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There is a new Chez Riff in town !

1629 avait été fêtée frugalement mais malgré tout, les Vert-de-Gris ne l’avaient pas mauvaise. Toujours portés par l’allégresse de la traversée de Reverse Mountain et de leur entrée dans Grand Line, ils tenaient leur cap, le vent était favorable, et les coqs avaient mis les petits plats dans les grands pour l’occasion, quitte à se serrer la ceinture plus tard. Mama avait même permis la perce d’un tonneau de bière !

Au Port des Jumeaux, cette dernière semblait aussi heureuse que quelqu’un venait d’accomplir un rêve, de franchir un cap : heureuse, mais vide. Vide car elle n’avait plus d’objectif directement en vue, aucune destination précise, aucune route déjà décidée à l’avance. Elle pouvait aller partout, mais ne parvenait pas à se décider. Bien sûr, le monde regorgeait d’injustices et de vermines ou de rapaces, mais …
Elle se sentait autant comme devant une tâche colossale à accomplir -ne sachant pas par où commencer- que comme devant un nouveau monde à explorer -ce qui était le cas, mais elle ne parvenait pas à se décider d’un coin à explorer. Pourquoi un plus qu’un autre ?
Marl, le charpentier, vint à son secours grâce à son pragmatisme à tout épreuve : le Débourgeoiseur avait subi quelques dégradations mineures auxquelles il lui fallait remédier. Hélas, l’équipage ne courrait pas sur l’or et il ne disposait pas des matières premières. Alors celui-ci proposa de rejoindre Union John.

C’était une île qu’il connaissait bien, de par son passé et de par son métier.

Union John était une île révolutionnaire, et même une mine révolutionnaire. Pour quelques berries, les Verts-de-Gris pourraient miner eux même en compagnie de leurs camarades et d’autres civils courageux à la recherche de minerais. De plus, Marl connaissait quelques personnes là-bas et il avoua même à sa capitaine qu’il était prêt à doublement se saigner : il se portait autant volontaire pour miner que pour réparer le bateau. La concernée n’était pas tellement de cet avis, mais elle eût été bête de refuser un tel élan volontaire.

Ainsi, peu de temps après leur traversée de Reverse Mountain, les Verts-de-Gris se dirigeaient vers l’île des travailleurs solidaires.

Grant, l’homme de Mama et le second de l’équipage, était prêt à suer aux côtés de son nouveau compère, Marl.
Sacha, l’amie du couple et timonière du Débourgeoiseur, défiait déjà qui le voulait et misait -du vent, conformément à la règle interdisant les jeux d’argent au sein de l’équipage- sur sa propre victoire au jeu du “Qui minera le plus ?”.
Tempérance, la Maîtresse-canonnière adolescente, ne pipait mot, mais son cerveau d’effrontée se demandait si elle pouvait miner à l’explosif, et ce, dans le dos de sa capitaine.
Tout ce qui comptait aux yeux de la navigatrice Raja, c’était la visite d’une île inconnue. Après tout, elle espérait encore y trouver la réincarnation de son tigre.
Jack, le minks gabier, n’était pas vraiment chaud à l’idée de s’enfermer sous terre. Il préférait largement les larges étendues sauvages à l’air libre. Sur ce point, l’île à l’immense crâne de pierre allait le décevoir. Elle n’était boisée que sur le pourtour, et la forêt était largement domptée. Aussi, il n’y avait aucun temple à explorer, et les reliques légendaires avait déjà été raflées.
Eilleen, la chirurgienne cyborg, se cantonnerait aux soins aux éventuels mineurs blessés.
Niko, le quartier-maître, rejoignait l’avis et la ferveur de Grant et Marl.
Et le reste de l’équipage se partageait déjà les tâches. Celles et ceux qui n’étaient pas ou peu ravis par cette mission pouvaient rester à bord du Débourgeoiseur ou en ville. Il fallait toujours des hommes à bord, tant pour le ravitaillement que pour garder la frégate. Alors Jack se fit un plaisir de chapeauter tout ce beau monde.

Or donc, après plusieurs jours de voyage plutôt calme, voire même enjoués lors du changement d’année, les Verts-de-Gris arrivèrent à Union Jack.


Dernière édition par Mama Boutanche le Ven 13 Jan 2023 - 17:51, édité 1 fois
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Quelles qu’étaient leurs attentes ou leur impatience vis-à-vis d’Union John, tout le monde fut fasciné par la beauté sauvage de l’île. Le crâne de roc semblait les toiser, à moitié et mal caché derrière une bande de végétation, comme une menace qui se savait pertinemment visible et se jouait de sa mauvaise dissimulation. “Union John te regarde”.

Un malaise naissait chez certains. Mais Marl prit la parole, haut et fort.

— N’ayez crainte, camarades ! L’île ne regorge plus d’aucun danger, si ce n’est ceux qui attendent tous les mineurs. Tout Union John a été retourné, pillé, dominé, et façonné par la main de l’homme depuis belles lurettes ! La plus grosse malédiction que vous puissiez rencontrer, ce sont les coups de grisou ! Comme pour tout mineur, comme je vous le disais ! Le seul or que vous trouverez, c’est celui que vous rapportera la sueur de votre front ! Alors apprêtez-vous à retrousser vos manches et hardi, camarades !

Sur ces belles paroles, il avait levé en l’air ses bras croisés et armés de sa faucille et de son marteau. Ses encouragements ragaillardirent tout l’équipage et enflamma leur cœur.

Deux heures plus tard, l’appontement se fit sans difficulté et Mama fut reconnaissante envers son charpentier : rares étaient les fois où ils étaient les bienvenus au port ou à la capitainerie. Et même plus encore : la présence de Marl se révéla être presque comme un passe-droit !
Le bougre connaissait effectivement certaines têtes qui se firent un plaisir de l’accueillir en bonne et due forme et de le guider au travers de Bella Union.

L’unique village était devenu une ville florissante qui profitait largement de la raison principale des voyageurs, à savoir le minage. Bella Union se faisait désormais un malin plaisir d’offrir tout ce dont le chaland avait besoin après une rude journée de labeur et ainsi espérer récupérer quelques berries si durement gagnés : saloon, tavernes, auberges, maison close, diverse boutiques, quelques gargotes, mais aussi un marché, une tannerie, une forge. Au loin, à la périphérie de la ville, se dessinaient même quelques ranchs avec des vaches y paissant et des écuries accolés à des prairies, le tout reposant sur d’anciennes parcelles de forêt déboisées. La ville était sécurisée par des miliciens en tenue de cow-boy qui allaient et sortaient de l’immense bureau du shérif. La mairie, quant à elle, paraissait autant flambante neuve qu’ayant bien vécu.

Après mûres réflexions, Mama se dit que cela ne jurait pas. Après tout, et conformément aux dires de leur guide auto-attitré, Bella Union avait été majoritairement construite avec des matériaux de récupération, et seuls les derniers bâtiments se payaient le luxe d’être assemblés avec une partie de première main. Si cela était le cas de la mairie, elle ne le vit pas.

Un des mineurs détenteurs de l’autorité locale reconnu Marl et vint à la rencontre du groupe des Verts-de-Gris diminué. Après de franches retrouvailles, le charpentier lui indiqua la raison de leur venue, et le shérif les mena aux bureaux de la compagnie pour s’affranchir du droit de minage et pour être affecté à une équipe de minage.

Pendant ce temps, sur accord et ordre de sa capitaine, Jack surveillait le Débourgeoiseur barbotant au port ainsi que la dizaine de révolutionnaires restés à quai pour le ravitaillement et la surveillance. Raja accompagna les marins en ville afin de secrètement -même si tout le monde s’en doutait- démarcher les locaux et se renseigner sur une potentielle réincarnation de son tigre d’âme-sœur décédée sur Skypiea il y avait une bonne décennie de cela. Le fait qu’elle portât sa dépouille brute sur le dos aurait presque pu ne pas choquer tellement la mode était au cuir et à la fourrure, comme autant de trophées que pouvaient arborer les trappeurs. De son côté, Mama et Grant, du fait de leur véganisme choisi, se renfrognaient quand ils croisaient un de ces types.

Bien entendu, la quarantaine de Verts-de-Gris volontaire n’entra pas toute dans le bureau de la compagnie de mineurs. Mama était uniquement secondée de Marl, si ce n’était pas le contraire au vu de la notoriété de ce dernier. Mais quand la capitaine se présenta et annonça la couleur à la secrétaire, celle-ci blêmit à vue d'œil avant de se réjouir.

— Eh beh ! Ça en fait du volontaires ! Vous allez nous mettre les galeries d’Union John à sec ! Je plaisante ! Bien sûr, je vous laisserai le commandement de vos hommes et vous devrez veiller au bon déroulement des journées, mais je suis obligée de vous affecter à une contre-maîtresse de la compagnie qui vous guidera et vous dira quoi faire. Et pour mater autant de monde, j’ai la personne qu'il vous faut !

Sur ces mots, elle dégaina un escargophone à la tignasse verte et aux orbites maquillés de noir. Il eut à peine le temps de sonner que l’intéressée décrocha aussitôt.

— Ouaip ?
— Allô Cindy ? Ici Nicky, de la compagnie de minage. J’ai du monde pour toi, genre … beaucoup !
— Ça marche, j’arrive ! Je fais vite !


Elles raccrochèrent puis Nicky, puisque c’était visiblement son nom, retourna à sa discussion avec Mama.

— Vous souhaitez rester combien de jours ?
— Eh ben … disons … le temps que notre log se recharge ?
— Deux jours, je crois ?
interrompit Marl.
— C’est bien ça !

Mama se tourna vers Marl.

— Ca te convient ou il te faudra plus de temps ?
— Non non, c’est parfait capitaine !


La secrétaire attendait patiemment qu’ils eussent fini avant de reprendre.

— Vous commencez demain, huit heures.
— Entendu !
— Dans ce cas, je vais me rendre de ce pas à la forge pour marchander. Je vais essayer de troquer des rivets dont j’ai besoin contre une partie des minerais bruts que nous ramenerons, comme ça je pourrais commencer les réparations aujourd’hui.
— Très bien, va !


Pendant que Nicky remplissait la paperasse, Mama patientait poliment et Marl s’éclipsa. Au moment où il allait sortir du bâtiment, une diablesse tout de cuir rouge vêtue manqua de peu de le percuter. Un sourire vilement complice lui fendit la gueule et du poing droit, elle lui donna une bourrade amicale.

— Fais attention où tu vas, mon gros !
— Ah … Cindy … Ce nom d'oiseau ! Ça ne te ressemble pas : tu as bien vingt ans de retard !
— Vieille canaille ! C’est toi qui est trop penché sur le passé ! Tu gardes les mêmes habits qu’avant, comme si tes kilos en trop de gros bourgeois te manquaient !


Tous deux s’embrassèrent vivement avant de se bourrer le dos de tapes amicales.

— Capitaine, je n’étais pas certain qu’il s’agissait de la Cindy que je connaissais, mais … si ! Alors je te présente Cindy Kate, notre contre-maîtresse et valet de la Révolution ! Et Cindy, je te présente Mama Boutanche, ma nouvelle capitaine !
— Enchantée !
— De même !


Les deux femmes s’empoignèrent virilement l’avant-bras pour se saluer, un large sourire aux lèvres. Elles savaient déjà qu’elles allaient bien s’entendre.
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Mama avait permis à Cindy de passer à bord du Débourgeoiseur pour venir y prendre une collation dans la coquerie, pendant que cette dernière lui donnait les derniers détails des deux journées à venir.

Quand elle quitta le pont, Marl revenait lourd d’une caisse de caisse et d’un sourire jusqu’aux oreilles.

— Le forgeron a bien voulu m’avancer une caisse de rivet, contre des berries, ou mieux, une partie de nos minerais. En guise de gage, je lui ai donné l’emplacement de notre rafiot. Mais vous savez comme moi qu’on ne risque rien : nous ne sommes pas de mauvais payeurs, et nous n’avons jamais eu de mauvaises intentions. Si nous sommes ici, c’est avant tout pour réparer le Débourgeoiseur !

Mama s’étonna de cette recherche d’excuses. Elle se demandait si ses hommes voyaient en elle une tyran, alors le rassura avec un sourire qu’elle espérait confiant et non teinté d’appréhension.

— Tu as raison, et tu as bien fait, Marl ! Ne t’inquiètes pas pour ça !

En réalité, elle s’inquiétait davantage de la bonne volonté du forgeron. Elle espérait qu’il ne compterait pas une journée d’intérêt supplémentaire.

Dans tous les cas, l’équipage était au grand complet le soir venu. Mama et ses coqs cuisinèrent et les Verts-de-Gris prirent leur dîner tous ensemble, pour la première fois depuis longtemps. Les membres n’allant pas à la mine le lendemain s’étaient déjà distribués les quarts, malgré le fait qu’ils fussent à quai et dans un port tranquille.
Le repas tirait quelque peu en longueur, certains révolutionnaires avaient sorti leur instrument de musique, et la soirée se termina dans la joie et la bonne humeur. Enfin, celles et ceux qui pouvaient gagner leur hamacs le firent sans se faire prier. L’ambiance bon enfant et ses inquiétudes aidant, Mama avait même accepté que les coqs cuisinassent sans elle pour les deux prochains jours. Après tout, elle aussi serait éreintée après une longue journée de dure labeur. Si la vie à bord n’était pas de tout repos, celle d’un mineur non plus et les muscles sollicités n’étaient pas les mêmes, tout comme les tâches à effectuer.


* * *


Le lendemain matin, quand l’équipe volontaire de mineurs se leva aux aurores, les coqs avaient préparé un petit déjeuner copieux que prenaient déjà les Verts-de-Gris en quart. Les premiers tiraient une gueule de déterrés quand les seconds, mieux réveillés, accompagnaient ce réveil difficile avec des encouragements. Encore une fois, les coqs avaient été prévoyant et avaient préparés des petits collations à base de biscuits de marins et de café ou de tisane.

Au moment du départ, Mama et Marl ouvraient la voie et menaient le groupe. Quand ils arrivèrent devant les bureaux de la compagnie, Cindy Kate les attendait déjà, sur le pied de guerre.

En somme, la journée fut aussi prévisible qu’inhabituelle. Prévisible parce que les révolutionnaires à quai devaient tuer le temps -même si une partie d’entre eux récupérait de leur quart ou se voyait confier des tâches de la part d’un Jack briefé par Grant ou Niko, le quartier-maître- et parce que les mineurs vécurent une journée aussi longue que fatigante. Mais inhabituelle car le Débourgeoiseur n’avait que très rarement été aussi dépouillé des siens, et si les Verts-de-Gris passaient parfois leur vie sur Terre, ils ne l’avaient jamais passé dans ses entrailles. Et encore moins à gratter ses boyaux rocheux et métalliques.
Cette première journée leur parut donc aussi longue que fastidieuse à toutes et tous, mais nul écueil ne fut à déplorer.

L'après-midi touchant à sa fin, les mineurs retrouvèrent leur navire. La fatigue se lisait sur leur visage crasseux, mais elle était teintée de satisfaction et une certaine complicité avec Cindy Kate pétillait dans leurs regards. Quand ils regagnèrent les leurs, cette dernière leur braillait des anecdotes, ravie de cette audience captivée et enjouée.

Alors que le petit groupe saluait la mineuse révolutionnaire survoltée, elle invectiva les deux têtes pensantes du groupe.

— Mama ! Marl ! Attendez ! Laissez-moi vous rendre la pareille : hier, vous m’avez bien reçue à bord de votre navire, et j’aimerais vous montrer toute l’hospitalité de l’île ! On est pas qu’une ville minière !

La capitaine regarda le charpentier, accepta d’un signe de tête ferme et entendu puis donna les rênes à Grant, son homme et second des Verts-de-Gris, avant de s’éloigner en compagnie de la contremaîtresse.

— Venez, je connais un rade sympa.

Les deux révolutionnaires la suivirent pendant qu’elle continuait :

— Avant que Rackham le Gris ne devienne Maire de Bella Union, il tenait un saloon. L’unique de toute l’île en fait. Il laissait personne en ouvrir d’autres. Maintenant … c’est toujours le cas. Du moins, il essaie. Il pourrait hein ! Il a tous les pouvoirs pour faire fermer la concurrence, mais s’il le fait, ce serait à sa manière et il tomberait sous le coup de sa propre loi. Alors il se montre juste menaçant, et ça marche sur la majorité des gens.
— Il sonne un peu comme un tyran, votre type là …

— Un peu …Disons que c’est un despote éclairé. Une main de fer dans un gant de fer … mais doublé de velours grâce à l’Armée révolutionnaire. Donc pour le bien de tout le monde. Quand il s’est proclamé Maire de Bella Union, personne n’a vraiment bronché. Il aurait pu devenir shérif, et tout le monde le pensait. Mais il a laissé ça aux bonnes gens, et c’est loin d’être un mal. Je pense qu’au final, c’est lui le plus malin : il a sa part dans la création des lois, et les shérifs les font appliquer. C’est un peu comme s’il s’était taillé la part du lion et qu’il avait pris contrôle de l’île, même si c’est toujours l’Armée Révolutionnaire qui tire les ficelles en vérité. Je rappelle que c’était un pirate à la base ! Et tant qu’il fait pas de vague, ça nous va. Donc l’un dans l’autre, c’est un bon maire. Son aura et sa présence dissuadent les potentiels fauteurs de troubles.


Soudain, elle fit volte-face avec un large sourire.


— C’est là ! Chez Riff ! Le premier à avoir ouvert sa taverne quand Rackham est devenu maire ! Il est venu lui rendre une petite visite pour l’intimider et dévaliser son rade, mais deux shérifs étaient présents et lui ont dit qu’il serait destitué et emprisonné s’il faisait ça.
— Rackham a toujours son saloon ?
— Ouaip ! Tenu par un de ses collaborateurs. Mais je vous emmène ici pour pas trop vous dépayser … Et puis chez Rackham on vous sert des tords-boyaux tout juste bons à réveiller les morts, et moi, je veux que vous soyez frais pour demain ! Ah, et c’est ma tournée !


Sur ces mots, elle pénétra dans la taverne traditionnelle.

Sans être bondée, elle était déjà assez remplie, et bruyante. Visiblement, ils n’avaient pas été les seuls à avoir eu cette idée de se prélasser autour d’un verre après le travail. Mais le plus surprenant restait l’omniprésence de cartons, comme si la boutique se préparer à fermer. Pour autant, cela n’avait pas l’air de déranger les autres personnes présentes.
Le trio se faufila à travers le mobilier, les cartons et les clients puis s’installa à une table disponible.

— Une bière blanche, ça vous va ?

Mama et Marl opinèrent du chef.

— Riff ! Trois Opales s’il te plaît !
— Entendu !
répondit une voix ronde.

A peine installés, Cindy retira ses bottes en s’aidant uniquement de ses pieds puis poussa un soupir de soulagement.

— Mettez-vous à votre aise !
— Plus facile à dire qu’à faire : avec tous ces cartons, j’ai l’impression de gêner, de retarder leur départ …
— Bah ! Vous en faites pas ! Si c’était le cas, Riff nous l’aurait bien dit !


Si Marl restait guindé, Mama se laissa aller contre le dossier de sa chaise et déplia ses jambes.

— Eh beh ! Je suis pourtant pas faignante, mais je suis rincée !
— Ah ça, ça casse, le travail à la mine !
— C’est dans de tels moments que je me sens le plus vivant ! Rien ne vaut une bonne journée productive où tu as sué sang et eau ! Ca t’ancre dans la réalité !


Mama et Cindy échangèrent une œillade amusée puis une serveuse vulgaire arriva. Elle était vieille, sale, mal et trop maquillée, et mâchait un chewing-gum bruyamment.

— Bah … Gwen n’est plus là ?
— Nan, elle est dans l’autf’ bar.
— L’autre bar ? Riff a vendu ?
— Nan, il a afheté ! Mais f’est toujfours fhez Riff ifi !


Sans plus de cérémonie, la serveuse claqua les bocks sur la table, ce qui l'éclaboussa et les fit mousser. Aussitôt, Mama comprit pourquoi la bière s’appelait ainsi : si les pintes avaient été un peu plus propres, le nectar de houblon aurait décomposé la lumière ambiante en toutes celles de l’arc en ciel.
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— M’sieur dame ! A la bonne vôtre !

Ils trinquèrent joyeusement tous les trois.

— Je suis contente d’être tombée sur une équipe aussi disciplinée que la vôtre ! En général, la compagnie m’appelle pour superviser les grands groupes ou les dissidents, histoire de les mater. Mais quand j’ai vu cette bonne bouille de Marl, j’ai compris que ce serait une partie de plaisir ! Mais je ne m’attendais pas à si bien m’entendre avec vous ! Votre départ va être un vrai crève-cœur !
— A t’entendre, on dirait que ton travail ne te plaît pas …
— Exact. C’est le cas ?
— Naaan, c’est pas tellement ça … Enfin, si, disons-le clairement ! Je veux dire : personne ne rêve de rester mineur toute sa vie ! Sauf p’t-êt’ eux, là bas.


Elle désigna deux types en train de discuter à voix basse autour d’un fût qui servait de mange-debout. L’un affichait un air aussi benêt que déterminé et l’autre renfrogné mais tout aussi déterminé.

— Nabot et Nez-Creux, deux autres contremaîtres. Le premier, y’a un truc qui tourne pas rond dans sa tête. Genre il se croit toujours esclave, trime pareil sauf que comme je disais, il est devenu contremaître, et il impose la même cadence à ses hommes. Bien sûr, on a beau être révolutionnaires, on vit dans un monde de merde qui marche au rendement, alors on a des quotas imposés -plus tolérants que la normale, plus humains- pour rester rentables. Mais lui … on dirait un patron qui ruine la santé des autres sauf qu’il ruine aussi la sienne et que les profits ne lui reviennent pas tous dans la poche ! Et le second est plus sympa. Il a le pif pour trouver les filons alors c’est lui qu’on vient consulter pour savoir où creuser. Sympa, comme je disais, mais pareil : la tête dans le guidon. Boulot-boulot.
— Cindy, ce n’est pas d’eux qu’on parlait, mais de toi.
— C’est vrai. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Bien sûr que ça me plaît de trimer pour la bonne cause ! Juste, je me voyais pas faire ça, même si je me sens utile …
— Tu voulais être sur le front ?


Ils sirotaient tranquillement leur bière mais sur ces mots, une flamme se déchaîna en Cindy qui fit s’entrechoquer ses poings.

— Ouaip ! Distribuer des tartes à des connards qui le méritent vraiment ! Pas à des gens qui pensent que tout le fruit de leur travail devrait leur revenir … Ou qui se la coulent douce en pensant que le travail des autres leur reviendra en partie … Je peux pas leur en vouloir, on a été éduqués comme ça ! Vive les dérives de ce monde capitaliste …

Le silence qui s’était installé ne semblait pas perturber le reste de la taverne vivement animée, mais ce n’était pas le cas de Cindy. Alors elle reprit peu après.

— J’imagine que je te l’ai déjà raconté, Marl, mais je viens de Poiscaille. Là-bas, presque tout le monde vit de la pêche d’une façon ou d’une autre.

Mama, végane, serra les mâchoires mais restait toute ouïe.

— Sauf que malgré les apparences, l’île appartient aux trois grandes familles. On dirait presque une mafia, sauf qu’elle sert le Gouvernement mondial. Les ouvriers triment mais crèvent quand même la dalle pendant qu’elles s’en mettent plein les fouilles et arrosent la Marine. Je vous passe les détails sur les conditions de travail qui sont désastreuses mais loin d’être uniques dans ce monde … Mes parents arrivaient à peine à joindre les deux bouts avec leurs paies, c’est dire ! Tout ça, ça m’a donné la hargne. La hargne d’en découdre avec toutes ces injustices ! Mais on avait pas un rond pour pouvoir se barrer. Le problème avec les bourgeois, c’est qu’ils entretiennent la précarité des autres pour mieux asseoir leur domination et gonfler leurs propres caisses. On est leur matelas pneumatique : ils nous noient juste assez pour flotter au ras des vagues tout en nous laissant à peine vivant, pour éviter qu’on se rebelle.

Si la capitaine des Verts-de-Gris affichait désormais un regard peiné, ce fut au tour de son charpentier de se crisper, les poings fermés. Cindy n’avait qu’un mot à dire, et il était prêt à sauter à la gorge du premier venu.

— J’ai fini par tout claquer en me disant qu’il fallait que je me sacrifie pour sauver mes parents. Ils se font vieux, et ils pourront pas tenir la cadence très longtemps. Alors ils crèveront. Soit au taff, soit de froid ou de faim, chez eux ou dans la rue, parce qu’ils auront plus rien pour payer leur loyer exorbitant ou leur bouffe. Je me suis tirée ailleurs pour trouver un QG de l’Armée révolutionnaire. Pour ça, je me suis proposée en tant que manœuvre sur un navire marchand. J’ai été acceptée, mais je suis pas restée longtemps dans les rangs. On m’a envoyé ici parce que je me laisse pas marcher sur les pieds et je connais la vraie valeur du travail. Celui qu’est pas épanouissant mais nécessaire, alimentaire. La production, la logistique qui fait que la machine est bien huilée. Ils comptent sur moi pour mater les fortes têtes et leur faire rentrer ça dans leur tête de pioche … Comme je vous dis, je le fais parce que je sais que c’est nécessaire … Si c’est pas moi, c’est quelqu’un d'autre qui sera à ma place.

Tout Long-Membre qu’il était, Marl parvint à donner une tape amicale sur l’épaule de son amie avant de l’empoigner fermement pour lui témoigner tout son soutien. Sa compassion était totale et l’énervement de la jeune femme, partagé.

— Je suis navrée de l’entendre, glapit Mama.
— Merci … J’aimerais que leur situation change avant le moment fatidique …
— L’argent a bien trop de pouvoir. Pourtant, sans les efforts des travailleurs, les bourgeois n’auraient rien. Ils ne seraient rien. Ça me répugne ! Je les exècre !
— Je sais bien mon gros, je sais bien … Passons à autre chose, vous voulez ? On a tous nos petits soucis, et je ne veux pas laisser les miens gâcher cette belle amitié en train de se nouer ! Surtout que vous repartez demain !!
— Après-demain, plutôt, ou encore un jour après, rectifia Mama. Je vais nous laisser le temps de récupérer. Sitôt les galeries quittées, mes mineurs redeviennent des marins avant toute chose. Des marins en permission, mais quand même. Et je veux qu’ils soient frais quand on reprendra la mer.
— En parlant de ça, je finis mon godet et je m’y jette. Ma part de minerais est livrée, mais il me reste encore des réparations sur le Débourgeoiseur.
— Beaucoup ?
— Ça ne devrait pas me prendre plus de quelques heures je dirais … Nos mousses à dispositions sont volontaires et suffisamment nombreux pour que je me voie obligé d’en refouler certains. Avoir de la main d'œuvre est une chose, être gêné par le nombre en est une autre.
— Parfait, reste donc avec nous alors !


Le trio finit par discuter de tout et de rien, ils commandèrent une nouvelle tournée d’Opales ainsi que quelques amuses-bouches pour faire passer le tout. La nouvelle serveuse était aussi vulgaire et désagréable qu’auparavant.

A un moment, Cindy appela le tenancier d’un signe de doigt.
De par son travail, Riff était légèrement musclé mais le bedon de l’âge commençait à poindre. Il confirma d’un signe de tête, fit claquer son torchon sur son épaule et s’approcha.

— Oui ma p’tite Cindy ? Qu’est ce que je peux faire pour toi ?
— Ah ! Mon bon Riff De Guitar ! Dis-moi, t’as changé de serveuse ?
— Oui et non … Comme elle t’a dit, j’ai ouvert un nouveau Chez Riff et comme je ne peux pas être à deux endroits à la fois, j’y ai envoyé mes employés les plus fidèles et les plus fiables. Gwen fait partie de ces gens là : je sais qu’elle peut tenir le coup de feu de fin de journée. Pourquoi ça ?
— Bah … Ta nouvelle serveuse … Je sais pas où tu l’as dégotée mais …
— Mais elle débute. Laisse-lui le temps !
— Oui, bien sûr ! Tu me connais ! Mais …


Elle leva sa chope, et en voyant la saleté accumulée, Riff fit les gros yeux.

— Je vois …
— Ne lui passe pas un savon, surtout pas maintenant. Pas devant les clients.
— Evidemment. Mais après le service, je vais lui payer un verre. Elle verra par elle-même, du moins je l’espère. Désolé pour le désagrément !
— Je travaille à la mine ! J’ai mangé des sandwichs avec autant de garniture que de poussière de roche !
— Et moi j’ai connu des rades pire que celui-là !
— Tout le monde a le droit de débuter.
— Merci énormément de votre compréhension … Encore une fois, je vous présente mes excuses. Pour vous remercier, laissez-moi vous offrir ces consommations.
— Merci Riff. Mais au fait, tu ne crains pas trop de nouvelles représailles de Rackham ?
— Non, il tient bien trop à sa place pour venir me péter les rotules et le bar.
— De lui-même … non … Mais il pourrait envoyer quelqu’un … En plein jour ou juste après votre service …
— Je pense pas qu’il oserait perdre un de ses hommes. S’ils me veulent du mal, à mes tavernes ou à moi, ils devront aller en prison. Pour sûr, il viendra me mettre un coup de pression, mais je jouerai le péteux et tout rentrera dans l’ordre … Bon, désolé mais je dois vous fausser compagnie. Y’a des gens mineurs à rincer et pas suffisamment de bras disponibles pour le faire !
— File ! On doit partir aussi de toute façon, merci encore !

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Le groupe se sépara en début de soirée. Cindy regagna son logement et si Mama et Marl rejoignirent les leurs, ce dernier avala son repas sur le pouce avant de se consacrer à nouveau aux réparations de la frégate.

Au moment où la capitaine effectuait son dernier tour de ronde avant d’aller se coucher, le charpentier l'interpella. Elle voulut congédier son homme qui l’accompagnait pour partager un moment avec elle, mais Marl accepta sa présence d’un signe de main. Après tout, les deux hommes s’appréciaient, et ce qu’il allait raconter les concernait tous deux.

— Capitaine, je n’arrête pas de repenser à ce que nous a raconté Cindy … Ça me ronge, à vrai dire. C’est exactement ce que je déteste le plus en ce monde.
— Oui, moi aussi … C’est malheureux, mais … ce n’est pas le seul endroit où ces conditions règnent …


Grant eut un petit rictus amusé. Marl et lui ne se connaissaient que depuis quelques mois, mais la complicité entre les deux était forte. Il devina aisément où voulait en venir son compère de charpentier.

— C’qu’il n’ose pas te d’mander, c’est ton autorisation pour aller y r’médier.

Mama restait interdite. Mais au fil des mots, son air s’attristait.

— J’imagine. Mais j’ai plusieurs raisons pour ne pas agir directement, la première étant -et croyez-moi que ça me coûte de vous l’avouer- qu’on ne peut pas s’insurger à chaque problème. Le monde est pourri, et on ne peut pas le changer seuls. Ensuite, les Blues sont sous la domination de la Marine. Si on doit y aller, il faut être préparé. Et enfin, j’ai un peu les mains liées. On fait partie de l’Armée révolutionnaire, et Guerre est suffisamment sympathique pour nous laisser quartier libre en attendant ses ordres. Si on veut agir, il nous faut son accord.
— Ca m’étonnerait qu’il soit contre …
— Sauf votre respect, je pense que vous n’avez pas mesuré tout le potentiel de Poiscaille, Capitaine. Cindy nous a dit que les familles servaient la Marine, il y a donc fort à parier que l’île soit un garde-manger pour les bases voisines, voire pour les royaumes sous la protection du Gouvernement mondial. Mettre un coup de pied dans la fourmilière serait certes satisfaisant, mais on aurait la Marine sur le dos. Seuls. Mais si la petite histoire de notre camarade m’a appris quelque chose, c’est que la lutte ne se résume pas aux guerres et aux libérations. Il y a des tâches ingrates et nécessaires. On peut chercher à s’accaparer Poiscaille pour le bien de l’Armée révolutionnaire ! Et là, on pourrait avoir l’accord du capitaine Ermutz et même le soutien des nôtres. Nous ferions d’une pierre deux coups : nous priverions la Marine d’un garde-manger, et nous le mettrions à disposition de la Révolution. Il pourrait aussi bien servir à nourrir les camarades que les oppressés ! Bien sûr, il nous faudra le contrôle des usines et des bateaux de pêche. Et pour ça, nous devrons jouer avec les règles dictées par l’économie. Mais cela nous permettrait aussi d’offrir de meilleures conditions de vie et de travail aux locaux.


Grant était toujours aussi amusé, mais il était autant impressionné. Sa femme se contenta de son soupirer profondément avant de s’appuyer contre la lisse, le regard perdu au-delà de l’horizon.

— Y’a pas à dire : tu sais te montrer convainquant … Si je refuse parce que je veux préserver la vie de nos hommes, je passe pour une tyran. Si j’accepte … il faut encore que l’Armée révolutionnaire accepte … et présenté comme ça … je ne vois pas ce qui l’en empêcherait …

Silence. Un silence perturbé uniquement par le brouhaha des révolutionnaires à bord, des bruits du port et du clapotis des vagues contre la coque.
Les deux hommes se regardaient droit dans les yeux, la tension était palpable. L’un était impressionné par les capacités de réflexions de son compère, l’autre cherchait du renfort. Grant comprit encore une fois et répondit à l’appel tacite.

— T’sais … Quand on a monté les Verts-de-Gris dans ton dos, on m’a donné ou on a r’cruté qu’ des gens qui partagent not’ point d’vue et qui sont prêts à l’défendre. J’dirais même qu’ils sont prêts à donner leur vie, mais elle aussi, ils vont la défendre. Bref, on sait pourquoi on t’a r’joint, on sait qu’on est pas là juste pour faire la morale à ceux qu’on croise. Et crois-moi, j’pense qu’un peu d’action nous f’rait l’plus grand bien.
— Tu sous-estimes la portée de cet acte et ses conséquences.
— Et toi, la chiantise du travail à bord d’un rafiot. On a passé Reverse Mountain, génial ! Bravo ! C’était grisant, mais sans rien à s’mett’ sous la dent, ça va vite déchanter. Là, on mine pour passer l’temps, pa’ce que c’est nécessaire. Et après ? On sait pas. On a d’bons gars, et heureusement. J’pense pas qu’on risque une mutin’rie, mais i’s vont commencer à sérieus’ment s’faire chier.
— Mais on rentrerait en GUERRE, Grant ! C’est pas une dispute de taverne ou un combat clandestin ! Mes coups de sang à côté, c’était rien, ou presque ! En plus, je n’engage plus la vie de deux personnes seulement ! Comprends-moi ! Comprenez-moi !
— On vous comprend, capitaine. Et c’est pour ça qu’on vous apprécie. Mais sur ce point, je rejoins votre homme. On sait pourquoi on a signé, et malgré vos réticences, un peu d’action, un peu de concret ferait le plus grand bien à tout le monde.


Nouveau soupir, nouveau silence.
Mama ne s’était pas retournée pour s’adresser aux siens. Elle avait cependant fait des gestes aussi grands qu’étaient son exaspération et son dilemme.

Elle fit enfin volte-face, fermée néanmoins.

— Je vous promets d’y réfléchir. Je vous donnerai une réponse avant notre départ d’Union John. Si on doit agir, alors je veux que Cindy soit au courant, qu’on ait l’accord de Guerre et de l’Armée révolutionnaire, et qu’on se prépare. Je ne veux pas me jeter dans la gueule du loup sans un plan solide.
— Bien entendu. Effectivement, ce serait sage. C’est un sacré coup que nous porterions en West Blue, ce n’est pas rien. Merci, Capitaine.


Marl salua bien bas le couple et se remit au travail. La capitaine et le second s’éloignèrent, mais Mama se retourna à nouveau.

— Marl ?
— Oui capitaine ?
— Ne te couche pas trop tard, je te rappelle que tu es toujours des nôtres demain à la mine.
— Evidemment, capitaine !


Cette nuit-là, l’ordre fut plus facile à faire appliquer qu’à appliquer à elle-même. L’équipage lui demandait de se sacrifier pour la bonne cause. Parce qu’il n’en sortirait pas indemne, c’était une certitude. Qui allaient être les malheureux qui laisseraient derrière elles et eux des proches encore plus malheureux ? Et c’était à elle de donner l’ordre qui allait déclencher une guerre.

Cela l’empêchait de dormir. Dans la cabine du capitaine, Grant le sentit plus qu’il ne le vit. Mais il ne le montra pas. Il faisait semblant de dormir, et Mama ne l’ignorait pas.
Déjà, s’il ne savait que lui dire, il savait que c’était à elle d’accomplir son rôle de capitaine. A elle et à personne d’autres.

Et toute la journée durant, Mama n’avait pas été aussi prolifique que la veille. A cause de la fatigue, mais aussi à cause de cette histoire.

Mais au fond d’elle-même, elle savait. Elle savait qu’elle ne pouvait pas ignorer cet appel. Elle savait qu’elle ne pouvait pas ne pas accepter. Mais leur accorder le droit de se jeter dans la gueule du loup, c’était au-dessus de ses forces. Au-dessus de ses principes.
Elle avait été militante, activiste, mais toujours sur un coup de tête. Pour de petites choses sans trop d’importance.

Maintenant, elle était dans le grand bain. Sur le plongeon. Sous elle, le rocher. Dur, froid, glissant. Mais stable. Elle pouvait encore faire demi-tour. En face d’elle, le vide. Terrifiant mais tout aussi grisant. En contrebas, une piscine remplie de bourgeois qui barbotaient sans se douter de rien.

Elle savait. Elle avait envie. Elle mourrait d’envie. L’envie de rameuter tous ses petits copains pour faire la plus grosse bombe que le monde ait jamais connu avant de s’accaparer les lieux pour eux et le personnel de maison exploité.

Cette image lui tira un sourire vicieux et un désir aussi violent qu’un caprice d’enfant. Si intense que dans la galerie, elle ne vit pas la lumière d’une lanterne grandir depuis derrière elle. Il lui fallut attendre qu’on lui tapât sur l’épaule pour qu’elle s’en aperçût dans un sursaut.
Elle se retourna, c’était Cindy.

— Mama ? Ca va pas ? T’as pas l’air dans ton assiette … Pis t'as été moins productive qu'hier ...
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Ses yeux caves et vitreux, enfoncés dans leurs orbites et échoués sur des cernes noires, dansèrent sur le visage de la contremaîtresse au même rythme effréné que celui de la flamme soufflé par le léger appel d’air de la galerie. Ils cherchaient à déchiffrer l’expression du visage d’une Cindy, à la fois inquisitrice et inquiète.
Loin derrière, noyé dans la fatigue et le dilemme cornélien qui s’offrait à elle, un éclair de détermination aurait lui dans les yeux de la capitaine révolutionnaire si son esprit et son corps n'eussent pas été si fatigués.
Elle s’aperçut enfin que quelques longues secondes gênantes s’étaient écoulées, elle se reprit donc, bredouillant quelques excuses.

— Je … euh … si … Enfin, pas vraiment non …

Elle soupira imperceptiblement.

— Je peux te voir un instant, en privé ?
— En privé ? Dans une mine ? Ça va être difficile … Entre les passages, les bruits de pioche qui résonnent, et les galeries qui font porter la voix …


La révolutionnaire vit qu’elle avait éveillé la curiosité de quelques uns des siens mais fit mine de ne pas en tenir rigueur. En voyant que la situation ne changeait pas, Cindy tenta d’accéder à sa requête.
Elle interpella un de ses collègues.

— Hé, Mangefer, veille sur tout ce beau monde, tu veux ? J’en ai pour cinq minutes, ça devrait aller.

L’intéressé opina du chef et un regard en biais de la part de la capitaine fit retourner à leur tâches ses marins.
Toutes deux s’éloignèrent, remontèrent les boyaux de pierre bardés de poutres en bois et s’extirpèrent jusqu’à une salle de repos de fortune aménagée non loin d’une salle de stockage, coincée entre deux ascenseurs de cordes menant à deux étages différents.

— On devrait être tranquilles ici quelques temps pendant que tout le monde creuse. Alors ? Qu’est-ce qui ne va pas ?

Par où commencer ? Mama ne voulait pas paraître s’apitoyer sur le sort de sa nouvelle amie et la prendre en pitié, ni sembler lui être redevable. Et puis elle s’avoua qu’elle en avait plus qu’assez des faux-semblants, et qu’il fallait qu’elle embrasse pleinement son rôle. Cela chasserait une bonne fois pour toute tout le stress accumulé depuis la veille.
Alors elle cracha tout de but en blanc.

Le ton baissa naturellement, même si des échos rebondissaient dans les couloirs voisins, couverts par les bruits de pioche qui remontaient jusqu'ici. Si tout avait été parfaitement silencieux, les bruits de la surface pourraient aussi se faire entendre doucement jusque là.

— Depuis que tu nous as raconté ton histoire hier soir, Marl et moi, on se sentait pas très bien. Surtout Marl. Ce n’est pas que je ne voulais rien faire, mais je ne voulais pas engager la vie de mes hommes dans un conflit qui nous dépasserait.
— Mama ! Non ! Je n’ai pas dit ça pour que vous …
— Je sais. On sait. Mais on est comme ça. Et je suis sûre que tu me comprends. Tu es de l’Armée révolutionnaire après tout, et toi aussi tu as le sang chaud. En temps normal, seule avec Grant et Sasha, j’y serai allé après avoir piqué une colère. Mais depuis quelques temps, je suis capitaine d’un vrai équipage, et la vie de mes hommes m’importe autant que celles des opprimés. Seulement, mon homme et Marl sont persuadés que les nôtres sont prêts pour un conflit. Qu’ils nous ont rejoint, nous ou l’Armée révolutionnaire pour ça. Qu’ils ont signé pour ça. Sauf que je sais qu’il y aura des morts. Et je ne sais pas si je suis prête à les assumer, ou à l’annoncer aux familles des membres de mon équipage. Grant pense que c’est mon rôle, et me laisse me débrouiller avec ça. Il a raison, mais je ne peux pas m’empêcher de lui en vouloir.
— Mama, tu n’as pas à …
— Laisse-moi parler, s’il te plaît. C’est déjà bien assez pénible pour moi. Depuis hier soir, je tourne en rond avec ça. Mais faut bien commencer quelque part … Après tout, c’est vrai : on a tous signé pour ça, pour défendre les opprimés et essayer de changer le monde. On s’est dévoué à la tâche, et on est toutes et tous prêts à le payer de notre vie, même si on la défendra bec et ongle. Et puis on est pas sous le commandement de Guerre pour rien. Et à ce propos, je ne peux pas et ne veux pas agir sans son consentement. L’idée, ce n’est pas tant d’intervenir que de s’emparer de Poiscaille.
— Mais c’est de la folie !
— Oui. J’hésite entre ça et du génie. C'est sûrement un peu des deux ... Je veux dire : prendre Poiscaille, c’est couper la Marine et ses royaumes d’un garde-manger. C’est aussi permettre à la Révolution de nourrir ses soldats ou les opprimés fraîchement libérés. Et enfin, l’Armée révolutionnaire aurait de nouveaux fonds pour financer ce qu’elle a à financer en revendant une partie de la production. Si ton histoire nous a appris quelque chose, c’est bien ça : pour mener une lutte, il n’y a pas que le front. Il y a des rôles et des tâches aussi ingrates que nécessaires. Et pour ça, il faut des gens qui acceptent de les effectuer. En offrant de meilleures conditions de vie et de travail, on espère que les ouvriers accepteront d’accomplir ce rôle comme ils le font déjà pour des bourgeois pourris gâtés qui les exploitent.


Au fil de son récit, les yeux de Mama regagnèrent de leur intensité et de leur éclat, même s’ils demeuraient toujours perdus dans leur orbite surplombée de cernes. Au contraire, ceux de Cindy parurent palir autant que son visage. Puis quand le vertige collé par l’annonce prit fin, sa joie enflamma ses joues et ses iris figés sur ceux de son interlocutrice.

— Merci ! Merci Mama !
— Remercie Marl, plutôt. C’est à lui que revient tout le mérite. J’ai juste peiné à accuser le coup comme se doit de le faire tout capitaine. Mais deux choses : la première, rien n’est fait. Il me faut l’accord de Guerre, un plan et du temps pour se préparer. La deuxième, je te demande de n’en parler à personne pour le moment. Si ça doit se faire, je veux l’annoncer moi-même aux miens.
— J'y manquerai pas ! Mais sinon, bien sûr, banane !
— J’ai promis à Marl et à Grant de leur donner une réponse avant notre départ d’Union John.
— Juste, Mama ?
— Hm ?
— Je veux en être. Je veux me battre pour les miens. Pour mes parents.
— Evidemment. Même si la décision ne m’appartient pas vraiment. En tout cas, je ferai tout mon possible pour que tu rejoignes le front. Après tout, tu connais mieux l'île que nous et on te doit tout.
— Je … C’est au-dessus de tous les mots ! C’est impensable ! Inimaginable ! Je pense à mes parents qui ne vont peut-être p…
— Cindy, rien n’est fait encore. Et notre intervention possible ne veut pas non plus dire que ce sera la fin à tous vos maux. Ou que tout se déroulera sans heurt. Sans … sans mort …


Les ardeurs de la contremaîtresse tout feu tout flamme furent stoppées net. Étouffés comme une vulgaire bougie mouchée. Mais la mèche se ralluma timidement aussitôt. Seulement, au lieu d’irradier des promesses de brasier vivant, elle brasillait mollement.

— Ce … C’est vrai … Mais du coup, je comprends peut-être pourquoi l’Armée révolutionnaire me préfère à l’arrière …
— Peut-être, mais pas seulement. Comme je t’ai dit, et comme tu l’as dit toi-même, il faut aussi des gens qui font tourner la machine. Et eux savent que tu en es capable. Cindy, je suis désolé de te demander ça, mais … loin de moi l’envie de me dérober à la tâche que je m’étais imposée, mais est-ce que je peux disposer ? Je voudrais profiter que les miens soient occupés pour gérer cette affaire dans leur dos.
— Mais bien sûr ! Tu as quartier libre, moussaillon ! … … Désolée, j’ai toujours rêvé de dire ça …
— Merci. Prétexte que je suis malade ou je ne sais pas, mais évite d’éveiller les soupçons. Et ce soir, tu es invitée à bord. Je veux que tu sois là si j’ai une bonne nouvelle à annoncer. Après tout, tu es la principale intéressée. Et si jamais ça ne doit pas se faire, je préfère te l’annoncer dans l’intimité relative de la coquerie, bien au chaud, autour d’une tisane ou d’un café et d’un biscuit de marin.
— Avec grand plaisir, Capitaine !


Mama souffla du nez, amusée, et elle se serrèrent chaleureusement l’avant-bras. Quelques instants après qu’elles se fussent tourner le dos, elle soupira lourdement. Tant pour chasser tout ce stress causé par cette prise de décision que pour chasser l’appréhension grandissante à l’idée de contacter son supérieur, l’Atout Ragnar Ermutz.
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Mama s’extirpa de la mine aussi discrètement que lui permettait son gabarit de trois mètres pour plus de deux quintaux et regagna la surface.

Le soleil l’inonda aussitôt non sans manquer de l’éblouir. Elle regimba, le bras devant les yeux fermés, puis s’étira avant de finalement se mettre en marche, habituée de force à la splendeur de l’astre du jour.
Elle retourna à Bella Union pour se diriger directement au bureau de la compagnie.
Quand la secrétaire la vit entrer, elle fut surprise.

— Déjà ?! Vous abandonnez ? Il s’est passé quelque chose ?
— Non non, tout va bien, ne vous inquiétez pas. Vous pensez que vous pourriez me mettre en relation directe avec le Conseil ? Genre Guerre. Oui voilà, pas le Conseil : Guerre.
— HEIN ! G-Guerre ! Carrément ! Et je suis sensée être rassurée ?
— Oui ! Ça n'a aucun rapport avec la mine, la compagnie, ou Union John. Je voudrais contacter mon supérieur.
— RAGNAR ERMUTZ EST VOTRE SUPÉRIEUR ?!
— Autant pour la discrétion …
— P-Pardon !! C’est juste que … ça fait beaucoup d’un coup !
— Et donc ?
— Euh hm. Oui, désolée. Je pourrais, j’imagine … La fameuse théorie des six escargophones d’écart, vous-même vous savez …
— Non.
— Vraiment ?! Bah on raconte que n’importe qui serait en lien au sixième degré maximum de n’importe qui d’autre. Donc en théorie, je connais quelqu’un, qui connaît quelqu’un, qui connaît quelqu’un, qui …
— … qui connaît Guerre.
— C’est un raccourci mais … exactement ! Mais d’ailleurs j’y pense … Vous n’avez pas sa ligne directe ?
— Nous n’avons pas d’escargophone du tout.
— Oh, bonjour le siècle oublié !
— Très drôle, vraiment. Et sinon ? Guerre ?
— Oh ça va, je plaisante ! “Autant pour l’amabilité” hein !


Sur ces mots jetés à la figure interdite de la capitaine, la secrétaire s’éloigna de son bureau. Mama avait la boule au ventre et l’impression que son interlocutrice était un petit chaton qui s’amusait avec comme il s’amuserait avec une pelote de laine. Moralité, c’étaient ses nerfs qu’elle avait mis en pelote, et bien malgré elles.
Alors elle patienta. Plus ou moins patiemment. Elle maugréait pour elle-même et contre elle-même. Elle trouvait des excuses au comportement excessif de la secrétaire mais se refusait de l’avouer. En réalité, elle savait que c’était elle qui s’était mal comportée à cause du stress qu’elle s’imposait elle-même et que la réaction de l’autre femme était tout à fait normale et compréhensible. Mais en plus d’être parfois un taureau enragé, Mama était également une sacrée tête de mule.

Un bon quart d’heure passa. Ce qui permit à la mauvaise foi de la coq en chef de ressasser et de refouler sa mauvaise foi.
Quand la secrétaire revint, elle s’excusa platement, l’autre accepta sèchement, et elles n’allèrent pas plus loin alors qu’elle lui tendait un escargophone.

Un escargophone féminin, blond et aveugle cependant.

— Allô ? fit une voix de femme qui laissa Mama totalement perplexe.
— G-Guerre ? C’est Mama, Mama Boutanche. Vous êtes passé entre les mains du Pirate-Métamorphe ou quoi ?!
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Je peste en me bagarrant avec l'organisation assez anarchique de Ragnar, dans son bureau.
Reprendre le poste du Siège de la Guerre est loin d'être une tâche aisée, surtout que je ne me sens pas encore prête pour prendre cette charge sur les épaules, mais je me dois de garder l'ensemble de mes doutes en moi, ne pas mettre le doute dans l'esprit des forces armées, alors que nous formons la première ligne de défense de la Révolution.

Je sursaute, ma tête heurtant lourdement le bureau sous lequel je m'étais glissé pour chercher un papier égaré que j'avais entendu tomber et rouler de ce coté, alors qu'un Den Den Mushi sonne.
J'émerge en insultant copieusement le concepteur de ce bureau et toute sa famille, avant de tourner la tête à gauche à droite.
Clairement, me battre contre le classement des documents de ce bureau avec ma cécité, c'est loin d'être une partie de plaisir, mais là, j'arrive à repérer le son de l'Escargophone assez facilement, le trouvant dans un tiroir non loin de là.
Ce doit être celui de Ragnar, il était le seul à utiliser ce bureau de manière quotidienne...

Je décroche sans attendre:

- Allô?

Une voix féminine assez bourrue me répond assez vite et surtout fort, semblant clairement surprise de m'entendre répondre à la place de Ragnar.
Erm... Difficile de dire qui est à l'autre bout de l'appareil: je sais que quelques personnes de la Révolution étaient alliés à Ragnar et travaillaient régulièrement avec lui, mais je ne connais pas tout ce monde-là, estimant que je devais surtout m'occuper de l'équipage principal.
Maintenant, je comprends mon erreur, alors que je me suis retrouvé balancée sur le devant de la scène avec la disparition du Siège de la Guerre.

J'inspire longuement:

- Alors oui et non.
Oui je suis Guerre, mais je ne suis pas Ragnar: je suis Kardelya Koshin, son ancienne Excuse et je reprends son Siège, suite à sa disparition, après l'opération contre Teach.
Mama Boutanche, tu dis? Tu diriges les Verts de Gris, c'est ça? Pourquoi cherches-tu à joindre Ragnar? Tu travailles sur quelque chose et tu avais besoin de lui?


Je ne laisse pas le temps d'encaisser la nouvelle à la révolutionnaire dont j'avais vu l'avis de recherche, me souciant un minimum de la réputation et de la progression des figures notables du mouvement, assez curieuse quand-même de voir l'évolution. Je la presse de quelques questions, me disant aussi que ça me changera les idées que de parler avec quelqu'un d'extérieur au navire.
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— Je … euh … oui, c’est ça !

Kardelya n’avait pas laissé le temps à Mama s’accuser le choc de la disparition de Ragnar, et elle l’avait aussitôt affublée d’un autre : cette autre pointure de l’Armée révolutionnaire la connaissait, ne serait-ce qu’un peu ! Plus rien n’existait autour d’elle et elle ne voyait les gens de la compagnie de minage tirer des têtes de trois pieds de long !

— Ragnar est … était mon supérieur … Je faisais indirectement partie de sa flotte. Il me laissait quartier libre mais pouvait m’appeler en renfort si besoin. Je ne sais pas trop comment ça va se passer pour moi du coup, mais si vous acceptez de me prendre à votre service sous les mêmes conditions, je serai ravie de mettre ma force de frappe sous votre égide.

Elle marqua un blanc. Il lui fallait parler de l’affaire. Elle se lança donc sans procession.

— Mais si j’ai cherché à le … à vous contacter, c’est parce que j’ai une demande à vous faire : je voudrais votre accord pour m’attaquer à Poiscaille. J’imagine que vous le savez déjà, mais l’île est le fumoir à poissons de la Marine. Il sert à nourrir les troupes et les royaumes sous la protection du Gouvernement mondial. Pendant ce temps-là, les ouvriers dans les usines sont exploités par les trois plus grandes familles de l’île. Ils se crèvent à la tâche et parviennent difficilement à joindre les deux bouts.

Au fur et à mesure des mots, son énervement et sa détermination sourdaient de son ton.

— Je voudrais commencer par leur prêter main forte en soulevant une vague de rébellion et de grève, puis profiter pour mener une guerre à la Marine pour prendre l’île. Nous ferions d’une pierre plein de coups : nous offririons de meilleures conditions de vie et de travail aux ouvriers, nous priverions la Marine d’un grenier pour se l’accaparer. A notre tour, nous pourrions nourrir les nôtres ou les opprimés. Et enfin, nous pourrions faire nos premiers pas dans l’économie en vendant une partie de la production.

Nouveau blanc. Mama cherchait les mots les plus justes qu’elle pût choisir.

— Je sais que sur le papier, le projet a l’air idéal. Mais je n’ai pas vraiment de plan et j’aurais besoin de temps pour nous préparer. Sachez que je ne chargerai pas tête baissée dans un tel guêpier, mais j’ai envie, j’ai besoin de le faire. C’est viscéral ! Et les avantages de la prise de Poiscaille sont non-négligeables. Je dois bien avouer que j’ai quelques réticences à perdre des hommes et à faire des malheureux dans leurs familles respectives, mais mes lieutenants m’assurent qu’ils ont toutes et tous signé pour ça …

La capitaine avait parlé trop vite, son cœur avait déballé cela sans même qu’elle n’eût le temps d’y réfléchir et après coup, elle se dit que ce n’était pas la meilleure conclusion. Mais les dés étaient jetés !
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Le changement de ton chez cette révolutionnaire me laisse souriante assez béatement, alors que je pouffe doucement de rire sur la fin:

- Eh bien, on dirait moi en terme de tirade et d'enthousiasme, ça fait plaisir à entendre.

Elle est passé assez vite de la surprise et du stress à la frénésie verbale et l'emportement. C'est bon signe, ça veut dire qu'elle croit en son projet et qu'elle veut tout faire pour le mener à terme.

- Alors déjà, pour commencer, tu peux me tutoyer et me traiter comme ton égal: tant que nos idéaux convergent nous n'avons pas de raison de nous considérer comme supérieur ou inférieur à quelqu'un.
Et accessoirement, je te cache pas que ça me crispe un peu le vouvoiement comme ça.


Je me renfonce dans le fauteuil de Rag... enfin mon fauteuil, pour réfléchir plus sérieusement encore au plan énoncé par Mama:

- Déjà, pour un plan que tu dis ne pas encore être au point, c'est un excellent point de départ et ça me plaît comme méthode: mêler affrontement direct et contribution de la population est pour moi la meilleure chose à faire, pour galvaniser les locaux et les préparer à l'après-bataille.
J'ignore si tu es au courant du projet de Ragnar, parce qu'il m'en a parlé finalement assez récemment, avant que l'on affronte l'Empereur sur Treize.
Mais clairement, détourner une part de l'économie ou d'une ressource du Gouvernement Mondial, pour se l'approprier pour la Révolution, ça va parfaitement avec son projet de confédération révolutionnaire. Multiplier les sources de revenus et exploitations de ressources, ça nous permettra d'être et autosuffisants et d'ouvrir plus d'opportunités d'emplois et d'avenir, pour les nouveaux révolutionnaires. On ne peut pas compter que sur des soldats pour libérer les peuples, on doit leur montrer autre chose qu'une violence pour en chasser une autre: une alternative au Gouvernement Mondial, avec de l'emploi et de meilleures conditions de travail.


Je réfléchis un temps, avant de secouer négativement la tête:

- Ne t'inquiètes pas, on va tout faire pour que cette opération soit un succès et que tu ne perdes personne. On ne peut certes pas passer outre le fait que la guerre reste une chose sale et qu'il y aura des pertes, mais ce n'est clairement pas dans notre intérêt et on va faire en sorte que tout se passe au-mieux.
Si tu as besoin de temps, de ressources, n'hésites pas et fais et demandes en conséquence: je suis même prête à faire le déplacement et servir de première ligne, entre de possibles renforts de la Marine qui tenteraient de reprendre l'île.
Je ne suis pas Ragnar, mais je ne compte pas non plus être moins que lui.
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Une nouvelle fois, Mama fut soufflée. Elle pouvait tutoyer la nouvelle Guerre, comme l’ancien le lui avait autorisé ! Et encore une fois, elle se souvint qu’elle n’appliquait tout simplement pas à elle-même une règle qu’elle aimait faire appliquer : les piédestaux sont des vues de l’esprit que concrétisent le pouvoir et les biens. L’homme le plus fort, le plus riche, le plus prestigieux, reste un homme normal. Si à bord elle se faisait appeler “Capitaine” et vouvoyer, c’était simplement pour tenir au respect de la hiérarchie. Mais dans les faits, tous les Verts-de-Gris étaient égaux. Ils gagnaient ensemble, perdaient ensemble, galéraient ensemble. Chacun payait sa part du tribut, des tâches et du sacrifice, gradé ou non.

Mais ça, ce n’était qu’une bise à côté de l’autre nouvelle que lui apportait Kardelya. Délivrer ou s’approprier des modes de production pour faire marcher une économie révolutionnaire et offrir un modèle alternatif au monde entier, ça, c’était une vraie tempête !

— Je … Wow ! furent les seuls mots qu’elle fût capable de prononcer le temps d’accuser le coup. Je veux dire … la dernière fois qu’on s’est parlé avec Ragnar, il m’a évoqué son projet de révolutionner West Blue … Ca … C’est encore autre chose, mais c’est clairement un truc qui me botte à fond !

Sous l’excitation et la détermination, son sourire s’élargissait autant qu’elle serrait fort l’escargophone qui aurait crié grâce s’il l’eût pu.

— Merci du fond du cœur pour l’accord ! Je te promets de ne pas te décevoir ! Comme je te l’ai dit, je n’irai pas bête baissée sans préparation. Je le dis autant pour toi que pour les miens, qui sont aussi les tiens désormais. Et d’ailleurs, si jamais un jour tu as besoin de nous, n’hésite pas à m’ …

“A m’appeler”. C’étaient les mots non pas qu’elle cherchait parce qu’elle les avait déjà sur la langue, mais c’étaient des mots interdits. Interdits parce qu’elle ne voulait pas exploiter d’escargophone contre son gré. Mais ça, c’était avant qu’elle ne se décidât de se lancer dans un tel projet.

— N’hésite pas à m’appeler … dès que j’aurais … mis la main sur des escargophones … j’imagine …

Ces petites bêtes ne disaient rien et ne semblaient pas souffrir ou être dérangées d’être sollicitées n’importe quand, n’importe où. Mais cela ne voulait pas dire qu’ils appréciaient cela !
Mais enfin, pour le bien de tous et la survie des siens, elle allait devoir s’asseoir sur leur bien-être et sur ses convictions.
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Je souries, devant le blocage évident de Mama, qui semble clairement surprise par la portée du projet de Ragnar et vu ce qu'elle répond par la suite, c'est bien le cas. Je ne connais pas le détail de la réflexion de Ragnar, concernant son projet de confédération, mais il y a peut-être des raisons pour n'évoquer que West Blue à la révolutionnaire.

- J'ignore ce qui est passé par la tête de Ragnar. Peut-être voulait-il que tu te concentres exclusivement sur une zone, une Blue précise, pour éviter d'éparpiller tes forces et ressources ailleurs? Ou alors petit à petit il a voulu étendre ce plan d'une Blue aux mers voisines, jusqu'au Nouveau Monde. C'est difficile à dire, mais pour ma part, je fais confiance à chacun pour gérer son projet, tout en ayant connaissance de la portée globale de l'ambition de son chef.
Savoir que ce tu fais va contribuer à rendre l'ensemble de ce monde un peu meilleur, j'espère que ça aura un impact positif, pour te motiver davantage à la suite de ton projet, même si je ne saurai trop te recommander de rester "modeste" dans tes idées et de ne pas aller trop vite. Déjà, voler une ressource au gouvernement risque de nous exposer à une sérieuse réponse armée, mettant au péril nos forces encore assez modestes. Et le fait que ce soit une terre civilisée expose la population locale aux éclats d'une bataille, donc ça fait une nouvelle gestion de conflit peu utile pour nous, qui cherchons à nous installer toujours plus ici et là.


C'est décidément bien amusant d'entendre son interlocuteur passer de la réflexion à l'enthousiasme maladif et ne produisant plus que quelques phrases brouillonnes. Elle faisait peut-être pareil avec Ragnar, je ne sais pas trop.
Bon, après, j'espère que cette panique devant le changement de patron ne va pas se répercuter sur son travail, mais dans le doute, je préfère encore qu'elle "extériorise" son stress ici que lors de son opération.

- Je n'y manquerai pas et toi non plus, n'hésites pas à rappeler en cas de besoin.
Surtout, gardes la tête froide et gères chaque crise une après l'autre, pour ne pas t'éparpiller. Quand cette île sera pleinement convertie à la cause, productive et surtout à l'abri du Gouvernement Mondial, nous pourrons penser plus sereinement à la suite du projet.
Pour ma part, je dois me centre encore sur quelques "formalités" administratives avec le Conseil, mais après j'aurai quelques idées de projets à faire devenir réalité.
En tout cas, je suis ravie de compter sur des alliés extérieurs à mon équipage direct: je me pensai plus isolé que ça et je suis contente que tu m'aies donné tort par cet appel.
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Quand Mama avait raccroché, elle n’avait pas d’étoiles dans les yeux. Non, elle s’était sentie pousser des ailes et avait dans ses tripes un incendie qui ne demandait qu’à ravager ce monde pourri pour en rebâtir un nouveau sur les cendres de l’ancien. Néanmoins, elle le contint tant bien que mal, même si un immense sourire la trahissait. Immense sourire qu’elle allait devoir cacher en revenant au Débourgeoiseur, mais de cela, elle n’en avait cure pour l’instant.
Elle ne s’était même pas rendue compte des yeux ronds que lui lançaient celles et ceux qui avaient assisté à la discussion. Elle bredouilla un bref remerciement à la secrétaire qui s’était adoucie devant le bras long de la capitaine qui s’en allait, comme si de rien était, totalement dépassée par l’euphorie que lui procurait l’appel.

Elle avait obtenu l’accord ! Elle allait pouvoir agir !

Elle se répétait cela durant tout le trajet jusqu’à la frégate et se reprit juste à temps. Avant d’arriver au port, elle s’ébroua comme un chien pour chasser et cacher sa liesse. Chaque chose en son temps : rien n’était fait, et même : tout restait à faire, à commencer par l’annoncer à l’équipage au grand complet.

Quand les Verts-de-Gris restés à bord l’aperçurent, ils vinrent évidemment au devant d’elle, accoudés à la lisse en grappe. Après tout, c’était la première chose passionnante de la journée qui arrivait : la capitaine qui revenait avant l’heure ! Et bien sûr, cela ne manqua pas de soulever l’interrogation ou l’inquiétude des siens.
Pour autant, elle tenta de tirer une moue usée -ce qui n’était pas très difficile à vrai dire- et de prétexter qu’elle ne se sentait pas bien. Fort heureusement pour elle, la chirurgienne attitrée, Eilleen, était partie elle-aussi à la mine.

Elle put donc s’enfermer tranquillement dans la cabine du capitaine. Là-dessus, elle prit quelques feuilles et commença à se pencher dessus pour dessiner un plan.
Il leur fallait des escargophones. C’était la toute première urgence. Il fallait impérativement au moins un lien entre le bateau et l’équipe à terre. Il suffisait certainement d’en trouver en ville … du moins, le pensait-elle puisqu’elle n’en avait jamais eu recours.
Il leur faudrait certainement de meilleures armes mais surtout un stock de munitions et de vivres.
Mais pire encore, il leur faudrait s’entraîner. Nombre d’eux avaient dû déjà se battre voire faire leurs classes au sein de l’Armée révolutionnaire, mais il valait mieux s’en assurer avant la bataille que sur le front. Si jamais l’entraînement portait ses fruits, ils pourraient toujours se trouver une petite cause à défendre.

On frappa à la porte.

— Capitaine ? Ce sont vos coqs. Comme il n’y a pas de médecin à bord, nous avons pris soin de vous concocter un bouillon clair avec les chutes de légumes !

Elle sourit à cette initiative touchante et se surprit à ne pas être en colère. Elle changeait, finalement … Aussitôt, elle rangea ses feuilles et sortit le carnet de bord en faisant mine de l’étudier.

— Entrez !

Ils obéirent.

— On s’y connaît pas grand chose, mais on sait qu’en général, quand on est pas bien, il faut manger léger. Et comme la mine, ça creuse … si vous me passez l’expression … ben on s’est dit que ça pourrait vous faire le plus grand bien, même si c’est pas très copieux …

A nouveau, elle sourit.

— C’est gentil de votre part, merci !
— Vous devriez laisser tomber le travail pour l’instant, on part que demain et nos journées ne sont pas très palpitantes, vous savez …
— Ne vous inquiétez pas, je regarde simplement la cam’ que vous avez fait entrer.
— Très bien ! Mais reposez-vous après, d’accord ?


Elle repensa à Kardelya.

— Vous savez quoi ? Arrêtez de me vouvoyer ! On est ensemble, dans la victoire comme dans la défaite, dans la tempête comme dans les galères. Je suis votre capitaine parce qu’il en faut une, mais je suis avant tout une Vert-de-Gris, comme vous. On est toutes et tous des frères et sœurs … Et puis, je sais ce que vous valez maintenant. Ce n’est pas parce qu’on sera un peu plus familier les uns envers les autres que vous remettrez notre autorité en question.

La mâchoire du coq qui venait de lui adresser la parole manqua de tomber, et il se reprit mais un peu tard. Mama sourit en dedans elle.

— Ça non, on se plaît bien sur le Débourgeoiseur ! Très bien, comme vous voul… comme tu veux ! Bon repos, Capitaine !

En repartant, un des coqs ne manqua pas de souffler aux autres :

— Eh beh … Elle doit être sacrément pas bien pour dire ça …


* * *


L’après-midi passa lentement. Très lentement. Trop lentement. Mama s’ennuyait à mourir mais n’osait pas sortir de sa cabine de peur de se trahir. Elle avait bien fait une sieste, mais très courte tant l’excitation l’animait. Elle en profita également pour consulter le registre -attentivement cette fois-ci, s’enquérir des nouveautés et des mauvaises attitudes de l’équipage auprès du gabier -rien n’était à signaler, puis regagna la cabine pour consulter la carte que la navigatrice avait dessinée.

La prochaine île sur la troisième ligne de Grand Line était l’Île aux Animaux, le refuge du légendaire Roi Minos, un Révolutionnaire de son état. Si l’île était réputée dangereuse, elle ferait un excellent exercice de survie tout en ayant la chance de s'épancher les récits et les connaissances du Roi de la Légion. Il aurait très certainement des conseils à lui donner !

C’était décidé : leur nouveau cap était fixé !

Sauf que voilà, la décision n’avait pas été longue à prendre et l’ennui la gagnait à nouveau.

Alors que la soirée n’allait pas tarder à s’amorcer, elle rejoignit le pont où elle prétexta avoir besoin d’un bol d’air. Elle serpenta entre les groupes marins, en quart ou non, plus pour tuer le temps que pour les surveiller. Et puis elle s’accouda enfin à la lisse et patienta.

Quelques dizaines de longues minutes plus tard, le port fut soudainement bercé par les braillements d’une jeune femme forte en gueule : Cindy Kate, à n’en point douter !

Les siens revenaient ! Ils seraient tous là, l’intéressée aussi ! Elle pourrait enfin tout avouer !!
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— TOUS À BORD, CAMARADES ! TOUS SUR LE PONT ! J’AI UNE GRANDE ANNONCE À VOUS FAIRE !

Heureusement que toute l’attention était portée sur Mama, parce que Grant et Marl se regardaient, heureux et satisfaits, et Cindy bondissait déjà de joie. Ils avaient deviné la bonne nouvelle et auraient trahi la surprise !
La capitaine regarda la contremaîtresse avec un large sourire et lui fit un signe de main pour l’inviter elle aussi à bord du Débourgeoiseur.

Une fois tout ce beau monde réuni sur la frégate, Mama prit une place en hauteur pour bien se faire voir et entendre.

— Mes sœurs, mes frères ! Bonne nouvelle ! Je sais pourquoi vous avez signé, je sais pourquoi vous avez décidé de me rejoindre ! Et je vous ai entendus ! Je m’excuse d’avoir barboté jusque là, mais désormais, et avec l’accord de Guerre, nous avons un objectif : nous allons libérer Poiscaille de l’emprise de la Marine et des grandes familles bourgeoises !

L’exultation fit mouche immédiatement, et tous les Verts-de-Gris manifestèrent leur liesse.
Mama attendit que l’excitation redescendît avant de continuer.

— Cindy, notre contremaîtresse, nous a expliqué à Grant et moi sa situation, la situation de ses parents à Poiscaille, en West Blue, ainsi que celle de tous les locaux : ils se ruinent la santé dans les usines pour parvenir à peine à joindre les deux bouts ! Pendant ce temps-là, les bourgeois font des bénéfices bien juteux et font croquer la Marine ! Alors que les ouvriers produisent la richesse, les grandes familles entassent le pactole et en font profiter la Marine ! Tout le poisson pêché finit dans les assiettes des garnisons et dans celles des royaumes sous la protection du Gouvernement mondial ! JE VEUX QU’ON METTE FIN A TOUT CECI ! JE VEUX QUE LES OUVRIERS PUISSENT TRAVAILLER ET VIVRE DÉCEMMENT ! JE VEUX JARTER LE DERCHE DES GRANDES FAMILLES SUR LES EFFORTS DES PLUS PETITS ! JE VEUX QU’ON RETIRE CE POISSON AUX DOMINANTS ET QU’ON LE REDISTRIBUE À LA RÉVOLUTION ET AUX OPPRESSÉS !

A nouveau, la ferveur des Verts-de-Gris battait son plein. Mama en eut presque les larmes aux yeux ! Ils et elles attendaient toutes et tous ce moment !! Elle était fière de son équipage ! Mais elle se devait de jouer les oiseaux de mauvais augûre, car tout n’allait pas être rose.

— Bien sûr, cela se soldera par une déclaration de guerre ouverte ! Ce ne sera ni joli, ni facile ! Entendez-moi bien : certains d’entre nous mourront certainement. N’oubliez jamais ça ! Je sais que vous êtes toutes et tous prêts à vous sacrifier pour la bonne cause, mais je veux limiter les pertes ! C’est pour cela que, malgré mon envie d’en découdre, je ne veux pas me jeter directement dans la gueule du loup ! Il nous faut nous préparer ! Il nous faut nous entraîner, il nous faut des escargophones, mais surtout : il nous faut un plan ! Tout ce que je vous demande, c’est encore un peu de temps avant de revenir vers vous pour vous le soumettre ! Pour cela, je vous propose notre prochaine escale : l’Île aux Animaux ! On y trouvera un camarade, certes Dissident mais qui j’en suis sûr, saura éclairer nos lanternes par ses exploits : je veux parler du légendaire Roi Minos ! Et pour fêter ça, je veux qu’on organise un grand repas pour ce soir ! Ce soir est notre dernière soirée sur Union John, et bien sûr, Cindy, tu es invitée ! Camarades, merci de croire en moi autant que je crois en vous ! Ensemble, mettons fin au règne des plus riches !

Bien qu’elle n’aimait pas ça ordinairement, Mama se laissa porter par les cris de joie et se permit une petite courbette devant les siens. Elle laissa durer un peu ce moment hors du temps puis quitta son estrade en levant bien haut son poing droit. Elle les rejoignit aussitôt et fut submergée par les siens, la gratifiant de divers éloges. Elle eut toute la peine du monde à retrouver Cindy, Grant et Marl mais quand elle y parvint, elle échangea longuement avec eux, dans une ivresse toute partagée.

Les ragots, les paris, les vantardises sur la guerre à venir allaient déjà bon train mais restaient bon enfant, et ce, jusqu’à ce que les coqs eussent fini de préparer le festin qui les attendaient toutes et tous, tard dans la soirée. Tous les Verts-de-Gris se réunirent sur le pont, autour de tables faites de bric et de broc, des tonneaux de bière avaient mis en perce, et la fraîcheur de la nuit qui s’installait ne semblait perturber personne.
Une fois, Mama pensa qu’il fallait refaire une partie du plein de la cale demain, avant le départ, mais cette fois-ci fut unique. Elle aussi se laissait aller, immergée dans l’ambiance.

Le repas fut suivi par quelques histoires, quelques chansons, et les révolutionnaires commencèrent à se disperser. Certains prirent leur quart, d’autres allèrent se coucher, et d’autres enfin poursuivirent leur soirée bien prolongée en petits groupes, dans la serre ou sur le gaillard d’avant. Cindy regagna son toît et Mama ses pénates. Son homme allait la rejoindre plus tard, il devait déjà donner ses ordres pour la courte nuit à venir.

Et l’aurore prit de cours une bonne partie des Verts-de-Gris qui peinèrent à émerger, même les coqs aux cernes noires devant le café et les biscuits de mer fumants.

Mama, accompagnée de quelques-uns des siens, se dirigea en ville afin de se réapprovisionner en vivres avant le départ vers l’Île aux Animaux.
Elle croisa une Cindy aussi fatiguée par la soirée que redynamisée par la bonne nouvelle et tint à inviter la capitaine avant le départ. Bien entendu, elle accepta, finit ses achats et donna ses ordres pour apporter le ravitaillement au Débourgeoiseur. Une fois Nikos, le quartier-maître, en vue, elle lui remit les rênes du petit groupe et s’en sépara afin de rejoindre la contremaîtresse.
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Elles se dirigeaient dans une ruelle nouvellement aménagée que Mama ne connaissait pas. La capitaine se laissait mener par la contremaîtresse.

— Merci pour tout ce que vous allez faire ! Je suis contente : mes parents auront la chance d’avoir une fin de vie décente !
— Attends, rien n’est fait encore … Rien n’est gagné …
— Je sais ! Mais j’ai bon espoir ! Et juste ça …


Mama lui donna une tape sur l’épaule.

— Tu m’emmènes où, comme ça ?
— Bah … au nouveau Chez Riff ! Je veux que tu aies l’occasion de boire une Opaline bien fraîche dans un bock propre avant de partir !


Les deux commères rirent de bon cœur. Quelques minutes plus tard, elles atteignirent leur destination. Une taverne flambante neuve les attendait, avec les derniers matériaux de récupération en date. Malgré tout, Riff avait tenu à lui apporter le plus de cachet possible et son établissement brillait comme un vieux berry qui avait déjà trop bringuebalé de bourse en bourse.

Quand elles entrèrent dans la taverne à moitié remplie, Cindy se réjouit tout autant que la serveuse qui tenait le bar et qui était contente de revoir une habituée.

— Cindy !
— Gwen ! Quel plaisir ! Ta remplaçante au vieux Chez Riff débute, mais du coup elle laisse un peu à désirer …
— Oh tu sais, si Riff l’a embauché, c’est qu’elle doit avoir les qualités … ou à défaut, elle se mettra au pas ! Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
— Deux Opalines s’il te plaît !
— Bien sûr ! Installez-vous au fond, vous serez tranquilles !


Elles obéirent et n’échangèrent que peu de mots en attendant leur commande. Mama s’aperçut qu’effectivement, cette Gwen savait tenir une taverne : même si tout n’était pas déballé et installé, tout ce qui l’était était propre comme il devait l’être ! Et quand les commandes furent apportées, Mama constata avec délice qu’effectivement, la bière blanche diffractait subrepticement la lumière environnante. Parfois, un petit arc-en-ciel éphémère apparaissait à chaque bock au rythme pressé de la serveuse.
Elle en tapota l’avant-bras de Cindy pour le lui montrer avec émerveillement, et la contremaîtresse s’en amusa tout autant.

Et alors qu’elles buvaient lentement leur mousse en papotant de tout et de rien, le calme de la taverne fut troublé par un :

— Eh merde, ce qui devait arriver va arriver : le voilà !

Gwen masqua son stress en le noyant dans les gestes du quotidien et en absorbant son attention dans ce qu’elle faisait. Mama et Cindy se regardèrent, et se déroula en même temps qu’elles comprirent, ce que ce que tout le monde redoutait : Rackham le Gris venait mettre un coup de pression aux tenanciers. Mais Riff était absent et Gwen allait trinquer à sa place. Cette pensée irritait déjà passablement la révolutionnaire.

Cindy intima Mama au calme pendant que tout le monde avait les yeux vissés dans leur consommation. La porte claqua derrière lui, il s’arrêta en même temps que le temps, toisa l’entièreté de l’établissement, et il siffla un étonnement ironique pour impressionner bien plus qu’il ne voulait faire croire qu’il l’était.

— Eh beh … C’est qu’on s’met bien par ici !

Personne ne broncha.

— Eh, toi ? Gwen, c’est ça ? L’est où l’vieux Riff ?

L’intéressée leva les yeux, sans provocation ni envie de se dégonfler pour autant.

— Dans l’autre établissement.

Rackham fit de grands gestes théâtraux, aussi exagéré que son énervement.

— Aaaah ! Je vois ! Cette canaille de Riff s’paie le luxe de défier mon autorité une première fois, mais en plus il récidive et il est même pas capable d’assumer lui-même ! AH !
— Il doit être retenu dans l’autre taverne …
— Eh ben justement ! Quand on a à faire dans un rade, on en ouvre pas un deuxième ! Surtout sans mon autorisation ! Ca m'donne des envies ! Des envies d'tout casser pour lui apprendre ! Et d'attendre qu'il vienne me souffler dans les bronches pour lui faire bouffer les rotules !


Gwen le regarda de biais, avec un “Jamais tu ne le lui aurais accordé !” tacite.
Mama se leva, ce qui prit Cindy au dépourvu. Les clients osèrent timidement regarder l’intruse marcher à pas décidé vers le dignitaire de l’autorité. Si elle avait vu leur regard suppliant, elle n’en montra rien. Elle était elle-même bien trop remontée pour s’en apercevoir.
Et d’un ton ferme, mais sans défi, elle lança :

— Sauf votre respect, Monsieur le Maire, Gwen n’en est pas à la cause.

Elle s’était approchée de Rackham, et tous deux se toisaient les yeux dans les yeux, d’égal à égal, à leur même hauteur de géant, et une tempête d’éclairs noirs faisait rage entre leurs canons oculaires.

— Et t’es qui, toi ?
— Une cliente de passage.
— J’crois pas que qui que ce soit t’aies sonnée.
— Normal : je ne suis pas un animal.
— La dernière personne qui m’a t’nu tête …
— … ne vous a pas connu en temps que Maire de Bella Union.
— Ma foi, c’est vrai.
— Alors pourquoi importuner les gens qui font fleurir votre ville ? Vous n’avez rien à y gagner. Si vous vouliez avoir l’exclusivité sur les boui-boui, il fallait rester dans votre boui-boui.
— Qu’est-ce que t’insinues ?
— Que vous avez pris la bonne décision. Mais que vous l’appliquez mal. De ce que j’en ai entendu, Bella Union ne s’est jamais aussi bien portée depuis que vous en êtes devenu le Maire. Alors pourquoi faire régner la terreur sur les commerces qui auraient pu faire concurrence au vôtre, à l’époque ?! Profitez à fond que la mine attire le chaland ! Laissez les gens se délasser où ils le veulent ! Surtout quand une partie revient sous forme d’impôt dans les caisses de la ville ! Plus il y a de tavernes, de saloon, d’auberge, plus il y a de choix ! Et plus y’a d’argent qui rentre ! Et plus c’est profitable à votre ville ! Si vous tenez encore autant à votre saloon et à ce qu’il soit fréquenté, faites tout ce qu’il faut pour que ce soit le cas.
— Je veux ! Et c’est ce que je fais !
— Non, vous tentez de plomber les autres pour maintenir le vôtre à flot, et donc vous plombez votre ville. Laissez les petites gens tranquilles. C’est pas le rôle d’un Maire, au contraire !


Sans se déboulonner, Mama retourna s’assoir à sa place sous les regards médusés. Gwen et tout le monde craignaient de terribles représailles mais … Rackham se contenta de la suivre du regard. Et puis, en durcissant son œillade, il se tourna vers la serveuse.

— Eh, barmaid, qu’est-ce que tu vends de plus fort ?
— Une liqueur de charbon.
— Tss, ça vaut à peine la pisse de chat que j’vends. Mets m’en une.
— Vous avez de quoi payer ?


Si ses yeux criaient “Ne pousse pas ta chance”, il dit simplement :

— Pour sûr. Sinon j’te demanderai pas.

Seule sa voix résonnait entre les murs. En dehors de ses prises de paroles, on aurait pu entendre les mouches voler. Même Mama et Cindy se regardaient sans mot dire, conscientes du coup de folie de la capitaine.

Les minutes défilaient, personne ne mouftait, personne n’osait bouger pendant que Rackham le gris sirotait son liquoreux noir.
Mama fit un signe de tête à Cindy pour lui dire qu’elle s’éclipsait, et elle la suivit.

Arrivées à la hauteur de l’ancien pirate, celui-ci les interpela.

— Hé, Kate, dis à ta petite copine qu’elle foute les pieds hors de ma ville. Je veux oublier c’jour où une pied-tendre m’a r’mis à ma place.

Sans se retourner, ce fut Mama qui lui répondit.

— Ca tombe bien, je comptais partir.

Et elle s’exécuta sans se déboulonner, consciente que ce reproche servait en guise de remerciement, comme si c’était un aveu de faiblesse que de l’admettre.

Une fois la porte de la taverne refermée, Cindy attendit quelques instants avant d’exploser de rire au coup de tête magistral de son amie qui frimait un peu.

— Voilà le meilleur des cadeaux pour un au revoir et une leçon que Rackham n’oubliera pas de sitôt !

Elles s’en amusèrent sur le chemin du retour et Cindy resta auprès des Verts-de-Gris jusqu’à leur départ, en début d’après-midi.
Jusqu’à ce que le Débourgeoiseur s’éclipsât derrière l’horizon, elle était restée à leur dire au revoir à grands renforts de mouvements de bras aussi amples que frénétiques, un énorme pincement au cœur.

Mama avait juré de repasser juste avant leur attaque sur Poiscaille pour venir la chercher, elle et potentiellement des renforts.

Cindy avait déjà hâte.
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