millimètre. C’était l’asiatique au ton sévère qui avait perdu la partie, il s’enfonça dans son fauteuil, apporta à ses lèvres le verre de vin de bambou qu’il avait dans la main, en pris une grosse lampée et fît une grimace.

        Il tourna la tête et demanda :

        - Qu’est-ce que tu me veux ?

        - Chef, voilà alors…

        - Plus vite j’ai pas ton temps.

        Il s’exécuta et débita tout ce qu’il avait à lui dire, par rapport à Tozan et à l’inquiétude que la douzaine d’hommes qui étaient partis « chasser » avec lui n’étaient toujours pas revenus. Un échange plombant eu lieu, énonçant également un lien possible entre Maria et Tozan. Les deux autres chefs tendirent une oreille et devenaient de plus en plus intéressés par son histoire. En effet, ce n’était pas régulier qu’une douzaine d’homme disparaisse une journée complète sans que d’autres informations soient à constater. L’asiatique se leva et avança vers le jeune homme.

        - Bon, dans ce cas, allons visiter cette Maria. Où est-ce qu’elle habite celle-là ?

        - A l’est du village chef !

        - Je vous suis, on ne sait jamais.

        C’était le chef au teint basané qui avait parlé.

        - Prépare la prochaine partie en attendant.

        - T’as pas d’ordre à me donner toi !

        Tout souriant de sa connerie, le volontaire se leva et suivi l’asiatique. Ils sortirent tout deux et poussèrent le jeune homme devant eux pour qu’il leur montre le chemin. Automatiquement une quinzaine d’autres voyous les suivirent quand ils virent les chefs leur faire un signe de la main, synonyme de « suivez-nous bande de gros sacs ».

        Au bout du chemin se trouvait l’endroit recherché, à leur vue, ressentant le danger qui arrivait en nombre, Bernie se mît à japper pour avertir sa maitresse.

        Maria et les autres, à l’intérieur de la maison, furent couper dans leur tentative d’établissement d’une stratégie par les jappements graves de Bernie. Elle sortit la tête par la porte, vit au loin un nuage de poussière et au-devant deux des chefs des brigands. Elle s’empressa de tirer Bernie par les poils et de le tirer à l’intérieur, puis cria :

        - On a plus le temps, ils arrivent !

        L’asiatique, tout en observant la scène de loin, esquissa un sourire en même temps qu’il brandit sa main et son bras tendus vers l’avant. Tous les autres, obéissant au geste explicit, se mirent à courir en direction de la résidence de Maria.

        Sans perde une seconde, la petite bande composée de Maria, Bernie, Nashi et Tozan se précipitèrent vers la sortie de derrière pour espérer regagner le trou qu’ils avaient creuser sous la barricade pour s’enfuir. Arrivés devant, Nashi plongea, suivi de Bernie, ensuite Maria. Les malfrats les avaient suivis jusque-là, ils n’étaient plus qu’à quelques mètres, Tozan poussait les jambes de Maria vers le haut tandis que Bernie lui tirait la manche de l’autre côté pour la faire passer plus vite. Mais un des poursuivants, légèrement plus rapide que les autres bondit dans le trou lorsque Tozan essayait d’en sortir, il réussit à attraper sa jambe, le chasseur lui assena un coup de pied puissant en pleine face, ce qui l’assomma net et boucha le trou le temps que ses congénères le dégagent.

        Ce laps de temps leur avaient permis de gagner quelques dizaines de mètres sur leurs assaillants. Sous l’adrénaline, n’ayant prévu aucunes solutions de replis, ils foncèrent automatiquement dans une direction qui semblait avoir été tracée aléatoirement par la végétation dense de l’île. Ils fuyaient juste, sachant qu’ils étaient trop nombreux pour pouvoir les affronter. En effet, le remue-ménage que ça a provoqué dans le village alerta toutes les crapules, qui s’élancèrent toutes dans la direction de leurs cibles.

        Après quelques longues minutes de courses, ils finirent par arriver sur une plage de sable blanc, une longue et large étendue de sable qui s’étendait jusque dans l’océan. Ils continuèrent à sprinter sur le sable, Bernie en tête de file, à la lisière de la forêt en espérant être assez rapide pour trouver une cachette. Ils entendaient les cris et avertissements de leurs poursuivants qui ne faiblissaient pas.
        C’est à ce moment que Bernie bifurqua vers la gauche, s’exposant un peu plus sur la plage. Ne comprenant pas, ils regardèrent au loin pour voir vers où se dirigeait l’animal, car seule une vaste étendue d’eau salée devait s’y trouver… C’est là qu’ils ne virent pas seulement de l’eau mais la silhouette d’un bateau, qui semblait être un galion marchand. Il était arrivé aux abords de la plage, des petites silhouettes s’agitaient frénétiquement aux pieds de la coque du bateau, semblant tenter de parcourir les derniers mètres dans l’eau pour rejoindre la terre ferme.

        - C’est notre seule chance de nous en sortir, courons droit vers eux !

        - WOUF WOUF WOUF

        Tozan se demandait pourquoi les naufragés s’agitaient autant… Il scruta un peu plus loin à l’horizon, toujours pris dans leur course effrénée, et vit un deuxième navire foncer sur eux. Il reconnut instantanément le signe sur la voile.

        - C’EST LA MARINE ! J’ai l’impression que ceux sur la plage essaient de les fuir, j’ai une idée faites moi confiance !
          La fin de la course-poursuite approchait. Une bataille se préparait. Le petit groupe qui fuyait à travers la grande plage de sable fin ne pensait qu’à la survie, peut être avait-il trouvé une solution pour se sortir de cette situation. Leurs pas s’enfonçaient dans le sable, les respirations devenaient de plus en plus saccadées, les rythmes cardiaques montaient, pour cause : leur course et ce qui les suivaient derrière eux. Et maintenant ce qui se trouvait en face d’eux.

          Les brigands étaient arrivés sur la plage, ils étaient tous là, la supériorité en nombre leur appartenait. Les fuyards pouvaient entendre leurs cris se rapprocher, ils n’étaient plus qu’à quelques centaines de mètres d’eux. Le chef aux traits orientaux aperçu une petite troupe de silhouettes qui couraient sur la plage dans leur direction, au-delà de ceux qu’il poursuivait. Son regard fût attiré un peu plus au loin par un bateau qui arrivait tout juste aux abords de la plage, il reconnut immédiatement le bateau marine.

          - Les gars regardez ! Voilà une bonne occasion d’éclater du marine !!

          - OUAAAAAAI !!!

          Les marines accostèrent, sans plus tarder des soldats bondirent du bateau et se ruèrent vers le groupe isolé. Tozan et ses camarades de fuite avaient déjà compris que les marines poursuivaient le groupe qui arrivait droit sur eux, ils pensaient aussi que ces derniers avaient compris qu’ils fuyaient. Tous savaient que la situation n’était pas difficile à interpréter, c’est l’issue de l’évènement qui laissait encore des doutes, sa résolution était encore plus qu’incertaine.

          Des regards furtifs se croisèrent, des regards de peur mêlée à de la confiance qui pourrait être qualifiée de survivaliste. Les instincts prirent le dessus sur les réflexions, ces premiers regards véhiculaient une idée, peut-être pas explicite mais évidente. Cette idée limpide était : « survivre ensemble ». Deux mots qui les sortiraient de cette situation s’ils étaient respectés. Cette idée était passée dans tous les esprits des deux groupes qui fuyaient, mais plus spécialement dans l’esprit de trois individus : Nashi, Tozan et un troisième homme portant un sabre entouré d’une chaine.

          Les groupes se rejoignirent enfin. Toujours avec l’instinct guidant leurs mouvements, tous les hommes aptes à se battre se collèrent épaules contre épaules, couvrant, au centre du cercle que ça avait formé, les personnes qui n’apporteraient rien à la bataille en préparation. Quoi qu’elles n’auraient surement pas le choix d’affronter leurs rivaux au vu de leur nombre. Maria en faisait partie, elle était au centre du cercle. Les distances les séparant des bandits et des marines étaient presque identiques, un seul choc étaient à prévoir et il allait être violent de part et d’autre.

          Plus que quelques dizaines de mètres…

          Plus que quelques mètres…

          CONTACT !

          L’impact que venait de subir Tozan était semblable à une chute de cinq mètres de haut, sauf que même après l’impact, ce semblant de chute ne s’arrêta pas. Pris en étau, le cercle humain préalablement formé n’était plus qu’un amas de corps encore vivants, la différence entre les groupes n’était plus aussi claire, déjà des bandits rivalisaient avec des marines. Pour l’instant, il n’y avait plus d’espace, le sandwich humain ne le permettait pas. C’est à peine si Tozan avait les pieds qui touchaient le sol, il assenait des coups de lames directement dans les estomacs de ses adversaires frontaux. Jusqu’à ce qu’il puisse se frayer un espace plus grand et être libre de ses mouvements.

          Les premiers hommes tombèrent, cela ne faisait que quelques secondes que le combat avait commencé et déjà la mort gagnait. Un cri surplomba le brouhaha tumultueux :

          - MARIAAA !!

          C’était Tozan qui ayant réussi à gagner de l’espace en transperçant, tentait de regagner le centre en reculant pour secourir Maria qu’il avait perdu de vue. Il avait en fait perdu tous les visages familiers de vue et tentait tant bien que mal de rester debout. Bandits et marines commençaient à se mélanger. Dans le carnage, la distinction ne se faisait plus, la poussière de sable empêchait de voir à deux mètres. Enfin, même la densité de soldats ne permettait pas de voir à un mètre.

          Si déjà Tozan arrivait à voir jusque là ce serait déjà bien. Mais la vue n’était pas sa principale préoccupation, l’idée que Maria puisse mourir par sa faute l’obsédait. La frustration de ne pas pouvoir avancer montait en même temps que la puissance de ses coups. Il perdait le contrôle de sa raison, ses coups déferlaient. Il piquait les adversaires sans réfléchir à un endroit précis, tant que c’était une zone vitale. De sa seule main valide, il attrapait soit la gorge, soit la tête, soit un bras, soit une jambe, bref tout ce qu’il lui passait sous la main était bon à être attiré vers lui soit pour mieux le projeter plus loin soit pour le transpercer de sa lame incrustée. A force de tourner sur lui-même, son oreille interne perdait ses repères et Tozan commença à perdre un peu de son sens de l’équilibre, le sol sableux n’arrangeant pas les choses. Il ne se repérait plus dans le chaos qui l’entourait, il ne savait pas ou était Maria, ni les autres. Le bleu, le marron et le rouge s’entremêlait.

          Il n’y avait pas d’hommes habillés en rouge au début de la bataille, pourtant c’était maintenant la couleur la plus répandue, même sur le bleu, la couleur chaude remplaçait la couleur froide. Le sang. Le sang coulait sur le corps de Tozan, ce n’était pas seulement celui de ses victimes mais également le sien, provenant de plusieurs entailles : à l’arcade sourcilière, à l’oreille, à l’épaule, à sa main gauche, à sa jambe. Il ne rendait pas compte mais il recevait également des attaques, il ne les ressentait pas, la douleur n’avait pas sa place dans l’esprit de Tozan. La rage oui.

          Un violent coup de pied le poussa à terre, et un coup de genou vint de loger dans ses côtes le renversant sur le côté. Quelques soldats lui marchèrent dessus, comme sur tous les corps qui commençaient à recouvrir de plus en plus le sol. Deux hommes avaient poussé Tozan à terre, l’un grand et fin, l’autre petit, on devinait les yeux bridés et le regard sadique du dernier, c’était deux des trois chefs bandits. Tant bien que mal, Tozan se releva et sans hésiter bondit sur le plus grand des deux, l’emmena au sol et le roua de coup. Son poing et sa lame eurent le temps de se loger assez de fois dans le corps de son assaillant pour ne pas lui permettre de se redresser. Il fut interrompu quand un second coup de pied l’envoya encore valser, c’était le plus petit des deux cette fois qui se jeta sur lui, en lui décrochant plusieurs violents coups de poings au visage. Tozan parvint à le renverser, puis un soldat imposant, reculant à ce moment même, écrasa lourdement la tête de l’homme à terre. Sa tête craqua, c’en était finit de ces deux-là.

          Blessé, Tozan puisait ses dernières ressources d’énergie, par la force de sa volonté, pour retrouver Maria. De l’espace se libérait, le sol se recouvrait. Les coups se faisaient plus lents, les soldats portaient leurs poids lourdement. Il réussit à tuer quelques soldats, marrons, bleus, rouges, il commençait même à ne plus distinguer les cibles aux alliés. Un semblant de réflexion réaliste naquit d’une prise de conscience existentielle, cette dernière portait sur sa légitimité à vivre plutôt que toutes les vies qu’il avait déjà pris ces dernières minutes. De cette information il réalisa qu’il était en fait devenu fort et rapide, ses efforts l’avaient donc amené à survivre par l’attaque, il n’avait jamais perçu l’utilité de sa puissance de cette manière.

          La réalité frappa. Un objet dur venait de s’enfoncer au niveau de son flanc gauche, brisant deux côtes flottantes sur son passage. Heureusement les os n’avaient pas perforé son poumon le plus proche. Ce coup l’avait forcé à poser un genou au sol, il releva le visage, le regard sombre, sa précédente idée s’était envolée, l’instinct et les émotions sombres avaient déjà repris le dessus. Il en fallu peu.

          Tozan vit un homme de taille moyenne s’agiter devant lui, les poings en garde et armés de deux coups-de-poing américains, il sautillait tel un boxeur et cela même sur le sable. Le liquide rouge dégoulinait de ses mains jusque sur ses avant-bras. Derrière sa garde un léger rictus se devinait, cet homme aimait se battre. Son uniforme s’arrêtait au niveau de ses épaules, qui laissait apparaitre ces dernières, elles étaient musclées et tracées, tel un athlète professionnel.

          La couleur bleue du textile recouvrant son adversaire sauta tout de suite aux yeux de Tozan. Il reconnut son appartenance, il vu également le grade indiqué sur l’épaule de celui-ci. Il se rappela alors un bref instant quand sa petite sœur lui apportait des livres de la marine quand il était isolé de force par son père. Un de ses livres répertoriait tous les gardes de la marine, il n’eu alors pas de mal à identifier que son ennemi était un lieutenant-colonel.

          Tozan à peine relevé, le marine gradé s’élança et entama une série de coups-de-poing, c’était des enchainements bien maitrisés, il utilisait son art à part entière. Les mouvements de bassins et la rotation de ses chevilles accompagnaient avec fluidité la portée de ses coups. Niveau rapidité, les réflexes de Tozan étaient bien présents, bien que la blessure que lui avait infligé le premier coup le limitait dans ses mouvements, il arrivait quand même à lire ceux de son adversaire et bouger en conséquence. Toutefois, il n’était pas question de relâcher son attention car un seul de ses coups paraissait dévastateur, il ne pouvait se permettre d’en recevoir un supplémentaire. De plus, les enchainements contrôlés qu’offraient le lieutenant-colonel à Tozan ne laissait aucunes ouvertures, une seule chose restait à faire, observer ses coups, tous les éviter et trouver la faille.

          Le boxeur, voyant sa cible esquiver ses coups avec aisance, commença à s’agacer. Il intensifia alors la fréquence des ses coups. Seulement, il utilisait les mêmes enchainements depuis le début et Tozan pouvait les lire de mieux en mieux. Les mouvements furent interprétés et la solution trouvée. Lorsque le boxeur lance son poing gauche, une fois sur deux c’est pour tenter de décocher un puissant direct du droit, le crochet déséquilibrant et masquant le prochain direct. En utilisant ce direct, il chargeait avant tout son corps en mettant en rotation ces appuis et l’ensemble de son tronc. La distance créée entre l’armement de son poing au niveau de sa ceinture et le point ciblé était grande, mais permettait d’offrir de la puissance au coup. Seulement, cette distance rallongeait forcément le temps de réponse de son corps et créait une grande ouverture sur son flanc droit.

          S’étonnant d’avoir été dans la capacité d’analyser un tel mouvement, Tozan allait plus loin en recherchant la manière de savoir si son adversaire allait bien utiliser cet enchainement. Il trouva encore rapidement la solution tout en continuant à esquiver ses coups. Quelques minutes s‘étaient déjà écoulées depuis le début de leur confrontation. L’instant fatidique était arrivé, Tozan observa le crochet s’élancer, et vit le pied avant du lieutenant-colonel se refermer vers l’intérieur. C’était le signal. Tozan se laissa effleurer par le crochet du gauche au menton pour s’assurer que son adversaire arme et lance son direct du droit. Un peu de sang surgit de son menton, le poing américain faisait son effet, sa tête fût emmenée légèrement par la vitesse du poing. Le lieutenant-colonel esquissa un large sourire et arma son direct…

          Instantanément, Tozan mit un terme à sa stratégie, lança sa paume de sa main gauche vers la cage thoracique grande ouverte de son assaillant. Cela le comprima, son souffle fût coupé net ainsi que son direct. Son corps fût soulevé légèrement par la puissance de son coup de paume. Tozan rabattit enfin sa technique vers le sol, écrasant au passage le corps du boxeur. Il ne pouvait plus respirer, du sang coulait de sa bouche, montrant alors une hémorragie interne sévère.

          Tozan hésita un instant avant de lui mettre le coup de grâce, c’était la première fois qu’il ne voulait pas le mettre pour tuer son adversaire mais pour abréger les souffrances de cet être. Le coup de grâce fût porté quand même, avec sa lame une fois de plus.

          En relevant la tête, il s’aperçut que peu de soldats étaient encore debout, il repéra Nashi de l’autre côté du champ de bataille. Il vu également le type au sabre enchainé, mais aucunes traces de Maria. Parmi les survivants encore en train de batailler comme ils le pouvaient, il n’y avait en fait plus que des marines, il n’était plus bien nombreux et semblaient déjà au bout de leurs limites.

          Une voix retentit :

          - RETRAAAAAITE !

          - Le colonel et le lieutenant sont vaincus !


          C’est ce que Tozan crut entendre. L’information l’apaisa.

          Les marines restants fuirent alors à leur tour, en direction de leur bateau. La bataille prenait fin, il ne restait en tout cas plus l’ombre d’un brigand, ni d’un marine. Tous, soit enfuis, soit morts…

          De nouveau, des regards se croisèrent, des hochements de tête s’adressèrent envers les derniers rescapés, apportant avec eux un sentiment de reconnaissance mutuelle. Ils s’en étaient miraculeusement sortit.

          Parmi ces regards ne figurait pas celui de Maria, Tozan commença à s’agiter dans tous les sens, il ne voulait pas croire au destin le plus tragique. Il retourna des corps, chercha désespérément une trace de cette femme qui lui avait donné sa confiance. Des gémissements d’animaux parvinrent à ses oreilles, il reconnut le bruit d’un chien.

          Il regarda dans la direction du bruit et aperçu Bernie, le museau baissé vers un visage. Tozan se précipita, Bernie léchait un visage ensanglanté. Il reconnut la longue chevelure de Maria humidifiée par la sueur et le sang. Il poussa délicatement la gueule de Bernie avant de redresser une mèche de cheveux mouillée derrière l’oreille du visage de la défunte. Vide d’expression, il passa ses deux bras en-dessous de son corps, la souleva et la porta en direction de la mer, Bernie le suivait.

          Tozan n’avait pas cédé à la panique lorsqu’il trouva en fin Maria, enfin plutôt son corps inanimé, il savait qu’elle était morte et que rien ne pourrait changer cette fatalité. Il ne valait plus la peine de laisser la colère parler. Son sentiment de culpabilité, lui par contre, ne fit que croitre.

          Le creux des vaguelettes arrivés à hauteur de ses genoux, il s’assit face à l’horizon, Maria dans ses bras. Bernie se coucha dans l’eau, collé aux deux corps qui flottaient à moitié, l’un plus que l’autre. Tozan nettoya le visage de Maria avec de l’eau salée. Des larmes se frayèrent un chemin sur ses joues, diluant le rouge qui commençait à sécher sur sa peau. Le sel de la mer remplaçait le sable qui s’était collé aux plaies, il commençait juste à ressentir la douleur des blessures qui lui avaient été infligées. Bernie continuait à gémir, et le ciel à s’assombrir. Tandis que l’obscurité avait déjà envahit la conscience de Maria.

          Le troisième chef des brigands était mort dans la bataille, l’homme à l’épée enchainée avait apparemment vaincu le colonel qui dirigeait la flotte marine, Tozan se dit qu’il devait être puissant pour avoir gagné contre un homme de ce grade. Nashi avait également joué un rôle décisif dans la bataille en affrontant des pointures, ce serait lui qui aurait vaincu le dernier chef de brigands. Après cet exploit, épuisés, ils décidèrent de se rendre au village pour soigner les survivants blessés et se remettre de ce qu’ils venaient de vivre. Tozan se leva avec Maria dans les bras et entama le chemin vers le village.