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[I]l n'y a pas de hasard, seulement des rendez-vous.

[Six mois avant de rejoindre les Ghost Dog. Shell Town & ses rencontres]

Le bilan de ma journée avait été parfaitement désastreux. J’avais mis des semaines à venir jusqu’ici, à traverser la mer, à voler sur le dos de Bee en espérant arriver un jour jusqu’à Shell Town. La route avait été longue et périlleuse. J’avais dû squatter des navires de briguant, de marines, de pécheur, me mettre en danger en toute connaissance de cause, le tout en espérant pouvoir atteindre la berge un beau jour. Ça m’avait pris plus d’un mois pour aboutir, et autant dire que j’étais particulièrement fière d’y être arrivé.
Mais bien entendu, l’aventure ne commença pas vraiment là. Tout débuta sur l’île en elle-même. (Je pensais, lorsque je posai pied à terre, que le pire était passé et que je n’avais plus qu’à demander ma route pour trouver ce que je cherchai. Mais les choses s’avérèrent beaucoup plus compliquées qu’elles n’y paressaient à la base.) C’était sur Shell Town que vivait la Chèvre (un grand ingénieur navale que je cherchai depuis quelques temps à présent), et c’était donc sur cette île que j’entrepris mon enquête pour le retrouver et pouvoir apprendre de lui.
Il s’avéra alors que ce que j’imaginai comme aisé ne l’était pas du tout, et qu’importait mes efforts pour avoir des informations sur le personnage, je me trouvais à chaque fois confronté à un mur. Personne ne me donna d’information, m’envoyant sur les roses ou vers d’autres personnes qui ne m’avancèrent pas plus dans ce que je voulais savoir. Autant dire que trouver la Chèvre sur l’île de Shell Town était aussi compliqué que de trouver une aiguille dans un tas de foin.

Je suspectai l’homme comme étant recherché, ou mal vu, ou alors avec une quelconque influence sur les gens de l’île. L’histoire était la suivante : Il était apparemment un briguant de bas étage, menaçant et orgueilleux, qui avait sous sa coupe des gentils débiles (un peu violent). Il n’était pas pour autant méchant mais personne n’osait se frotter à lui. Il restait dans son coin et on lui fichait la paix. Il avait pourtant, par le passé, mis l’île sans dessus-dessous à cause d’un désaccord avec le boulanger.

C’est en début de soirée, alors que le soleil était couché, que mon enquête me mena jusqu’au bar de Shell Town, un petit endroit cossu et agréable dans lequel se réunissait tous les gros buveurs et fêtards des lieux (autant dire la quasi-totalité de la gente masculine de l’île). Le bar était chaleureux et convivial, les gens y étaient pressant, visiblement là pour s’amuser. Je n’étais pas d’humeur joueuse, ni n’avais envie de faire connaissance avec qui que ce soit, ce pourquoi je refusai plusieurs verres que l’on m’offrit. Je m’avançai vers le bar, me plantant devant le gérant qui me fit un grand sourire. Il était grand, massif, avec une moustache, bien portant, le stéréotype des bons vivants ! Avec mon sourire le plus agréable, je lui demandai d’une voix douce :

« Excusez-moi, je suis à la recherche de quelqu’un ici… Vous connaissez celui qu’on surnomme ‘La chèvre’ ? »

L’homme pâlit considérablement avant de lâcher son verre sur le sol, verre qui s’éclata en mille morceaux. Le silence se planta dans la salle, la musique s’arrêta, il n’y avait plus que le bruit des respirations. Une goutte de sueur perla du front du barman jusqu’à sa joue avant de s’écraser sur le bois du bar. Il déglutit péniblement en me regardant avec des yeux écarquillés et ronds, digne des personnages de bande-dessiné. Je fronçai un sourcil, surprise, attendant patiemment une réponse de sa part, réponse qui ne vint jamais. Il me montra la porte du doigt et lâcha d’une voix forte :

« Veuillez sortir de mon bar mademoiselle !
- Mais…
- Dehors ! Coupa-t-il en faisant le tour de son bar. »

Il m’attrapa par le col de mon T-shirt et me souleva jusqu’aux portes à battant. S’en suivit un coup de pied mémorable aux fesses. Je volai sur plusieurs mètres, m’écrasant sur le bitume de la rue pour m’arrêter un peu plus loin (et par chance, je n’avais rien de cassé). Ma position laissait supposer ce qu’il s’était passé : tête sur le sol, bras pendant, derrière en l’air, dénué de tous charmes, je poussais un long soupir désapprobateur. C’était bien ma veine ! Je parcourrai des kilomètres pour venir jusqu’ici, parce que c’était ici que semblait vivre la personne que je cherchai, et à peine posais-je la question qu’on me mettait dehors comme une malpropre. Ah bah vive Shell Town ! Cette chèvre me tapait sur le système !
Ma fierté et mon égo s’en seraient mieux tiré si, toujours au sommet de la honte, quelqu’un n’était pas apparu en face de moi alors que j’étais toujours à terre, dans ma position humiliante, couverte de poussière, les cheveux en bataille et l’air quasiment clocharde. Pire que ça, tu meurs ! Je m’empourprai en gardant mon air dépité. La rougeur de mes joues ne se verrait pas, au vu de la couche de poussière qu’il y avait dessus. Je me relevai péniblement en faisant mine de rien, époussetant mes vêtements sans jeter un regard à mon interlocuteur avant de lâcher :

« Désolée, vous pouvez passer…
- Alors comme ça, t’en as après la Chèvre, heiiiiiiiin ? »

Etant à peine sur mes jambes, je pris la peine de lever les yeux vers celui qui me parlait. Il n’était pas seul. Face à moi se tenait deux grands gaillards, chauves avec un bouc et barbe mal rasé, ainsi qu’un petit freluquet chétif (ayant la même coupe de cheveux et les sourcils tordus) qui me fixait de toute sa hauteur. Il n’avait franchement pas l’air content et, entouré de ses deux acolytes, semblaient bien menaçant.

« Euh… Oui, c’est bien ça.
- LA FERME ! On ne trouve pas la Chèvre, c’est la chèvre qui vous trouve !
-Hein… ? »

Bon dieu, mais sur quoi étais-je tombée ? Il me regardait en plissant le regard, les joues rouges de colère et de mépris. J’avais l’impression d’avoir à faire à une sorte de gang organisé ou d’une mafia. Et le « chef » donnait l’impression d’être sur le point d’exploser ou de me frapper. Je n’en avais pas spécialement peur, mais je n’avais pas franchement envie de m’attirer des ennuis ici. Il tendit la main et je remarquai la présence dessus d’un escargot phone. L’appareil prit une tête agacé, comme sur le point de me mettre sur la gueule. Il remua les lèvres :

« Qui t’envoie ? Et qu’est-ce que tu me veux ? »

Je fronçai un sourcil, regardant l’escargot avec une mine dépitée. L’homme à l’autre bout avait une voix digne du parrain, un vieil accent italien avec une tonalité de voix criarde et aigue (un paradoxe plus drôle que menaçant). Les deux montagnes m’entourèrent, l’un des deux me tapota l’épaule pour m’obliger à répondre à la question :

« Euh… C’est… Je viens de la part de… de Yumen.
- QUE-WAAAH ?!! »

L’escargot bondit dans la main du propriétaire, et se mit à injurier tout ce qu’il était possible d’injurier. Tous les noms d’oiseaux y passèrent, tous adressé à Yumen et à moi-même. Visiblement, il avait une dent contre mon bourreau adoptif. Ça n’avait rien de spécialement étonnant connaissant le personnage, mais je ne m’attendais pas à autant de rancœur…

« Tu peux aller te faire foutre toi et ton Yumen !! Et tu te tires de l’île !... Les gars, dit-il tandis que l’escargot phone tournait les yeux vers les trois compères. Chargez-vous d’elle ! Et qui n’en reste rien ! tut tut tut tut »

Ah. Me voilà dans le pétrin.

« Vous avez entendu les gars !... GOAT KICK ! »

Le gringalet joignit les mains devant lui pour m’asséner un coup violent au niveau du visage. Je me baissais d’un coup et envoyai mon poing s’écraser au niveau de son entrejambe, tel un reflex inné. Les deux derrière se ruèrent sur moi pour me stopper et me frapper, mais j’esquivai habillement en me jetant sur le côté. Roulant à quelques mètres, je me relevai en vitesse et partie au pas de course loin de la bagarre. Bee était resté à côté du port pour aider le pécheur qui nous avait accompagnés, je n’avais donc pas l’avantage.
Je jetai un regard en arrière et remarquai alors que les deux brutes épaisses me suivaient de près. Ils étaient motivés à me faire la peau, tandis que plus loin, l’autre se roulait par terre en étant plié en deux, jurant avec une voix suraiguë. Mais c’était quoi ce bordel sur cette île ? On ne pouvait pas demander quelque chose sans se faire tabasser ? Je savais que celui qu’on appelait la Chèvre devait tremper dans des trafics illicites et dangereux, mais pas au point de m’attirer autant d’ennuis.
Je voulais me presser de rejoindre le port de l’île, mais avec mon sens de l’orientation, je m’étais d’ores et déjà perdue en tournant dans une rue. L’endroit était désert, je fonçai toujours en fuyant mes assaillants qui en voulait après moi. (C’est là que vous vous dites que je ne suis pas vraiment courageuse, et je ne peux que vous donnez raison.) Ils me rattrapaient progressivement, et moi, je courrais toujours le plus vite que je pouvais pour les semer. Rien à faire, ils étaient coriaces.

Je tournais dans une rue, puis dans une autre, manquai plusieurs fois de me casser la figure, mais c’est à une intersection, alors que je jetai un regard en arrière pour voir si j’avais réussi à me débarrasser de mes poursuivants que je me pris quelqu’un de plein fouet. Emportée dans mon élan et par ma vitesse, je ne ralentis pas et surtout, je fis une violente chute avec celui que je venais de bousculer. M’écrasant de tout mon long, un peu sonné, endoloris par l’impression de m’être pris un mur, j'étais "élégamment" allongée sur ma victime d'infortune. Reprenant un peu mes esprits, je ne pus m'empêcher de lui susurrer d'une voix pleine de charme et d'amour (ironie !) :

« Mais bordel de chien, poussez-vous du milieu !!!!
- La voilà !!!
- AH ! MERDE ! »

Ni pardon, ni merci pour l'inconnu que j'avais bousculé. Je tentai de me relever brusquement en m'appuyant sur ce que j'avais (c'est à dire le visage de l'homme sous moi), mais un bruit significatif m’empêcha de faire tout mouvement. Durant la chute, mon genou avait subi quelques dégâts et c’était purement et simplement démis. J’étouffai un cri de douleur, devenant aussi rouge qu’une tomate qui aurait passé trop de temps au soleil, les joues gonflées, les larmes qui me montaient aux yeux : j’étais parfaitement ridicule et pathétique. Dans un sacré merdier aussi.

Et surtout, je ne pouvais plus courir, et encore moins me défendre.

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    Ces derniers temps m’ennuyaient considérablement. Je n’avais plus gout à rien. Rien… Même le décolleté plongeant de ma lieutenante n’arrivait pas à m’ébranler comme d’habitude. Cette dernière qui avait bien senti la gravité de la chose –On parle d’un bonnet D quand même- et le cafard inhabituel auquel j’étais malheureusement proie, avait remué ciel et terre pour me revoir sourire. La sainte-nitouche qu’elle s’amusait à jouer, était même parti jusqu’à mettre un genre de mini qui laissait une agréable vue sur ses cuisses plantureuses, digne d’une callipyge comme je les aimais. Rien n’y fit. L’échec pour elle était cuisant. J’étais imperturbable, inébranlable et moi-même n’y comprenait rien. La dernière fois que j’avais sombré aussi lamentablement, ça remontait bien à la mort de ma pauvre épouse ; femme que j’eus aimé de tout mon corps, de tout mon cœur, de toute mon âme même. Et c’était loin ça… On aurait même pu penser qu’il s’agissait de sa mort qui me rendait aussi mou, mais c’était bien loin d’être la raison. La raison ? Je ne la connaissais pas moi-même. J’avais le blues pour sur. Et ça allait même jusqu’à m’irriter au point de raccrocher au nez à l’un de mes supérieurs. Le blâme ne tarda pas, bien évidemment. Et sans l’intervention de mon père, célébrissime vice-amiral, j’aurais certainement pas donné cher de ma peau…

    Ce mal qui me rongeait petit à petit, j’avais essayé de le guérir. Et ça a commencé par des grasses matinées. Mais encore une fois, rien à faire. Dormir n’arrangeait en rien mes soucis et bien au contraire même. Pour changer, je me mettais à travailler comme un forcené ce qui ne me ressemblait pas. Je remplissais la paperasse comme une secrétaire aguerri en la matière, mais là encore, quedal. Toujours le même problème qui revenait… Cet ennui qui me collait aux baskets, qui m’enlaçait et qui allait même jusqu’à m’embrasser de manière détestable. La paperasse autant que mes grasses matinées, je la fuyais bien vite. C’était innée aussi, alors bon… Le maire de la ville qui avait été informé de mon état par le biais de mes hommes –Les balances-, couru me soutenir. Son air joyeux malgré sa vieillesse m’extirpait depuis trois bonnes semaines, un sourire. Factice, cependant. Avais-je le cœur à être assisté ? Nan… Nan. Surtout pas par ce vieux qui -et je le pensais vraiment- avait mieux faire qu’essayer de me remonter le moral, à moi, un officier de pacotille. On m’aimait, certes, mais à ce moment précis, je ne m’estimais pas moi-même. Tout ce que je voulais, c’était crever… La seule solution, la plus probable à mes yeux. Mais encore que pour se donner la mort, il faut un certain courage, un certain cran…

    Chose que je n’avais certainement pas. De ce fait, le plan en lui-même était déjà rayé. Pas question de me donner la mort. Mes subordonnés n’accepteraient même pas de le faire. Et puis, je me voyais mal leur demander cette faveur. Assez mal, j’voulais pas en plus, baisser dans leur estime. J’étais doublement lâche, finalement... Pitoyable même… Je méritais bien de mourir, mais la faucheuse n’était pas encore décidée à me rendre visite. A croire que je m’étais marié à la poisse. Mon état ralentissait les activités de ma base. Elle stagnait à peine de vue puisque mon état se répercutait sur celui de mon effectif. Petite conclusion : Plus aucune ronde dans l’île ce qui, pendant un moment, favorisait de petits larcins, par ci par là. Les magouilles refaisaient surface. Shell-Town allait recommencer à pourrir si je ne bougeais pas le cul. Plus facile à dire qu’à faire. Moi qui allais de mal en pis, c’était déjà pas gagné. Je ne dormais pas, je ne mangeais pas… Je me détruisais. Lentement mais surement. Sur le coup, le mot « lopette » me correspondait bien. Jamais au grand jamais je n’étais tombé aussi bas. Ketsuno –Ma lieutenante- ne tenait plus en ma présence. Ses pleurs me taraudaient le cœur… Moi qui n’était plus que l’ombre de moi-même…

    Une petite lueur fit son apparition, gros synonyme d’espoir. Un beau jour, j’avais décidé de recommencer à manger et à revivre. Revivre pour moi n’était autre que le passage par la case sexe. Ce truc dont je m’étais privé pendant je ne sais combien de temps… Je sollicitais alors les prouesses de mes nombreuses maitresses parsemées un peu partout dans Shell. Mais aucune et je dis bien, aucune, n’aura réussi à me combler comme je l’espérais et comme il le fallait. Ne me décourageant trop pas, je me précipitais alors chez des prostituées, vous savez, les call-girls… Au diable ma renommée et ma popularité. Tout ce que je voulais, c’était remonter cette pente abrupte et peu importe les moyens. Je me perdais alors dans une série d’orgie mirobolante, mais tout ce que je pu récolter, c’était une bonne semaine clouée au lit. Mes reins avaient prit un sacré coup. De quoi m’faire toucher le fond grave. Jamais ma vie n’aura été si misérable, si médiocre. Ma berceuse qui n’était autre que la brise maritime de l’île, s’était transformée en lamentations. Ketsuno pleurait. Et moi aussi. Comme un gros bébé. Comme une grosse madeleine. Et parfois même dans les bras de mes hommes qui ne savaient plus à quel saint se vouer me concernant… Mais il me restait encore un moyen… Un seul…

    L’alcool… Ma petite descente aux enfers. Je buvais, je rebuvais et je rerebuvais. Saké et rhum étaient à l’ordre du jour. J’étais devenu méconnaissable. Très méconnaissable. Une fois même, on me retrouva complètement étendu dans une allée, bouche béante, bouteille d’alcool à la main gauche et yeux vitreux. Si le ridicule tuait, je crois bien que je serais mort à cet instant. Mais j’étais toujours vivant, toujours. On me ramena au bercail incognito, mais très vite, je récidivais encore et encore. A croire que cette mésaventure ne suffisait pas. J’aurais même pu être violent, très violent. Heureusement pour moi que quelques uns de mes hommes arrivaient à anticiper mes frasques, sans quoi… Mon comportement décevait. Mais qui pouvait oser remettre en questions la tutelle d’un homme aussi bon que moi ? Personne… Pas même le vieux maire. D’autant plus que mon grade de colonel et ma carrure de titan finissaient d’imposer le respect. C’est dans ces moments là que je regrettais un peu l’absence d’une femme dans cette vie de débauche que je menais. Avec Aisling, c’était complètement différent… Ouais… Elle, n’aurait pas hésité à me redresser les brettelles comme il le fallait… Que c’était bon, le temps d’avant… Que c’était bon… Une once de regret me pinça le cœur. Puis un soupir…

    […]

    On était un mardi de pleine nuit. La journée pour moi avait été relativement calme pour ne pas parler de la semaine. En effet, depuis ce petit laps de temps, je n’avais plus touché à une seule cigarette, à un seul verre d’alcool. J’étais redevenu on ne peu plus sobre, au grand plaisir de mes hommes même si le sourire n’était toujours pas au rendez-vous. Les optimistes diront qu’on ne presse pas le progrès et ils n’auront pas tort. Je refaisais surface. Lentement mais surement. Et cette mauvaise passe ne serait plus qu’un souvenir lointain… Bientôt… Très bientôt. Fort intérieurement, je le promettais à mes hommes et je me le promettais moi-même. Pour me revigorer, il m’arriva souvent durant la semaine de trainer dans les rues, tard le soir. Non pas pour découcher ou pour boire, non. Une jeune marche faisait toujours du bien, surtout au bord de la mer. Ca avait des effets thérapeutiques sur ma personne et je le sentais fort bien. Et puis, c’était toujours agréable de sentir la brise fraiche adoucir les traits de mon visage. Mwouaip. Ce soir là ne ferait donc pas exception… Mon cap était le port de Shell ; Shell qui faisait toute ma fierté quand bien même je n’étais pas natif de cette petite ville.

    Mais alors que j’arrivais à ce qui ressemblait à un carrefour, l’esprit un peu ailleurs et un doigt profondément planté dans l’une de mes narines que je curais grassement ; un objet non identifié me percuta de plein fouet, et ce en pleine obscurité quoi. Inutile de vous décrire la scène et la douleur qui me traversa tout le dos lorsque je rencontrais maladroitement la dureté du sol. Un gémissement allait s’extirper de mes lèvres, mais je sentis encore un truc s’effondrer sur moi. Décidemment hein ! Mais alors que je rassemblais tous mes esprits, histoire de comprendre ce qui m’arrivait et comment me tirer d’affaire, j’entendis une charmante voix féminine m’faire un reproche. Ben voyons… C’était qui trainait sur moi là ? Faut pas s’gêner, non mais ! J’allais répliquer, hein, j’allais répliquer. Mais seulement qu’une fois encore, une paume crasseuse prit appui sur mon faciès, refoulant ainsi toutes mes possibilités d’énoncer la moindre parole. La poussière, le sable que sais-je moi… s’enfoncèrent dans mes narines et mes yeux, me donnant une désagréable impression d’ensevelissement. Mais dans quel pétrin m’étais-je encore fourré ? Surtout qu’une voix d’homme et des pas de courses s’étaient fait sentir tout près… Fallait p’être que je réagisse… et très vite.

    Ni une, ni deux que j’empoignais solidement les hanches de la personne sur moi, avant de la faire basculer sur le côté avec toute la délicatesse du monde. Dans la pénombre, les formes –La poitrine, entre autre- que j’avais distinguée et le timbre de la voix m’affirmèrent qu’il s’agissait bel et bien d’une femme. Une femme en détresse. Une femme à secourir. Mon cœur fit un bond pendant que mon sang ne fit qu’un tour. D’un relevé carpé, je me redressais avant de m’épousseter pendant que les bruits de pas s’évanouissaient. Les nuages se dissipèrent… La lune fit office de projecteur. Non pas sur moi, mais sur les trois lascars arrêtés devant moi. Tous moches, y’a pas à dire. J’émis une grimace et me mit à sourire calmement, toujours dans l’obscurité. Ayant bien détaillé ma corpulence non négligeable –sans avoir pu clairement voir mon visage- l’petit crane d’œuf me somma de déguerpir d’ici si j’voulais pas de problèmes. Mon sourire s’agrandit. Quand y’a une meuf dans l’affaire, les problèmes, j’m’en bats les couilles. N’esquissant aucun geste, je leur fis comprendre calmement que je ne pourrais accéder à leur requête. De quoi mettre l’plus petit en rogne plus qu’il ne l’était déjà. Humph ! Ca devenait intéressant tout ça…

    L’un des gros gaillards -qui faisait sans aucun doute office de chien de garde- s’avança vers moi, l’air menaçant, craquant ses jointures dans un bruit affreusement sec. Ses nerfs qui palpitaient dangereusement sur ses tempes et ses yeux rougies par la colère faisaient vite d’effrayer. Mais question intimidation, j’ai connu mieux, faut l’dire. La seconde qui suivit, il se rua vers moi et me lança un poing. Lent. Très lent cependant. Je l’interceptai sans trop de problèmes avant de lui montrer ce que c’était, qu’un vrai coup de poing. Ma paluche s’écrasa sordidement sur son nez. Un cri de douleur déchira la scène. La chute. Il était out. Alors que je me redressais, ce fut au tour du deuxième de venir m’attaquer, hurlant à pleins poumons, tout comme le premier. Il était beaucoup plus coriace. Ces coups étaient vifs et nécessitait une série d’esquives que je m’attelais à exécuter. Un couteau qu’il sortit de sa poche, le coup qui allait avec. Le bâtard ! Il manqua mon œil gauche de très près. Par contre, il me fit une belle balafre. Bien. C’était son seul coup de réussi. Parce que dans son impulsion, je levais mon genou et atteignit son bide avec véhémence inouïe. Il n’eut même pas le temps de vomir sa gerbe sanguinolente que je me retournais sur moi-même avant de lui foutre un bon coup de pied. Projeté façon missile sur l’petit crane d’œuf ; leur compte était bon.

    • On bouge d’ici si tu veux bien.

    Sans perdre trop de temps et sans autres formes de procès, j’me saisis de la jeune fille qui avait eu tout le charme et tout le loisir de s’effondrer sur moi ; et la posa sur une de mes épaules, façon sac de patates. Elle n’avait pas à s’plaindre, j’venais de lui sauver la mise. Et puis, elle ne s’était pas excusée hein, alors, point de galanterie pour mademoiselle. Alors que je sentais l’un des mecs se relever, je disparaissais dans l’obscurité avec ma trouvaille. Le temps qu’ils se remettent de ma petite correction, j’suis déjà loin avec elle. Mais en fait… C’était qui elle, d’abord ? Et puis où partir… ? Et puis zut quoi. J’étais tellement occupé à penser que je n’écoutais rien autour de moi –Si elle brayait, c’était peine perdue-. J’passais une ruelle déserte, une deuxième, une troisième, puis débouchais sur un petit parc à deux pates cinq minutes plus tard. Là, je posais la mam’zelle sur un banc, avant de poser mes fesses à côté d’elle, lui portant un regard. Elle avait l’air bien amochée, elle. J’finissais par sourire doucement, avant d’élever doucement la voix, les yeux nouvellement portés vers le ciel joliment étoilé…

    • Un toit pour la nuit, ça te dirait ? Au point où on est, j’pense pas que tu as le choix. Et puis, c’était qui ces types… ?

    Quoi ?! Moi, tendancieux ? Noon… Pas sur ce coup là. Mais va savoir c’qu’elle va penser en fait…


Dernière édition par Alheïri S. Fenyang le Sam 24 Sep 2011 - 14:08, édité 1 fois
    Des soucis, dans ma vie, j’en avais eu. Ah oui, ça, j’en avais fait collection. Rien que sur l’île avec Papi Harry et Jerro. Les quatre cents coups, je pouvais me vanter de les avoir faits, je pouvais même dire que j’en avais plus que ça encore, et que les autres étaient de loin des petits joueurs. J’étais une casse-cou (une casse-couilles aussi, mais ça se passe de commentaire, n’est-ce pas ?) et on pouvait dire qu’avec ces bêtises, des os, je m’en étais brisée. Des côtes, des jambes, des bras, plusieurs fois, à la suite, en même temps... C’était aux nombres d’os en miette que je savais l’importance de ma bêtise.
    Des situations cocasses, j’en avais vécu aussi. Des belles, des vertes et des pas mûres ! Des trucs à vous en faire mal aux côtes tellement c’était grotesque parfois. Rien de bien méchant, juste de bien humiliant. En soit, une habitude que j’avais prise en compagnie de Bee (et son fameux fruit du canard) ou de Jerro. Mais il fallait avouer qu’ici, c’était le summum du n’importe quoi ! L’île de Shell Town réunissait une tapée de cas sociaux aussi désespéré les uns que les autres ! Et c’était peu dire, car sur moins de dix minutes, j’en avais rencontré au moins quatre !
    Trois qui en voulait à ma peau, un qui s’était fait lamentablement ramassé par une brindille fluette (et au vu de sa taille, de sa carrure, je n’avais pas dut y aller de main morte pour le faire tomber celui-là). La première impression n’était pas forcément bonne entre lui et moi, ça, carrément pas. Il était, pour moi, celui qui m’avait mis la tête sous l’eau alors que j’essayai de m’en sortir, l’abruti au milieu de la route, le rêveur de foutre bois qui n’était pas foutu de se pousser ! Pire : celui qui m’enfonçait un peu plus dans ce bourbier infernale et diabolique.

    Alors que j’étais là, allongée sur lui, du coton dans les oreilles et la tête qui tournait (encore sous l’effet de cette fabuleuse chute), je ne pouvais m’empêcher de l’injurier. S’il n’avait pas été là, me dis-je, je m’en serais beaucoup mieux sortie, j’aurais pu fuir jusqu’au port, j’aurais retrouvé Bee et là, j’aurais pu pleinement me défendre. Je le maudissais pour me mettre dans une situation aussi inconfortable : j’allai me faire tabasser, briser en deux, sans pouvoir spécialement me défendre contre ces guignols. Non content de me casser les os, il me couvrait de honte.
    Comment c’était possible de se faire avoir par des types comme eux ? Trois chauves, ridicules et moches, probablement très faibles et très bêtes, sous le joug d’un mec qui se fait appeler « la chèvre » (si c’est pas le pompon sur le gâteau ça ! Surtout quand on voit la tête qu’à une chèvre !), c’est bien le pire du pire dans la catégorie « honte de votre vie ». De quoi ne plus remettre un pied dehors avant une bonne centaine d’années au moins (et de s’enfermer dans un bunker enfoncé à trois-cent mètres de profondeur, avec des murs aussi épais qu’impénétrables).
    La douleur à ma jambe brouilla instantanément mes sens, me faisant chanceler légèrement lorsque je voulu reprendre appuie pour m’enfuir. Finalement, impossible d’aller ou que ce soit en l’état, je n’étais pas prête à prendre les jambes à mon coup. Il ne m’en fallut pas plus pour prier les dieux de m’apporter une aide quelconque. Et cette aide vint, mais pas sous la forme que je l’attendais. Non, au lieu de voir un éclair foudroyant tomber sur la tête des trois chauves, l’homme sous moi se contenta de me soulever et de me poser sur le côté en m’attrapant par les hanches solidement, se déblayant, s’époussetant avant de se relever simplement.

    Prestance et classe étaient de mise, il dégageait une aura rassurante et dangereuse, surprenante pour tout dire, loin d’être le « débile mal placé » que je m’imaginais à premier vue. Dans la pénombre, je détaillai sa silhouette, sa carrure imposante comme taillé en V, l’élancement et l’alignement de son corps... Ah, et j’avais fait tomber ce mec ? Et quoi ? il faisait clairement comprendre aux trois autres qu’il n’était pas question de s’en prendre à moi ? Sur le coup, je pris un peu ça comme une blague, me relevant à la force de mes bras pour éviter de faire souffrir mon genou, m’appuyant sur mon autre jambe.
    Une blague, certes, mais une blague vraiment surprenante. S’il était vraiment enclin à m’aider, pourquoi le faisait-il après la soufflante que je venais de lui mettre. J’avais été franchement désagréable, pour ne pas dire agressive, je l’avais littéralement foutu à terre (parce que c’était entièrement de ma faute, je ne regardais pas ou j’allai) et lui s’en aller contre vent et marais pour venir voler à mon secours. Bon, il avait la carrure pour tenir tête à ces trois gars, certes… C’était pourtant un revirement de situation on ne peut plus surprenant.
    La première montagne l’attaqua et je regardai comme captivé par une série télévisée. Me tenant au mur le plus proche, je remarquai alors la souplesse de ses déplacements et l’aisance de ses esquives. J’étais donc face à un combattant aguerri et confirmé (et au vu de sa « droiture » d’esprit (à première vue) un marine probablement). Il l’envoya valser plus loin en un coup, avant que le deuxième ne s’en prenne à lui. J’eu un sursaut lorsque le bonhomme sortit un couteau de sa poche pour l’attaquer. Il manqua de lui pocher un œil, l’entailla sérieusement, et se fit repousser plusieurs mètres plus loin sur son camarade gringalet.

    J’hallucinai. Purement et simplement. Et je n’aurais pas pu tomber mieux finalement pour me sortir de mes problèmes. En fait, ce gus était un peu une petite merveille trouvé au hasard. Mes yeux se mirent à pétiller d’une malice que l’on aurait su dire bonne ou mauvaise, de celle qui dise « contente que tout aille pour le mieux, hé hé hé hé ». J’étais réellement satisfaite. Et alors que j’étais aussi sur le point de le remercier, il prit la parole pour me sommer de changer de lieu. Ni une ni deux, sans me laisser le temps de répliquer quoique ce soit, il m’attrapa pour me mettre sur son épaule, dans la position dite du « sac à patate ». Ridicule au possible, en rajoutant une couche sur ma honte de la soirée. L’enfoiré !

    « Aie ! Mais Aiiiiie-euh ! Repose-moi par terre ! Je peux très bien marcher toute seule… … Bon d’accord je ne peux pas, mais pas besoin de me traiter comme une vulgaire patate ! C’est hyper vexant !... Gnnniiiii ! Tu m’écouuuutes ?! »

    Je tapais frénétiquement contre son dos pour qu’il me repose à terre, en me ménageant quand même pour éviter de lui faire trop mal (il m’avait tiré une sacré épine du pied quand même… Et puis non, à bien y réfléchir, s’il s’était pas foutu au milieu de la rue et s’il regardait ou il allait, j’aurais toujours mon genoux moi !). Qu’importait la force que j’y mettais, il ne semblait pas enclin à m’accorder un peu d’attention. Cela ne m’empêcha pas de continuer à parler encore et encore, suivant le rythme de ses pas aux rythmes de mes mots, en quête de son regard pour qu’il comprenne la douleur de ma position actuelle. Surtout qu’il avait sa main contre mon genou démis et que la posture que j’avais n’aidait en rien contre la douleur.
    Sûrement n’avait-il simplement pas remarqué. Nous arrivâmes rapidement dans un coin reculé et tranquille, à l’abri semblait-il. Il me posa sur le banc avant de s’asseoir à côté de moi. Il me regarda, regarda le ciel, fit un sourire, et me proposa délicatement un toit pour la nuit, comme si je n’avais pas le choix, pour me demander ensuite qui était ces gars.

    « Non mais t’es sérieux dans ta vie, toi ? »

    Je le regardai avec des yeux écarquillés, complètement surprise par ses déclarations. Je ne savais pas quelle partie de la phrase me choquait le plus : qu’il me propose un toit pour la nuit ou alors qu’il ne sache même pas pourquoi est-ce qu’il avait frappé ces types ?

    « Tu tapes sur des mecs que tu ne connais pas, alors que peut être que la fautive, c’est moi. T’es un peu un genre de super héros qui sauve la veuve et l’orphelin ! Bref, je ne vais pas te blâmer non plus… »

    Je marquai une pause. Ce n’était pas le moment de philosophé pour de faire une thérapie à ce gars. Pas le temps, ni l’envie de toute façon.

    « Merci de m’avoir aidé… »

    C’était court, concis et surtout, honnête. S’il n’avait pas été là, j’aurais sacrément mal fini. Et puis, je poursuivis, pour être sûre de mettre les choses au clair et sans ambiguïté :

    « Sinon, en vrai ne me passe pas encore les menottes, je n’étais pas la fautive hein ! J’étais juste à la recherche d’un gars et ils me sont tombé dessus… disons que l’histoire est compliquée mais qu’au final, ils ont eu pour ordre de m’éradiquer de la surface de la terre. Enfin, à part ça, pas besoin d’un toit. »

    Je le regardai avec des yeux perçant et un air assuré, malgré le fait que mon genou était en train de m’hurler de faire vite pour le remettre en place. Je remarquai alors la coupure qu’il avait à côté de l’œil, une belle balafre qui laisserait probablement une marque si on n’en prenait pas soin très rapidement.

    « Rha, et toi, tu vas pas rester comme ça ! »

    Je fouillais dans mon sac pour en sortir un mouchoir en papier ainsi qu’une petite bouteille d’eau oxygéné. Renversant le flacon sur le tissu, je plaquai ce dernier contre la blessure de mon « sauveur » après avoir lâcher :

    « Attention, ça va piquer. »

    Maintenant la pression quelques instants, j’attrapai ensuite sa main pour qu’il appuie lui-même sur sa plaie. J’allai quand même tout lui faire, il était assez grand pour se gérer tout seul. Je sortis de mon sac à dos un couteau et j’entrepris de couper la jambe de mon pantalon pour pouvoir enlever la pression autour de mon genou. Il me fallut bien trois minutes pour arriver à bout de mon jean sans entailler ma peau. Mon articulation était rougit et gonflé, douloureuse au touché. Je m’étais sacrément amochée avec cette chute, au point d’être probablement boiteuse pour la soirée et les jours à venir. Je n’avais, d’habitude, aucun mal pour me remettre les membres en place lorsqu’ils étaient simplement déboités, mais sur le coup, je ne voulais pas tenter l’expérience de m’en prendre à mon genou. Et puis, je n’étais pas sûre que c’était bien ça, parce que je n’osais pas bouger ma jambe. La douleur remontait jusqu’à mon ventre, irradiant la totalité de la jambe (du haut jusqu’à mon gros orteil), et j’appréhendai sérieusement le moment où je devrais bouger.

    « Par contre, le chemin jusqu’au port ne serait pas de refus. »

    Enfin, je disais ça, mais je n’étais même pas sûre de pouvoir y arriver en sautillant sur une jambe. J’allai tout de même pas squatter chez un type que je connaissais pas, hein.
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      • Il m’arrive d’être sérieux, ouais. Mais toi, tu sais c’que c’est que l’instinct ?

      Elle ne pouvait certainement pas comprendre et c’était bien normal. Tout ceci méritait quelques explications, mais j’avais trop la flemme, franchement. Les femmes, j’les respectais. Les femmes, j’les vénérais. Normal, vu comment j’avais été couvé par ma madre lors de mon enfance. Plus protectrice qu’elle, tu meurs très certainement. Et donc quand une femme est danger, j’ne peux que devenir un preux chevalier, fervent défenseur de la veuve et de l’orphelin comme elle l’avait si bien dit. L’idée en soi était foireuse, je sais. Mais j’étais comme ça et je ne changerais pas d’un poil de sitôt. Les signes ne m’avaient pas non plus trompé. Sa course folle, notre affreuse collision, ses multiples jurons à mon égard, des pas de courses qu’on entendait à loisir derrière, la voix d’homme menaçante qui s’en suivit... Tout ceci avait constitué des signaux d’alarmes qui m’avaient interpelé. Si les mecs avaient simplement passé leur chemin, rien ne serait certainement arrivé. Cependant, ils avaient eu l’malheur de me menacer, moi. Conclusion, j’en suis arrivé à la défendre sans même savoir ce qu’elle avait fait et dans quoi j’me trempais. Elle pouvait avoir effectué un mauvais acte, ouais ouais. Comme beaucoup d’autres femmes d’ailleurs. Mais ‘façon, j’étais bien placé et trop expérimenté pour savoir que tout se payait ici bas sur Terre. Les mystérieuses lois de la nature, j’vous jure.

      Un autre point était incontestablement indéniable. J’étais issu d’une longue et noble lignée de marine très respectée dans les rangs et dans la haute bourgeoisie. Pour faire simple, j’avais du sang de vrais combattants. J’étais un officier. Et quand t’es un marine, t’as forcement multiples responsabilités qui t’incombent. Parmi elles, porter assistance à personnes en danger. Oui oui… Tous les marines ne sont pas les mêmes, certes. Il y’en avait des véreux. Y’a qu’à voir le cas du capitaine Toji pour bien comprendre. Mais moi, j’étais bien loin de ce lot de crapules quoi. Je me respectais trop pour tomber aussi bas. Et donc, mes missions, je les effectuais dans la mesure du possible. Mes tâches, je les remplissais avec dévouement ; quand ma flemme légendaire n’venait pas tout gâcher. Mais ça encore, c’est une toute autre paire de manches. Dans l’histoire, j’n’avais pu que réagir, en auquel cas j’me faisais dézinguer, la fille certainement aussi. Dans tous les angles possibles, l’inverse était bien mieux. La preuve, était qu’on était toujours en vie. Et puis, je lui devais bien ça pour avoir interrompu sa course par mon manque d’attention. Ca s’trouve, p’être qu’elle aurait déjà quittée la ville. J’faisais bien de penser que c’était pas plus mal. Les types étaient hors courses et qui plus est, elle était sous ma sécurité. Ce qui n’était certainement pas donné à tout le monde…

      • Putain…

      Mais c’est qu’elle était une vraie pipelette, la gonzesse. Normal, normal. C’était une petite fille, hein. J’lui donnais pas plus de vingt-trois ans. Et puis à force, j’suivais tellement plus ce qu’elle pouvait bien me dire. J’avais la flemme de l’écouter. Comment ça, c’est pas crédible ?! Bon ok… C’est juste parce qu’elle m’faisait des reproches qui n’avaient lieu d’être. Ses dires sont pertinents, je lui accorde ça… Mais quand même quoi ! J’te sauve ton beau gros cul de sainte-nitouche et toi, tout c’que tu trouves à faire, c’est te plaindre. C’le pompon comme diraient certains. J’allais me lever. Ouais, j’allais m’lever de là. Mais elle se rattrapa vite fait bien fait en me remerciant. Comment que ça fait plaisir d’entendre ces quelques mots qui n’lui coutaient pas grand-chose. J’ai quand même été gentil dans l’histoire. Bien sur que j’aurais pu continuer mon chemin et la laisser dans la grosse merde, mais voilà, j’lavais défendu. C’est pas un rien quand même. Alors que j’allais tranquillement former un sourire naissant, elle enchaina avec quelque chose d’fort… désagréable ? « J’tai quand même pas sauvé pour te coffrer si ?! » Purée quoi… D’ailleurs, d’où elle m’sortait l’coup des menottes… ? Ah ouais… mon blouson blasonné de l’insigne de la marine. P’être que c’est ça. Parce que j’étais pas en uniforme là. Mais comme j’étais une personnalité bien connue dans les blues aussi…

      • AIIIIIIIIIEEEEE !

      Effectivement, ça faisait très mal, son truc. J’étais tellement encré dans mes pensées que j’lavais pas vu venir, la petite peste ! Moi, j’lui ai rien demandé d’abord. Putain, c’que ça fait chier ! Des larmes coulaient automatiquement de mes yeux pendant que la douleur se rependait dans toute ma joue, m’provoquant au passage un mal de tête horrible. C’est comme si on vous foutait du sel ou de l’eau de mer sur une plaie béante. Ma foi, ça fait très mal. Retirant automatiquement l’espèce de mouchoir imbibé d’son produit très fort haïssable, j’levais mon faciès vers le ciel et clignait des yeux plusieurs fois pour rétablir ma vue brouillée par les quelques larmes que je débitais involontairement. Le mouchoir, je le jetais juste après. Plus question de le réutiliser. C’est dans ces moments là que je regrettais l’infirmerie de ma base qui n’était pourtant pas si loin du parc qu’on squattait. Soupirant, j’essuyais mes larmes comme je pus avant de porter une main à ma chevelure noire de jais dans une nonchalance étudiée. Si j’voulais bien relativiser, j’trouverais le geste assez sympathique de sa part, mais voilà, ça piquait fort. Incessamment. Malgré ça, j’ne pus refouler le souvenir d’ma mère qui n’hésitait pas à verser de l’alcool sur mes blessures quand je revenais d’une escapade fort périlleuse. Enfin… Façon de parler quand on sait que les gamins peuvent parfois faire des choses insensées… Comme la demande de la jeune femme en fait…

      • Ils ne sont pas morts hein, mets toi bien ça dans le crane. C’est qu’une question de temps avant qu’ils ne recommencent à te traquer. Et puis avec un genou, j’te vois mal bouger. M’enfin, j’vais t’aider à atteindre le port.

      L’état de son genou, j’ne l’avais aperçu qu’après avoir arrêté de geindre inutilement. C’était pas beau à voir. Vraiment pas. Et dire que j’étais à l’origine de ça… Fallait donc que j’me rattrape encore une fois. Décollant enfin mon popotin du banc, je soulevais délicatement la jeune femme dans mes bras forts et vigoureux. J’aurais bien voulu la transporter sur mon dos, mais avec son genou, ça ne l’faisait tellement pas. Finalement, je la serrais légèrement contre mon torse et m’assurait que son genou ne prenait pas « gros » de la position. Oh putain ! Sa poitrine, matez-moi ça ! Ni trop grosse, ni trop petite… L’idéal en somme. J’lavais contemplé d’un œil furtif et assez salace. Si l’un de mes bras soutenait son dos, l’autre maintenait ses cuisses comme il le fallait. Plantureuse quand même. J’préférais pas imaginer son arrière-train ni même essayer de le soutenir par mes mains, en auquel cas j’passerais pour un grand pervers, tripoteur professionnel. L’état dans lequel elle était n’incitait pas non plus à la débauche même si en l’observant de plus près, j’me surprenais de n’être pas indifférent au brin de charme qu’elle avait. Elle était quand même canon la petite. Elle aurait pas eu mal au genou, j’aurais été on ne peut plus entreprenant pour arriver à mes fins. M’enfin. Faut dire qu’on était partis sur un mauvais pied aussi. Et tant qu’elle ne regagnait pas l’port, je sentais son humeur de loin…

      • On devrait arriver d’ici une dizaine de min… Hu… ?

      Si j’avais commencé à marcher et à lui parler, j’m’arrêtais vite fait. Quelque chose avait attiré mon attention. Quelque chose d’assez menaçant. Les nuages cachèrent l’astre lunaire encore une fois et le vent souffla plus fort. De l’ombre, sortaient plusieurs mecs avec toutes sortes d’armes blanches que je pus reconnaitre même dans l’obscurité. Simple coïncidence ou… ? ‘Fin, la question n’était pas si importante en soi. A entendre leurs rires moqueurs, ils n’étaient pas là pour faire ami-ami. L’un d’eux s’avança un peu plus. Je fis vite de le reconnaitre vu sa petite taille. Il avait vite récupéré, l’bougre ! Le plus étonnant était la rapidité à laquelle il nous avait retrouvés. Lorsque le ciel se dégagea un peu, son crane reluisait… Sa laideur pareillement. Une grosse ecchymose au front et l’œil gauche au beurre noir. J’avais pas fait dans la dentelle apparemment. M’enfin, passons. Maintenant, elle n’était pas seule mais nous étions bien deux personnes dans son collimateur. Vu comment il nous toisait, ça en avait tout l’air. Pour ma part, l’obscurité du soir et la barbe que j’avais laissé pousser dans mes moments les plus noirs n’aidaient pas à m’faire reconnaitre de ces gens. Ou p’être savaient-ils à qui ils avaient vraiment affaire. Dans tous les cas, leurs intentions étaient claires. Et moi, j’me sentais bien trop jeune encore pour clamser…

      • RENDS NOUS IMMÉDIATEMENT LA FILLE !!!

      • Et puis quoi encore ?!

      Ouuuuh ! La phrase qu’il n’fallait pas. Car d’un seul signal de sa main, ses imbéciles se ruèrent vers moi. Mais au même moment, quelques uns de mes hommes qui patrouillaient par là se mirent à siffler bruyamment avant de se ruer vers nous sans trop chercher à comprendre. Sans doute avaient-ils jugé le groupe assez suspect. Dans tous les cas, le capharnaüm était général. Les mecs qui voulaient nous buter rebroussèrent automatiquement chemin, avec à leur poursuite un bon nombre de mes hommes qui semblaient ne m’avoir pas aperçus. Car bien avant toute course, j’avais silencieusement usé de ma technique des pas de velours pour me fondre dans le décor avec ma protégée d’infortune. « Désolé, mais ta destination finale attendra un peu, l’temps que les choses se tassent ! » Après ma phrase, j’empruntais une ruelle que je connaissais bien je me mis à courir, survoler des barricades par des sauts vertigineux –Sans mettre le genou de madame en danger hein-, jusqu’à arriver devant une petite maisonnée quelques minutes plus tard. Vu mes mains occupées, je m’aidais de mes pieds et donnait plusieurs coups dans la vielle porte en bois qui nous faisait face et qui manquait de s’effondrer. De la maison, provenait un gros juron qui m’fit sourire. Elle était en forme apparemment. Dans un grincement sinistre, la porte s’ouvrit et lâcha une grosse odeur de légumes bouillonnants. De quoi m’filer la gerbe. Une vielle femme de petite taille fit alors son auguste apparition…

      Quelques minutes plus tard…

      • Mais puisque je te dis que j’ai pas fait exprès !!

      • Tu la fermes ! Ce n’est pas de cette façon qu’on traite une demoiselle dans tous les cas ! Et tu te dis marine, toi ! Va falloir te revoir, jeune Fenyang !

      • Heiiiinn... Non non… Pas çaaaaaaaaa…

      L’coup de canne qu’elle m’envoya habilement dans le vide m’arracha un râle de douleur avant que je ne m’effondre à même le sol. Comme d’habitude, cette vielle sorcière cognait fort. Très fort. En même temps, ça f’sait un bail que je ne l’avais pas revu. En gros, c’était un peu sa manière de m’le faire payer. Oh, elle ? Une vieille marine retraitée qui a bien connue mon grand père et mon père par la même occasion. Ma base lui envoyait sa pension de retraitée et il m’arrivait souvent de venir lui rendre visite, histoire de m’enquérir de son état de santé. Mais elle semblait toujours aussi rayonnante, elle. User de sa canne sans que j’puisse faire grand-chose, c’pas bénin. Quand à l’autre petite que je transportais, on l’avait foutu de force dans un divan avant que la vielle n’applique un simple baume de guérison sur son genou endoloris. Un vrai produit miracle. Dans une quinzaine de minutes au moins, on lui remettait l’genou en place, et c’était bon. Alors que la vielle Yukio repartait dans sa cuisine, j’me redressais avant de soupirer et m’appliquer un gel contre les blessures qu’elle m’avait jeté à la figure. Comment qu’elle me traite. Mais c’était pas grave. L’aide qu’elle nous apportait était très précieuse. Lorsque je finis d’appliquer l’onguent nauséabond, je me retournais vers la jeune fille que j’avais « sauvé », la mine un mi-hébétée, mi-désolée…

      • « Heu… Désolé… pour tout ça. Mais j’ai pas eu tellement le choix vu que tu n’voulais pas m’suivre à la base… Et puis, tu retrouveras l’usage de ton pied dans quelques moments… » Je soupirais une énième fois, véritablement désolé. Je redressais mon torse et m’adossait sur la bibliothèque pleine de bibelots derrière moi ; tout en prenant par la suite un air plus ou moins sérieux. « Ces hommes… Qui ils sont au juste ? Pourquoi ils veulent ta peau ? » Parce qu’à ce stade de l’affaire, j’avais quand même l’droit de savoir l’fond de l’histoire.

        « Tu connais pas l’humour, p’tite tête ?! Pas la peine de prendre mal tout ce que je dis ! Pète un coup et déstresse ! »

        Je pris une mine fâchée pour l’occasion, ponctué par mes poings sur les hanches pour marquer son manque d’humour. Ce n’était pas des reproches, même loin de là, juste des constatations. Et puis, si je l’emmerdais tant que ça à parler, je pouvais tout aussi bien me taire ! Là est le propre de l’homme : à se dire satisfait lorsqu’une fille se tait, mais lorsqu’elle ne dit plus rien, ça se plaint encore ! Ça ne sait pas c’que ça veut, ni ou ça va, mais alors jaser et critiquer, CA, ça sait ! Il me faisait de plus en plus penser à Jerro dans ses mauvais jours, ce qui avait le don de me taper sur le système. Ce que Jerro pouvait m’agaçait lorsqu’il manquait d’humour !
        C’est à ce moment que j’entrepris de sortir un mouchoir avec une solution désinfectante pour sa plaie au visage. J’appuyais le tissu sur sa blessure sans le ménager pour autant (un peu comme une douce vengeance sadique). Sa réaction fut immédiate : il se mit à hurler sa douleur au bout de quelques secondes. Ça piquait, hein ? Ce n’était pas de ma faute, je n’y pouvais rien (certes j’aurais pu être plus gentille et le préparer psychologiquement à endurer des petits picotements… mais nan). Je ne pu réprimer d’une voix mesquine :

        « Chochotte, hé hé hé… »

        Je le regardais se mettre à pleurer sous l’effet du produit que je venais de lui appliquer. Il me remercierait plus tard pour lui avoir sauvé son œil de toutes infections dangereuses (Siii tu me remercieras, siii !). J’affichai un sourire amusé, à la limite du sadique, en le fixant lever les yeux au ciel pour refouler ses larmes. C’était trop drôle, trop mignon. Un mec quoi ! Du genre à se rouler par terre en hurlant à la mort lorsqu’il se coupait un doigt avec une feuille, ou encore à gémir péniblement, comme aux portes de l’enfer, lorsqu’ils avaient un vilain rhume. En regardant mon genou amoché, je ne pouvais que rire de ses frasques avec sa petite égratignure à l’œil.
        C’est vrai que j’avais tendance à être beaucoup plus dur avec la souffrance physique des autres et de la trouver négligeable, au vu de ma propre expérience en la matière. Par jalousie, ou par envie, j’avais l’impression que leur douleur était dérisoire comparé à la mienne, et là s’affichait tout mon égoïsme et mon égocentrisme. D’un côté, je trouvais cela parfaitement obsolète et ridicule de pleurnicher pour si peu, d’un autre côté, j’aurais aimé pouvoir me plaindre d’une petite coupure et être de ce fait un peu plus comme les autres.
        Se fondre, s’accepter, ne plus être « la fille aux os fragiles ». Se rapprocher de la normalité. C’était bien un de mes rêves les plus chers, un de ceux qui ne se réaliseront jamais. Ce n’était la faute à personne, et c’était bien ça le pire dans mon histoire. Chassant mes mauvaises pensées d’un geste dans mes cheveux, j’écoutais l’homme parlait (soulignant des faits que je savais déjà, au passage. Ouais, il n’avait pas tué ces gars, ouais, j’étais toujours dans la panade s’ils me retrouvaient) et une chose dans ses paroles me tira un sourire soulagé : Il acceptait de me conduire jusqu’au port.

        « C’est vrai ? C’est gentil ! Bee doit être inquiet ! A partir du moment où je serais avec lui, tu n’auras plus de soucis à te faire et je te laisserais tranquille, promis ! »

        Mes yeux pétillaient d’une malice délicieuse d’enfant à qui l’on venait d’amener du chocolat de pâques. Encore une fois, il faisait preuve d’une gentillesse qui me faisait chaud au cœur, et je me mis déjà à réfléchir à comment le remercier de ses bons et loyaux services. Vu que j’étais sur l’île encore pour quelques jours, j’étais prête à lui fabriquer un cadeau ou de lui rendre la pareille à l’occasion. Qu’est-ce qui lui ferait plaisir ? Quelque chose d’utile ? Réfléchissons… (à vous dire la vérité, je n’avais pas la moindre idée pour le remercier).
        En tout cas, ça devrait sacrément le soulager de ne plus avoir à s’occuper de moi. Non pas que j’étais encombrante et franchement désagréable (bon, d’accord, si je l’étais !), mais fallait avouer que j’avais ma petite personnalité et que je n’étais pas très facile à vivre. C’était ce qui faisait aussi mon charme parfois : ça plaisait les filles de caractère (pas tout le temps, certes, mais quand même un peu !) ! Je me laissais simplement plus faire, j’essayai tout du moins d’être un peu moins naïve. Faut dire qu’à se prendre des claques dans la gueule quotidiennement et de servir de défouloir, ça vous forge une personnalité haute en couleur. J’avais juste choisi d’être libre, dans ma tête, comme dans mon corps… et le résultat était parfois concluant.
        Il se leva du banc et m’attrapa, passant un bras dans mon dos, un autre sous mes genoux, en prenant bien soin de ne pas faire mal à celui déjà dans un sal état. Je notais le soin qu’il prenait pour me porter. L’aidant un peu, je passai mon bras autour de son cou pour mieux me tenir à lui pour lui laisser une meilleure prise. C’est fou ce qu’il était grand. Bon, j’avais l’habitude d’être en hauteur avec Bee, qui frôlait presque les quatre mètres de hauteur, mais pour un homme, ça surprenait toujours. Je faisais limite naine à côté de lui.

        J’étais impatiente de pouvoir regagner le port et de retrouver Bee. Même si Bee n’était qu’un robot avec le fruit du démon du canard, il était aussi mon meilleur ami et mon compagnon de route, et à côté de lui, j’étais prête et capable de faire n’importe quoi ! Je pourrais me soigner correctement et me remettre d’aplomb, et il pourrait me protéger si les trois lascars revenaient à la charge. Le quitter une journée était possible, plus d’une journée était pour l’un comme pour l’autre un déchirement. Il était tout ce qu’il me restait… Il était celui qui me maintenait encore debout.
        Mon sauveur rencontrerait Bee, et quand mon robot le verrait, il le remercierait probablement de m’avoir sauvé la vie. J’avais aussi hâte de pouvoir soulager ma douleur, ça allait de soi ! J’avais l’impression qu’on m’enfonçait des épines dans le genou, ou des aiguilles entières, en s’amusant à les bouger comme pour gratter le cartilage de mon os… C’était par vague : un instant insoutenable, un autre ou je pouvais oublier la douleur… Oui mais voilà, certain n’était pas d’accord avec ça et préférait de loin continuer à me voir souffrir. Les trois gus, le retour !
        Pour la suite, je ne saurais vous dire ce qu’il s’est vraiment passé, tout ce que je sais, c’est que le petit chauve nous avait retrouvé, qu’il demandait après moi, que l’autre refusa de me rendre, m’être retrouvé embarqué dans une ruelle, entendre des hurlements, des bruits de pas et de fuite, me tenir fermement au gars qui me portait (et dont je ne connaissais pas le nom) avec des yeux ronds à me demander ce qu’il pouvait bien se tramer ! J’y comprenais plus rien, je me disais juste qu’on était dans un sacré merdier.

        Tout ce que je savais, c’est qu’on n’allait pas vers le port parce que c’était trop dangereux et qu’on me cherchait encore. Donc, mes retrouvailles avec Bee devraient attendre ! Il allait sacrément s’inquiéter. Je ne pus m’empêcher de me mettre à râler, priant mon porteur de me conduire quand même au port, malgré la menace qui régnait, et que là-bas, on serait en sécurité. Il ne m’écouta pas et me mena jusqu’à une jolie bâtisse, là ou une vieille femme nous ouvrit. Il me porta jusqu’au divan où je m’affalai telle une truite vidée de ses boyaux (sexy, hein ?), soupirant bruyamment.
        J’en oubliai presque mon genou, qui fit des siennes pour me rappeler qu’il existait. Le plus cocasse vint lorsqu’il se fit ouvertement engueulé puis frapper par l’hôte des lieux : elle lui flanqua une correction qui me fit exploser de rire. Elle avait un sacré caractère, ainsi qu’une sacré canne qui faisait de sacré bleus ! Elle vint s’occuper de moi en se plaignant toujours de l’ignoble personnage qu’elle avait terrassé quelques instants avant, trouvant parfaitement déplacé le comportement qu’il avait eu à mon encontre « quand même, faire du mal à une jeune fille » ! Je m’empressai de lui glisser quelques mots :

        « Vous savez, c’est vraiment pas de sa faute ! … Non pas que c’est déplaisant de vous voir le frapper, mais il a fait une bonne action quand même ! »

        Elle me fit un clin d’œil complice. Je lâchai un petit sourire tandis qu’elle retourna à ses fourneaux. L’homme vint vers moi après s’être remis d’aplomb. Je me redressai sur mon divan pour lui faire face : Il s’excusa pour le désordre occasionné, prétextant qu’il n’avait pas le choix pour me conduire ici puisque je ne voulais pas venir le suivre à la base…

        « Ah bah dis-donc, tu ne perds pas le nord, toi… »

        Je fronçai un sourcil : alors il voulait absolument me conduire à la base ? Y’avait quoi là-bas ? Des chapeaux qui faisaient un numéro de cirque ? Et puis, je n’étais qu’une simple civile, pas la peine de faire tout ça pour moi : je savais très bien me débrouiller seule. Un peu d’aide pour remettre le genou dans son axe suffisait amplement (et puis une canne pour boiter un peu pour les semaines à venir, et ça irait largement.) Je me demandais s’il prenait autant soin des gens qu’il bousculait ou qu’il trouvait dans les rues…

        « Et puis… C’est mes affaires. »

        Je détournai le regard, un peu honteuse. Il était en effet de la marine, il connaissait donc les gens sur l’île et leurs réputations. Si je devais vraiment lui expliquer le fin fond de l’histoire, comment pourrais-je lui dire que je recherchai un gars pas fréquentable ? Il allait me prendre pour une criminelle, soit accomplie, soit en devenir, et ça allait barder pour moi. Bien sûr, je lui devais la vérité : après tout, il s’était mis en danger pour moi et m’avait amené jusqu’ici. Tournant légèrement les yeux vers lui pour croiser son air sérieux et impassible, je rougis :

        « Oui bon, d’accord… Je suis à la recherche d’un gars qui vit ici, et c’n’est pas le genre de personne qu’on présente à ses parents, si tu vois c’que j’veux dire ; il a des sbires pour l’aider (les trois gus qu’on a à nos trousses), mais tu dois sûrement le connaitre. La Chèvre, c’est comme ça qu’on l’appelle dans le milieu. »

        Le milieu… on a plus l’impression que je parle plus d’une mafia que d’un ingénieur. Mais il devait le connaitre, au moins de nom. Si la Chèvre n’était pas forcément un briguant ou un pillard, il avait sa notoriété dans son domaine, ainsi que son caractère qui avait fait des vagues dans le coin.

        « J’n’vais pas te mentir, ce qui m’intéresse, c’est ses connaissances : il est l’un des meilleurs ingénieurs de la région d’East Blue, et je veux apprendre auprès de lui. Des pros comme lui, y’en a pas des masses : c’est un virtuose ! Simplement, le gars n’est pas commode comme tu as pu le constater et il m’n’a pas à la bonne. »

        Inutile de souligner que c’était à cause de mes fréquentations passés et de mon père adoptif, qu’il détestait par-dessus tout. Impossible de savoir ce que Yumen avait bien pu lui faire, mais ça me foutait dans un sacré embarras.

        « L’histoire a juste un peu dégénéré, c’est clair. Je ne pensais pas que ça prendrait de telles proportions. Désolée de t’avoir foutu là-dedans… Désolée… »

        Je fis une moue boudeuse en le regardant avec des yeux brillant pour me faire pardonner. Pas sûre qu’il m’en veuille vraiment pour ce que j’avais fait, vu que ce n’était pas vraiment de ma faute, mais au moins, j’avais la conscience tranquille s’il n’avait pas de rancœur après moi.

        « J’ai pas envie de lâcher l’affaire : on m’a dit qu’il tenait par écrit tous ses tests, et j’ai bien l’intention d’en prendre connaissance s’il ne me veut pas comme élève ! J’irai avec Bee, ça sera plus prudent… »

        Je parlais comme pour moi-même, n’ayant d’adresse à personne. S’il m’écoutait toujours, il ne devait pas forcément comprendre, mais je n’en avais rien à faire. Mes pensées se portèrent sur Bee et je réagis au quart de tour :

        « Oh Bee ! Je suis désolée, je ne pense pas que j’vais rester ici plus longtemps, on m’attend toujours au port ! »

        Je voulus me lever comme une furie, mais je fus vite remis sur le divan par la vieille qui habitait les lieux. Elle me tenait par les épaules et me souffla de rester tranquille, qu’elle allait s’occuper de mon cas. D’un côté, tant mieux, j’étais impatiente de pouvoir marcher à nouveau, même en boitant un peu. Elle descendit à mon genou et le regarda, le touchant un peu pour voir comment l’os s’était enlevé de son axe et comment le remettre. Ses palpations étaient douloureuses et m’arrachaient quelques grimaces. Je baissai la tête, laissant ma longue chevelure brune tombait devant mon visage pour cacher mes mimiques aux yeux des autres. Je n’avais pas franchement envie qu’on me regarde dans cette état.

        CRAC.

        « Voilà, c’est fait. »

        Un bruit significatif perça le silence, puis un hurlement s’en suivit (si avec ça, j’avais pas réveillé les voisins, le quartier et attiré les méchants, c’est que c’était fort). La douleur irradiait mon genou, elle m’avait complètement prise au dépourvu. C’était vif, puissant, pénible au point de me donner envie de vomir. Mes mains qui tenaient le divan s’enfoncèrent dedans, les ongles plantaient. Je me recouchai en reprenant ma respiration. Les larmes me montaient aux yeux mais je me remis très vite d’aplomb en me relevant.

        « Bien sûr, tu vas pas aller gambader tout de suite. »

        Elle se frotta les mains et retourna dans sa cuisine en nous laissant là, lui, ma douleur et moi, avec un sourire que je trouvais étrangement sadique. Je m'adossai, puis pris appuie sur mes jambes difficilement, prenant soin de ne pas mettre mon poids sur mon genou encore endoloris. Je fis quelque pas en trottinant vers la sortie. Puis je levai les yeux vers mon sauveur en ravalant mes larmes, les joues rouges et les lèvres tremblantes, formant un mélange étrangement grotesque quoiqu'attendrissant.

        « Je dois retourner au port quand même, Bee va s’inquiéter… Mais je ne me sens pas de marcher toute seule… Ça te dérangerait de m’accompagner et de me dire ton nom ? »

        [J'espère que ça t'ira, si y'a quelque chose à revoir dis moi ! :3]

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        • Et puis… C’est mes affaires.

        Eh bah voilà, on y retourne ! A force, j’commençais à me familiariser à son comportement vache. Elle ne m’étonnait presque plus la petite. Ca m’énervait un peu d’me faire remballer comme ça, mais bon, p’être avait-elle de très bonnes raisons d’ne rien m’dire. C’était son choix et je n’allais pas la forcer à cracher le morceau. L’idée qu’elle puisse être une fugitive qui me cachait ses méfaits n’me frôlait du tout pas l’esprit. Quand bien même l’apparence était parfois trompeuse, j’me cantonnais à l’idée selon laquelle cette jeune femme n’pouvait pas faire de mal à une seule mouche -Façon de parler hein-. Par contre, sa précipitation à éviter mon regard n’était pas passée inaperçue à l’attention minutieuse que je lui accordais. Ma question et son refus de me raconter tout ce qui se tramait provoquaient un certain malaise. Malaise un peu partagé. Si elle semblait culpabiliser d’être aussi cinglante avec moi, j’m’en voulais de la forcer un peu à tout m’dévoiler. Comme elle m’l’avait si bien dit, c’était ses affaires, pas les miennes. J’avais beau vouloir le bonheur des gens et tout, mais il m’fallait penser aussi à mon cul. Ce que je devrais faire actuellement. De toute façon, il ne me restait plus qu’à l’envoyer au port et l’affaire était terminé de mon côté. Cela n’serait pas bien dur. Le tout était maintenant d’attendre que son genou s’rétablisse un peu et le feu vert de la mamie. Telle que je connaissais cette vielle sorcière…

        Hu… ? Qu’est ce qu’elle m’faisait là ? C’était des rougissements ? La culpabilité la rongerait-elle à ce point ? Peut être bien. En tout cas pour ma part, je n’avais pas arrêté de la fixer attentivement -Ses seins, surtout-. J’écarquillais légèrement les yeux lorsqu’elle daigna revenir sur ses paroles en essayant de m’expliquer un peu tout le problème. Pleine de surprises cette fille ! Un coup blanc, un coup noir. Fallait choisir, hein. Elle était bien trop versatile. Mais la situation n’arrangeait en rien son comportement et j’essayais de la comprendre un minimum quand même. Parce que ouais, c’était pas non plus facile de se savoir dans le collimateur d’un gang qui nous voulait six pieds sous terre. En y repensant, j’crois vivre ça quotidiennement, moi. Les pirates voulaient ma peau. Exceptionnellement les bretteurs. Car depuis que j’avais bousillé deux pointures de l’escrime au niveau de la piraterie, les bretteurs ne cessaient d’accoster l’île pour me défier. La plupart n’étaient que du menu fretin, n’arrivant même pas à la cheville d’un de mes caporaux. Mais j’appréhendais quand même le jour où je devrais me frotter à un bretteur plus fort et plus expérimenté que moi. L’honneur serait de mise. Mais la peur également. Tout comme cette peur qui avait animé la jeune femme lorsqu’elle fuyait les trois lascars que j’avais vite fait de régler correctement…

        Elle parla, elle parla. D’un homme qu’elle était sensée rechercher et qui lui, voulait tout simplement la buter. Buter une aussi belle jeune fleur… ? C’était à la fois inhumain et con. Qui plus est, on l’surnommait la chèvre dans ledit milieu… De quoi renforcer mon impression sur la personne. La chèvre quooooiiiiii... Sur le coup, j’avais seulement formé un rictus et me forçait à ne pas éclater de rire tellement c’était pitoyable comme surnom, vraiment. Comment on pouvait s’laisser surnommer la chèvre ? Et il est ingénieur naval dans tout ça, d’après c’que je comprenais ? La vache quoi ! Une chèvre, c’est tout sauf sagace, allons bon ! M’enfin… Là n’était pas le plus important hein. Ce qui importait le plus, c’était que je continue à suivre ses dires avec le plus de sérieux possible. Ce que je m’efforçai de faire avec toute la foi d’un homme pleinement sincère. Au fur et à mesure que les secondes s’égrenaient, j’commençais à capter l’affaire de mieux en mieux… A ma façon parce qu’elle ne rentrait pas vraiment dans les détails comme il le faudrait. Certaines infos manquaient de consistances. De plus, il me semblait bien que j’avais loupé un épisode dans toute l’histoire. Parce que franchement, il devait y avoir une bonne raison pour que « la chèvre » cherche tant à en finir avec sa vie. Un gros point d’ombre qui m’gênait toujours…

        • Alheïri Salem Fenyang. Mais tu peux m’appeler Salem, tout court. Et puis j’vais pas revenir sur mes paroles. Tu sembles consciente de c’que tu fais et de ce que tu veux, alors bon…

        Oh ? Son moment d’agonie ? Il ne m’avait trop rien dit. Certes, je compatissais pour son genou, mais cette vielle pie m’avait tellement habitué à ce genre de choses lorsque je venais lui rendre visite que j’en restais presqu’insensible. Même pour une si belle femme. Et pour une fois que c’était pas moi qui en faisait les frais, j’avais complètement fermé ma bouche et l’avait observé se tortiller de douleurs sur elle-même. La vielle n’y allait pas d’main morte. Comprenez pourquoi j’venais quasiment jamais lui rendre visite. Elle me bousillait tellement que je me disais bien qu’elle serait un jour capable d’me tuer. D’ailleurs, elle était revenue me taper avec le bout de sa canne histoire que je me bouge le fion. Le bois s’enfonça bien profond dans ma côte gauche et j’eus un mal de chien. J’me relevais automatiquement et voulut pousser un juron bien gras, mais le regard de la vielle m’en dissuada absolument. A la place, j’lui fis un sourire factice avant de la voir me lorgner et se diriger rapidement dans une pièce. Alors que je soupirais en massant mon flanc victime d’un élan de sadisme du à la décrépitude de Yukio ; cette dernière revient rapidement vers nous avant de me tendre un fourreau. Un katana… ? Merveille ! Elle était trop… trop…

        • Me remercie pas, pauvre abruti ! J’le fais pour la fille, certainement pas pour toi. Elle m’a l’air bien, contrairement à certains. J’sais pas trop ce qui se passe dans votre histoire louche, mais t’as intérêt à protéger le moindre de ses cheveux. Me suis-je bien fait comprendre, minus ? Ah… J’oubliais. J’veux mon katana intact. C’est de la pacotille, mais j’y tiens ! Ca s’brise, j’te brise aussi !


        Ça avait le mérite d’être clair quand même. J’devais normalement déglutir. Normalement je dis bien. Mais je n’avais fait que sourire tout en accrochant le fourreau à ma taille, tel un vétéran en matière d’escrime. Elle savait mieux que quiconque ce qui m’arrangeait ou non dans un combat. Et par ce prêt, elle avait vu juste. A croire que son sang de marine ne la lâchait pas. Le katana était ce qui m’allait le plus. Mon arme de prédilection que j’allais mettre au service de cette belle donzelle pour faire son bonheur. Si c’est pas romantique d’ma part ça… (*-*) Je finis par soulever celle-ci dans mes bras en m’appliquant à éviter de brusquer son genou touché tel un amant dévoué. Son rétablissement était plus que nécessaire. La porte grinça une énième fois et l’air frais de Shell vint à s’engouffrer malicieusement dans la maison, adoucissant mes traits plus qu’ils ne l’étaient déjà. J’étais assez confiant. Très confiant même. Maintenant que j’avais un atout qui faisait ma renommée aux quatre coins des blues, il n’était plus tellement questions de fuir. Qu’ils soient dix ou mil, je les attendais de pieds fermes. Après avoir avancé et sachant pertinemment que Yukio n’aimait pas les remerciements, je lui fis un simple signe de tête et m’enfonçait dans les rues obscures de la ville sous ma juridiction…

        • J’voulais pas trop t’importuner devant la vielle mais…

        Je marquais une pause, avant de m’aventurer dans une petite ruelle sombre où l’on pouvait entendre le concert gratuit donné par des clébards qui s’étaient passé le mot pour aboyer. Mes yeux détaillaient chaque parcelle du chemin que j’empruntais. Bien qu’étant maintenant armé d’une épée, je n’avais pas non plus l’envie de provoquer duel de mon propre chef ou tomber dans une embuscade. Après m’être complètement rassuré de l’absence d’une quelconque présence malveillante, je me remettais à remarcher normalement en tenant toujours la mam’zelle confortablement calée contre moi. Elle ne pouvait pas demander mieux, vraiment. D’ailleurs, plus je la regardais et plus j’avais l’impression de voir ma mère. Ladite impression m’arracha un violent rougissement avant que je ne tourne mon visage. Je soupirais imperceptiblement en niant en moi-même le petit relâchement que j’avais eu ; l’mettant sur le compte de la brise nocturne et effective. Parce qu’effectivement, il caillait très fort. J’voulus reprendre la parole pour chasser les nouvelles idées qui germaient dans mon esprit quand j’entendis soudain des voix et des bruits de pas. Tournant mon visage vers la gauche, je vis un couloir étroit et m’y dirigeait pour nous planquer. C’pas que je devenais paranoïaque, mais j’avais une blessée à protéger et ne disait-on pas que prudence est mère de sureté… ?

        • Cherchez les ! La fille n’doit pas nous échapper ! Elle ne doit pas être bien loin !

        Comment que mon intuition était bonne. Ainsi, ils avaient repris les investigations… Putain ! Que faisaient mes hommes ?! Peut être n’avaient-ils rattrapés que quelques uns seulement… Dans tous les cas, ça l’foutait très mal. Parce que la phrase dont j’eus ouïe en disait long. On la recherchait encore. Le dos contre le mur et les mains crispées sur les membres de ma protégée, j’observais la ruelle investie d’un nombre conséquent d’hommes armés. Pour une seule personne, ça faisait quand même exagérée. Surtout pour une femme. « T’es vraiment recherchée toi. On croirait la marine poursuivant un pirate… » A leur tête, je reconnus sans peine l’un des malabars que j’avais réglé… L’premier, j’crois. On sentait de loin sa colère et son envie d’me rectifier le portrait. L’image me fit pouffer de rire. Je m’étais embarqué dans une sacrée histoire que je commençais à assimiler à une partie de cache-cache sans pour autant oublier les enjeux qui en découlaient. Sans vraisemblablement m’en rendre compte, je m’investissais à fond dedans. Une fois les hommes un peu plus loin devant, je portais tout d’abord un regard affectueux à celle que je tenais avant de reprendre notre parcours initial. Je me hâtais de quitter la rue au pas de course, de peur qu’un des hommes de la chèvre ne nous retrouve et pour maximiser les chances de rejoindre l’fameux port sans avoir à dégainer le sabre.

        • J’reviens à ce que je voulais te dire… C’pas que je veuille t’importuner, mais t’as beau eu me raconter le plus gros de tes péripéties, ça n’m’expliques en rien la raison de la Chèvre à vouloir te buter. Tu lui as posé un lapin ? T’as déjà foutue un de ses projets à l’eau ? J’sais j’sais… Ce sont pas mes affaires ! Mais mobiliser tout un gang juste pour avoir ta peau… T’es d’accord avec moi que c’est pas normal… M’en parles pas si tu ne veux toujours pas. J’pas te forcer à… Oh… On est arrivés à bon port apparemment… ♪

        Chantonnant presque sur la phrase de la fin, j’étais arrivé au port sans trop m’en rendre compte. C’est dans ce genre de circonstances que je me rendais compte que je courrais assez vite. Et c’était pas plus mal. Comme la logique le veut, l’port était complètement désert et aucun bateau ne signalait sa présence à l’horizon. Un petit bip se fit entendre. Ma montre sonnait minuit. Si tard ? Et ben ouaip ! L’temps de ma promenade, d’me cogner à cette fille, d’la sauver, de l’emmener dans un parc, de la sauver une deuxième fois suite à l’intervention inopinée de mes hommes, d’la conduire chez la vielle sorcière et d’arriver ici… On en avait fait, du temps ensemble. Je commençais à m’habituer à elle, à sa présence, au fait même de la protéger. Galant malgré moi-même. Voyez-vous ça ! M’enfin… C’était bien beau, l’bilan, mais fallait aussi qu’on retrouve celui qu’elle appelait « Bee ». Son amoureux apparemment. Mon cœur se serra à la pensée du chanceux… Hohé hohé… Qu’est ce que je raconte moi ?! C’était quand même pas mon genre d’envier la femme d’un homme avec toutes les maitresses aux formes plantureuses que j’avais. Putain quoi… Faudrait que je me revois moi…Secouant frénétiquement ma tête de gauche à droite sans raisons apparentes, j’finissais par soupirer avant de me diriger vers le mur d’une grande bâtisse. Maintenant qu’on était à destination, c’était à mademoiselle d’appeler ou de retrouver son fameux « Bee ».

        • On fait quoi maintenant ?
          Alheïri Salem Fenyang. J’avais un nom à mettre sur ce visage. Un visage que je pris la peine de détailler un peu plus maintenant que je pouvais le voir, la lumière me permettait de le fixer, de le parcourir dans son entièreté. Il avait un faciès particulier, charmant, bien fait, de ceux que l’on reconnait entre mille dans une foule de gens. Des traits fins, des yeux sombres, des cernes pour marqués leurs contours. Il exprimait des tas de sentiments et de sensations. Expressif, parfois sans l’être. Complexe dans son intégralité.
          Il était de ce genre de regard qui vous mette mal à l’aise, ou parfois trop à l’aise, de ceux que beaucoup trouve froid et fermé, de ceux que moi j’avais appris à décrypter avec le temps et l’expérience. Sa barbe mal rasée lui donnait un air plus « humain », et loin de là l’idée de lui dire qu’il ne l’était pas. Au contraire, je le sentais plus Homme qu’il ne pouvait le percevoir, du genre à savoir ses faiblesses et à les assumer, peut-être à les revendiquer. Comme chacun, rempli de vices. Simplement de ceux qui le savent, et qui les vivent.
          Que pouvais-je dire d’autre ? Alheïri était un bel homme, grand et musclé, sa carrure semblait comme sculptée dans de la roche, parfaite et symétrique, gravée par l’entrainement qu’il avait dû subir. De par les évènements, il me semblait sympathique, à aider son prochain sans avoir d’explication valable. Et au vu de notre courte conversation, il m’apparaissait comme quelqu’un qui aimait les femmes (plus que le reste du monde). Peut-être trop ? J’eus un petit sourire en pensant à cette théorie, préférant la garder pour moi.

          Il m’écoutait, il me fixait, depuis le début de notre conversation, sans lâcher mon regard lorsque je daignai lui adresser la parole et lui expliquer la situation. Il avait un regard perçant et gênant, à un tel point que j’avais l’impression qu’il pouvait lire en moi. Son regard me brulait plus qu’autre chose, pour dire comment je le ressentais. Je voyais en lui des comportements que j’avais déjà vu ailleurs, parmi mes proches surtout. Ça me déstabilisait, énormément. A un tel point que je préférai détourner les yeux.
          J’étais sérieuse, je parlais avec une rigueur, une intégrité qu’on ne me connaissait pas depuis le début de notre rencontre incongrue. Je m’armai habituellement d’humour et de cynisme pour lui adresser la parole, et là, j’étais vêtu d’un habit de vrai et de réflexion. Je voulais une solution à mon problème épineux, moi qui étais aujourd’hui le gibier de chasseurs. Et je voulais que cette solution soit dans mon problème. Profondément optimiste quant à la résolution de l’histoire, n’est-ce pas ?
          Pour moi, Bee pouvait à lui seul éradiquer le danger et les difficultés de sa simple présence. En étant auprès de moi, les autres arrêteraient simplement de me chasser, et sans doute piqué d’intérêt pour le robot qu’il était, l’œuvre et la conclusion de plusieurs années de travail acharné, il ne douterait plus de mon application à vouloir apprendre, comprendrait l’histoire que j’avais vécu (parce que j’avais volé l’œuvre à son créateur, à bien y réfléchir), et me donnerait probablement ce que je désirais par-dessus tout… Apprendre.

          « Enchanté Alh’. Je m’appelle Lilou. »

          Présentation faite et conclue. Nous pouvions partir du bon pied maintenant ? Parce qu’à bien y regarder, nous n’étions pas forcément très sympathique l’un envers l’autre. Depuis notre rencontre brusque, notre chute douloureuse, les évènements... En réalité, nous restions l’un avec l’autre simplement à cause de mon genou (et le fait que j’étais une fille aussi, mais bon, passons) et des quelques ennuis dans lesquels nous étions impliqués. Mais à dire la vérité, dans d’autre circonstance, sûrement n’aurions-nous même pas daigné nous regarder…
          C’était bien la dure réalité : il ne semblait rien avoir à m’apprendre, moi rien à lui apporter de particulier, mise à part des ennuis à la pelle. Dans d’autres circonstances, sûrement nous serions nous purement et simplement détesté, peut-être même ignoré. C’était comme si la douleur rapprochait, tout comme les ennuis. Ça se vérifiait : A deux nous étions bien plus fort, même sans arme et avec un genou en vrac. Mon moment d’agonie passa vite fait, celui de Alh’ aussi et il était temps pour nous de reprendre la route.
          La vieille lui avait donné un katana pour le chemin. (un katana qu’il devrait très certainement lui rendre à la fin de son périple, qui sait ?) En tout cas, il était armé et nous étions déjà plus en sécurité. Alh’ revint vers moi pour m’aider à marcher. Pensant qu’il se mettrait simplement à côté pour me passer son bras comme appuie, je fus surprise de la suite : il me prit de nouveau dans ses bras pour me tenir contre lui. A bien y réfléchir, c’était sûrement plus pratique si nous étions sensés fuir nos ennemis. Il passa la porte et pénétra dans les rues désertes de Shell Town.

          L’air était frais, revivifiant pour tout dire. A un tel point que ma tenue (un simple T-shirt et un jean foutue) me semblait bien légère pour l’heure. Je n’aimais pas le froid, je détestai ça même. Ou alors, je l’aimais simplement lorsque j’avais l’occasion de rejoindre un bain bouillant, une couette chauffante, ou encore un feu de cheminé crépitant. La chaleur était pour moi plus qu’un soulagement dans ce genre de situation. Ça me rappelait les feux d’hiver que je vivais avec Yumen, seul moment que je trouvais un minimum… « familial ».
          Alh’ tenta encore une fois de m’adresser la parole et au vu de son début de phrase, j’étais à peu près certaine que ça ne me plairait pas forcément. Mais il fut contraint de se couper dans sa lancée, encore une fois guidé par un sixième sens de félin, à l’écoute de ses prédateurs comme de ses proies. Il se planqua dans une ruelle sombre en attendant que son pressentiment passe. Les secondes s’écoulèrent et il reprit calmement sa route en me regardant. Je levais les yeux vers lui en me demandant qu’est-ce qu’il lui avait pris à l’instant, comment faisait-il pour avoir un instinct si... développé ?
          Je fus contrainte et forcée de remarquer un violent rougissement au niveau de ses joues. Il s’empourprait à vu d’œil, de pire en pire. J’arquai un sourcil, surprise par un tel « revirement » de situation. Qu’est-ce qu’il lui prenait d’un coup ? Il détourna violemment le visage, comme pour éviter de me regarder ou que je ne le remarque. Qu’est-ce qu’il avait imaginé ou pensé ? Je ne me montais pas un film, j’en étais certaine. Cherchant son regard en essayant de trouver une explication plausible, je ne réussis pas à me retenir de lâcher :

          « Qu’est-ce qui t’arrive ? »

          J’étais surement trop curieuse, mais j’avais hâte d’avoir ses explications ou le bateau qu’il allait me monter pour l’occasion. Je n’eus pas de réponse, puisque nous dûmes à nouveau nous planquer pour éviter l’arrivée massive d’adversaire. Ils étaient tenaces, et vraiment après moi. Le commentaire d’Alh’ ne fit qu’appuyait ce fait. Je me mis à rougir à mon tour, terriblement gênée par ce qui se tramait : Bon dieu, mais dans quelle galère m’étais-je encore foutue ? ou plutôt : dans quelle galère Yumen m’avait foutu ?
          Cité son nom n’était pas malin de ma part, il fallait l’avouer, mais je ne pensais pas que ça prendrait des proportions comme celle-ci ! Après tout, c’était bien Yumen qui m’avait parlé de la Chèvre, il était naturelle pour moi qu’ils avaient entretenus par le passer de « bonnes » relations. Qu’est-ce qui avait bien pu dégénéré à ce point entre eux pour me retrouver cible numéro d’un gang de yakusas chauves ? Alh me sortit de mes pensées en me parlant, sûrement voulait-il reprendre là où il avait laissé la conversation plus tôt.

          « J’en sais vraiment rien, Alh’, dis-je froidement. »

          Je poussais un long soupir désespéré, regardant autour de moi. Avec tout ça, nous étions arrivés au port beaucoup plus vite que prévu. Soupir de soulagement. Bee ne devrait plus être très loin.

          « Sache juste que je n’ai pas toujours eu le bol de rencontrer des gens sympas, je n’ai pas toujours eu des bonnes fréquentations, et que vis-à-vis de tout ça, si je cite un mauvais nom, ou si je parle de choses que je ne suis pas sensée connaitre par exemple, je peux m’attirer tout un tas d’ennuis. C’est vrai que pour une simple fille comme moi, c’est se donner beaucoup de mal pour m’avoir, mais faut croire qu’il ne pouvait vraiment pas piffer mon ‘père’. »

          Je posais pied à terre, titubant légèrement en cherchant mon équilibre.

          « Cela devient un peu trop personnelle. Pour d’autre information… On attendra le troisième rendez-vous mon chou ! Hé hé hé hé ! (mais quel rire malsain, tu ne trouves pas ?) »

          Je lui fis un sourire pour ponctuer ma phrase (un peu d’humour ne faisait pas de mal), puis me tournai vers le bout du quai. Ou était Bee ? J’avançai légèrement, mettant les mains de part et d’autre de mes lèvres pour pouvoir porter ma voix :

          « Bee !!! »

          Je répétai l’opération plusieurs fois, et sans succès. Je me retournai, pour voir de l’autre côté du port s’il apparaissait. Mais rien. Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire ? Parti à ma recherche dans la ville ? S’il avait fait ça, j’étais véritablement dans la galère ! Et puis, moi qui avais fait tout le déplacement, en obligeant Alh’ à m’y amener, j’étais embêtée. Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire ?

          « AHAHAHAHA TE VOILA ! »

          Ainsi donc, ma voix avait porté jusqu’aux mauvaises personnes. Je levai le regard vers le bonhomme chauve et tout fin, qui pointait sur moi un doigt menaçant, entouré de ses deux gros bras particulièrement dangereux et énervés pour le coup. Derrière eux, la pénombre de la ville. Devant eux, le port, Alh’ sur son pan de mur et moi, en ligne de mire.

          « ATTRAPEZ LA LES GARS ! »

          On entendit un bruit sourd derrière moi, sur les bateaux qui flottaient à quai. Je me retournai pour voir ce que c’était, tandis que les trois gus c’étaient instinctivement stoppé dans leurs courses pour observer la situation, comme moi. Quelques craquements plus tard, et levant les yeux vers le mat du navire, nous remarquâmes que celui-ci ballotait dangereusement, se détachant progressivement des cordes et des voiles qu’il tenait. Le spectacle était impressionnant. Mais pas autant que le bruit sourd qui s’en suivit, quand l’acier rencontra le bitume du port. La silhouette, derrière la poussière remuée pour l’occasion, d’un robot haut de quatre mètres, tenant dans sa main le mât du navire qu’il avait arraché. La poussière se dissipa, tandis que perçait à travers elle deux yeux turquoise qui fixaient l’ennemi.

          « C’EST QUOI QUE CAAAAA ??! »

          Le Robot leva le bras et lança son arme en bois vers les trois zigotos, avec force, habilité et vitesse. Ils prirent la fuite, en hurlant, évitant les éclats du mat qui explosa sous le coup. Le robot, d’un jaune canari se tourna vers Alh’ avec un air menaçant, prêt à l’attaquer :

          « Non Bee ! Il est avec nous, lui ! »

          Bee se tourna vers moi, penchant la tête sur le côté. Il passa de moi à Alh’, pour comprendre ce qui se passait. Je lui expliquai calmement la situation, lui racontant tout depuis le début, ainsi que le rôle de Alh’ dans l’histoire. Terminant mon récit, je me tournai vers le sabreur non loin, qui ne devait pas tout comprendre. En même temps, on ne croise pas des robots tous les jours, n’est-ce pas ? Surtout pas des robots qui bougent !

          « Alh’, je te présente Bee. Si tu as des questions, n’hésite pas ! Maintenant que Bee est là, je ne risque plus rien, et au vu de l'heure avancée, je ne pense pas qu'il y ait des commerces encore ouvert, mais si tu as un endroit ou boire un verre, je t'invite pour te remercier de tes bons et loyaux services ! »

          Bee fixa Alh’ avant de lui tendre son immense main d’acier pour faire les présentations. Civilisé, le robot.

          « A part si tu préfère aller chez toi pour dormir, ce que je comprendrais. »
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          • M… M… Mon mât… Il a bousillé mon mât…

          Bon, écoutez, à un moment donné, moi j’avais plus tout compris mais quand bien même, je m’efforçais de suivre un peu les événements et toutes ses explications. Et faut dire que ces évènements, ils n’étaient pas du tout passés à une vitesse de croisière. Des paroles, des cris, un bruit affreux de déchirure –Référence au mat-, une voix mécanique, mais le plus gros de toute l’affaire, une carcasse de fer toute peinte de jaune et qui devait faire dans les quatre mètres de hauteur. J’sais pas comment elle s’était arrangée mais elle avait bousillé le mât de ma frégate que j’amarre au port comme tout le monde. L’image de mon nouveau navire était tellement inattendue que je clignais plusieurs fois les yeux, croyant à un véritable cauchemar. J’me pinçais non pas une, deux, mais bien trois fois avant de sentir la douleur de mes actes monter au cerveau. Je n’émis pas de râle, non. J’ne faisais que regarder la gigantesque main, semblable à un couvercle de poubelle, qu’il me tendait après que sa maitresse soit passée aux présentations en bonne et due forme. L’hésitation fut de mise au bout d’un moment, car mes yeux passaient des débris restants du mât au gigantesque robot. Finalement, j’me suis dit que c’était pas si mal, hein et je me mis alors à serrer chaleureusement cette main froide de fer. Il l’avait fait pour protéger sa maitresse. Relativise Salem, relativises !

          • Enchanté… Bee.

          Un sourire s’inscrivit sur mon visage. Un sourire franc. Parce que ces deux là d’une manière ou d’une autre, ils allaient m’payer, la démolition de mon mât. Inviter sa maitresse dans un restaurant chic, ça s’rait p’être un bon compromis. Dans tous les cas, j’pouvais pas le nier. Savoir que Bee n’était qu’un robot m’soulageait. Bah ouais quoi. J’avais maintenant toutes mes chances… Hohé hohé… A quoi pensais-je là ? Faut que je récupère mes esprits et très vite si j’veux pas finir pas divaguer comme un malade. Fantasmer sur une aussi jeune fille, ça l’faisait pas. Pas du tout. Et c’était bien la première fois que ce genre de trucs m’arrivait. D’habitude, je pensais bien plus à faire l’amour avant de foutre le camp, mais là… C’était autre chose. Quelque chose de fort qui naissait en moi. Ça avait beau ne pas être désagréable, mais j’voulais vite refouler ce ressentiment. A la fois inquiétant et doux, pour sur. J’aimais pas ça. Ça sentait mauvais. Moi, rougir devant une fille ? Ça ne m’tait jamais arrivé. Et pourtant, y’a même pas dix minutes, j’avais rougi. Fortement. Devant cette petite fille. Y’a très certainement des signes qui ne trompent pas… Et p’être bien que la vielle en l’espace de quelques instants l’avait senti. Ça ne m’étonnerait pas d’elle, de toute façon. Elle me connaissait si bien… Pas pour rien qu’elle s’amusait à me cogner comme personne d’autre n’oserait le faire…

          • Boire ? Humph… Disons que je suis une cure de désintoxication. Une prochaine fois, p’être.

          Ah oui, faut pas l’oublier. J’avais arrêté l’alcool, la cigarette et le sexe depuis une bonne semaine. J’voulais tenir encore un peu. Histoire de reprendre du poil de la bête et de devenir un peu plus sain. D’ailleurs, toutes les péripéties que je venais de vivre avec Lilou, m’avaient rendu un peu plus vivant. On était loin de la carcasse humaine qui gisait pitoyablement sur les trottoirs après s’être enfilée plusieurs bouteilles de rhum ou de saké. Du passé tout ça. Grattant ma tête en arborant une mine assez gênée, je reluquais toujours autant son robot, un peu bluffé quand même. C’tune pointe de la technologie, ça. Franchement, si j’avais une ingénieure aussi douée à mes côtés, j’crois bien qu’on aurait vite retapé le Léviathan. M’enfin, là encore, c’était une toute autre histoire. Et je ne me voyais pas lui demander ce service vu qu’elle semblait avoir mieux à faire. Curieusement -ce que je ne pu réprimer malgré moi-même-, je commençais à tourner autour de l’androïde géant, complètement charmé. Déjà que sa maitresse, elle, commençait à me subjugu… Hahem… J’voyais tout c’qui la concernait comme une bonne chose. Je me risquais même à toucher certaines parties avant de m’arrêter de le palper en silence pendant deux minutes au moins. J’voulais pas non plus qu’il se sente comme étant une bête de foire, ça aurait été trop idiot de ma part…

          • Tu l’as fabriqué toute seule ? Si c’est le cas, je te tire mon chapeau Lilou. T’es vraiment… extraordinaire…

          J’avais soufflé le dernier mot avant de la regarder intensément le temps de quelques petites secondes à peine. Après quoi, je m’étais remit à sourire comme si de rien était. Ma main se posa sur la garde de mon épée que je serrais fébrilement. Inutile de se voiler plus longtemps la face, la fille m’plaisait beaucoup. Énormément. Ses seins n’étaient pas énormes comme ceux de mes nombreuses maitresses ni son derrière d’ailleurs. Elle n’était pas non plus dans un état décent, si l’on peut dire ça comme ça. Mais elle arrivait à me plaire, à m’attirer. Ça n’avait rien de sexuel hein. C’était autre chose. Et cette chose, jamais je ne l’avouerais à moi-même. Ça me détruirait trop, j’en étais conscient. Et puis, j’avais fini mon boulot non… ? Faudrait p’être que je me casse moi. Avant de faire des bêtises que je pourrais surement regretter. Je leur adressais un autre sourire franc avant de leur donner dos et d’emboiter l’pas, la main levée en l’air en guise d’au revoir « J’espère que tu sauras trouver ton bonheur, Lilou, ma mission s’arrête là… » Petite phrase sincère, petit pincement au cœur. J’aurais largement aimé rester avec elle. J’aurais aimé l’aider encore. Mais on ne pouvait pas tout avoir dans la vie, aussi commençais-je tranquillement à marcher en direction de ma base. Mais le vent du destin me réservait une grosse surprise, encore une fois…

          • C’EST QU’UN TAS D’FERAILLES ! ON VA VITE L’BOUSILLER !

          Une voix criarde me bloqua sur place. Alors que j’étais à quelques mètres devant Lilou et Bee, j’vis débarquer une salve d’hommes. Le nombre était beaucoup plus important que celui du parc de quoi en effrayer plus d’un. Mais ils ne se décourageaient jamais, ceux-là ?! Alors que j’étais bouche bée, je repris contenance pendant que les mecs bloquaient toutes les entrées du coin. Pas moins d’une cinquantaine de bandits là, ça rigole plus. A croire qu’ils n’avaient pas peur des marines de la base implantée dans l’île. Normal, normal. Ma mauvaise passe avait conduit ma base à un piètre fonctionnement. La tête étant malade, tout le corps avait été plus ou moins paralysé. D’où la présence de ces gars. Mais j’allais arranger ça maintenant comme un grand. J’avais beaucoup fui ces gens. Par peur pour la sécurité de la jeune Lilou, surtout. Les données ont changés cependant et j’étais apte à leur faire mordre la poussière et à régler leur compte. Bee était là pour elle. Et j’allais enfin pouvoir montrer à tous ce qu’était un Fenyang, un vrai ! La lune commençait à se refléter pleinement sur moi pendant que je dégainais le katana. Les mecs arrêtés, m’observaient et commençaient à rire aux éclats. Qu’est ce qu’un homme, un seul, pouvait faire contre tout un tas de forbans ? Alors que toute la lame était sortie du fourreau, la lune m’éclairait pleinement et je criais au robot comme je pouvais...

          • Bee ! J’sais pas si tu me comprends, mais restes prêt de Lilou et ne bouges pas d’un pouce !

          • F… F… FUUYEEEEEZZZZZZ !!! C’EST LE COOOLOOOONEEEEEEL FEEENYAAAAAANNNG !

          Au cri de détresse de celui qui m’avait reconnu et qui semblait être le chef de groupe, toutes les faces se figèrent sous mon large sourire démoniaque éclairé par l’astre lunaire. Quand on me cherche on me trouve. Alors que j’effectuais un pas menaçant, mes adversaires en faisaient autant mais dans l’but de reculer. Certains tremblaient déjà. On entendait même des bruits métalliques répétitifs signe que d’autres avaient lâchés leurs armes par terreur. Si j’étais un symbole de personne charitable dans les blues, j’étais également réputé pour être un grand sabreur très dangereux. L’un d’entre eux réussit à avoir le cran de fuir sous un cri horrifié. Mais pour montrer la leçon à tous ces gens, je disparus complètement de leur champ de vision. Effectuant moins de pas qu’il en faut pour rattraper celui qui fuyait, j’apparus soudainement devant lui. Ma technique des pas d’velours me donnait un grand avantage de déplacement. J’étais bien trop rapide pour qu’ils aperçoivent la moindre image rémanente. Levant mon épée en l’air, le gaillard hurla à mort et le sang jaillit soudainement de sa poitrine. Des gouttes m’humectèrent le visage. Le corps du malabar tomba lamentablement au sol. Je ne l’avais pas tué, ayant préservé ses organes vitaux, mais le mec était tout de même sacrement touché. Lorsque je relevais mon visage, plus précisément mes yeux vers les assaillants de Lilou…

          Ce fut alors la débandade générale.

          Les hommes de la chèvre se bousculaient, se cognaient même et piétinaient ceux qui tombaient pour pouvoir passer. Je souriais une énième fois en les regardant fuir. C’était peine perdue de vouloir décamper dans une si grande allée. Je levais mon arme en l’air avec un ton soudainement sérieux. Lorsqu’ils formèrent un gros bloc bien compact je donnais alors un large coup de sabre dans le vide. Un grondement assourdissant se fit entendre derrière les fuyants qui se retournèrent pour voir de quoi il s’agissait. Et quelle ne fut pas leur désagréable surprise de voir une gigantesque onde tranchante filer vers eux. Ils n’eurent que le temps d’hurler leur désarroi. Car l’onde que j’avais provoquée frappa directement le sol où ils étaient. Une explosion se forma fatalement et se fit entendre des kilomètres à la ronde. J’avais bousillé la terre qu’ils foulaient pour prendre la poudre d’escampette. Conclusion : Le grand impact que mon coup provoqua au sol les fit valser dans les airs. Plus d’une quarantaine de corps volaient ici et là. Désespoir, cris, désillusions. Je venais de frapper leur camp de deux trois coups seulement. Rien n’aurait pu m’ébranler en ce moment car pour moi, le spectacle était tout simplement magnifique. Une poussière se forma immédiatement dans les environs, complètement effective, venant même jusqu’à me cacher de Lilou et Bee. Je pris alors l’initiative de m’avancer pendant que les corps subissaient des atterrissages pas vraiment agréables…

          Deux minutes plus tard…

          Le calme s’était de nouveau installé dans la zone. Silence mortuaire. La poussière se dissipait peu à peu. Et une silhouette massive faisait son apparition dans tout ce capharnaüm avec un brin de charisme. Ma silhouette. Je m’avançais doucement vers Lilou et Bee. Sourire aux lèvres, katana rangé dans le fourreau. Derrière moi, je tirais leur chef à petite taille. Il trainait lamentablement au sol et m’aurait presque fait pitié. Mais après, il avait voulu attenter à la vie d’une femme que je portais en estime. Et ça, c’était difficilement pardonnable. C’est donc avec lenteur et tranquillité que je réduisais la distance qui me séparait de la donzelle et du robot géant. Lorsque derrière moi, la poussière se dissipa complètement, on pouvait voir alors plusieurs corps inertes, gisant au sol, des yeux vitreux et des bouches grandes ouvertes. Lorsque je m’approchais enfin, je jetais le corps ensanglanté du chef devant eux. Comme tous ceux que j’avais touchés, sa vie n’était pas en danger mais il était sérieusement amoché par mes soins. On pouvait d’ailleurs entendre sa respiration bruyante et saccadée. Gardant mon sourire charmant je fis un signe de pouce au robot avant de me tourner vers sa propriétaire. J’avais quelques propositions à lui faire car toute l’affaire tournait autour de sa pauvre personne. Chose que je n’hésitais pas à lui soumettre avec tout mon naturel possible. On n’aurait même pas cru que j’venais de battre plus d’une quarantaine de personnes…

          • Si on lui fait subir un interrogatoire maintenant, on pourrait p’être savoir où son patron se cache. Il me faut démanteler leur réseau vu qu’ils s’avèrent être des nuisibles. T’es intéressée par un tour chez la chèvre ? C’est l’occasion ou jamais.

            Comme prévu, Bee était là. Et comme prévu, c’était auprès de lui que j’étais véritablement en sécurité. Il n’hésita pas un instant pour voler à mon secours et empêcher qu’on ne me fasse du mal. Et préférant éradiquer toutes menaces, il était même prêt à s’en prendre à Alh, qui pourtant avait été d’une aide précieuse sur l’île de Shell Town. Malheureusement, les frasques de Bee, qui avait délibérément arraché le mât d’un navire pour s’en servir comme d’une arme dangereuse, avait conduit à la destruction d’une partie du bateau de Alh’, qui était à présent trop choquer pour réagir à quoique ce soit d’autre.
            C’était son bâtiment que l’on avait partiellement mis en morceau. Je rougis en me rendant compte de la situation, tandis que Bee se passait la main à l’arrière du crâne, comme gêné parce qu’il avait fait. Si ça ne tenait qu’à lui, il aurait passé le reste de la nuit à reconstruire le mât pour le remettre sur le pont et qu’il soit comme neuf… Mais nous avions d’autres chats à fouetter… Les présentations faites, Alh’ se remit doucement des évènements, visiblement perturbés par l’engrenage duquel nous étions tous trois prisonniers.
            Je souris en remarquant la différence de taille qu’il y avait entre leurs deux mains, à un point ou Bee se contenta de serrer maladroitement les doigts de Alh’. Décidément, je lui devais une fière chandelle à ce Alh’ pour m’avoir tiré d’affaire et m’avoir mené jusqu’au port (que j’aurais trouvé après un périple de plus d’une heure sur l’île de Shell Town si j’avais dû m’y prendre seule !), et il fallait donc sérieusement que je réfléchisse à des remerciements en bonne et due forme !

            « Oh… Dommage. »

            Une cure de désintoxication ? L’annonce de son refus fut pour moi une déception. J’eus une moue boudeuse, regardant devant moi. Mais plus fort encore que la déception, de la curiosité s’empara de mon esprit… Qu’est-ce qu’il pouvait bien se tramer dans sa tête pour qu’il parte en cure de désintox’ ? La vie réservait des surprises, des bonnes comme des mauvaises, pour tous les gens qu’elle habitait… Mais ce que j’avais senti à son propos s’affirmait malgré tout, et son premier vice était l’alcool.
            Comme en soif de découverte, je remarquai alors que le Colonel Fenyang était complètement subjugué par Bee, le regardant sous tous les angles, et c’est parfois avec une pointe de timidité qu’il touchait l’armure d’acier du robot. Ce dernier percevait ces sensations sous sa forme d’hybride, gêné par le comportement du jeune homme. Le Robot regardait Salem de toute sa hauteur, étonné. Je ris lorsque Bee fit la même chose qu’Alh, le fixant à son tour pour le détailler, se permettant même de toucher sa joue et son ventre pour voir s’il était comme tous les autres hommes.
            Ces deux-là faisaient la paire. Souriant toujours devant ce spectacle, Alh’ s’adressa à moi pour me féliciter, ajoutant alors que j’étais « extraordinaire ». Son compliment m’alla droit au cœur, provoquant au passage un rougissement vif et puissant au niveau de mes joues. Je toussotai, intimidée et surprise par ce que je venais d’entendre, puis me raclai la gorge pour tenter d’aligner une phrase qui aurait un minimum de sens… ça me faisait plaisir, énormément que l’on réagisse comme ça… Et c’était le genre de sentiments que je ne savais pas cacher.

            « Wow euh… c’est pas grand-chose vraiment ! Puis j’ai été aidé pour ça !... »

            Non, je ne faisais pas ma fausse modeste, c’était la vérité. J’avais fait près de cinquante pour cent du travail de construction sur Bee, mais l’aide de Yumen avait été précieuse, inestimable même. Je ne tirais pas tous les mérites de cette réalisation hors normes, car Bee était pour moi bien plus qu’un simple robot. Il était tout. Mon tout.

            « Et si tu as besoin d’un coup de main sur un projet dans mes cordes, n’hésite pas à me le dire, m’empressai-je d’ajouter. Ça serait un bon moyen de te remercier de ton coup de main pour ce soir ! »

            Son regard était brulant et pressant, du genre que je trouvais toujours aussi incommodant. Qu’est-ce qu’il avait à me fixer comme ça ? Et puis, son sourire franc me déstabilisait ! Autant dire qu’il ne me mettait pas à mon aise, surtout en me faisant des compliments aussi énormes que ce qu’il m’avait fait un peu plus tôt. Mais voilà, à peine avais-je dis cela qu’il tournait les talons, me saluant vaguement en me souhaitant une bonne continuation. Alors quoi ? Les choses se terminaient comme ça ? Combien avais-je de chance de le revoir un jour ? Probablement aucune, vu que je devrais quitter l’île très prochainement…
            C’était regrettable que je ne puisse pas lui rendre la pareille, regrettable aussi qu’il s’en aille simplement, alors que nous étions enfin (plus ou moins) reparti sur de bonnes bases et que nous pouvions enfin faire plus ample connaissance. Mais il n’avait pas tord, sa mission s’arrêtait ici, puisqu’il n’avait plus de raison de rester avec moi. Je devais m’y faire, car la vie était faite de passage et de rencontre en tout genre, qui nous apportait toujours un petit quelque chose…
            Pensant que tout s’arrêterait là, un bruit strident me tira de mes pensées : Une tapée de type déboulèrent jusqu’au port pour nous attaquer. Bee se mit immédiatement en garde, prêt à sortir de ses gonds à l’entente de son surnom « tas de ferrailles ». Il était en colère et proche de les aplatir. Ils étaient nombreux, et le renfort d’Alh ne se fit pas attendre. Nous étions entourés d’une cinquante de brigands en tout genre, tous prêts à nous faire la peau…

            « Mais bordel de chien, POURQUOI est-ce que ça dégénère comme ça !? »

            Je me tirais les cheveux, complètement prise au dépourvu par le nombre d’homme. On était trois… Non, deux et demi (vu que je ne pouvais pas me battre), et ça me prenait sérieusement la tête de voir qu’ils étaient si obstinés à vouloir me faire la peau. Je ne demandais pas grand-chose pourtant, je n’étais pas là, à la base, pour foutre le bordel à ce point ! Je voulais JUSTE apprendre. Ce n’était quand même pas si grave, quand même !?
            De toute façon, Alh allait mettre tout le monde d’accord sur la situation. Il se plaça devant nous, demandant à Bee de veiller sur moi le temps du combat. Je me demandai s’il voulait mener la lutte seul, et c’est en effet ce qu’il fit. Avec une classe et une détermination sans faille. Il ne lui fallut pas plus de deux minutes pour terrasser les cinquante gus venus pour nous casser la figure.
            Il revint après avec le chef de la bande, me soufflant qu’il devait démanteler le petit trafic qui s’organisait dans la ville, et que c’était l’occasion d’interroger la petite tête qu’il avait capturé pour savoir où se trouvait la chèvre… et qu’ainsi, nous n’aurions plus qu’à lui rendre visite pour lui faire comprendre notre façon de penser. Mes yeux se mirent à briller, je levais les bras au ciel sans pouvoir retenir un cri de joie !

            « OH OUAAAAAAAAAIS ! »

            J’entrepris une danse du bonheur, remuant devant Alh’ et son prisonnier. C’était trop bien ! Mais je me repris très vite en me tournant vers le colonel :

            « Mais laisse-moi m’occuper de l’interrogatoire, s’il te plait… »

            J’affichai un sourire et des petits yeux brillant d’une malice que l’on aurait su dire bonne ou mauvaise. M’empressant de prendre des mains d’Alheïri le maigrichon, je le trainai sur plusieurs mètres (avec difficultés dans un premier temps, puis vint le renfort de Bee), pour l’adosser au mur le plus proche. Il respirait bruyamment, mais lorsqu’il remarqua ma présence, il fut comme soulager de voir que ce n’était que la petite brune qui lui faisait subir l’interrogatoire. Me baissant pour être à son niveau, bras croisé sous ma poitrine qui se remonta légèrement pour le coup, il ne se gêna pas pour se rincer l’œil…

            « Dis-moi ou est la chèvre…
            - J’ai rien à te dire !
            - Oh ? »

            Il avait l’air en confiance, pas le moins du monde impressionné, malgré la présence de Bee et de Alh’ non loin. Il me fit un sourire qui en disait long sur ce qu’il pensait de moi, mais c’est alors que s’écrasa sur ses lèvres mon poing fraichement fermé. Deux dents tombèrent sous le choc.

            « HUWAAAAH ! »

            Il mit ses deux mains devant sa bouche pour arrêter l’hémorragie. Des larmes montèrent à ses yeux.

            « Chai riench cha te dirch Chalope !!
            - Oh ? »

            Paf, un autre coup, cette fois ci dans le nez, qui se fendit sous le choc. Un flot de sang en sorti presque instantanément, tandis qu’il se mettait à pleurer pour de bon.

            « Et maintenant ?
            - Laiche moi tranquchille !
            - Oh ? »

            Je levai à nouveau le poing pour lui faire comprendre que je n’allai pas le lâcher, mais tel un réflexe, il se protégea le visage en hurlant :

            « D’ACCORCH ! CHE VAICH TFOUT TFE DIRCH !!!! »

            D’un signe de main, je dis à Alheïri et Bee de nous rejoindre pour savoir ce que nous recherchions. Alh’ connaissait son île, il serait donc notre guide pour l’occasion. Le chauve se redressa contre son mur, me regardant avec des yeux rougis par les larmes et la douleur :

            « Chefff vich chur lfffes côtches élfffoignché de la villchfffe… ch’esffft pafffs fachile d’achffés, maiff cha maichon che voiffft de loinchfff. (Chef vit sur les côtes éloignées de la ville. Ce n’est pas facile d’accès mais sa maison se voit de loin)
            - … J’ai rien compris. »

            Je fis un sourire gêné. Je n’aurais pas dû taper dans les dents, mais c’était plus fort que moi. Me tournant vers Alh’ avec toujours le même sourire, je me demandais si lui avait compris quelque chose à son histoire bourrée de « ch » et de « fff ». J’avais deux solutions : soit il avait compris et on était sauvé, soit il n’avait pas compris et j’allai me recevoir un savon (s’il arrive à me disputer avec cette bouille d’ange et ce sourire adorable !). Le chauve pouffa de rire et en guise de réponse à cette provocation, je l’assommai, passablement agacée. Je n’avais aucune patience. Me tournant vers Alh’, Bee attira mon attention. Il me fit de grand signe pour m’expliquer, n’hésitant pas à dessiner un plan grossier de l’île sur le bitume du port, avec un gravas qu’il trouva par terre. Lui avait très bien compris ce que voulais dire le gars…

            « Formidable ! Faisons le tour de l’île ! Si sa maison est si voyante qu’il le dit, nous n’aurons aucun mal de l’approcher… Enfin, Alh, c’est toi l’expert et le guide ! Nous te suivrons jusqu’au bout de la nuit ! Héhé ! »

            Je plantai mes bras sur mes hanches pour marquer mon enthousiasme et lui fis un clin d’œil complice. J’allai rencontrer un des plus grands ingénieurs des Blues, et c’était grâce à Alh ! Qu’est-ce que je pouvais l’adorer celui-là sur le moment !

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            Bonne nouvelle ! Je restais encore un peu à ses côtés. Hein ? Mais pourquoi je me dis ça moi ?! J’perds la boule ? Et puis boof ! On s’en fou un peu hein. J’aimais l’aider parce qu’elle m’était sympathique malgré son côté vache. Ouais… Si ce n’était que ça… Parce que franchement, la manière dont j’la regardais sautiller sur elle-même disait long sur les états d’âmes qui me submergèrent du tout au tout. Bordel ! Mais pourquoi je rougis encore ?! Ah ouais… Ses nichons qui ballotaient de haut en bas… Et puis, son petit derrière qui s’trémoussait face danseuse aborigène. Putain… Qu’est ce que j’n’aurais pas donné pour sauter sur elle et la manger toute crue. Qu’est ce que j’aurais pas donné… Ouais… L’truc bien au moins était l’état de son genou, qui semblait-il au vu de ses déhanchements, s’améliorer. Mwouais bof, il aurait été encore un peu bousillé et je l’aurais encore porté dans mes bras… Mais bordel de merde ! J’pense à quoi moi ? Automatiquement, je remuais ma tête dans tous les sens pour chasser ces idées saugrenues de ma tête. Elle était presque rétablie et c’était l’un des points essentiels. Et puis, même si son genou avait toujours été touché, Bee était maintenant là pour la soulever quoi. Dans tous les angles possibles, mon plan était déjà mort. Mort et enterré dans les profondeurs de cette Terre injuste…

            Intérieurement, c’est franchement légalisé et c’est un fait. J’ai le béguin pour la jeune Lilou. C’est ça qu’on appelle amour ? Comment que c’est chiant ! En plus, ça devait être un semblant. Juste un manque de rien du tout quoi. Parce qu’elle n’avait rien d’extraordinaire, me forçais-je à me le répéter sans cesse. Ma mauvaise passe m’avait joué des tours. Sans doute l’une des raisons des illusions que je me faisais hein. Encore quelques jours et je reprenais du poil de la bête et du poil de la… Hahem… Une satanée crise qui allait s’arranger sous peu maintenant que je reprenais peu à peu mes marques. Alors que mon esprit se reconnecta enfin sur la Terre, j’voyais Bee aider Lilou à coincer contre un mur, celui que j’avais repêché du flot de corps gisants un peu plus loin. D’un air interrogatif, je l’observais donc en silence, profitant du fait qu’on ne me regardait pas pour m’curer grassement l’une de mes narines. J’avais un air gauche, pataud ; qui par la suite, devenait de plus en plus niais sans que je puisse m’en rendre compte. Mes joues s’empourprèrent. La jeune qui s’était abaissée vers le mec qui s’rinçait gentiment l’œil, mettait grandement en valeur sa belle croupe digne d’une sirène. Mon froc s’déforma ! Je vous jure que si. De l’une de mes narines, s’écoula un filet de sang, tellement l’image était sex… Avant que je daigne regarder ailleurs comme si de rien était, faisant vite d’essuyer mon nez. J’risquais gros si je restais encore avec eux…

            Un cri. Il eut un cri. Bref. De souffrance. Alors que je retournais ma tête vers la scène, mes yeux ne furent plus tellement captivés par les fesses rondes de Lilou, mais bel et bien par le sang qui s’écoulait de la gueule du type. C’était Bee qui lui avait donné un poing ? Non… Non. Il était à ma hauteur et je l’aurais senti bouger malgré le fait que j’avais tourné mon faciès pour ne plus avoir affaire à l’arrière-train rebondi de l’ingénieure. Ca n’pouvait être qu’elle alors. Ce qui m’étonnait, ma foi, agréablement. Elle en avait dans l’ventre, malgré son caractère dans vache. C’était bien… Très bien même… Et elle m’énivr… Hé… Hohé… C’était quoi ça… ? Elle n’allait tout de même pas… Aoutch ! P’tain, la droite qu’elle a ! Sur le coup et pour l’avoir vu en live, j’commençais plutôt que de l’admirer à me poser certaines questions. Comme dans les animes, une grosse goutte d’eau apparut sur ma nuque, tandis que Bee et moi nous nous regardions d’un air totalement interdit comme pour se dire que c’était complètement effrayant. Elle cognait super fort, sa maitresse ! j’venais à me demander à quoi j’avais échappé si elle avait toujours son genou. Pis, l’feeling entre elle et la vielle, j’pouvais aisément le comprendre dorénavant. Entre cogneuses, y’a toujours bonne entente. Le troisième allait certainement partir. Mais illico presto –Je le comprenais, le pauvre…- P’tit crane d’œuf se résolut à cracher le morceau. Dans un charabia incompréhensible…

            Comme quoi, faut jamais donner l’opportunité à une femme d’effectuer un interrogatoire… Une leçon que de sitôt je n’oublierais pas. Normalement et pour un officier de la marine, j’aurais du être vénère. Cependant, la bouille de Lilou et mon caractère laxiste jouaient grandement en sa faveur. Trop belle. Trop craquante. J’allais fondre à vue d’œil. Mais heureusement que Bee attira son attention avant qu’elle ne se retourne vers lui pour écouter son explication. Explication que je ne suivais que d’une oreille distraite, mon attention nouvellement captivée par d’autres présences. Des gens approchaient dans la pénombre de ruelle. Des rescapés parmi ceux que j’avais bousillés ? Si c’était le cas, ils avaient la peau dure, ces mecs. Je donnais dos à mes deux compagnons, posant préventivement ma paume sur le manche de mon sabre en apercevant une petite silhouette qui se dessinait lentement, mais surement. Sur le moment, je ne répondis pas tout de suite à la dernière phrase de joie de Lilou toujours aux anges de devoir rencontrer l’autre zigoto. Mes sourcils se froncèrent et j’étais sur le qui-vive. Encore un nuisible et je n’hésiterais pas à lui sectionner un membre pour donner l’exemple aux autres. Idée qui se volatilisa aussi vite qu’elle était venue dans mon esprit. Les silhouettes m’étaient familières… Ils s’agissaient de mes hommes qui encore une fois venaient un peu tard. Je me retournais de suite vers les deux autres et leur fit signe de partir…

            • Ils sauront très certainement que c’est mon œuvre et où nous allons, mais ils voudront aussi m’accompagner ce qui serait un peu trop long. Dépêchez vous ! On se bouge avant que l’alarme ne soit donné du côté de la chèvre.

            Aussitôt dit que je commençais à me faufiler dans un couloir, au pas de course, suivit du robot géant qui s’était emparé de sa maitresse et qui avait certainement du comprendre mes paroles. J’aurais voulu la porter moi-même, mais je n’avais plus de raisons apparentes de le faire. Et puis c’était mieux ainsi, ça nous permettrait de mieux avancer. Car en effet, je redoutais à présent deux choses bien distinctes qui pourraient faire échouer notre future infiltration chez le dénommée la chèvre… La première était que mes hommes m’accompagnent. Ce fait nécessiterait que je leur raconte tout ce qui s’était passé avant de leur donner des directives. J’étais certes, revenu à moi-même durant ces dernières heures, mais je ne pensais pas encore avoir retrouvé mon sens des responsabilités pour diriger toute une troupe entière. De plus, leur piètre performance sur le terrain due encore une fois à mes précédentes mélancolies, relèveraient plus d’un talon d’Achille qu’autre chose. Ils nous ralentiraient sans compter que nous serions facilement repérables. C’pas qu’on est mauvais dans l’infiltration, nous les marines mais c’est juste que l’affaire réussit plus à des agents du CP. La deuxième crainte que j’avais, était qu’un des salopards, surtout le chef que Lilou avait assommé ne reprenne rapidement conscience afin de prévenir le chef de nos intentions et surtout, de « ma présence ». J’vous dis pas comme ça capoterait les espoirs de la « belle » Lilou. Et, la voir malheureuse m’ferait tellement pas plaisir…

            Quelques minutes plus tard…

            Nous avions réussi à quitter le port pour nous rendre vers le lieu qu’ils m’avaient indiqué avec des informations ma foi… Très très peu consistantes. Des maisons éloignées de la ville, y’en avait un paquet quand même sur cette île. Mais je n’avais pas fait mon difficile étant donné que je connaissais la plupart. Certaines m’étaient encore inconnues, surtout une qui donnait l’accès sur le côté est de l’île. Une sorte de petit manoir lugubre complètement enclavé par un de petit bois ; et dont je voyais la cime depuis le sommet de la plus grande tour de ma base, quand il m’arrivait d’errer sur la dalle. Au moment même où j’y pensais, nous étions arrivés dans ledit petit bois, non loin de la demeure au style gothique. L’habitat me faisait un peu penser aux différentes photos que j’avais pu voir du célèbre « thriller bark » appartenant à un shichibukai de l’ère ancienne. Et perso, ça m’fouttrait presque la frousse. Le pire dans l’histoire, c’est que l’apparence n’était pas le seul hic. Il y avait une multitude de gardes autour, tous rasés à la manière des lascars que j’avais neutralisés dernièrement. Et plus laids qu’eux, il n’y avait pas. Au moins, ça prouvait bien que le mec qu’avait interrogé Lilou ne nous avait pas menti. Il s’agissait bien du bled de « la chèvre ». Le nombre de ces chiens d’gardes était assez important. Accroupi derrière un bosquet en présence de mes compagnons, j’essayais de les compter, et d’observer leurs armes blanches. La grille était fermée et ma conclusion toute faite au bout d’un certain moment…

            • Ils sont bien trop nombreux pour qu’on essaye de passer incognito. Ca n’va pas être possible. Il va donc falloir nous séparer. J’vais frapper le même coup tout à l’heure pour forcer un passage. Toi et Bee, vous vous y engouffrerez. On ne vous remarquera pas tellement avec le tapage que je vais engendrer. Ne vous occupez pas de moi et foncez retrouver l’homme que tu cherches. J’vous rejoindrais une fois que j’en aurais fini avec eux. Et surtout, faites bien attention à vous. Il y aura certainement un comité d’accueil à l’intérieur…

            J’adressais surtout les dernières phrases à Bee que je regardais avec un air sérieux et une conviction certaine. Encore une fois, j’voulais bien prendre sa place mais ces gens risquaient de le bousiller. A l’intérieur, il aurait certainement plus de chances de se défendre et de protéger sa maitresse. Il avait intérêt, s’il ne voulait pas tâter ma lame que j’empoignais fort sur le moment. Ensuite, je m’étais laissé emporter dans un élan affectueux en allant chercher les lèvres de la donzelle avec les miennes. A l’improviste. Sans lui laisser le temps de ciller. Et que c’était booooon. J’croyais planer sur le moment. A la manière d’un petit puceau et son premier baiser. On m’donnait des ailes et je papillonnais ici et là, le visage tout rouge de bonheur, de bien être. Mais voilà, la situation n’était certainement pas propice pour un baiser dans les règles de l’art. Aussi avais-je décollé ma bouche de la sienne me contentant de ce petit smack qui montait l’adrénaline dans mes veines. Il en faut peu pour être heureux. Ce dicton m’allait comme un gant. Sur le moment bien évidemment. Leur adressant un dernier regard assez bref, j’me redressais rapidement et je commençais dès lors à courir vers l’entrée principale de la longue grille. Alors que les premiers soldats qui me voyaient, me sommèrent par des voix criardes d’arrêter ma course et de décliner mon identité (Halte-là ! Qui êtes-vous ? Patati et patata…) ; je fis alors un bond de plusieurs mètres et dégainais entièrement mon sabre, avant de m’écrier…

            • DÉGAGEZ DE MON CHEMIIIIIN !

            Mon coup virulent dans le vide provoqua une gargantuesque onde tranchante orangée, encore plus grande que la première, qui fila vers mes adversaires brusqués par mon attaque inopportune. Alors qu’ils dégageaient l’accès de la grille, celle-ci fut frappée de plein fouet par mon attaque qui la détruisit sans effort. Le reste s’en suivit dès lors. L’impact du coup provoqua une rafale de vent qui balaya les alentours faisant voltiger les corps des gardes impuissants face à ma technique dévastatrice ; qui hurlaient à pleins poumons leur désespoir. C’était le capharnaüm total. Alors que j’atterrissais sur mes pieds, un peu éloigné de la scène, je priais alors intérieurement pour que la poussière environnante qui s’installait rapidement leur soit largement profitable. J’avais fait le plus gros. Miser sur la surprise et frapper fort pour mieux réussir le coup. C’était à présent à eux de jouer de leur partition. La réussite de leur mission ne dépendait plus qu’eux. J’étais obligé de rester à l’extérieur pour en finir avec les quelques gardes qui trouveraient certainement la force de se relever. Fallait bien qu’on optimise les chances de trouver cette foutue biquette. Et ça passait par réduire considérablement son effectif militaire. Donnant un coup à l’aveuglette derrière moi, j’atteignis l’un des leur qui tomba automatiquement dans un bruit sourd. Et alors que je tournais mon visage derrière, j’vis alors un groupe de soldats –Cranes rasés, comme toujours- qui me fixaient avec une envie carnassière de me faire la peau. J’avais trooop la baraka…

            • Charmants petits… C’est pas de la rigolade vous savez…

            Avais-je dit sur un ton taquin, tout juste avant de leur faire gentiment face. Là, j’avais encore fort à faire. Et ça promettait de swinguer, héhé !

            Spoiler:
            La rencontre d’une tornade et d’un volcan.


            Nous arrivâmes très vite au lieu qu’avait décrit l’autre homme. Et comme je le pensais, Alheïri connaissait très bien son île. Il n’avait pas une seconde hésitée à me conduire jusqu’ici, ayant probablement deviné l’endroit avec les maigres indications que nous avait donné l’autre gus. C’était des heures d’économisés à chercher l’antre de la Chèvre, parce qu’en imaginant que c’était moi aux commandes de l’expédition, nous aurions pu y passer la nuit entière.
            Mon sens de l’orientation m’avait une fois perdu dans une pièce de trois mètres carré. Je savais que c’était ma plus grande faiblesse, devant ma maladie même. Là-dessus, je comptais encore sur Bee pour m’aider à m’y retrouver sur une île, parce que lui avait plutôt une bonne mémoire et son instinct nous guidait (plus ou moins) toujours aux bons endroits. Enfin, nous étions tous les trois cachés derrière un buisson (assez touffue pour camoufler Bee, qui, avec son jaune Canari, ne passait pas inaperçu habituellement).
            Nous avions devant nous une immense bâtisse passablement délabré mais encore en état, et ou la nature avait presque totalement repris ses droits. Ça ressemblait plus à une maison d’horreur digne des films d’épouvantes dans laquelle on ne devait pas pénétrer si on voulait garder la vie sauve. Devais-je avouer que j’étais effrayée ? Et pas du tout courageuse ? Je pâlissais à vue d’œil et n’écoutais même pas ce que mon compagnon d’infortune me disait.

            Est-ce qu’à l’intérieur il y avait des monstres tapis dans les coins qui mangeaient les enfants ? Ou peut-être des fantômes ? Oh non, j’avais vraiment peur des fantômes ! Tout ce qui concernait le « haut de là » et la présence d’esprit sur terre me foutait réellement les chocottes ! Je préférais encore tomber sur des mutants génétiquement modifiés par un scientifique fou avec des tendances cannibales… Quoiqu’à bien y réfléchir, finir bouffer par un mutant cinglé ne me plaisait pas forcément…
            Ou peut-être des zombies… Encore une fois, l’idée me fit frissonner. Rien que d’y pensait, ça me donnait envie de vomir. Non, mais sérieusement, voir avancer un mort vivant vers moi affamé et avec la soudaine envie de me manger ne me plaisait pas non plus… Ou peut-être des vampires ? Eux au moins, ils avaient une apparence un peu plus humaine… Et puis, avec eux, j’avais une chance sur deux de me retrouver morte ou vampire à mon tour ! Ce qui était une chance supplémentaire de rester en vie et…

            Gni ?!

            Qu’est-ce qu’il foutait ? Mais qu’est-ce qu’il foutait ?! Mais c’était quoi ce délire ? Pourquoi il était là ? Et qu’est-ce qu’il me faisait ?!

            Je sais qu’à cet instant, si j’avais eu pleinement conscience de son geste et de l’action en cours, je lui aurais probablement collé mon poing dans la gueule. Mais fallait dire les choses, embarquée très loin de mes pensées comme je l’étais sur le moment, je l’avais pas vu venir. Mais vraiment pas. Le choc fut soudain : il s’était emparé de mes lèvres pour m’offrir un baiser. Et j’étais littéralement sur le cul, totalement prise au dépourvu. Je n’avais même pas eu le temps de dire « papperlappap » ni de contrer quoique ce soit…
            Il se retira, parti à l’assaut de ses ennemis et fit son attaque pour nous laisser le chemin libre. Moi, j’étais tétanisée, mais Bee avait réagi à l’action et m’avait attrapé par la taille pour me remettre sur son épaule. Je m’accrochai à lui vivement, les sentiments toujours embrouillés. Je n’aurais su dire si c’était l’action du moment où le baiser qu’il m’avait volé, mais j’étais toute retournée, complètement affolée intérieurement. Je ne savais pas quoi penser et dans ma tête trônait un épais bordel que je n’aurais pu ranger sur l’instant.
            Bee passa les grilles, et emporté dans son élan, défonça l’immense porte de bois en passant à travers dans un fracas énorme. L’entrée était du même gabarit que l’extérieur du bâtiment : autant dire lugubre et passablement poussiéreux et miteux. Fermement accroché à l’épaule de Bee, je remarquai alors la présence d’une dizaine d’homme qui nous visait avec des carabines. Les coups fusèrent rapidement et Bee me protégea avec sa main d’acier. Les balles ricochèrent sur son armure, il reprit sa course et il balaya au passage les quelques chauves d’un grand coup de pied.

            Les hommes affluaient de l’aile droite de la bâtisse, me faisant penser que le chef devait impérativement se trouver vers cet endroit. La plupart des gardes était à l’extérieur, s’occupant de Alh (ou l’inverse plutôt !), je n’avais donc qu’une vingtaine de gus à mes trousses. Bee me posa à terre et s’engouffra difficilement dans le long couloir après avoir repoussé nos assaillants de quelques coups de poing (bizarrement, on ne fait pas long feu contre un géant de 4 mètres en acier). Les murs étaient plutôt étroits, et il dût se baisser pour pouvoir y accéder. Il avançait difficilement, mais tenait absolument à me suivre (et de toute façon, je boitais, donc ce n’était pas bien dur de me suivre dans la situation).
            Au bout de quelques mètres, des tirs nous stoppèrent dans notre course. Bee se rua devant moi pour absorber les tirs qui nous étaient destinés et qui auraient pu m’être fatale. Je jetais un regard dans son dos, remarquant qu’il n’y avait qu’un mec avec deux pistolets dans les mains, qui ne semblait pas vraiment d’humeur. Il me fixait avec un air de tueur sanguinaire, passablement énervé selon mes observations. Il nous disait de son regard « vous n’irez pas plus loin ». Mais c’était mal nous connaitre.

            Bee m’attrapa dans l’une de ses mains et prit son élan. Il fonçait droit sur le gars et arrivé au bout, me lança habillement pour que je passe de l’autre côté et que j’évite de l’affronter. Il comptait s’en charger, et le connaissant, j’étais à peu près sûre que ça ne lui prendrait pas longtemps. J’atterris sur le sol après une roulade contrôlée (que j’avais appris à faire après tous les lancées que m’avait fait faire Yumen). A l’autre bout du couloir résonnait des bruits de feu, de ferrailles, puis un bruit sourd pour terminer par de petits gémissements.

            Défoncé à l’amour, bourré à la haine


            Passablement essoufflée, boitant toujours à cause de mon genou pas vraiment remis totalement, je poussais une large porte qui donnait sur un grand bureau. Selon mes déductions, cette pièce devait être une extension du manoir et n’avait pas une charge propre avec le reste de l’endroit. La pièce était haute, un bureau au centre, entourée de très grandes fenêtres fermés par de longs rideaux pourpres. Tout semblait plus neuf ici… L’ambiance lugubre me donnait pourtant la chair de poule. Je refermai la porte derrière moi.

            « C’est toi la gamine que m’envoie Yumen ? fit une petite voix dans la pénombre de la pièce. »

            Je plissai les yeux, et remarquai alors sur un fauteuil un petit crâne luisant. Est-ce que le fait qu’ils soient tous chauves voulait dire que c’était une secte ?

            « Ce n’est pas Yumen qui m’envoie !
            - Alors qu’est-ce que tu me veux ?! »

            Une vraie boule de nerfs.

            « Je voulais juste apprendre…
            - C’EST NON ! »

            Hé ! Je n’avais même pas fini de parler ! Il sauta par-dessus son bureau et se rua sur moi, le crâne en avant. C’est là que je remarquai qu’il y avait deux cornes sur sa tête, qu’il dirigeait vers moi. Ne souhaitant pas être embroché, je m’écartai de la porte en vitesse et esquiva l’attaque qu’il me lançait ! Embarqué dans son élan, le bonhomme planta ses cornes dans la porte en bois et se retrouva coincé. J’allumai la lumière grâce à l’interrupteur et remarquai un petit homme qui devait faire pas plus d’un mètre quarante, il avait une barbe taillé en pointe, ainsi que des petits yeux. Si une chèvre et un homme avaient copulés ensemble, ça aurait donné… ça.

            « Arg ! Non, libère-moi de là ! Je te donnerais ce que tu veux ! Tout ce que tu veux !
            - Tout ce que je veux ?
            - Absolument tout !
            - Vos cahiers ?
            - Dans mon bureau, premier tiroir ! Mais libère-moiiii ! »

            La scène était parfaitement ridicule et burlesque. Mais c’était à mon avantage. J’allai jusqu’au rideau le plus proche et pris la corde qui était là en décoration. L’homme me regardait avec des yeux furibonds, souhaitant se libérer sans y parvenir. Je le ligotai avec les cordes quand bien même il m’hurlait de le libérer. Puis, j’allai jusqu’à son bureau et fouilla dans ses tiroirs pour en sortir trois cahiers. Je les feuilletai quelques instants pour voir ce qu’ils contenaient et je fus satisfaite d’y voir des plans et des formules en tout genre… Les fameux cahiers de la Chèvre.

            « Un ami à moi souhaite vous voir, dis-je simplement. »

            Quelques minutes plus tard, je sortis de l’endroit avec Bee sur mes talons. Le robot portait sur son épaule celui que l’on nommait la Chèvre. Alh’ venait de terminer son combat à l’extérieur et d’éradiquer toutes menaces possibles, nous le croisâmes donc dans le couloir. Arrivé à son niveau, Bee lui posa le coli (qui gigotait dans tous les sens). Je portais sur moi un sourire tendre, un regard doux, adressé au marine et compagnon d’aventure :

            « Voilà pour toi. »

            Mais alors, mon regard doux se mua l’instant d’après, lorsque perça dans mes yeux une lueur inquiétante et plutôt dangereuse. Je pris trois pas d’élan et envoyai mon poing s’écraser dans le ventre d’Alh, ponctué par un hurlement de colère :

            « Ça, c’est pour le BAISER de tout à l’heure ! Tu n’es pas net toi ! T’es vraiment qu’un profiteur opportuniste ! Qu’est-ce qu’il t’a pris de m’embrasser !? »

            Je n’attendais pas vraiment de réponse de sa part, j’étais surtout remontée après lui. Pourquoi étais-je en colère ? Je n’en avais pas la moindre idée. Ça me mettait hors de moi… Il était pire que Jerronimo dans ses moments romantiques, ou dans ses phases d’amour. Il m’agaçait profondément rien que pour ça, rien que pour me rappeler celui qui me manquait tant. Le temps avait fait en sorte d’enterré mon amour, le transformant en amitié, puis en souvenir… Et puis « profiteur opportuniste », c’est moi qui disais ça, quand même ! Alors que j’étais vraiment pire que lui !

            « Tu mériterais d’autres coups avec ça, mais je peux pas ! »

            J’étais furibonde, rouge de couleur, pire encore que tout ce qu’on pouvait imaginer. J’étais un peu comme une cocotte-minute sur le point d’exploser, à cela près qu’il manquait la fumée dans mes oreilles.

            « Je peux pas parce que tu m’as rendu un sacré service ! »

            Je fermais les poings, le fixais toujours intensément et repris :

            « Et ça m’éneeeeeeeeeeeerve ! »

            Voilà, le caprice était lancé. J’étais tellement confuse, tiraillée entre deux sentiments : d’un côté l’envie de lui faire payer ce qu’il m’avait fait (le baiser, surtout. C’était bien le pire tout !), d’un autre de le remercier. Fallait bien qu’un prime sur l’autre, et puis après le coup que j’avais assené… Je me contentai de le prendre dans mes bras. Une simple étreinte pour le remercier. Mais brièvement. Très brièvement. Car quelques secondes après, je m’éloignai de lui avec les yeux noirs de colère et encore plus frustrée d’avoir pu être potentiellement agréable avec quelqu’un qui m’énervait vraiment beaucoup. Il me faisait rentrer en conflit avec moi-même, c’était fort, ça !

            « Non mais sérieux, c’que tu m’énerves. »
            • https://www.onepiece-requiem.net/t3945-fiche-technique-de-lilou#4
            • https://www.onepiece-requiem.net/t2202-
              Des corps volaient ici et là. Encore et encore. Au beau milieu d’une salve d’hommes aux cranes rasées qui voulaient m’faire la peau, je me défendais comme je pouvais. Des esquives, des pirouettes, des coups dans le vide qui engendraient des tranchants d’airs, l’impact qui s’en suivait et qui créait multiples dégâts du côté adversaire... Pour dire qu’avec un katana, j’étais tout simplement irrésistible. Aucune personne n’arrivait à m’atteindre, ne serait ce que pour égratigner une parcelle de ma peau. A force, je peux même vous dire que je m’amusais à me battre contre eux. Ces combats successifs me dérouillaient fort bien. Mieux qu’un entrainement en solitaire dans la nature. Place à un engagement qui quand bien même amusant, pouvait m’couter bonbon. Car si je souriais en me débattant dans la mesure du possible, je n’excluais quand même pas que parmi ces gens, pouvaient s’cacher des potentiels hors normes. Ce qui me motivait à en finir avec les premiers venus qui se ruaient vers moi comme des beaux diables. Des inexpérimentés qui venaient à la boucherie de leur propre chef. Du sang giclait à foison… Ma folie combative -Pas meurtrière, hein…- ne s’arrêtait pas… Serait-ce parce que je me battais pour cette jeune fille ? Sans doute que oui… Parce que je n’avais auparavant, jamais ressentit une telle envie de neutralisation, moi qui d’habitude préférait passer par les mots pour trouver quelconque compromis. Elle m’avait tournée la tête et bizarrement, j’aimais ça. Un peu comme un bon vieux junkie et sa sempiternelle bouteille d’alcool…

              S’amuser, c’est bien beau, mais place au sérieux maintenant. Puisque bizarrement, tous s’étaient immobilisés autour de moi, avant de former une petite ouverture. Fronçant mes sourcils, je fixais alors cette ouverture qu’ils avaient formée, ma poigne se renfermant sur la garde de mon katana de fortune. Il ne fit pas quelques secondes pour que fasse son apparition, la silhouette massive d’un des leurs. Gorille de chez gorille. Parce qu’il valait deux fois ma taille ce gaillard. Titanesque à n’en point douter. Incroyable le mec ! Je m’étais même pétrifié pendant quelques secondes, les yeux grands ouverts sur son faciès mauvais qui n’me disait rien qui vaille et son crâne également rasé, comme tout l’monde quoi. Les cicatrices qui barraient son torse nu m’indiquèrent qu’il en avait vu de toutes les couleurs, sans jamais pour autant fléchir. Et dites vous que ces signes, ils étaient loin, mais vraiment loin de me rassurer. Dans un mouvement lent, il m’sortit un glaive plus imposant que ma corpulence. Parce qu’il était bretteur… ? Ah bah, ça promettait pour moi, là. Expirant à la manière d’un buffle en colère, il leva alors son arme dans un gros sourire qui m’laissa le loisir de contempler les quelques restes de ses dents bien jaunes à la manière des grains d’mais…. Holà… Mais que vois-je ? Ses acolytes reculaient tous ? Mais c’est que son attaque promettait. Vraiment… J’devrais penser à fuir… Mais avais-je eu vraiment le temps ? Car lorsque je reportais mon attention vers lui, une ombre m’voilait la pleine lune qui m’éclairait pourtant il n’y a pas quelques secondes…

              Le coup du demi-géant était parti. Un gros choc se fit entendre, avant d’engendrer une poussière effective. Il semblait avoir atteint sa cible. Aussi facilement soit-il.

              • HAHAHAHAHA ! IL L’A EU D’UN SEUL CO… BEUH… ?!

              Pendant quelques secondes, l’euphorie gagna l’camp des combattants de la chèvre au point que l’un d’entre eux s’exclama automatiquement. Mais il s’arrêta bien vite de crier, ce qui eut pour effet de stopper l’élan de satisfaction dans lequel ses partenaires allaient verser. Car malgré la poussière qui s’installa rapidement, il put voir le visage du titan qui avait attaqué. Celui-ci semblait immobilisé dans sa position d’attaque, mordant sa lèvre inférieure et écarquillant les yeux d’effroi. Sans compter qu’il transpirait réellement. Et puis, curiosité s’en suivit. Ses sbires suivaient alors son regard, avant de distinguer une silhouette imposante dans toutes ces volutes de fumées. Un homme s’tenait sur ses deux pieds, sous le poids de l’arme du géant. Un petit rire moqueur s’éleva de la scène et transperça ce nouveau silence bizarrement pesant. Et plus la poussière se dissipait, plus la terreur gagnait ces hommes. Comme au port, certains laissèrent leurs armes tomber sous l’effet de la peur. D’autres reculaient, ébahis par ce qu’ils pouvaient maintenant voir. Personne n’y croyait… Personne… Et pourtant, j’étais bien là, complètement droit et toujours aussi souriant. L’attaque du géant ? Boarf ! J’avais réussi à la contenir in-extrémis en levant tout simplement mon arme au dessus de ma tête et ce, d’une seule main. Faut dire que j’étais à la fois enchanté et déçu. Déçu parce que mon adversaire n’avait finalement rien dans les coui… dans le ventre ; enchanté parce que l’arme d’la vielle était d’une résistance extraordinaire, admirable. Pour peu, je l’aurais pris pour un meitou, moi…

              • Quoi… C’est tout… ?

              Avais-je dit d’un ton moqueur, tout en commençant à curer grassement l’une de mes narines de ma main de libre. Snob, moi ? Pas du tout. C’est juste que je m’attendais à un adversaire à la hauteur d’mes espérances. Mais bon… Comme on n’peut pas tout avoir dans la life, j’vais pas passer mon temps à m’plaindre. Sous sa mine pétrifiée, je coulissais ma lame sous la sienne, avant de le dégager d’un seul coup bref, dans un vrai rapport d’force. Mon dégagement en plus d’avoir instantanément brisé son arme ; déséquilibra mon nouvel adversaire qui titubait dangereusement, manquant de peu de tomber violemment sur ses fesses. Hélas ! Tandis qu’il cherchait l’équilibre, j’étais apparu dans les airs, en l’espace d’un seul instant, devant son torse à ma portée. Torse que je n’avais pas loupé puisque j’avais provoqué une onde tranchante qui lacéra sa poitrine de tout son long. Cri d’agonie… Profusion de sang. Un bruit sourd confirma la lourde chute du malabar au sol… Une mare de sang s’forma autour de sa carcasse qui souffrait horriblement. Il n’était pas mort. Juste gravement touché. Comme les autres en fait. Moi je ne n’aimais pas tuer. C’était pas dans mes objectifs. Mais si la mort venait à le gagner, tant pis pour lui ! J’lavais pas envoyé venir m’attaquer. Alors que je donnais dos aux autres soldats après m’être gracieusement réceptionné, j’tournais ma tête vers eux, dans un sourire de véritable psychopathe, le visage imbibé du sang de celui que je venais de trancher…

              • Suivant…

              Houlà… Que des peureux ces petits gens... Ma phrase sonna la fuite chez ces gens qui n’hésitèrent pas une seule seconde à prendre la poudre d’escampette. Et dans un tel brouhaha à en donner la migraine… M’enfin. J’comptais pour ma part les laisser filer et rejoindre Lilou à l’intérieur, mais un gros « HALTE-LA ! » attira mon attention… Avant que je ne finisse par sourire quelques secondes après. Mes hommes étaient de la partie. Le démantèlement commençait. Me retournant alors vers la scène, j’voyais mes officiers et sous-officiers combattre merveilleusement bien les quelques chauves qui voulaient s’enfuir. Héhé ! La victoire était mienne ! La marine de la base de Shell reprenait des couleurs, enfin. Pour ma part, j’allumais une autre cigarette avant de tirer une grosse taffe satisfaisante. Aaaah… Ça sentait bon tout ça. Les cris alarmés des chauves qui voulaient s’enfuir, les coups de feus, de croisements de fer… Mes hommes qui prenaient facilement l’avantage. Bref, la totale quoi. L’un de mes officiers s’approcha de moi avant de me briefer sur ce qui s’était passé au port. Ainsi donc, ils m’avaient reconnus de loin… Soit. C’était pas si mal que ça. Même si j’aurais voulu commencer à draguer Lilou loin des regards quoi… En toute intimité, genre. A cette idée, je soupirais devant mon homme qui s’interrompit, croyant avoir dit une bêtise. Je fis vite de le rassurer avant d’écouter avec attention l’rapport plus ou moins détaillé qu’il me faisait malgré tous les bruits inconvenants qui nous entouraient…

              Quelques minutes plus tard…

              Nettoyage effectué. Tout était parfait. Les chauves étaient soient ligotés ou assommés dans un coin pour les plus chanceux, soit morts pour les moins chanceux. C’était tout simple. Alors que j’étais debout sur une motte de terre, les yeux fixés sur la grille que j’avais partiellement voire complètement détruire, deux silhouettes s’avançaient vers nous. Et quelle ne fut pas ma joie de voir l’élue de mon cœur, saine et sauve. Est-ce que je calculais le robot ? Du tout. Mes yeux étaient fixés sur Lilou et ne brillaient que pour elle, pour son charisme, pour sa beauté sauvage. Elle m’obnubilait tout simplement. Je restais muet face à son approche, rougissant fortement comme un puceau à son premier essai et sentant mon cœur battre à la chamade. Le colis que Bee me laissa ne m’intéressa nullement, mais plutôt sa propriétaire. Mais alors que je lui offrais mon plus beau sourire de charmeur fou de la mort qui tue et qui rooooxe du poney ; la donzelle m’envoya un coup d’poing dans le bide que je sentis bien passer. Oh putain ! Je titubais dangereusement, la douleur au ventre, sans trop comprendre le geste, tandis qu’elle se mettait à pestiférer contre moi. Je crachais alors du sang, avant de me redresser et de la sentir se coller contre moi. Instant court… Mais tellement magique… que je n’écoutais même plus ses réprimandes. Par contre, je sentis que l’un de mes hommes voulut m’défendre puisqu’il cria sur Lilou en la traitant de « SALE GARCE ! » et en avançant dangereusement vers elle, arme en main…

              • TU NE LA TOUCHES PAS !

              Avais-je rapidement crié à son encontre ! Le marine sous mes ordres se raidit automatiquement. Tous mes hommes étaient stupéfiés, ne comprenant pas ce qui m’arrivait. Le poing qu’elle m’avait foutu était complètement légitime. Je n’aurais pas dû hein… J’n’aurais pas dû l’embrasser. Mais au lieu d’éprouver des remords, au lieu de m’excuser, je portais une main à mon ventre en souriant, en riant même. Ma plantureuse lieutenante Ketsuno vint à me bâillonner de ses petits bras tout en lorgnant Lilou et en m’demandant si j’allais bien, apparemment inquiète. La réponse ne se fit pas attendre… « MAIS JE VAIS MERVEILLEUSEMENT BIEN, MOI, HEHEHE ! » …Et troubla toute l’assistance. Ignorant ma lieutenante, je me dégageais un peu brusquement de ses bras et commençait à tituber vers Lilou à la manière d’un ivre… « Lilou… Tu m’enivres… » Au fur et à mesure des petits pas que j’effectuais vers elle, ma voix s’élevait davantage… « JE T’AIME LILOU, TU LE SAIS ÇA ?! » Réponse qui choqua cette fois-ci toute l’assistance. Mais je m’en foutais un peu. Et puis je relevais la tête vers elle, les yeux pétillants de malice, sourire baveux d’un vrai pervers aux lèvres. « LILOU… » Derrière moi, ma lieutenante fulminait, rageait grave, mécontente de ne plus m’faire d’effets… « LILOOOUUUUU… » Soudain, j’effectuais un vrai plongeon vers elle, tout hurlant à pleins poumons son nom ; mais je ne vis malheureusement pas le gigantesque marteau que ma lieutenante sortit de nulle part, « ARRÊTEZ VOOOOOS COOOOONNEEEERIIIIIEEEES !!!! » avant de m’assener un gros coup de traitresse qui m’propulsa...

              BAAAAM !

              Loin... Très très loin dans le ciel… Au point même que je scintillais comme une étoile dans le firmament avant de disparaitre du champ visuel de mes hommes, de Bee, de Lilou... Comme quoi… Ne jamais sous-estimer le pouvoir d’une femme inquiète et qui plus est, jalouse…

              Quatre jours plus tard…

              Le réseau de la Chèvre avait été complètement démantelé. L’information avait été parvenue aux bases voisines qui remontèrent elles aussi sur des groupes de trafics de toutes sortes. Drogues, pièces de navires, faux billets… Toute une organisation dont « La chèvre » était secrètement le commanditaire. Ce dernier d’ailleurs était sous les barreaux pour un bon moment et la marine de Shell était encore une fois passée à l’affiche du quotidien de la marine. Encore une fois… Mais qu’était-il arrivé au colonel de la base après son voyage forcé ? Oh, moi ? J’avais atterri en pleine mer. Encore heureux qu’un bateau de commerçants passait par là… On avait fini par me plâtrer le bras gauche pour deux bonnes semaines au moins… C’était pas de chances… Ma lieutenante était venue s’excuser… Toutes en larmes… Mais j’avais vite fait de la pardonner… Tellement elle était trop belle pour que je puisse lui infliger quelconque punition. Depuis, elle s’occupe bien de moi… Même si j’trouvais bizarre qu’elle soit tombée amoureuse de moi du jour au lendemain, moi qui l’avait dragué pendant 5500 fois, sans succès. Pour le reste, on ne m’avait plus rien dit. Mes caporaux m’avaient assurés qu’ils n’avaient rien fait contre Lilou et à Bee, même s’il m’arrivait de penser parfois aux deux… à elle surtout. C’était balot… Vraiment. Pour une fois que j’avais des sentiments pour quelqu’un depuis la mort de ma première femme, la Terre se rebellait contre moi. J’étais poisseux, vraiment poisseux… Plus encore quand je sentis un bout de boit se loger dans l’une de mes côtes…

              • MAIS ÇA VA PAS VIELLE PIE ?! JE SUIS ENCORE CONSVALESC…

              • Tu penses encore à elle n'est-ce-pas ?

              • Hein… ?

              Le regard et le ton sérieux de la vielle sorcière me prirent au dépourvu. Oui, j’étais chez elle, et oui, je prenais du bon temps ; Même si sa maison sentait toujours le chou… N’ayant pas le cran de lui répondre, je me murais dans un mutisme et calait ma tête contre le mur de sa bâtisse en caressant mes cheveux d’un air las. Sans plus rien dire, elle se mit à sourire et rentra dans sa maison, continuer sa petite cuisine. Je soupirais alors et réajustait ma chemise blanche déboutonnée sur un jean bleu et délavé. Il faisait bon et le ciel était joliment dégagé. Fallait que j’arrête d’penser à elle mais plutôt à réparer le mat de mon bateau. D’ici deux semaines, je reprendrais du service et il serait bon que toutes les infrastructures soient opérationnelles pour m’assurer un boulot irréprochable. Il en dépendait d’ma carrière quoi. Souriant sous une brise fraiche qui me berçait, je sortis alors de ma poche une cigarette que je plantais entre mes lèvres. Par la suite –Vu que j’avais qu’une seul bras valide, l’autre étant platré-, je sortis un briquet de ma poche que j’essayais d’actionner… Sans succès… C’était bien ma veine… Mais au moins, j’profitais du bon temps… Seul… Dans mon coin…

              Fin