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[ Iles touristiques] La justice... Mais en maillot de bain !




Comme un énorme oeuil rond, le soleil, immobile dans l’azur, fixait de son disque étincelant les îles perdues au milieu de l’océan. Sa hauteur, sa taille en faisait une sentinelle hors pair qui veillait sur les bandes de sable fin et blanc bordées d’émeraude, où on venait volontiers en vacances pour s’enduire d’huile et se presser comme des phoques. Ces îles paradisiaques bénéficiaient d’un climat doux et ensoleillé, ce qui ne faisait que donner un plus à un décor de cocotiers tellement cliché qu’on se croirait piégé au beau milieu d’une carte postale. Le soleil veillait sur lui. Tous les ans, des centaines de pigeons venaient rôtir sur les plages ou s’exhiber dans le dernier maillot de bain super-tendance. Ou pas, d’ailleurs, dans des criques reculées et indiquées par un panneau dissuadant les honnêtes gens d’aller plus loin. Le soleil veillait sur eux…

… En fait, selon les habitants des îles, le soleil, c’est juste le voyeur qui a trouvé le poste d’observation le plus imprenable du monde entier.


***


L’étrave du navire de Yudhisthira fendait une mer d’huile. Les voiles gonflées par le souffle divin du dieu des Vents, des Cyclones et du Parachutisme, il dépassa lentement les îles touristiques principales pour atteindre le port d’une île de taille beaucoup réduite et visiblement moins fréquentée. Sur le pont, le héros relisait rapidement la brochure qu’il avait achetée la veille. L’endroit où il allait ne l’intéressait pas particulièrement, mais on ne sait jamais : il y peut-être toujours une légende marrante à trainer dans le coin ; et puis de toute façon, on a l’air toujours bête quand on demande, par exemple, « menez-moi à votre chef ! » à un gus dans un pays en pleine guerre civile. Mais comme toutes les brochures publicitaires, elle n’était pas d’une aide particulière pour le héros :

L’île de Kana-Hiri est incontestablement le plus beau joyau de South Blue.

Sa situation idéale, son climat doux et ensoleillé toute l’année, ses eaux pures sauront vous séduire et vous emmener dans un séjour de rêve !

Seuls parmi toute la chaîne des îles touristiques, les hôteliers de Kana Hiri pratiquent des tarifs abordables par la grande majorité de la population (à partir de 50 000 berries/nuit) !

De nombreux services : restaurants, piscines, massages, stations thermales, pour une détente totale et une remise en forme intense ! Des terrains de sport, des stages et une multitude de propositions pour vous faire perdre les kilos en trop ! Des salles de réflexion, des cours de yoga et des casinos pour vous faire réfléchir au sens de la vie et vous apprendre à vous détacher des aspects matériels qui embourbent votre quotidien !

Enfin, un service de renseignement à toute épreuve pour ne pas laisser planer le moindre doute dans vos vacances ! La seule question que vous vous poserez sur place, c’est « pourquoi ne suis-je pas venu plus tôt ? » !

Depuis cette année, vous pourrez aussi visiter en VIP la ville des premiers colons, la plus grande de l’île !




La ville, c’était ça le problème : fouillant dans la poche de son kimono, le demi-dieu autoproclamé en ressortit un papier froissé, du genre qu’on prend, qu’on glisse dans une poche et qu’on oublie jusqu’à ce qu’on s’en souvienne, deux semaines plus tard, quand on le retrouve en centaines de petit morceaux mouillés éparpillés partout dans la machine à laver. Yudhisthira y jeta un coup d’oeuil rapide :

Une bande de malandrins sème le trouble dans l’île touristique de Kana-Hiri en se faisant passer pour des employés du célèbre mafioso Timuthé N. Tempiesta. La marine n’a pas été envoyée, car nous pensons que Ysete Kashe-Dosu, le principal actionnaire des structures hôtelières de l’île concurrente de Ba-Laihar, est dans le coup. Comme rien ne permet de l’affirmer et que l’homme a des soutiens politiques importants, votre mission consiste à : démanteler le réseau des pseudo-mafiosi ; déterminer si oui ou non, Ysete Kashe-Dosu est impliqué ; si c’est le cas, vous avez toute latitude pour mettre fin à son activité. Soyez discrets et ne perdez pas de temps : vous n’êtes pas là pour prendre des vacances !


***

Le débarquement s’était fait rapidement, et en peu de temps, Yudhisthira s’était retrouvé à déambuler dans les rues de la ville de Kana-Hiri. De ce qu’il avait suivi, il ne devait pas faire la mission tout seul. A priori, un agent qu'il prenait pour un personnage secondaire devait lui servir de faire-valoir. A cause d’une erreur de fiche, son renfort était membre du CP 9. A tous les coups, c’était encore une erreur d’un type de l’administration, qui était bourré à ce moment ou incompétent au point de ne plus faire la différence entre les CP. Après tout, 5 et 9, ça se ressemble, non ?

Tout en décochant des sourires colgate autour de lui, le héros déboucha sur une place noire de monde. Au centre, un attroupement entourait un homme vêtu d’un simple short de plage à palmiers orné d’une ceinture à laquelle pendaient un katana et deux pistolets, menacer l’humble marchand de nems de la boutique d’en face :

« Alors, on veut pas payer sa cotisation, hein, ordure ? Tu t’rebelles, c’est ça, fumier ? T’sais c’qui s’passe pour ceux qui respect’nt pas la loi du boss TnT, pourriture ? »
« M..m…mmmais je vous en prie ! » Répliqua l’autre, complètement paniqué. « C’est une question de temps, je le jure ! Revenez, dans u… deux semaines, et je vous assure… »

Mais l’homme en short se mit à le bourrer de coups de poings :

« Tu vas raquer, » PAN !
« enflure, » PAF !
« et maintenant ! P’rc’que » CHTONC !
« sinon, ma petite raclure, » VlAN !
« j’te promets qu’» … !
… !

Le pirate eu un moment d’hésitation. Puis il reprit :
« j’te promets qu’ » … !

Décidément, quelque chose clochait. C’était peut-être dû au fait que Yudhisthira, s’interposant héroïquement, avait attrapé son bras droit en plein vol et l’empêchait de bouger. En l’avisant, le truand ricana. Un enfoiré du justicier qui osait la ramener. Ca faisait longtemps, tiens ! Il fit signe à ses collègues, et cinq mastards vinrent menacer le demi-dieu autoproclamé, qui apparemment vivait dans un monde ou des désagréments tels que se faire tabasser à mort et être laissé pour compte dans une poubelle n’arrivait qu’aux autres. Bien entendu, Yudhisthira savait qu’il aurait dû attendre son collègue pour se renseigner sur place, établir une stratégie imparable et rentrer dans le lard des méchants avant qu’ils ne s’en soient rendus compte, dans la plus pure tradition du CP. Mais, c’est bien connu, un héros ne peut pas rester incognito plus de 5min dans un endroit. Il faut forcément qu’il se fasse remarquer partout où il va, de préférence en mettant un maximum de boxon dans l’endroit en question.

Comme si elle n'attendait que cet instant, une goutte de sueur se mit à perler sur le front du truand en short.
En entendant dans son dos les gros costauds sortir leurs dagues, Yudhisthira eu un grand sourire qui fit étinceler ses dents outrageusement blanches: il commençait à être dans la panade, la vraie…




Et, c’est classique, c’est dans ce genre de situation critique pour le héros que la cavalerie arrive pour lui sauver la mise. A temps, bien sûr. Il restait à espérer que l’autre était lui aussi au courant de cette obligation narrative...



    Cette île paradisiaque, refuge de la flibuste et autres écumeurs des mers, abritait un panorama idyllique, prêtant à la détente et l’inactivité sous toutes ces formes. La chaleur caniculaire, les cocktails aux petites ombrelles et autres plaisirs enchanteurs animaient ce lieu à l’atmosphère si particulière. C’était pourtant bel et bien sur ce plancher envoutant que Le nouvel agent du CP9 s’était vu confier son premier ordre de mission. L’âge du « cirage de pompes » aux coordinateurs de section était désormais révolu, il était dorénavant temps de faire preuve de son efficience et de sa valeur et ce en toute discrétion. Même si Kaitô ne souhaitait pas manifester ostensiblement son degré d’excitation, il n’en restait pas moins nerveux. C’était du sort de ce premier ordre de mission que sa carrière et ses promotions au sein de la brigade secrète du gouvernement dépendait. Son sang bouillonnait, son cœur de marbre frémissait comme à son premier battement, il avait bien l’intention de remplir les objectifs qui lui étaient vu confiés et si l’occasion s’y prêtait de faire un premier coup d’éclat parmi les rangs du Cipher Pol. Les détails vague et imprécis figurant sur l’ordre de mission laissaient de nombreuses questions en suspens. Quel était la véritable nature des activités opérées par ces imposteurs ? En quoi Timuthé N. Tempiesta et Ysete Kashe-Dosu serait reliés à ces hommes de bas étage ? Autant de questions sans réponses que Kaitô s’évertuerait à élucider et traiter avec la rigueur méthodique qu’on lui connait si bien.

    Cela faisait quelques jours maintenant qu’il avait gagné l’île, il aimait la ponctualité et avait la fâcheuse tendance à se rendre toujours trop tôt aux rendez-vous qu’il s’était vu fixé, quitte à devoir attendre sur place quelques minutes. Kaitô n’affectionnait pas particulièrement ces climats balnéaires où chaleur rime avec onde turquoise et transparente, originaire de l’endroit tristement connu comme le cimetière d’épaves, il n’était pas accoutumé à cette ambiance de divertissement où tout motif s’apparente à l’organisation de banquets et fêtes gigantesques parfois même à l’échelle de l’île toute entière. Par ailleurs, il considérait ce havre de tranquillité avec mépris, cette atmosphère bonne enfant n’était qu’un leurre, un oasis au centre d’un désert de conflits et de discorde. De la poudre aux yeux pour les touristes qui se faisaient extorquer leurs revenus, l’industrie du rêve et de l’éphémère en somme. Cette île n’était pas exempt d’affrontements comme on aurait pu le penser cependant la plupart des pirates avaient la décence de s’affronter à l’île suivante et veillaient à conserver le caractère hospitalier et subjuguant de cette île aux milles et unes merveilles. Je dis bien la plupart car des exceptions aux règles et normes établies subsistent toujours, l’exemple de la destruction intégrale de Spa Island par Monkey D. Luffy et son équipage témoigne du code d’honneur de cet homme sans scrupules, prêt à bafouer la règle ancestrale afin de s’élever contre le gouvernement mondial et surtout développer sa notoriété sur Grand Line à l’époque. Ces forbans avaient eux aussi besoin de repos et d’apaisement et ils avaient tout intérêt à conserver le patrimoine environnemental et historique de cet endroit. Kaitô n’était pas seul sur cette mission qui s’annonçait périlleuse et forte en rebondissements, l’un de ses homologues du CP5 était lui aussi de la partie. Il n’avait cependant aucune description du dit personnage, ni même la moindre idée des aptitudes de cet agent, il lui avait été fourni une unique liste de qualificatifs décrivant le quidam.

    Se dit issu de Dieu en personne, les traits d’un apollon, un habit grisâtre sans âge, un phare en guise de dentition une foi inébranlable en la justice quitte à se placer dans des situations problématiques…

    La liste continuait encore et encore à décrire la magnificence du personnage, ce papier avait dû être rédigé par l’une des secrétaires du Cipher Pol qui avaient dû tomber sous le charme ravageur de ce héros des temps modernes, , on comptait bien 200 mots à l’effigie de l’éphèbe. Tout portait à croire que Kaitô allait devoir s’associer à un demi-dieu mythologique.
    Kaitô s’interrogeait sur les raisons qui ont poussé le gouvernement à mettre un agent de sa brigade d’intelligence sur le coup. Sans doute devait-il escompter une malversation politique et financière d’envergure sous cette affaire obscure. Il n’avait pas l’habitude de travailler en coopération avec autrui, ses partenaires s’apparentaient davantage à des cibles plutôt qu’a des alliés d’intérêt. Kaitô avait appris à travailler seul et il voyait cette collaboration d’un mauvais œil. Cependant, il savait qu’il ne pourrait se risquer à des pertes humaines et même si il avait une certaine appréhension de leur rencontre prochaine, cet homme semblait sur de lui et devait disposer d’aptitudes particulières et d’une expérience certaine en la matière.

    Bientôt un brouhaha vint aux oreilles de Kaitô, un regroupement d’hommes autour d’un petit commerce de détail suscitait toutes les attentions. Il pensait qu’il s’agissait d’une vulgaire bataille comme il y en a temps, une mise en garde entre pirates d’acabit médiocre. Après plus mûre observation de la scène, un homme s’était interposé à la correction d’un honnête marchand. 5 bestiaux aux allures de loubards avaient surgit à son insu, dégainant leurs armes blanches pour régler son compte à l’intervention héroïque de l’individu. Du raquette, rien que ca, cette île était décidément pas épargné par les vices qui grouillent là au dehors de ce cadre bucolique. Kaitô eut dés lors un éclair de lucidité, il avait tout du preux protagoniste qu’on lui avait décrit dans son ordre de mission : Habît grisâtre, la silhouette et le visage de séducteur de ces dames et surtout ce don particulier pour s’exposer à des situations hasardeuses. La mission débutait sur des chapeaux de roues et les circonstances ne se prêtaient pas à la discussion avec ce nouvel acolyte. Kaitô ne pouvait laisser ces brutes épaisses lui faire la peau, l’enjeu était trop important et sa ferveur pour la justice en toutes choses l’obligeait à agir. Le public littéralement ébranlé par les circonstances de la situation restait de marbre et silencieux par peur que l’un de ceux qui le composait soit le suivant

    « On va te faire ta fête petit malin, fallait pas jouer les héros avec nous. A croire que tu ne connais pas les hommes de main de Timuthé N. Tempiesta. Hahahaha, fais tes prières ! »

    Kaitô rentra en scène et asséna d’imposants uppercuts sur les zones vulnérables de ces molosses autoproclamés, le premier au cou, le second au genou et avant d’asséner le dernier dans l’estomac de ses adversaires, il les désarma par un simple geste d’anticipation. Leurs corps vinrent s’écraser violemment sur un mur de briques blanches dans un fracas assourdissant, laissant place à un nuage de poussière dans l’atmosphère. Dés lors, Kaitô lanca un regard vif et complice à ce nouveau partenaire, comme pour mesurer sa volonté et ses facultés puis il déclara :

    « Ce lieu de rendez-vous n’était pas celui qu’il était convenu. J’espère que tu ne me réserves pas d’autres coups comme ceux-là, collègue »

    • https://www.onepiece-requiem.net/t4356-un-veteran-du-cipher-pol#4


    Comme dans un ballet bien orchestré, le nouveau venu se débarrassa en quelques gestes des loubards, dont le rôle se limitait visiblement à rester debout comme des potiches en attendant de se faire régler leur compte. Yudhisthira sourit, d’un sourire à faire chavirer non pas les cœurs, mais selon certains, les navires. La cavalerie venait d’arriver ; et à priori, c’était de la cavalerie lourde.


    La cavalerie s’adressa à lui en l’appelant « collègue ». Lui aussi, c’était un héros ? Un héros bien caché alors, un de ceux qui sont du type « Je fais semblant d’être un larbin, et je sauve la planète sans qu’elle ne s’en rende compte ». D’ailleurs, le gus collait bien à l’idée qu’on se fait de ce genre de héros : un costume neutre, une expression neutre, une façon de s’exprimer neutre, comme si il avait imaginé des curseurs définissant les caractéristiques d’une personne, et s’était appliqué à tous les régler sur « zéro ». Mis à part son regard, un peu plus expressif que le reste, ce qui n’était au demeurant pas très dur, tout son maintien semblait vouloir dire : « oublie que tu m’a vu ». Cependant, il dégageait une impression de déjà-vu… Yudhisthira était habitué à jauger le regard de la foule, pour savoir si on apprécie son action héroïque à sa juste valeur. Or, les gens le regardaient lui, posaient ensuite leur regard sur son vis-à-vis, paraissaient fouiller leur mémoire un instant, puis passaient leur chemin en haussant les épaules. Après tout, c’était peut-être dû à son boulot, consistant sans doute à lutter contre des créatures inconnues et qui gagnent à le rester. Et Yudhisthira savait pertinemment que les agents du CP9 étaient des « hommes en noir » !


    Yudhisthira avait toujours eu du mal à saisir ce concept : quand on fait une action d’éclat, autant en faire profiter un maximum de personnes ! Mais il ne se faisait pas de bile pour lui. De toute façon, ce genre de héros finit toujours par commettre une indiscrétion qui perce à jour son identité ou son activité secrète. On n’est pas un héros si il n’y a pas quelqu’un, quelque part, qui sait que vous en êtes un.


    Le crâne bourdonnant de toutes ces considérations méta-héroïques, Yudhisthira se souvint tout à coup qu’il tenait toujours le chef des cinq loubards. D’une certaine manière c’était étrange de le trouver encore là : dans tout bon récit au scénario un minimum bien ficelé, un méchant prisonnier comme ça aurait profité de ce moment de latence du héros pour tenter de l’attaquer à coup de katana ou de pistolet ; à défaut, sachant que de toute façon il ne pourrait pas gagner, il aurait au moins pu faire l’effort de s’enfuir, en ne laissant dans la main de son adversaire que la manche de sa chemise ; mais le fait de se balader en simple short de plage pour faire valoir ses tablettes de chocolat ne facilitait sûrement pas l’opération.


    D’un mouvement sec, le demi-dieu autoproclamé plaqua l’homme contre le mur le plus proche :

    « Bon, c’est le moment de parler : qui es-tu ? Tu dis que Tempiesta est ton chef ; où est-il ? Parle ! J’ai un collègue violent, et je n’hésiterai pas à m’en servir ! Si tu ne veux rien dire, je le lâche ! »

    Le bandit hésita, jeta un coup d’oeuil vers Astuji, faillit dire « Mais de toute façon, rien ne le retient ! », et se ravisa, au cas où il remarquerait que c’était effectivement le cas. Il avait vu le sort de ses sous-fifres, et ne tenait pas à finir comme eux. D’ailleurs, il avait pleinement conscience d’être un pnj destiné, selon l’intéressante théorie que Munster Fonduslip a développée dans sa présentation, à se faire tabasser par le héros. Simplement, et c’est une variante importante de ladite théorie, il ne pourrait pas repartir par ses propres moyens, et il n’aurait pas de figurant moins abimé que lui pour le trainer, lui. Aussi se décida-il :

    « Ok, ok, déch… m’sieur. J’m’appelle Iwa Sentire, pôv’ ta… m’sieur. Chuis pas un grand ponte de l’organisation, enf… m’sieur. Mais j’sais qu’on s’réuni au bis… »

    Bang !

    Un coup de tonnerre traversa la place l’espace d’un instant, réglant définitivement pour Iwa Sentire la question de savoir comment il allait rentrer chez lui. Yudhisthira eut une grimace. Pas de pitié, ni de déception, mais une grimace blasée : comment avait-il pu croire, alors qu’on n’était qu’au début de l’histoire, qu’un méchant prisonnier allait pouvoir faire des révélations intéressantes sans se faire liquider, juste au moment où ce qu’il disait devenait important ? Parce que c’est une constante quand on veut entretenir le suspense : il faut que le méchant prisonnier se fasse liquider exactement au moment où il va dire quelque chose de compromettant. A croire que tous les types chargés d’éliminer leurs complices un peu trop bavards ont un sens aigu de la mise en scène et des réflexes de serpent ! On peut aussi se demander comment ils font pour rester à portée d’oreille tout en étant assez loin pour ne même pas se faire voir une fois qu’ils ont tiré. C’est vrai qu’en général, la tradition veut que de telles scènes impliquent une aiguille empoisonnée et donc silencieuse ; mais elle est assez laxiste sur ce dernier point.


    Laissant retomber le cadavre d’Iwa Sentire, Yudhisthira se retourna vers son collègue :

    « Bon, ben on n’a plus qu’à le faire à l’ancienne : on va chacun de notre côté et on cherche des renseignements ? On peut se retrouver là d’ici… »

    Le jeune demi-dieu hésita. Glaner des renseignements, c’est pas très héroïque ; alors autant ne pas y passer trop de temps.

    « … Bon, deux heures, deux heures et demi grand max’, ça te va ? »

    De toute façon, de son point de vue, si il n’avait rien découvert d’ici deux heures, c’est qu’il n’y avait tout simplement rien à trouver et il faudrait s’y prendre autrement. Sur un signe de la main, les deux agents du gouvernement se séparèrent et prirent chacun la direction opposée. Une silhouette noire, qui les observait depuis l’abri procuré par l’ombre d’une ruelle menant à la place, s’enfonça à nouveau dans l’obscurité. Elle sourit, car elle sentait que ça ajoutait beaucoup à l’effet dramatique. Puis, réajustant à sa ceinture le tube et les fléchettes dont elle n’avait jamais su se servir correctement, elle se mit en devoir de suivre… Atsuji Kaitô, tiens.



    ***


    Une heure et demie avait passé, et Yudhisthra cherchait toujours avec l’énergie d’un héros dont la patience est mise à rude épreuve. Personne ne semblait, même pas ne pas vouloir parler de la bande, mais tout simplement personne ne semblait la connaître. Le héros de base apprend vite à avoir des renseignements sur quelque chose qui terrifie les gens du cru, et dont ils ne veulent pas parler. En général, on s’en rend vite compte quand on est accueilli par un : « Non non non, señor ! Je ne les connais pas señor ! Je veux pas savoir qui ils sont ! Maintenant partez señor ! », ce qui est hautement suspect. Mais là, les touristes avaient l’air de ne réellement pas connaître la terrible bande. Ou alors, c’étaient des comédiens de premier ordre.

    Malgré cela, il persévérait à interroger les gens sur la plage.

    Yudhisthira en pleine action:


    Au bout d’un moment, son attention fut attirée par une dame qui lui faisait signe :

    « Jeune homme ! Jeune homme, dites-moi, auriez-vous l’ôbligeance de m‘aider ? »

    Le demi-dieu détailla la femme, qui ne rentrait pas dans les standards avec lesquels il avait l’habitude de traiter, lesquels étaient plutôt du genre « princesse blonde et anorexique en détresse» : il faut dire que Temari Ehaki n’avait pas les caractéristiques d’une princesse : d’un âge inconnu, parce qu’on ne demande pas son âge à une dame, mais certainement bien au-dessus de la quarantaine qu’elle se plaît à annoncer, elle se maquillait quand même à coup de truelle et se vernissait toujours les ongles en rouge, dans l’espoir de faire plus jeune. Elle était tout sauf anorexique : en fait, son entourage la soupçonnait d’avoir servi de modèle pour les statues des Déesses-Mères de la Préhistoire. Elle n’était pas blonde non plus : elle arborait la chevelure roux flamboyant caractéristique de ceux qui utilisent le colorant sans modération. Par contre, elle était en détresse : ça faisait au moins cinq minutes qu’elle luttait de toutes ses forces de faible femme pour ouvrir son parasol.

    Après que son sauveur eut volé à sa rescousse, elle engagea la conversation, ou plutôt elle commença à raconter sa vie :

    « Vous êtes vraiment un jeune homme âdorâble ! J’ai demandé de l’aide à Touout le monde, et pêrsonne n’a voulu m’aider ! Vous comprenez, je prends facilement des coups de soleil, et si je n’ai pas mon parasol, je ressemble à une écrevisse en deueux coups de cuiller à pot ! Hi hi ! »

    Yudhisthira écouta distraitement. Il ne savait pas quelle heure il était, mais étrangement, il sentait que ça allait bientôt être le moment de partir loin pour rejoindre son collègue. Mais Temari Ehaki poursuivait son récit, sans que rien ne puisse l’arrêter :

    « Jeu ne viens pas souvent ici, vous comprenez, c’est bieeen trop cher ! Mais bon, mon mari, qui est colonel d’élite dans la marine, a une mission dans le coin, et tous les deux, on a profité ! C’est teeeell’ment rare les vacances avec lui ! C’est qu’il est occupé, mon colonel de mari ! Courir après les pirates, râler après ses subordonnés, tout ce genre de choses, vous voyez ? Alors, je me suis dit, puisqu’il poursuivait un forban sur une île touristique, autant que je le suive et que je passe de bonnes vacances, pour une fois ! »

    Le héros sourit d’un air poli et compassé. C’était pas son genre, à lui, de confondre vacances et boulot. Un héros, un vrai, ne prend jamais de repos ! La femme du colonel continua de roucouler tout en faisant de grands gestes et sans reprendre son souffle :

    « Et puis, on a besoin de soutien quand on est un justicier ! C’est bien beau de courir après tous les malfrats, mais même un colonel, ça a besoin de l’amour de sa femme ! Qui l’écoute quand il rentre taaard le soir et meurt d’envie de raconter sa journée ? Tenez, là, il est à la poursuite d’un homme dont il a suivi la trace sur touout le Blue, et qui s’est arrêté ici ! Mon mari –il est colonel, vous savez- croit qu’il a été engagé dans une bande qui sévit ici ! C’est vrai qu’il y a beaucoup de loubards, ici, vous ne trouvez pas ? »

    Yudhisthira était proprement impressionné. Temari Ehaki était en apnée depuis une bonne demi-heure, et ne paraissait pas se sentir mal. Elle avait un tel débit de parole, que son discours en devenait presque physique ! Le jeune héros se surprit à se demander si son mari ne s’en servait pas parfois comme leurre, pour distraire un garde par exemple : « vas-y, chérie, je n’ai besoin que de trois ou quatre heures ! ». A moins qu’il ne l’utilise pendant les combats, pour agresser les oreilles de ses ennemis. Le demi-dieu autoproclamé tenta de réaliser un tekkai héroïque partiel sur ses propres oreilles, pour résister. Rien à faire. Elle pérorait toujours, de l’air ravi de celle qui a enfin trouvé un malhereux pour l’écouter :

    « Tenez, pour mon parasol : j’ai vououlu demander au groupes de jeunes gens, là-bas. Mais rien à faire ! Il se sont contentés de rire, et de me laisser à mon triiiste sort ! Si c’est pas malheureux ! Et vous trouvez ça normal, vous, de se balader avec des armes partout comme ça ? Sans que persooonne ne leur dise rien ? Moi, je trouve qu’on devrait les punir ! Je ne sais pas ce que font les responsables de l’île, mais ils devraient intervenir ! Ce genre de choses, ça fait fuir les honnêtes gens ! Mon mari, s’il voyait ça, il serait furieux ! Au fait, je vous ai dit que mon mari était colonel d’élite dans la marine ? »

    C’est vrai qu’ils avaient l’air louche, ces gars. Tout son instinct de héros disait à Yudhisthira que ces gars-là étaient des méchants. Pas des gros, mais des méchants quand même. Mieux, c’étaient LES méchants. Et ils quittaient le sable pour s’enfoncer vers la ville. Le demi-dieu n’hésita pas. Prenant congé poliment mais avec une fermeté inébranlable de la grosse dame, il enfila son kimono, et se mit à leur suite. Au bout de dix mètres il hésita, fit demi-tour prit son cocktail et repartit derrière le groupe louche en sirotant le liquide jaune fluo.

    Il ne savait pas trop où ça le mènerait, mais il savait que ce serait forcément au bon endroit. Un fugitif sentiment de culpabilité l’informa qu’il aurait peut-être dû trouver un moyen de prévenir son collègue ; mais il était sûr qu’il réussirait à le retrouver au moment où il faudrait commencer à cogner sur les méchants. Comment, ça, c’était son problème !
      « … Bon, deux heures, deux heures et demi grand max’, ça te va ? »

      Yudhistirha paraissait confiant comme si cet assassinat inopiné attestait que le tandem était bel et bien sur une piste prometteuse. 2h ou même 2H30 constituait un laps de temps suffisant pour collecter de précieuses informations. L’agitation générale des autochtones qui avait suivi l’homicide rendait la chose plus inconfortable pour les deux agents. Les meurtriers avaient eu tout le loisir de disparaitre dans cette foule compacte et inextricable tout en se débarrassant des preuves tangibles de leurs interventions dans ces assassinats. Ils ne pouvaient être inquiétés et les maigres indices jouaient en la faveur de ces malfaiteurs. Quoi qu’il en soit, ca ne ressemblait pas au mode opératoire de la mafia Tempiesta, ces types auraient saisit cette opportunité pour concocter ce dont ils savent faire le mieux : des explosifs. Ils auraient délibérément fait sauter toute la place à coup de C4 afin de réduire à néant ces investigateurs peu scrupuleux. Kaitô pensait intimement que même si il était trop tôt pour l’affirmer, la thèse de la mafia Tempiesta dans cette affaire semblait dorénavant à écarter. Par ailleurs, le niveau de ces quelques hommes de main était loin de refléter les véritables aptitudes des sbires de Tempiesta. Ils n’avaient même pas la carrure ni la jugeote pour faire partie de cette famille mafieuse. Cet homme défunt, Iwa Sentire, avait lors de ces ultimes paroles évoqué l’entreprise de ces présupposés loubards comme « une organisation ». Le terme « organisation » ne laissait présager rien de bon, Kaitô supputait l’idée que ces hommes aient institué un dense réseau de malfrats et voleurs en tous genres. Il voulait en avoir le cœur net et ne pourrait dormir la conscience tranquille sans s’en assurer.

      Les deux hommes empruntèrent des directions différentes pour maximiser le champ d’investigation. Kaitô espérait vivement que son collègue à l’émail diamant ne se fourre une nouvelle fois dans la panade. Auquel cas, il ne pourrait rien faire pour son sort si ce n’est ramener sa carcasse inanimé au quartier général. L’agent du CP9 savait que son confrère pouvait faire abstraction de tous ces effets héroïques pour l’application de la justice. Ils partageaient tous deux ce même désir ardent de justice et de probité. Kaitô s’engouffra dans un dédale de petites ruelles sinueuses pourtant loin d’être sinistres. Ces petites ruelles étaient la face ombragée de l’opulence de cette île, le revers de la médaille, la partie immergé de l’iceberg où avait élu domicile tous les reclus pauvres et démuni de cette contrée. Kaitô battait le pavé d’un pas vif et soutenu, examinant précautionneusement son environnement pour trouver un quelconque indice l’amenant à remonter la piste de ces malfrats. Il s’aperçut bientôt qu’une ombre furtive se déplaçait à son insu et épiait le moindre de ses agissements. L’individu devait être un adepte de l’espionnage et bénéficier d’une expérience certaine en filature tant ses mouvements étaient hasardeux à prédire. Il se faufilait ca et là dans les zones d’ombre et les recoins sinueux que lui offraient ces ruelles pittoresques. Kaitô dut recourir à son tour à quelques ruses pour semer son opposant et le prendre à son jeu. Au détour d’une allée, l’agent du CP9 donna sa veste à un mendiant avachi sur le sol sablonneux. L’espion ne put se rendre compte de cet échange de vêtement et ne put apercevoir que la silhouette d’un homme, arborant le vêtement de Kaitô. Le piège tendu trouva pointure à son pied, l’homme suivit le supposé mendiant, pensant qu’il s’agissait de l’agent du CP9 et lorsqu’il se rendit compte de la supercherie, il était déjà trop tard. Kaitô s’était subtilisé à sa vigilance et apparaissait dans l’ombre d’un parvis.

      « Plutôt bas de gamme comme filature, l’ami. Une ruse banale à suffit à te berner. J’ai pas de temps à perdre avec la bienséance et bon autant te dire que la torture au CP9, elle est devenue monnaie courante. Ton lien avec la mafia Tempiesta ? Le motif de ta filature ? «

      Bien entendu, l’homme resta de marbre, se permettant même d’afficher ce genre de petit sourire mesquin qui fait émerger en vous un sentiment de violence sans précédent. Ce refus d’obtempérer allait devoir se traduire par des sévices corporels… une fois de plus. Cette optique était loin de déplaire à Kaitô cependant cet interrogatoire sera opéré d’une manière express. La ponctualité de son rendez-vous avec Yudhistirha oblige. Kaitô affectionne l’opportunité de mener ce type d’interrogatoire. En l’espace de quelques instants, il troque son costume d’assassin pour celui de Mister Hyde. Il expérimente les limites du corps humain et de la souffrance qui en résulte en fonction des sévices affligés. Ces interrogatoires lui permettent aussi d’assouvir les aspects les plus noirs de sa personnalité et de faire subir à son captif et en toute impunité la justice divine de Kaitô. Cela constitue une sorte de défouloir dont la seule limite est l’imagination de l’agent du CP9 et dieu sait qu’il trouve toujours de nouveaux supplices pour ses proies.
      Kaitô s’éxécuta et immobilisa les membres supérieurs de son adversaire avec de solides fils d’acier. Il attacha l’homme en suspension à une corde et désolidarisa une gaine de fils électrique du compteur électrique à proximité.

      « Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Réponds à mes questions ou je te transforme en l’équivalent de Flash Gordon sans le costume. un petit voltage sur l’épiderme te remettra les idées en place peut-être ? »

      Tandis que Kaitô rapprochait progressivement, l’homme voyait sa vie défiler devant ses yeux et se mit enfin à table.

      « La mafia de Tempiesta n’est qu’une histoire inventé de toutes pièces. Le bandit ne sait même pas que l’on existe. Une réunion hebdomadaire se tient tous les jeudis dans une cave souterraine au 19 bis rue du contrebandier. Nous ne sommes que… »

      Un coup de feu retentit et mit fin une nouvelle fois aux aveux du désormais défunt personnage. Au regard de l’inclinaison du tir, le tireur devait avoir tiré une salve à partir de la toiture. Il était trop tard pour que Kaitô se livre à une course poursuite sur les toits. De plus, le temps écoulé obligeait Kaitô à revenir sur ses pas pour rejoindre son acolyte et lui faire part de ses informations inédites. Une marche d’une trentaine de minutes s’ensuivit et Kaitô rallia bientôt le point de rendez-vous de la petite échauffourée du doublet. Il était convaincu que Yudhistirha avait lui aussi quelque chose à se mettre sous la dent et qu’a tous deux, ils pourraient éclaircir la trame de cette histoire.

      « Qu'est-ce que ça a donné de ton côté? Pas de nouvelles, bonnes nouvelles?»
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      Fendant la foule avec une grâce et une détermination toute héroïque, Yudhisthira filait son groupe de loubards à travers les rues de la ville. Ce n’était pas dur, car ces derniers ne paraissaient pas suspecter la moindre filature. Au contraire, ils faisaient le plus d’effort possible pour se montrer et se mettre en valeur, au point que même un gus blond en kimono gris, sirotant à coups de paille son cocktail, ne paraissait pas étrange en leur collant au train.

      Le groupe n’était pas pressé, leur principale occupation dans la vie semblant être celle consistant à déambuler dans les rues en bousculant les touristes moins grands et moins baraqués. Après avoir traîné longuement sur la croisette, être passé par la rue regroupant tous les restaurants et avoir paradé devant les structures de sport, ils s’étaient enfoncés plus profondément dans la ville, enfilant au hasard les avenues desservant les hôtels de luxe, l’air innocent et les mains dans les poches, mais l’esprit vif et l’œil aux aguets. Ils étaient connus dans le coin comme des voyous notoires, et de toute façon ils ne volaient jamais à l’intérieur même des hôtels ; mais, tradition oblige, ils devaient toujours avoir l’air de préparer un mauvais coup : ils avaient une réputation à tenir.

      Au bout d’un moment, exactement à l’instant où Yudhisthira commençait à se dire qu’ils n’avaient peut-être en fait rien à voir avec la bande qu’il recherchait, ils parurent se concerter, vérifièrent l’heure, puis ils repartirent d’un pas rapide vers les quartiers moins touristiques. Leur attitude avait changé : ils ne marchaient plus au hasard, mais coupaient directement pour arriver au plus court. Enfilant rapidement les ruelles, le demi-dieu se retrouva, derrière eux, à un endroit vaguement connu. Les corps étaient partis on ne sait comment, et la place avait retrouvé son animation normale, mais c’était bien elle : les marchands marchandaient les chalands marchant d’une démarche chaloupée et les badauds… badinaient, mais c’était bien le lieu où il avait rendez-vous avec son collègue. Haussant la tête et se concentrant pour pouvoir mieux apercevoir le groupe qu’il filait, le héros se frayait un passage parmi la masse dense des gens qui n’avaient rien de plus intéressant à faire que de se balader ici, quand il entendit prononcer à côté de lui :

      « Qu'est-ce que ça a donné de ton côté? Pas de nouvelles, bonnes nouvelles?»

      Le héros s’arrêta, se retourna vers son coéquipier, lui adressa un sourire de circonstance à 50 carats, et lui dit:

      « Tu tombes bien ! Suis-moi, on file ces gars, là-bas ! »

      Et il lui mit dans les mains son cocktail encore à moitié plein, pour lui procurer un semblant de déguisement, et faire passer son curseur « détente » de 0 à 5, voire 10. Puis il se remit en marche. Il se rendait bien compte que donner un verre plein d’un douteux liquide jaune fluo à type vêtu d’un costard et qui refoulait plus ou moins bien ses graves tendances sadiques était un déguisement plus que limité, mais il n’avait pas suffisamment d’imagination pour faire plus. En effet, rares sont les héros qui s’y connaissent en déguisement, autant pour les concevoir que pour les percer à jour. Ce sont plutôt les méchants qui se travestissent, et en général pas très bien non plus. Mais ce n’est toujours qu’aux ¾ de l’histoire qu’on découvre que ce type avec une grosse barbe et des lunettes à verre fumé est le méchant, à moins que ce dernier ne révèle lui-même son identité au héros étonné qui s’écrie alors : « Bon sang, c’est lui ? Je ne m’en serais jamais douté ! ».

      Malgré tout, et heureusement pour les superhéros et demi-dieux, quand ils décident de filer quelqu’un, il n’y a que deux possibilités: la première, c’est quand contre toute attente, le héros n’est pas repéré, parce que les méchants sont aussi bigleux que des taupes. Dans ce cas, le personnage principal de l’histoire a l’occasion de s’infiltrer et de se trouver une bonne cachette qui lui permet de tout voir et de toute entendre de la réunion secrète des gros méchants qui se déroule comme par hasard à ce moment-là. Ensuite, il balance une réplique classe au bon moment, et sort de sa cachette pour aller se friter avec les vilains en question. Quant à la deuxième…


      ***

      Les deux agents du CP finirent par arriver 19 bis, rue du Contrebandier. Ce n’est jamais une bonne idée d’appeler une rue avec ce type de nom, car il semble que ça les prédestine à être le théâtre d’activité malhonnêtes. C’est grâce aux petits malins qui veulent se la jouer en appelant leur impasse « rue de la Bande des Bandits à Billy » que la police locale sait exactement où chercher. Alors qui si ladite bande avait trouvé un local dans la « rue des Lilas », juste à côté, hé ben, la police, elle aurait été bien embêtée. Yudhisthira ne pouvait pas s’empêcher de penser que pour une île touristique, ce n’était pas très malin de nommer une rue d’après des criminels ; à moins que ce ne soit une nouvelle attraction pour touriste n’ayant pas froid aux yeux ?

      Ceci dit, c’est vrai que le nom de la rue reflétait bien le genre d’activité qu’elle pouvait abriter. Une personne un peu moins optimiste que Yudhisthira n’aurait pas manqué de faire remarquer que la ruelle, étroite et sinueuse, était un cimetière de bateau pour tous les naufragés de la vie, où ceux que le développement du tourisme avaient déclassé : artisans, commerçants malchanceux, indigènes, exclus, drogués, alcooliques, épaves en tous genres venaient s’échouer. Ici, les rues suintaient la misère. Ici, les gens marchaient d’un pas rapide, le visage hâve et l’air maladif. Ici pourtant, malgré l’indigence ambiante, il n’y avait pas de mendiants : non seulement personne ne leur donnerait rien, mais en plus ils courraient le risque de se faire attaquer et voler leur gamelle à sous, des fois qu’elle aurait un peu de valeur.
      De la rue du contrebandier, on aurait aussi pu certainement dire que c’était la rue de tous les vices : si l’endroit ne puait pas la pauvreté, c’est que l’odeur du vin rouge bon marché était bien plus forte. Yudhisthira observait avec sollicitude une pauvre jeune femme avait de grandes chances d’attraper un rhume, et ce que les gens avaient dans les mégots qui pendaient de leurs lèvres n’était sûrement pas du simple tabac (sûrement pas de la drogue non plus, d’ailleurs. Bien trop cher).
      Une personne dotée d’un minimum du sens de la justice ne pourrait s’empêcher de faire des remarques philosophiques sur l’inégalité des conditions humaines, de la vie qui ressemble à un décor de théâtre, et la mention d’iceberg aurait sûrement été de circonstance si seulement il ne faisait pas bien trop chaud pour que l’on ait une chance d’en croiser un sous ces latitudes. Cette personne dotée du sens de la justice n’aurait pas pu s’empêcher d’avoir une pensée mêlée de dégoût à ce spectacle, mais en pensant à la vacuité, à la vanité des touristes et de tout le décorum bling-bling à peine 20 mètres plus loin.
      Yudhisthira, lui, trouvait simplement que cet endroit était un cadre parfait pour ses aventures.

      L’avantage de ce type de ruelle, c’était qu’elle offrait un bon camouflage pour toute activité un tant soit peu en marge de la loi : la garde locale ne viendrait jamais se risquer là. Aussi, le gérant du bar situé au 19 bis était connu pour n’être pas regardant sur la clientèle, et pour fermer carrément les yeux sur la provenance de la monnaie utilisée pour le payer. En échange, la clientèle se bouchait le nez au moment d’avaler le contenu de son verre, et évitait de faire des remarques désobligeantes sur le contenu. Ainsi, il attirait des gens qui n’étaient pas aussi pauvres que le reste de la population de la rue, et qui avaient de bonnes raisons de cacher pourquoi s’était le cas.

      Les voyous que suivaient les deux agents du CP entraient dans cette catégorie ; apparemment toujours sans un regard derrière eux, ils pénétrèrent dans le bar. Après un regard à son collègue, Yudhisthira leur emboita le pas, avec l’assurance du héros qui est persuadé que les tuiles ne tombent que sur les PNJ.

      L’intérieur du bistro était bien accordé à l’image qu’en donnait l’extérieur : celle d’un boui-boui bien crado. Une vingtaine de personnes était assises un peu partout, mais le demi-dieu autoproclamé porta son attention sur les loubards, qui avaient pris place, en faisant le plus de bruit possible et en raclant bien les chaises, à la table la plus proche de la sortie de service. Un héros est toujours à l’aise partout ; aussi, c’est de son air le plus naturel que Yudhisthira avança vers le bar pour commander une pression. Il se vit servir un verre rempli d’un liquide particulièrement suspect, et pas seulement à cause de la mouche qui flottait au-dessus. Au moment où son collègue s’accoudait à son tour sur le zinc crasseux, la porte de service s’ouvrit, révélant un escalier descendant vers les profondeurs d’une cave. Un homme bâti en armoire à glace en sortit, son air de baroudeur encore accentué par les lumières qui mettaient en valeur un réseau de cicatrices qui pourraient tout aussi bien servir de plan pour les rues d’une ville de la taille d’une mégalopole, périphérique compris ; il s’approcha à longues enjambées de la table des loubards, et, s’appuyant de ses deux poings dessus, il fit entendre une profonde voix de basse :

      « Vous pouvez descendre, les gars, on va bientôt commencer. Le boss est là ».

      Et, alors qu’ils s’exécutaient, le nouveau venu poursuivit :

      « Moi, je m’occupe de nos… visiteurs »

      Et alors qu’il se saisissait d’une barre à mine cachée derrière le comptoir, tous les autres consommateurs de bar, qui jusque-là avaient fait semblant de n’être que des consommateurs lambda, se levèrent à leur tour et se tournèrent d’un air menaçant contre les deux agents du gouvernement. Ils formèrent un cercle autour d’eux et se rapprochèrent lentement, parce que quand on fait face à des adversaires violents, le mieux est de laisser passer le copain d’abord ; puis, comme un seul homme, ils se précipitèrent sur le héros et le sado. Yudhisthira se défendit, mais sans trop de conviction ; car la deuxième solution à une filature opérée par le héros se termine invariablement par la capture de ce dernier. Et en effet, à un choc sourd à la base du crâne du héros suivit bientôt une courte chute, alors que le décor s’assombrissait et sombrait dans le noir…


      ***


      Yudhisthira se réveilla avec un léger mal de tête ; ce n’était pas très grave, car cette seule mention, à laquelle on peut parfois ajouter l’impression d’avoir des éléphants dans le crâne qui dansent la rumba, a en général plus d’effet qu’un cachet d’aspirine : un héros n’a toujours mal à la tête que le temps de le dire ; ensuite, il se porte à nouveau comme un ange. En tentant de se relever, Yudhisthira s’aperçut qu’il était ligoté, à priori dans une pièce sombre et fermée par une porte que seule une chute de météorites semblaient pouvoir déloger. Le jeune demi-dieu sourit.


      C’est quand les héros sont entièrement à la merci d’un ennemi, qu’ils sont le plus dangereux pour lui.


      Dernière édition par Yudhisthira Dharma le Mar 17 Avr 2012 - 0:00, édité 1 fois (Raison : chai pas. Il en faut une ?)
        Le bistrot malfamé était à l’image de ceux qui le fréquentait : pestilentielle et âpre à souhait. L’atmosphère nauséabonde et sordide en disait long sur la propreté et l’hygiène des locaux et des clients de ce trou miteux. Le tandem du Cipher Pol n’avait eu d’autre choix que de s’engouffrer dans la bâtisse vétuste à des fins de filature et à leurs risques et périls. Kaitô était pertinemment conscient que l’occasion se révélait idéale pour tendre un traquenard aux agents du gouvernement. Bien trop idéale pour qu’elle ait été naturelle et véritable, l’agent supputait l’idée qu’ils avaient été tous droits menés dans un guet-apens grossier, un piège médiocre que n’importe quel idiot aurait élucidé. Ils n’avaient pour ainsi dire que cette alternative pour remonter les rouages de cette organisation bien rôdé. Le petit comité d’accueil était là lui aussi, leurs airs nigaud et ahuris ne laissaient pas l’ombre d’un doute. Tous arboraient des vêtements déguindés et troués par endroits, une veste matelassé noire où figurait un emblème indéterminé : une croix ancienne enchevêtré dans un crâne. Le symbole n’évoquait rien de concret à l’agent du CP9 même si la tête de mort n’était pas s’en rappeler les pavillons macabres des corsaires et autres pirates qui sillonnent les mers. Yudihistra devait lui aussi en avoir fait la fine observation et ce bien qu’il s’évertuait à exhiber l’émail opaline de sa dentition parfaite à ses spectateurs dont les râteliers ressemblaient davantage à du gruyère en décomposition.

        Qu’importe les circonstances hasardeuses, l’homme paradait fièrement sur le zinc n’hésitant pas à décocher des sourires éblouissants au barman, comme pour lui rappeler la mâchoire exécrable qu’il se payait à la différence de Yudihistra. Il profitait de l’opportunité pour introduire triomphalement quelques anecdotes au barman sur sa vie trépidante de héros des temps modernes. Le personnage atypique réveillait en Kaitô le souvenir lointain d’une contrée sur West Blue où il avait démantelé un réseau d’industriels véreux qui vendaient délibérément des dentifrices nocifs aux habitants de l’île. Ils avaient tourné leur petit commerce autour de la publicité mensongère, en l’occurrence autour d’un homme qui de par l’éclat de sa dentition pouvait guider et orienter la navigation des bateaux en pleine nuit à l’instar d’un phare. Le dentifrice en question se prénommait « émail diamant » et le slogan marketing était le suivant « Email diamant et la magie du blanc ». Quoi qu’il en soit, la parade de l’agent tourna vite au vinaigre, sans doute l’excès de zèle de Yudihistra avait pesé dans la balance, et bientôt le petit comité encerclait les deux agents du Cipher Pol. L’affrontement semblait inévitable, ils voulaient en découdre et mettre en pièces les espoirs des deux compères. Une brève opposition s’ensuivit avec des échanges de coups violents, enlevant aux mâchoires de ces loubards les quelques chicots restant dans leurs cavités buccales infectes. Le combat était perdu d’avance et les deux hommes se retrouvèrent ligotés à de larges tuyaux au sous-sol d’un entrepôt désaffecté. Yudihistra avait perdu connaissance dans l’affrontement et sa mâchoire magistrale ne semblait lui avoir été d’aucun secours. Se pouvait-il que se retournement de situation ait été une étape de sa stratégie d’opération ? Kaitô restait dubitatif tout en essayant de mettre à mal les menottes qui le retenaient prisonnier. Un agent du Cipher Pol et à fortiori le 9 n’exécute jamais un ordre de mission sans s’être préparé auparavant, la préparation a une incidence directe sur la réussite d’une mission, c’est là un fait avéré que chaque agent du gouvernement sait pertinemment. Il tira précautionneusement du revers de sa manche une épingle et débuta le crochetage minutieux du verrou des menottes. 2 minutes plus tard, il s’ôtait les menottes des poignets ainsi que celles de son acolyte alors que ce dernier reprenait conscience péniblement.

        « Astucieux comme plan, t’as misé sur l’effet de surprise pour les prendre au dépourvu et coffrer toute la bande. Je te prenais pour un personnage déviant mais bien au contraire t’avais bel et bien la tête sur les épaules. »

        « Vu la taille et la profondeur de la porte, je ne dispose pas du matos nécessaire pour qu’on puisse passer outre, il va falloir attendre qu’ils se pointent avec d’attenter la moindre intervention et… »

        Soudainement, une succession de bruits métalliques se fit entendre, un tintamarre qui s'apparentait à des pas lourds qui frappaient à intervalle régulier les marches d'un escalier industriel. Kaitô tendit l'oreille et après une écoute plus poussé, déduisit qu'ils devaient être une petite dizaine et disposaient d’armes à feu. Le contexte s’apparentait désormais à un règlement de compte en règle. Kaitô s’accrocha aux conduits en hauteur et fit un bref signe à Yudihistra afin qu’il se tienne en position. La vengeance est un plat qui se mange froid et l’heure était désormais aux représailles. Kaitô allait se livrer à une véritable vendetta dans le bâtiment et élucider cette ténébreuse affaire qui reliait potentiellement ces hommes à Tempiesta.

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        Clac ! A peine réveillé, Yudhisthira Dharma vit ses menottes sauter. Son collègue, qui avait habilement caché une épingle dans sa manche, rien que pour ce genre d’occasion, venait de le délivrer avec une efficacité impressionnante. Le demi-dieu eu comme une pointe de regret. Normalement, quand il est prisonnier et attaché, ou, en l’occurrence, menotté, un héros fouille toujours toute la cellule dans laquelle il est enfermé, jusqu’à ce qu’il finisse par dénicher un éclat de verre, une grosse pierre, voire, plus rarement, un couteau, lequel est forcément rouillé ; parce que sinon, on aurait l’impression qu’il avait été placé là exprès pour que le héros puisse se délivrer. Quoi qu’il en soit, rare sont les héros assez prévoyants pour emporter en prison de quoi se libérer ; et de toute façon, même ceux qui le sont assez se font piquer leur matériel pendant qu’ils sont dans les vapes, pour que ça soit moins facile et qu’il y ait plus de suspense. Mais il semblait que Kaitô, lui, était non seulement assez prévoyant pour prévoir une épingle au cas où il serait menotté, mais en plus, il avait réfléchi avant de la placer, de façon à ce qu’elle ne soit pas repérable. Ce gars devait passer beaucoup de temps en prison, pour penser à des trucs pareils ! La pensée que le fait que cette aiguille pourrait peut-être tout simplement faire partie du matériel de base d’un agent du CP en mission n’effleura même pas Yudhisthira.

        Il en était encore à effectuer de petit mouvements pour dégourdir ses membres ankylosés, lorsque l’agent du CP9 le félicita pour son plan ; bien qu’il n’ait rien prévu du tout, cela faisait partie du métier de héros de se faire attribuer des intentions qui n’étaient pas les siennes. Un héros aime à faire croire que toutes ses actions sont entièrement planifiées, et qu’il a eu cette idée de génie en une demi-seconde au beau milieu de l’action ; même si c’est rarement le cas. Le héros répondit à son interlocuteur par un sourire éclatant, sourire qui se figea un peu quand il entendit ce dernier le traiter de déviant. Quoi ? Yudhisthira s’appliquait beaucoup de qualificatifs, mais jamais celui de « déviant ». Et pourquoi pas « hérétique », tant qu’on y est ? Avec l’assurance que lui au moins n’allait pas s’amuser à mettre en doute l’orthodoxie d’un collègue au moment où la mission est à un point critique, le demi-dieu issu du peuple le plus religieux du monde se mit à observer avec anxiété Kaitô s’intéresser de près à la porte, avec la crainte réelle que celui-ci ne sorte un bélier télescopique pour les sortir de là, ce qui serait contraire à toutes les règles de la narration héroïque. Heureusement, l’agent avoua son impuissance : il allait falloir se débrouiller à l’ancienne !



        En haut, la bagarre battait son plein. Tonide Henaze, le chef d’une petite bande qui écumait les plages, avait eu la bonne idée de venir dépenser l’argent qu’il avait volé au 19 bis, rue du Contrebandier. Tonide Henaze avait développé une technique de vol efficace, qui portait ses fruits : personnage au physique athlétique et avenant, il déambulait en maillot de bain sur les plages avec quelques comparses, repérant les affaires des gens qui partaient se baigner. Puis, avec naturel, il fouillait dans les sacs, les pantalons, les vestes que les gens avaient abandonnées ; si on lui demandait, il prétendait qu’il avait égaré sa crème solaire. Quand les cabines de plage avaient apparu, il avait formé des équipes de deux (un adulte et un enfant), armés de pelles et de seaux en plastique, qui prétendaient jouer dans le sable mais en fait, creusaient un tunnel aboutissant à l’intérieur des cabanons, pour voler toutes les affaires précieuses que les gens entreposaient dedans. Quoiqu’il en soit, après un bon coup, il passait toujours au bar avec sa bande au complet pour le fêter, et rendre ainsi son bénéfice inutile. Ce jour-là, Tonide Henaze et sa bande avaient réussi à voler plus de bijoux et d’argent que d’habitude, ce qui signifiait qu’ils allaient pouvoir acheter plus de piquette que d’habitude. Donc, pouvoir être bourrés, encore plus que d’habitude. Et, conséquence fâcheuse, être encore plus violents que d’habitude. Mais quand le chef de la bande avait balancé son tabouret sur le barman, celui-ci avait réagi de manière étrange : au lieu de ranger ses bouteilles et de retirer précipitamment la grande glace de derrière le comptoir comme le fait tout bon barman diplômé, il avait plongé, et était réapparu, un fusil entre les mains, en criant : « A moi ! » Aussitôt, une dizaine d’hommes était apparus dans l’encadrement de la pièce du fond, celle qui donne sur les escaliers de la cave, et avait engagé le combat. On ne rigole pas, au 19 bis rue du Contrebandier.

        A la limite, cette échauffourée de bistrot n’aurait pas dû avoir de conséquence sur le sort des deux CP prisonniers et ces deux évènements auraient dû rester déconnectés l’un de l’autre, sauf pour la femme du barman, à laquelle ce dernier raconte toute sa journée, le soir, sur l’oreiller. Mais les héros disposent toujours d’une chance exceptionnelle, et parfois, carrément providentielle ; et on pourrait même les soupçonner de tout régler à l’avance, si on ne savait pas pertinemment qu’ils ne réfléchissent pas assez pour ça. En effet, hommes de Tonide Henaze, malgré le fait qu’ils passaient le plus clair de leur temps à glander sur la plage, étaient de rudes combattants, et ils eurent vite fait de maîtriser les quelques renforts qui leur avaient été envoyés. C’est pourquoi on avait décidé, avant que les choses ne s’enveniment réellement, de transférer les prisonniers ailleurs, juste au cas où.

        C’est ainsi que l’homme aux cicatrices telles un réseau routier se dirigea d’un pas rapide vers la pièce où les agents du gouvernement étaient censés croupir. Il était intelligent, l’homme aux cicatrices, assez pour se voir attribuer un nom, d’autant que c’est la deuxième fois qu’il apparaît dans l’histoire. Par exemple, Takasemaru savait que chaque prisonnier qui entendait la porte de sa cellule s’ouvrir, essayait de se cacher pour prendre son gardien par surprise. Aussi, il s’arrangeait toujours pour faire passer un collègue avant lui, pour éviter de se prendre lui-même les coups. Et une fois de plus, la porte s’ouvrit. Cette fois-ci, la menace venait du ciel, puisque Kaito s’abattit sur l’homme, l’assommant sans qu’il n’ait eu le temps de proférer un son. Takasemaru allait tomber à son tour sur le paletot de l’agent, pour lui faire passer l’envie de se libérer, quand un vrombissement parti d’un angle de la pièce lui fit relever la tête. Yudhisthira, demeuré dans l’ombre, venait prendre l’écuelle qu’on avait laissée aux prisonniers, pour l’expédier à la manière d’un frisbee vers lui. Après avoir parcouru paresseusement la distance qui séparait le héros du geôlier, elle alla se briser sur le crâne de celui-ci, l’étourdissant complètement. Le demi-dieu bondit alors vers son adversaire pour l’étendre d’une droite héroïque. Puis, après avoir décoché un sourire à son allié, parce que ce dernier semblait savoir les apprécier, et aussi parce qu’il était le seul à avoir vu l’action, il sortit enfin de la prison pour s’enfoncer dans les couloirs souterrains qui passaient sous l’auberge.



        En réalité, ces derniers étaient assez limités. Les deux agents attinrent vite une nouvelle porte en bois, derrière laquelle on entendait des bruits précipités, comme si on essayait de cacher un maximum de choses en un minimum de temps. Des ordres étaient lancés, des caisses étaient trainées, le tout dans le chaos et la panique la plus totale, et il régnait dans l’air l’affolement ressentis par ceux qui s’attendent à voir quelque chose leur courir après dans les secondes qui vont suivre, mais sans savoir quoi. Visiblement, on prenait au sérieux les bagarres de bistrot, dans le coin ! Il y avait quelque chose derrière qui ne devait pas courir le risque d’être vu !

        La prudence la plus élémentaire aurait exigé de regarder par le trou de la serrure pour savoir ce qui se passait réellement de l’autre côté ; mais Yudhisthira recula, prit son élan, et se catapulta vers la porte. Aucune porte ne résiste longtemps à un héros, et celle-ci ne fit pas exception ; avec bonne grâce, elle se fracassa en morceaux sous l’impact, envoyant voler des morceaux de chêne à travers la pièce, et interrompant les occupations des hommes qui étaient à l’intérieur. Ces derniers, des truands de bas étage et qui étaient portés sur les nerfs. Lorsque quelqu’un hurla « Tirez-vous ! », ils s’enfuirent en courant vers la sortie, de l’autre côté de la pièce, pour aller se perdre dans la nature. Tous, sauf un, que le demi-dieu avait stoppé d’un tacle dont les plus grands footballeurs ne pourront jamais que rêver d’imiter. L’homme se mit à se débattre :

        « Non ! Non ! Lâchez-moi ! Je n’ai rien à voir avec tout ça ! Ils m’ont forcé ! J’ai été drogué ! J’ai subi les pires traitements ! Ils tiennent ma femme et mes enfants en otage ! Ils ont menacé de tuer mon chat si je ne leur obéissais pas ! »

        Yudhisthira prit un air de compassion. Le problème, quand on est un héros gentil, c’est qu’on ne peut pas torturer les prisonniers, ça fait mauvais genre. On pouvait les menacer, mais celui-là avait l’air particulièrement borné. Aussi il répondit :

        « Mon pauvre ! Ca a dû être horrible ! »

        L’homme hésita. Ce type, là… Avec son air niais et son sourire… Il ne me croit pas vraiment, quand même ? Si ? Au cas où, il décida de persévérer un peu dans son rôle :

        « Oui ! ‘Comprenez, ils me forçaient à terroriser les gens ! On volait un peu, on kidnappait surtout, mais on ne gardait rien ! ‘Comprenez, j’avais pas le choix ! J’étais effrayé, autant que nos victimes ! Takasemaru, Iwa Sentire et le chef, ils étaient affreux ! ‘Comprenez ?

        Il se tut, de peur d’en avoir trop dit. Mais le héros poursuivit :

        « Oh ! Oui, je comprends ! Mais qui est ce chef ? Vous devez bien le savoir, non ?"

        La dernière phrase avait été dite d’un ton menaçant. Le truand comprit qu’il n’avait pas réellement le choix. Avant, il aurait pu nier, mais plus maintenant : le fait d’avoir parlé « du chef » l’avait grillé, et si il se rétractait maintenant, il ne serait plus crédible.

        « C’est… Le dirigeant d’une île voisine. C’est lui qui nous fournit en armes ; elles sont dans ces caisses que vous voyez là ! Il les fait venir en contrebande.»

        En effet, tout autour d’eux, les caisses frappées d'un "YKD" qui n’avaient pas pu être emportées ailleurs débordaient d’armes tout aussi illégales les unes que les autres : associées aux nombreux tonneaux de poudres, elles auraient pu équiper une véritable petite armée privée. Le « chef » avait eu la main lourde, d’autant que certaines étaient clairement trop compliquées d’emploi pour la faune locale. Mais surtout, on sentait qu’il y avait quelqu’un, quelque part, qui voulait quelque chose, et qui était prêt à y mettre le paquet pour l’avoir… Quelqu’un qui par ailleurs, avait les moyens de se payer, en contrebande, des canons de marine en pièces détachées. Yudhisthira se retourna vers son collègue, et comme sous le coup d’une intuition héroïque :

        « A mon avis, il est temps d’aller poser quelques question à notre ami Ysete Kashe-Dosû ! »


        ***


        Sur un décor de ruelle mal famée, se découpait la silhouette des deux agents. Au loin, le 19 bis, rue du Contrebandier, semblait calmé et totalement vide, à présent. Après les évènements qui avaient attiré des badauds tout autour, ces derniers, voyant que ça s’était calmé, repartaient chacun d’un air déçu, en épiant toutefois de l’oeuil l’homme en costard et celui en kimono. Ils n’avaient pas l’habitude de voir des gens aussi bien habillés, et on sait jamais, si il s’avérait qu’ils étaient inoffensifs, on pourrait toujours les dévaliser. L’homme au kimono, qui semblait inconscient de l'attention dont il était l'objet, parlait à son collègue :

        « J’ai préféré le relâcher. On ne sait jamais, peut-être qu’il répandra partout la nouvelle que le gouvernement s’… »

        Il s’arrêta, comme frappé d’une révélation soudaine. Il regarda son collègue, puis le bar, et, plantant le premier, il courut en trombe vers le bar. Quelques instants plus tard, il en revint, l’air apaisé, une main dans la poche et son cocktail jaune fluo dans l’autre. Il souriait, comme sourit quelqu’un qui vient de réparer une terrible erreur.


        Ainsi donc, sur un décor de ruelle mal famée, se découpait la silhouette des deux agents. Au loin, le 19 bis, rue des Contrebandier semblait calmé et vide, à présent, et heureusement. Lentement, une fleur rouge s’élevait du toit dans une explosion dantesque qui surprenait les quelques voyeurs qui étaient restés dans le coin. Il ne restait plus rien de la bande qui menaçait l’île de Kana-Hiri, même pas leur base. Mais un héros finit toujours son aventure jusqu’au bout.

        Et, en débarquant sur l’île de Ba-Laihar, Yudhisthira avait la ferme impression que c’est ici que tout se terminerait. Bien sûr, restait à savoir comment ils allaient approcher Ysete Kashe-Dosû, sûrement l’homme le plus gardé de l’île, et qui avait visiblement les moyens d’équiper ses gardes. Mais de l'avis du héros, ce n’était qu’une formalité.
          « A mon avis, il est temps d’aller poser quelques question à notre ami Ysete Kashe-Dosû ! »

          Ils étaient dorénavant bel et bien fixés sur la non implication du mafieux Timuthé N. Tempiesta dans ce trafic d’armes des plus lucratifs. L’homme usait de ses appuis politiques et de son immense poids financier pour mettre à mal cette concurrence attractive et ainsi pouvoir étendre son empire en s’accaparant l’île de Kana-hari. C’était lui le véritable responsable des fermetures en chaîne des commerces locaux, lui le fléau dont l’ambition impérissable causait la souffrance et l’état de dénuement dans lequel ce territoire était plongé, lui le magnat de l’immobilier qui disséminait armes et drogues dans les ruelles de Kana-hari. Il était temps de mettre un terme aux desseins de ce caïd autoproclamé et de rentrer à César ce qui appartient à César, la tâche serait bien entendu éminemment complexe tant la notoriété et l’influence de l’homme lui ont permis de s’entourer d’une escouade d’assassins surentraînés prêts à en découdre. Kaitô et Yudhisithra n’avait cependant guère le choix et bien qu’ils étaient respectivement très différents l’un de l’autre, ils étaient tous deux habité du même feu sacré, de cette flamboyante flamme de la justice qui emplit leurs cœurs de frénésie et d’impétuosité. Ils étaient ici les seuls garants que la justice en toute choses soient bel et bien rendus aux habitants de Kana-hari et même si l’autre grand ponte de l’immobilier se terrait dans sa forteresse imprenable, cela ne saurait mettre un terme à leur véhémence quitte à devoir y laisser leur peau si le destin en a décidé ainsi. Ysete Kashe-Dosu n’avait cependant pas l’air bien malin, faire figurer les initiales « YKD » sur les caisses d’armes constituait un sésame, un tracé rectiligne et sans embûches vers le boss de cette magouille mal ficelé à tel point que l’agent du Cipher Pol 9 en était même à se demander s’il ne s’agissait pas d’un piège vulgaire tendu à leur insu. Quoi qu’il en soit, le promoteur immobilier allait sans doute être mis au courant dans les prochaines heures de la tournure des évènements et préparait soit une contre-offensive conséquente ou au contraire se forger une protection telle qu’il serait impossible de le harasser.


          Ces quelques rebondissements hauts en couleurs rajoutaient du piment à ce challenge qui s’annonçait être particulièrement délicat à entreprendre. Même si les deux agents devaient sensiblement prendre au sérieux ce dont ils allaient devoir faire, leur perception de la situation devait être résolument antagoniste à l’instar de leurs tempéraments. Bien que Kaitô ne savait comment Yudhihistra interprétait cette nouvelle situation, pour sa part il s’agissait davantage de rendre compte légitimement d’une vengeance discrète mais particulièrement sanglante. L’homme devait subir le châtiment des cieux pour s’être épanché de telle manière dans avidité et la soif de pouvoir, il n’était pas resté à sa place et avait outrepassé la liberté des citoyens et braves âmes de Kana-hari. Il entendait bien lui laisser quelques séquelles, marques indélébiles de son passage, lors de leur petit entretien ultérieur. C’était là une des différences notoires qui règnent entres les unités communes du Cipher Pol et le CP9, leur soif de justice a été poussé jusqu’aux derniers retranchements de leurs esprits formatés si bien qu’ils exacerbent ce désir ardent, cette volonté qui les ronge un peu plus chaque jour, de manière extrême et divinatoire. Il fallait que l’homme paye le prix de ses pêchés, il ne pouvait en être autrement. Bien que Kaitô allait lui appliquer d’horribles sévices, il laisserait à terme Ysete Kashe-Dosu en vie afin qu’il purge sa peine envers la société. Les heures se succédèrent tandis que notre tandem aux antipodes l’un de l’autre se dirigeait vers l‘île Baha-Latur, ils n’avaient dû faire face dans leur périple à aucun opposant. La situation allait désormais se corser, ils n’eurent pas grand pas à dénicher la résidence du « grand patron » comme ces hommes aiment à se faire appeler, la demeure du promoteur surplombait toute la cité par son imposante stature et la richesse de ses ornements. Ils n’eurent qu’a agripper un enfant des rues pour vérifier si il s’agissait bel et bien de sa résidence, chose que corrobora la réponse du gamin. Yseta Kashe-Dosu semblait être un homme singulièrement considéré sur cette île, les autochtones semblaient lui vouer un respect sans faille, il est vrai que la cité était particulièrement riche et cossu et que Yseta Kashe-Dosu ne devait pas y être étranger. Ces hommes et ces femmes avaient eux aussi étaient trompés par le machiavélisme de cet homme sans scrupules, ils ne connaissaient pas l’obscur vérité qui entoure les motivations de ce personnage orgueilleux ou au contraire faisaient semblant de pas être au courant de ces agissements. Cette population avait sans doute eu écho de la précarité de l’île voisine sans que cela les inquiète pour autant. Etaient-ils de mèche ou s’avéraient-ils les victimes de Yseta Kashe-Dosu ? Rien n’était si sûr et nos deux agents n’allaient pas s’attarder à les cuisiner pour leur faire cracher le morceau. Les agents s’étaient bientôt rendus sur les hauteurs de la ville et se camouflèrent dans des arbres feuillus pour examiner les perspectives qui s’offraient à eux. Comme ils s’y attendaient, la résidence, encadrée par une épaisse muraille, était massivement gardée par une multitude d’hommes de main. 4 entrées/sorties aux quatre points cardinaux du bâtiment leur faciliterait leur incursion furtive dans la structure. Ils décidèrent conjointement d’attendre la tombée de la nuit pour œuvrer en toute discrétion. Au crépuscule, les deux hommes se mirent en position, choisirent de se séparer pour augmenter leur chances d’infiltration, Kaitô s’occuperait du Sud tandis qu’il laissait le soin à yudhihistra de choisir sa voie.


          « Rendez-vous à la tour principale, il doit s’agir des appartements personnels du promoteur. Donnons nous 1H pour mener à bien notre coup. Tâche de pas te faire remarquer avec ta mâchoire éblouissante, ca ferait capoter l’effet de surprise et surtout notre ami Ysete Kashe-Dosu pourrait s’éclipser en toute impunité ».


          Kaitô s’engouffra dans les méandres de l’obscurité en se dirigeant furtivement vers l’entrée nord de l’enceinte. 2 hommes faisaient le pied de grue devant la lourde porte, discutant de leurs ébats amoureux de la nuit précédente tandis qu’un autre faisait sa ronde habituelle autour de la muraille. Kaitô n’eut aucun mal à liquider le garde par un coup vif opéré sur les cervicales de son opposant. L’agent du CP9 récupéra le masque du garde, ses vêtements ainsi que ses effets personnels puis partirent à la rencontre des deux autres vigiles. Lorsqu’ils prirent conscience de la véritable identité de Kaitô, il était déjà trop tard, l’agent du CP9 les assomma sèchement, balança leurs corps dans la broussaille et put pénétrer sans encombres dans le périmètre intérieur de la demeure. Kaitô s’interrogeait sur la manière de procéder de son acolyte du CP5, réplique parfaite du héros de Jason et les argonautes.
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          Yudhisthira observa un instant son collègue s’éloigner, cogner sur un garde solitaire, prendre ses vêtements et dézinguer les deux gardes restants. Visiblement, Kaitô avait choisi la méthode « entrée en force », celle où on cogne deux hommes et où on se retrouve avec toute la garnison sur le dos dans les 10 minutes qui suivent, suivant les normes du héros. Les 10 minutes comprenant cinq minutes en moyenne pour que l’on s’aperçoive de la disparition des gardes, quatre pour que le déguisement, aussi parfait soit-il, soit percé à jour et une pour crier « à la garde ! ». En général, c’est pas grave, parce que celui qui choisit ce genre de méthode est capable de se débarrasser d’une bonne dizaine d’hommes en levant simplement le petit doigt. Ce sont souvent les méchants qui utilisent un tel type d’entrée en scène, pour bien montrer qu’ils sont balèzes et que le héros va en baver.

          Yudhisthira consulta d’un regard le soleil : une heure ? Il avait le temps, alors… D’un pas égal, il fit le tour de la propriété, regardant les murs, cherchant une faille, des briques éboulées, voire, dans le meilleur des cas, un arbre, qui selon toute improbabilité, aurait une branche, une seule, qui lui permettrait de passer par-dessus l’enceinte. Mais le mur était parfaitement entretenu, et le seul arbre proche de l’enceinte, un palmier, refusait avec une mauvaise volonté évidente de faire pendre ses feuilles au-dessus d’elle.
          Le demi-dieu eut une moue de mécontentement. Les héros sont, entre autres, car ils ont beaucoup de qualités, des spécialistes pour aller dans des endroits où ils ne sont pas sensés pouvoir se rendre. En général, ce n’est pas discret, mais ils y arrivent quand même. Yudhisthira ne se voyait pas escalader le mur. Il connaissait ce genre de défense, et il y avait toutes les chances pour que le haut soit garni de verre pilé. Et puis, de toute façon, une fois en bas, il serait sûrement accueilli par les chiens féroces que tout bon propriétaire de domaine qui a des choses à se reprocher (ou plutôt à se faire reprocher. Ces gars-là n’ont pas de conscience) se doit de posséder. Le héros réfléchi un instant. Mais pas trop longtemps. Puis, il fit demi-tour et se dirigea vers le centre-ville.


          ***

          Une certaine chambre, dans le domaine d’Ysete Kashe-Dosu. Plongée dans l’obscurité. Seule, la porte qui vient de s’ouvrir laisse passer un rai de lumière, dans lequel se découpe une silhouette féminine.

          « Patron, on vient de me signaler que les deux gardes de la porte sud manquent. Et on est sans nouvelles du garde supposé patrouiller à l’extérieur… »

          Elle avait énoncé cela d’une voix calme, unie, presque froide. Mais quand elle poursuivit, ce fut avec un sourire gourmand et une note d’excitation dans la voix :

          « Tout porte à croire qu’au moins l’un de nos chers agents gouvernementaux est ici ! »

          Sanbi Kini s’approcha du centre de la pièce d’un pas qu’on pourrait qualifier de félin, mais seulement parce que l’adjectif est très à la mode pour décrire les femmes de son type. Elle était grande, fine ; ses formes, bien évidemment généreuses, mais pas assez pour faire oublier sa vraie nature, ressortaient d’autant qu’elle portait des vêtements de cuir noir moulants : là encore, plus pour rentrer dans le rôle de la femme méchante version bras droit que par goût ou réelle conviction. Un demi-sourire étirait le côté gauche de sa lèvre, de ce type de demi-sourire confiant passablement énervant supposé semer le trouble chez qui le voit.

          « Bien, bien. »

          La voix qui venait de s’exprimer, sortant de l’obscurité, était grave et graisseuse, presque poisse. Elle évoquait immanquablement une tête charnue, aux lèvres lippues et aux cheveux huileux plaqués en arrière sur le crâne. Cependant, il n’y avait aucun moyen de vérifier, puisque l’homme dont elle provenait demeurait dans la pénombre. On devinait toutefois un corps trapu dans un costume de qualité assis dans un fauteuil confortable. Une main épaisse, chargée de bagues, tenait un énorme cigare dont le bout allumé rougeoyait dans le noir. Sans aucun doute, l’homme assis était Ysete Kashe-Dosu, d’une manière encore plus certaine que si il s’était tatoué « YKD » sur le front. Le gros méchant du rp reprit, après le temps de pause réglementaire nécessaire à sa présentation :

          « Je me doutais qu’ils finiraient pas se manifester par ici. Nous aurons de quoi les recevoir. Faites le nécessaire, ma chère Sanbi. Oh, et essayez de me les garder vivants, j’en aurai l’utilité ! »

          La main porta le cigare à auteur des lèvres d’Ysete. La lueur éclaira un instant de méchants petits yeux porcins, bientôt cachés par une fumée opaque. Puis, comme frappé d’une idée soudaine :

          « Dites, vous ne m’avez pas dit ce que faisait le deuxième ? »


          ***

          Yadega Obato somnolait doucement. En tant que rare garde capable de s’occuper des chiens sans se faire arracher le bras, il était souvent de faction, et son attention en était réduite d’autant. Mais ses quatres bêtes, elles étaient sur le qui-vive. Yadega Obato savait pouvoir compter sur Médor, Razor, Hector et Roquefort : leur flair ne le cédait qu’à leur hargne. Il nageait dans des océans de félicités quand un grognement de Médor le tira de ses rêves. A force de côtoyer les quatre bouledogues, il avait appris à déchiffrer leurs réactions : avec un instinct sûr, il dirigea son regard vers la nuit, du côté ouest. A temps pour voir le palmier qui était situé de ce côté s’affaisser peu à peu en grinçant, comme soumis à une forte traction. Suivit un bruit sec de corde coupée, et le palmier repris soudainement sa position initiale. Yadega Obato allait prendre le parti de se rendormir, apaisé : au moins, on n’avait pas volé l’arbre. Soudain, un sifflement lui fit relever la tête et il aperçut un projectile de forme humaine, les bras grand écartés fendre les airs en direction de la tour principale. Un bruit de verre brisé lui apprit que le projectile venait de s’introduire dans la maison. Yadega Obato resta un moment interdit. Puis il ouvrit tout grand la bouche, et hurla :

          « Aleeeerte ! Intrus dans la tour principaaale ! Aleeerte ! »


          ***

          Yudhisthira se tira des morceaux de verre qui jonchaient le sol. Il avait eu chaud : il n’avait pas calculé que le vent pourrait le freiner dans son vol ; mais comme il n’avait rien calculé du tout, tout s’était bien passé et il avait filé droit vers une large ouverture. Il avait placé ses mains devant sa tête pour se protéger lors de l’impact contre la fenêtre, et il s’était réceptionné sur le sol avec un roulé-boulé magnifiquement exécuté ; mais quelques contusions lui rappelaient qu’utiliser un palmier pour se catapulter jusque dans la tour d’Ysete pouvait aussi, accessoirement, comporter des risques.

          Sans traîner, il se releva et se dirigea vers la porte dans le but avoué de lui flanquer un coup de pied magistral et surprendre ainsi une ou des hypothétiques personnes qui se trouveraient derrière, avec, une fois de plus, le mépris le plus total des règles de prudence élémentaires. Mais une voix l’arrêta dans son élan :

          « Hum… Ainsi donc, voilà le second agent… Belle arrivée. Suicidaire, stupide, aussi repérable qu’un feu d’artifice, mais… Belle arrivée. »

          Une voix calme, unie, presque froide. Avec toutefois une note de gourmandise.
            Recourir à la manière forte comporte son lot d’avantages et d’inconvénient, Kaitô venait d’expérimenter les avantages éphémères procurés une telle alternative, il était désormais temps de se frotter aux incommodités inévitables de cette infiltration musclée. Ysete Kashe Dosu est un demeuré fini qu’on se le dise cependant il reste assez lucide pour déterminer lorsque sa sécurité pêche et sait appliquer les mesures correctives nécessaires. L’agent du CP9 n’eut pas à attendre longtemps avant de comprendre que son petit stratagème venait d’être percé à jour. La tenue de garde qu’il avait récupéré lui offrait cependant un sursit supplémentaire si bien que les hommes de main, paniqués par la situation, ne faisaient que se précipiter à tombeau ouvert à l’entrée Nord sans même se soucier de la sentinelle qui se empruntait un itinéraire opposé au leur. Ces types là n’étaient pas des lumières, il n’y avait aucun doute la dessus, leurs visages vaseux et pataud en disait long sur le degré d’utilisation de ce qui leur servait de matière grise. N’importe quel benet un peu évolué aurait eu de sérieux doutes et suspicions sur le comportement étrange de notre agent, n’importe quel nigaud aurait au moins pris la peine d’alpaguer le garde ne serait-ce que pour connaître les motifs de ce déplacement suspect…. Et c’est finalement ce qui lui arriva lorsque l’un de ces olibrius qui, frappé par l’illumination céleste, arrêta sa course effréné et eut la présence d’esprit d’interroger Kaitô.

            « Hey Toi ! Mais qu’est ce tu fous Bordel ?! Tu ne sais pas que le dernier signalement du gouvernemental a été fait aux abords de l’entrée Nord ?! Paraitrait même qu’il aurait subtilisé les fringues d’un garde et qu’il se baladerait dans la for…te…resse »

            C’était vraiment un génie ce type, se rendre ainsi compte de la supercherie attestait de son Q.I surdéveloppé, quel prodige ! Quel sens aigu de l’intellect ! Il n’était pas dans la norme de croiser un garde aussi éclairé que cet énergumène, il méritait le lauréat, la palme de la perspicacité…toujours est t’il qu’il l’avait comprit trop tard et que Kaitô eut vite raison de le faire taire. Etait-ce la toute l’étendue de la garde personnel de notre magnat de l’immobilier ? N’avait-il rien d’autre à leur opposer que ce menu-fretin sans valeur ? Tandis que Kaitô s’apprêtait à rentrer dans le bâtiment principal, il entendit subitement ce qui s’apparentait à un bruit sourd de ressort ou de catapulte puis fut témoin du vol plané d’un homme canon dont la trajectoire sans entraves, vint percuter l’un des vitraux de la tour principal de YKD. Bordel, ce Yudihistra… il n’avait rien trouvé de mieux pour infiltrer la structure ? L’apollon autoproclamé s’était propulsé tel un boulet de canon sur la bâtisse, avec une discrétion similaire à un troupeau d’éléphants poursuivi par une meute de lion. Autant se trimballer avec une pancarte sur la tronche mentionnant le texte « Je suis agent gouvernemental et je vous arrête. » Cette provocation permanente était frustrante pour un agent dont les eusses et coutumes étaient profondément antagonistes. Ce désir compulsif de se montrer et d’être identifié comme un héros rapportait davantage de mésaventures que de triomphe et son émail ô combien blanche et opaline ne saurait faire plier la volonté des gardes à lui foutre une raclée.

            Les agents allaient devoir faire jeu à part pour l’instant, la cavalerie n’allait pas tarder à rappliquer, Kaitô les entendait déjà débouler et il fallait impérativement que l’agent du gouvernement évite un affrontement multiple sur plusieurs fronts. Il ne fallait pas se laisser dépasser les évènements, c’était là une règle élémentaire de tout agent qui se respecte mais il ne fallait pas non plus s’immiscer dans le coup idiot. Un véritable agent doit savoir éveiller ses réflexes et ses instincts de manière à toujours rester aux aguets, sa concentration sans faille doit lui permettre de prendre l’ascendant sur toutes les situations qu’il est amené à vivre. C’est là ce qui différencie l’agent CP du commun des mortels et c’est ce qui allait surtout bel et bien penché en sa faveur dans le cas présent. Kaitô se faufila dans le dédale des sentiers boisés du jardin traditionnel, conscient que les hommes de Ysete Kashe-Dosu l’avait pris en filature tel un gibier de potence. Il réussit momentanément à semer ses poursuivants et s’introduit sinueusement à l’intérieur de la demeure par le biais d’une ouverture d’un vasistas laissé entrouvert. La salle dans laquelle il venait de pénétrer, arborait un décor tout autre que celles qu’il avait pu voir auparavant, le dépaysement était total. De larges colonnes surmontées de chapiteaux taillés soutenait toute l’architecture de cette pièce qui semblait être anachronique, comme si Kaitô était plongé dans une ère qui n’était pas du tout la sienne. Quoi qu’il en soit, l’agent avait gagné de précieuses minutes qui pourraient s’avérer cruciales pour la suite des réjouissances. L’agent s’avança prudemment comme à l’accoutumé dans cet environnement insolite, cela devait s’apparenter à la salle des trésors du promoteur véreux, c’était tout bonnement ahurissant, ce requin avait rassemblé dans cette pièce un lot de pièces et d’œuvres d’arts inestimables, tous ces objets provenaient à coup sur de brigandages sur Kana Hari et d’acquisition suite à des recels dans tout South Blue. Tandis que Kaitô contemplait ce spectacle déconcertant, des aboiements de chiens presque enragés retentirent dans le centre de la pièce. Kaitô prêta une oreille plus attentive à ces jappements et identifia 4 clébards ainsi que leur maître qui s’annonçaient pas commode et résolument féroces. Les pas saccadés lui indiquèrent que notre homme se précipitait droit dans sa direction et qu’il avait visiblement repérer notre homme.

            Ces foutus chiens avaient un odorat surdéveloppés et essayer de les tromper une nouvelle fois ne ferait que repousser l’échéance de leur prochaine rencontre et mettre en péril une nouvelle fois son infiltration, il fallait s’occuper du sort de ce type ici et maintenant s’il ne voulait être incommodé ultérieurement. Les 4 chiens vinrent à sa rencontre bien assez tôt et s’arrêtèrent net à quelques mètres de Kaitô tandis que leur maître les rejoint péniblement et essoufflé par la cavalcade. Lorsque celui-ci reprit son souffle et tous ces moyens, il s’adressa à son futur adversaire avec une certaine invectivité.

            « Yadega Obato…autant te dire que tu n’iras pas plus loin dans ton exploration. Je ne suis pas la même trempe que les idiots que tu as pris plaisir de supprimer. Ces chiens te dépèceront entièrement, ne laissant que de ton corps, de vulgaires lambeaux de chair »

            Le ton de la rencontre était donné et les chiens se ruèrent sur Kaitô tel des bêtes enragés. Kaitô se déroba à leurs morsures en utilisant le pas de lune puis combina celui avec un soru pour s’effacer du champ de vision des molosses et les frapper par surprise directement à leur talon d’Achille : la truffe. Les coups pleuvaient comme des petits pains et Kaitô dut s’y prendre à plusieurs reprises pour faire taire définitivement les bestiaux. L’agent n’eut pas à déplorer de sévères morsures même si des griffures profondes notamment sur les jambes et tibias étaient à recensés. Il était désormais temps de s’occuper de cet abruti répondant au nom de Yadega Obato.

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            Yudhisthira le savait, pourtant : quand on se sépare pour investir un endroit, il arrive toujours des ennuis à l’un ou l’autre des envahisseurs, voire aux deux. Il prit le temps de se retourner pour détailler la femme qui a ait parlé dans son dos : visiblement, elle avait toutes les caractéristiques du bras droit du gros méchant. De nombreuses femmes jouaient ce rôle dans beaucoup d’histoires, à croire que le dieu de la Narration, des Scénarios et des Transitions foireuses manquait cruellement d’imagination. En général, cette « méchante » fait le pendant à la « gentille » amie du héros, comme une sorte d’antithèse. D’ailleurs, souvent, elles se bagarrent entre elles pendant que le héros et le méchant ce livrent un combat homérique et beaucoup plus important ailleurs. Cependant, le demi-dieu autoproclamé ne se faisait aucune illusion : Atsuji Kaitô, même de dos et dans le noir, ne pouvait pas passer pour l’amie du héros. Mais le petit sourire supérieur et vaguement énervant de Sanbi Kini ne laissait place à aucun doute : elle était bien une méchante à classer dans la catégorie des boss de fin de niveau. Donc, s’en débarrasser était un préalable indispensable avant d’aller voir Ysete Kashe-Dosu. Yudhisthira sourit lui aussi, du sourire du héros qui viens de subir une contrariété mais qui la supporte avec bon cœur, mais seulement parce que c’est un personnage qui se doit de rester positif. Question de réputation. Sanbi Kini se méprit sur la moue du héros :

            «Mon pauvre petit agent » fit-elle, sur le ton de la conversation. « Si tu ne voulais pas me rencontrer, il fallait entrer de manière plus discrète : quel besoin avait-tu d’arriver en aisant autant de boucan ? »

            « Ben, c’est efficace, non ? Maintenant, je suis à l’intérieur ! » Répondit le demi-dieu du tac au tac.
            Et il était sincère : un héros ne pense pas en terme de discrétion, mais en terme d’actions héroïques : se catapulter d’un palmier était héroïque, et il le faisait parce qu’il était un héros. Qu’on le voie faire ou pas, c’est pas grave, même si une action héroïque n’est pleinement réussie que lorsqu’elle a des spectateurs : en faire, c’est naturel chez un héros ; comme respirer ou avoir la classe. Et ils ne vont pas plus loin. C’est toujours en obéissant à ses réflexes que Yudhisthira poursuivit :

            « Et maintenant, c’est terminé pour vous ! Vous allez perdre, sans aucun doute. Alors il encore temps pour toi de quitter ton odieux maître, et de te ranger du côté de la justice ! »

            Sanbi Kini eut un soupir blasé:

            « Et ils disent tous la même chose… »
            Et sans plus attendre, parce que un héros ne peut rester tranquille plus de quelques instants, elle bondit sur Yudhisthira pour lui assener un coup du tranchant de la main. Le demi-dieu saisit rapidement une chaise ; puis la tenant comme une batte de base-ball, il faucha la méchante en plein élan. Sanbi Kini, projetée en arrière, atterrit dans un roulé-boulé et esquiva juste à temps Yudhisthira qui l’attaquait avec un candélabre.

            « Sauvage ! » fit-elle. « Tu n’as pas idée des efforts qu’il faut faire pour acquérir ces trucs en contrebande ! »
            Elle appuya son cri d’un puissant coup de pied, qui expulsa le héros avec force. Yudhisthira fit un rapide vol plané, traversa la porte du salon et se retrouva dans le hall de la demeure de Kashe-Dosu. Il se releva, le sourire aux lèvres, légèrement décoiffé, dans la posture caractéristique du héros charismatique. A ce stade, on sait déjà qui va gagner le combat, de toute façon. Les gardes présents dans le hall eurent un moment d’hésitation : contrairement aux gardes du dehors, qu’on taxait peut-être imprudemment de stupidité, les gardes de l’intérieur avaient un peu plus de cervelle. En particulier, ils savaient où était leur intérêt. Or, on n’attaque pas une personne quand on risque si manifestement de se faire tabasser. A la limite, se disaient-ils, on pourra toujours lui tomber dessus si jamais il gagne le combat contre la copine du chef.

            Celle-ci avait d’ailleurs surgi de la salle à manger. D’un mouvement nerveux, elle prit le pistolet des mains d’un garde et tira en direction du héros. La balle fila, rata le demi-dieu d’un cheveu et alla se ficher dans le crâne de l’un des hommes de main de l’autre côté de la pièce. Yudhisthira ne prit pas le temps de s’en étonner ; il connaissait bien l’action du dieu de la Malchance, du Manque de Pot et des Tartines qui Tombent du Côté où il y a la Confiture (Alias Murphy, selon certaines doctrines). Ce dernier avait une compétence spéciale sur les tirs de pistolet, parce que sinon c’est pas marrant et pas assez bourrin ; par contre, les héros ont souvent tendance à lui échapper, ce qui ne le dérange pas tant qu’il peut pourrir la vie des ennemis de ces derniers. Il faut croire que Sanbi Kini avait compris l’idée, car elle se retourna vers le même garde auquel elle avait pris son pistolet, tira son katana de son fourreau, et porta à Yudhisthira un grand coup d’estoc. La lame fendit l’air en sifflant, et se planta… dans une table basse qui traînait là et sur laquelle le héros avait bondi. Sans ralentir, la méchante détruisit les pieds de la table avec sa lame. Le demi-dieu, déséquilibré, tomba à la reverse, se cogna durement sur le sol, et esquiva un nouveau coup de katana en roulant sur lui-même. Il se redressa et allait répliquer, quand un nouveau coup de pied l’envoya imprimer son profil avantageux sur le plâtre du mur. Sanbi Kini ricana, d’un ricanement sarcastique au moins aussi énervant que le petit sourire du même acabit :

            « Hahaha ! Voilà où elle mène, ta justice à laquelle tu crois tant ! »
            Et elle ponctua sa phrase d’un coup de sabre destiné à embrocher le héros sur son mur. Mais il avait esquivé. Toutefois, le héros était un brin perplexe. La justice ? Il croyait à la justice, parce qu’il était un héros gentil. S’il avait été un héros méchant, ce qui du reste aurait été possible, il aurait cru à l’injustice. De toute façon, les dieux semblaient avoir les idées larges sur le sujet. Il prit en main l’un des pieds de la table, percuta l’épaule de son adversaire qui poussa un léger cri. Mais ça n’avait semblé que l’énerver un peu plus. Elle enchainait les coups de plus en plus rapidement. Le demi-dieu en esquiva un, para le deuxième avec le pied de table qui se brisa sous le coup, et se prit le troisième dans le ventre, juste dans l’échancrure de kimono.
            Le sang jaillit, éclaboussant le torse du héros, souillant la lame de la méchante, mais laissant l’habit gris du demi-dieu autoproclamé étrangement intact. Ce dernier, au ralenti, chuta lentement, les bras en croix, et s’affaissa sur le sol en soulevant tellement de poussière qu’on aurait eu l’impression que personne ne faisait jamais le ménage dans le coin. Sanbi Kini sourit. Et, bizarrement, Yudhisthira aussi…

            … Il existe une règle informulée concernant le combat des héros : ils doivent toujours combattre (et donc gagner, pour eux c’est synonyme) contre des adversaires plus forts qu’eux. Sinon, ça fait pas héroïque. Or, pour montrer que c’est le cas, ils doivent encaisser un certain nombre de blessures, avant de tirer leurs dernières ressources d’eux-mêmes, et de riposter dans un suprême effort de volonté. Le fait que le héros, pourtant en théorie à bout de forces, puisse enchaîner plusieurs combat dans ce style, où il puise à chaque fois son extrême limite d’énergie étrangement inépuisable, ne pose pas problème, au contraire…

            … Avec un râle de douleur, Yudhisthira se releva. Il ne pouvait pas perdre ce combat. Les héros ne perdent pas, tout simplement ! Il n’était pas pensable que cette fille, ce bras droit du méchant, l’emporte et empêche qui que ce soit d’approcher de son infâme maître ! Refusant d’écouter son corps qui lui hurlait sa souffrance, le héros bondit au moment où Sanbi Kini allait lui porter un coup décisif. Un instant, il fut invisible aux yeux de tous ; sauf aux yeux du dieu de la Lumière, de la Vision, de l’Observation et des Potins, mais c’est une autre histoire ; puis, se matérialisant derrière la méchante, il la balaya d’un puissant revers du bras. Sanbi Kini vola comme une poupée désarticulée à travers la pièce et disparut par la fenêtre dans un grand éclat de verre.


            ***


            Yudhisthira observa un instant sa blessure : elle était profonde, mais ce n’était pas grave. Comme il était un héros, elle n’avait pas touché d’organe important, et il n’en paraîtrait rien dès le rp suivant, ou celui d’après à tout casser. Quand le demi-dieu releva la tête, ce fut pour voir que tous les gardes qui se trouvaient dans la pièce l’entouraient, le tenant en joue avec leur pistolet. A l’autre bout du hall, dans l’embrasure de la porte qui couronnait les escaliers faisant face à l’entrée, un homme, fortement charpenté, vêtu d’un costume de luxe, se tenait, bien qu’à moitié masqué par l’ombre. A hauteur de la tête rougeoyait un cigare…

            En même temps, juste en face, les deux battants de la porte grincèrent doucement, pour laisser place à une silhouette. Habillée d’un costume neutre, l’expression neutre, bien que le bas du pantalon ait été un peu déchiré ; il avait aussi un peu de sang sur le visage. Pas forcément le sien, mais on sentait qu'il avait dû combattre ferme pour arriver jusque là. Il s’agissait sûrement d’Atsuji Kaitô, même si ce dernier, que Yudhisthira avait connu la mâchoire carrée et la tignasse bleue, arborait maintenant une fière moustache blanche avec des cheveux assortis, montés sur un visage fin et fripé. Yudhisthira le gratifia d’un sourire éclatant de charisme :

            « On fonce sur le gus là-haut ! Les gardes n’oseront pas nous tirer dessus si on le tient ! »

            Et il fonça vers l’escalier comme une flèche. Mais pris d’une inspiration, malgré les gardes qui avaient commencé à tirer dans tous les sens, il s’arrêta net et ajouta :

            « Et, heu… Tu attends, quand même, avant de trop l’amocher, hein… »
              Ce Yadega Obato était confiant en ses aptitudes et la petit tour de force de Kaitô contre ses protégés ne l’avait pas fait sourciller pour autant. Ce type était bien plus talentueux et dangereux que les sbires qui avaient croisé son chemin auparavant, le mettre hors-course s’avérerait encore plus palpitant et exaltant. Seulement, en avait t’il assez dans le buffet pour se montrer à la hauteur de ses ambitions ? Il est aisé de se pavaner et de déblatérer un bon nombre d’inepties quant à sa prestance et à ses facultés…reste encore à faire preuve de pragmatisme et à entremêler le geste à la parole. Kaitô n’était pas de cette trempe là, il privilégiait l’action à ces discours réchauffés que l’on croise dans toutes les séries B. S’il se savait plus fort que son opposant, il préférait d’emblée le mettre au tapis pour ensuite se moquer de sa condition et ce Yadega Obato ferait un excellent trophée supplémentaire à faire figurer sur son tableau de chasse. Le maître chien lança directement les hostilités en s’emparant de son fouet qui habituellement lui servait à dompter ses molosses, pour l’élancer à la gorge de l’agent du CP9. L’étreinte suscitée par la lanière de cuir empêchait Kaitô de respirer si bien qu’il saisit à pleine main tentant de dénouer l’étranglement dont il était victime.

              S’apercevant que cette tentative était vaine, il agrippa la longe, fit appel à toute sa force afin de faire tournoyer violemment et d’envoyer bouler dans le décor son opposant. L’homme emporta dans sa course toutes sortes d’objets fragiles qui vinrent se rompre sur le sol pavé. Kaitô profita de cette occasion pour se subtiliser au fouet et se débarrassa de celui-ci en le lançant à un dizaine de mètres derrière lui. Yadega Obato émergea des décombres tel une furie vengeresse, sans doute s’attendait t’il à ce que son fouet ait à lui seul raison de notre agent ou peut être se sentait t’il idiot de s’être vu dérober son arme de prédilection. Toujours est-il qu’il se remit bien assez tôt de ce retournement de situation et saisit dans sa ceinture à poches multiples, toute une batterie de shurikens acérés qu’il expédia contre son adversaire puis il se jeta dans le seul angle mort qui subsistait pour réchapper à ces projectiles. Il couvrait ainsi tous les pans et n’offrait ainsi aucune échappatoire à notre homme, une embuscade qui était certes grotesque mais qui ferait mouche à n’en pas douter. Kaitô décida de se frotter au maître chien plutôt qu’a être harassé de tous bords par cette pluie de mitraille. Notre Yadega Obato avait l’air balèze en termes de combat rapproché et profitait d’une musculature développé et d’une allonge des plus convenables pour s’adonner à un duel au corps à corps. L’homme n’était pas un novice et il le démontra si bien que son pied, ou plutôt la ranger qu’il avait chaussé, vint frapper la mâchoire de l’agent qui à son tour, fit un vol plané de plusieurs mètres avant de s’écraser.

              « Eh bien alors, surpris enfoiré ? Ne m’aurais tu pas pris au sérieux par hasard ? C’est pourtant une règle élémentaire à toute personne qui se prétend être un adepte des arts martiaux non ? »

              « J’aurais du me douter qu’un type qui passes ses nerfs sur des cadors, avait un tel degré de répartie. Frapper et gueuler à longueur de journée, j’espère que tu t’es uniquement contenter de les dresser tes molosses… »

              Bien que Kaitô défiait par ses propos ce Yadega Obato, il était profondément déconcerté de la puissance du coup qui venait de lui être porté. Ce type avait des jambes en acier trempé, ce n’était pas possible autrement tant elles étaient solides. L’agent n’était pas prêt d’oublier l’odeur âpre de sang qui s’était fait sentir en écho à ce heurt, cela faisait bien longtemps qu’il n’avait ressenti ce goût réchauffé d’hémoglobine. Il est vrai que Kaitô, avait en une certaine mesure sous-estimé son adversaire mais on ne l’y reprendrait pas une nouvelle fois. Ce type savait être redoutable en conflit direct mais il restait bien plus lent que l’agent du CP9, la puissance primait sur la vitesse en ce qui le concerne et les coups qu’il décochait, bien que extrêmement puissant requérait un sacré temps de charge. Un temps qui pouvait s’avérer être une faille des plus exploitables pour l’agent du CP9 au naturel véloce. Kaitô décida de jauger la vivacité et la rapidité de l’homme en question, il se releva et se projeta dans les airs grâce à un pas de la lune puis réitéra l’opération encore et encore, gagnant toujours plus de hauteur, puis il se laissa tomber à toute vitesse talon en avant, en effectuant un Tekkai. Cette offensive rondement mené avait failli faire mouche, il s’en était fallu de peu pour que Kaitô règle le sort de ce Yadega Obato, il était parvenu à se substituer in extremis mais ne perdait rien pour attendre. Kaitô poursuivit immédiatement sans laisser le moindre répit à son adversaire si bien qu’il parvint à prendre l’avantage sur son opposant. Yadega n’était pas homme à se laisser faire et les deux hommes se retournèrent coup pour coup…enfin en l’espace de 2 coups de l’agent, le maître chien n’en parvenait qu’a porter une seule estocade. Comme il s’y attendait, la robuste ossature de Yadega Obato lui permettait de bien encaisser les chocs multiples. Ce combat avait sérieusement excéder nos deux protagonistes qui étaient désormais suants et essoufflées, Kaitô ne savait pas si son adversaire pourrait encore lui faire front longtemps mais en ce qui le concerne, cet affrontement devait incessamment sous peu arriver à son terme.

              Autant de temps perdu ici serait autant de minutes gagnés quant à l’évasion d’Ysate Kashe Dosu. Kaitô se recula et mit l’espace d’une quinzaine de mètres entre lui et son adversaire, il ne s’agissait désormais plus de tergiverser mais plutôt d’en finir avec un seul et même coup, celui qu’il affriole le plus pour terrasser et conclure un duel avec distinction et honneur. Yadega Obato comprit bientôt ce qu’escomptait le gouvernemental et se laissa prendre au jeu, ils savaient qu’ils ne pouvaient en rester qu’un. Kaitô ne changea pas pour autant ses plans en profondeur, il allait juste ajuster la trajectoire pour à son tour le prendre de revers dans son angle mort. Paradoxale comme dénouement n’est-ce pas ? Kaitô disparut dans un nuage de fumée, bondit dans l’atmosphère en multipliant des combinaisons de Geppou et de Soru, le ventripotent en bas n’y voyait que du feu et ne savait pas ou donner de la tête. Enfin, Kaitô mit fin à son supplice en surgissant à tombeau ouvert à l’insu de Yadega et vint le percuter telle une énorme masse métallique en mouvement et dont on ne peut arrêter la course. L’effet fut dévastateur, l’homme tenta de stabiliser ses appuis mais le choc était bien trop intense pour être entravé de la sorte. Le corps de Yadega Obato avait bien accusé l’assaut mais son esprit lui n’avait pu supporter d’être poussé dans de tels retranchements, aussi n’eut t-il guère autre choix que de s’évanouir en écho à cette collision des egos.

              A peine eut-il le temps de se remettre de ses émotions qu’au loin Yudihistra le conviait à le rejoindre dans la salle suivante. Kaitô affichait un sourire satisfait de savoir que l’olibrius à la mâchoire d’ivoire était bel et bien sain et sauf, il ne savait pas par quelle providence divine, il était parvenu à se hisser jusque là. L’apollon avait plus d’un tour dans son sac et sans doute lui aussi avait du régler le compte à bon d’ennemis mais toujours est t’il que tous deux en étaient ressortis vainqueurs. Il ne fallait cependant pas crier victoire trop vite, les gardes de la propriété le poursuivaient farouchement tandis que l’acolyte se dirigeait précipitamment vers un grand escalier qui dirigerait nos deux agents vers les appartements du promoteur Ysate Kashe Dosu. Kaitô ne se fit pas prier et se précipita vers l’escalier, les gardes lui tirèrent dessus et il eut bien du mal à se dissimuler derrière les colonnes puis à reprendre sa course effréné. Yudihistra de son côté, couvrait les arrières de Kaitô en opérant une diversion suffisante pour lui laisser l’opportunité de le rejoindre. Les deux hommes s’engouffrèrent dans les quartiers supérieurs et prirent soin de fermer les énormes ventaux qui séparaient les appartements du patriarche des pièces communes. Les poursuivants avaient mis un terme à leur course poursuite comme si les deux agents s’étaient jeté tout droit dans la gueule du loup. L’atmosphère était en tout cas résolument différente, sombre et intrigante à la fois, des cierges avaient été disposés ca et là dans une pièce qui s’étendait presque à perte de vue et au bout de laquelle la silhouette d’un homme se profilait au coin d’une lanterne ancienne situé à proximité de sa position.

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              Les portes de la pièce claquèrent quand les deux agents gouvernementaux les refermèrent d’un mouvement sec. La clé joua dans la serrure, une chaise bloqua la clenche et Yudhisthira tira un secrétaire en plus. Ca devrait retenir les poursuivants, facile… Ben, le temps qu’ils se décident à grimper par l’extérieur et à passer par les fenêtres. Le demi-dieu rajouta un fauteuil et une table basse, plus pour faire bonne mesure que par réelle nécessité. Ce ne fut qu’au bout des cinq minutes nécessaires à entasser ces objets que le héros s’aperçut de l’atmosphère tendue qui régnait dans la pièce faiblement éclairée aux bougies. Il se retourna lentement pour voir son collègue fixer un homme, plus loin, dans l’ombre, lequel semblait l’attendre avec une patience teintée d’exaspération.

              Une nouvelle fois, la faible lueur d’une cigarette illumina un visage aux traits bouffis et aux petits yeux porcins, vite dissimulé par un écran un fumée, certainement bleue. Comme la pièce était plongée dans l’obscurité, impossible de savoir, mais la fumée avait une odeur à être bleue. Après une pause savamment ménagée pour jouer sur les nerfs de ses interlocuteurs, Ysete Kashe-Dosu prit la parole :

              « Fu fu fu. Je ne n’aurais pas pensé que vous auriez pu parvenir jusque-là, à vrai dire. » Il avait la voix graisseuse bien accordée à son visage, et bien accordée à l’idée qu’on se fait d’un promoteur immobilier sans scrupules. Si graisseuse qu’on aurait pu l’utiliser comme lubrifiant. « Malgré tout, vous n’étiez pas obligés de faire tant de mal à ma chère Sanbi Kini et à ce bon Yadega. Mais ça part d’un bon sentiment, alors je vous pardonne. »

              Le gros homme parlait d’un ton calme maîtrisé, comme si il appréciait le moment qu’il passait à discuter avec Yudhisthira et Kaitô. En général, c’est le ton typique qu’emploie celui qui croit encore maîtriser la situation. Le demi-dieu autoproclamé ne lui laissa pas le temps de poursuivre et répliqua:

              « La fête est finie pour toi, crapule ! Il est temps que tu payes pour tes crimes ! » Lança-il, complètement hors de propos mais avec grande classe. Le tout accompagné d’un sourire radieux. La pièce, on l’a déjà dit, était globalement plongée dans le noir ; malgré tout, les dents du héros trouvaient le moyen de briller de mille feux.

              Ysete Kashe-Dosu hésita. Son instinct de méchant lui hurlait que c’était le moment d’expliquer son plan diabolique pour mettre la main sur l’île touristique d’en face ; d’expliquer comment il était parvenu au poste qu’il occupait ; et, si il avait le temps, de raconter son enfance malheureuse obscurcie par la mort de ses parents quand il avait 7 ans. Mais Ysete Kashe-Dosu n’était pas devenu boss de fin de rp en racontant sa vie, et il sut se réprimer. Contrairement à beaucoup de collègues, il savait profiter des opportunités qui s’offraient à lui, et il savait limiter la casse quand il ne pouvait pas l’éviter. C’était pour cela que promoteur véreux n’était pas un meurtrier : l’homme que l’on tue aurait pu être utile par ailleurs. Tuer, pour Ysete, c’est souvent du gâchis. Par contre, des yeux pochés, un nez cassé et des bras brisés sont un élément de persuasion d’une efficacité insoupçonnée. Aussi, si il y parvenait, Ysete Kashe-Dosu essaierait de faire prisonnier les deux intrus. Ensuite, on verrait. D’un coup de langue qui ne s’acquiert qu’avec des années d’expérience passées à fumer, l’homme fit bouger son cigare d’un coin au milieu de la bouche, le pointant vers Atsuji Kaitô, comme pour le menacer. Puis, parce que lui aussi connaissait les mécanismes de la narration et ses passages obligés, il entama :

              « Parce qu’en fait, vous pensez réellement pouvoir m’attraper ! Je vais vous dire ce qui va se passer : je vous ferais prisonniers, tous les deux, et ensuite je m’occuperai de cette île minable de Kana-Hiri ! Et elle sera mienne ! Vous, tous les deux, me servirez de monnaie d’échange, en cas d’imprévu ! » Quelque part, un moteur métaphoriquement grippé se mit à ronronner doucement avec aisance. Ysete reprit. « Et vous, vous ne comprenez pas ? Ce que vous devriez faire en ce moment, c’est essayer de vous échapper ! Parce que … Pffffuit !"

              Parfois, il est utile de connaître les règles, pour mieux pouvoir les transgresser. Sans crier gare, Ysete Kashe-Dosu avait expulsé son cigare dont le bout incandescent fonça vers Kaitô. En même temps, avec une célérité étonnante pour un homme de sa corpulence, le promoteur s’était catapulté vers Yudhisthira. D’une manière assez étrange, tous les boss de fin de niveau ou les gros méchants sont des combattants exceptionnels, meilleurs que les hommes qu’ils utilisent. Ca leur permet d’avoir une certaine classe, et de donner du fil à retordre aux héros qui se pointent pour les maraver. Au prix peut-être d’un manque de cohérence : à quoi ça sert pour un méchant de se payer des gardes, si il est capable de tous les poutrer à lui tout seul ? Ce manque joue d’ailleurs à tous les niveaux : pourquoi nommer contre-amiral une armoire à glace avec une gueule de déménageur, mais avec la lucidité d’un gorille ?

              Le poing du promoteur immobilier fusa. Un poing de la taille d’une pastèque qui prit Yudhisthira au dépourvu et l’envoya bouler contre l’étalage de meuble que le héros avait dressé contre la porte. L’impact fut rude, surtout pour les meubles : le fauteuil, sans ralentir la course du héros, fut éjecté et alla s’encastrer dans le miroir en face. La table basse vola en éclat, lesquels éclats se dispersèrent dans toute la pièce en tournoyant avec des sifflements stridents. Quant au secrétaire, il avait tout simplement disparu sans laisser de trace et des semaines de recherches ne parvinrent pas à le retrouver. Seule, la chaise restait intacte. Mais pas pour longtemps : luttant stoïquement et surtout héroïquement contre la douleur qui lui fouaillait le ventre, et contre l’impression que son dos avait été réduit en steak haché, le demi-dieu autoproclamé saisit la pauvre pièce de mobilier qui n’avait rien demandé à personne, et bondit pour en porter un coup à Ysete Kashe-Dosu.

              Ce dernier encaissa sans broncher ; mais profitant de la seconde d’étourdissement qui avait suivi le choc, le héros revint à la charge, porteur d’un magnifique guéridon de marbre qui n’eut d’autre effet que d’arracher un « ourg » sonore à son adversaire. Avec rapidité, le boss de fin de rp se retourna vers le justicier, à temps pour le voir soulever un bureau style ministre.

              « Touche pas à ça, toi ! » Gronda-il. Grondement qui, soit dit au passage, aurait été utilisé plus efficacement sur les gonds grinçants d’une porte.

              Tendant deux mains comme des étaux en avant, il attrapa le bureau par les pieds, alors que son opposant allait lui en assener un coup. Puis, pivotant sur lui-même, il envoya valdinguer héros et bureau à travers la pièce. Un mur salvateur stoppa leur course, brisant par la même occasion le bureau dans un concert de craquements sinistres. Yudishira se redressa, la vue bouché par une pluie de feuilles qui volaient en tous sens ; une, en particulier, attira son attention.


              C’est à cause d’elle que le demi-dieu, dont malgré ses efforts la semi-divinité ne semblait pas faire l’unanimité, c’est à cause d’elle donc qu’il ne vit pas Ysete Kashe-Dosu foncer en hurlant vers son collègue avec toute la puissance d’une locomotive…






              … vachement bien huilée, d’ailleurs.

                Ysete Kashe Dosu ne s’était pas fait prié pour débuter les hostilités et ce à la grande surprise de Kaitô. L’agent du CP9 s’attendait à devoir face à l’un de ces gros endimanchés bourré d’oseille et qui peine à se mouvoir, c’est pourtant ce que l’état physique du personnage laissait supposer mais vous savez ce qu’on dit…les apparences sont parfois trompeuses et ce magnat de l’immobilier était paré à en découdre instamment. Les deux gouvernementaux savaient dorénavant ce que ce salopard complotait, c’était rusé et ingénieux d’utiliser les agents en contrepartie de ses noirs desseins mais le gouvernement ne saurait plier aux revendications d’un abruti isolé se pensant omnipotent. Ce type allait apprendre à ses dépens que le gouvernement ne traite pas avec des clowns de son acabit, comment pouvait t’il penser qu’il constituait une menace pour l’ordre mondial, du haut de son parc immobilier ? Avoir de l’orgueil, c’est bien mais devenir imbu de sa personne conduit à des excès qu’on finit tôt ou tard par payer et l’heure était venue pour lui de régler la note et dieu sait qu’elle allait être salée. A peine Kaitô eut t’il le temps de crier gare que Kashe Dosu lui projeta à toute vitesse son cigare incandescent, l’agent du cp9 réussit sans mal à esquiver la torpille. Il s’ensuivit un échange de projectiles en tous genres entre le héros autoproclamé à la tignasse dorée et l’empâte qui n’avait plus un poil sur le caillou. Des tables, des chaises, des guéridons, des armoires et j’en passe, étaient propulsés furieusement à l’extrémité de la pièce, on aurait pu se croire à une partie de tennis en plein air jusqu’au moment où Kashe dosu dit le bedonnant prit l’avantage sur Yudhisthira en lui renvoyant un imposant secrétaire. Yudhisthira s’écrasa sur le pan du mur et eut peine à se relever, a moitié sonné par l’intensité du choc. Les feuilles du secrétaire virevoltaient dans les airs. Il était temps pour Kaitô de rentrer en scène de faire ravaler sa salive à cet énergumène à l’égo surdimensionné. Il ramassa tout d’abord le cigare encore flamboyant, l’inscription « made in Havainass » qui figurait sur la bague attira son attention. Il en tira quelques bouffées avant de conclure qu’il s’agissait d’une pale contrefaçon. Son action ne passa pas inaperçu aux yeux du ventripotent qui restait comme qui dirait, aux aguets.

                « Qu’est ce t’as espèce de poltron, le cigare sied pas à ta gueule chétive ?! hahaha »

                « Héhé la vie n’est t’elle pas merveilleuse, t’as eu beau mettre le prix pour cette cargaison de cigare, tu t’es fait berner comme une buse…enfin ca m’étonne pas maintenant que je vois ta trogne bouffi. Ce cigare n’a de Made in Havainass que le label, le goût des vrais cigares est d’abord âpre en bouche puis devient plus doux au fur et à mesure que la feuille se consume. «

                « Quoi ?! »

                Kaitô disparut sans un nuage de poussière pour réapparaître près de notre promoteur abusé. Tirant parti de l’effet de surprise du Soru, l’agent du cp9 put lui écraser son cigare fumant au coin du front.

                « Quiconque joue avec le feu vient à se brûler les doigts, ordure. «

                Kashe Dosu s’effondra au sol en beuglant, en écho à la brûlure vive du cigare. Kaitô avait assez d’honneur et de dignité pour ne pas avoir à frapper son adversaire alors qu’il gémissait à terre comme un vulgaire déchet. Un regard du côté de Yudhisthira qui avait repris du poil de la bête entre temps suffit à mettre les deux hommes sur la même longueur d’onde. Ces instants où le danger est à son comble forge l’esprit et l’expérience des agents spéciaux telles que ces deux-là, ils le savaient tout aussi bien l’un que l’autre. Le dénouement d’une intrigue, le passage à tabac de types malfaisants, une justice expéditive et sans appel la conclusion d’une aventure de péripéties et de rebondissements, tout se jouaient maintenant. Le moment était venu du grand bouquet final, du clou du spectacle, histoire de finir en grande pompe et de marquer à jamais l’esprit de cet homme corrompu. Kashe Dosu se releva péniblement plus colérique que jamais, Kaitô avait délibérément traîné dans la boue ce qui lui faisait office d’amour propre. Il prenait conscience que la menace était bel et bien réelle et que notre tandem avait les moyens de ses ambitions. Son parc immobilier était sur la sellette, sa notoriété et sa position sociale se verraient profondément bouleversés s’il ne réglait pas leur compte à ces deux importuns. Kashe Dosu dit l’adipeux ne pouvait se permettre une pareille mise en péril et il entendait abattre dés maintenant sa carte maîtresse et ruiner les espoirs du tandem. Il se jeta sur l’agent Kaitô et s’ensuivit un violent échange de poings et de pieds dans toutes les directions, l’agent avait un avantage indéniable mais l’idée de perdre tous ses biens transcendait Kashe Dosu à tel point qu’il ne semblait sentir la douleur. Cette petite échauffourée se solda par un uppercut en plein thorax de l’agent du CP9, le choc subi de plein fouet lui coupa quelques secondes la respiration et le projeta à l’autre bout de la pièce désormais devenue capharnaüm. Reprenant son souffle et transpirant à n’en plus pouvoir dans sa chemise en lin qui affichait aux yeux de tous de belles auréoles, il lança fièrement à ses convives.

                « Satanés saltimbanques …bordel, vous allez me le payer, je vous le jure, vous allez m’implorer. Vous n’avez pas l’air de bien savoir qui je suis, Ysate Kashe Dosu, le magnat de l’immobilier ! Crevez bande d’enfoirés ! »

                Il se précipita près de la table de chevet à proximité et actionna le bouton rouge sur l’angle de celle-ci. Un bruit de rouages comme ceux d’un mécanisme retentit sur un fond de rire sardonique de Kashe Dosu, comme celui d’un tourne disque rayé

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                Le bruit des roues dentées résonna, d’abord en grinçant dangereusement, puis, à partir du moment où Ysete fit entendre son rire, en semblant coulisser parfaitement. Il faut dire que le rire du méchant de service avait de la classe : sonore, chuintant, avec une tonalité victorieuse plutôt inquiétante. A coup sûr, Ysete Kashe-Dosu avait dû passer des heures à le répéter et à s’enregistrer avec un escargomagnétophone pour voir si le résultat faisait suffisamment méchant. Un rire assez travaillé aussi, pour ne pas couvrir le cliquetis du métal qui gagnait en puissance. De manière alarmante. Et tout à coup, tel un couperet, un mur d’acier vint s’abattre entre le promoteur et les CP, divisant la pièce en deux. Ces derniers virent tout de suite où était le danger : les fenêtres étaient du côté d’Ysete Kashe-Dosu, et il pourrait tenter de s’enfuir si le besoin s’en faisait sentir.

                Mais il n’en aurait visiblement pas besoin : un claquement sec suivi d’un doux sifflement d’air attira l’attention des deux émissaires du gouvernement sur un autre danger, plus pressant celui-là : passant par des buses d’aération savamment distribuées sur le pourtour des murs, un gaz de couleur verte s’insinuait dans la pièce.

                ***


                Encastré dans son mur, Yudhisthira avait attrapé un papier. Absorbé par sa lecture, il ne prit pas tout de suite conscience de l’ampleur du problème. Ce ne fut que quand une odeur étrange agressa ses poumons qu’il se décida à réagir et à ranger la page dans son kimono.


                ***


                Ensuite, il alla donner de petits coups sur le rideau de fer, histoire de voir si, contre toute attente, ce dernier n’était pas, en fait, en carton. C’est un réflexe classique du héros prisonnier quelque part : il commence toujours par tâter la muraille ; ça marche rarement, mais après tout, on ne sait jamais… Pas de chance pour le héros, le mur avait joué franc jeu dès le début, et était réellement en acier trempé de qualité supérieure. Et, avec une régularité dramatique très bien orchestrée, le gaz parvenait à présent aux chevilles des deux agents. Trop bas pour qu’ils en ressentent réellement les effets, mais assez haut pour leur faire remarquer qu’il va commencer à être temps de préparer une parade.

                La plupart du temps, un héros est tout à fait impuissant contre les gaz soporifiques, et ce pour une bonne raison : c’est l’un des seuls moyens qu’ont les méchants de le capturer ou le mettre à mal. En effet, comme les héros gagnent toujours les combats à visage découvert tant qu’ils ne sont pas surclassés à un contre quinze, il faut bien s’y prendre autrement quand, dans l’histoire, le personnage principal doit se faire capturer. Au passage, cela permet de montrer la duplicité du méchant et son impuissance notoire (forcément : la justice est la plus forte !).

                Ceci dit, Yudhisthira et Atsuji ne pouvaient pas se permettre de tomber entre les mains du promoteur immobilier ; aussi, obéissant à un même réflexe, ils commencèrent à arracher les tentures, les tapis et les napperons qui encombraient le salon, pour tenter de les fourrer dans les buses d’aération. Les tissus, en principe hermétiques, devaient empêcher les buses de distiller leur gaz fatal…


                ***

                Ysete Kashe-Dosu, de son côté, exultait ; son installation avait fait son petit effet, et bientôt, il irait cueillir les deux agents comme des fruits bien mûrs. Ainsi, il pourrait s’en servir de monnaie d’échange avec le gouvernement en cas d’ennui. Voire même, et le visage d’Ysete s’éclaira d’un grand sourire à cette idée, il pourrait réussir à les retourner. Sait-on jamais… Simplement, il faudrait voir à ce qu’ils ne s’échappent pas, mais ça devrait pouvoir se régler sans problème. On fait des merveilles avec la technologie, et il avait récemment fait l’acquisition d’une paire de colliers utilisés par les Dragons Célestes pour enchaîner leurs esclaves. Finalement, c’était un bon investissement…

                Un détail le perturbait, tout de même. Du regard, il fit le tour de la pièce : le zouave en kimono avait balancé son splendide bureau, mais avec un peu de chance… Ah, voilà. L’homme se pencha vers une boîte à cigare qui traînait par terre. Il en sortit un, et le huma, avec le flair du connaisseur. Puis il le porta à sa bouche, l’alluma, et commença à tirer de petites bouffées avec une satisfaction évidente. De la contrefaçon, ses cigares ? Mais comment est-ce que ça pouvait être de la contrefaçon ? Le tabac était cultivé dans son jardin, les cigares enroulés dans sa cave par des ouvriers travaillant au noir pour des clopinettes, et il avait lui-même dessiné le logo présent sur les étiquettes ! Des purs cigares de la YKD Factory, voilà ce que c’était ! Le fait qu’ils portaient mensongèrement la mention « made in Havainass » ne heurtait pas du tout Ysete Kashe-Dosu. A la rigueur, c’était peut-être de la contrefaçon ; mais au moins, c’était de la contrefaçon locale et de son point de vue, bien meilleure que l’original !

                Pleinement rassuré sur la qualité de ses cigares, Ysete Kashe-Dosu revint à la réalité. Il souffla un long nuage de fumée, puis pressa à nouveau sur le bouton situé sur la commode. Le rideau métallique se releva dans un claquement, révélant la moitié de la pièce où étaient les deux agents.



                Le promoteur immobilier s’avança dans la pièce où flottait encore une vague odeur un peu âcre. Les deux agents étaient par terre : l’un, en kimono gris, affalé les bras en croix, semblait dormir comme un bienheureux ; et l’autre, l’homme en noir, était allongé sur le côté, comme si il s’était battu contre le somnifère jusqu’au tout dernier moment. Faisant attention à ne pas respirer le gaz diffus dans l’atmosphère, Ysete se dirigea vers la porte, pour aérer l’endroit et pour appeler ses gardes. Ce n’est qu’au dernier moment qu’il ressentit, plus qu’il ne vit, un mouvement rapide dans son dos…

                  Kashe Dosu avait beau être une enflure finie, il avait de la suite dans les idées ce satané bougre. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, Kaitô ne s’attendait pas à ce revirement de situation magistral, le coup des parois murales et du gaz somnifère, un classique des films de série B me direz vous et pourtant notre tandem gouvernemental se sont fait leurrés comme des bleus, comme des néophytes en la matière…du moins c’est ce que l’autre empaffé gargantuesque devait penser. C’est toujours la même rengaine avec ces petites frappes qui se prennent pour des caïds du crime organisé, ils croient toujours qu’ils ont inventé le fil à couper le beurre et que leurs pièges ôoooo combien ingénieux ne saurait être déjoué par quiconque. Il devait penser que nos deux émissaires du Cipher Pol étaient les bons pigeons bien gentillets qui devaient servir d’exemple, les blaireaux assez demeurés pour s’être fait berner peut-être ? Que seraient le monde sans ces illuminés vraiment…

                  Il vient un instant où tout se chamboule et où les protagonistes renversent la vapeur et remportent haut la main le duel singulier qui les opposent au bad guy. Il vient un instant où Yudhisthira sort de sa gangue pour briller sous les feux de la rampe et entretenir son mythe vivant mais…il vient aussi un instant où Kaitô décide de mettre les bouchées doubles et d’en finir une fois pour toute avec cet énergumène et dieu sait qu’a ce moment là, embrasé par une fureur justicière sans précédent, l’agent devient le bras armé de la justice divine, un réceptacle mû pour punir et sanctionner ceux qui mérite pénitence. Le coup du gaz était rondement mené et aurait pu marcher, seulement les tapis et autres draps placés pour obstruer les ventilations ne laissaient passer que de fines particules de gaz, molécules dont le nombre restait insuffisant pour conduire à la perte de connaissance de nos deux gouvernementaux. Le Yudhisthira avait eu une bonne idée, il avait joué la carte de la comédie en faisant mine de tomber dans les pommes, ca lui ressemblait bien là et surtout c’était loin d’être insensé. Une manière comme une autre de parvenir à ses fins sans qu’il ait à davantage guerroyer, aussi Kaitô suivit l’exemple et feint l’assoupissement. Ysate Kashe dosu n’avait pas marché dans la combine non, il avait littéralement couru dedans cette ignare. Il releva bientôt la paroi et fit en sorte de dissiper les bribes de gaz qui restaient dans la pièce en se servant de la pièce comme un ventail.

                  « Ramenez vous les gars, je les ai bien eus cette bande de… Argh »

                  Un léger shigan avait été opéré au niveau de son omoplate, le coup n’avait pas perforé la chair mais avait suffit à faire naître en Kashe dosu, une douleur intense continue que sa corpulence graisseuse n’avait pas l’habitude d’encaisser.

                  « Comment as-tu fait pour…aaaah »

                  «J'ai changé d'avis, une enflure comme toi ne mérite guère une mort douce et tranquille. Tu purgeras ta peine comme il se doit et subira le sort que la société te réserve. Tu te retrouveras avec tous ce que tu exècres et tu apprendras qu’il ne faut pas faire un pet de travers dans ces centres si tu ne veux pas faire certains frais… »

                  L’agent du CP9 maintient son étreinte et place son second bras sous le cou de Kashe Dosu, prêt à lui briser la nuque si les choses s’enveniment encore. Kaitô jette alors un regard du côté de Yudhisthira et le voit toujours pioncer les bras ballants. Se pourrait t’il qu’il se soit accorder une petite sieste Sieur Apollon ? Bordel. Ce foutu Kashe Dosu qui n’arrête pas de gigoter insupporte Kaitô qui n’a pas d’autre choix que d’employer des techniques radicales contre sa volonté initiale…bien entendu. L’agent du CP9 fait mine de relâcher Kashe Dosu et au moment où celui-ci lui tente de prendre la fuite, Kaitô vient lui péter une à une les rotules de ces deux genoux, histoire d’immobiliser cette sale enflure et de le contraindre à se tenir tranquille. Le magnat hurle toute sa douleur tandis que Kaitô profite de l’occasion pour le bâillonner une bonne fois pour toutes. Bientôt des voix résonnent en bas de l’escalier en colimaçon qui permet de rejoindre les quartiers de Kashe Dosu

                  « Patron, vous allez bien ? Patron ?... Bande d’enflures, vous allez nous le payer, vous allez voir ! »

                  « Ne tentes rien ou il arrivera des bricoles à ton boss, toi la tête brûlée en bas. »

                  Le tandem s’empressa de barricader la porte avec des tables et tout autres objets assez volumineux pour obstruer le passage, histoire que la cavalerie ne les rejoigne point trop rapidement. Il allait falloir improviser, les gardes seraient là d’une minute à l’autre. Moment réfléxion, les deux héros se creusent les méninges de manière à trouver une alternative viable pour foutre le camp avec Kashe Dosu sans trop être inquiété, Yudhisthira en profite pour adopter une pose qui met en valeur sa plastique singulière, j’ai nommé le penseur de rodin. L’agent Kaitô escomptait péter les vitres et se servir de linges sérrés les uns à la suite des autres de manière à en faire une chaine de fortune et se la jouer Rappel sur la facade de la tour à moins que…l’apollon en toge avait une meilleur idée pour prendre la poudre d’escampette. C’est à ce moment que le héros doit briller, à ce moment qu’il doit exceller d’ingéniosité et d’inventivité et Kaitô espérait bien que son associé allait saisir sa chance et marquer d’une pierre blanche ce jour singulier.

                  « Une bonne idée serait pas de refus Yudhisthira héhé… »

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                  En un tournemain, avec la délicatesse et la douceur habituelle qui le caractérisent, Kaitô avait appréhendé et neutralisé le méchant. Pendant que l’agent du CP 9 serinait des mots doux à son captif, Yudhisthira, toujours étendu de tout son long, réfléchissait. Il arrive toujours un moment dans une histoire où le héros doit s’arrêter et réfléchir, parce que sinon il passe pour rien d’autre qu’un play-boy au physique avantageux doté d’une bonne provision de chance et d’inconscience… ce qu’il est la plupart du temps, d’ailleurs. Alors que pendant le moment où il réfléchit, le héros peut mettre en valeur son intelligence éclatante et sa capacité à aller au fond des choses. Et montrer que c’est pour ça que c’est lui le héros.

                  Prenez les méchants en général, par exemple. Eux, ils ne réfléchissent jamais ; ou alors, quand on les voit réfléchir, c’est qu’ils sont dans une situation critique, souvent sur le point de se faire battre. Dans ce cas, leur réflexion est toujours stérile. Quand un méchant a une réflexion un minimum utile, on n’en sait rien, pour garder le suspense ; ensuite, il s’en vante auprès du héros en la développant en long, en large et en travers.
                  Prenez Ysete, en particulier. Lui avait montré qu’il était retors, mais pas spécialement intelligent, ni même rusé : pour battre les deux agents, il n’avait compté que sur sa puissance brute, sans faire preuve de réflexion. Cependant, il était évident qu’on ne devient pas magnat de l’immobilier sans jamais réfléchir préparer un bon petit plan bien vicieux de derrière les fagots. Derrière sa grossièreté chronique, Ysete Kashe-Dosu cachait bien son jeu.

                  C’était Kaitô qui avait fait la remarque à Yudhisthira : les gens de l’île de Ba-laihar étaient riches. Riches et aveugles. Riches, parce que les magouilles d’Ysete avaient un aspect positif, enrichissant pour l’île. Aveugles, parce qu’il s’arrangeait pour qu’ils n’en sachent rien. Ainsi, les habitants de Ba-laihar vouaient un profond respect au magnat de l’immobilier ; ils voyaient en lui un bienfaiteur. Ils savaient que la santé financière de l’île dépendait de lui. En fait, Ysete Kashe-Dosu avait eu l’habileté de se rendre indispensable. Irremplaçable. Inamovible.


                  ***


                  Un hurlement de douleur arracha le demi-dieu autoproclamé à ses réflexions : il leva la tête pour voir Atsuji Kaitô en train de casser méthodiquement les genoux de son prisonnier. Yudhisthira eut une moue de désapprobation ; les héros sont rarement partisans de la violence gratuite. C’est plus fort qu’eux, ils ont tendance à trouver que c’est pas moral. Puis il tenta de se lever, quand la blessure de son ventre se rappela à son bon souvenir par une douleur aigüe qui le fit grimacer (mais une grimace photogénique. Bien sûr). Se redressant lentement, il se dirigea en direction du promoteur immobilier et de son aimable gardien. Il se pencha avec un maximum de précautions, pour prendre sa veste à Ysete, en arracher une large bande et se l’attacher autour du ventre. Puis avec son collègue, il se mit à entasser contre la porte les rares meubles qui avaient survécu aux combats précédents. Ca risquait d’être utile, vu que de l’autre côté de la porte, les gardes, qui s’étaient bien entendu gardés d’intervenir avant histoire d’éviter un maximum de coups (c’est pas parce qu’on est un PNJ lambda qu’on est forcé d’être crétin) commençaient à s’agiter.


                  Une fois que ce fut fait, les deux agents s’accordèrent un moment de pause, pendant qu’Ysete continuait de râler dans son coin. Yudhisthira en profita pour ressortir la feuille qu’il avait subtilisée au promoteur et la parcourir d’un air inspiré, le poing contre le front : quoique que pourraient en dire certaines mauvaises langues, le héros pensait réellement que ça l’aiderait à mieux cogiter. Au bout d’un moment, alors que les coups contre la porte commençaient à se faire un poil plus convaincant, l’agent Kaitô se tourna vers son collègue :

                  « Une bonne idée ne serait pas de refus, héhé ! »

                  Le héros se tourna vers lui, et répliqua avec un sourire éclatant et une pointe de joie:

                  « C’est sûr que vu ce qu’on a fait à leur patron, on risque de vraiment se faire mal voir dans le coin ! »

                  Il se leva, fit quelque pas dans la pièce en direction d’Ysete Kashe-Dosu, et s’assis sur ce dernier, qui hurla de douleur. Naturellement, Yudhisthira n’aurait pas pu en faire exprès, mais les héros peuvent, parfois, être maladroits, non ? Quand il fut sûr d’avoir capté l’attention de son fauteuil, le demi-dieu autoproclamé tint devant ses yeux la page qu’il détenait, laquelle, depuis le temps qu’on en parle, était passé du stade de splendide feuille bien pliée qui aurait eu toute sa place dans les classeurs de n’importe quel homme d’affaires un peu maniaque, à un chiffon sale et déchiré par endroit. Cependant, et c’était le principal, ce qui était écrit dessus restait tout aussi visible. C’était une feuille de comptes classique, comportant un tableau à deux entrées indiquant toutes les transactions immobilières réalisées par le magnat. D’une part les achats de terrain, de l’autre ceux qu’il avait vendu. D’une manière générale, on pouvait avoir qu’Ysete avait une tendance étrange à acheter beaucoup de terrains situés côte à côte pour une bouchée de pain, et de les revendre d’une pièce, agrémenté d’un hôtel ou d’une villa de luxe, à des prix mobilisant beaucoup de zéros. A priori, le promoteur arnaquait beaucoup de monde, mais ce n’était pas ce qui intéressait le héros, lui-même étant incapable de repérer un contrat douteux, même si ce dernier était signalé par des balises clignotantes et un « Warning ! » lumineux.

                  Non, ce qui intéressait réellement Yudhisthira, c’était, dans la colonne des ventes, juste entre « Petite résidence secondaire: M. Haki Hamakamera, 500 000 000 B » et « Plage privée : Hiwa Rake, 100 000 000 B », la mention « Camp d’entraînement secret perdu dans une haute montagne difficile d’accès, La Légion, 655 000 000 B ».




                  « Bon alors, fit le héros, je dois dire que je suis plutôt ennuyé pour vous. »

                  On pouvait difficilement croire que ce soit le cas. Ceci dit, le demi-dieu autoproclamé affichait sur son visage exceptionnellement dépourvu de sourire, un air réellement contrit. Il poursuivit :

                  « A la limite, semer le trouble dans l’île de Kana-Hiri, nous, on peut dire que c’est pas très correct, et ça vous a déjà attiré des ennuis. Mais donner aux révolutionnaires des endroits où se cacher, c’est vraiment pas bien. Tellement pas bien qu’on serait obligés de vous emmener directement au 2e niveau d’Impel Down. Au moins, et seulement parce que je serais gentil avec vous. »

                  Suivit un silence au bout duquel Yudhisthira, comme pris d’une inspiration, ajouta :

                  « Et, vous savez, là-bas, même mon collègue passerait tellement pour un modèle de douceur et de tendresse que les autres gardiens le trouveraient efféminé. »

                  C’était dit sur le ton de la conversation, comme sur la terrasse d’un café. Mais un coup d’oeuil effaré du promoteur en direction d’Atsuji montra à Yudhisthira qu’il avait touché juste. Dans une autre situation, une situation où il n’aurait pas eu les deux genoux brisé, des ecchymoses un peu partout et un héros sur les jambes, Ysete Kashe-Dosu aurait tenté de biaiser, de retourner la situation à son avantage, comme il a su si souvent le faire. Mais il ne trouva rien de mieux à répartir qu’un faible « Glaaaaargh… »

                  « Pardon ? » S’enquit poliment le héros.

                  « Enflouuurgh ! »

                  « Ah, fit son interlocuteur d’un air enjoué, je savais que vous seriez d’accord ! Alors, voici ce que je pense : nous, on va repartir d’ici, comme si on vous avait donné une bonne leçon. On pourra dire à nos supérieurs que notre mission est remplie, puisque les bandes de voleur qui sévissent à Kana-Hiri arrêteront de terroriser les touristes. Vous en serez personnellement responsable. »

                  Un grognement rageur lui répondit, de ces grognements que font ceux qui savent clairement qu’ils se font avoir, mais qui ne peuvent rien faire que limiter la casse. Prenant cela pour une approbation, l’homme au sourire étincelant reprit :

                  « D’accord. Donc j’emporte cette feuille que je garderai précieusement. Comme j’aime bien la région, je passerai régulièrement vous dire bonjour, vérifier que tout va bien... Enfin, moi, ou mon collègue » ajouta Yudhisthira, cédant à un petit mouvement puéril. « Ne vous inquiétez pas, je garderai vos comptes bien précieusement. Je n’aimerais pas qu’ils tombent entre les mains de gens qui vous veulent du mal. Vous avez vu comme c’était facile pour nous de monter jusqu’à vous ; et comme ce sera facile pour nous de repartir si vous nous y obligez : dites-vous que nous ne sommes tous les deux que des agents débutants !»


                  Les gardes du magnat de l’immobilier, qui avaient cogné de bon cœur sur la porte pendant tout le temps de l’entretien, choisirent ce moment exact pour démolir la porte et débouler dans la pièce. Ils auraient pu le faire bien plus tôt, mais c’eut été faire preuve d’un grave manquement aux règles scénaristiques de l’entrée en scène au bon moment. Cependant, un regard de Yudhisthira à Ysete, et un geste de la main d’Ysete à leur égard les arrêtèrent et ils durent laisser partir les deux agents. Ces derniers traversèrent lentement la pièce et sortirent. Au bout d’un moment, la porte se rouvrit pour laisser passer la tête du demi-dieu tout sourire :

                  « Au fait, la prochaine fois que je viendrais, j’espère que vous aurez changé la décoration de votre bureau. Celle-là est vraiment moche ! »


                  ***


                  Alors qu’ils enfilaient les pièces de la demeure d’Ysete, qu’ils franchirent le grand portail dont les deux battants furent ouverts en leur honneur, et à mesure qu’ils s’éloignaient de la résidence fortifiée, Yudhisthira restait songeur. Cela ne lui plaisait pas de laisser une ordure comme Ysete Kashe-Dosu dans la nature ; il aurait de loin préféré lui coller une bonne rouste et le transporter sur son épaule jusqu’à la base de la Marine la plus proche, le plus dur de l’histoire consistant tout de même à porter sur une aussi longue distance la masse de chair que représentait le promoteur.

                  Le soleil, avec un réel sens de l’à-propos, choisit ce moment pour se lever. Les gens de l’île Ba-Laihar ne sauraient jamais rien de ce qui s’était passé ; ils garderaient leurs emplois et leur train de vie, et Ysete conserverait sa position éminente. Comme si de rien n’était. Presque.




                  Mais, après tout, c’était le « presque » qui comptait, non ?



                    L’agent du CP9 devait bien avouer que sur ce coup-là, Yudhisthira l’avait littéralement bluffé. C’était foutrement ingénieux que d’employer les mêmes méthodes que cette enflure de Kashe Dosu…le chantage y’a que ca de vrai et en ce sens Yudhisthira était véritablement et dans toute sa splendeur un agent du Cipher Pol. La liste de comptes de Kashe Dosu avait le mérite de constituer une excellente monnaie d’échange pour se tirer de la propriété. Hahaha, l’apollon nous avait sorti de cette panade de bien bel manière, Kashe-Dosu n’avait pour ainsi dire pas d’autre choix que d’obtempérer au grand dam de ses intentions premières hahaha. Les gardes surgirent bientôt dans la pièce comme des forcenés parés à en découdre mais ils durent bien assez tôt rendre les armes lorsque leur boss leur en donna l’ordre. Hahaha Kaitô se délectait de l’instant présent, l’épilogue d’une aventure qui se conclut par une fin si rocambolesque mérite qu’on en savoure chacun des précieux moments qui la composent. La haine de Kashe-dosu et surtout son absence d’alternatives le contraignait à rester là, pieds et poings liés, lui le magnat de l’immobilier qui brassaient des millions chaque mois en était rendu à pactiser avec des gouvernementaux. Kashe Dosu avait une réputation à tenir dans le milieu et il était certain que si une telle information venait aux oreilles de ses concurrents, il deviendrait la risée des grands pontes de l’immobilier et sa popularité en prendrait un sacré coup.

                    Yudhisthira alla jusqu'à pousser le vice en lui conseillant de refaire sa déco…une sage préconisation que celle-ci, on avait foutu un tel brin dans les quartiers de Ysete que cela faisait peine à voir mais cela fait partie des aléas du métier héhé. Le tandem se dirigea bientôt avec nonchalance vers l’ouverture où la porte en chêne dorée venait d’être réduite en miettes. L’idée de laisser s’échapper ce bougre et de ne pas ramener sa carcasse dans les geôles du gouvernement m’embarrassait quelque peu mais fallait bien se rendre à l’évidence qu’un mec de son influence servirait bien plus les intérêts du gouvernement dehors que dedans. C’était en somme un échange de bons procédés, il gardait une certaine liberté surveillé et en échange refinancerait tout ce qu’il avait détruit avec ses activités illicites, sans compter qu’il faisait figure de taupe dans ce milieu épineux où la majorité des transactions n’ont rien d’un caractère officiel.

                    « Et, vous savez, là-bas, même mon collègue passerait tellement pour un modèle de douceur et de tendresse que les autres gardiens le trouveraient efféminé. »

                    Kaitô profite de la perche tendue par Yudhisthira pour renchérir sur ce propos.

                    « Surtout que les gros lards comme toi, ils finissent rapidement par clamser. ‘Fin bon, faut voir le bon côté des choses, tu seras tellement occupé à courir pour échapper à ce qui risque très fortement de se produire que…tu vas perdre toute cette graisse qui suppure à travers les pores de ta peau. Puis hey tu sais quoi, parait qu’on se fait une raison à se baisser pour récupérer la savonnette Hahaha. »

                    Il s’approcha alors de Kashe-Dosu, désemparé et craintif et lui tira la graisse des joues.

                    « T’as plutôt intérêt à remplir ta part du contrat si tu ne veux pas aller à l’ombre, je veillerai personnellement à ce que tu retapes toute l’économie de l’île. N’essaye pas d’engager quelques débiles pour nous faire tuer et récupérer la liste de comptes, on va en faire quelques copies si bien que tu n’amortirais pas ton investissement… «

                    Les deux hommes quittent bientôt la pièce, Kaitô chopa un fruit dans l’une des corbeilles en porcelaine qui était resté intact et croque à plein dent dedans. Ils regagnent l’atrium central au sein duquel ils venaient de jouer leurs vies quelques minutes auparavant. Le tandem prit alors la direction de la ville basse et se quittèrent en échangeant quelques banalités comme la coutume le veut. Il laissa soin à Yudhisthira de ramener la liste de comptes au Quartier général et de s’occuper des quelques formalités administratives relatives à chaque fin de mission. Il était certain que Yudhisthira viendrait à relater ses exploits avec grande objectivité et professionnalisme si bien qu’il n’aurait voulu pour rien au monde le priver de cet insigne honneur.

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