Cher journal,
Cela fait un jour et deux nuits que la tempête s'abat sans discontinuer, emportant le navire dans un torrent furieux qui le malmène et le secoue comme s'il n'était qu'un vulgaire canard en plastique dans le siphon d'une baignoire qui se vide ! Le ciel noir est zébré d'éclairs qui illuminent par intermittence les vagues sombres qui se soulèvent et se déversent, creusant de profondes fosses qui semblent vouloir nous avaler avant que que d’autres vagues ne viennent les combler dans un vacarme assourdissant, pour en faire naître aussitôt de nouvelles ! Nous avons fini par voir en les nuages, le vent et la mer un esprit capricieux qui s'acharne sur nous avec cruauté, ce qui à propos de la mer qui forme la route de tous les périls n'est pas si aberrant tout compte fait.
Dans la dunette arrière, ni le capitaine, ni son second, ni le maître barreur ne semblent en mener large. De leur propre aveu notre situation est précaire, ils sont dépassés, et nous sommes à la merci des excentricités de la météo jusqu'à ce qu'elle daigne nous libérer, à moins qu'elle ne nous noie avant. Me tenant la plupart du temps en leur compagnie, j'affiche un air calme et serein qui en déconcerte plus d'un. Oh, évidemment que je suis inquiète moi aussi, journal ! Mais comme je n'y connais absolument rien en navigation, je sais que je ne serais d'aucune influence pour nous sortir de cette situation. Dans ce cas, autant utiliser mon énergie pour justifier à peu de frais la réputation des agents du Cipher Pol auprès de mes compagnons de voyage plutôt que de brasser du vent !
"- Que dit le log pose ?" demande la capitaine pour ce qui me semble être la quinzième fois de la journée.
"- C'est à n'y rien comprendre !" constate son second dépité. " Tantôt l'aiguille pointe à bâbord, tantôt droit devant, tantôt derrière. Soit il est déréglé, soit la tempête est en train de nous jouer un sale tour !"
A l'origine, j'avais pris place à bord de ce navire de la marine qui devait relier l'Archipel aux Eveillés et les Pythons Rocheux parce que cela semblait être une occasion en or: un voyage tous frais payés par le gouvernement, effectué en toute sécurité en compagnie de soldats aguerris, une cabine plutôt confortable, et l'occasion de faire valoir mon statut d'agent d'élite, ce qui n'arrive pas si souvent quand on passe son temps à faire des missions secrètes ! Si j’avais su j’aurais prolongé mon séjour à l’archipel de quelques jours, ou bien j’aurais demandé une autre destination !
Soudain, un marin entre en trombe dans la pièce. Son manteau est en vrac, sale et recouvert de poussière. Il salue avec empressement et balbutie:
"- Capitaine ! Je viens au rapport !
- Qu'est-ce qu'il y a encore ?
- Nous sommes pris... dans une tempête de sable !"
Eh bien tu vois journal, ça, sur la route de tous les périls, c'est un événement parfaitement normal. Autant que d'alterner les brusques changements météorologiques, de se faire harceler par une tempête, de voir tomber de la neige sous un soleil radieux ou de croiser des poissons-vagues ! Je jette malgré tout un regard curieux par la porte ouverte pour constater que, effectivement, la pluie qui balayait presque sans discontinuer le pont a été remplacée par un rideau de sable qui s'abat avec violence sur notre navire ! Le vacarme est assourdissant, comme si la tempête elle même hurlait à notre encontre telle une créature féroce qui chercherait à nous atteindre !
Je tourne de nouveau mon regard soigneusement neutre en direction de la capitaine et réalise que, apparemment, pour elle une tempête de sable en pleine route de tous les périls semble loin d'être un événement normal !
Et puis tout à coup, un horrible craquement retentit ! J'entends une voix horrifiée crier :
"- Le mât est en train de céder !"
Même une parfaite ignare du fonctionnement d'un navire comme moi est capable de deviner qu'il s'agit de quelque chose de grave. Vite ! Je boutonne mon manteau jusqu'au col et je sors avec les autres marins pour leur venir en aide ! Je sais bien journal que ça ne correspond pas vraiment à l'image de dame élégante que je veux donner, mais si on fait naufrage en pleine mer je n'aurais de toute manière pas l'air très élégante !
Roooaaaaarrrr !!!
Le grondement du vent est terrifiant, semblable au cri d'une énorme bête sauvage ! Le pont est balayé par des rafales de vent charriant des brassées de sable ! Je peine à garder mon équilibre alors que chaque nouvelle bourrasque de sable semble déterminée à m'emporter ! Une main devant les yeux, l'autre tendue devant moi pour me protéger d'un éventuel obstacle, j'avance péniblement en suivant la silhouette du marin juste devant moi que je distingue à peine.
Roooaaaaarrrr ! Fsshhhhhshh !
J'ai du sable plein le nez et la bouche, pouah ! Avancer devient de plus en plus laborieux ; je finis par poser les genoux au sol et à avancer accroupie pour donner moins de prise au vent.
Roooaaaaarrrrshhhhhh !
Le vent souffle tellement fort, le sable s'insinue tellement partout sur mon visage que je n'avance même plus ! C'est idiot, je suis bonne à rien. Je n'aurais jamais dû sortir, je n'aide même pas et je me met en danger ! Je ne dois pas rester sur le pont sinon je vais me faire emporter par la tempête !! A cette idée je sens un frisson de panique me parcourir le corps... Vite ! Toujours à quatre pattes, j'entreprends de me retourner laborieusement et de prendre la direction de la cabine... quand soudain je me sens jetée à la renverse !
Fsshhhhhshh !
Le choc que j'attendais ne vient pas. Au lieu d’atterrir violemment par terre je suis ballottée dans tous les sens, incapable de distinguer le haut et le bas, emportée par la tempête de sable sans savoir où je suis ni où je vais !
Cela fait un jour et deux nuits que la tempête s'abat sans discontinuer, emportant le navire dans un torrent furieux qui le malmène et le secoue comme s'il n'était qu'un vulgaire canard en plastique dans le siphon d'une baignoire qui se vide ! Le ciel noir est zébré d'éclairs qui illuminent par intermittence les vagues sombres qui se soulèvent et se déversent, creusant de profondes fosses qui semblent vouloir nous avaler avant que que d’autres vagues ne viennent les combler dans un vacarme assourdissant, pour en faire naître aussitôt de nouvelles ! Nous avons fini par voir en les nuages, le vent et la mer un esprit capricieux qui s'acharne sur nous avec cruauté, ce qui à propos de la mer qui forme la route de tous les périls n'est pas si aberrant tout compte fait.
Dans la dunette arrière, ni le capitaine, ni son second, ni le maître barreur ne semblent en mener large. De leur propre aveu notre situation est précaire, ils sont dépassés, et nous sommes à la merci des excentricités de la météo jusqu'à ce qu'elle daigne nous libérer, à moins qu'elle ne nous noie avant. Me tenant la plupart du temps en leur compagnie, j'affiche un air calme et serein qui en déconcerte plus d'un. Oh, évidemment que je suis inquiète moi aussi, journal ! Mais comme je n'y connais absolument rien en navigation, je sais que je ne serais d'aucune influence pour nous sortir de cette situation. Dans ce cas, autant utiliser mon énergie pour justifier à peu de frais la réputation des agents du Cipher Pol auprès de mes compagnons de voyage plutôt que de brasser du vent !
"- Que dit le log pose ?" demande la capitaine pour ce qui me semble être la quinzième fois de la journée.
"- C'est à n'y rien comprendre !" constate son second dépité. " Tantôt l'aiguille pointe à bâbord, tantôt droit devant, tantôt derrière. Soit il est déréglé, soit la tempête est en train de nous jouer un sale tour !"
A l'origine, j'avais pris place à bord de ce navire de la marine qui devait relier l'Archipel aux Eveillés et les Pythons Rocheux parce que cela semblait être une occasion en or: un voyage tous frais payés par le gouvernement, effectué en toute sécurité en compagnie de soldats aguerris, une cabine plutôt confortable, et l'occasion de faire valoir mon statut d'agent d'élite, ce qui n'arrive pas si souvent quand on passe son temps à faire des missions secrètes ! Si j’avais su j’aurais prolongé mon séjour à l’archipel de quelques jours, ou bien j’aurais demandé une autre destination !
Soudain, un marin entre en trombe dans la pièce. Son manteau est en vrac, sale et recouvert de poussière. Il salue avec empressement et balbutie:
"- Capitaine ! Je viens au rapport !
- Qu'est-ce qu'il y a encore ?
- Nous sommes pris... dans une tempête de sable !"
Eh bien tu vois journal, ça, sur la route de tous les périls, c'est un événement parfaitement normal. Autant que d'alterner les brusques changements météorologiques, de se faire harceler par une tempête, de voir tomber de la neige sous un soleil radieux ou de croiser des poissons-vagues ! Je jette malgré tout un regard curieux par la porte ouverte pour constater que, effectivement, la pluie qui balayait presque sans discontinuer le pont a été remplacée par un rideau de sable qui s'abat avec violence sur notre navire ! Le vacarme est assourdissant, comme si la tempête elle même hurlait à notre encontre telle une créature féroce qui chercherait à nous atteindre !
Je tourne de nouveau mon regard soigneusement neutre en direction de la capitaine et réalise que, apparemment, pour elle une tempête de sable en pleine route de tous les périls semble loin d'être un événement normal !
Et puis tout à coup, un horrible craquement retentit ! J'entends une voix horrifiée crier :
"- Le mât est en train de céder !"
Même une parfaite ignare du fonctionnement d'un navire comme moi est capable de deviner qu'il s'agit de quelque chose de grave. Vite ! Je boutonne mon manteau jusqu'au col et je sors avec les autres marins pour leur venir en aide ! Je sais bien journal que ça ne correspond pas vraiment à l'image de dame élégante que je veux donner, mais si on fait naufrage en pleine mer je n'aurais de toute manière pas l'air très élégante !
Roooaaaaarrrr !!!
Le grondement du vent est terrifiant, semblable au cri d'une énorme bête sauvage ! Le pont est balayé par des rafales de vent charriant des brassées de sable ! Je peine à garder mon équilibre alors que chaque nouvelle bourrasque de sable semble déterminée à m'emporter ! Une main devant les yeux, l'autre tendue devant moi pour me protéger d'un éventuel obstacle, j'avance péniblement en suivant la silhouette du marin juste devant moi que je distingue à peine.
Roooaaaaarrrr ! Fsshhhhhshh !
J'ai du sable plein le nez et la bouche, pouah ! Avancer devient de plus en plus laborieux ; je finis par poser les genoux au sol et à avancer accroupie pour donner moins de prise au vent.
Roooaaaaarrrrshhhhhh !
Le vent souffle tellement fort, le sable s'insinue tellement partout sur mon visage que je n'avance même plus ! C'est idiot, je suis bonne à rien. Je n'aurais jamais dû sortir, je n'aide même pas et je me met en danger ! Je ne dois pas rester sur le pont sinon je vais me faire emporter par la tempête !! A cette idée je sens un frisson de panique me parcourir le corps... Vite ! Toujours à quatre pattes, j'entreprends de me retourner laborieusement et de prendre la direction de la cabine... quand soudain je me sens jetée à la renverse !
Fsshhhhhshh !
Le choc que j'attendais ne vient pas. Au lieu d’atterrir violemment par terre je suis ballottée dans tous les sens, incapable de distinguer le haut et le bas, emportée par la tempête de sable sans savoir où je suis ni où je vais !
Dernière édition par Caramélie le Ven 13 Nov 2020 - 20:52, édité 2 fois