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The Pretender

Depuis deux jours la Lépreuse et le navire de mon chaperon voguent sous une pluie battante et une absence de vent. Seul l'Eternal Pose en ma possession nous assure d'être encore dans la bonne direction. Alors quand l'averse s'arrête enfin, mes hommes et moi-même sont ravis de pouvoir enfin mettre le nez dehors. Cependant, quelle est pas notre frustration de constater que le grain à fait place à un brouillard à couper au couteau. Pas un rayon de soleil, toujours pas de brise pour pousser les navires, juste le clapotis de la mer sur les coques de nos fiers galions dont la réverbération rend la scène encore plus inquiétante. Je n'ai besoin ni de mon nez ni d'empathie pour sentir la peur qui serre le cœur de mes troupes. J'ordonne alors de réunir tout le monde sur le pont.

"Messieurs, comme vous le savez déjà, nous nous dirigeons vers l'Asile. Ce que vous allez y voir va vous faire regretter d'avoir des yeux! Cet endroit, c'est l'antre de la folie, de la perversion et de l'horreur. Ce lieu ne devrait pas exister, et nous sommes là pour rectifier cette erreur! Nous allons affronter des monstres au delà de toute rédemption, alors, soyez sans pitié, et accrochez-vous à vos âmes, les Damnés de l'Asile vous prendront tout le reste!"

Mon court laïus ne les a pas rassurés, bien au contraire. Mais, ce ne sont plus les brebis apeurées de tout à l'heure. A la place, j'ai affaire à des hommes résolus a se battre jusqu'à leur dernier souffle. Et tant mieux! Car ces pauvres hères n'ont aucune idée de l'enfer qui les attend si jamais ils sont pris vivants. Mais moi, je le sais. J'ai passé plusieurs mois ici à … je frissonne rien que d'y penser. Je ne suis plus cette pauvre petite ange aveugle vaincue et sans défense. Et malgré ma défaite contre Frost, je suis forte à présent! Et pourtant, les sévices que j'ai subi en ces lieux ont laissé en moi une marque indélébile, comme une cicatrice de l'esprit. Autant je suis ravie d'avoir l'opportunité d'y exorciser mes vieux démons, autant je sens toujours la froide ombre de la peur me glacer l'échine. Ah… si seulement Red était là… sa simple présence aurait apaisé mon trouble. Il m'avait promis qu'on mettrait à bas cet endroit ensemble, en plus de tant d'autres choses … mais il a d'autres priorités à présent. Je soupire. Le Rossignol appartient à mon passé et mon présent se trouve devant moi. Je n'ai pas le droit de flancher. Je dois penser aux vies qui dépendent du succès de cette opération. Celle de mes hommes, de mes amis, de mon fils… Je dois me montrer à la hauteur de mon nouveau statut.

A l'horizon, le ciel rougeoie. Mais ce n'est ni l'aube, ni le crépuscule, ce sont les lumières de l'Asile. Pour l'instant, ce ne sont que de petits points brillants qui crépitent au loin comme des cendres emportées par le vent. Mais, plus on se rapproche, plus notre vison des lieux se précise. Et si au début, les bâtiments n'étaient qu'une ombre parmi les ténèbres, notre avancée nos permet de distinguer quelques détails, la silhouette massive de ce colisée grotesque est hérissée de tours et de ziggourats comme autant de doigts vengeurs prêts à déchirer le ciel. Des cheminées vomissent en permanence une fumée épaisse et noire dont le suif recouvre les murs et donne à l'architecture alambiquée de ce sanctuaire de l'horreur un côté organique aussi fascinant que dérangeant. Et enfin, des sphincters évacuent les immondices produites par cette bête répugnante qu'une faune indigène se dispute afin de s'en repaître, le tout faisant baigner l'île entière dans une atmosphère nauséabonde.

Nous approchons par le Nord, et, enfin, les contours de l'île se dessinent. La créature est au centre, irriguée par quatre voies de chemin de fer qui lui apportent son lot d'âmes à broyer, le tout relié à quatre gares et autant de ports placés aux quatre points cardinaux. Mais si l'appétit du monstre est immense, il commence à connaître la faim. Le Malvoulant n'étant plus, il n'y a plus personne pour le nourrir. Alors quand les hommes du port septentrional voient la Lépreuse arriver, une lueur d'espoir s'allume dans ce qui leur sert de cœur. Après tout, Teach ne pouvait pas être tombé, sa mort n'était qu'une mauvais blague propagée par les journaux du monde, tous à la solde de ces chiens du Gouvernement Mondial. Les Damnés de l'Asile n'avaient pas perdu la foi, et c'est ce qui aller causer leur perte.

"Branle bas de combat!" hurlé-je sur la Lépreuse. "Artilleurs, mettez-moi ces défenses à bas! Soldats, enfilez vos masques et chargez vos fusils!"

"Oui, madame!" Répondent mes hommes en chœur.

Le son des canons brise les espoirs de la garnison du port Nord de l'Asile. Et la première volée de boulets fracasse leur ligne de défense et emporte une partie de leur artillerie. De mon coté, je continue de faire parler la poudre afin de nettoyer le port et d'ainsi sécuriser notre zone de débarquement. Malheureusement, les explosions ont pulverisé une partie des quais ce qui va ralentir significativement le déploiement de mes unités de combat rapproché. Après une manœuvre d'amarrage rendue laborieuse à cause de la pluie de balles qui s'abat sur nous, on finit par installer des passerelles et mes combattants peuvent enfin poser pied à terre! C'est ce moment qu'ont choisi les indigènes pour sortir de leur tanière et tenter de nous repousser. A la vision des ennemis, même les plus braves hésiteraient. Il y a deux Ames noires qui exhortent une horde de choses difformes et certainement jadis humaines mais qui, maintenant, ne sont juste qu'un mélange anarchique entre de l'humain et de l'animal. Ca hurle, ça grouille, ça crache et ça siffle, et mes gaillards reculent. C'est alors que je comprends que je dois prendre les choses en main. D'un bond je me place en première ligne et j'exhale un épais nuage de poison paralysant. L'effet est immédiat, l'assaut adverse est stoppé net, et il ne reste debout que les deux porteurs de malheur, protégés de mes émanations toxiques grâce à leur masque. Qu'à cela ne tienne, j'ordonne d'une voix neutre.

"Feu."

Les fusils claquent et une des deux Ames Noires tombe au sol, mais la seconde, mue par une volonté de vivre prend ses jambes à son cou tandis que mes soldats rechargent leur armes. Quand, soudain, une détonation se fait entendre et le fuyard s'effondre à son tour. Je lève la tête vers le mat de la Lépreuse du haut duquel je distingue la silhouette de Wolfgang, mon sniper, son arme de précision encore fumante. Je lui adresse un grand sourire et il me répond d'un pouce levé. Cette victoire est mineure, et pourtant, dans le cœur de tous, l'impression d'avoir fait une bonne action se diffuse comme un baume régénérant.

"Soldats, sécurisez le périmètre. On va installer un camp de base ici." ordonné-je.

C'est ainsi qu'avec une rigueur quasi-militaire, mes larbins massacrent méthodiquement les monstruosités paralysées. Une fois la zone dégagée, ils déchargent tente et matériel. La priorité est d'établir un hôpital de campagne où Gaston va pouvoir traiter les blessés. Et même si on peut considérer que la première partie de l'opération est un franc succès, il a déjà pas mal de travail. Cependant, je reste sur le qui-vive, tout se passe trop bien. Je ne devrais pas m'en plaindre, cependant, je ne suis pas naïve au point de penser que tout va se dérouler comme prévu. Je suis anxieuse et mon amie Héfy le voit bien.

"Un souci?" me demande-t-elle.

"Oui, c'est trop facile. Ca sent le piège." rétorqué-je fort à propos.

"Pour ça, je fais confiance à ton nez." me répond-t-elle, un sourire complice aux lèvres. "Mais ce n'est pas comme si on pouvait faire machine arrière, n'est-ce pas?"

"On verra donc le piège quand on sera tombé dedans. Ca risque de nous coûter de nombreuses vies." soupiré-je.

"C'est donc ça qui te tracasse?" Je hoche la tête pour confirmer. "Tu es une grande enfant Jes' si tu crois qu'on peut partir en guerre et ne pas perdre d'hommes."

"Je sais mais..."

"La suite sera encore plus sanglante." coupe la noble. "Si tu n'es pas prête pour tout ça, autant te soumettre à Frost. Personne ne te suivra avec une demi-détermination."

Héfy ne me dit pas la vérité que je veux entendre, mais elle me présente celle que je dois affronter. Et si ses mots sont durs, ils sont vrais. Et en ça, elle se comporte comme une véritable amie. Je la regarde droit dans les yeux, et elle y voit une détermination retrouvée, alors, rassurée, elle s'en retourne auprès des troupes pour les briefer sur la suite des évènements. Quant à moi, je m'en vais vérifier l'avancement du débarquement. Satisfaite de la progression de ce chantier, j'en profite pour faire un tour de la zone.

Les crabes cliquètent et filent devant moi alors que je m'aventure dans les rue en ruines. L'endroit est étrange. En effet, ce port est juste un endroit de transit et on voit bien qu'hormis les quelques maisons près de la jetée, et le chemin vers la gare, le reste est inhabité depuis longtemps. Combien de temps, je ne saurais dire, mais une chose me paraît certaine à ce stade, ce village côtier est bien antérieur à l'arrivée de Teach en ces lieux. Je me mets à imaginer qu'avant la construction de l'Asile, la vie devait être douce ici. De la pêche, quelques cultures dans la plaine, un brin de commerce. Dire que les habitants de cet endroit ont très certainement été les premières victimes du règne de folie de l'Empereur… ça me désole. Combien de temps avant que cette île retrouve son lustre d'antan? Hum… c'est tout moi ça, je mets la charrue avant les bœufs! J'imagine déjà le futur de l'Asile alors que je ne m'en suis pas encore occupée au présent. Mue par un besoin irrépressible de prendre de la hauteur, je bondis au sommet d'un clocher. L'endroit est délabré, couvert de lierre et de suif, et je le sens craquer sous mon poids. Je me tourne vers la mer et je vois le navire du satané garde chiourmes que Frost m'a collé dans les basques mouiller pas loin, à quelques encablures de l'île, puis mon regard balaie l'horizon et se pose à nouveau sur la bête endormie qui rougeoie au loin et dont les fumées plongent l'île entière dans une nuit éternelle. Ici, même la lumière semble avoir abandonné tout espoir à tel point que ma robe blanche parait grise et même ma peau si claire semble terne et sans vie. Enfin, je distingue la ligne de chemin de fer qui, telle une cicatrice, déchire la terre en ligne droite de la gare du village jusqu'à la maison de l'horreur.

C'est alors que je la vois, cette petite chenille de fer qui fume le long de la voie. Un train arrive! Des renforts, j'en mettrais ma main à couper! Immédiatement, je descend de mon perchoir et je file avertir les autres. La nouvelle n'est pas bonne mais grâce au sang froid d'Hefy, les gars n'ont pas le temps de tergiverser. Très vite on dresse des barricades de fortune et on poste des hommes autour de la gare, dès que ces abominations sortiront des wagons, ils recevront une douche de poison et de plomb. L'attente rend les hommes nerveux, beaucoup sont encore choqués par l'apparence des choses qu'on a affronté il y a quelques heures seulement sur le port. Quant à moi, je gamberge un peu. Certes on a pu prendre le port très facilement, notamment grâce à l'effet de surprise, mais là, c'est évident que cet que nous envoie l'Asile c'est du costaud, de la troupe d'élite pour récupérer le port vite fait bien fait. Puis, en y réfléchissant, c'est assez évident que nous ne sommes pas les premiers à tenter de faire tomber l'endroit. La garnison que nous avons balayée ne doit être composée que de menu fretin qui assure l'intendance des lieux. Maintenant que nous sommes traités en envahisseurs, je m'attends à une réponse immunitaire musclée.

Alors quand les freins du monstre de fer crissent et font jaillir des étincelles, tout le monde retient son souffle. Le grincement sinistre des portes métalliques déchire le silence et ce qui en sort est à glacer le sang. C'est toujours des créatures mi-homme mi-bête, mais cette fois le mélange semble plus ordonné. Ou même pire, fait à dessin dans le but d'optimiser les capacités de la personne d'origine. Peau d'écailles, membre hypertrophiés, voire carrément supplémentaires pour certains, et des armes de première qualité complètent l'arsenal de ces monstres. Je sens le stress de mes sbires monter en flèche, mais le plan est de les laisser tous descendre avant d'attaquer, sinon, ils vont se replier à l'intérieur du train et ça risque de compliquer dramatiquement notre affaire!

Une fois tous débarqués, on peut voir qu'on est grillés. Certains d'entre eux ont une truffe de chien quand ce n'est pas la gueule complète de l'animal, et c'est certain qu'ils nous ont senti. Et puis, tout d'un coup, le wagon de queue s'ouvre en deux et laisse sortir un colosse de chair et de tubes et de métal. Six mètres d'horreur abjecte couverte de furoncles et de plaies purulentes et pourtant, ce n'est pas ce qui m'effraie le plus. C'est son bras droit qui a été remplacé par une mitrailleuse au gabarit de cet être hors normes. Et un frisson glacé me parcours l'échine lorsque je réalise que ce golgoth maitrise le haki de l'armement … et qu'il s'apprête à faire feu!

L'arme pousse un rugissement de fin du monde, et les projectiles qu'elle crache à haut débit déchirent les barricades, les murs et les hommes comme s'ils étaient en papier! En moins de temps qu'il ne faut pour dire Alabasta, j'ai déjà ordonné la retraite. Et c'est dans un désordre le plus complet que mes gars se replient, alors que je couvre leur fuite grâce à un épais nuage noir de poison paralysant. Cependant, ça n'arrête pas le monstre et, malgré le vrombissement assourdissant de cette faiseuse de veuves, on entend sans mal le rire gras du colosse qui résonne. J'essaie de garder mon calme et de ne pas me jeter tête la première dans la bataille. A la place, je file rejoindre les autres au camp, quelques centaines de mètres plus loin, et je me prépare à affronter les remontrances de ma stratège en chef. Alors, je la devance.

"Oui, je sais, j'ai merdé…" M'excusé-je avec amertume.

"Tu as agi dans le feu de l'action, avec la volonté de protéger nos hommes." Pondère mon amie. "Ton intention est louable, naïve, mais louable." Elle voit à la tête que je tire que je me sens un peu rabaissée par ses propos, alors elle continue. "Hé, ton action a quand même sauvé de nombreuses vies!" Je sais qu'elle dit ça pour soigner mon moral, et je ça m'énerve un peu qu'elle arrive à calmer mon désarroi aussi facilement. La bougresse me connaît bien, mine de rien! "Le plan est simple, tu t'occupes du gros et nous on gère les monstres."

J'aime les plans simples. Et je me demande si Héfy ne m'a justement pas confié une mission basique justement parce que je n'ai pas le bagage intellectuel pour comprendre un plan plus subtil. Ou la discipline pour me conformer aux directives qu'on me donne. Nom d'une biscotte, j'ai l'impression d'être la plus mauvaise des capitaines du monde! Rhaaaa! Ce n'est pas le moment de douter! J'ai une mission simple, arrêter cette espèce de machin-chose et permettre à mes hommes de s'occuper de la piétaille! Et ce n'est pas en me torturant l'esprit que je vais y arriver! Déjà je vois la silhouette de mon adversaire se détacher! Je ne dois pas le laisser arriver à portée de tir! J'entends les raclements des griffes des hommes-bêtes qui arrivent, leurs grognements, mais aussi les pas lourds du dreadnought, j'inspire à fond et j'expire comme pour chasser mes doutes. Puis je me couvre de haki de l'armement et je fonce!

Je passe au travers de lignes ennemies avec une facilité déconcertante. Tout monstres qu'ils soient, mon poison paralysant les a quand même affectés! Je ne m'embête pas à les attaquer, car je n'ai pas de temps à perdre, je dois m'occuper du gros morceau sans tarder! Je le vois en train de trainer sa masse gigantesque et son arme disproportionnée. Il est lent, massif, et je vois bien que ses yeux ne me suivent même pas… me débarrasser de lui va être un jeu d'enfant! Alors j'utilise ma vitesse supersonique pour me glisser dans son dos et … soudain alors que je m'apprêtais à la frapper, mon ennemi se déplace soudain bien plus vite que prévu! Avant même que je n'aie pu réagir, il m'envoie une gifle couverte de haki qui me projette avec force contre un bâtiment. Heureusement que je m'étais couverte d'une armure de fluide offensif, sinon, je serais rudement mal en point à l'heure qu'il est. Cependant, mon adversaire ne compte pas en rester là et je constate avec horreur qu'il dirige le canon de sa gatling vers ma position et que le cylindre de l'arme commence à tourner! Même pas le temps de pousser un juron que déjà, les détonations s'enchaînent sur un rythme endiablé. Fort heureusement, ma maitrise du rokushiki me permet d'esquiver les tirs du monstre, mais je dois faire attention, ses munitions renforcées avec sa force de volonté perforent tout. Je dois donc m'assurer de ne pas me retrouver entre mon adversaire et le camp de base si je ne veux pas que ce dernier ait à souffrir de cet affrontement.

C'est donc avec cette contrainte en tête que je continue d'esquiver les tirs. La cadence avec laquelle son arme crache ses obus de mort m'empêche de l'approcher, mais je sais aussi qu'il n'a pas un stock de munitions illimitées, et que l'arme peut à tout moment s'enrayer. Mon plan consiste donc à épuiser l'atout majeur de mon ennemi en attendant le meilleur moment pour frapper. Sauf que, mine de rien, user le rokushiki de façon aussi intensive me fatigue bien plus que je ne l'aurais cru! Par chance, c'est lui qui se retrouve à court de jus et je ne me fais pas prier pour frapper vite et fort. Le coup que je lui porte au visage est tellement infusé de haki de l'armement que sa tête explose comme une grosse pastèque. Et alors que le colosse vaincu chute avec grand bruit derrière moi, je constate avec plaisir que mes troupes, menées par Héfy s'en sortent plus que bien. La victoire est à portée de main! Et le trépas de leur chef sonne le glas de cette bataille. C'est maintenant une scène de débandade qui se déroule sous mes yeux. Seulement, ma stratège en chef ne compte pas laisser l'ennemi s'en tirer à si bon compte. D'une voix claire elle ordonne d'exterminer tous les fuyards. Vraiment, la noble est sans pitié, ou alors c'est moi qui suis encore trop tendre.

Et puis soudain la cage thoracique de feu mon adversaire explose dans un craquement sinistre et j'ai à peine le temps de me retourner pour voir une âme noire surgir de la carcasse du colosse qu'elle a déjà tiré sur moi avec un drôle de pistolet. Je sens une aiguille traverser mes chairs, et quelque chose se répandre en moi. Et avant même que j'aie pu contre-attaquer, une balle traverse la tête de ce nouvel ennemi et il s'effondre au sol. Instinctivement, je me retourne et je vois le canon fumant du fusil d'un Wolfgang tout sourire. Je le remercie d'un pouce levé et …je me sens toute drôle. Mécaniquement, j'extrait la seringue hypodermique de mon bras, je vois un liquide ambré miroiter à l'intérieur d'un tube et je me dis qu'il ne faut pas être très malin pour essayer d'intoxiquer la femme-poison que je suis. C'est alors qu'un puissant spasme me vrille le ventre, de grosse gouttes de sueur glacée perlent sur mon front et ma nuque, je fais de mon mieux pour garder la bouche fermée et ne pas vomir. Je vois une Héfy catastrophée courir vers moi alors que je sens le sol se dérober sous mes pieds et que je tombe à genoux. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive, j'entend mon amie appeler un brancard alors que ma vue se brouille.

Pour une fois, je ne bascule pas dans l'inconscience. Mais je ne me sens clairement pas bien, un goût âcre et salé me tapisse la bouche, je salive abondamment et avaler régulièrement quelque chose d'aussi ignoble me retourne le ventre. Ma peau est maintenant couverte de tache d'eczéma grisâtres et peu engageantes. Cependant, je refuse le brancard, hors de question d'infliger à mes hommes victorieux la vue de leur chef qui quitte le champ d'honneur allongée comme une mourante. C'est donc debout que je me dirige vers notre camp de fortune pour me faire ausculter par mon médecin aux cheveux roses. Après avoir enfilé des gants et un masque, Gaston se met au travail. Mon ami fait preuve de beaucoup de zèle et de rigueur : j'ai le droit à la totale! C'est long et ça ne me réjouit guère, mais je préfère ça qu'affronter le regard réprobateur d'Héfy si jamais j'essaie de m'y soustraire. Après quelques longues minutes d'attente, mon praticien favori revient, la mine sombre.

"Je ne sais pas ce que tu as." avoue-t-il à contrecœur.

"Comment ça?" m'étonné-je.

"Tu as une température de trente neuf deux, une tension de dix-neuf onze ..." Il voit à ma tête que je ne comprends rien à ce qu'il raconte. "C'est alarmant, Jeska. Et surtout, tes symptômes leur virulence et leur vitesse d'apparition ne me rappellent rien de connu."

"Du coup, ça veut dire quoi?"

"Que le virus qui t'infecte a été crée en laboratoire." conclut une noble qui vient d'arriver.

Gaston acquiesce et se dépêche de coller un masque sur la figure d'Héphillia. Cette dernière ne semble pas apprécier, mais finit par céder devant le regard rempli d'inquiétudes du docteur. Ce dernier se tourne alors vers moi et détaille.

"Ce que ça veut dire c'est que je ne sais pas quel est l'agent pathogène. Je ne connais pas son mode de fonctionnement, sa léthalité, et encore moins les moyens de lutter contre lui. De ce fait je vais devoir en faire des cultures à partir du sang que je t'ai prélevé et tester plein d'antiviraux dessus. Pour le moment, je peux juste te donner un traitement symptomatique pour faire baisser la fièvre et calmer tes nausées et te prescrire beaucoup de repos."

"Ca, c'est hors de question, on a pas une minute à perdre si on veut … " il me coupe.

"Je sais que tu veux aller vite, mais tu n'aideras personne dans ton état. Je vais te donner un somnifère pour que tu dormes un peu. Ca me laissera le temps de m'occuper des autres blessés et Héphy pourra faire un inventaire de nos forces. A ton réveil, on sera prêts pour faire tomber l'Asile."

Je ne suis pas en état d'argumenter, et même si je l'étais, je doute pouvoir gagner un débat médical contre Gaston et ma meilleure amie. Alors, docilement, j'avale les cachets que mon médecin me donne et je m'allonge sur un lit de camp, je demande cependant à ce qu'on me cache. Je crains toujours que de mauvaises nouvelles sur mon état de santé affecte le moral des troupes. C'est donc à l'écart, sous une tente, que je m'abandonne dans les bras de Morphée.
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On vient à peine d'arriver sur cette île de malheur et on a déjà deux batailles à notre actif!  Quant à moi, j'ai été infectée par un agent pathogène inconnu, et actuellement, je suis allongée sur le dos dans un brancard de fortune. Pourtant, mon sommeil n'est pas de tout repos. Tantôt j'ai l'impression d'être en feu, et l'instant d'après je grelotte. Je crois que mon thermostat interne est déréglé et quand j'ajoute à ça la sensation d'être barbouillée en permanence … Alors, oui, j'ai dormi, mais je n'ai pas le sentiment d'être reposée pour autant. Je m'éveille, je grogne, je m'étire péniblement. Je bascule sur un coté, puis je redresse mon tronc avant d'ouvrir les yeux. J'ai mal partout comme si un troupeau d'éléphants bourrés m'avait sauvagement piétiné. Même respirer m'est devenu pénible. Après de longues minutes à m'apitoyer sur mon sort et à maudire cette Ame Noire qui m'a injecté ce virus, je me lève enfin. Tout ça pour me faire presque agresser par Gaston! Le médecin aux cheveux roses me colle sur le visage un masque médical.

"Il se peut que tu sois contagieuse, alors … on ne prend pas de risques!"

Et puis soudain, il voit ma tête, et se souvient que je suis une très mauvaise malade. Il disparaît donc aussi soudainement qu'il est venu. Pour réapparaître quelques instants plus tard avec les mêmes cachets que tout à l'heure et une sorte de mixture orange vif. Sans doute un petit cocktail de vitamines à sa façon pour me redonner du pep's. Docilement, j'avale mes médicaments et je m'en vais rejoindre ma stratège favorite pour faire l'état des lieux, et surtout, des pertes. D'un pas mal assuré, je me dirige vers la scène de la dernière bataille. Partout où mon regard se pose, je vois les stigmates de la violence des combats : impacts de balles, façades trouées comme du gruyère (même si, en vrai c'est l'emmenthal qui a des trous), et des cadavres, beaucoup de cadavres. Mes soldats reposent sous des draps blancs et je trouve personnellement qu'il y en a vraiment trop.

"Alors, Hefy, ça donne quoi?" balancé-je de but en blanc pour ouvrir la conversation.

La belle blonde lève ses yeux en amande vers moi. "On a trois morts et cinq blessés graves parmi nos troupes d'élite. Quant à nos soldats de base, on a huit morts et dix-neuf blessés hors de combat. On a perdu un peu moins de vingt pourcent de notre force de frappe dans la bataille, c'est un lourd tribut."

"Je sais..." soupiré-je.

"Ca aurait été bien pire sans ton intervention, Jes'." me console mon amie. Je soupire. Grâce à son empathie, elle sait très bien les pensées qui se bousculent dans ma tête. "Ton intervention nous a permis de remporter cette bataille, alors arrête de te torturer. Ce n'est pas ton devoir de protéger tout le monde! Franchement, tu as vu contre quoi ont se bat? On s'en sort bien, très bien même!"

"Oui, mais … j'ai été négligente et maintenant, je suis diminuée par ce satané virus. A cause de moi et de mon imprudence, on pourrait tout perdre."

Ma stratège me gifle. "Arrête de croire que tu dois tout porter toute seule! Si tu nous as demandé de venir, c'est que tu crois en notre force, n'est-ce pas?" Je hoche la tête, penaude. "Alors fais-nous confiance! Tu peux te reposer sur nous le temps que Gaston trouve ce que tu as et te remette sur pied." J'acquiesce, elle poursuit. "On a trouvé une rotonde avec un silo à charbon, dès qu'on aura fini de retourner la locomotive et qu'on aura fait le plein d'eau et de charbon, on pourra y aller."

Avec ma meilleure amie, on se pose donc sur un toit et on regarde les hommes se mettre à l'ouvrage, vite rejoints par Gaston et Wolfgang. Au loin, la silhouette inquiétante de l'Asile continue de déchirer l'horizon. Fort heureusement, mes larbins sont forts et disciplinés, il ne leur faut pas plus d'une heure pour qu'on soit enfin prêt à partir! Un dernier regard vers la Lépreuse et je laisse mon esprit divaguer le long de la ligne d'horizon : à l'Ouest, on distingue à peine le rougeoiement du soleil couchant. Comme une flamme d'espoir qui lutte de toutes ses forces, la lumière de l'astre vacille et finalement meurt, avalée par le firmament. J'espère que ce n'est pas un signe annonciateur d'une future déconvenue face aux Damnés. Un de mes gars m'interpelle, me sortant de mes sombres pensées. Il nous annonce qu'on est enfin prêts à partir. C'est donc dans une rigueur presque militaire que mes troupes, mes amis et moi-même montons à bord du monstre de fer. Le confort des wagons est on ne peut plus spartiate. Les banquettes sont usées et branlantes, quant mobilier, il a été défoncé ou vandalisé. Cependant, un bref regard sur ce capharnaüm me suffit pour comprendre que ce train n'a pas été construit par les hommes du Malvoulant. Bien qu'abîmées par le temps et les passagers, les voitures sont richement décorées. Je me surprend alors à me demander comment était la vie ici avant que Teach n'arrive. Les ruines sur le port, l'état de ce train … tout ça me laisse à penser que la vie devait être belle ici, auparavant. Je me demande si on pourra faire retrouver à cet endroit son lustre d'antan, enfin, si jamais on gagne!

Et alors que je m'imagine ce que cet endroit pourrait être, la fatigue m'emporte dans un sommeil sans rêves, bercé pas les halètements réguliers de la locomotive et le léger tangage des wagons. Alors que le train avance rapidement sur les rails, mes songes sont interrompus par un bruit sourd. Le convoi est secoué brusquement, me faisant perdre l'équilibre. Je me lève en sursaut, et manque de trébucher, battant des ailes pour éviter de tomber.

"Que se passe-t-il?" demandé-je en me tournant vers les autres passagers.

"Nous avons heurté quelque chose." répond Héphilia d'une voix tremblante.

Je hoche la tête, scrutant la zone à la recherche de tout signe de danger. C'est alors que je les vois. Un groupe de harpies plonge du ciel, leurs griffes acérées raclant contre les parois métalliques du train. Mon cœur s'emballe alors que je réalise le danger qui nous menace. La brigade de défense aérienne de l'asile, ce sont des créatures vicieuses, connues pour attaquer les prisonniers lors de leur tentative d'évasion. Elles sont également fameuses pour être implacables, et je sais qu'elles ne s'arrêteront pas tant qu'elles n'auront pas obtenu ce qu'elles sont venues chercher : nous. Immédiatement, je me tourne vers mes amis.

"Nous devons arrêter ces abominations avant qu'elles n'entrent. Héfy, nous avons besoin d'un plan."

Héphilia évalue rapidement la situation. "Nous ne pouvons pas les affronter directement. Nous devons utiliser nos forces. Soldats, prenez vos fusils et abattez-moi ces saloperies volantes!" hurle-t-elle pour couvrir le tumulte.

"Et moi?" demandé-je timidement.

"Va sur le toit et empêche-les de s'accrocher aux wagons."

Je valide d'un signe de tête et je me précipite vers le sas entre les deux voitures. Je ne sais pas si c'est l'adrénaline ou le cocktail de Gaston, mais je ne suis plus patraque. En pleine possession de mes moyens, je bondis sur le toit du train avant de réaliser que ce ne va pas être une partie de plaisir. En effet, mes grandes ailes noires offrent une prise au vent telle que je suis obligée d'utiliser le shigan pour percer la tôle et ne pas me faire souffler. Dans ces conditions, impossible d'utiliser ma sphère perceptive, je dois y aller au jugé. Malgré les bourrasques qui me fouettent le visage et me font plisser les yeux, j'arrive tout de même à créer un gaz vert nocif que j'arrive à fixer tant bien que mal autour de moi grâce au Ghastly Wind. Les harpies crient et toussent lorsque le gaz pénètre dans leurs poumons. Elle tombent au sol, se tordant de douleur.

Mais mes amis ne sont pas en reste : Wolfgang vise avec son fusil de sniper et descend ces horreurs une par une, bien aidé par mes soldats qui ont ouvert les fenêtres pour pouvoir aider. Héphilia les dirige avec ses connaissances tactiques, leur indiquant où tirer et quels ennemis sont les plus dangereux grâce à son fluide perceptif. Et, alors que les rangs ennemis s'éclaircissent, je remarque que certaines d'entre elles ont été modifiées encore d'avantage. Elles ont développé une paire d'ailes supplémentaire, leurs yeux sont devenus d'un rouge profond, elles ont des parties mécaniques et leurs serres sont plus longues et plus pointues. Ces harpies sont plus puissantes et plus dangereuses que les autres. Je doute même que mon gaz toxique fonctionne sur ces créatures! Je me concentre et j'utilise ma technique Slicer. Je lance donc de jets de poison sous pression sur ces ennemis d'élite. Je suis loin de toucher à tous les coups, mais quand c'est le cas, les dommages sont fatals. Ma stratège favorite ordonne alors de se concentrer sur ces harpies mutantes pendant que je continue à aider. Ensemble, nous luttons comme des beaux diables pour repousser cet assaut …

Enfin, après de longues heures de combat, la dernière des harpies tombe à terre. Mes hommes, mes amis et moi pouvons enfin pousser un soupir de soulagement. Je me rends compte que cette bataille m'a épuisée. Je suis en nage,  barbouillée et brûlante. Nom d'une biscotte, les médicaments ne font déjà plus effet? Ma vue se brouille et mon corps est lourd. Non! Si je m'évanouis maintenant, je vais lâcher le train et me faire souffler par le vent! Je ne peux pas abandonner mes amis, il faut que je me bouge et que je me sorte de là! Facile à dire, mais j'arrive juste à rester accrochée alors que je puise dans toute ma force de volonté. Je sens la fatigue prendre le dessus et …

"Je te tiens!" bégaye Wolfgang.

Mon tireur d'élite peut voir toute la reconnaissance du monde dans mon regard alors qu'il me tient par le poignet et me ramène vers le sas entre les deux wagons. Une fois à l'abri, Gaston vient m'ausculter, et je vois à la tête qu'il tire que le diagnostic n'est pas bon.

"Je vais bien." mens-je avec un sourire forcé. Bien qu'en définitive, il doit le deviner plus que le voir derrière mon masque chirurgical.

"Non, tu ne vas pas bien, ta fièvre est encore plus élevée que tout à l'heure."

"Et pour le remède?"

"J'y travaille, mais ce sera encore long. Et d'avantage encore si on n'arrête pas de m'interrompre pendant que je travaille!"

Il me donne un verre du même liquide orangé que tout à l'heure accompagné de cachets que j'avale sans me faire prier. Je ne peux pas me permettre de rester dans cet état, après tout, je suis la force de frappe principale de l'équipage! Héfy nous rejoint, accompagnée de Wolfgang, je vois à leur mine fatiguée et à leurs habits déchirés que la bataille a dû être rude. Pourtant c'est moi qui se retrouve allongée sur une banquette alors que mes amis débriefent cette escarmouche. Encore une fois, on a perdu quelques braves, ce qui me chagrine énormément. Je réalise qu'on a perdu un quart de notre force de frappe avant même d'arriver sur place, ce qui sape une partie de mon courage. J'en viens même a douter de notre succès, chose que perçoit aussitôt ma stratège.

"Arrête de broyer du noir, Jes', j'ai un plan. Alors repose-toi et laisse-moi gérer, ok?"

Je la regarde et je souris timidement. Je suis au bout du rouleau et j'ai clairement besoin de recharger mes batteries. Pourtant j'essaie de suivre la réunion avec mes amis, mais très vite, je dodeline de la tête et je m'enfonce dans un sommeil sans rêves.

Je me réveille dans le train qui me mène à l'Asile. Bien que fourbue, je vais un peu mieux. Péniblement, je me relève et  je m'étire en poussant un long soupir qui tient plus du grognement. J'ouvre les yeux et je vois Gaston de dos, en train de bosser à la lumière chaude et vacillante d'une bougie. Penché sur sur laboratoire de fortune, le médecin s'affaire et je n'ose le déranger. Il n'a sans doute pas dormi, lui. Et comme je suis persuadée qu'il donne son maximum pour me fournir un remède à la maladie que j'ai contractée dans les plus brefs délais, je m'enfonce dans un siège et je regarde l'aube poindre par la fenêtre. L'espace de quelques instants, les rayons de l'astre solaire baignent la plaine, me donnant l'occasion d'observer l'endroit. Et que dire, c'est morne, désolé, ce devait pourtant être une belle plaine agricole, avant. Maintenant, ce n'est plus qu'un paysage désolé, vidé de toute vie. Au loin, j'aperçois un vieux moulin dont les tissus déchirés des pales flottent dans le vent comme un linceul. Et soudain, le reflet d'une belle blonde apparaît sur la vitre.

"Salut, Jes' Tu as bien dormi?" s'enquiert Héfy. Je hoche la tête, pour acquiescer. Sa curiosité satisfaite, elle s'en va voir le médecin aux cheveux roses. "Allez, va te reposer, toi aussi tu n'aideras personne si tu te surmènes."

Le ton de la noble n'autorisant pas la réplique, mon ami se lève m'adresse un regard d'excuse et file se reposer. Quant à moi, je quitte mon siège et je m'approche de ma stratège.

"Alors, c'est quoi le plan?"

"On fait chauffer la locomotive et on fonce à toute berzingue sur la gare."

"On utilise le train comme un bélier, pourquoi?"

"Parce que notre adversaire est loin d'être idiot." me dit-elle. "Il sait qui tu es, et ce dont tu es capable. Jamais il ne se hasardera à lancer toutes ses troupes dans un assaut frontal. Avec les pouvoirs de ton fruit, ce serait du suicide. Alors il a choisi de saper nos forces petit à petit."

"Pour le moment, c'est un succès, non?" constaté-je amèrement.

"En effet. Mais … " Elle me gratifie d'une œillade complice. "On est plus malins que lui. Maintenant qu'on sait qu'il cherche à nous diminuer en nous tendant des embuscades, on peut les anticiper et le contrer."

"Je te fais confiance."

"Et c'est sans doute la meilleure décision que tu prendras aujourd'hui!"

Ceci dit, outre que ce plan me rappelle furieusement celui de Red lors de l'attaque de Treize, il a pour moi un défaut majeur : "Comment diable va-t-on éviter le choc?"

"On va séparer la locomotive du reste du convoi avec ton poison dissolvant et l'inertie devrait nous freiner."

"Tu es sûre de ça?" demande Wolfgang le sniper bègue qui vient d'arriver.

"Si mon estimation de notre vitesse est correcte et qu'on se détache au moins un kilomètre avant d'arriver, ça devrait le faire."

"Je t'ai connue plus affirmative." la tancé-je.

On se retient de rire afin de ne pas réveiller Gaston et les soldats qui se reposent, puis on s'en va discuter dans un endroit où on ne risque pas de gêner. Cette parenthèse de légèreté me fait un bien fou! C'est donc le moral gonflé à bloc que je gagne mon poste et que j'attends les consignes de mon amie. Et quand je vois la belle blonde et les deux soldats couverts de charbon et de sueur passer, je sais que c'est à moi de jouer. Un spray de liquide corrosif plus tard, l'attache métallique s'oxyde et finit par rompre sans un bruit, laissant la locomotive filer à un train d'enfer vers sa destination tandis qu'on se prépare à la bataille à venir. Le plan est simple et se base en partie sur mes pouvoirs et c'est tant mieux! Autant j'apprécie d'avoir du monde qui suit mes ordres (enfin, ce sont ceux d'Héfy, mais c'est quand même moi qui les donne, je suis la capitaine, nom d'une biscotte!), autant rester en retrait pendant que mes gars se battent, très peu pour moi! J'aime l'action! Et vu ce qui nous attend, je vais être servie. J'espère juste que je ne vais pas encore défaillir à cause de ce satané virus qui me pourrit l'existence.

Au bout de longues minutes, on finit par le ne plus sentir la fumée de la machine à vapeur, et puis, soudain, on entend un fracas sinistre et des cris, très vite suivi d'une explosion. On partage un sourire satisfait avec ma stratège et puis on réalise avec horreur qu'on est bien trop près et qu'on a encore bien trop de vitesse pour la réalisation de notre plan. Cette fois-ci, ce sont des regards inquiets que l'on s'échange, heureusement, Gaston a une idée brillante.

"On a qu'a la freiner manuellement."

"Mais il n'y a pas de frein à main sur les wagons!" proteste Héphilia.

En effet, comme toujours, la noble a raison, mais, on peut encore improviser! J'arrache une barre de renfort et je l'enduis de haki de l'armement. Puis, je passe par la fenêtre et je plaque mon frein de fortune contre la roue. Le crissement strident me vrille les tympans et me fait grimacer quant aux étincelles, elle me font plisser les yeux. Mais je ne peux les fermer complètement. En effet, je dois doser ma force pour freiner sans nous faire dérailler pour autant et ça nécessite un doigté bien particulier. Plusieurs fois, je relâche carrément la pression de la barre sur la roue de peur qu'on parte dans le décor. Finalement, après quelques longues minutes d'efforts qui m'ont paru une éternité, notre convoi stoppe enfin sa course et on peut enfin débarquer!

Conformément au plan, j'envoie immédiatement un gros nuage de gaz noir afin de couvrir l'avancée de mes troupes qui sont protégées par une combinaison complète. Comme prévu les Damnés de l'asile nous accueillent avec une symphonie de coups de feu, mais sans ligne de vue claire sur mes hommes, beaucoup des tirailleurs adverses font chou-blanc. Quant à moi, je m'élève dans les airs grâce au Soru et au Geppou. Une fois en hauteur, j'ai une vue parfaite sur les positions ennemies. Alors, je suis les instruction de ma conseillère et j'arrose ces crapules de mes pires substances toxiques. Et cette stratégie ne tarde pas à porter ses fruits : entre l'attaque à la locomotive-bélier et mes poisons, les défenses se font balayer comme des fétus de paille. L'avancée de mes soldats semble inexorable et les positions adverses intenables.

C'est donc sans surprise que nous remportons cette escarmouche. Cependant, alors que les derniers survivants filent, la queue entre les jambes en direction de leur sombre repaire, Héphy sent, comme moi, que tout ça est presque trop facile et me lance un regard inquiet alors que je regagne le sol à ses cotés.

"Soldats, n'engagez pas de poursuite, on se replie et on consolide nos positions!" hurlé-je au dessus du claquement des derniers tirs.

Avec une discipline toute militaire, mes hommes obéissent et commencent à dresser quelques barricades.

"Tu penses qu'ils sont partis chercher du renfort?" questionne ma stratège.

"J'en suis certaine."
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Tout ça pue.

Mes hommes s'affairent. Ce n'est pas la première fois depuis qu'on est arrivé sur cet îlot de malheur qu'on doit passer d'une configuration offensive à défensive. Cependant, cela ne présageait rien de bon. Les soldats étaient en sueur, épuisés par les affrontements précédents, pourtant, ils connaissent la musique et ne rechignent pas. Mais le doute est là, sournois, il s'insinue dans leur esprit. J'entends presque leurs pensées : "Qu'est ce que cette citadelle maudite va bien pouvoir nous envoyer?" des monstruosités, pour sûr. Moi aussi d'ailleurs, je ne suis pas rassurée. Quand j'étais pensionnaire de cette usine de souffrances, j'étais aveugle, mais maintenant, je peux voir de mes propres yeux le tableau d'horreur qu'est l'Asile. Un édifice de pierre immense de style néo-gothique, sans doute un ancien lieu de culte. Toutes les idoles de pierre qui se reposent dans les alcôves ont été systématiquement profanées : les face de roche sont maintenant couvertes de peinture, ou de sang, quand elles ne sont pas tout simplement défigurées, ou pire remplacées par un crâne humain. Le murs extérieurs sont couverts de cendres grasses qui donnent un aspect sombre et luisant assez sinistre. Un peu comme un monstre marin qui sort de l'eau au clair de lune. Le tout couvert de tuyaux de métal grossièrement soudés qui sifflent et glougloutent en permanence, renforçant l'atmosphère impie de ce lieu par des sons glauques et inquiétants. Mais le plus impressionnant, c'est la porte : l'ouverture monumentale de cet édifice sur l'extérieur est tellement grande qu'elle pourrait avaler un cuirassé de la Marine sans problèmes. Et nous, on s'affaire devant comme de ridicules petites fourmis bien conscientes qu'au premier faux pas, on pourrait se faire gober par le monstre.

Oui, tout ça pue la peur.

Même moi, je ne suis pas rassurée, nerveusement, je me dandine de droite à gauche comme une jeune fille à l'aube de son premier bal. Wolfgang et Héfy, comme hypnotisés, n'arrivent pas à décoller leurs yeux de cette magnifique horreur. Quant à Gaston, il est absorbé par l'élaboration du remède au virus qui m'a été injecté. D'ailleurs à ce propos, je me sens bien mieux, peut-être que mon organisme a fini par produire des anticorps et que je suis guérie! Puis soudain, un son rompt le silence. Le martellement de dizaines de bottes cloutées sur le sol nous alarme.

"Messieurs, en position!" soufflé-je avec force.

La porte s'ouvre et des centaines de Damnés se jettent alors dehors, pressés d'en découdre. Mais aussi grande que soit la gueule du monstre, elle ne peut vomir autant d'hommes en une seule fois. Alors, ça se presse et se bouscule, malheur à celui qui trébuche car il finira pour sûr écrasé par la foule de soldats venus à notre rencontre. Ce raz de marée humain déferle sur nous dans le plus grand désordre et on ne peut y opposer que notre rigueur. Notre riposte est violente, précise et mortelle. Les balles sortent par centaine du canon de nos fusils. Et bien que je voyais clairement des armes à feu dans les mains de certains de nos ennemis, leur empressement à sortir les empêche de s'arrêter pour viser. Je soupire de soulagement, quelle chance que celui qui dirige l'Asile n'ai aucune notion de stratégie militaire!

Les balles sifflent dans tous les sens. très vite, les pertes du côté des Damnés sont élevées. Les pauvres hères essaient vainement de d'engager nos troupes au corps à corps. Mais une volée de plomb a vite fait de stopper leurs espérances. Les corps jonchent déjà les escaliers qui descendent vers la gare où sont nos positions. Le sang rend les marches glissantes et retarde encore plus l'avancée ennemie. Ce n'est même plus une bataille, c'est un massacre. Et pour le moment, malgré l'horreur de la chose, le déroulement des évènements me convient. Enormément de pertes adverses pour très peu de mon coté, je ne peux que m'en réjouir. Je décide alors de prendre de la hauteur et de m'élever dans les airs grâce au geppou. Ainsi, j'ai une vue parfaite sur ce qu'il se passe.

Les rares survivants des premiers groupes d'assaut se mettent à couvert dans des ruines au pied de la citadelle. Ainsi protégés, ils peuvent se faufiler jusqu'à mes tirailleurs. Le danger est réel et très vite nos postes de défense les plus avancés se retrouvent engagées dans un corps à corps mortel avec l'ennemi. Plus loin, les rafales continuent de fuser. Cependant, la première ligne adverse s'organise petit à petit sous le feu nourri de mes hommes. Elle prend de l'ampleur au fur et à mesure que le reste des Damnés vient grossir ses rangs. Ils avancent inexorablement, insensible aux pertes subies comme emportés par une sorte de frénésie qui les pousserait à aller de l'avant quel qu'en soit le prix.

Mes Vétérans, surnom affectif que j'ai donné à mes troupes d'élite, sont là, en bas. Leur arme maniée avec brio par leurs bras et leurs mains tire sans relâche des salves dévastatrices sur les troupes ennemies. Un genou à terre, l'autre plié, ils mitraillent tant qu'ils peuvent. Dans une mécanique digne d'une horlogerie, leur fusil se lève à chaque coup, mais d'une main autoritaire ils le rebaissent et continuent à appuyer sur la détente, causant toujours plus de pertes en face. Tous ont les yeux braqués sur les Damnés. Malheureusement pour nous, nos munitions ne sont pas illimitées et le combat est loin d'être fini. Les créatures de l'Asile avancent plus rapidement, commençant même à répliquer avec leurs armes à feu. On commence à avoir des pertes et j'ai de plus en plus peur que l'on se fasse finalement balayer sous le nombre. Je brûle d'intervenir et de couper l'élan adverse avec mes poisons, mais ce n'est pas encore le bon moment. Alors, en attendant, je ronge mon frein et regarde, impuissante, mes hommes tomber un à un.

Inquiète, je jette un œil vers Héfy, mais, pour le moment elle est trop occupée à organiser le repli des troupes. En effet, sous la pression de l'avancée des Damnés, nous sommes obligés d'abandonner une à une nos positions défensives et de reculer vers la gare où gît la locomotive. Et même si ça se fait aux prix de lourdes pertes, ça ne décourage pas nos ennemis pour autant. Toujours dans les airs, je regarde vers la porte et je constate, non sans un certain soulagement, que cette dernière semble avoir fini de vomir ses troupes. Un nouveau coup d'œil vers ma stratège de génie et j'ai le feu vert. Je peux enfin lâcher la bride! Je fonce au milieu des soldats de l'Asile et j'atterris en leur centre avec la grâce et la délicatesse d'une météorite. Et je ne compte pas laisser reprendre leurs esprits! Immédiatement je passe en configuration Kraken en me dotant de huit tentacules de poison et j'améliore le tout en me blindant grâce à la Résolution de l'Ange. Mes appendices toxiques fauchent comme les blés la piétaille qui essaient de m'encercler, et mon armure de haki de l'armement me protège de ceux qui auraient l'outrecuidance de m'attaquer. Hé oui, qu'est-ce qu'ils croient? Qu'il sont de taille à m'affronter? Tsss … ils vont apprendre de la plus douloureuse des façons que je n'usurpe ni mon titre de Lieutenant d'Empereur ni ma réputation.

Tant est si bien que les plus faibles d'entre eux préfèrent encore tenter leur chance contre mes hommes que me combattre. Humpf … il vont comprendre ce que signifie l'expression aller de Charybde en Scylla! En effet, pour mes troupe d'élite, un adversaire démoralisé, c'est du petit lait. Je peux voir, du coin de l'œil, mes Vétérans, sabre au clair charger ces pleutres. Les actions combinées de mes hommes et moi-même ont raison des Damnés dont la masse grouillante de créatures difformes se réduit comme peau de chagrin. Leur nombre baisse à vue d'œil, et très vite il ne reste plus autour de moi que les utilisateurs de fluide. Les bougres vendent chèrement leur peau, mais, au final, ne font pas le poids. Ceci dit, je me dois de récompenser leurs efforts, j'ai plusieurs blessures superficielles, dont une, plus profonde, qui va nécessiter quelques points de suture, et trois de mes tentacules manquent à l'appel. Une immense clameur accompagne notre victoire, et je me laisser aller à un franc sourire. Fini les escarmouches, cette fois, on a remporté une véritable bataille et on a taillé dans le vif des forces de l'Asile.

Cependant, alors que je m'adosse contre un mur pour reprendre mon souffle, je ne peux m'empêcher de penser que c'est fort stupide d'envoyer autant d'hommes affronter une mort quasi certaine. Et puis… quand j'y étais, je n'ai pas souvenir que l'Asile abritait un effectif aussi fourni. Ceci dit, ça rejoint la rumeur selon laquelle les dernières troupes de Teach s'étaient toutes réunies ici. L'idée d'enfoncer le dernier clou dans le cercueil de ce salaud de Malvoulant me réjouit, alors je décolle de ma paroi et je m'en vais rejoindre mes amis quand soudain, je réalise que quelque chose ne va pas. Mon corps est lourd, mes jambes flageolent, chaque mouvement me demande beaucoup plus d'efforts qu'à l'accoutumée et surtout, je suis secouée par une violente quinte de toux. Immédiatement, Héphilia se précipite vers moi, mais je l'arrête d'un geste de la main. J'ai beau porter un masque chirurgical, je ne veux pas lui refiler cette saleté de virus. Précautionneusement, la noble s'approche de moi.

"Jes', tu as une tête de déterrée!" s'alarme-t-elle. "Je vais chercher Gaston!"

Quant à moi je me traîne jusqu'à une grosse pierre plate et je m'assois dessus comme sur un banc. Parcourir cette dizaine de mètres m'a semblé être un effort surhumain et je ne me fais pas prier pour m'y avachir et goûter à un juste repos. Malheureusement, je suis secouée par une nouvelle série d'éternuements. La douleur est atroce, j'ai l'impression d'avoir la poitrine dans un étau, à tel point que je commence à suffoquer. Il me faut plus d'air! Vite! Et plus je m'affole, plus j'ai du mal à reprendre mon souffle. Instinctivement, je me prépare à ôter mon masque caressant le fol espoir que ça m'aide à respirer. C'est alors que je sens la poigne douce mais ferme de mon ami aux cheveux roses. D'un regard plein d'empathie, il me dissuade de me séparer de cette protection et me donne un nouveau verre de sa décoction orangée. Sans me faire prier, j'avale le mélange et je m'allonge un peu. Je n'ai pas fait beaucoup d'efforts mais je suis exténuée. Et puis ça me reprend : toux rocailleuse et respiration sifflante, j'ai l'impression d'être devenue une grand-mère asthmatique sous le regard inquiet de mon médecin. Le praticien s'excuse et s'éclipse : il me prépare dans un erlenmeyer un mélange d'herbes, de poudre et de liquide, qui émet une épaisse fumée kaki.

"Respire ça, ça va te soulager." m'annonce-t-il en me tendant la fiole.

En pleine confiance, j'aspire une grande bouffée de cette vapeur qui me laisse une désagréable sensation amère et poisseuse en bouche. Mais je vais mieux, je peux enfin respirer à plein poumons et ça me ragaillardit. Enfin, pas totalement, mon corps reste perclus de courbatures, mais je saurais m'en accommoder. Et, alors que le docteur va s'occuper des blessés, je m'approche d'Héfy et Wolfgang qui tiennent un conciliabule.

"On a presque plus de munitions." bégaye le sniper.

"Penses-tu qu'on peut récupérer des munitions sur les cadavres des vaincus?"

Il opine et va organiser la récolte avec une partie des troupes valides qu'il nous reste. Quant à la blonde, elle m'observe et me jauge.

"On a gagné, mais nos pertes sont élevées."

"A quel point?" demandé-je inquiète.

"On a perdu approximativement la moitié de nos hommes." m'annonce-t-elle d'une voix blanche.

"Autant..." m'étonné-je. "Mais on a sérieusement réduit les effectifs adverses. J'en suis certaine, il y avait moins de gardes que ça quand … " Je me stoppe. J'ai toujours du mal à admettre que j'ai été enfermée ici un an et que j'en suis sortie. Au fond, tout au fond, je sais qu'il y a une partie de moi qui est restée ici, dans cette sordide cellule 703. Cette mission a un coté expiatoire pour moi que je n'assume pas encore. "Enfin … avant, quoi."

"Alors il n'y aurait plus de gardes?"

"Il reste les Ames Noires. On a en a tués quelques unes sur le port et ici, mais de mémoire elles sont une centaine."

"Ce sont des adversaires coriaces?" s'enquiert la blonde.

"La plupart ne sont que des médecins dégénérés protégés par leur statut." Je marque une pause sans le vouloir. "Mais la majorité d'entre eux sait se battre, même s'ils ne seront pas une véritable menace pour nos troupes. En fait, il n'y a parmi eux qu'une quinzaine d'individus qui constituent un réel danger. Et dans ce lot, il y en a quatre qui vont me poser des problèmes."

"Quels genres de problèmes?"

"Dans mon état actuel, je ne suis pas certaine de gagner contre elles."

"Espérons ne pas les affronter en même temps, alors!"

On échange un sourire complice et je me laisse aller à prendre un peu de repos. Depuis qu'on est arrivés, on enchaîne les escarmouches à un rythme de folie. Je réalise alors que si moi je fatigue, mes hommes, eux, doivent être exténués. Je fais part de mes inquiétudes à Héfy qui ordonne aussitôt une pause et une collation. On sort de nos sacs des rations et on prend le temps de se restaurer. La nourriture n'est pas de première qualité, mais elle remplit l'estomac et remonte significativement le moral des troupes. Moi aussi, ça me fait du bien de partager un en-cas avec mes amis, malgré la présence oppressante de l'Asile, l'espace d'un repas, tout le monde se détend un peu.

Finalement, la pause prend fin et mes hommes ont réussi à récupérer pas mal de munitions et de poudre sur les dépouilles des vaincus. Nous ne sommes pas aussi bien équipés qu'au départ, mais on a réussi à se constituer un stock suffisant pour terminer la mission. Après tout, il ne reste plus que les Ames Noires et leur chef et on aura enfin libéré cet endroit de malheur. Galvanisée par cette pensée, j'ouvre fièrement la marche. La grand porte est toujours béante, laissant passer un flot de lumière chaude est vacillante dans ce monde froid et gris. Quant à nous, on gravit avec précaution les marches rendues glissantes à cause du sang versé lors de la précédente bataille. Quand soudain, en haut de l'escalier, se détache une silhouette sombre. Très vite, d'autres ombres la rejoignent. Ce n'est pas bon! Le terrain nous est clairement défavorable. Dans ces conditions, je n'ai pas le choix. Jumelant avec brio soru et geppou, je franchis les escaliers et je me jette dans la mêlée afin de couvrir l'avancée de mes troupes.

Que dire, dès que j'arrive, je comprends directement qu'il s'agit d'un piège. Ces maudits sont équipés spécifiquement pour me combattre : longs manteaux en toile cirée, masque à gaz et lunettes de protection. Ils savent à qui ils ont affaire et ne comptent pas me laisser profiter de la toute puissance de mon fruit. C'est malin, mais ce ne sont pas les premiers à essayer. Lors de la bataille de la Zone, j'ai passé un sale quart d'heure à affronter des pirates préparés à lutter contre moi. Je sais pertinemment que face à moi, des stratégies, il n'y en a pas cent. C'est donc tout naturellement que j'ai préparé des contre-mesures. Ma technique Slicer me permet de projeter un spray de poison à haute pression qui a les mêmes effets qu'une lame d'air. Alors je n'ai aucun scrupule à en abuser face à cette horde d'ennemis qui m'encercle. Mince! Si mon attaque a bien marché au début, très vite, les Ames Noires comprennent que je ne peux tirer qu'en ligne droite et en utilisant mes mains. Il leur suffit donc de ne pas se mettre dans ma ligne de tir et le tour est joué. Saleté! Même si j'ai réussi à en abattre une dizaine, je vois les autres tourner en rond autour de moi et se mouvoir comme des spectres. J'essaie plusieurs fois une percée mais à chaque fois ils se soustraient à mon attaque. C'est comme se battre contre de l'eau, quoi que je fasse, elle reprend toujours sa place. Imperturbable, et d'une certaine façon, terrifiante dans son immuabilité. Je n'ai pas vraiment de solutions, mais ce n'est pas grave, après tout, je ne suis là que pour gagner du temps. Si ça leur plaît d'onduler tous en rond autour de moi, c'est leur problème! Quand soudain, je les vois, les grenades qu'ils lancent à mes pieds. Immédiatement, je m'élance dans les airs et je comprends que je me suis faite avoir! Leur petit manège n'avait pour but que de me convaincre que je ne pouvais réussir à leur échapper au sol. Et voilà, une forme noire est déjà au dessus de moi et un poing ganté de noir s'écrase sur mon visage et me projette avec force en direction du sol juste après l'explosion. Surprise, je n'ai eu le temps de me protéger que de la chute grâce au Tekkai et au Haki de l'armement. Le coup, lui, m'a bien sonnée. Mais je ne reste pas là, j'ai bien compris que je me suis faite avoir comme une bleue, et je ne compte pas les aider à refermer leur piège sur moi en restant bêtement passive. Dans une tentative désespérée de casser leur encerclement, j'exhale un épais panache de gaz noir et je tire mes Slicer dans toutes les directions. Je réalise, non sans une certaine satisfaction, que je met à mal leur plan. Alors je ne me fais pas prier et d'un Soru, je tente de me sortir de ce mauvais pas quand soudain, je suis à nouveau prise d'une forte quinte de toux. Nom d'une biscotte, ça ne s'arrête pas. J'ai non seulement du mal à respirer, mais en plus, mon corps semble de nouveau fonctionner au ralenti. Le remède de Gaston ne fait déjà plus effet? J'oppose une résistance de principe, mais très vite un lourd filet de granit marin me tombe sur les épaules et me vide de mes forces. Toute lieutenant d'Empereur que je sois, me voilà à présent genoux à terre, fusillant du regard ceux qui m'ont soumise. Puis une douleur vive à l'arrière du crâne me foudroie et je m'effondre.

Vaincue.
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A demi-consciente, je sens qu'on me traîne. Je suis furieuse. J'ai encore échoué. Ce n'est pas possible d'être aussi nulle! Franchement, se faire battre par des Ames Noires … j'ai beau avoir l'excuse du virus qui diminue mes capacités, mine de rien, ça fait mal à l'égo. Je pourrais me servir de cet échec comme d'une leçon, dans le Nouveau Monde, une troupe bien organisée peut mettre à bas un adversaire bien plus fort sur le papier. J'espère juste ne pas payer trop cher mon excès de confiance.

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Jeska est partie affronter les adversaires en haut de l'escalier. De là où je suis, je ne vois rien, j'arrive juste à sentir les présences adverses grâce à mon Haki de l'observation, j'entends les bruits du combat, mais je n'ai pas d'image. Je peux juste supposer ce qu'il se passe plus haut et me ronger les sangs d'angoisse.

"T'inquiètes Héfy." Bégaye Wolfgang. "Jes' va s'en sortir."

Oui, mais c'est Héphillia. J'avais oublié de vous le dire? Toutes mes excuses! Je dois bien avouer que là, je suis morte d'inquiétude, et ça doit impacter mon sens des convenances. Avec l'équipage on s'était mis d'accord pour servir notre capitaine et la protéger au mieux de nos capacités, la voilà qui part, encore une fois, bille en tête pour nous servir de bouclier. Mais ce n'est pas comme ça que ça fonctionne! Nous, on est de la chair à canon, c'est à nous de nous sacrifier pour elle et pas l'inverse! On avance aussi vite qu'on peut, mais monter cet escalier de pierre brute, dont les marches sont rendues glissantes à cause du sang des ennemis vaincus, est une tâche difficile et fastidieuse.

Finalement, la furie du combat s'est tue. Je sais ce qu'il en est, mais je décide de me taire : inutile de saper le moral des troupes. Après tout, je sens que mon amie n'est pas morte. Je ne sais pas à quel sombres dessins ils la destinent, mais tant qu'elle reste en vie, il y a de l'espoir. Après un dernier effort, nous voilà enfin en haut de ce satané escalier! Le paysage qui s'offre à nous n'est que dévastation. Le dallage est explosé en plusieurs endroits, des piliers ne sont plus que des tas de roches fondues par le poison dissolvant de mon amie, et de nombreux cadavres jonchent le sol. A vue de nez, il y a pas loin d'un cinquantaine de morts, principalement des types en toge sombre. C'est donc ça, les Ames Noires. Jes' n'y est pas allée de main morte pour éclaircir leurs rangs. Cependant, je ne sais pas pourquoi, mais je suis malheureusement persuadée que celles qui restent s'avèreront être les plus retorses.

"La chef n'est pas là, Héfy." me fait remarquer Gaston, le médecin de bord.

En effet, je ne me suis même pas donnée la peine de jouer les surprises, mon Empathie m'avait déjà avertie de l'issue du combat.

"Tu savais?" demande Wolfgang.

Je hoche la tête d'un air grave. Autant je suis persuadée que le docteur et le sniper ne feront pas faux-bond, autant, je crains que le reste de l'équipage ne se disloque en apprenant la disparition de leur capitaine. Ca va donc être à moi de remobiliser tout le monde et de sauver l'ange aux ailes noires.

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Un sceau d'eau glacée jeté sur ma figure me sort de ma torpeur. Je tousse, je peste et je m'agite, tout ça pour me rendre compte que je suis sanglée sur une sorte de croix. J'ai beau forcer, je me sens drastiquement diminuée, certainement parce que mes entraves sont en granit marin. La plaie! Me voilà donc étendue sur le dos, façon étoile de mer, malade et trempée. Je regarde autour de moi, mais je n'arrive pas à déterminer où je suis : ma vue est trouble et j'ai un mal de crâne terrible. En fait, je n'arrive pas à trouver un endroit de mon corps qui ne me fasse pas souffrir. Ce satané virus va finir par avoir ma peau! Puis soudain, quelque chose me serre la poitrine. Mon corps le comprend avant que mon esprit ne s'en rende compte. Mais avant que la pensée prenne forme dans mon esprit, un voix faussement mielleuse le dit.

"Bon retour parmi nous, Jeska Kamahlsson."

Cette voix, je la reconnaitrait entre mille, c'est celle de Ishar, la première et certainement la pire de toutes les Âmes Noires. Il tend sa main gantée vers moi, comme pour une caresse, mais mon corps garde en mémoire les innombrables sévices que cet homme lui a fait subir et se contorsionne autant que faire se peut pour éviter le contact. Ce qui arrache un petit éclat de rire au monstre qui me fait face. Si cette lie de l'humanité croit qu'elle peut se moquer de moi impunément, je vais lui montrer! Je lui jette un regard plein d'animosité et je déploie toute la puissance de mon haki royal. Seulement, dans mon état, mon assaut mental est loin d'être foudroyant. Pourtant, le médecin vacille, aurais-je réussi à l'ébranler, affaiblie comme je suis? Cette fois c'est moi qui ricane. Blessé dans son amour-propre, le satyre me colle son poing ganté dans la figure.

"Ris tant que tu le peux encore! Si tu es encore en vie c'est uniquement parce que ton sang m'est précieux."

Je ne dis rien, mais je constate que, d'une façon ou d'une autre, il sait pour mes origines. Alors je décide de jouer les imbéciles pour gagner du temps et lui faire cracher le morceau.

"Qu'est ce que j'ai de si spécial?"

"Tu es d'ascendance lunarienne!" me dit-il sur le ton de l'évidence. "Une race présumée disparue depuis des lustres! Tu ne te rends pas compte à quel point ta vie m'est précieuse! Tu es sans doute la dernière de ton espèce, avec ton fils!"

"Je vous interdit de toucher à mon fils!" hurlé-je au bord de l'hystérie.

"Et comment vas-tu m'en empêcher?" me nargue-t-il. "As-tu seulement conscience dans quelle position tu es?" Il laisse un silence s'installer pour ménager son effet. "Et a cause de qui tu es là?"

Je crains de comprendre. Frost ne m'a pas envoyée ici pour que je conquière l'île? Où alors …

"Je vois que tu commences à comprendre, petite idiote! C'est Frost qui m'a assurée que tu viendrais. Il t'as vendue contre ma future création! Mais c'est un imbécile lui aussi! S'il croit que je vais lui fournir une armée pour dominer le monde alors que je peux m'en servir pour le faire tomber lui et avoir le monde rien que pour moi!" s'extasie-t-il avec emphase.

Je suis bien moins surprise que je ne suis déçue. Je me doutais bien que le Fléau ne m'avait pas prise dans son équipage par pure bonté mais de là à penser qu'il allait m'envoyer délibérément au casse-pipe … non, ça, ça ne m'avait même pas effleuré l'esprit. Tellement contente qu'il me confie une mission importante, preuve, s'il en est, que j'avais une valeur à ses yeux, je ne suis pas allée chercher plus loin. Je suis tellement avide de reconnaissance qu'en j'en deviens facilement manipulable. J'aimerais m'en vouloir d'être aussi naïve mais j'ai d'autres soucis pour le moment.

"Je ne sais ce qui est le plus énorme, ton ambition, ou ton arrogance." le provoqué-je.

Pour cette bravade, je récolte un second coup de poing, mais, ça valait le coup!

"L'Asile n'est pas qu'une prison, tu sais? C'est aussi une pépinière! C'est là qu'Il a crée les Malvorangers, c'est là aussi qu'Il a fait germer la graine de la plante qu'Il a récupéré sur l'île en fête. Et moi, j'ai réussi à associer les deux végétaux et à créer une nouvelle espèce. Un arbre qui se nourrit de sang, qui arrive à extraire et mélanger les facteurs de lignage et dont les fruits sont des être hybrides parfaits! Grâce à lui … grâce à lui …, je vais pouvoir dominer le monde et laver l'honneur de Teach!"

"Teach n'avait pas d'honneur de son vivant, ce serait drôle qu'il en acquière un dans la mort."

Cette fois ce n'est pas un coup de je reçois. A la place ses mains écrasent mon cou. Dans ma position, je ne peux même pas me défendre, je ne peux qu'attendre et le laisser faire. Mais c'est long, je commence à avoir besoin de respirer mais je ne peux pas. Mes poumons sont en feu et ma tête tourne. Ma vue se brouille et je commence à convulser. Nom d'une biscotte, je ne vais quand même pas mourir ici, dans une cellule sordide de l'Asile? Pas après tout le mal que je me suis donné pour en sortir! Puis mon corps se détend et ma vision s'obscurcit, c'est fini. Mais j'avais oublié que ma vie lui est précieuse. Ishar, malgré sa colère, arrive quand même à se maitriser et à relâcher son étreinte mortelle. Au bord de l'asphyxie, je prends une trop grande bouffée d'oxygène ce qui m'arrache une douloureuse quinte de toux.

"Tu as de la chance que j'aie besoin de toi en vie, petite insolente!" siffle-t-il.

Sur ces mots pleins de bienveillance, il se saisit d'une aiguille qu'il me plante dans le pli du coude. Je suis surprise par sa maitrise du geste, car même une fille douillette comme moi n'a rien senti. Cet homme est un bon médecin, enfin, compétent serait plus juste, car je doute qu'il n'y ait jamais eu une once de bonté dans cet être. Il me prélève donc ce dont il a besoin et me laisse aux bon soins de ses amis. Je distingue leur silhouettes dans l'entrebâillement de la porte de ma cellule. Je sais ce qu'ils vont me faire, et je me prépare à devoir encaisser. Je suis déjà passée par là, je sais que ça va être rude.

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Sur le parvis de l'Asile, je décide de prendre les choses en main.

"Les gars!" dis-je d'une voix forte. "Jeska s'est fait capturer alors qu'elle essayait de nous protéger. On ne peut pas l'abandonner à son sort! Alors on va la chercher et on se tire d'ici vite fait!

Une immense clameur accueille mon propos. Cependant je ne sais pas si c'est le passage où je parle de leur capitaine ou celui où je parle de quitter cet endroit qui provoque cet effet. Et dans l'état actuel des choses, je m'en fiche un peu. Je sais que Jeska a pour mission de mettre à bas cet endroit, mais …à mes yeux, sa survie est bien plus importante que la réussite de cette folie. D'ailleurs, plus j'y réfléchis plus je me dis qu'on manquait cruellement d'hommes pour  réussir cette entreprise. Mais ce n'est pas le temps des interrogations! C'est celui de l'action!  Et alors qu'on se précipite vers l'entrée de l'Asile, quelque chose vient à notre rencontre. D'abord assez lointaine, une masse d'individus se précipite vers nous. Etrangement, je n'ai pas capté leur arrivée avec mon Haki de l'Observation, et ça, ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Et puis, soudain, on les voit et je comprends que je me suis faite avoir comme une bleue.

La troupe qui nous fait face c'est la copie conforme des adversaires que nous avons affrontés sur le port et dans le train. A une nuance près, ils ont tous à présent une petite feuille sur le sommet du crâne. Le détail est trop flagrant pour que je ne fasse pas le lien. Jeska m'avait déjà raconté son aventure sur l'île en fête et, bien qu'elle ait été encore aveugle à l'époque, elle n'avait pas oublie de me dire quel est le signe distinctif des zombis végétaux contrôlés par une plante géante qui a élu domicile là-bas. Mais aussi que Red avait laissé partir un des hommes de Teach avec une des graines dudit végétal. Nom d'une biscotte dirait mon amie aux ailes noires, tout ça sent mauvais! J'ai beau réfléchir, je ne vois pas comment nous en sortir sans l'aide de notre capitaine. La fuite n'est même plus une possibilité car les harpies mutantes auraient tôt fait de nous rattraper. Notre seule chance est donc de remporter une bataille perdue d'avance. Refusant de céder au désespoir, je pousse un grand cri et je lance la charge.

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Je regarde le bleu du ciel lézardé de nuages blancs diaphanes, l'herbe est fraîche sous mes pieds nus tandis qu'une brise légère me caresse la peau et fait virevolter ma ravissante robe à motifs fleuris. Je ne sais pas trop où je suis mais l'endroit me semble familier. Une jolie masure en pierre grise derrière moi, une délicieuse pelouse sous les pieds, et , au loin, la mer. Mue par la curiosité, je me dirige vers une plage de sable fin qui crisse sous mes pas. Je vois un bel adolescent en train de montrer à deux jeunes filles comment capturer des crabes à l'aide d'une épuisette. Le professeur est loin d'être un expert, et ça fait beaucoup rire ses élèves. Je remarque qu'ils ont tous de belles ailes noires, comme moi. Silencieuse, je reste plantée là à les observer pêcher, s'amuser, s'ébrouer dans l'eau, vivre, en fait. Et, je ne sais pas pourquoi, mais mon cœur se gonfle de joie. Soudain, le garçon me voit.

"Maman!" crie-t-il le visage rayonnant de bonheur. "Tu es venue te baigner avec nous?"

"Sa... Sakazuki?" begayé-je éberluée.

Mon fils est devenu un très beau jeune homme. Quant aux deux jeunes filles, ce sont des jumelles aux yeux vairons, mais qui n'ont pas le même œil vert : en effet, pour Kaguya c'est le droit quant à Kagura il s'agit du gauche, ce qui est bien pratique pour les distinguer.

"M'man, tout va bien?" me demandent en cœur les jumelles.

Mon cœur bondit dans ma poitrine, j'ai deux autres enfants? Deux magnifiques autres enfants! Je ne pourrais pas être plus heureuse!

"Pourquoi tu pleures?" s'enquièrent elles.

"Ce sont des larmes de joie, mes enfants." dis-je entre deux sanglots, en les serrant fort dans mes bras.

Puis soudain, une voix familière se fait entendre derrière moi.

"Tu es finalement venue te baigner, chérie? Kaguro sera ravi!"

C'est Red, mon Red. Il est là devant moi, et il tient la main à un petit angelot qui doit avoir pas plus de cinq printemps au compteur. Sans doute le dénommé Kaguro. Immédiatement je me jette sur lui et il me prend dans ses bras avant que nous n'échangions un tendre mais passionné baiser. La texture de ses lèvres, la chaleur de son corps, son odeur, la façon dont ses bras m'entourent, dont ses mains me touchent, oui, c'est lui, c'est l'homme que j'aime. L'homme avec lequel j'ai fondé une famille.

"On est partis que quelques minutes!" semble-t-il s'excuser.

Ma réponse consiste en un regard plein de malice et un sourire complice. Puis on va profiter de la plage.

Depuis combien de temps suis-je ici? Quelques jours? Quelques semaines? Je ne sais pas, mais j'adore! C'est la vie que j'ai toujours rêvée d'avoir. Je me lève chaque matin auprès de l'homme que j'aime. Je regarde pousser les autres amours de ma vie durant la journée et quand le soleil s'endort, je profite de mes soirées avec Red. Si seulement c'était réel! Car oui, je sais que tout ceci n'est qu'un miroir aux alouettes, que je suis dans une cellule sordide de l'Asile à subir mille tourments. A moins que ce soient mes geôliers qui me droguent afin de me maintenir dans un état de soumission. Après tout, si je me souviens bien, ils ont besoin de mon sang ces espèces de tarés. Et bien qu'ils se servent! Moi, je suis très bien là où je suis, dans mon paradis de synthèse! J'en ai assez d'en prendre plein la figure! J'en ai assez qu'on me trahisse! J'en ai assez de servir de faire-valoir à des salauds qui n'en ont rien à faire de moi! J'ai le droit d'être heureuse!

"Même si tout est faux?"

Tais-toi, conscience stupide! Regarde où ça m'a menée de te suivre!

"Rien de ce qui vaut vraiment le coup ne s'obtient sans efforts."

Sérieux? Tu te fiches de moi, là? Je n'ai jamais choisi la facilité! Jamais! Ce bonheur, je le mérite!

"Vaut-il ta liberté?"

Oui, sans hésiter.

"Et celle de tes amis?"

Si j'ai pu me sortir de l'Asile seule, ils le peuvent aussi!

"Tu sais que c'est faux. Red t'a aidé, sans lui, Arturo t'aurait recapturée. Et tu sais pertinemment que tes amis ne sortiront pas vivants d'ici."

Tu veux que je fasse quoi? Hein? Les sauver? Comment je vais faire, enchainée avec du granit marin?

"Tu dois te réveiller!"

Je ne veux pas! Je suis bien ici!

"Tu me déçois, Jeska."

Le changement de décor est brutal. Je ne suis plus sur mon île paradisiaque à jouer à la famille heureuse avec Red et les enfants. Non, je suis sur le pont de la Lépreuse, attachée au grand mât, un léger roulis m'indique que je suis en mer et, en face de moi, une voix familière pour un physique qui me l'est beaucoup moins. Peau mâte, cheveux bleus et sombres comme le crépuscule, et un regard noir, plus acéré que la plus aiguisée des lames de ce monde, Mantle Shoma est là, et il me toise avec une sévérité que je n'aurais jamais souhaité voir dans les yeux d'un être que j'aime.

"Tu me déçois, Jeska." répète-t-il.

"Qu'est ce que c'est que cette histoire!" crié-je. "Libère-moi tout de suite! Je veux retourner là-bas!"

"Non."

Je hurle ma rage, je me débat comme une diablesse et tout ce que je parviens à effectuer, c'est de me faire du mal.

"Tu es faible, Jeska."

"Et toi tu es mort." sifflé-je pleine d'amertume. "Tu n'existes que dans ma tête."

"En effet, je suis mort. Mais même dans cet état, je reste plus fort que toi."

"Ha, oui? Je suis Lieutenant d'Empereur! J'ai une prime d'un milliard quatre cent millions de berrys! Je suis plus forte que toi!"

"Vraiment, alors tu dois pouvoir te libérer seule et rejoindre ceux que tu aimes."

J'essaie de nouveau de me sortir de là, mais plus je force et plus les liens se resserrent. Nom d'une biscotte, c'est quoi ce bazar! Je suis dans mon rêve et je suis incapable de faire ce que je veux? Impuissante, je rugis de rage et de désespoir mêlés.

"Tu comprends, maintenant? Quand je t'ai rencontré, sur Jaya, tu étais une marine infiltrée. Tu étais infirme, sans fruit du démon et sans haki. Et pourtant, tu avais plus de force que tu en as aujourd'hui. Tes convictions ne vacillaient pas à la première déconvenue! Tu entrais sur le champ de bataille pour gagner et pas pour ne pas perdre! Je t'ai vu te dresser devant moi avec autant de peur que de chances de me vaincre. Jeska! Tu es faible non pas parce que tes adversaires sont plus forts que toi, mais parce que tu acceptes qu'ils le soient."

"C'est faux!" postesté-je pour la forme, sans convictions.

"Arrête de te mentir. Tu t'es soumise à Red, puis à Frost, et maintenant, tu courbes l'échine devant cette merde d'Ishar? La femme que tu es aujourd'hui n'est que l'ombre de celle que tu étais alors. Te souviens-tu seulement de tes rêves lorsque tu étais encore dans la Marine?"

"Je voulais devenir un symbole de Justice!" dis-je au bord des larmes.

"Et qu'est-ce qui t'en empêche?"

"J'ai trahi et je suis devenue pirate!"

"Tu es devenue libre d'être la personne que tu veux."

"Personne ne prendra jamais exemple sur la personne que je suis."

"Tu as raison, la personne que tu es devenue n'inspirera jamais personne. Libère-toi de Red et de Frost! Et rien ne t'empêchera de redevenir la Jeska que tu n'aurais jamais du cessé d'être!"

"C'est facile de me dire ça, Mantle! Toi, tu es libre!"

"Tu sais bien que je suis mort. Je ne suis ni libre, ni vraiment là. Je ne suis qu'une projection de ton esprit."

Oui c'est vrai. Tout ça se passe dans ma tête, rien de tout ça n'est réel. En réalité, je suis attachée à un chevalet de torture où on me fait subir les pires sévices. C'est sans doute une sorte de mécanisme de défense qui m'a plongé dans mon subconscient afin de me protéger. D'ailleurs à ce propos, j'aurais aimé avoir un esprit plus complaisant. Parce que bon, me faire botter le train par mon propre égo, ça signifie clairement que je suis tombée au fond du trou. Allez, je dois me sortir de là, la dormeuse doit se réveiller! Je dois sortir de cette illusion, je sois ouvrir les yeux.

Et soudain, mes yeux s'ouvrent. Et bien que ma vision soit encore floue, mes autres sens, eux, sont parfaitement fonctionnels et je suis assaillie de sensations. l'odeur répugnante de ma geôle, les traces de torture qui constellent mon corps, et surtout, des éclats de voix paniqués. Oui, je suis de nouveau dans la cellule où on m'a enfermée. Et je ne suis pas seule.

"Merde, elle se réveille!" entends-je à ma droite.

"Et alors, on s'en fout, non? Elle va nous faire quoi avec ses entraves en granit marin, hein?"

"Seules tes entraves sont en Kariouseki, la table, elle, est en bois." articulé-je avec difficulté.

Et grâce à ma technique de l'Aiguille Forgée, j'envoie mon haki de l'armement directement dans le bois constituant mon chevalet de torture pour le faire littéralement voler en éclats! J'entends les deux hommes glapir de peur. Même si ma vue est encore un peu brouillée, ma Sphère Perceptive, elle, est pleinement fonctionnelle. Celui a ma droite, petit et replet, se précipite vers un plateau argenté s'y saisit d'un objet brillant et essaie de m'attaquer. Mes réflexes, forgés par des années d'entrainements et de combats sont foudroyants : je me saisis de son bras que je retourne contre mon agresseur, la lame du scalpel se plantant dans sa gorge. Le malheureux trépasse non sans émettre auparavant un infâme gargouillis. Cependant, je ne suis pas non plus en pleine possession de mes moyens car le second type arrive à me toucher avec deux bâton métalliques et aussitôt une violente décharge électrique parcourt mon corps, m'arrachant un cri de douleur. J'essaie de me retourner vers ce salaud qui m'a filé un coup de jus, mais mes muscles sont tétanisés et j'ai du mal à me mouvoir comme je le voudrais. La sanction est immédiate et je suis de nouveau électrisée avant d'avoir fini de me retourner. Je réalise alors que les effets sclérosants de ces décharges sont cumulatifs. Encore un ou deux éclairs et je serai définitivement hors de combat! Mince! Comment vais-je faire? Je ne sais pas et il ne me laisse pas le temps de réfléchir car déjà il se jette sur moi. Heureusement, je n'ai qu'un adversaire à m'occuper et je me soustrais à son assaut sans trop de difficultés. Avec mon adversaire devant moi, les yeux exorbités. Je comprends vite ce qu'il le passe : il a deux espèces de tiges en métal reliée à ce que je pense être un générateur. Il est donc nécessaire qu'il me touche avec les deux électrodes pour me foudroyer. Ca simplifie grandement ma tâche! Mon agresseur est faible, même dans mon état, je pense pouvoir le surclasser sans peine. Alors je me lance, un soru  et un geppou plus tard me voilà en suspension dans les airs, légèrement sur sa gauche et je lui envoie mon pied droit lui fracasser la nuque! Le craquement sinistre qui accompagne mon coup ne me laisse guère d'illusions quant au sort du malheureux.

Libre, enfin! Mais pas totalement. En effet, le granit marin à mes poignets m'empêche d'utiliser les capacités de mon fruit du démon. Or, ces dernières s'avèreraient fort pratiques dans un cas comme celui ci! Alors je décide de fouiller ma cellule afin de retrouver les clefs de mes fichues entraves. Malheureusement pour moi, je fais chou-blanc. Quitter ma geôle et me balader dans un des lieux les plus hostile du Nouveau Monde avec mes pouvoirs et mes capacités de combat bridées ne m'enchante pas du tout, mais je n'ai pas le choix. si je reste ici, je suis condamnée à me faire recapturer. Et je ne brûle pas d'envie de me retrouver à nouveau attachée et torturée! Prudemment, je colle mon oreille à la porte et je profite de mon ouïe surdéveloppée pour savoir ce qu'il se passée à l'extérieur. Personne, ouf! Je pousse la porte qui a l'infinie délicatesse de ne pas grincer et donc de n'alerter aucun garde et je sors. Mais… je suis où, moi? Je ne reconnais pas les lieux et je ne sais même pas depuis combien de temps je suis là. Où sont mes amis? De terribles sentiments m'enserrent la poitrine : je me sens seule, perdue et atrocement vulnérable.

Le couloir est immense. Large comme un hall de gare et au moins aussi haut, l'architecture du lieu est étrange. Jamais dans ma vie je n'ai eu autant cette impression. Des gens ont vécu ici, ri ici, péri ici. Ca transpire l'Histoire, une histoire de conflits et de violence, et ça semble dater de loin, bien avant que le Malvoulant et ses sbires investissent les lieux. Un endroit maudit des Dieux où la douleur et le ressentiment suintent des murs comme un poison et rendent le sol poisseux comme s'il était couvert de sang. Et les Ames Noires n'ont rien arrangé. Je ne saurais dire si elles se sont nourries de cette atmosphère malsaine ou si c'est cette dernière qui les a transformées, mais une chose est sûre, je dois détruire cet endroit.

Forte de cette conviction, mais consciente de ma propre faiblesse actuelle, je m'élève dans les airs grâce au geppou et je me cache en hauteur sur une corniche. Je sais depuis longtemps que les gens n'aiment que regarder droit devant eux, peu pensent à lever les yeux au ciel. Je pense donc être en sécurité ici, et ça va me laisser le temps de récupérer des décharges électriques, des tortures physiques, et aussi de me remettre les idées en place. J'hésite sur ma priorité, me libérer ou trouver mes amis? Sans mes entraves, je suis certes plus forte, mais… pour combien de temps? Je suis toujours infectée par le virus et, sans remède, je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir tenir. A contrario, trouver des alliés ne me rendra pas plus forte, mais je risque d'avoir assez vite besoin d'eux pour me soigner et me protéger. D'autant plus que le temps m'est compté, dès que mon évasion sera connue, l'endroit va grouiller de gardes. J'opte donc pour les compagnons, et j'aiguise les sens à la recherche d'une odeur où d'un son.

Très vite, je hume le parfum si particulier de ma meilleure amie et je me dépêche de suivre la piste. Ils me faut des alliés et vite! En effet, les gardes de l'Asile ne vont pas tarder à se rendre compte que Jeska n'est plus dans sa cellule et une fois qu'ils auront donné l'alarme les choses vont se compliquer de façon exponentielle. Je n'ai donc pas de temps à perdre. Malgré mon état, je cours dans les immenses travées la prison, me cachant en hauteur au moindre bruit suspect. Très vite j'entends les cris de la noble. Je sais ce qu'ils lui font et mon sang ne fait qu'un tour : n'écoutant que ma rage, je déboule dans la cellule en faisant voler en éclats la porte et telle une trombe furieuse, j'utilise ma maitrise du rokushiki pour faire le ménage parmi les gardes et, en moins de temps qu'il ne faut pour dire Alabasta, je peux enfin libérer ma camarade du joug de ces satyres. Je veux continuer, la colère bout en moi et me donne une énergie du feu de Dieu. J'aimerais profiter de cette dynamique le plus longtemps possible, car je sais que le virus me ronge toujours et je crains le moment où l'adrénaline tombera et où je ne serais plus qu'une pauvre femme agonisante.

Mais Héfy ne bouge pas. Elle sanglote et se tient recroquevillée sur elle-même, le bras entourant ses genoux. J'ai une furieuse envie de la secouer, mais je me retiens. Ma stratège est prostrée en position fœtale au bout de seulement quelques heures de "traitement"? Moi j'ai enduré ça durant une année entière! J'ai toujours cru que si j'avais pu le faire, c'était à la portée de tous, et pourtant à voir mon amie imiter l'escargot sur le sol froid de sa geôle… alors oui, j'ai d'abord maudit sa faiblesse et la fragilité de sa constitution. Puis… je me suis dit que c'est peut-être moi qui suis spéciale. Après tout ce que la vie m'a balancé au travers de la figure, le fait que je sois encore en vie tient du miracle! Je pose alors un genou à terre auprès d'elle et je la serre contre moi.

"C'est bon, Héfy, je suis là." dis-je de la voix la plus douce. "Mais je ne peux pas te mentir. C'est loin d'être fini. D'autres épreuves nous attendent." Elle couine et lève vers moi un visage irrémédiablement abîmé, au regard humide et implorant. "J'ai besoin que tu me dise où sont les autres."

"Ne me laisse pas ici!" gémit-elle.

Je ne lui réponds pas. A la place, je la soulève sans ménagements et je la charge sur mes épaules comme un sac à patates et je quitte la pièce. Grâce à ses directions, je trouve sans mal où sont détenus le reste de mon équipage. Ils sont si peu nombreux, ce n'est pas avec ça que l'on va s'en sortir! Cependant, je garde pour moi ce commentaire, après tout, c'est toujours mieux que rien, et je sais qu'il y a moult autres détenus qui n'attendent que d'être libérés. Le souci est plus de savoir s'ils accepteront de se battre pour moi ou s'ils préfèreront fuir. Et puis, je ne les ai pas encore délivrés, mes gars! Malheureusement pour moi, une petit groupe d'une dizaine d'adversaires monte la garde. Délicatement, je dépose Héfy en sécurité à l'abri d'une espèce d'alcôve et je fonce!

Pas le temps de finasser, je dois profiter au maximum de l'effet de surprise et ensuite espérer que j'aie assez de forces pour me débarrasser des autres. Je leur tombe dessus comme un orage d'été, mes coups emportent trois malheureux avant même qu'ils aient pu comprendre ce qu'il leur arrivait. Mais la suite s'avère être plus coton. A sept contre une, je dois avouer que je n'en mène pas large! En temps normal, j'aurais plié cette affaire en une phrase, mais là, au vu de mon état, je ne peux pas expédier l'affaire. Trop affectée par le virus, trop tétanisée par les électrochocs, j'ai perdu de ma superbe! Et si je suis certes plus forte, l'écart s'est réduit et je dois encaisser de nombreux coups, ce qui n'améliore pas mon état général. C'est donc pantelante, mais pas peu fière que je me rapproche de la porte grillagée qui retient mes amis en captivité, avec en main la clef de leur cellule. Quand soudain, je vois une expression horrifiée sur leur visage. Je me tourne et ce que je vois me glace d'effroi.

J'ai été négligente! J'ai oublié de neutraliser un des gardes et ce dernier s'est faufilé en catimini vers une sorte de grosse poignée rouge.  je n'ai pas besoin qu'on me fasse un dessin : je comprends immédiatement qu'il est sur le point de sonner l'alarme. J'use du soru pour le rejoindre, et je ne m'embrasse même pas de freiner ma course, je lui encastre  violemment le visage dans le mur. Cependant, un frisson me parcourt l'échine quand j'entend la sirène hurler.

Je suis arrivée trop tard.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t7858-les-techniques-de-jeska
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Je vois Jeska qui se dépêche de revenir vers la cellule où sont enfermé les restes de l'équipage. Le hurlement de la sirène va irrémédiablement rameuter toutes les âmes noires et leur monstruosités vers notre position. Il faut aller plus vite! Mais je vois bien que l'ange aux ailes noires est à la peine. Elle a donné son maximum et là, elle est sur le point de s'effondrer. Ce qui est bien normal, après tout, entre la maladie, les combats et les tortures, je suis étonnée qu'elle ait encore la force de tenir debout. Soudain, elle titube et bascule en avant, alors je me bouge le derrière et je la rejoins avant qu'elle ne tombe. Je lui évite la chute, mais je n'ai pas vraiment le temps de prendre soin d'elle. Je l'accompagne délicatement vers le sol et je me détourne d'elle pour aller ouvrir la porte de la cellule. Immédiatement Gaston se précipite à son chevet, et Wolfgang vient me soutenir. Moi aussi, je suis à bout de forces.

"Héfy!" s'alarme-t-il. "Tu as une mine affreuse!"

"Jeska va bien plus mal que moi!" philosophé-je.

"Elle est brûlante!" constate le médecin au cheveux roses. "Il lui faut des soins d'urgence!"

"Nan, je peux encore me battre!" affirme l'ange aux ailes noires après une violente quinte de toux où elle finit par cracher du sang.

"Hors de question!" tempête Gaston. "A ce rythme là, tu vas vraiment finir par y passer!"

Jeska proteste, mais ses forces l'abandonnent et elle finit par lâcher l'affaire. Heureusement pour moi car cette femme est têtue comme une mule! Je la vois dodeliner de la tête et lutter contre le sommeil, mais ses paupières se font de plus en plus lourdes alors pas de temps à perdre! Je regarde brièvement autour de moi, Si Gaston et Wolfgang sont à peu près en état de combattre, ce n'est clairement pas mon cas, et encore moins celui de Jes'! Quant au reste de nos hommes, j'ai de sérieux doutes, mais je préfère les taire pour le moment. L'alarme continue de hurler et ce n'est qu'une question de minutes avant qu'on se retrouve face aux gardes de l'Asile. Fort heureusement, nous ne sommes pas les seuls locataires ici. Dans les cellules adjacentes à la nôtre, il y a des malheureux en guenilles qui nous fuient du regard. Je ne comprends pas, normalement, quand des prisonniers s'évadent tous les autres demandent à être libérés aussi, non? Pourquoi restent-ils là, prostrés comme s'il n'y avait plus aucun espoir? Sont-ils brisés à ce point? Au vu de leur état je doute que les libérer soit judicieux, mais… on a besoin d'aide et dans le pire des cas ils feront une excellente diversion. Je fais jouer la clef dans la serrure et dans un grincement sinistre, j'ouvre une première porte. Une seconde et une troisième ne tardent pas à suivre, mais je n'en déverrouille pas plus, car quelque chose m'interpelle : personne ne sort. Je n'en crois pas mes yeux! Ils sont complètement résignés! Ce ne sont même plus des êtres humains, ce ne sont que des zombis. Au moins leur mentalité colle à leur apparence, mais tout ça ne nous servira à rien, et ça commence à me chauffer les oreilles! Je suis à deux doigts de laisser éclater ma colère quand soudain, une voix surgit de l'obscurité de la troisième cellule.

"Jeska... chou?"

C'est manifestement une fois d'homme et pourtant, il y a quelque chose de féminin dans ses intonations. Ca me met un peu mal à l'aise, mais je profite que le contact soit crée.

"Oui c'est Jeska Kamahlsson, elle est venue vous libérer."

"Elle a des ailes, maintenant?" questionne l'inconnu.

"Elle en a toujours eu!" le corrigé-je.

"Alors, elle disait vrai."

J'entends l'homme se lever dans un lourd raclement de chaines. Il s'extirpe des ténèbres pour apparaître devant moi, grand, blond avec des yeux verts émeraude, et aux traits fins et androgynes, il serait indubitablement considéré comme beau si les tortures et les privations ne l'avaient pas décharné de toute sa substance. Cependant, avec sa démarche la façon qu'ont ses mains de caresser l'air quand il marche, et sa façon de parler, je n'ai plus de doute, il s'agit d'un Okama.

"Ma, ma, ma! Toi aussi tu es ravissante!" me complimente-t-il en appuyant exagérément ses "a". "Quel est le joli nom qui va avec ce joli minois?"

"Je suis Héphillia Von Hückbein, et vous?" dis-je en me surprenant à rougir sous le compliment.

"Priscilla, reine des Glamazones!" répond-iel avec fierté.

"Votre altesse, voulez-vous bien nous prêter assistance?"

Iel me tend ses poignets autour desquels une paire de menottes les meurtrit. Sans mot dire, je fais jouer la clef dans la serrure et voilà l'okama libéré. Iel m'adresse un immense sourire réjoui, m'embrasse sur la joue et sort de sa geôle avec une célérité à couper le souffle. Il semblerait que j'ai gagné un allié de poids! Immédiatement, je lui emboîte le pas et je le vois penché sur Jeska.

"Bonjour, beauté!" dit-il en s'adressant à Gaston. "Comment va la petite?"

"Au plus mal." constate amèrement le médecin. "Il me faut de quoi la soigner d'urgence."

"Ishar a bien des remèdes aux maladies qu'il crée, mais c'est dans son bureau et c'est l'endroit le mieux gardé de l'île." nous informe notre nouvel allié.

"J'étais à deux doigts de fabriquer un sérum avant qu'on ne soit capturés..." se lamente l'homme aux cheveux roses.

"Oh, si c'est l'armurerie que tu cherches, beau gosse, elle n'est pas très loin d'ici."

Un souffle d'espoir me gonfle la poitrine.

"Il n'y a pas une minute à perdre alors, il faut que tu nous y mènes!"

"Minute, Héfy-chou." tempère-t-iel. "Les gardes ne vont pas tarder à arriver, il nous faut des renforts!"

Avec la même incroyable vitesse que tout à l'heure, iel me prend les clefs des cellules et les ouvre toutes, libérant au passage un nombre impressionnant de prisonniers. Il y a de tout : des Minks, des Hommes-poisson, des longs-bras et même des anges! Je vois aussi d'autres races que je ne connais pas comme de touts petits êtres, des gens avec trois yeux, et même certains qui ont des cornes!

"Mes petits choux..." tonne-t-iel. "Jeska-chou est revenue nous sauver! Alors on bouge son popotin et on va l'aider!"

Une immense clameur accueille cette déclaration alors qu'arrivent les premiers gardes. Puis, dans un mugissement bestial et terrifiant, les prisonniers se ruent sur leurs tortionnaires, insensibles aux coups de feu qui éclaircissent leurs rangs et, dans un fracas de fin du monde, arrivent enfin au contact des geôliers. De là où je suis, je ne vois rien, mais j'imagine sans mal la violence des combats rien qu'au son. Très vite l'avant-garde ennemie est balayée. Il faut dire que les malheureux ont des années de mauvais traitements à venger! Et quand le calme retombe à nouveau, je constate avec horreur l'ampleur du carnage! Les pertes sont lourdes pour ces âmes sur le chemin de la Liberté.

"Allez, pas de temps à perdre! Il faut investir l'armurerie au plus vite, sans armes on va se faire massacrer!" nous rappelle Priscilla fort à propos. "Et d'autres ennemis ne vont pas tarder!"

Après que les survivants aient dépouillé les gardiens de leurs armes, on se met en mouvement. La troupe hétéroclite avance vite dans le dédale de couloirs et de boyaux. Je suis ravie qu'on ait leur aide, sans eux, on se serait perdus dans ce labyrinthe!

"On est encore loin?" m'enquiert-je.

"Pas tant que ça, mais on va faire un petit crochet par le secteur Ouest, on a besoin de plus d'alliés!" crie-t-iel pour couvrir le son strident de l'alarme.

La Reine des Glamazones m'explique alors le fonctionnement de l'Asile. Les quatre lignes de chemin de fer alimentent quatre quartiers plus ou moins rivaux. En effet, afin de se divertir, il était assez courant que les âmes noires envoient des prisonniers se battre dans le Colisée. Même si, depuis quelques temps, il n'y a plus trop de combats, juste quelques malheureux qui disparaissent de temps à autres. Ceci dit l'organisation des lieux n'a pas changé et les quatre secteurs restent indépendants les uns des autres. J'apprends aussi que chaque quartier est dirigé par une âme noire supérieure, qui fait figure d'autorité. Cela rejoint donc ce que me disait Jes' sur les quatre qui vont poser des problèmes, elle parlait sans doute d'eux : Zorya la Noire au Nord, Duncan le Sombre à l'Est, Shaw Tucker à l'Ouest et enfin, Eddy le Gentil au Sud.

"Eddy le Gentil?" répété-je étonnée.

"C'est le pire d'entre eux." siffle-t-iel entre ses dents. "C'est un expert en tortures physiques et psychologiques."

A voir la tête que tire ma guide, je comprends que lui aussi a du pas mal souffrir entre ses griffes. Alors, je tente de changer de sujet.

"Et Jes', elle était dans quel quartier?"

"Sud." repond-iel d'une voix inhabituellement blanche.

Bon, j'ai raté mon coup, mais … tant que je peux causer à quelqu'un, j'ai besoin de savoir. Après tout, mon amie ne me parle jamais de ce qu'elle a vécu ici. Alors, je fais ma curieuse.

"Que lui ont-il fait?"

"Tout."

L'espace d'un instant j'écarquille les yeux de stupeur. Je n'ai pas besoin d'utiliser mon haki de l'observation pour sonder l'esprit de mon interlocuteur. Je comprends alors l'ampleur de ce qu'a dû subir mon amie ainsi que les autres détenus et pourquoi elle n'aborde jamais le sujet. Par pudeur, je me tais, et je suis le mouvement, je ne demande même pas où se trouve l'armurerie, ma curiosité à ramené à la surface bien trop de blessures chez Priscilla, je ne me sens pas de le solliciter d'avantage. Alors, je la laisse nous guider et je me rapprocher de mes compagnons d'armes afin de m'enquérir de l'état de l'ange aux ailes noires.

"Comment elle va?" questionné-je Gaston.

"Ce n'est pas bon." me répond le docteur. "Son pouls est filant, elle est brûlante et ... "

"Quoi?"

"Elle ne respire presque plus."

Je regarde mon amie, couverte de sueur, le teint si pâle qu'on voit des veines bleutées lui zébrer les joues. Inconsciente, son visage reflète pourtant la terrible épreuve qu'elle traverse. Ses traits si fins sont figés dans un rictus de douleur indicible qu'il m'est insoutenable de regarder plus longtemps. Ce serait bien qu'on arrive vite à destination, car plus les minutes passent et plus j'ai peur que Jeska passe l'arme à gauche. C'est alors que notre avancée est brutalement stoppée. Les matons du secteur Ouest viennent d'arriver à notre rencontre et engagent les hostilités. Les ennemis qui nous font face sont majoritairement des hommes-bêtes. Mais pas comme des minks, plus comme si un malade s'était amusé à assembler plusieurs pièces de différents puzzles ensemble. Là, un homme à tête de bouc, avec des mains de crocodiles et des pieds de cochon, là une gamine à tête de chien! Shaw Tucker est vraiment un dégénéré qui s'est nourri des travaux de Caesar Clown et du professeur Hogback!

Alors que Wolfgang et le reste de nos hommes assistent les prisonniers et Priscilla, je me focalise sur le moyen de mettre Jeska à l'abri. Très vite, j'indique à Gaston un petit renfoncement dans le couloir et je m'y engouffre à sa suite. De là, on assite à un nouvel élan de brutalité sans bornes. Les gardes offrent une résistance acharnée, et même si les évadés ont l'avantage du nombre, pour chaque ennemi abattu, ce sont deux des nôtres qui tombent. Et après une grosse demi-heure, le carnage cesse enfin. La Reine des Glamazones s'empresse alors de nous guider vers les cellules et d'y libérer les détenus. Cependant, nos nouveaux alliés sont loin d'être acquis à notre cause : un immense homme poisson à la peau carmin et au regard fou s'y oppose.

"Puisqu'on est libre, on va s'tirer d'là! Hors d'question qu'on risque nos vies pour les autres!"

"C'est ce qu'on vient de faire pourtant!" s'emporte Piscilla. "Plein de jolis petits choux sont morts pour qu'on vous libère!"

"Ben j'vois pas d'raison d'ajouter nos nom à la liste!" s'obstine le rouge.

"Sale rascasse égoïste!" tempête-t-iel.

"J'te foutrais bien une branlée, travelo d'mes deux, mais j'ai pas d'temps à perdre! Et puis tu risquerais d'aimer ça!"

Les deux sont sur le point d'en venir aux mains et j'hésite à intervenir je ne suis qu'une humaine après tout! D'autant plus que les bougres ont l'air rudement costauds! Et alors que les coups s'apprêtent à pleuvoir, soudain, Jeska s'interpose. Elle n'était pas sensée être sur le point d'y passer celle là? Elle bloque les poignets de l'okama et de l'homme-poisson, mais … courbée en avant, la tête basse, les cheveux tombant comme deux rideaux noirs occultant son visage, ainsi que sa respiration longue et difficile m'indiquent qu'elle est au plus mal. Et pourtant … elle a trouvé la force de sortir de sa torpeur pour les empêcher de se mettre sur la tronche.

"Tout doux vous deux …" souffle-t-elle péniblement.

"Jes t'as des ailes d'puis quand?" demande l'habitant des profondeurs en la reconnaissant.

"Depuis que je suis née." soupire l'ange aux ailes noires.

"T'en avais pas avant! Et tu étais pas aveugle aussi?"

"C'est une longue histoire que je n'ai pas me temps de vous raconter."

"Ouais, t'as raison, faut vite déguerpir avant qu'les hommes d'Teach ne nous rattrapent." se reprend l'homme poisson.

"Teach est mort Rackham." annonce une Jeska à bout de souffle.

"Quoi?" s'exclament les prisonniers incrédules.

"Il est mort, Red l'a fumé." continué-je.

Encore une fois les détenus n'en croient pas leurs oreilles. Mais comme le temps presse, je ne leur laisse pas le temps de tergiverser.

"On vous a libérés, vous devez nous aider!" poursuis-je devant une Priscilla qui opine. Seulement ...

"La Liberté est un droit! Pas une vulgaire marchandise qu'on troque en échange de services!"

C'est alors qu'une espèce de malaise nous saisit tous. Une sensation oppressante m'écrase la poitrine et m'empêche de respirer. Ma tête aussi semble prise dans un étau, et je crois que je vais m'évanouir quand soudain, le vertige disparaît aussi vite qu'il était venu et je vois mon amie tomber dans les pommes. Je me précipite vers elle avant qu'elle ne choie.

"Hé bé, il n'y a pas que les ailes de Jeska-chou qui ont poussé!" s'exclame Priscilla.

"Ouais, la p'tite s'est trouvée une ambition royale." continue Rakham le Rouge. "Avec l'autr'enfoiré de Teach hors d'l'équation, on peut carrément faire tomber cet endroit!"

"Alors, tu vas nous aider?" redemande-t-iel, plein d'espoir.

"Faudrait r'mettre la p'tiote sur pattes." répond-il en se laissant désirer.

"Il y a un remède dans l'armurerie!"

Bon, je sais je m'avance un tantinet et je vois bien les gros yeux de Gaston qui n'est pas certain à cent pour cent que son sérum va fonctionner. Mais, ce qu'il nous faut à présent, c'est de l'espoir. L'espoir de récupérer Jeska et de se sortir tous d'ici. Parce que si jamais elle ne survit pas, on est tous condamnés! Et je crois que tous l'ont compris : l'ange aux ailes noires et notre carte maîtresse, et son rétablissement sera, à coup sûr, un moment charnière dans la bataille qui s'annonce. Maintenant renforcée par les hommes dirigés par Rakham, notre troupe file donc en direction de l'armurerie. Dubitative au départ, je me rends compte finalement que ce détour valait le coup! Car ce qui nous attend devant le dépôt d'armes c'est une escouade complète de monstres de Tucker plus quelques atrocités biomécaniques de Duncan. Nos adversaires sont lourdement armés et n'hésitent pas une seconde à profiter de cet avantage pour nous arroser de plomb! Avec Gaston et Jeska nous nous cachons du mieux que l'on peut, mais le médecin est touché à la jambe gauche et ne pourra pas fuir si jamais les choses tournaient au vinaigre. Quand à l'ange son état de se dégrade a vue d'œil : sa dernière intervention à dû puiser fort dans les force qui lui restaient et là, elle agonise.

Quant à moi, je vois Wolfgang sniper certains adversaires tandis que Priscilla et Rakham se fraient un passage sanglant dans les lignes ennemis. Ces deux-là sont rudement forts et leur aide est précieuse! Leur charisme fait d'eux des leader naturels que les autres détenus suivent sans poser de questions. Tant est si bien qu'après seulement un quart d'heure de combats, l'armurerie est enfin à nous! Et une clameur de joie accueille cette nouvelle. Seulement, nous n'avons plus de temps à perdre! Le tireur d'élite bègue porte Gaston et moi, je traîne Jes' du mieux que je peux à l'intérieur du dépôt. Cet endroit est une véritable cache au trésor! Il y a des armes de partout, et chacun des évadés arrive à trouver de quoi s'équiper. Mais ce n'est pas ce que nous cherchons! Il nous faut gaspiller de précieuses minutes avant que :

"Son cœur ne bat plus!" s'alarme l'homme aux cheveux roses.

Faisant fi de sa douleur, il commence à lui faire un massage cardiaque pour la ranimer. Wolfgang et moi, on désespère de trouver le matériel médical de Gaston quand soudain, je vois nos armes et la trousse de secours du médecin. Je me saisis de cette dernière et je me précipite au chevet de mon amie.

"Il te faut quoi?" m'empressé-je de demander.

"La fiole bleue, depuis le temps, la réaction de catalyse à dû se terminer."

Je fouille aussi délicatement que l'urgence de la situation ne l'exige et je finis enfin par trouver la fiole. Il s'agit d'un tube à essais.

"J'ai une solution bleu clair dessus et bleu sombre dessous."

"C'est ça, prends une seringue à pointe fine et prélève cinq cc du surnageant."

C'est comme s'il me parlait chinois, heureusement, Wolfgang est là et il m'indique comment faire avant que le médecin ne s'impatiente. Une fois l'injection prête, je me prépare à la donner au praticien quand il m'annonce.

"Je suis en train de la perdre! Vite, il me faut un shoot d'adré!"

"Quoi?" demande le sinper.

"Une seringue avec un liquide doré!"

Je me souviens avoir vu ça dans son sac alors je donne le serum que je viens de préparer à Wolfgang le temps que je remette la main sur ce que me demande Gaston. Et, en moins de temps qu'il ne faut pour dire Alabasta, j'extrais la seringue et je la met dans la main tendue de mon ami aux cheveux roses qui immédiatement la plante comme un poignard dans le cœur de Jeska pour y injecter son contenu. Le corps de mon amie se raidit soudainement, puis, se détend. Le médecin reprend son pouls et semble rassuré. Cependant, très vite, son attention se reporte sur l'injection dans la main du bègue. Sans échanger le moindre mot, le sniper donne le sérum et le docteur peut enfin administrer son remède.

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Où suis-je?

Le paysage qui s'offre à ma vue m'est totalement inconnu. C'est très étrange. Je dois être en plein rêve, ou en plein cauchemar. Je ne sais pas trop pour le moment, et j'attends de voir le déroulé des évènements pour me prononcer. Au cas où vous vous posiez la question, c'est de nouveau Jeska à la narration. Et si je sais que je suis en plein songe c'est parce que le décor ne correspond à rien de connu. Le ciel est une sorte de vortex noir et mauve, et je suis devant un assemblage désordonné de Treize, de l'Asile, de Pearl Harbor, d'Armada et de la fin de Toreshki. Et si ce n'était que ça! La pierre est vert citron, la glace est rouge, les plantes sont bleues. Bref, c'est le bazar! Et pour couronner le tout, je suis seule. J'erre dans les décors de mon passé, pourtant aucune nostalgie n'étreint mon cœur. Je ne sais pas si c'est parce que je suis complètement détachée où que je sais que rien de tout ça n'est réel, mais je ne ressens aucun attachement à ces lieux. Même la Part de Anges, que cette vieille gaupe d'Izya m'a fait renommer le Caprice des Dieux,  et que je considère comme ma maison ne fait pas vibrer mon âme. Et pourtant, quelque chose m'intrigue : je sens comme une présence. Curieuse, je mets tous mes sens aux aguets. Rien. Absence totale de d'odeurs et de sons, hormis les miens. C'est plus que bizarre! Cependant, mon instinct me dit que je suis au bon endroit.

Lentement, je me dirige vers mon foyer. Je pousse la double porte à battants et c'est alors qu'une odeur nauséabonde envahit mes narines. Méphitique au point de me faire défaillir, je recule de plusieurs pas, comme si je m'étais pris un coup au visage et je me bouche le nez. Quelle horreur! Que diable font ces relents du démon chez moi? Me forçant à respirer par la bouche, je pénètre enfin dans mon domicile, l'endroit est envahi de végétaux bleus aux fleurs noires comme le jais. Mue par l'absolue conviction que la source de ce bazar se situe à l'étage, je grimpe les escaliers et je vais vers mes appartements. Seulement, hormis les couleurs inversées, tout y est on ne peut plus normal. Quand soudain, j'entends pleurer dans la pièce d'à coté! Là ou dort de mon fils! Mon sang ne fait qu'un tour et je me précipite dans la chambre de Sakazuki. Nom d'une biscotte, l'air y est tellement vicié que l'odeur me tapisse la bouche au point que je peux presque la goûter. Et à la place du lit de mon enfant, une vision d'horreur m'attend. Une chose que je ne pensais plus jamais revoir, Teach! Le Malvoulant est là, allongé dans ce simulacre de lit qu'il avait sur Treize, une sorte d'autel païen fait de bois, de pierre et de lierre. Et lui, il est là, couché sur un matelas de lichens, de feuilles et de lianes, comme une belle au bois dormant mortifère.

Je ne peux réprimer un mouvement de recul. Même maintenant que je sais qu'il est mort, il continue de me terrifier. Le cessera-t-il seulement un jour? A distance raisonnable, j'observe le cadavre qui est dans la chambre de mon fils quand soudain, ce dernier ouvre les yeux d'un coup sec. De peur et de surprise mêlées, je pousse un petit couinement et je sursaute. Le Malvoulant se redresse et tourne vers moi, ses yeux jaunes luisant d'une lueur sinistre et son visage se déchire d'un sourire mauvais.

"Jeska... Jeska... Jeska... " tonne-t-il d'une voix d'outre tombe. "Comme prévu, tu reviens vers moi..." Dit-il d'un air satisfait en quittant son lit de mort. "Je te l'avais dit, Jeska, il t'a remplacée par une autre."

"Tais-toi, crevure d'outre-tombe! Tu n'est pas réel, tu n'existes que dans ma tête!"

"Tu as brûlé mon journal de bord et tu as cru que ça suffirait pour m'effacer à jamais? Idiote! Je vis en toi, dans tes souvenirs, plus réel que jamais!"

Des lianes surgissent alors de je-ne-sais-où et m'enserrent les poignets et les chevilles. Puis ces liens végétaux me soulèvent du sol, bras et jambes tendus, comme si j'étais une croix sur une carte. Lui claudique en ma direction, lentement, sûr de son fait. Une fois arrivé assez près de moi, sa main valide il me frôle tendrement le visage. Instinctivement ma peau frissonne et j'essaie de me soustraire à son emprise. Mais ce n'est que peine perdue! D'autres tentacules ligneux bloquent mes mouvements. Alors je ferme les yeux. Puis soudain, la caresse se fait menace et sa poigne me comprime le visage, son index et son majeur poussant dans mes orbites. Je sens ses ongles percer mes chairs, j'essaie bien de résister mais… fatalement Teach finit par l'emporter, ses griffes perforent mes joues et mes yeux, m'arrachant un terrible cri de douleur couvrant le rire dément de l'Empereur.

Et puis, il disparait comme un mauvais rêve. Mais, moi, sous le choc, je m'effondre à genoux. Je sens le sang couler sur mon visage… je suis dans le noir, les yeux crevés. Je hoquète quelques pathétiques sanglots quand soudain, j'entends une démarche familière.

"Mon Rossignol, mon beau Rossignol. Aide-moi!" l'imploré-je.

"Désolé, Jeska, mais tu es bien trop faible pour te tenir à mes côtés." Ses paroles me font l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. "Je te prends ça, tu n'en as plus besoin."

Je le sens me briser le cœur et cette fois, ce n'est pas une métaphore. Sa main perfore ma poitrine, brisant les os, déchirant les muscles. Je sens ses doigts entourer mon organe vital, je voudrais hurler mais le choc m'a rendue muette. Il tire d'un coup sec et me l'arrache dans un bruit atroce et répugnant. Moi, je reste là, à genoux, du sang coulant de mon visage et du trou dans mon torse. Je suis encore en vie, normal, je suis dans un cauchemar.

Mais ce n'est pas fini. J'entends une voix familière. Encore une…

"Maman, tu es trop nulle! Je ne veux plus être ton fils! A partir de maintenant, c'est Izya ma maman!"

J'entends alors cette satanée dragonne beugler.

"Cet endroit fait offense à mon peuple!"

Le souffle draconique arrive, je le sens. Il brûle ma peau et consume mes chairs. La douleur est insoutenable, mais ce n'est pas le pire. Non. Sans yeux, sans cœur, sans amour, sans foyer… que me reste-t-il? Rien. Finalement, périr par le feu c'est bien. Au moins, il ne restera plus rien de moi. Plus rien de cette Jeska que tout le monde déteste, moi y compris. Mourir, oui, c'est bien. Mourir, c'est arrêter de souffrir, enfin. Puis soudain j'entends une voix…

"Allez, Jeska, accroche toi."

C'est Gaston, mon médecin de bord. Oui c'est vrai, je suis dans l'Asile. Tout ça n'est qu'un rêve. Ou un délire de mon esprit pour me faire accepter ma mort imminente. Et pourtant, si moi je me sens prête à abandonner, mes amis, eux, ne me lâchent pas.

"Jeska, on a besoin de toi." bégaye Wolfgang.

Ben oui, évidemment! Comme la Marine, comme Shoma, comme Red. Je suis importante pour le moment mais tôt ou tard, vous me laisserez tomber comme tant d'autres avant vous! Tss!

"Jeska, je sais que tu nous entends! Tu vas rester allongée là encore longtemps?"

Je ne peux même pas crever tranquille, nom d'une biscotte! Plus de dépit que par conviction, je décide que mourir peut attendre et qu'il est grand temps que je sorte de ce cauchemar pour aller aider mes amis. Lentement, je reprend conscience. D'abord les sons, ça combat pas loin de moi, j'entends le fracas des armes et des cris d'agonie, puis ce sont les odeurs, la poudre, la crasse et le sang. Enfin, mes yeux s'ouvrent. Je ne suis pas au même endroit que là où je me suis évanouie. Mais ce n'est pas grave. D'un bond, je me relève. C'est très étrange, je n'étais pas à l'article de la mort? Là, je me sens légère, et en pleine possession de mes moyens. Je regarde autour de moi, et je vois le sourire de mon médecin aux cheveux roses. Celui de Wolfgang qui fait tourner autour de son doigt les menottes en granit marin qui me meurtrissaient les poignets et bridaient ma force. Je vois aussi la face soulagée d'Héfy qui se précipite vers moi pour me briefer sur la situation, d'un geste de la main, je la coupe dans son élan.

"T'inquiètes, je sais ce que j'ai à faire." annoncé-je d'une voix déterminée.

Je finis de prendre l'information. Des nombreuses armes et autres munitions qui débordent des caisses et des rayonnages, j'en déduis que nous sommes enfin arrivés dans l'armurerie. Je vois aussi les évadés essayer tant bien que mal de barricader la grande porte. Soudain, un bruit sourd se fait entendre. Oui, à l'extérieur, les Damnés essaient de forcer l'entrée. C'est évident qu'ils ne vont pas nous laisser faire ce que l'on veut à présent. Il désirent reprendre l'endroit quitte à sacrifier des hommes. C'est risqué et stupide. Enfin, c'est ce que je dirais en temps normal, mais la présence ici du rejeton de la plante de l'île en fête change la donne. Si quelqu'un meut, ce dernier en sort une copie végétale. Ca rend la gestion des ressources humaines bien plus simple. Ishar peut envoyer tous ses sbires au casse-pipe! Mais pas nous! Et même pire : chaque homme perdu grossit les rangs adverses! Ce que j'ai à faire est donc évident.

"Ouvrez les portes." ordonné-je.

Tous me regardent comme si j'avais dit quelque chose de particulièrement stupide. Alors, je lève une main et je commence à concentrer une grosse quantité de poison dissolvant devant moi.

"Je ne me répèterais pas."

Cette fois, ils ont compris, je reviens dans la partie, et je ne compte plus finasser. Et bien que je n'aie nullement l'intention de les asperger avec mes toxines, je savoure le fait qu'ils m'en croient capable! Et maintenant qu'il sont tous hors de ma ligne de tir, j'envoie la sauce. Et ça risque d'être épicé! Le poison est si corrosif et le jet si puissant que je projette la lourde porte métallique, fais fondre les murs de roche, et les ennemis derrière sans difficultés. Mais ce n'est pas tout. Après ce coup d'éclat, je reprend le contrôle de la toxine grâce au Nefarious Requiem, et je l'envoie arroser le reste des Damnés qui fondent dans d'horribles cris de douleur. L'effet de surprise et dévastateur et je compte profiter de mon avantage au maximum. De ce fait je jaillis hors de la pièce et je ne laisse pas aux Damnés le loisir de se réorganiser. Implacable, je les poursuis et les abats jusqu'au dernier. Ce pas une bataille, ni même un combat, c'est une purge. D'ailleurs je dois être à peu près dans le même état psychologique que lorsque je me suis débarrassée de la vermine qui infestait la Zone. Il n'y a ni haine ni acharnement dans mes actes, juste une froide méthodicité.

Le ménage est fait. Les évadés et ce qui me reste d'hommes peut enfin sortir de l'armurerie. C'est une victoire symbolique et stratégique car elle rend l'évasion et la libération des autres détenus possible. Je n'ai pas besoin de haki de l'observation pour voir les visages autour de moi s'illuminer d'espoir. Et je compte bien profiter de cette énergie pour accomplir mes objectifs. En effet, je sais à présent que la plante qu'Ishar a fait pousser ici possède à la fois les propriétés d'un malvoranger, mais aussi celle de l'arbre de l'Ile en fête. Tant que ce végétal est là, le directeur de l'Asile dispose d'une supériorité en moyens humains conséquente. Malheureusement pour lui, j'ai développé un poison spécifiquement pour lutter contre Teach et je compte bien capitaliser cette expérience à mon avantage! C'est alors que tous se réunissent autour de moi, je réalise qu'à présent ils attendent que je prenne la parole et que je leur donne des consignes pour la suite. Avant, j'aurais été submergée par le fait d'être le sujet d'autant d'attentes, mais à présent, j'assume. Je suis leur cheffe, j'ai des décisions à prendre, et c'est tant mieux, car j'ai un plan!

"Messieurs, on a gagné cette bataille, mais on est loin d'avoir gagné la guerre! On tient l'Armurerie et c'est un avantage dont je compte bien profiter! Ishar manque cruellement d'hommes et depuis que Teach est mort, personne ne viendra l'aider! Avec les armes qu'on vient de récupérer, c'est le moment ou jamais de libérer les autres prisonniers et de faire enfin tomber cet endroit!"

Ma voix est forte, brûlante comme le feu d'Olek. Je vois bien aux yeux ébahis de mes amis qu'ils ne s'attendaient pas à ça de ma part. Le vilain petit canard est en train de devenir un putain de cygne! Tenez vous le pour dit! Mais je ne compte pas en rester là! Je poursuis ma tirade enflammée.

"Vous allez partir vers l'Est et libérer les autres, quant à moi, je vais couper tout droit en direction de l'Arène et attirer l'attention des Âmes Noires et d'Ishar. "

Le ton est directif et n'autorise pas la réplique, d'ailleurs, mon idée est accueillie par une clameur puissante et enthousiaste. Et alors que je vois Rakham et Priscilla organiser la distribution d'armes, Héfy s'approche de moi, accompagnée de Gaston et de Wolfgang.

"Tu ne vas pas y aller seule?" demande la blonde.

"J'y compte bien." réponds-je en ignorant sciemment le fait que la question posée n'était que rhétorique.

"Je refuse!"

"Héfy..." me devance le sniper. "Tu lui as pourtant dit que ce n'était pas à elle de tout porter seule, tu te souviens?" begaye-t-il. "Tu lui as demandé de nous faire confiance, et c'est ce que Jes' fait. Elle nous confie une mission, c'est à nous de l'accomplir et de la rejoindre au plus vite."

"Oui." rajoute le médecin. "On doit aussi croire en Jeska, la confiance, ça marche dans les deux sens!"

"Mwais …" grogne une princesse bougonne. "Tu ferais mieux de ne pas trainer, sinon, on aura libéré les prisonniers et tué Ishar avant que tu n'arrives!" me lance-t-elle sur un ton de défi.

Je réponds d'un sourire complice. Pas de temps à perdre en vaines palabres. C'est un des avantages de la vraie amitié : une simple œillade échangée remplace une logue discussion. Mais ce qui me surprend le plus c'est lorsque le docteur aux cheveux roses s'approche de moi et me confie une petite sacoche renforcée. J'ouvre précautionneusement l'étui pour y voir une petite seringue remplie d'un liquide doré. Je l'interroge du regard alors il me glisse simplement.

"En dernier recours."

J'acquiesce et j'accroche avec soin l'objet à ma ceinture. Puis je m'engage dans le couloir central, en direction du Colisée. Quant à mes amis et aux évadés, il prennent un chemin latéral en direction du secteur Est. Je regrette un peu de leur avoir menti : en effet, je sais pertinemment qu'il vont rencontrer une forte opposition, sans doute menée par des Âmes Noires. Mais d'un autre coté, j'ai maintenant le champ libre pour aller détruire le végétal maudit qui produit ces satanés zombies-plantes. D'une foulée décidée, je cours dans l'immense corridor. Uniquement accompagnée par l'écho de mes propres pas sur le sol de pierre, je traverse comme une ombre le long boyau désert. L'absence de résistance m'intrigue fortement, ainsi, je ne suis pas surprise quand, à quelques encablures de la porte du Colisée, quatre silhouettes noires m'attendent. Pas besoin de faire les présentations, je sais déjà de qui il s'agit : Zorya la Noire experte en bio-mécanique, Duncan le Sombre le spécialiste du facteur de lignage , Shaw Tucker un des rares médecins au monde à savoir encore greffer de l'animal sur de l'humain et enfin, Eddy le Gentil le responsable des tortures. Je suis soulagée, si ces quatre-là sont en face de moi, ça signifie que la mission que j'ai confié à mes amis est loin d'être insurmontable.

"Alors, c'est chacun son tour, ou vous y allez tous ensemble?" les tancé-je en guise de préambule.

Sans crier gare, les tortionnaires passent à l'attaque! Ils ne sont pas si rapides, mais ils sont quatre contre une! Et, je sais que je ne peux pas me permettre d'être négligente. Ma sphère perceptive m'aide à anticiper leurs premiers assauts tandis que ma maîtrise du rokushiki me sort des situations difficiles. Cependant, j'ai bien conscience qu'uniquement esquiver leurs attaques ne me mènera à rien. Tout ce que je vais faire c'est épuiser mes forces! Il faut que je réplique! C'est alors que je réalise quelque chose : Eddy n'est toujours pas passé à l'attaque. Soudain un frisson glacé me parcourt l'échine, j'ai peur. Mais de quoi, au juste? Ils sont forts, mais je suis tout à fait capable de les maitriser seule maintenant que je suis guérie! Alors pourquoi? Pourquoi je tremble?

"Tu as peur?" roule la voix sadique de celui qui se fait appeler "le Gentil".

Je ne réponds pas, il y a quelque chose de louche ici, et je crois que je ne vais pas tarder à savoir quoi.

"Tu devrais."

Mon instinct me hurle de fuir, mais je m'y refuse, je ne vois pas de menace immédiate, pourquoi devrais-je me replier? C'est ridicule! C'est alors que ça arrive, un son puissant, comme un rugissement. C'est un grondement de tonnerre! Peu de gens le savent, mais j'ai une peur bleue du fracas du ciel! Le son assourdissant. Les murs qui vibrent. L'électricité dans l'air. Même l'odeur d'ozone qui précède un orage me met mal à l'aise. Et là, c'est le pompon! La déflagration est assourdissante, mon esprit sait qu'il y a un "truc", que ce n'est qu'un artifice, mais mon corps, lui, fait fi de toute logique et réagit d'instinct. Mes jambes flageolent, et les battements de mon cœur s'accélèrent. Mais je n'ai pas le loisir de tergiverser, car ces démons profitent de mon état de détresse pour m'attaquer.

"Tu vois, Jeska, même si tu n'est restée qu'une année parmi nous, j'ai eu le temps d'explorer le royaume de tes peurs. D'en devenir le dictateur, pour mieux te dominer."

Un autre coup de tonnerre, mince! J'ai un temps de retard et si j'arrive à éviter sans problème le coup de poing mécanique à ressort que m'envoie la Noire, je ne peux me soustraire à l'assaut combiné des deux autres. J'utilise le tekkai pour mitiger les dégâts, mais …  ce n'est pas suffisant et je me retrouve projetée avec force contre un mur. Etrangement, je n'ai pas si mal que ça, et pourtant, en essayant de me relever, je trébuche et met un genou à terre. Je suis à court de souffle, déjà.

"Là, tu deviens raisonnable …"

Mais les Âmes Noires ne me laissent aucun répit, et elles repartent à l'assaut. Instinctivement, je me remets en garde. Et encore ce son assourdissant qui me fige. Me voilà à nouveau a tenter de … nom d'une biscotte, même ça je n'y arrive plus? Impuissante, je me fais rosser comme un rookie dans le Nouveau Monde. Ils ne tapent même pas fort en plus! Mais la répétition des chocs va finir par avoir raison de mon endurance. Fichu corps inutile qui est figé par la peur! Hé mais … si je mon corps ne réagit pas, je peux toujours …

"Tu vois avec quelle facilité j'ai fait sauter les verrous de ta volonté? Je …"

Et là, ma force de volonté se déploie dans toute sa puissance. Ecrasant, la Colère de l'Ange sonne les Damnés. Ha là là, pourquoi n'ai-je pas pensé au haki royal plus tôt? Miraculeusement, cette démonstration de force regonfle mon égo et chasse mes peurs. Gonflée à bloc, je fonce sur Zorya d'un soru et le lui envoie une Aiguille Forgée dans le ventre. Ainsi, mon Echo Sonar Wave se diffuse en elle et je comprends qu'elle a utilise ses compétences pour améliorer son corps. Sans même avoir eu besoin de les voir, je sais à présent qu'elle dispose de tout un arsenal d'armes diverses et variées cachées dans son corps d'androïde, elle à même des genres de missiles! Manque de bol, ma maitrise exceptionnelle du haki de l'armement me permet de diriger l'impact de ce dernier. Ainsi je dirige l'onde de choc vers une de ses roquettes. Et l'effet est immédiat. Elle implose littéralement! Shaw et Duncan semblent échanger un regard paniqué sous leur capuche.

"Vous avez peur?" demandé-je uniquement pour la forme. "Vous deviez."

Les deux Ames Noires s'enfuient, dépassant Eddy sans même lui adresser un regard. La peur a changé de camp, semble-t-il. Haaaa … le sentiment de puissance qui nous envahit quand on réalise qu'on terrifie les autres, c'est grisant. Je peux comprendre que ces types se soient laisser aller. Et pourtant, je ne ferai preuve d'aucune miséricorde. J'envoie deux jets de poison haute pression rattraper les fuyards et leur faire rencontrer leur destin. Il ne reste que lui, à présent, "le Gentil". Lentement je m'approche de lui, je ne suis plus la petite Jeska qu'ils ont récupéré il y a un peu plus d'un an de ça. J'ai récupéré mes yeux, mes ailes, et mon fruit du démon. Et surtout, j'ai grandi! Je suis devenue plus forte, beaucoup plus forte. Plus qu'ils ne le seront jamais. Et ça, Eddy l'a bien compris. Il sait que je viens me venger, et qu'il ne pourra pas y échapper. Il se demande ce que je vais bien pouvoir lui faire tout en sachant une chose, je serai sans pitié. J'arrive enfin à son niveau, et je suis surprise de constater qu'il n'est pas aussi grand que dans mes souvenirs. Un nuage de poison asservissant m'assure de sa docilité alors je lui murmure à l'oreille.

"Quelle est ta plus grande peur?"

"Les araignées …" couine le Damné sous l'emprise de ma substance.

"Très bien." dis-je dans un sourire mauvais. "Imagine à présent que des milliers d'araignées t'attaquent. Elles sont là, partout, et elles veulent te momifier dans leur toile!"

Aussitôt, l'Ame Noire se crispe et soudain, il gesticule de façon désordonnée, chassant des arachnides imaginaires. Et maintenant, je rajoute un panache de poison rose. La toxine hallucinogène va lui faire avoir des visions d'horreur et inexorablement le faire sombrer dans la folie. Le malheureux, se débat contre l'assaut invisible, il hurle, tente de les repousser, et puis soudain, je vois son esprit l'abandonner. Sans doute que dans son délire, il s'imagine en train de perdre car je le vois tomber au sol, se figer, respirer de façon saccadée et soudain, il hoquète, une fois, deux fois, trois fois, puis comme par magie, son corps se détend enfin. Son calvaire est fini. Trop tôt.

Il en a de la chance, finalement. Les gens qu'il a terrorisé ont souffert bien plus longtemps. Et certains sont même encore en vie. Sans un regard pour ces types, je poursuis mon chemin vers le Colisée central. Plus je m'approche, plus l'atmosphère se fait lourde. Certes l'humidité augmente, mais ça ne justifie pas tout. C'est comme si l'air ici était si vicié qu'il en était devenu poisseux. Cette sensation malaisante me met en alerte, quoiqu'Ishar ait fait dans l'arène, c'est le mal à l'état brut. Pourtant, quand j'arrive devant la porte, je n'ai aucune appréhension. Je suis forte, en pleine possession de mes moyens, prête à affronter la dernière étape de cette conquête expiatoire.
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La lourde porte s'ouvre en grinçant et un vent méphitique s'échappe de l'arène me faisant plisser les narines et fermer les yeux. Quelle odeur atroce! Je secoue la tête comme pour chasser cette affreuse sensation qui ne me lâche pas! Beurk! Pour une arène de combat, le sol est étrangement noir et brillant, je me serait plus attendu à du sable clair, mais je ne peux pas trop dire si c'est la couleur d'origine du sol où s'il y a eu changement ces derniers mois. Après tout, lorsque j'ai foulé le sol du Colisée, j'étais aveugle. Ceci dit l'odeur est bien différente il y a un parfum humide de mort et de végétal en décomposition. Une âme plus sensible que la mienne aurait sans doute déjà rendu son déjeuner, mais j'ai été sur bien trop de charniers pour encore m'en émouvoir.

Quoique …

J'ouvre les yeux et je le vois, les arbres maudits dont les racines s'enfoncent dans le sol telles des griffes vengeresses et dont les branches noueuses se tendent vers le ciel comme pour le déchirer. Et pourtant quelque chose ne va pas. Les deux plantes sont presque dépourvues de feuilles, leur écorce est terne et semble s'effilocher comme un vieux papier peint décrépi. Je ne suis pas experte en botanique, mais ces végétaux semblent sur le point de mourir. Puis finalement, mon regard est attiré vers le centre de l'arène, là, brillant comme une lune par une nuit sans étoiles, se tient Ishar. Il observe une sorte d'énorme bulbe verdâtre qui brille d'une lueur blafarde. Soudain, j'ai l'impression que mes yeux me jouent des tours car je crois distinguer une forme, comme celle d'un être vivant qui serait recroquevillé à l'intérieur.

"Re bienvenue Jeska, tu arrives juste à temps pour sa venue au monde." s'extasie le savant fou.

Je pénètre enfin dans l'arène et mon pied s'enfonce dans le sable en faisant un bruit humide et peu ragoutant. Instinctivement, je baisse le regard pour constater, non sans un certain dégoût, que je patauge dans un sol gorgé d'hémoglobine au point qu'il en est devenu d'un rouge sombre presque noir. Quand il a dit qu'il abreuvait sa bouture avec du sang, j'étais loin d'imaginer qu'il en utiliserait autant. Mon regard distingue alors, au fond de l'aire de combat, un charnier composé d'un géant et d'une multitude de corps appartenant à des races aussi diverses que variées : des cornus, des anges, des hommes-poisson. Nom d'une biscotte, Ishar quelle expérience impie es-tu allé mener ici?

"Regarde quelle force de vie il possède déjà! Il a littéralement asséché le Malvoranger et la plante de l'Ile en Fête! Il va être d'une puissance incommensurable!"

Je soupire, pour moi, le scientifique à définitivement perdu la raison, alors, je lui fonce dessus d'un Soru avec la ferme intention de l'exécuter. Mais ce dernier doit posséder le Haki de l'observation, car il anticipe mon attaque et tente de s'enfuir. Malheureusement pour lui, je suis bien plus rapide et j'ai vite fait de le rattraper et de lui injecter ma toxine mortelle grâce à la Lethal Injection. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, Ishar ne meurt pas. Serait-il immunisé à mes poisons? Ou alors aurait-il déjà synthétisé un antidote? En tous cas, il devrait avoir passé de vie à trépas, et pourtant c'est loin d'être le cas. Il m'échappe à nouveau, mais cette fois je ne le poursuis pas. Je viens de comprendre son petit jeu.

"Tu gagnes juste du temps, n'est-ce pas?" constaté-je un peu tardivement.

Il ne dit rien, mais c'est tout comme. Je réalise alors que le véritable danger n'est peut-être pas celui que je crois et je change mon fusil d'épaule et je me précipite vers ce gros bourgeon phosphorescent. Et c'est là qu'Ishar, en bon empêcheur de tourner en rond, s'interpose. Nom d'une biscotte, comment je vais pouvoir écarter ce satané bonhomme? Son fluide perceptif et son immunité à mes toxines sont fâcheuses, mais qu'à cela ne tienne, je n'ai qu'à le tuer à l'ancienne. S'il peut anticiper mes mouvements, je n'ai qu'à aller plus vite que lui! Et si mes poisons sont sans effets, alors je le frapperai avec mes poings renforcés au Haki de l'armement! Et c'est ce que je fais! Je le domine de la tête et des épaules! Plus rapide, plus forte, plus technique et plus expérimentée que lui, il ne fais pas le poids!  Au bout de quelques minutes, il gît sur le sol, inconscient. Quant à moi, je suis en nage et je peine à reprendre mon souffle. Est-ce qu'il m'aurait injecté une autre maladie à mon insu? Non. C'est juste que l'atmosphère est chargée d'humidité. Je pousse un profond soupir de soulagement. Je n'imagine pas la tête qu'aurait fait Gaston si j'étais revenue vers lui infectée par un nouveau virus! Satisfaite de ma victoire, je regarde autour de moi pour finir le boulot et là, je me fige.

Où est l'œuf?

Après quelques instants de recherche, je vois bien les restes du bulbe fluorescent, éventré de l'intérieur, la flaque de liquide vert pâle et brillant, mais … où diable est passée la créature qui était dedans? Soudain, un craquement sinistre me fait sursauter. Vivement, je me retourne pour faire face à la source du bruit, et c'est alors que je le vois, penché sur le corps d'Ishar et en train de lui croquer la tête comme mon fils croquerait un œuf au chocolat! Le spectacle est tout bonnement horrible et pourtant, je n'arrive pas à m'en détacher. L'être mesure, à peu de choses près, ma taille, il a la peau grise et brillante comme du marbre mouillé. Presqu'intégralement glabre, il ne possède que quelques touffes de poils bruns au dessus des ses mains et de ces pieds griffus. Ses jambes anormalement longues, ainsi que ses bras avec deux coudes, lui donnent un aspect insectoïde assez révulsant. Mais ce n'est pas tout! Il dispose en plus d'une paire de cornes, d'une paire d'ailes noires comme les miennes, des branchies au niveau du cou, de crocs luisants et acérés ainsi que de trois yeux! Le scientifique fou avait donc réussi à créer sa chimère! Et il en serait sans doute ravi si cette dernière n'avait pas choisi de faire de lui son premier repas. Mais d'un autre coté, ce n'est pas moi qui pleurerait le décès d'un salaud comme Ishar. Périr inconscient, c'est clairement une mort trop douce pour lui.

Je pourrais, non, je devrais prendre l'initiative et attaquer la première, et pourtant, je reste là, figée. Peu ont eu le loisir de contempler la naissance d'une nouvelle espèce, et moi je regarde ce nouveau-né comme une mère. Il a mes ailes, il est de mon sang, même si la raison me dit de tuer cette abomination sans autre forme de procès, mon instinct de génitrice s'y refuse. Même s'il n'y a qu'une infime partie de mon facteur de lignage à l'intérieur de cet être, il demeure, scientifiquement parlant, mon fils. Est-ce l'idée de commettre un infanticide qui me paralyse? Je l'ignore. Mais une chose est sûre, je ne profiterai pas de ce moment pour l'agresser. Cette vie nouvelle mérite mieux que l'écrin de misère dans lequel elle a vu le jour. Et pourtant j'ai la certitude que dès qu'elle en aura fini avec son "repas", elle s'en prendra à moi. Si elle m'attaque, je me défendrai, mais je me refuse à ouvrir les hostilités.

Je la regarde donc manger Ishar, sans l'ombre d'un remord. Je ne vais pas pleurer sur le destin de cet enfoiré. Il a joué avec des forces qui le dépassent, et ça s'est retourné contre lui. Y'en a qu'appellent ça le karma, moi j'appelle ça la Justice. Je remarque que la créature n'en laisse pas une miette, même les os sont méthodiquement broyés par ses mâchoires. Puis soudain, il tourne son visage vers moi, je sais qu'il va m'attaquer, et pourtant, je suis surprise par sa vitesse de déplacement. Ce n'est pas du Soru, car pour cela, il faut frapper le sol plusieurs fois dans un laps de temps très court, ce qui provoque un bruit bien particulier que j'ai appris à identifier. Mais ici, rien de tout ça, il est juste allé vers moi si vite que, sans ma sphère perceptive, j'aurais été prise de court! Et mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines lorsque je le vois armer son bras et le projeter à vive allure! J'ai juste le temps de bondir en arrière grâce au Soru pour éviter que ses griffes ne se plantent dans ma poitrine. Je le vois regarder sa main, une espèce d'incrédulité sur le visage, à moins que ce ne soit de la déception pour ne pas m'avoir empalé.

Puis soudain, il a disparu! Encore? Nom d'une biscotte, ce n'est pas possible! Comment ai-je pu le perdre de vue! Je ne perçois son mouvement que lorsqu'il rentre à nouveau dans ma sphère perceptive et voilà il me fait la même attaque! Directe et sans fioritures, son assaut est encore dirigé vers mon cœur! J'esquive donc de la même façon, pour me rendre compte qu'il ma suivi et que ses griffes sont a deux doigts de me lacérer le visage! J'ai juste le temps de pencher la tête sur le coté opposé et m'en sortir avec une vilaine estafilade sur la joue gauche. Je pense m'en être bien triée, mais j'ai oublié qu'il a deux coudes à chaque bras! D'un mouvement improbable pour un humain normal, il arrive à m'envoyer un de ses coudes percuter violemment ma pommette gauche. Je suis alors projetée sur la droite et je vois que mon opposant ne compte pas me laisser de temps mort! Ses mains m'attaquent sans répit et j'ai toutes les peines du monde à les bloquer! Ce n'est pas possible! Je suis lieutenant d'empereur, et je suis mise en difficulté par cet être à peine sorti de l'œuf? Si jamais il atteint son plein potentiel …

Je ne peux pas laisser faire ça! Et je ne pas non plus me laisser malmener de la sorte! Il y a un moment où je dois me montrer à la hauteur de mon rang! Mon regard se fait plus dur, et j'utilise la Résolution de l'Ange pour enduire l'intégralité de mon corps avec le Haki de l'armement. Et là, je vois la surprise dans son regard alors que son attaque se fait bloquer par ma force de volonté. Mais je ne lui laisse pas le temps de comprendre ce qu'il se passe et je fais pleuvoir sur lui des coups de poings et de pieds. Je me déchaîne comme rarement je l'ai fait. Utilisant l'Aiguille forgée pour que les dégâts de mes attaques se concentrent et endommagent des endroits particuliers de son anatomie, je réalise bien vite que mon adversaire n'est pas aussi affecté par mes assauts que je l'escomptais. Rapidement, il reprend du poil de la bête, sans mauvais jeux de mots, et notre affrontement s'équilibre. Il frappe poing fermé à présent, et je dois bien avouer qu'il cogne fort, le bougre! Et pire encore, sa peau est inhabituellement dure! Je me suis battue contre tous types de gens et jamais un épiderme ne m'a paru aussi … impénétrable. Sa résistance est telle que mes mains s'engourdissent à la longue. Tant est si bien que, petit à petit, les échanges de coups commencent à tourner à son avantage.

Alors d'un Soru, je m'éloigne afin de mettre un peu de distance entre nous et me permettre par la même occasion de souffler un peu c'est alors que je le vois, son pied poilu qui se dirige à une vitesse folle de mon visage. Pas le temps d'esquiver, ni de mitiger les dégâts avec le Tekkai que le coup me gifle la face avec force. Sonnée, la joue gonflée et rougie, je titube quand soudain, je sens qu'il m'attrape le visage et qu'il se prépare à m'assommer d'un puissant coup de tête. Sauf que cette fois, je suis préparée au choc! L'impact est terrible pour lui comme pour moi. Je vois ses yeux rouler dans leur orbites alors qu'il tangue comme un boit sans soif. Moi, sur mon séant sans même savoir comment je me suis retrouvée ainsi, j'essaie de profiter de cet avantage pour repartir à l'attaque. Mais c'est peine perdue, mon corps refuse de bouger. A force de volonté, j'arrive enfin à me mouvoir, juste pour constater que mon adversaire aussi s'est remis de l'impact. Nom d'une biscotte! Il va vraiment falloir que j'arrête de le sous-estimer! Après tout, j'ai pris son coup de pied uniquement parce que je pensais qu'il ne se servirait que de ses mains pour attaquer. Maintenant que je réalise qu'il peut utiliser tous ses membres pour me faire du mal, je sais à quoi m'en tenir!

Je lui fonce dessus et j'attaque! Lui, encore un peu sonné, met du temps à réagir. Il en est aussitôt puni. Sans une once de pitié, je fais pleuvoir sur lui mes coups. Je sais à présent que je ne vaincrai pas cet adversaire sur un malentendu. Il va falloir que je sape son endurance jusqu'au moment où je pourrai faire la différence. Ce sera long, fastidieux, et très peu élégant. Mais je ne suis pas là pour la beauté du sport, je dois remporter ce duel, un point c'est tout! Il est plus fort et plus rapide que moi? Quelle importance? J'ai avec moi des années d'expérience au combat. Alors oui, je feinte, je ruse, et lui tombe dans le panneau car il est encore jeune et naïf. D'un point de vu extérieur, je dois paraître bien cruelle à m'acharner ainsi, mais, je n'ai pas le loisir de faire dans l'esthétique. Tôt ou tard, il va vraiment s'éveiller et là, je ne donne pas cher de ma peau! Malheureusement pour moi, sa peau est toujours aussi solide! J'ai l'impression que me m'épuise plus à le frapper que lui à subir mes assauts, c'est un comble!

Tout à coup, quelque chose cloche, je le sens, il va y avoir de l'orage, je sens l'air autour de moi se charger. Je comprend, mais trop tard, qu'il peut se servir de l'Electro! La décharge qui me foudroie est si puissante qu'elle me tétanise l'espace d'un instant. Et c'est bien plus qu'il n'en faut pour que mon adversaire reprenne le dessus. Et voilà qu'une déferlante de coups qui s'abat sur moi. Je pare du mieux que je peux au vu de ma situation, mais, acculée, je dois me résoudre à encaisser pas mal de ses attaques. Le haki et le tekkai aidant, ce ne sont que des plaies superficielles et des ecchymoses, c'est surtout ma tenue qui témoigne de la violence des assauts que j'ai subi : déchirée et rougie à de multiples endroits, elle est aussi marquée par certains impacts. Cependant, je ne compte pas me laisser faire! Dès qu'une ouverture se présente, je punis la négligence de mon adversaire! Pourtant, encore une fois, j'ail l'impression que mes coups ne lui font rien, et pire, mes poils se hérissent, signe avant-coureur d'une nouvelle décharge.

Foudroyée à nouveau, je ne peux réagir lorsqu'il se jette sur moi. Mais cette fois, il ne me frappe pas, il se contente de me plaquer au sol et mon sang se glace dans les veines lorsque je le vois ouvrir sa bouche en grand, ses crocs luisant au clair de lune. Mue par mon instinct de survie, je trouve la force de volonté pour éviter de me faire coquer la tête comme feu Ishar! Mais à la place, les dents de la créature me lacèrent l'épaule gauche, m'arrachant un cri de douleur. Ivre de colère et de souffrance, je souffle au visage de mon adversaire un nuage lacrymogène qui lui fait lâcher prise en hurlant. Profitant de ce répit, je me relève difficilement quand soudain je réalise que c'est la première fois que j'use de mes toxines dans ce combat. Ne me serais-je pas simplifiée la tâche en les utilisant plus tôt? Evidemment que si, mais alors, pourquoi ne pas m'en être servie, alors? Je n'ai pas le temps de m'interroger d'avantage sur les raisons de mon blocage, car déjà il repart à l'attaque! Sauf qu'il est bien moins précis qu'avant! Merci "poison"! Grâce à l'avantage que tu viens de me donner, je prends encore une fois l'ascendant. Je profite qu'il ait le regard brouillé de larmes pour lui porter des coups qui, sur un humain normal, se seraient avérés décisifs. Malheureusement pour moi, ce n'est pas un adversaire ordinaire. Et bien que mes coups fassent mouche, ils ne semblent pas l'affaiblir pour autant. Et même si je continue d'utiliser l'Inflexibilité de l'Ange pour poursuivre mon travail de sape.

La bête grogne et crisse, signe que, d'une certaine façon, mes coups l'affectent. A moins que ce ne soit de la frustration face à son incapacité de me manger. Je l'ignore, mais je ne m'arrête pas de le frapper pour autant. Maintenant que j'utilise mes toxines, le combat est devenu rudement simple : je cogne et il encaisse. Cependant, il refuse de s'avouer vaincu. Franchement, c'est en train de devenir le sac de frappe le plus têtu que je n'aie jamais rencontré! Puis soudain, l'autre porte de l'arène s'ouvre en grand. C'est les renforts! Je vois la bouille blonde d'Héfy, le visage androgyne de Priscilla et les traits burinés de Rackham, je suis ravie que mes amis s'en soient sortis, même si _ça ne faisait plus vraiment de doute, vu que c'est moi qui ait éliminé les dernières Ames Noires. Ca y est, on s'est presque totalement rendus maîtres de l'Asile. Il ne reste plus que cette créature à abattre!
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Revenons quelques minutes en arrière, voulez-vous? Oui, c'est encore un changement de narratrice. Promis c'est le dernier! Oui, vous l'avez compris, c'est de nouveau Héfy! On vient de se séparer de Jeska et on file vers l'Est avec les ex-prisonniers? Notre progression est facilitée par le fait qu'on vient aussi de dévaliser l'armurerie. Ce n'est plus du matons contre détenus, mais du gardien contre guerrier. Et je dois avouer, non sans une certaine satisfaction, que ça change littéralement la donne. Les évadés, menés par Rackham et Priscilla sont d'une efficacité redoutable. On sent dans chacun de leurs coups tout le ressentiment qu'ils ont envers leurs geôliers. Et c'est un massacre! Comme une crue d'été, on renverse tout sur notre passage. Tant est si bien qu'on arrive vite aux cellules du quartier Sud étape obligatoire dans notre périple vers le levant. Là on y fait une rencontre assez désagréable : un certain Varg Vik Hernes, un mink loup extrêmement agressif. Lui est ses sbires ont failli en venir aux mains avec les autres détenus. Fort heureusement, l'okama a réussi à éviter un bain de sang entre nous. Dommage, le canidé avait l'air rudement balaise et aurait été d'une aide précieuse dans le futur.

Un peu dépitée, mais soulagée d'avoir évité le pire, on continue notre avancée dans le travées de la prison géante. Etrangement, on ne rencontre plus d'opposition avant d'arriver aux mitards du quartier Est. Et là, je comprends que ce ne sera pas une partie de plaisir. Tous les gardiens se sont réunis là. Immédiatement, je stoppe la marche de notre groupe, et on se cache. Je pense en comprendre la raison, mais je demande confirmation à l'homme-poisson.

"Dis Rackham, pourquoi il y a autant de gardes ici?"

"Parce qu'ici, il n'y a qu'un seul prisonnier."

"Quoi?"

"Le plus fort d'entre nous, Héfy-chou." ajoute Priscilla. "Bélem, le Charbon Froid."

Ce nom me dit quelque chose… je l'ai déjà lu quelque part. Oui, c'est ça, dans le journal! Il n'était pas un des fidèles lieutenants de feu l'Empereur Toreshky? Oui, le Charbon était le second commandant du Seigneur d’Ivoire, messager de son capitaine, et son représentant sur l’ensemble de son territoire. Bélem était connu pour être le premier à la bataille, et le premier à s’exposer aux pirates contestant la légitimité de son maître.

"Je le croyais mort!" m'exclamé-je.

"Contrairement à sa réputation de tueur expéditif, le Malvoulant aime faire des prisonniers." corrige la Glamazone.

Des prisonniers qui ont tout intérêt à se donner la mort avant d’arriver en ce sombre lieu car une fois sur place, il n’y a plus ni vie, ni mort. Vos seules amies deviennent la douleur, et l’horreur. Jes' et les évadés peuvent en témoigner. Et c’est peut être précisément pour cette raison que Manfred a décidé d'épargner sa vie. Pour le briser au-delà de ce qu'il est possible de faire. Et ça me pose un problème. Car si l'homme-poisson était autrefois marin parfait, formidable bagarreur et compagnon inestimable de Toreshky, Bélem n’est sans doute déjà plus qu’un vestige de lui-même, une ombre partiellement décharnée et dépecée, qui repose misérablement dans une geôle sordide de ce lieu de perdition qu'est l’Asile.

"On ne peut se permettre de risquer des vies pour un homme dont on est même pas sûr qu'il est en mesure de nous aider."

"On ne peut malheureusement pas non plus ignorer les gardes." corrige Gaston. "Si on ne s'en débarrasse pas de suite, on risque d'avoir affaire à eux plus tard, à un moment moins opportun."

Le médecin aux cheveux roses a raison. On a fait le tour de la prison, et éliminé avec méthode tous les gardiens rencontrés en chemin. Malgré les pertes essuyées lors de la libération de Varg et sa bande d'ingrats, on ne peut pas vraiment se permettre d'épargner ces types! Il nous faut finir ce que l'on a commencé. Même si ça signifie de perdre encore des hommes. Humpf … je me surprends à penser comme Jes'. Vraiment, la naïveté de cette ange aux ailes noires et contagieuse.

"On fait quoi?" begaye Wolfgang, me sortant de mes pensées.

"On fonce et on défonce tout!" annoncé-je avec détermination.

Et voilà le dernier acte de la boucherie qu'aura été cette mission, le sang coule à flots et j'ai arrêté de compter les morts de notre côté. Mais c'est enfin fini, les derniers gardiens ont été passé au fil de l'épée mais le bilan est lourd. Rackham est hors de combat, Priscilla est couverte de sang et de blessures, une harpie m'a enlevé l'œil gauche. Gaston s'affaire à soigner le maximum de gens, mais je comprends bien vite qu'il ne pourra pas sauver tout le monde et qu'il a des choix difficiles à faire. Je n'aimerais pas être à sa place : décider qui vit et qui meurt … je n'ose imaginer le poids qu'il a à porter sur ses épaules. J'aimerais l'aider, le réconforter, pourquoi pas le soulager d'une partie de son fardeau, mais … je dois souffler sur des braises pour rallumer la flamme d'un Charbon Froid.

Le cliquetis de la clef dans la serrure à quelque chose de sinistre. Et qui dire de la longue plaine de la lourde porte qui grince sur ses gonds. J'essaie de garder mon aplomb, mais, au fond de moi, je n'en mène pas large! Je distingue péniblement une forme sombre au fond du mitard poisseux. Je m'approche et une odeur pestilentielle me prend à la gorge. Le malheureux a été laissé ici, dans son "jus" durant de nombreuses semaines. Fronçant les narines, je pénètre quand même dans la cellule. Lentement, mon seul œil valide s'habitue à l'obscurité de la pièce et je le vois enfin, roulé en boule dans le coin de la geôle le plus éloigné de la porte. Je ne peux pas manquer son regard, brillant comme l'acier et au moins aussi aiguisé. Je sais qu'il a entendu le raffut qu'on a fait dehors, mais je sens bien qu'il se demande si on est des amis ou des ennemis. Bénie soit mon Empathie qui m'aide à comprendre qu'il ne fera pas le premier pas. C'est donc moi qui ouvre la conversation.

"Bonjour, je suis Héphillia et on est venus vous sortir de cette prison!"

"Vous n'êtes pas avec le Seigneur d'Ivoire, partez." roule sa voix grave en guise de réponse.

Je réalise alors que, malgré tout ce qu'il a subi ici, le Charbon froid attend que ses amis viennent le libérer. Comme quoi, la flamme de l’amitié ne s’éteint pas si facilement, même dans le cœur de ceux qui ne vivent plus que dans les plus noires ténèbres. Il rêve des temps passés, et de sa famille. Ila une fois inébranlable envers son capitaine, et ses compagnons. Je suis à la fois admirative devant la force de cette volonté, et en même temps, je réalise la vanité de l'entreprise du Malvoulant : on ne brise pas les gens comme des rochers. Priscilla, Rackham, Bélem, Jeska... il n'a pas réussi à les détruire. Même ce lâcheur de Varg... A eux tous ils constituent la preuve irréfutable que la mission de l'Asile est un échec. Mais là, ce n'est pas le plus important. Je dois faire de cet homme-poisson mon allié, et malheureusement, je ne suis pas celle qu'il attend.

"En effet, je ne suis pas affiliée à l'Empereur Toreshki, mais ma capitaine connaît la Sorcière des Glaces." me souviens-je.

"Elise est encore en vie?" m'interroge-t-il. "Et Teach?"

"Personne ne le regrette."

Je le sens se détendre et j'entends cliqueter ses chaines tandis qu'il se redresse. Il s'avance lentement vers moi, révélant son corps couvert de cicatrices des innombrables sévices qu'il a dû subir ici. Il me tend ses poignets, afin que je voie ses menottes. J'ai compris le message et j'ai même déjà la clef en ma possession. Extirpant triomphalement le sésame de ma poche, je le brandis devant le dernier prisonnier de l'Asile et je fais jouer l'objet dans le mécanisme, un "clac" sonore m'avertit de la réussite de l'opération alors que je vois un large sourire se dessiner sur le visage de l'homme-poisson.

"Merci." me dit-il simplement. "Quel est le nom de ta capitaine?"

"Jeska Kamahlsson."

"La petite Kamahlsson a un équipage?" s'étonne-t-il. "Un capable de mettre à bas cet endroit?"

Je savoure l'expression mi-étonnée mi-reconnaissante sur son visage. Si on impressionne un ponte de la piraterie comme lui, ça signifie clairement qu'on joue dans la cour des grands. Et pas un second rôle!

"Hé oui, Bélem-chou..." minaude Priscilla. "On a gardé le meilleur pour la fin."

"Où est la petite aveugle alors?"

"Elle est allée affronter Ishar." informe Rackham.

"Seule? C'est de la folie!" s'alarme Bélem. "Vite, venez avec moi, elle va se faire tuer!"

Et alors que l'habitant des abîmes se presse vers le Colisée, il nous explique la situation et ce que mon amie va affronter. Morts d'inquiétude, on oublie tous notre fatigue pour aller au plus vite secourir l'ange aux ailes noires. Et une fois la porte de l'arène ouverte, on voit une Jeska aux prises avec un être à la forme indéfinissable. Mais leur combat est d'une intensité démentielle! Sans le Haki de l'Observation, je ne pourrais même pas suivre tellement ça va vite. Mais les évadés, eux, le peuvent, et d'ailleurs, ils ne tardent pas à comprendre la situation.

"Jeska va perdre." annonce Bélem.

"Quoi? Mais c'est elle qui donne les coups!" protesté-je avec véhémence.

"Mais elle ne lui fait presque rien." complète l'autre homme-poisson.

"Elle va finir par s'épuiser, et alors …"

Iel n'a pas besoin de conclure. Je comprends très bien ce que ça signifie. Quand Jeska arrêtera de la malmener, la créature reprendra le dessus et mon amie ne sera sans doute pas en état pour répliquer.

"Alors intervenez!" imploré-je.

"Ca ne servirait à rien." concède l'ex Lieutenant d'Empereur. "On ne ferait que la gêner."

Je suis estomaquée. Le Charbon Froid est certes loin de son meilleur niveau, mais, de là à reconnaître qu'il ne peut rien faire pour Jes'. C'est un comble! Ou alors, c'est moi qui n'a pas voulu voir la croissance de mon amie. Sans doute que, dans un coin de ma tête, Jeska est restée l'ange aveugle un peu cruche de l'Académie. Après tout, ne l'ai-je pas vue tenir tête à Frost? Peut-être que, pour préserver mon égo, j'ai inconsciemment nié son évolution. Ainsi, je ne suis pas totalement larguée. Ainsi, on évolue encore dans le même monde. Ainsi, je peux encore l'aider. Mais tout ça est faux, je le vois bien à présent. Elle évolue dans une autre galaxie et moi, j'en suis réduite à un rôle de princesse spectatrice passive du combat du héros. Et bien que je sois une vraie princesse, je refuse de rester là sans rien faire.

Et alors que Jeska fait de son mieux pour conclure cet affrontement avant de tomber à court d'énergie, j'observe attentivement le combat et je mets en place une stratégie. Un plan qui part du principe que mon amie n'arrivera pas à terminer dans les temps. Rapidement, j'en informe les autres, Pendant que Gaston s'en va avec le gros des troupes pour évacuer, Wolfgang, Priscilla, Rackham, Bélem ainsi que quelques autres restent avec moi pour prêter main forte à la lunarienne au moment décisif. L'espace d'un instant, j'espère qu'ils se sont trompés et que j'ai pris toutes ces précautions pour rien. Seulement, la peau de la bête s'éclaircit petit à petit, ses traits se déforment pour devenir franchement bestiaux, et ses yeux deviennent rouge sang.

"Merde, il peut Sulong?" s'interroge à haute voix la Reine des Glamazones.

Soudain, le rapport de force change. Cette fois, c'est Jes' qui est en difficulté. La vitesse de son adversaire est démente, et ses coups sont encore plus rapides! De plus les bloquer ne sert à rien car à chaque fois qu'il la touche, il libère de terribles décharges électriques. Elle a beau utiliser ses poisons, le rokushiki et le Haki, elle reste dominée de la tête et les épaules par son adversaire. Je comprends vite que du fait qu'on ait traversé pas mal d'épreuves depuis notre arrivée ici : entre la maladie, les combats et les tortures, l'énergie de Jeska est au plus bas. Et contre un opposant au moins aussi fort mais beaucoup plus frais, la différence est cruciale. Je regarde donc, impuissante, ma capitaine se faire massacrer. Elle offre certes une belle résistance, mais l'écart de niveau est trop grand. Je vois mes alliés qui brûlent d'intervenir, mais, malheureusement, ce n'est pas le bon moment. Alors d'un geste de la main, je les en dissuade. Et c'est un crève-cœur pour moi de voir, très brièvement, le visage de mon amie se tourner vers moi comme pour m'implorer de l'aider. Pourtant, au lieu d'abandonner, elle redouble d'efforts! A-t-elle compris que pour qu'on l'aide, il faut qu'elle crée les bonnes conditions pour? Oui, mon Empathie m'indique qu'elle essaie de son mieux pour nous faciliter la tâche, elle arrête d'user de ses toxines pour se rendre plus accessible, elle écarte même celles déjà utilisées afin de nous faciliter la tâche. Obligée d'user uniquement du fluide et du sixième style pour se défendre, elle a toutes les peines du monde pour orienter subrepticement le combat afin qu'il entre dans une configuration nous permettant une intervention décisive. Par deux fois, elle échoue de peu, mais la troisième est la bonne! Maintenant que les étoiles sont alignées, je dis simplement.

"Allez-y!"

Les évadés se jettent sur le monstre et appliquent le plan avec une efficacité redoutable. Il ne fait aucun doute qu'ils sont moins forts, mais leurs assauts sont coordonnés et mettent en difficulté l'ennemi. Ce qui me laisse le temps de me précipiter auprès de mon amie. La pauvre, elle est dans un sale état : couvertes de griffures, d'ecchymoses et de brûlures électriques, elle trouve quand même le moyen de me sourire. Désolé, Jes', pas le temps de m'apitoyer sur ton sort, je fouille la trousse de soins renforcée que t'as donné Gaston et j'en sors une seringue dorée. Je l'attrape comme un poignard, je te plante l'aiguille dans le cœur, et je t'injecte le produit. L'effet est immédiat, les pupilles de mon amie s'ouvrent en grand tandis qu'elle se relève d'un bond. Elle tourne son visage vers moi, et je vois ses lèvres former les mots.

"J'y vais."

Son Soru est tellement rapide que le souffle qu'il provoque me fait fermer les yeux et ébouriffe mes cheveux. Shootée à l'adrénaline pure, la voilà qu'elle se jette dans la mêlée. Son direct du droit va se planter dans l'estomac de la bête et la projette avec force à l'autre bout de l'arène. Mais la créature n'a pas le temps de s'encastrer dans le mur que déjà, Jeska est passée dans son dos et que son poing s'en va lui briser les reins, la propulsant dans les airs cette fois. Et rebelotte! Elle l'envoie valdinguer à nouveau dans une autre direction. Mon amie joue ainsi une partie de flipper mortelle avec son adversaire, ne lui laissant aucun moment de répit. Ses assauts sont si puissants qu'ils provoquent une sorte de détonation qui fait trembler les murs de l'Asile. Ce n'est même plus un combat, c'est un massacre! Très vite, l'équipe de soutient se rend compte qu'elle est dépassée et qu'il vaut mieux se retirer pour ne pas gêner. Moi, je reste plantée là à regarder ma meilleure amie donner tout ce qu'elle a pour la victoire. Et, finalement, après ce qui me paraît être une éternité, l'ange aux ailes noires envoie le monstre se casher au sol. L'instant d'après, la voilà à nos côtés.

"Allez, on se tire, il ne faut pas rester là."

Malgré l'euphorie évidente que le provoque l'adrénaline, je peux sentir l'inquiétude dans sa voix. Cependant, aucun de nous ne remet en cause son jugement, et on tourne les talons avant de s'enfuir comme des voleurs. On court pour rejoindre au plus vite Gaston et les autres évadés quand je trouve qu'on est assez éloignés pour que je puisse l'interroger sur cette décision incongrue. Mais je n'en ai pas le temps, un hurlement terrifiant nous vrille les tympans. Bon sang, cette chose est encore en vie? Maintenant que j'ai ma réponse, je ravale ma question et me concentre sur notre fuite. Mon Empathie nous guide sans faillir jusqu'à nos amis à l'extérieur de l'Asile et ce n'est qu'une fois là qu'on se rend compte de l'horreur de la situation.

La bête est devenue énorme. Tellement qu'elle a percé le toit! Elle possède donc aussi le facteur de lignage des géants. Et pas celui qu'on connait habituellement, avec des individus mesurant une dizaine de mètres au maximum. Non, là on parle des géants originels, ceux qui culminent à plus de quarante mètres de haut. L'immense chimère est en train de faire tomber les murs de l'Asile comme on souffle un château de cartes! Hurlant à la lune, elle se déchaine, détruisant tout sur son passage, comme si elle cherchait quelque chose. Désespérée, je m'interroge à haute voix.

"Comment on peut vaincre ça?"

"On ne peut pas." rétorque Jeska dans le plus grand des calmes.

Quoi? On n'a plus aucune chance de gagner? Alors il faut se tirer en quatrième vitesse! Puis soudain, son immense visage se tourne vers nous, et il nous balance un ziggourat dessus! Je crie de terreur avant qu'un jet de poison sous pression ne découpe la tour en deux, faisant tomber chaque moitié à coté de nous. Ouf, nous voilà sauvés! Mais je réalise qu'il nous est impossible de fuir à présent. Jeska nous a offert un répit, mais pour combien de temps? Face à un ennemi de cette taille, on manque clairement de puissance de feu. Et lui, avec tous les décombres à portée de main, il ne risque pas de manquer de projectiles de sitôt! Mon amie nous défend de deux autres tirs quand soudain, alors qu'il est en train d'en armer un troisième, une attaque combinée de Rackham et Priscilla lui fait lâcher son projectile mortel! Dépité, mais pas abattu, il se dépêche de saisir un autre débris de la taille d'un cuirassé et, bis repetita! C'est une technique de Bélem qui nous sauve. Profitant de cette diversion, la lunairienne décide de s'envoler dans les airs et de générer une quantité démentielle de poison rouge. La boule de poison est immense, plus grande encore que le géant. Une fois satisfaite, elle envoie sa technique Absinth s'écraser sur la créature! Le choc est terrible et fait trembler toute l'île. Pourtant … l'adversaire n'est pas vaincu. Il est juste sonné, et si la substance lui ronge les chairs, lui arrachant un cri de douleur, l'effet reste modéré. Pourtant, je vois la roche fondre à vue d'œil! Ivre de rage, la dernière création d'Ishar se prépare à nous charger quand soudain, l'ange aux ailes noires utilise son Nepharious Requiem pour reprendre le contrôle du poison qu'elle a utilisé juste à l'instant et elle réussit à emprisonner le géant dans une sphère de toxine dissolvante. Mais ce n'est pas fini! Notre ennemi a de la ressource et se débat pour essayer de sortir! Immédiatement Jeska réagit et active la Poison Maiden en renforçant sa boule au haki de l'armement. C'est maintenant un duel de volonté qui s'engage. Le montre essaie de sortir de son "oeuf" et la pirate ailée qui déploie toute la force de sa conviction pour l'y garder. Et je vois que les effets du shoot d'adrénaline commencent à s'estomper, alors je l'encourage.

"Allez Jeska!"

Ma voix déchire le silence. Et je me sens soudain comme une conne. Puis, d'autres cris d'encouragements répondent au mien. On voit la créature se débattre, frapper les parois de sa prison, et user de son électro. Et à chaque fois, on tremble devant les fissures sur la sphère de Haki. Pourtant, à chaque fois, Jeska les colmate. Mais plus le temps passe et plus je vois l'ange en difficultés. La chimère sent son adversaire faiblir et redouble d'efforts. Puis soudain, il semble perdre le contrôle de ses bras. Plus tard, mon amie m'avouera qu'elle a utilisé son Aiguille Forgée pour envoyer son fluide offensif frapper directement les tendons de son adversaire, et ce, depuis le début de leur affrontement. C'est ainsi que, finalement, le monstre s'agite, convulse et se noie avant de se faire dissoudre intégralement par la substance rouge et de disparaître comme un mauvais rêve. Mon amie relâche enfin son Haki de l'Armement ainsi que son contrôle sur cette immense masse de poison. Elle se tourne vers nous, son sourire dissimulant à peine sa fatigue, elle trouve néanmoins la force de lever le poing au ciel et de déclarer.

"Le cauchemar est fini! On a gagné! Vous êtes libres!"
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Une immense clameur accueille cette victoire. L'Asile vient de tomber et on est enfin victorieux! Ce n'est pas trop tôt. Les évadés et les hommes qui nous restent sont épuisés. Et pourtant ils tiennent encore debout. Tous regardent Jeska, qui, du haut de son petit mètre soixante dix, semble soudain devenue plus grande que nous tous réunis. Elle aussi est sur le point de s'effondrer. Je vois son regard bienveillant se poser sur nous, son sourire nous enrober d'une douce chaleur, mais, elle ne dit rien. Puis soudain, une explosion retentit au loin. Comme une seul homme, on se retourne tous vers la déflagration pour voir le navire du laquais de Frost en proie aux flammes.

"Varg a eu la délicatesse de ne pas s'attaquer à la Lépreuse." constaté-je à haute voix.

"Quel dommage." minaude une Priscilla faussement navrée.

Mais très vite notre attention se reporte sur Jes' qui ne dit toujours rien. Les traits tirés par la fatigue, ses saphirs brillent pourtant de mille feux.

"Je... merci." commence-t-elle par bredouiller. "Sans votre aide, on n'aurait jamais pu remporter la victoire." Un tonnerre d'applaudissements l'empêche de poursuivre. Cependant elle n'a juste qu'à négligemment se racler la gorge et le tumulte cesse. "Je suis tellement désolée. J'ai eu l'opportunité de m'enfuir et je l'ai saisie. Grâce à cela, j'ai pu manger, rire, boire, m'enivrer et aimer. J'ai pu reprendre mon fils dans mes bras! J'ai pu faire l'amour. Et tout ça pendant que vous, vous souffriez. J'ai voulu vous sauver, mais petit à petit, le confort de ma nouvelle vie a endormi ma conscience. Même si je n'ai pas cessé de me battre contre Teach et que je peux me vanter d'avoir contribué à sa chute … "

Beaucoup des évadés ignoraient encore jusqu'à lors que le Malvoulant était enfin tombé. La joie de ces malheureux explose littéralement dans une liesse communicative. Et bien que je vois la contrariété déformer les traits de mon amie, cette fois, elle laisse la manifestation de joie aller à son terme. Ce n'est qu'une fois le calme revenu qu'elle reprend.

"Au final, je vous ai oublié. Et en cela je voulais vous présenter mes excuses. Celui qui devait m'aider à vous libérer m'a fait faux-bond et j'ai dû me trouver de nouveaux alliés. C'était un mauvais choix de ma part et je le regrette amèrement aujourd'hui. Je me suis acoquinée avec l'Empereur Frost, et c'est d'ailleurs sous son pavillon que je suis venue ici. Mais ne croyez pas que c'était votre sort qui l'intéressait, personne n'avait l'intention de bouger le moindre doigt pour vous. Ce qu'il espérait c'est que je meure ici en essayant de vous secourir. Je crois qu'il sera bien déçu de me voir revenir en vie."

Une puissante bronca coupe le discours de l'ange aux ailes noires. Vite remplacée par des "A mort Frost." bien que je suis certaine que la moitié des anciens détenus ne sait même pas qui est le Fléau. Puis soudain, c'est Rackham qui se détache de la masse et prend la parole.

"T' peux êtr'désolée autant que tu veux, Jeska. Moi, j'suis pas comm'un d'ses moutons. Maint'nant qu'j'suis libre, j'compte bien l'rester!"

"Je te comprends. Mais sache que je ne vous ai pas libérés pour que vous alliez mourir pour moi dans une guerre qui ne vous concerne pas."

"Tu nous as libérés pour quoi alors?" questionne l'homme-poisson carmin.

"Pour que vous soyez libres de choisir!" s'exclame Jeska sur le ton de l'évidence. "Vous pouvez rejoindre mon équipage, ou retourner d'où vous venez, vous pouvez même rester ici et commencer une nouvelle vie. Qu'en sais-je? C'est à vous de décider ce que vous voulez!"

"Et toi, Jeska, que veux-tu?" demande Priscilla.

"Le Fléau a pris mon fils en otage et s'en sert pour me faire faire ce qu'il veut. Frost paiera pour ça, soyez-en sûrs, mais je ne vous demande pas de m'aider."

"Et une fois ta vengeance assouvie, et Frost vaincu, tu comptes devenir Impératrice?" s'enquiert Bélem.

"Je suis désolé, mais je ne veux pas être Impératrice, ce n’est pas mon affaire. Je ne ressens le besoin ni de conquérir, ni de diriger personne. Je veux juste aider à bâtir un monde meilleur où tout le monde aurait sa place . Je ne souhaite que le bonheur de mon prochain, pas le malheur! Ce que je veux combattre, c'est la haine et l'intolérance! J'aspire juste à un monde où mon fils pourra grandir sans crainte d'être persécuté parce qu'il est différent. Je pense que ce monde est possible et c'est pour ça que je compte faire de cette île un laboratoire. Cette terre est riche et vaste, elle peut aisément nourrir beaucoup de monde. Je veux me servir de cet endroit pour montrer à tous qu'un autre monde est possible. Un monde où toutes les races pourraient coexister en paix."

"Tu veux donc rejoindre la Révolution?" l'apostrophe un inconnu.

"Je dois avouer que leurs idéaux sont beaux." concède-t-elle. "Mais je ne compte pas rejoindre la Cause, ni me soumettre à quiconque. Les Empereurs, le Gouvernement Mondial et la Révolution … ils ne voient le monde que comme un grand échiquier où les iles sont des cases et des milliers d'âmes ne sont que des pions. Leur avidité a empoisonné l’esprit des gens, a barricadé le monde dans la haine, nous a fait sombrer dans la misère et les effusions de sang. Nous avons développé la vitesse pour finir enfermés. Les machines qui nous apportent l’abondance nous laissent néanmoins insatisfaits. Notre savoir nous a rendu cyniques, notre intelligence inhumains. Nous pensons beaucoup trop et ne ressentons pas assez. Etant trop mécanisés, nous manquons d’humanité. Etant trop cultivés, nous manquons de tendresse et de gentillesse. Sans ces qualités, la vie n’est plus que violence et tout est perdu. Ce que je veux, moi, c'est remettre l'Amour au centre du jeu."

Elle écarte les bras comme si elle voulait tous nous prendre contre elle en une seule fois. Ah … je reconnais bien là le côté naïf de mon amie. Il n'y a aucune chance que d'anciens détenus soient émus par quelque chose d'aussi niais. Et pourtant, en regardant autour de moi, je vois un auditoire captivé.

"Je sais que vous avez souffert. Vous avez souffert au point de vouloir mourir. Vous avez survécu au pire. Ce calvaire que vous avez traversés n’est que le produit éphémère de l’avidité, de l’amertume de ceux qui ont peur de votre force et de votre différence! Mais la haine finira par disparaître et les Empereurs ainsi que les Dragons mourront, et le pouvoir qu’ils avaient pris aux peuples va retourner aux peuples. Mes amis, vous n'avez pas à vous donner à ces brutes qui vous méprisent et font de vous des esclaves, enrégimentent votre vie et vous disent ce qu’il faut faire, penser et ressentir, qui vous dirigent, vous manœuvrent, se servent de vous comme chair à canons et vous traitent comme du bétail. Ne donnez pas votre vie à ces êtres inhumains, sans âme ni intelligence ni cœur. Vous valez mieux que ça! Mieux des larbins! Vous êtes des êtres vivants avec tout l’amour du monde dans le cœur. Oubliez la haine et la souffrance et prêtez-moi votre force pour construire un monde nouveau!"

Elle tombe alors à genoux. Non, elle ne va quand même pas …

"Je vous en supplie, j'ai besoin de vous pour bâtir un monde meilleur, décent et humain qui donnera à chacun l’occasion de travailler, qui apportera un avenir à la jeunesse et à la vieillesse la sécurité. Je vous le promets, je ne serai pas comme ces brutes qui vous ont promis toutes ces choses pour que vous leur donniez le pouvoir et qui vous ont menti. Ils ne tiennent pas leurs promesses et jamais ils ne le feront. Ces mauvais dirigeants s’affranchissent en prenant le pouvoir mais réduisent en esclavage leur peuple. Je ne demande même pas que vous m'aimiez. Mais laissez moi vous aimer. Aidez-moi à vous offrir le monde que vous méritez!"

Je vois les larmes perler sur les joues de l'ange. Je vois la détresse déformer ses traits alors que tous lui tournent le dos et s'en vont. Ne demeurent auprès d'elle que Gaston, Wolfgang, ce qu'il reste de nos hommes et moi. C'est alors qu'on entend la voix pincée de Priscilla nous interpeller.

"Bah, Jeska-chou, tu ne viens pas avec nous? On a ton monde à construire!"

D'un bond elle se redresse et son visage s'illumine à nouveau. L'ange aux ailes noires semble avoir retrouvé tout son entrain mais je la stoppe.

"La place d'Impératrice ne t'intéresse vraiment pas?"

"Hon hon." fait-elle en secouant la tête. "Je vise la place au dessus."

Je n'en crois pas mes oreilles! Jeska Kamahlsson souhaite devenir la Reine des Pirates?

"Exactement!" me dit elle comme si elle venait de lire dans mes pensées.
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