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Première année ; L'éclosion de la petite fleur {Rachel}

    J’adorais ce colonel. Rien qu’un fainéant qui m’refilait ses tâches avec bon cœur. Croyait-il vraiment que j’allais rester longtemps son bras droit à ce rythme ? Saleté d’officier ! J’me demandais toujours comment ce gars avait pu être promu colonel un jour, vu comment il était lamentable ; autant physiquement que mentalement. Effectivement, Rodriguez (C’était son nom) était d’une mocheté alarmante. Il avait de gros yeux globuleux, un crane complètement rasé et un visage rempli de boutons dégueulasses. De plus, il était plutôt court, trapu et plus grave encore, ventripotent ! C’est dire sa laideur et son inutilité sur le terrain si besoin s’faisait sentir. L’homme aurait pu se rattraper au niveau de sa conduite, mais là encore, c’était vraiment pas gagné : Il était arrogant, imbu de lui-même, autoritaire quand il n’le fallait pas, fainéant (Moi encore, ça allait…) et peureux par-dessus l’marché. Un homme exécrable en tous points. J’émettais l’hypothèse selon laquelle il avait passé son temps à cirer les pompes aux hautes strates, car l’homme et il fallait bien l’reconnaitre, avait plutôt l’art de la rhétorique. J’ne voyais que ça d’ailleurs. Car sa nullité et ses abus m’pesaient sur les épaules : J’étais officieusement l’homme qui dirigeait la caserne de Logue Town, même si officiellement, Rodriguez était au devant de la scène…

    C’est comme d’habitude que j’étais dans mon bureau, entrain d’éplucher les dossiers que mon bon supérieur m’avait laissé. Cela faisait au moins cinq heures que j’planchais là-dessus, quand la pendule à coucou d’mon horloge sonna huit heures du matin. Depuis mon bureau fermé à double tour, j’pouvais entendre les différents cris des soldats locaux qui effectuaient leurs échauffements matinaux. Et vu l’intonation de leurs voix, on pouvait dire qu’il y avait foule. J’étais plutôt heureux car ceux-ci pour m’alléger mon travail, prenaient dorénavant l’initiative de vaquer à leurs devoirs sans que j’vienne le leur ordonner. Il n’fallait pas compter sur Rodriguez, car celui-ci ne se réveillait qu’à environ onze heures pour prendre son petit déjeuner, avant de repartir une nouvelle fois l’royaume de Morphée. L’étais grave vu de cet angle, hein ? Et c’était rien d’le dire ! J’aurai même pu le signaler à mon vice-amiral de père, mais j’ne le fis. Tout simplement parce que j’n’avais pas envie de me rabaisser à mon niveau… Sans compter que ma femme m’aurait interdit ce procédé. De ce fait et par amour pour la belle Aisling, j’prenais tout sur moi. Sans jamais broncher. Même s’il fallait avouer que j’refilais parfois mon boulot à d’autres subordonnées. J’étais p’être actif sur le coup, mais ma flemme légendaires se signalait déjà en ces moments là…

    C’est en bouclant un dernier dossier que j’eus un énième soupir. C’était enfin terminé et j’avais du temps pour moi. J’aurai pu aller directement dormir, mais je n’avais pas spécialement sommeil. Pour la première fois d’mon existence dira-t-on. Il m’fallait donc quelque chose à faire et quelque chose de moins fatiguant, ouaip. Pendant que je réfléchissais, mes yeux se perdirent un peu partout… Et c’est deux minutes plus tard qu’une idée lumineuse me vint en tête : Faire un saut à l’infirmerie. Faut dire que depuis que j’avais sauvé Rachel il y a maintenant deux mois et des poussières, j’ne lui avais rendu visite qu’une ou deux fois. Seule ma femme et le staff médical restaient constamment auprès d’elle, pendant que j’me confrontais aux pirates qui affluaient toujours autant dans cette ville. A croire que la présence des marines ne les effrayait pas. Mais il n’était certainement pas questions de laisser cette ville devenir une zone de non droit malgré l’affluence massive de forbans dans le coin. J’me mis à sourire et me levai suite à mon constat intérieur, avant de porter mon manteau de commandant sur épaules. J’n’en étais pas peu fier. Mais il m’fallait gagner des gallons, histoire d’avoir des responsabilités plus décentes que celles que Rodriguez m’faisait prendre sans trop de vergognes. Sur ces pensées là, j’refermais la porte derrière moi et sortit en silence…

    Quelques minutes plus tard…

    « Toc toc toc »

    A peine avais-je toqué à la porte de la chambre spéciale de ma nouvelle protégée, que je fis mon entrée. Avec un plateau plein de victuailles délicieuses. Il y avait un rideau… Un grand rideau blanc qui divisait la salle en deux et qui n’me permettait pas de voir derrière. Seuls les reflets des fenêtres ouvertes étaient visibles sur lesdits rideaux qui remuaient doucement au gré de la brise fraiche. Rachel était-elle encore endormie ? Se faisait-elle ausculter par ma femme derrière ? Toujours est-il que je posai le plateau sur la première table que je vis avant de me présenter. « C’est Salem ! » L’ton de ma voix avait été plutôt taquin. Aussi bien pour Rachel que pour la présence hypothétique d’Aisling. J’finis par gratter ma chevelure et sourire pour être plutôt présentable. Même si les poches en dessous d’mes yeux étaient vraiment visibles. Les travaux nocturnes (Mis à part les chevauchées endiablées avec ma femme) c’était définitivement pas mon truc. J’aurai voulu m’avancer derrière l’rideau, mais il m’fallait maintenant patienter. L’avait beau avoir quatorze ans, mais j’respectais son intimité, ce pourquoi j’avais demandé une chambre exclusive pour elle, tout juste à côté de l’infirmerie. N’étais-je pas adorable, hé ? « Si j’ne te vois pas dans les vingt prochaines secondes, j’viens te chercher ! » Qu’avais-je ajouté tout sourire. Car il me tardait d’la voir.
      Il y a des choses qui ne changeront jamais. Des choses innées et immuables qui vous suivront jusqu'aux tréfonds de votre existence. Des expériences douloureuses qui hanteront toujours vos nuits, des habitudes qu'il vous sera impossible de chasser, Un souvenir qui vous aidera à grandir, à mûrir. La vie est faite de ces petits rien qui vous forgent. On n'y peut rien. Un toxico ne se séparera de sa drogue que dans des cas extrêmes ou lors de sa mort, un SDF ne supportera pas de dormir dans un hôtel de luxe. Et un pirate ne se fera jamais à l'idée qu'on lui veuille du bien. En l'occurrence, les années difficiles ne peuvent s'oublier, tout comme les milliers d'heures de veille perdues ne se rattraperont plus, ou encore les régimes savoureux à base de pain frais et de laitages resteront immangeables... Et les couches beaucoup trop confortables...

    -Sors de sous le lit, Rachel!!!

      Dans un bond mémorable, la jeune fille heurta pour la troisième fois cette semaine le solide lit de repos auquel elle était assignée à résidence complète. Debout auprès du lourd lit, la dame ne broncha pas. La première fois, elle avait eu peur. Depuis, elle avait bien compris que notre jeune rescapée avait la tête dure. Qu'est-ce qu'une petite bosse à côté de la brûlure d'un mousquet qui vous tiraille pendant une lune entière? Cela ne l'empêchait pas de rouler au sol en geignant et en se tenant le haut du crâne, les larmes aux yeux. Une fois la douleur calmée, Rachel les ouvrit essuya les perles de larmes de ses yeux avant de glisser un regard hésitant par en-dessous pour observer Aisling qui elle-même la fixait d'un air sévère. Elle lui décocha un sourire gêné puis rampa hors de sa cachette et s'assit sur son lit personnel, fuyant le regard de la femme Fenyang. Toute de blanc vêtue, elle s'assortissait parfaitement avec le reste de la pièce aux rideaux fins et aux couleurs claires. En face d'elle, Rachel pouvait observer le ciel bleu par la lucarne d'une fenêtre qu'elle laissait régulièrement ouverte dans l'espoir de sentir une faible brise marine. Sur sa table de chevet, un livre fin qu'elle dégustait reposait contre un pot de fleurs et un verre d'eau de la taille d'une carafe. Son regard passa ainsi d'un objet à un autre, fixant tout et n'importe quoi pour n'avoir pas à s'expliquer une nouvelle fois devant Aisling la magnifique -qu'elle trouvait pourtant intimidante. Un mur de pierre, extra-ordinaire pour la jeune fille, un sol propre, un lit fait... ces draps parfaits étaient d'ailleurs la plus grosse source de plaisir. Surtout à regarder ou à toucher... Comment pouvait-on défaire un si beau lit si soigné et si frais? Elle n'avait pu s'y résigner.

    -Encore un coup du genre et je retarde ta sortie d'une semaine encore!

      Déjà le premier avait été ardu. Les bandages l'avaient gênée et empêchée de se lever. Les blessures moins. Mais depuis le début de celui-ci, elle se levait souvent, ne supportant plus la position couchée, pour observer les étoiles, les gens au dehors, ou tout simplement se lover et passer ses nuits sous son superbe lit. Et tout ce qu'elle espérait maintenant, c'était de mettre le nez dehors, retrouver les embruns d'une mer agitée et redécouvrir le roulis d'un navire en bonne forme... Plus de deux ans maintenant qu'elle n'avait pas vogué sur les mers bleues. Deux ans qu'elle n'était pas sortie de son propre chef. Et si c'était l'habitude la plus dure à retrouver, elle bouillonnait d'envie d'ouvrir à nouveau son livre arbitre. Libre. Débarrassée de toutes chaînes. Elle ne serait jamais assez reconnaissante envers la marine, ni envers cette dame qui la soignait depuis deux mois et lui tenait compagnie. N'était-elle d'ailleurs pas de la marine? Ça faisait deux bonnes raisons de l'écouter et de s'installer confortablement sur le lit offert. Enfin trois si on compte tout. Pourtant encore timide, elle rougit, ses cheveux emmêlés, et hocha de la tête pour marquer son approbation. Elle récolta l'un des plus doux sourires de Aisling. Toujours silencieuse, elle rougit plus fort encore. Puis tout à coup, on frappa avec insistance à la porte de la salle personnelle de Rachel. Il était encore très tôt pour les visites... Encore fallut-il qu'elle en ait. Eh bien visiblement, c'était le moment. Et en guise de Docteur, Salem se présenta comme arrivant, prêt à entrer si absence de réponse dans les vingt secondes. Pour quelqu'un qui n'était pas venue la voir pendant deux mois! Enfin, c'est ce qu'elle pensa au tréfonds de son esprit. En surface, par contre, elle devint rouge comme une pivoine et ne se fit ps priver pour plonger sous les couvertures fraiches du lit. Tant pis pour sa beauté. Aisling en rit alors qu'elle autorisait Salem à entrer. Il ne put voir qu'un œil de Rachel ainsi que son front. Aussi rouge que la tomate. Comprenez-la, elle n'avait eu que peu d'occasions de le voir, et jamais alors qu'elle était en aussi bonne forme. Lui parler avait été impossible. D'une part sa faiblesse la minait jusqu'à présent, de l'autre, sa timidité la plongeait dans le plus grand mutisme face à son sauveur.

    -Bonjour... Sa...Salem senpaï...

      Très lentement, son visage émergea de sous la couette qui la protégeait. Elle balbutia un instant quelques mots incompréhensibles, inarticulés, puis se jeta avidement sur la carafe d'eau sur son chevet, en but la moitié et se replaça dans son lit, couverture relevée jusqu'au menton. Ses petits yeux verts brillaient. Elle fixa cet homme gigantesque, plus impressionnant que Ainsling et qui ne demandait qu'à être adulé. Aussi musclé qu'un athlète, pour ce qu'elle pouvait en voir, et plus grand que les plafonds, son regard d'un émeraude aussi profond que ceux de la jeune fille la toisait avec douceur et compassion. Un nouveau fard la prit et de nouveau elle bredouilla quelques mots, détournant les yeux de son sauveur.

    -...M...Me... ...Merci...


    Spoiler:
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    • https://www.onepiece-requiem.net/t816-rachel-la-grande-faucheuse#8700
      La voix d’Aisling n’me surprit pas tellement. Elle avait dès l’début aimé Rachel, tant et si bien qu’elle était chaque jour à ses petits soins comme une mère attentionnée. J’eus un moment d’hésitation lorsqu’une idée m’effleura l’esprit : Celle de faire un enfant à ma femme. Si elle était généralement attentionnée avec ses patients, il n’en demeurait pas moins qu’elle surprotégeait littéralement la jeune Rachel. Sans compter qu’elle n’avait pas arrêté de parler de la petite pendant les deux derniers mois. Rachel était une sorte de compensation pour cette dame qui n’arrivait pas encore à donner la vie malgré tous nos efforts au lit conjugal. Il lui arrivait même de pleurer tard dans la nuit, à mon grand désespoir. Pourtant, à l’arrivée de la jeune fille dans notre vie, plus aucun gémissement, ni pleurnichement. Seulement des mines joyeuses et rien que ça. C’qui m’faisait rudement plaisir, vous n’pouvez pas savoir. J’esquissai donc un sourire pour finalement franchir le rideau, avant de voir l’adolescente recroquevillée dans son coin, sous une couverture qui l’enveloppait totalement. J’crus qu’elle avait problème à entendre sa voix, mais ce n’est que lorsqu’elle bondit sur sa carafe d’eau que j’eus un rire sonore sous la mine bienveillante de ma femme qui était tout aussi amusée par ce qu’elle voyait. Tout aurait pu s’arrêter là, mais j’pris l’initiative de m’approcher d’elle, de m’asseoir sur son lit, avant de la prendre dans mes bras malgré sa couverture…

      • C’est à moi de te dire merci. Si tu savais… Lui murmurais-je doucement…

      Tendrement, j’me suis mis à caresser sa chevelure noire de jais sous la mine attendrie d’Aisling. ‘Fin, attendrie, l’mot était presque faible. J’sentais de très loin des larmes lui monter aux yeux et ça n’promettait pas d’être folichon tout ça… Quoiqu’un peu quand même. C’est donc dans l’optique d’épargner à Rachel une scène trop émouvante, que j’m’attelai à lui retirer sa couverture, avant de la porter tranquillement dans mes bras forts et musclés. A ma grande surprise -Ce qui n’était pas si étonnant au finalement, quand on y réfléchissait bien- la jeune fille avait pris du poids, sans compter qu’elle présentait une bien meilleure mine que sur l’île cauchemardesque où elle survécut pendant j’ne sais combien d’années, entre les mains de ces esclavagistes que nous avions eu à tuer jusqu’au dernier. C’était ce fait là même qui m’avait valu une baffe mémorable d’la part de ma femme… M’enfin bref… J’effaçai bien vite ces souvenirs de ma mémoire, avant de me lever avec Rachel dans mes bras, tout en prenant le chemin de la sortie. Aisling bafouilla quelques mots, mais j’lui fis un clin d’œil pour la dissuader d’interdire quoi que ce soit. Rachel avait bonne mine et sans doute s’impatientait-elle de mettre enfin le nez dehors. Cela s’expliquait même par son visage que j’arrivais quelques fois à apercevoir depuis mon bureau, lorsqu’il lui arrivait de s’approcher de la fenêtre de cette pièce…

      • Aujourd’hui, c’est promenade. T’es partante ? Et puis de toute façon, j’te demande pas ton avis. Tu m’auras sur ton dos toute la journée.

      A peine avais-je parlé que nous sortîmes de la chambre. J’aurais voulu que Ais’ nous rejoigne, mais sans doute qu’elle pleurnicherait un peu avant de reprendre le poil d’la bête. J’la connaissais très bien pour savoir qu’il fallait la laisser toute seule dans son coin. Chacun de nous avait parfois besoin de solitude par moment. C’est tout sourire que je finis par sortir avec Rachel de l’infirmerie quelques secondes plus tard, sous un soleil doux. Il faisait bon et le temps promettait d’être clément jusqu’au soir. S’il faisait doux, un brouhaha régnait par contre dans la cour de la caserne, là où nous avions atterris et là où se déroulaient généralement les entrainements. Une multitude de marines s’activaient ici et là, telle une fourmilière bien organisée, parfois chargés de gros sacs ou encore de grosses caisses qu’ils sortaient de la caserne. Ce brouhaha sentait la mission imminente à plein nez. J’posai Rachel à mes côtés, quand un marine sortit du lot. Il était grand et musclé comme moi. Physiquement, il n’y avait que la peau et le visage qui nous différenciaient quelques peu ; car nous avions à peu près la même prestance et cette espèce de charisme qui faisait fondre la plus effarouchée des vierges. Et cet homme qui se dirigeait vers nous, n’était autre que Tom, celui-là même qui allait devenir futur barman dans les années à venir. Ce dernier une fois près de nous, s’accroupit directement vers la future faucheuse…

      • Alors ça doit être toi la fameuse Rachel. Tu es très connue ici tu sais. Les Fenyang n’arrêtent pas de parler de toi, dit-il en passant une main affectueuse sur l’une des joues de la jeune fille, sourire tranquille aux lèvres.

      • Mission surprise, Tom ?

      • Hélas ! Ajouta-t-il en soupirant longuement, non sans pincer affectueusement le nez de la jeune Rachel avant de se redresser complètement. Tu as bien trop bossé ces temps-ci, et Rodriguez n’est certainement pas en état pour faire quoique ce soit. Vu qu’il n’y a pas autres commandants que nous deux, j’vais m’y coller… Et puis ça doit être des broutilles tout ça.

      • Hééé ! Courage alors !

      • Thanks Salem ! Mais dans tous les cas j’serais pas long. Amusez-vous bien tous les deux !

      • Pour sûr, hé !

      Et Tom s’engouffra d’où nous étions sortis, sans doute pour aller récupérer paperasses et autres trucs du genre. Pour ma part, j’fis un énième sourire à Rachel, avant de la soulever une nouvelle fois pour la poser sur l’une de mes épaules musclées. « C’est confortable ? » P’tite question comme ça, à tout hasard, puisque j’me remis à marcher tranquillement au milieu de tous ces hommes qui s’arrêtaient pour effectuer des garde-à-vous, preuve du respect qu’on me portait. Certains firent même un sourire à la jeune fille perchée sur moi, étant donné qu’ils avaient participés à la mission au cours de laquelle j’l’avais libéré. J’finis par sortir complètement de la caserne, et c’est ainsi que nous nous retrouvâmes en pleine rue, dans la vraie vie, la vie active ! L’avenue était pleine à craquer et l’on voyait de tous. Des touristes aux commençants en passant même par un groupe de marines qui s’attelaient à surveiller les environs. « Dis moi Rachel, ça te dirait de faire comme moi ? De devenir une marine ? » A vrai dire, je n’y avais jamais pensé, et faut dire que la question, j’l’avais posé comme ça, sans trop la prendre en cœur. Étant donné ce qu’elle avait vécu, m’disait bien qu’une telle carrière ne l’intéresserait pas. Et puis c’était trop tôt pour lui demander ça. Progressant tranquillement avec la dernière héritière des Blacrow sur mon épaule, j’finis par arriver au port où l’on pouvait admirer le départ de certains bateaux…

      • Alors, cette petite promenade te plait ?
        Réussir à bredouiller des remerciements avait été un exploit pour la jeune Rachel, réfugiée sous un drap remonté jusqu'à son menton. Au final, elle ne le connaissait pas vraiment. Il était juste son sauveur. Le resterait sûrement pour toujours. Son héros ? Son prince charmant ? Elle ne se pensait pas de cette espèce de rêveuse. Elle était ou du moins avait été une pirate. Et la vie de débauche lui était plutôt prédite que celle de château. Ou peut-être de misère, entre quatre murs sombres et gris d'une cellule mixte. Certes, son jeune âge et les épreuves qu'elle venait de surmonter auraient compté en sa faveur, mais avec tout ce méli-mélo de pensées et toutes ses appréhensions, mêlées à ses craintes et ses joies, elle ne pouvait que rester muette devant la carrure de l'homme gigantesque et aux yeux si perçants. Et dire qu'elle avait les mêmes pupilles. Ça la fit sourire. Mais il se pencha et s’épancha en tendresses et caresses, la remerciant à son tour pour une raison toute aussi inconnue que l'endroit où elle se trouvait. Avait-elle raté un épisode ? Mais le temps d'y réfléchir, elle était soulevée de sa couche sans qu'elle ne puisse y faire quoique ce soit. Elle rosit en se sentant si faible. Elle rougit d'être si proche du corps de son sauveur. Elle devint Rouge Tomate en l'entendant parler si proche d'elle. Avec ces mots. Et trimballée avec tant de nonchalance.

        Alors c'était ça qu'il entendait par être sur son dos ? C'était plutôt le contraire, perchée sur une des larges épaules de Salem, le visage deux fois plus haut que d'ordinaire, dépassant de la foule et aussi visible qu'un phare en pleine nuit. Et c'est se sachant épiée qu'elle garda cet air ahuri et rouge fumant. Un état qui l'arrangeait bien, puisqu'elle n'avait pas à regarder les crânes plus ou moins chevelus des soldats réunis ça et là pour d'obscures et diverses raisons. Gênée était un euphémisme, en effet.

        Soudain, le sol sous ses pieds. Elle vacilla un instant en cillant à tout va pour se retrouver chahutée par un grand homme à la carrure et au charisme similaire à celui des Fenyang. Qu'avaient-ils tous, à la charrier comme ils le faisaient et à la triturer comme un bon animal de compagnie. Rachel fit la moue en chassant la main de l'homme comme on chasse une mouche, puis il lui expliqua qu'elle était connue sur l'île ; elle apprit également que beaucoup des hommes ici présent avaient été à bord du navire qui l'avait ramenée. Inexpressive et muette devant cette nouvelle, le nouveau venu, toujours discutant avec Salem, en profita pour voler le nez de notre jeune fille. Mouvement de recul, esquive du cheval et elle le foudroya du regard. Un regard agacé d'une gamine de quatorze ans fait plus rire qu'autre chose, et c'est comme ça que le dénommé Tom repartit, sa conversation mystère avec Salem terminée. Elle avait à peine compris qu'ils repartaient en mission. En mer. En Mer... Alors qu'elle est soulevée sans opposer de résistance, tout comme une poupée de son dans les bras puissants de Alheiri, elle se dévisse le cou et se tortille sur son épaule pour observer les préparatifs d'un nouveau départ. Drisses, Amarres, Voiles, Cargaisons, Matelots... Tout ça lui manquait terriblement. Mais pas tant que les embruns et le roulis qu'elle devait contrebalancer de son frêle corps sur un pont lustré de près. D'autant plus que perchée là-haut, elle commençait à avoir le vertige. À ce stade, elle n'apportait plus aucune attention aux marins qu'ils croisèrent. Elle marmonna une vague réponse à la question de Salem et ce fut tout. De là-haut, elle profitait de la vue sur la mer. Et du vent salé. La mer... Elle la voyait enfin. Elle était à portée de bras. Et surtout, elle l'observait sans chaînes et sans entraves. Libre. Comme ce vent qui la décoiffait. Comme ces vendeurs parmi lesquels Salem progressait maintenant, sans mal. Rachel sourit. Un vrai sourire, un sourire de joie. Un rire discret naquit dans sa gorge et elle inspira bruyamment et goulûment l'air pur et frais de la liberté. Elle avait vécu en apnée durant ces deux longues années. Oui, c'était un moment de pur bonheur. Oui, elle appréciait la ballade, Salem, et tu pouvais en être fier. Mais dans son monde, dans ses pensée et ses sensations, elle n'avait pas écouté tes paroles, pas remarqué les regards des enfants envieux, pas sentis les remous de la ville autour d'elle. Soudain, après un moment de silence qu'elle ne remarqua pas, elle fit volte face sur l'épaule de Salem et sauta à bas de son moyen de transport bon marché. Direct sur les dalles de la ville. Elle vacilla une seconde, mais ce ne fut pas assez pour enticher sa bonne humeur.

      -Emmène moi. Je veux partir. Je veux naviguer. Je veux voguer et parcourir les mers à tes côtés !

        Le regard planté dans les yeux verts de Salem, sa jeune chevelure noire en bataille charriée par le vent, son air radieux et son demi sourire sous son visage sérieux mélangeaient l'impression de jeune fille avec celle de jeune adulte.

        Peut-être avait-elle trouvé son bonheur...

      • https://www.onepiece-requiem.net/t889-fiche-de-rachel-100
      • https://www.onepiece-requiem.net/t816-rachel-la-grande-faucheuse#8700
        Un sourire fendit le faciès de Salem aux dires de la jeune femme. Il n’aurait pas pu espérer meilleure réponse de sa part. L’officier avait fini par la prendre dans ses bras en la serrant très fort. A ce moment là, il se promit de faire de cette adolescente, une bonne marine à son image. Bien avant de la prendre en mer avec lui, Salem avait dû entrainer sérieusement Rachel. Les débuts furent plutôt laborieux, mais peu à peu, elle démontrait un potentiel phénoménal et allait même jusqu’à épater notre héros de jour en jour…

        Cinq mois plus tard…


        • TOUS LES MOUSSES SONT PRIÉS DE SE RENDRE A LA GRANDE SALLE D’ENTRAINEMENT ! EXÉCUTION !

        Qu’avait annoncé le den den mushi version haut parleur, situé au centre même de la caserne. L’information suscita aussitôt une effervescence presque indescriptible : C’était le brouhaha partout ! Les mousses se mirent à investir les couloirs de tous les bâtiments au pas de course, tant et si bien que les quelques sous-officiers qui les encadraient, avaient beaucoup de mal à contenir leur ferveur suite à l’ordre donné. Un entrain compréhensible somme toute. En effet, une information capitale avait été donnée dès le début du stage de la nouvelle vague des mousses dont faisait partie Rachel : Celle d’une probable promotion. Il avait été dit dans un discours du colonel Rodriguez que les néophytes du coin auraient un jour l’occasion de monter en grade en prouvant leurs différentes aptitudes lors d’un test de force. Une sorte d’écrémage si on veut. Pour ma part, l’idée ne m’avait pas vraiment plu et c’est ainsi que je m’y étais opposé dans les coulisses, supporté par ma femme et Tom. Nos avis n’avaient pas trouvé écho, cependant. Rodriguez était complètement buté sur sa position et nous sortit même une excuse totalement pourrie qui aurait pu lui valoir mon poing dans la gueule si jamais nous n’étions pas en présence de Tom, ma femme et quelques autres officiers : Les mousses recrutés étaient une charge de trop et il fallait seulement garder les meilleurs.

        • Tu es sur que ça ira pour Rachel… ?

        • Hmmm… ?

        Nous étions dans le bureau de la doctorine en chef de la caserne, à savoir ma femme. Une lueur d’inquiétude brillait dans le regard de cette dernière. Aisling n’avait pas cessé de s’inquiéter pour Rachel depuis que je l’avais prise sous mon aile ; et l’annonce faite tout à l’heure la rendait plus nerveuse que jamais. Et si ? Et si Rachel venait à échouer ? Devrait-elle les quitter ? Des questions qu’elle se posait à chaque fois, oubliant même que nous étions propriétaires d’une gigantesque demeure en dehors des chambres de services que nous avions ici. Alors que l’albinos commençait à s’affoler toute seule dans son coin, j’étais accoudé à la fenêtre en regardant le ciel d’un air rêveur. Personnellement, je ne m’inquiétais pas pour ma petite fleur. C’était pas comme si j’avais été tendre avec elle dans les derniers entrainements de base que nous avions effectués dans les bois environnants : Il s’agissait d’améliorer son endurance que ce soit à la course ou à la nage, booster sa force physique qui était devenue nettement supérieure à un simple soldat de première classe et l’initier à l’art de l’escrime où elle se débrouillait plutôt bien. Je lui avais même acheté sa première épée dans le fameux magasin d’Ippon-Matsu au centre-ville, là même où le fameux colonel Tashigi avait acheté son premier meitou. Un achat qui avait failli péter un câble à Aisling quand on savait que celle-ci était pacifiste.

        • Arrêtes de t’inquiéter pour rien chérie et essayes d’avoir un peu confiance en elle. Elle s’est entrainée dur ces derniers temps et je peux te dire que ses efforts non pas été vains. Allez, rejoignons-les.

        J’me retournai vers ma femme avant de lui faire mon plus beau sourire. Cette dernière se mit à rougir avant de décrire une moue en m’emboitant le pas avec une certaine sérénité. J’pouffai de rire et mit à la suivre, tout en reluquant son beau derrière digne d’une vraie callipyge, qui se balançait au rythme de ses pas. En l’espace d’une seconde, j’eus l’envie de la tirer dans une salle obscure, mais j’me fis violence pour penser à autre chose. La salle d’entrainement était très spacieuse. Elle avait accueillit presque tous les soldats qui officiaient ici. Niveau mousses, on comptait au moins une centaine d’adolescents qui croyaient tous en leur chance. Parmi eux se trouvait sans doute Rachel en qui j’avais placé toute ma foi. En arrivant , ma femme et moi étions partis s’asseoir près du colonel Rodriguez et des autres officiers déjà présents. Nous constituons dans le temps, une sorte de jury qui allait délibérer. Les sélections allaient durer toute la journée, mais pour Rodriguez, ça en valait vraiment la peine. Ma femme était véritablement anxieuse et cherchait Rachel du regard. Moi, j’bavardais plutôt avec Tom comme si de rien était. Nous étions tous habillés de beaux kimonos surmontés par des manteaux d’officiers. Le brouhaha était toujours effectif, jusqu’à ce que le colonel daigne enfin se lever. Il s’avança jusqu’au centre de l’arène devant nous et commença un discours long et ennuyeux qui finit 10 minutes plus tard. Et puis…

        • LE PREMIER COMBAT OPPOSERA ICHIRAKU RODRIGUEZ A BLACROW RACHEL ! PRÉSENTEZ VOUS SUR L'ARÈNE !

        Il eut un murmure qui s’expira bien vite cependant. Tom et moi avions échangé un sourire. Ma femme se contenta de serrer ma main gauche en mordant sa lèvre inférieure. Elle avait peur pour Rachel. Si je considérais cette dernière comme une petite sœur, dame Fenyang la voyait plutôt comme sa propre fille. C’est de là que j’eus un certain remord. Au vu de son comportement, Aisling voulait enfanter, c’était clair comme de l’eau de roche. Mais pour le moment, nous n’arrivions pas encore à concevoir d’enfants. Ces idées allaient envahir mon esprit et me rendre un peu morose, quand le premier combattant fit son entrée sur scène sous les applaudissements de ses amis. Ichiuraku était un peu comme le fer de lance de ces jeunes gens qui criaient son nom à tout va. J’aurai pu bien aimer cet adolescent, mais non. Tout simplement parce qu’il ressemblait comme deux gouttes d’eau à son père qui était Rodriguez, tant a plan physique qu’au plan mental. Il était déloyal dans ses entrainements, piètre menteur et accumulait d’autres défauts à la pelle. Un petit imbécile qui allait sans aucun doute ternir le nom de la marine comme son merdeux d’vieux. En parlant de lui d’ailleurs, j’le vis me faire un sourire. Grand et diabolique. Ce bâtard de colonel avait prévu son coup. Confronter nos petits protégés dès le début pour me faire perdre toute crédibilité, vu ma position d’antan concernant ce test. Mais il allait s’en mordrez les doigts. Car son fils ne valait pas la cheville de Rachel. Et tous allaient le comprendre dans les prochaines minutes à venir…

        Spoiler:
          Nous ne reviendrons pas sur les trois mois de Rachel. De bons moments, certes éprouvants, mais joyeux dans leurs déroulements. Entraînements, exercices, cours... Et presque tout se faisait avec Salem. Qu'elle n'appelait plus Fenyang depuis maintenant trois bons mois. Repos sous une cascade, duels à l'épée et au fleuret ; cours de kendô et d'escrime ; stages de survie dans la forêt ; parcours du combattants avec de vraies recrues qui s'amusaient à la voir ramper dans la boue avec eux. Un vrai camp de vacance. Et cinq mois c'est court pour évoluer. Très court pour la populace normale. Mais Rachel avait depuis la naissance des prédispositions à être quelqu'un. Elle n'avait jamais pu les exploiter, à défaut de bon professeur. Ce qu'elle avait aujourd'hui avec Salem, son mentor. Et si elle impressionnait de jour en jour ce dernier, elle s'épanouissait en joie et bonheur à mesure qu'elle maîtrisait l'épée, le sabre, qu'elle gagnait en force, en adresse, en vivacité, en endurance... Si elle repensait à son ancienne vie de pirate ? Oui, souvent. Généralement le soir. Elle ne la regrettait pas. Elle ne faisait que suivre le chemin que le destin avait tracé pour elle. Elle était généralement triste pour une chose, son père et son équipage décimé. La loi du plus fort avait parlé. Son père avait été plus fort que son propre équipage. Elle avait été plus forte que son père. Et aujourd'hui, elle avait trouvé plus fort qu'elle. Un homme qui la pousserait à s'améliorer. Un homme bon, grand, fort, charismatique, dont elle buvait les paroles et jamais ne remettait ses choix et décisions en doute.

          Jusqu'à ce jour, cinq mois plus tard.

          Spoiler:

          Assise au milieu de dizaines de recrues, elle observait, lasse, les mines qui l'entouraient. Des visages patibulaires, effrayés, confiants, joyeux, rieurs, moqueurs, hautains, timides, froids... mais de Salem aucune trace. Il devait s'être assis dans un coin pour l'observer. Tandis qu'elle était perdue au milieu d'une foule hétéroclite, de jeunes gens, plus ou moins jeunes, tous voulant faire partie de la cour des grands de la marine. Presque aucun n'en avait l'étoffe. Ce qui n'était pas le cas de Blacrow à qui tout semblait sourire. La providence, la chance, les dieux. Que demander de plus ? Ah si.

        -C'est quoi ces pitreries... ?

          Parce que oui, pour elle, tout ce rassemblement n'était qu'une mascarade, une imbécillité à l'utilité aussi ridicule que les parents venus encourager leurs enfants prometteurs. Des mioches pour la plupart... On se serait crus à une compétition sportive d'arts martiaux. Les Championnats du Monde d'Arts Martiaux... ? Non, c'est pas le bon manga. Eh bien ça y ressemblait. Et de tout ça, Rachel avait horreur. Dans son coin, solitaire, elle observait ce remake de l'île du Karaté où elle se souvenait vaguement avoir fait escale toute jeune. Rien d'utile. Baser les recrues sur un tournoi... quoi de plus stupide ? Durant toute la préparation, elle n'avait pas arrêté de chercher le regard vert de Salem dépassant de la foule. Mais de lui, elle ne trouva aucune trace. Et lorsque, la faisait sursauter, un escargophone géant hurla qu'elle devait monter sur le ring face à un garçon potelé version Dudley, elle soupira. À contre-cœur, elle monta sur le « ring », serrant la ceinture qui retenait son kodashi et fit face au garnement qu'elle n'avait eu que peu l'occasion de croiser. En plus de tous ses défauts, il n'avait pas de mémoire. Car son sourire disait clairement qu'il avait oublié qu'elle lui avait fait manger ses chaussures la dernière fois qu'ils s'étaient croisés. Une nouvelle fois, elle soupira et se détourna de lui pour observer les alentours et déceler la présence de Salem. Elle lui avait dit qu'elle ne voulait pas faire ça. Mais elle se trouvait là en cette heure. Et lui était introuvable. Même Ainsling. Même Tom. Se cachaient-ils ou était-ce uniquement la situation qui faisait que même devant son nez elle ne les aurait pas remarqués ?

        HAJIME !!!

          C'était le père qui venait de hurler dans le méga(escargo)phone de « l'arbitre ». Profitant du fait qu'elle regardait ailleurs. Comme si ça allait assurer la victoire au fils. Rachel savait que son mentor ne portait pas le père et le fils dans son cœur. Ils avaient dû en parler à une occasion ou deux... Peut-être à l'issue de la mésaventure de la chaussure d'Ichiraku ? Chaussure qui voulut prendre sa revanche. Ichiraku qui voulait prendre son pied. Rachel également. Et seule elle y arriva. Alors que le pied fusa dans sa direction, grossier et lent, elle l'attrapa au vol, sans lui jeter un regard. Puis d'une extension du bras, elle le souleva du sol de plus de deux mètres. Il cria. Un hurlement strident qui démontra parfaitement que le gros garçon, que le porcelet, n'aimait pas les hauteurs. Tu as le Vertige ? Rachel est gentille, elle va te faire descendre.

          Enfin, elle tourne son regard vers lui. Et juste avant qu'il ne touche le sol, elle dégaine son fourreau de sa ceinture et frappe dans la graisse du môme, juste avant de toucher le sol du ring, étouffant par la même occasion le cri de goret qu'il poussait jusque là. Malheureusement, d'autres, apeurés et surpris, suivirent alors qu'il traversait la salle pour aller s'encastrer dans un mur plus loin.

          Rachel, toujours sans un regard pour personne, refit sa ceinture, remit son kodashi en place et sauta à bas du ring. Salem était dans le fond. Elle l'avait repéré juste avant de se retourner. C'est là qu'elle se dirigea, sans relever les regards qu'on lui jetait. Elle fendit la foule qui s'écartait presque devant elle et, du haut de ses quatorze ans, elle se posta devant les silhouettes massives des Fenyang et de Tom. Le visage fermé, comme agacée, les sourcils très finement froncés.

        -On a bien joué, ils se sont bien amusés ; on peut y aller maintenant ?
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          Malgré tout le sérieux de Rachel, le reste du jury ne put s’empêcher d’éclater de rire au grand dam du colonel Rodriguez qui fut obligé d’arrêter le concours pour aller voir l’état de son fils complètement « out. » Puis il déclara rapidement que tous les autres candidats étaient promus au rang de soldats troisième classe, à l’exception de Rachel qui atteignait directement celui de caporal. Une première à Logue Town ! C’est à croire que même Rodriguez avait été bluffé par les compétences de la jeune Rachel.

          Un léger sourire s’inscrivit sur mon faciès alors que j’observai tranquillement la jeune Rachel parmi le brouhaha qui reprit de plus belle dans la salle. Les autres mousses qui étaient maintenant devenus de braves soldats de la marine, criaient et chantaient à tue-tête. La joie était à son paroxysme dans les locaux, sauf pour le clan Rodriguez en larmes. Père et fils finirent par sortir silencieusement dans un coin, accablés par la honte. A la vue de cette image, j’eus un pincement au cœur, mais je finis par ne plus m’occuper d’eux. La vie leur donnait là une leçon… Une leçon dont ils s’en souviendraient pendant longtemps. Cette expérience saurait peut être leur apprendre l’humilité, ce que j’espérais de tout mon cœur. J’soupirai avant de me lever. J’avais été le dernier à rester assis, puisque les autres membres du jury, ma femme incluse, s’évertuaient à tempérer les ardeurs des jeunes encore plus bruyants qu’à l’annonce de cette cérémonie qui s’est terminé aussi vite qu’elle avait commencé. J’me dirigeai ensuite vers l’adolescente impassible, avant de passer ma main sur l’une de ses joues que je caressai avec tendresse. Un léger frisson me parcourut l’échine alors que je pensais à ce qui allait se passer par la suite, à l’avenir. Maintenant qu’elle avait intégré la cour des grands, il n’y avait pas de raisons de la surprotéger comme j’le faisais. Constat assez drôle, d’ailleurs…

          • RAAAAAAACHEEEEEEEEL !!!!

          C’était les autres jeunes. Les nouveaux soldats de la marine. Qui affluèrent vers nous en masse avant d’encercler la jeune adolescente, tant et si bien que j’fus tout bonnement écarté. Ils la soulevèrent tous ensemble et se mirent à courir vers un autre point qui m’était inconnu. Entrain sincère ou hypocrite ? Question qui m’était passée par la tête, avant de remarquer le sourire franc de la plupart de ces gosses. C’était pas comme si Rachel était détestée aussi. Même si sa nouvelle façon d’être déstabilisait plus d’un… Moi y compris parfois. Depuis que son entrainement avait commencé, j’n’avais eu droit qu’à de rares sourires et à des regards où brillait constamment cette lueur de vengeance et de détermination… Devrais-je être fier de ce que j’avais accompli ? Nouvelle question qui me tourmentait cette fois. Bien que les progrès de Rachel fussent prodigieux, j’avais peur. Peur de faire de cette fille un instrument de vengeance ou une marine ne vivant que pour persécuter les pirates. J’ne voulais pas ce futur pour elle. Il y avait déjà bien trop de malades mentaux dans notre faction pour qu’elle vienne grossir leurs rangs. Et j’allais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour qu’elle redevienne la Rachel souriante que je connus, fut un temps. Bien avant que ces enfants ne viennent la soulever, j’avais réussi à lui faire savoir qu’elle devait me suivre à mon bureau… Le plus vite possible…

          J’espérais sincèrement qu’elle vienne. Histoire que je la félicite à ma façon. N’y voyez pas quoique ce soit de louche ou de pervers… C’est juste que je voulais rester un peu avec elle… Rachel s’était tellement focalisée sur ses entrainements ces dernières semaines que nous n’avions pas eu de temps pour nous. Et ça me manquait… Un peu… J’étais emprunt d’une mélancolie certaine quoique voilée, discrète. Et ladite mélancolie guidait mes pas qui se voulaient feutrés à travers toute cette cohue. J’finis quelques secondes plus tard par m’extirper de la grande salle d’entrainement, tout en me dirigeant en solitaire à mon bureau. Bureau que j’atteignis deux ou trois minutes plus tard. Je balançai alors mon manteau de commandant sur un sofa pas loin, avant de prendre une bouteille de saké que j’me mis à boire au goulot. Après avoir pris une lampée du nectar, j’vis ensuite une chemise rouge qu’on avait du laisser sur mon bureau. J’fis vite de consulter le dossier, avant de soupirer. Il s’agissait de quelques petits larcins d’un groupe d’adolescents que nous devions arrêter. J’avais négligé ce cas pour me concentrer uniquement sur les entrainements de ma petite fleur, mais récidive, il y avait. Pfff… Encore une sale besogne à remplir. Comme si le commandant que j’étais, n’était pas assez éprouvé comme ça. J’finis donc par m’avachir sur mon siège, en posant la bouteille d’alcool près de moi, laissant à découvert le dossier sur ma table. Mais Tiens ! Et si… ? Et si je passais l’affaire à Rachel ?

          L’idée n’était pas mauvaise en soi… Et elle me fit même sourire… Le tout maintenant était qu’elle vienne à mon bureau comme convenu. On remettrait certainement les félicitations à plus tard…

          Spoiler:
            Il ne lui avait même pas répondu. Il s'était contenté de sourire. Pourquoi pas après tout. Peut-être était-ce drôle. Rachel sourit malgré elle. Surtout lorsqu'elle suivit le regard vert de son mentor qui observait les perdant sortir par derrière. Honteux de la tournure des événements. Si Rachel était fière d'elle ? En soi, elle avait joué leur jeu. Et en ça, elle s'en voulait un peu. Mais lorsque tous les jeunes gens, braillards à souhait vinrent la tirer d'entre les jupons de Salem et de Tom, Ainsling peinant déjà à ramener un ordre relatif, elle ne put s'empêcher de se sentir fière. C'était le début de la gloire. Tout lui réussissait bien, finalement. Une place auprès de grands noms. C'était peut-être ce qui l'attendait. Elle rit aux éclats avec ces jeunes qu'elle ne connaissait pour la plupart pas. À nouveau, elle perdit Salem du regard. Dans cette position qui était la sienne aussi... Mais qu'importe. Dans dix minutes, elle l'aurait rejoint. Il lui avait demandé. Elle serra affectueusement son sabre court qu'elle appréciait particulièrement, quoique trop fragile à son goût. Elle n'avait plus qu'à attendre que ses admirateurs se lassent et l'abandonnent à ses pieds. Elle savait marcher après tout.

            Quinze minutes. C'est le temps qu'il lui fallut pour s'extirper de cette horde de jeunes. Cinq supplémentaires pour retrouver le chemin du bureau de Alheïri. Parce que pour fuir ses nouveaux fans, pour la plupart certainement envieux, elle avait dû bondir par une porte fenêtre ouverte et atterrir dans un parc. La galère pour retrouver son chemin. C'est donc soulagée et quelque peu essoufflée qu'elle frappa à la porte du bureau de son mentor. Était-il las de l'attendre ? Toujours est-il qu'elle entra sans en avoir perçu l'autorisation. Elle poussa la porte, les cils battant pour chasser un cil, une poussière ou une goutte de sueur. Lentement, elle entra dans la salle, refermant soigneusement la lourde porte derrière elle. Pas après pas, elle pénétra dans le bureau de l'officier Fenyang. Ses propres chaussures claquaient étrangement sur le sol. Comme à chaque fois, son regard se perdit sur les nombreuses décorations qui trônaient un peu partout avant de se poser sur son sauveur comme elle se permettait encore de l'appeler en de rares occasions. Cette fois, il était avachi sur son siège lorsqu'elle était entrée. Une fois n'est pas coutume. De même pour la bouteille d'alcool. De quoi diable voulait-il bien lui parler dans pareilles conditions ? Était-ce si grave ?

            Lentement, le visage fragile tourné vers son mentor, ses sourcils trahissant sa perplexité, elle s'assit dans le siège qui faisait face au grand bureau où il était assis. Grand, ça, il l'était. Il devait satisfaire les deux mètres cinquante de Salem après tout. Ou approchant. Immobile, le visage candide de poupée tournée vers lui en attente d'une parole, d'un verdict, d'une réprimande ou mauvaise nouvelle. La bouteille pouvait laisser présager n'importe laquelle de ces solutions. Et elle n'en préférait aucune. Elle attendrait. Ça ne servait à rien de craindre la mort de son vivant. Elle n'appréhenderait donc pas les mots de Salem. D'ailleurs, elle garda le silence, jouant avec le nœud de son uniforme dans l'attente... de ce qui l'attendait elle.


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            C’est en silence qu’elle était entrée. C’est en silence que j’avais commencé à l’observer sous toutes ses coutures. J’aimais cette Rachel là. Cette Rachel timide et fragile. Elle avait malheureusement été éclipsée par une autre Rachel. Mûre et sûre d’elle. Cette évolution n’était pas mal à bien y penser, mais je ne l’aimais pas trop à vrai dire. Elle s’éloignait de moi… Et elle devenait sérieusement inquiétante. Du moins c’était mon impression propre. La preuve en était même que j’avais été, mis à part Rodriguez, le seul qui n’avait pas ri aux éclats quand elle remporta la victoire ; ne me contentant simplement que d’un simple sourire, sobre et tranquille. Devais-je énoncer à Rachel, mes craintes quant à son avenir ? Serait-elle à même d’écouter ce que j’allais lui dire et de comprendre mes mots… ? En l’observant avec une insistance certaine, je me disais que non. Et puis il n’y avait peut être pas lieu de douter, vu qu’elle continuait, en tout cas avec moi, d’être cette même Rachel que j’avais voulu sauver de toute mon âme. Quand bien même le doute persistait dans mon âme et dans ma chair. Encore et toujours. Je finis par soupirer en me rendant finalement compte que le moment n’était sans doute pas encore venu pour parler de ce genre de chose. J’attendrai encore quelques temps. Juste deux ou trois ans. Histoire qu’elle gagne encore en maturité. Pour l’heure, il me fallait la féliciter. Et monter un visage plus jovial, plus accueillant. Ce que je fis par la suite avec tout le bon cœur du monde…

            • Je suis fier de toi Rachel, ne l’oublie jamais.

            Qu’avais-je fini par dire d’une voix douce et paternelle. Le tout ponctué par le plus beau de mes sourires, sourire qui avait l’art de mettre même l’imperturbable Aisling dans tous ses états. L’alcool me fit légèrement rougir, mais je m’en fichais un peu. Je puais certainement le saké d’ailleurs, mais pas assez pour qu’on puisse dire de moi que j’étais en état d’ébriété. L’idée en soi finit par me faire pouffer de rire avant que je ne daigne refermer ma bouteille à moitié vide, que je rangeai nonchalamment dans un tiroir tout près. Je me levai ensuite pour contourner une énième fois mon bureau, avant de venir fouiller dans la chemise rouge qui m’avait été remise. Et de cette chemise, je retirai une photo que je dissimulai à l’intérieur de mon kimono. Le but n’était pas de cacher cette photo à Rachel, mais de la lui montrer dans les minutes à venir. Pour l’heure, c’était gros câlin et réconfort. Histoire d’estomper l’inquiétude qu’elle pourrait avoir, encore si elle en avait. C’est ainsi donc que je plongeai littéralement sur elle avant de la serrer fort fort dans mes bras. Un peu comme le jour où je l’avais délivré. Je lui murmurai des mots doux et je me mis à caresser sa chevelure avec beaucoup de soin, un peu comme un grand frère totalement attentif à sa petite sœur. Parce que oui, Rachel était le prototype même de la sœur idéale que j’aurai aimé avoir. Même si les circonstances m’auront donné d’avoir… M’enfin bref… Toujours est-il qu’il nous fallait vivre l’instant présent. A mes yeux, c’est ce qui comptait le plus…

            • Mais j’ai besoin de la caporale que tu es pour une mission.

            Sourire grossier pour finir, avant que je n’embarque la jeune fille sur mon épaule façon sac à patates. J’me dirigeai ensuite vers la fenêtre, avant de l’ouvrir et de bondir dans le vide avec elle. Un truc de deux trois étages ? Tranquille. J’me réceptionnai correctement sur mes deux pieds, avant de prendre Rachel dans mes deux bras et de courir avec elle dans la cour de la caserne. Quelques marines, étonnés, nous regardaient avec de gros yeux, avant que je ne disparaisse rapidement de leur champ de vision après avoir bondi sur une autre toiture. Mon nouveau bond encastra mes géta dans les tuiles de la toiture de l’entrée principale sur laquelle nous étions maintenant, mais je ne m’en occupai même pas. J’posai plutôt Rachel à mes côtés, avant de m’asseoir à même lesdites tuiles, profitant et de la vue panoramique qui nous était offerte sur la ville depuis notre position, et de la brise fraiche qui se voulait douce et effective. Le temps était toujours aussi bon. La fraicheur s’était accentuée un peu plus, mais mon ample kimono me protégeait convenablement. « Regarde bien cette ville… Ces gens… C’est pour eux que tu te battras désormais... Pour leur bienêtre. C’est une grande vie pour toi qui s’annonce. Elle sera parsemée d’embûches. Des mésaventures encore plus dures que celle que tu as malheureusement connue t’attendent. J’espère que tu t’en sentiras capable de tous les affronter. » Tout en parlant, j’avais sorti et la photo, et une lucky que j’allumai sur le champ, avant d’en tirer une première taffe... Merveilleuse.

            • Tiens cette photo. Il s’agit là de ta première mission en tant que caporale.

            Spoiler:

            Je lui passai la photo avant d’agrandir mon sourire. L’excitation me gagnait, un peu comme si j’étais celui qui rentrait dans les rangs et non Rachel. Peut être était-ce vraiment la fierté que je ressentais en tant que « maitre. » Une idée qui me fit frissonner de la tête au pied, le vent frais n’arrangeant rien à mon cas. Je portai une main à ma poitrine en pensant à mon père. J’étais exactement comme lui… Je marchais sur ses pas et j’espérais également qu’il en soit de même pour Rachel avec pour exemple ma propre personne. Ensuite, je fis vite de lui raconter ce que j’attendais d’elle sur cette mission et ce que je savais sur les cibles. Il s’agissait en fait de deux garçons, spécialement connus pour leur ténacité et leur grande capacité à dérober des biens dans le marché de Logue Town. Ça passait par de simples victuailles à des objets assez chers comme des bijoux de valeurs inestimables. Après avoir mené ma propre petite enquête, je finis par découvrir que ces gosses vivaient à l’écart, dans les bois au nord de la ville ; ces mêmes bois où j’avais tant de fois emmené Rachel pour ses entrainements. Ces pauvres adolescents ont vite été orphelins ce qui les poussa à la mendicité puis au vol. Depuis, ils s’étaient fait une petite renommée dans la ville. Plusieurs personnes avaient voulu les coincer en forêt pour les corriger, mais personne ne réussit… Sauf Tom et moi lors d’une chaude journée. Je leur avais proposé d’intégrer la marine, mais je m’étais essuyé un échec monumental… Rachel et son jeune âge était peut être la clé pour les convaincre…

            • Ils trainent beaucoup dans les faubourgs, mais tu peux occasionnellement les apercevoir au marché, quand ils préparent un sale coup ensemble. Si tu peux leur flanquer une raclée sans pour autant les blesser gravement ou les tuer, fais-le. S’ils voient à quel point tu es forte, ils seront certainement bluffés et te suivront d’eux même pour devenir marine à ton image. C’est un peu l’idée, tu vois… Alors, partante caporale ?

            Spoiler:
              Photo à la main, errant sur la place du marché comme on venait de lui demander, Rachel soupirait. Caporal. Elle venait de passer Caporal et elle n'avait même pas eu le temps de le réaliser que déjà on lui donnait une mission à faire. Elle aurait au moins voulu une récompense de Salem, du genre un cadeau, un nouveau sabre, une nouvelle robe... une glace même à la limite. Pas une mission. Pas si vite. Déjà, dans le bureau de Salem, elle avait vu venir le « Mais... ». Beaucoup trop de facteurs pour qu'il se contente de la féliciter. Qu'il se contente d'un « je suis fier de toi ». De dépit, elle donna un coup de pied dans un petit caillou qui alla rouler un peu plus loin. Le rattrapant elle l'envoya d'un nouveau coup dans l'étal d'une poissonnière qui crut se faire attaquer par des voyous voleurs. Avec son nouvel insigne que son mentor lui avait accroché sur son blason avant qu'elle ne se mette en branle, elle était maintenant hors de tout soupçon. La poissonnière le va même une main amicale pour la saluer. Elle n'y répondit que distraitement par un petit sourire forcé. Et déjà la marchande recommençait à vanter les mérites de ses poissons du matin. Le Caporal Blacrow (dieu que c'était étrange à penser), elle, scruta de nouveau chaque visage. Enfin, ceux qui étaient abordable. Elle ne cherchait que deux petites frappes qui fuyaient toujours entre les pattes des adultes trop lourds pour les courser dans les trous de souris. Alors ses yeux passaient d'un visage à l'autre, mais sans jamais dépasser sa propre hauteur. Qu'importe les hommes de deux mètres qui la dépassaient en lui souriant ou avec un petit signe de main. Elle restait obstinément bornée à trouver ces deux terreurs des bacs à sable...

              Mais déjà alors que Salem l'avait emportée sous le bras comme une « princesse », Rachel avait senti venir le coup fourré, que le mais n'était pas qu'indispensable dans la phrase. Qu'il allait être important. Et puis, portée dans les bras de Salem... Elle n'était plus une gamine malade et souffrante. Il l'avait déjà sauvée. Ne pouvait-il pas comprendre qu'elle avait besoin d'un guide et non d'un père ? Même un père n'aurait as agi comme ça, d'ailleurs. Transportée comme un ballot de paille, c'est bon pour les infirmes, les handicapés ou les pauvres filles. Elle n'était aucune de ces trois sortes de personnes. Qu'il arrête donc. A Quatorze ans, on rêve de libertés, d'indépendance. Plus des bras d'un prince charmant ou d'un héros. Et bien que penser ça la chagrinait du fait qu'il avait été son héros, son sauveur, elle se contraignait à ne pas y penser plus que ça. Il fallait qu'elle sache se débrouiller seule dorénavant. Elle n'avait personne d'autre qu'elle sur qui compter. T si la Mort avait été conciliante cette fois-ci, elle ne le serait pas toujours. Et Salem également. Il ne serait pas toujours là pour la tirer des griffes de pirates trop avides ou sanguinaires. N'en retrouverait-elle jamais des comme ses pères, de pirates ? C'est pour cette raison, donc, qu'une fois descendue des bras du grand homme, sur le toit, elle l'avait écouté d'un air renfrogné. Elle avait pris la photo par conscience professionnelle et par curiosité, mais ça s'était arrêté là. La journée avait déjà été assez désagréable avec ce pseudo tournoi qualificatif. Et maintenant ça, courses des jeunes voleurs à la tire. Rachel avait pourtant pris sur elle et gratifié Salem d'un doux sourire qui n'avait pas été feint. Elle le remercia chaleureusement de tout, parce qu'il fallait bien qu'elle le fasse à un moment. Son aide, son entraînement, ses appui, ses encouragement... Elle lui devait tant...

            -Quand j'aurai fini, j'aurai droit à un nouveau sabre ? Celui-ci se fait vieux... rit-elle en disparaissant derrière le toit où ils s'étaient posés.

              Et c'est là qu'avait commencé ses recherches. Et c'est là qu'elle commença à tourner en rond pendant plusieurs heures. Comment retrouver une aiguille dans une botte de foin ? Logue Town n'était pas la ville la plus petite. Elle était passée devant l’échafaud une bonne vingtaine de fois lorsque le soir tomba. Et Rachel également. De fatigue. Ça aurait été trop beau qu'elle les trouve de suite. Le soir tomba et elle fut obligée de s'abriter dans un petite auberge coquette où on lui servit un bon repas, à base de soupe et d'un plat entier de fruits frais et secs. Elle prit une tisane alors qu'elle écoutait les chansons qu'un troubadour aux allures de paysan dispensait à l'assemblée, puis monta dans sa petite chambre en mettant les frais sur la note de Alheïri Fenyang. Sans honte. Elle s'accorda quatre heures de sommeil puis sortit dans la nuit noire pour continuer ses investigations. Elle piétinait, mais, au final, tout ça lui plaisait bien.

              Tout ça dura deux jours. Un petit manège qui épuisait Rachel et commençait à lui mettre les nerfs à dure épreuve. Durant ses journées de patrouille, seule, elle grommelait, râlant sur les cartons qui encombraient la voie, contre les pavés défaits ou les passants pressés. Par trois fois, elle les avait déjà loupé. Et à chaque fois, elle arrivait trop tard pour les suivre à la trace, ces petits rats. Elle n'avait pas eu l'occasion de sortir son sabre court de son fourreau, à part pour repousser un pirate solitaire qui avait voulu elle-ne-sait-quoi. Il l'avait abordé en pleine rue, pour une raison étrange, et tout ce qu'il avait gagné, c'était cette lame juste sous sa gorge. Il ne l'avait pas vu venir, et le regard de Rachel en disait long sur son humeur. Le pirate s'excusa, pétrifié de stupeur puis passa son chemin. Elle l'avait vu du coin de l’œil demander à un marine un peu plus loin s'il pouvait trouver des voiles dans le coin. Et elle avait soupiré. Elle était à cran. Si bien que le troisième soir, elle ne put supporter les chansons des soiffards. Et même fatiguée, elle avait mis un sandwich sur la note de Salem, pris une pomme bien rouge et s'était installé sur le marché, en hauteur, sur une pile de caisses plus que brinquebalantes. Et à force de regarder les étoiles, elle s'était endormie.

              Contre toute attente, ce ne fut pas la lumière du jour qui l'éveilla. Pas la caresse des doux rayons de l'astre ni même la brise ou encore les douces voix des marins qui se lèvent aux aurores. Elle ouvrit un œil, puis l'autre. S'attendant à trouver la brume matinale sur le port, elle se frotta les yeux, puisqu'elle ne vit que la nuit noire et les faibles rayons d'une lune à son premier quart. Le crissement devint grincement et elle se redressa d'un bond. La tête lui tourna un instant, mais elle n'en eut cure et fouilla du regard la place du marché pour en trouver la source. Du grincement. Son regard se fit plus net comme le fourmillement s'enfuit et que sa vue s'habituait à l'obscurité. Elle pouvait enfin voir les détails de la place. Une échoppe aux volets fermés, un étale vide, un magasin barricadé. Désaffecté même. Les grincements venaient de là. La bâtisse tombait en ruines. Le précédent propriétaire n'avait pas eu les moyens de la réparer, et avait obtenu une mauvaise réputation. Un taxidermiste, pensez. Il était d'ailleurs mort, tué par l'une des bêtes qu'il pourchassait avidement. Son fils, lui, avait disparu. Mais qu'importe. Les odeurs restaient, les peaux de bêtes également. Personne ne voulait de ce magasin à l'abandon. D'où les planches qui en scellaient l'entrée. Alors, pourquoi le grincement sortait-il de là dedans ? La toute jeune Caporal sauta à bas de son tas de cartons. Un des animaux s'était-il réveillé ? Et essayait-il de sortir ? Quelle magnifique histoire !

              Très lentement, Rachel s'en approcha. Précautionneuse dans ses pas, elle ne faisait pas plus de bruits qu'un chat. Quelque part dans les quartiers plus élevés, un corbeau croassa. Elle ne sursauta pas. Elle sourit en se disant qu'elle se trouvait prise dans une intrigue d'histoire d'horreur. Allait-elle se faire dévorer par le Monstre du Taxidermiste ? Elle colla son oreille au chambranle fin de la porte et discerna des voix provenant de l'intérieur. Elle soupira en perdant son sourire. Dommage. Mais tant qu'à y être, elle se recolla contre la porte condamnée et écouta ce qu'il s'y disait.

              Deux ; deux voix.

              Deux enfants.

              Un franc sourire éclaira le visage de Rachel dans la pénombre. A peine quelques lampes à huile aux fenêtres dispensaient une très faible lumière qui ne lui permettait que de discerner les silhouettes et contours de la place. Merci la lune également. Et pour en revenir aux bruits, elle venait sûrement de découvrir le repaire des deux petits voyous. Très bavards pour l'heure. Mais aucune de leur paroles ne furent comprises par la Caporal. Par où diable étaient-ils entrés ? Faisant demi-tour, Rachel observa les alentours. Le taudis faisait partie d'un pâté de maisons en bois et pierre. Aucun accès par cette rue. Trop principale de toute manière pour faire une bonne entrée de cachette secrète. Par derrière ? Mais il lui faudrait trop de temps pour contourner la rue. Sans compter qu'elle risquait de se perdre. Aux grands maux, les grands moyens. Jouant à la petite chapardeuse, elle se servit des caisses pour atteindre le toit et de ce toit-ci bondir vers un autre du pâté de maison, un peu plus loin pour ne pas alerter les deux mioches avec des bruits intempestifs. A pas de loups, la petite poupée aux yeux de jade se mut lentement, sens aux aguets, vers le toit intéressé. Elle jubilait. Elle ne savait pas comment elle allait se débrouiller pour leur faire arrêter leurs bêtises et se ranger parmi les rangs de la marine, puisque c'était là sa mission, mais pour l'instant, elle se contenterait de « les appréhender ». Ça faisait classe sur le papier, et elle serait fière de ramener ce colis à Salem. Elle lui avait demandé une semaine. Quatre jours avaient suffi.

              Puis c'est le drame.

              Elle venait de trouver l'entrée. Ça, on ne pouvait le lui enlever. Mais il était très peu sûr que ce fusse l'entrée officielle. Une latte en bois pourri qui craque sous votre poids, c'est bien trop peu discret pour une cachette secrète. Et ça grille un peu toute votre approche furtive. Mais par contre, niveau entrée fracassante pleine de punch et de style... Ça rattrape le tout, quoi.

              La jeune fille se releva lentement d'entre la poussière et le bois mort. Face à elle, deux jeunes garçons, comptant à s'en disputer les quelques berries accumulés dans la journée. La poupée, elle, retire de sa chevelure noire les ossements de la maison en piètre état. Les deux jeunes gens se redressent ébahis par l'arrivée tapageuse de la Caporale. La poupée lève vers eux deux yeux émeraudes et assez brillant.

            -C'est la ramoneuse...
            "-C'quoi c't'excuse à trois berries !"
            -Trois berries ?! Prends, c'est toujours ça de plus !
            "-La ferme toi..."
            -Je peux vous parler un instant de mes honoraires ?
            "-Tes quoi... ?"

            °°°°°

              Le lendemain matin, à la porte du bureau de Salem, de petits coups secs se firent entendre. Rachel était partie il y a quatre jour seulement. Au petit jour, plusieurs personnes du voisinage avaient porté plainte pour tapage nocturne dans la vieille maison du taxidermiste. Enfin, tapage nocturne... Les vieux aux alentours avaient juste demandé en bandes agglutinés à faire chasser les Monstres du Taxidermiste de la ville. En parlant de la maison du taxidermiste... il semblerait que les termites en aient mangé les poutres bien plus profondément qu'on le pensait. Mais pour en revenir à la frêle silhouette qui frappait à la porte de Salem avec une ardeur renouvelée, elle portait un haut de la marine, mais étrangement, l'insigne de caporal avait disparu. À ses pieds, un filet de pèche traînait deux jeunes gens, détrempés, légèrement abimés et tout frais péchés de ce matin. Juste un des deux gros poissons qui avait un insigne de caporal en monocle. Toute souriante, Rachel pointa du doigt les deux jeunes gens. Elle n'avait que quelques égratignures sur le visage et son uniforme était tout poussiéreux, mais elle paraissait grossièrement propre.

            -C'est bon, je les ai convaincus ! Et si on parlait affaires maintenant ?


            Spoiler:
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              Cela faisait quelques jours maintenant que j’n’avais pas vu Rachel, bien que des nouvelles d’elle me parvenaient sans problèmes. J’avais chargé quelques éléments de suivre la jeune fille dans son parcours, et lesdits éléments venaient chaque soir me faire un rapport complet sur ce qu’elle entreprenait. J’ne m’étonnai donc pas des factures qu’elle occasionnait lors de sa recherche ; même si les notes étaient parfois un peu exagérées. L’occasion pour ces gens d’se faire des sous quand on savait qui devait payer. Au vu du temps qu’elle prenait pour réussir sa première mission, autant dire que je n’l’avais pas forcement aidé comme il fallait. Mais j’avais la ferme conviction qu’elle les retrouverait avant la fin de la semaine, et qu’elle réussirait à les ramener dans nos rangs. Cette simple pensée suffit à me faire sourire, alors que j’étais dans mon lit à caresser la chevelure d’Aisling qui dormait à poings fermés sur moi. Même si elle nourrissait énormément l’envie d’être mère, ma femme était devenue beaucoup plus épanouie avec la jeune Rachel qu’elle chouchoutait comme sa propre fille. Ce constat m’faisait également plaisir. C'est à ce moment là que j’mesurai doucement les changements que Rachel apportait peu à peu à la caserne de Logue Town. Elle nous procurait de la joie, s’était améliorée en quelques mois seulement, avait fait plié Rodriguez en battant son fils à plat de couture, et s’était faite respectée par toute une génération en quelques secondes seulement. Et c’est en visualisant tous ces instants dans ma tête, que j’me disais que j’avais bien fait de la sauver sur l’île où elle avait tant souffert…

              […]

              Cette nuit là fut courte. Très courte pour moi en tout cas. J’avais peu dormi et pour cause : La jeune Rachel avait occupé toutes mes pensées. Malgré mon visage encore ensommeillé, j’eus un sourire aux lèvres avant de remarquer qu’il était bientôt six heures du matin. L’début d’une journée qui promettait d’être très longue. Baillant légèrement, j’me levai du lit sans faire de bruits, de peur de réveiller ma femme qui dormait toujours aussi profondément. J’fis vite de prendre une douche froide et bien revigorante, avant de rejoindre mon bureau, là où plusieurs documents administratifs m’attendaient. L’bon moment pour en finir avec ces corvées. Alors que je bossais tranquillement dans mon bureau encore un peu plongé dans une certaine obscurité, c’était le brouhaha dehors, un peu comme d’habitude. Les sous-officiers devaient être entrain d’entrainer les jeunes mousses et ça commençait toujours par de l’endurance. Dire qu’ils ne devaient leurs places au sein de la marine qu’à la brillante victoire de Rachel… C’était à m’en faire presque rougir, tant j’étais fier d’être le tuteur officiel de la caporale. J’allais même me perdre dans mes pensées, quand on toqua soudainement à ma porte. J’me levai doucement et m’dirigeai vers la porte que j’ouvris, avant de voir ma petite protégée et derrière elle, les deux petits filous que j’attendais depuis belle lurette. Et à la petite phrase toute innocente de Rachel, j’eus un sourire radieux qui en disait long sur les sentiments qui m’animaient. Totalement fier et satisfait de la brune. Voilà comment j’étais à cet instant précis…

              • Beau boulot caporale ! Chose promise, chose due.

              […]

              La brise maritime était douce, et le soleil inondait tout le marché de Logue Town. Un temps clément et une journée qui s’annonçait être riche en perspectives. D’quoi m’scotcher le sourire aux lèvres. Affublé d’un léger kimono noir, je marchais tranquillement avec la jeune Rachel tout en bouffant un paquet de chips salés. Direction la boutique du célèbre Ippon-Matsu ! Le marché était totalement envahi par une vague humaine. Les gens circulaient ça et là en s’exclamant bruyamment ; et les quelques vendeurs qui avaient entreposés leurs étalages à même le sol, sur les trottoirs, criaient à tout va pour attirer d’la clientèle. Le vendredi était surtout jour de brocante et de soldes. Chacun pouvait y dénicher son p’tit bonheur. J’voyais certains parents acheter des jouets à leurs enfants ou encore des maris offrir des bijoux à leur femme. Une ambiance paisible qui m’faisait plus plaisir qu’autre chose. J’accordais quelques fois des regards doux à la jeune Rachel, comme pour lui dire qu’elle pouvait m’demander tout c’qu’elle voulait. L’argent n’a jamais été un problème pour moi, heureusement. Très bientôt et après quelques minutes de marche dans le grand marché, nous arrivâmes devant une très belle vitrine où l’on pouvait voir de nombreuses armes et armures. Notre terminus se trouvait ici. L’enseigne du local n’était autre que deux épées se croisant sur une armoirie rouge. « C’est ici Rachel. Entrons ! » J’ouvris alors la porte de la boutique, et poussai la jeune fille à y entrer avant moi ; quand un énergumène sorti de nulle part, bondit sur nous comme une furie, ou sur moi, plus précisément.

              • NYAAAAH ! FENYAAANG-SAMA !!!!

              Un okama. Un putain d’okama malingre et défiguré par son maquillage à outrance, fonçait droit sur moi. Il s’agissait d’Ippon-Matsu III alias « Princess » comme il l’aimait qu’on l’appelle. Alors qu’il était à deux doigts de me prendre dans ses bras, j’lui enfonçai mon pied droit dans les couilles –Encore s’il en avait. L’homme… Ou plutôt l’type qui n’savait plus à quel « sexe » se vouer, se tint douloureusement l’entrejambe et s’écroula au sol en hurlant comme une mijaurée. Le brouhaha finit par attirer l’attention d’une personne qui venait calmement à nous. Il s’agissait du vieil Ippon-Matsu II, petits fils du célèbre Ippon-Matsu, celui-là même qui avait vendu des armes à l’héroïque capitaine Tashigi et à l’abominable Roronoa Zorro. En voyant son fils se tordre par terre et geindre comme un gamin, le vieil homme eut un soupir ; soupir qui se transforma très vite en sourire lorsqu’il me vit. « Hoho ! Quelle bonne surprise, Salem-kun ! » A sa voix, j’m’inclinai ma tête bien bas, sourire aux lèvres, tout en baissant celle de Rachel par ma main gauche, histoire qu’elle en fasse autant. Cet homme était un honorable maitre dans l’art de l’escrime. Bien qu’il ne m’ait jamais dispensé de leçons à proprement parler, il m’avait toujours prodigué de sages conseils qui payaient à chaque fois que je les appliquais rigoureusement. Ce pourquoi il avait toute ma considération et tout mon respect. « Oui, ça faisait longtemps… Sensei ! » Nous commençâmes à entamer une petite discussion, malgré les gémissements de son ignoble fils, jusqu’à ce qu’il pointe du doigt la jeune Rachel qui était à mes côtés.

              • Eh bien en fait, il s’agit de ma nouvelle petite protégée. J’ai décidé de parfaire moi-même son éducation. C’est d’ailleurs pour elle que nous sommes là. Elle veut un katana digne de ce nom et il n’y a personne de mieux placé que vous pour l’aider à choisir. Allez Rachel ! Présente-toi au vieux monsieur et dis lui ce que tu veux.

              Que j’lui disais en posant mes mains sur ses épaules frêles, sourire aux lèvres.
                Plus tard dans la journée, tandis que les deux voleurs qu'elle avait arrêté étaient briffés pour faire partie de la marine, sûrement la seule alternative qu'on leur proposait, Rachel, elle, suivait son instructeur, son mentor, à travers les rues de la ville. Elle avait beau dire. Elle avait beau faire. Mais elle aimait les marques d'attentions qu'il avait envers elle. C'était étrange de se sentir appréciée...aimée. Pas nouveau, certes, mais c'était différent. Peut-être que deux années à vivre avec pour seule compagnie un poteau, des liens et un soleil brûlant l'avaient tant renforcée rendaient toutes marques d'affections aussi étrangère que le porc au caramel. Non pas qu'elle y était insensible, mais... c'était étrange. Comme lorsque ses liens avaient rongé ses poignets jusqu'à ne plus pouvoir bouger ses doigts et ses mains. Lorsqu'ils la détachaient ces soirs-là, elle avait conscience des contacts, mais elle n'avait aucun ressenti sur sa peau. C'était un peu pareil. Les attentions et l'amour des Fenyang glissaient sur elle comme l'eau sur les plumes d'Un Canard.

                C'était la raison pour laquelle elle marchait derrière Salem, aujourd'hui, dans les rues. Elle se sentait triste et inutile. Ne pas pouvoir le leur rendre. Frapper un gamin pour le capturer, elle l'avait fait sans soucis. Mais elle n'avait jamais réussi à embrasser les joues roses de la femme de Salem. Ni même enlacé le corps musclé de son mentor. Et elle s'en voulait. Pourtant, lorsqu'ils furent arrivés à la fameuse boutique de vente de sabres de Logue Town, elle se surprit à sourire devant la vitrine. Avant qu'elle ne fut poussée à l'intérieur par Salem, le Caporal Blacrow jeta un regard alentours. Pour repérer les lieux. Et se rendre compte qu'elle n'avait pas vu le temps passer.

                Une fois à l'intérieur, elle eut droit à un simulacre de ballet. Entre un Okama et un Salem susceptible sur cette question. Rachel rit. Ensuite, ce fut au tour du vieil ollivander de se présenter. Enfin, elle n'avait pas réussi à se souvenir de son nom, alors ce serait Ollivander. Pourquoi Ollivander ? Bonne question. Vous lui poserez la question lorsque vous la verrez. Salem la pressa de lui dire ce qu'elle recherchait et face à cet homme de bonne facture et visiblement plus gentil que la plupart des commerçants du coin. Elle le dévisagea avant de se faire réprimander par son mentor pour ce signe de mauvaise éducation. Elle s'inclina en s'excusant puis se redressa, décidée à lui parler.

              -Bonjour monsieur ! J'aurais aimée avoir un petit sabre court. Un Kodashi, neuf, ou du moins de pas trop mauvaise facture. Et plutôt lourd si possible. J'aime bien sentir le poids de la lame à ma hanche. Termina-t-elle en jetant un regard souriant à son instructeur dans son dos.

                Le fameux vendeur d'armes, avec son éternel sourire, jeta un regard furtif en direction de Salem, comme pour avoir son assentiment. Pas bien nécessaire puisque de toute façon, c'était lui qui l'avait amenée ici et qu'il lui demandait de choisir ce qu'elle voulait. Le sourire de l'homme s'étira plus encore si c'était possible et marmonna quelques paroles pour lui-même, comme quoi c'était très bien d'avoir des envies précises, les kodashi sont vers le fond et où donc ais-je rangé mes lunettes. Il entraîna donc la toute jeune caporale vers le fond. La boutique s'était agrandie depuis les nombreuses années à occuper cette place privilégiée en ville. Elle était devenue un passage obligé pour tous les sabreurs. Du moins pour son histoire avec Zorro et Tashigi et pour toutes les autres pointures qui y étaient passées depuis. Rachel se mit même à rêver d'une carrière comme celle de Tashigi voire d'un sabre de grande qualité comme elle en possédait en son temps. Mais le vieux marchand ne proposa pas à rachel l'un des 21. Pas même l'un des 100 et quelques. Elle n'était pas calée en sabres de toute façon ; elle aimait juste leur maniabilité et leur poids à sa ceinture. Pour elle, Ollivander sortit plusieurs exemplaires. Des sabres courts, des lourds, des légers ou des courbés.

              -"Essaie celui-ci. 53,6cm de lame, légèrement courbée, garde en métal simple et poignée de bois d'acajou. Hum, non visiblement. Et celui-là ? 48,3cm, un peu plus court, presque un kilo à cause de la poignée en ivoire, plat. Hum, non plus. Et lui ? 45cm, très léger, courbure accentuée, garde en acier inoxydable... hum."

                Tout cela dura plusieurs longues minutes. Dix peut-être ? Voire vingt. Toujours était-il que Rachel sortit presque une demi-heure plus tard, un sabre emballé dans une pièce de tissu à la main et le sourire aux lèvres. Elle avait flashé sur un sabre à la lame et à la garde noire. Plus lourde, plus résistance et aussi plus chère. Heureusement que c'était Salem qui payait et que sa bourse était à la hauteur de son statut sur Logue Town. Lorsqu'il sortit à sa suite, elle se retourna vers lui, joyeuse comme un gardon que l'on remet à l'eau. Enfin, elle avait le sourire jusqu'aux oreilles quoi. C'est limite si elle ne dansait pas sur les pavés en sortant de la boutique, son sabre serré contre elle. Son tout nouveau sabre.

              -Merci de tout cœur, Salem Senpaï ! Dis... Maintenant que j'ai un vrai sabre et pas une relique de grenier... Je vais pouvoir te suivre sur les mers, n'est-ce pas ?

                Enfin une perspective plus qu'alléchante...


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                Pendant les quelques minutes où le maitre des lieux conseillait Rachel, j’m’efforçais de tenir Princess à distance. Sa mocheté et ses manières me dégoutaient et m’faisait frissonner. J’n’avais jamais, mais vraiment jamais réussi à saquer c’genre de personnes. Les okamas étaient tous des pourritures. J’attendais impatiemment l’moment de monter en grade pour un jour, lancer un buster call décisif sur l’île de Kamabakka. Dis comme ça, c’était p’être méchant et impitoyable, mais sur le coup, il n’y avait certainement pas plus homophobe que ma personne. J’aimais trop les femmes pour m’voir un jour entrain de m’abaisser devant un homme entrain de… Entrain de… Rien que l’idée en elle-même m’donnait la grosse envie de gerber comme pas possible. Des êtes abjects, des ignominies de la nature. Voilà comment j’voyais c’genre de personnes qui me répugnait véritablement. J’me demandais un peu comment le maitre avait pu laisser son fils dévier autant ; et c’était un peu par respect pour sa personne que j’ne le tabassais pas correctement. Mais si j’ne m’acharnais pas vraiment sur lui, rien n’m’empêchait de défendre mon orientation sexuelle et ma dignité de vrai mâle. Ce pourquoi j’n’hésitais jamais à lui flanquer des coups avec toute la véhémence du monde, et sans une seule once de pitié. C’est d’ailleurs c’que j’faisais pendant qu’Ollivander parlait à Rachel. J’lui infligeais quelques coups de pieds au bide, si bien qu’au retour des deux autres personnes, l’oKama était presque agonisant au sol. Pour ma part, j’fis vite de régler la note, remercier poliment le maitre, et sortir avec Rachel, avant qu’elle n’me pose la question fatidique que j’attendais depuis un moment…

                • Eh bien… Vu comment tu te débrouilles maintenant… Il n’y a plus de raisons que tu restes sur la touche, non ? Tu intègres officiellement mon équipage, caporale !

                J’finis par lui sourire, avant de passer une main paternelle dans les cheveux de la jeune brune. Elle n’perdait pas l’nord celle là. Pendant que je l’observais et que j’lui tirais gentiment les joues, j’entendis un dernier gémissement qui m’prévenait que Princess retrouvait peu à peu ses esprits, et c’n’était pas un bon signe pour sûr. Il n’allait sans doute pas tarder à courir après moi, c’qui n’était pas pour m’faire plaisir. C’est donc un peu craintif que j’pris l’une des mains de Rachel et que j’commençai à marcher dans les rues de Logue Town. Et comme j’le pressentais, il n’fit pas plus d’une minute pour que j’entende l’truc mi-homme mi-femme qui en avait après moi, criant mon nom dans l’avenue comme un écervelé. Mais qu’avais-je de plus que les autres hommes pour qu’il m’cherche autant ?! Ne pouvait-il pas m’lâcher à chaque fois que j’faisais mon apparition dans le secteur ?! Non mais parce qu’il fallait que j’me pose des questions, là. L’avait un gros problème, c’petit ! Et même que j’avais un peu peur pour l’avenir de la boutique de la lignée des Ippon-Matsu. J’comptais bifurquer vers une ruelle qui nous laisserait l’loisir de le semer, lorsqu’il cria une dernière fois mon nom, comme pour m’dire qu’il nous avait trouvé. Automatiquement, un violent spasme traversa tout mon corps. J’voulais prendre Rachel dans mes bras et commencer à courir comme un dératé, lorsque ma femme fit son apparition de j’ne sais où. Son regard dur et ses poings placés sur ses hanches dissuadèrent l’okama de faire un pas de plus. Un soulagement pour moi, vous pouvez pas savoir…

                • Combien de fois vais-je te répéter que Salem est à MOI ?!

                L’okama eut un sursaut qui en disait long sur ses états d’âmes. Il était pétrifié et totalement mort de peur. La voix criarde de la jeune albinos avait interpelé pas mal de personnes, si bien que les gens observaient dorénavant la scène en silence. Ma femme commença à s’avancer dangereusement vers le fils du maitre, tandis que j’me grattai la tête d’un air plutôt interrogateur. D’où est-ce qu’elle venait en fait ? Était-ce un gros hasard qu’elle soit ici ? A voir le paquet qui trainait à ses pieds, j’dirais que oui, mais dans tous les cas, elle m’sauvait vraiment la mise et c’était pas l’moment de rater une miette de c’qui allait s’passer. J’me mis à sourire béatement avant d’changer de mine en voyant l’visage de l’okama s’éclaircir. Sa peur s’était soudainement envolé et même qu’il commença à faire des pas menaçants vers ma femme. Une confrontation pour conquérir mon cœur. Qu’disaient certaines femmes près de nous. Comme si j’avais demandé quoi que soit, moi. J’me mis à remuer ma tête de gauche à droite d’une mine définitivement dépitée, quand j’entendis des bruits sourds. J’reportai mon attention à la scène avant d’voir Aisling bastonner son adversaire. Et ça cognait sec ! Lorsqu’elle se releva du ventre de sa victime en dépliant ses manches, ce dernier était complètement amoché. On n’distinguait même plus l’sang de son maquillage. Et c’est là que j’compris que ma femme pouvait être terrifiante quand elle était morte de jalousie. Quand elle reprit ses affaires et qu’elle arriva à notre niveau, j’eus des sueurs froides. J’crus qu’elle allait également m’passer à tabac vu l’arme que j’avais achetée pour Rachel, mais au lieu de ça…

                • On rentre ! Ce type me tape sur le système ! Bon sang… Et ça se dit homme avec ça !

                L’colonel poussa un soupir et se contenta ensuite d’faire un clin d’œil à sa jeune protégée. L’homme aurait bien voulu passer plus de temps avec Rachel, mais vu l’humeur de sa femme, il était sans doute mieux de faire comme elle l’avait dit. La caporale avait eu ce qu’elle voulait à force de travail et de persévérance. Un nouveau sabre et le droit de suivre son tuteur en pleine mer. Ledit tuteur eut un dernier sourire, avant de prendre la main de la jeune fille et suivre sa femme toujours en colère. Colère qui n’entachait cependant pas l’une de ses pensées profondes : L’avenir promettait pour cette petite famille…