Pour la seconde fois, Méria posait les pieds sur Boréa. Immense, ce royaume serait bientôt le sien. Tout n'était à présent plus qu'une question de temps. Maintenant que le gênant Greed n'était plus un problème, il ne restait plus qu'à entrer lentement mais sûrement dans la phase finale. Laissant son sous-marin au port de Lavallière, elle suivit sa seconde en ville. Jeyne connaissait bien les lieux. Après tout, durant les dernières années, elle avait étudié à l'académie de Jalabert. En d'autres termes, Méria n'avait pas besoin d'engager un guide. Ensemble, les deux pirates prirent la direction d'une petite auberge sans prétention. Située dans une ruelle peu fréquentée, La Danse Rouge ne l'était pas beaucoup plus. À l'intérieur, un barman nettoyait des verres sales pendant que plusieurs habitués mangeaient un plat en sauce. Levant la tête de leurs assiettes, il saluèrent les nouvelles venues avec un grand sourire. Les boréalins étaient réputés dans toutes les blues pour leur bienveillance et leur caractère chaleureux. Une fois les femmes assises à une table, le tenancier réactif vint à leur rencontre.
« Mesdemoiselles, qu'est-ce que ce sera ? Me dites rien, une bonne bièrraubeurre ?
- Pour commencer.
- Ah bon ?
- Oui, c'est très bon, tu verras.
- Je connais. Pourquoi pas.
- Parfait ! Je vous apporter ça de suite. »
Tournant sur lui-même, le barman saisit deux choppes, les fit virevolter avant de les poser près d'une tireuse. Avec habileté, il remplit ensuite les verres avant de débarrasser la mousse à leur surface avec une petite spatule en bois. Visiblement fier de lui, il posa les choppes face aux deux étrangères en leur faisant un clin d'oeil.
« Cadeau de la maison.
- C'est adorable.
- Hum.
- Dites, je peux vous poser une question ?
- Bien entendu.
- Vous avez du hareng mariné aux poivrons de Rhétalia ?
- Des harengs. En conserve ou en bocal ?
- Bocal, quoi d'autre ?
- Oui. Bien sûr. Je m'occupe de ça tout de suite. »
S’arrêtant de sourire, l'homme dévisagea quelques secondes les deux pirates avant de s'en aller. Après avoir soulevé une trappe au sol, il disparut dans la cave. Haussant un sourcil, Méria posa sa joue contre son poing.
« T'as de drôles de goûts.
- Pas tant que ça non. »
Levant les yeux au ciel, la Peste s'empara de sa choppe sans rajouter un mot. Avec empressement, elle goûta de nouveau cette spécialité locale. La bièrraubeurre portait plutôt bien son nom. Il était assez facile de sentir son petit goût de crème, cette saveur beurrée très agréable qui venait trancher avec le houblon. Ce n'était pas l'alcool préféré de la capitaine pirate, mais elle ne pouvait clairement pas dire qu'elle n'aimait pas. Avant qu'elle ne termine son premier verre, Méria vit remonter le barman, mais il n'était plus seul. Avec lui se trouvait un petit homme d'une quarantaine d'années. Les tempes déjà grisonnantes, il portait un beau costume gris et rouge taillé sur mesure.
« Tiens, tiens, tiens, la bâtarde du Gila.
- Mister Scarlet.
- Depuis quand t'es de retour ?
- On vient d'arriver.
- Oh seigneur... Tu manigances quoi cette fois ?
- Si tu fais référence à l'incident du bal de l'automne à Jalabert, je n'étais que très peu impliquée.
- Mais bien sûr. Bon allez, dis moi tout.
- On veut se rendre à Bourgeoys.
- Belle ville hein ? De somptueux bâtiments, une gastronomie riche et subtile.
- Et le plus haut taux de trahison au mètre carré de tout le royaume.
- C'est pas faux. Je croyais que tu avais un titre de séjour permanent depuis le temps.
- Hum, disons que c'est compliqué.
- Oh, ça l'est toujours.
- Toi et tes hommes êtes les meilleurs passeurs de l'île. On a de quoi payer, bien plus que nécessaire.
- Mouais, ça j'en doute pas. Je dis jamais non à peu d'argent, histoire de mettre un peu de beurre dans les épinards. Ceci dit, j'aime bien les services également.
- Et donc ?
- Et donc, voilà, que dirais-tu de payer moitié prix en échange d'une faveur ?
- Une faveur ? De quel genre ?
- Nous verrons ça plus tard, une fois le moment venu. »
Inclinant légèrement la tête en direction de sa capitaine, Jeyne lui demanda tacitement la permission de continuer dans cette voie. Indifférente, Méria se contenta de hausser les épaules.
« C'est d'accord.
- Bien, bien, très bien. Gunther va voir avec toi pour la somme précise et les modalités. Rassemble tout ça et on partira demain.
- Entendu.
- Toujours un plaisir ma belle. »
Tandis que l'homme s'en allait, la Peste termina sa choppe. Sans dire un mot, elle la leva en direction du barman pour qu'il comprenne qu'elle était prête pour la deuxième tournée.
« Pas de harengs je suppose ? »
Un rictus pour seule réponse, Jeyne s'occupa de sa propre choppe. Une fois servie de nouveau, la Louve ne fit qu'une gorgée de sa commande. Il y avait dans cet alcool un drôle de sentiment qui donnait envie de toujours y revenir. Après plusieurs pintes, la pirate décida de commander à manger. Une fois repue, elle alla s'écrouler dans une chambre à l'étage pendant que Jeyne s'occupait du reste.
ciitroon
Liberté, Liberté Chérie !