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Des cartes pour jouer à la table. [ Lou Gharr Rik ]

La nuit tombe. Je suis seul dans la chambre. Comme un rituel. Ultime moment de calme avant de me lancer dans une nuit de lumières et d'artifices. Le marché proposé par Hadoc répond à mes attentes. Il est inhabituel de trouver interlocuteur si conciliant dans la Marine, mais la perspicacité semble faire partie du bagage même ce celui-là. Il a une enquête à mener à bien, il y met le prix. Il sait évaluer les risques, intuiter les bons coups. La preuve, le million désormais en ma possession. Symbole de la confiance qu'il porte à ce pari sur mes qualités de joueur et ma loyauté envers lui. Elle sera généreusement récompensée; au Bellagio, je serai dans mon élément, la réussite ira de pair avec les cartes.

Le gérant de la Trinquette aura sûrement envoyé plusieurs sbires suivre mes faits et gestes pendant la soirée; le plus sage est de me laisser mener ma barque en solo, maître de mes actions à l'intérieur du Casino. Il serait fâcheux qu'une paire d'yeux attentive m'aperçoive en compagnie de Gaston, mon futur adversaire de fight, ou de son Mickey. Ça ferait mauvais genre. J'en ai réfèré aux officiers des Ghost Dogs un peu plus tôt; ils n'ont manifesté aucune contrindication.

Trovahechnik semble avoir repris le contrôle de ses émotions. S'il est animé d'émotions, difficile à dire. Il arbore de nouveau ce masque d'indifférence et de déplaisir pour à peu près tout, moi y compris. Le tour que je lui ai joué n'y est pas étranger. Mais c'était mon atout maître pour me tirer de ce guêpier, je ne peux décemment pas m'excuser de l'avoir abattu.

Hadoc lui, est tout à notre mission. Même si je compte bien me cantonner dans mon rôle, je me suis enquis des détails de son plan, par curiosité. Si un coup de filet est organisé, il faudra tout à la fois intervenir à la Trinquette et chez le vieux Eb'. Il n'est pas à exclure non plus la présence de certains individus véreux dans le Bellagio même. Un nouvel établissement de jeu qui s'implante en ville, ça attire toujours les gros portefeuilles. Quelle que soit la couleur de l'argent qui y dort. Une action d'envergure en perspective.

À laquelle j'ai déjà apporté ma contribution. Ne me reste plus qu'à m'asseoir devant un tapis vert jusqu'au petit matin, à jouer les mains et faire gonfler mes piles de jetons; ce que je fais de mieux. Un coup d'œil dans la glace; je suis parfait. Pas une ride de tension, pas une once de stress. Juste le regard confiant du joueur, le sourire en coin, la démarche souple. En somme, cette soirée n'est pas si différente de bien des précédentes. J'ai déjà prêté mes talents cartes en main à plus d'un parti pour faire couler les autres. Seul changement, cette fois-ci, je défends les intérêts de la Justice. Qui l'eut crû.

Le soleil a disparu à l'horizon depuis un moment maintenant. Les petites gens s'endorment peu à peu, l'univers du luxe, de l'argent, du spectacle s'éveille. Il est l'heure. Le million dispensé par Hadoc en poche, je quitte la chambre, retrouve les deux officiers que je vois pour la dernière fois avant le début de l'opération. Pour ne pas prendre le risque d'être repéré ensemble.

D'ici une demi-heure à peine, je serai au casino. D'abord, troquer mes Berrys contre des jetons. Arpenter les lieux, faire le tour du propriétaire, relever les gens importants. Une heure, première table, premier verre. Pour tester l'ambiance. Se prendre au jeu, gagner quelques mains. Puis, monter aux tables à grosses mises. Y faire son trou. Offrir un pourboire aux serveurs, ils se souviendront de ma boisson. Se livrer aux mondanités d'usage en caressant les cartes. S'approprier l'endroit. Et prendre la mesure de la table. Faire fondre les fortunes des autres joueurs sans altérer leur sourire. Tout en doigté. Tout en maîtrise. En Gambler. Et ce pendant huit heures. Aux premières lueurs de l'aube, je serai riche. Et libéré de tous mes soucis. Le rêve de tout joueur. Si tout se passe pour le mieux.


Messieurs, rien ne va plus.

Le Bellagio m'attend.
    J'ai bientôt terminé, Commandant.


    Dit le pansu en coiffant précautionneusement la tête du petit homme à l'air encore plus bougon que d'habitude. Au moins, passer un costume n'était pas le pire moment de la journée. Aucun mot ne s'était échangé entre les officiers sur le dérapage de Lou. Il en avait honte et sa honte se transformait en une forme binaire de haine envers le Gambler qui avait quitté la table assez tôt pour se préparer à sortir. Hadoc fait mine de ne pas se préoccuper de ce petit incident entre eux, mais il est intérieurement surpris d'avoir vu Trovahechnik humain l'espace d'un instant, surpris et rassuré. Ce silence scelle un accord entendu. Le rapport du Capitaine ne fera pas mention de ce tour joué à Lou. Et Lou se verra interdire la mention de "la chose" dans son rapport, Gharr prendra toute la responsabilité de la falsification visant avant tout à permettre à la machine de vivre avec un bug. Le reste, ça se réglera sur le terrain et il est clair que sans immunité pour mission bien remplie, Achilia aura le plus redoutable prédateur à ses trousses. Instinctivement, le Capitaine sent qu'une longue inimitié est née entre ceux-là et perdurera tant que les dés ne rouleront pas.

    Hadoc se redresse et sourit de satisfaction - peut-être moqueuse - en voyant le nouveau visage du Commandant Trovahechnik. Il n'est pas moins loufoque de son côté cela dit. Après le rôle de ce crasseux de Gaston, Gharr s'est correctement dégraissé les cheveux et la barbe qu'il a lissée et peignée longuement pour lui donner le volume et l'aspect désiré. Une perruque assortie à la couleurs des poils a été posée et il s'est offert la coupe d'un Tenryuubito qu'il a croisé une fois. Sa peau a été blanchie avec du maquillage et ses cicatrices effacées. Par précautions, il a également maquillé ses mains, mais elles resteront sous les épais gants de cuir du costume. Ce dernier est élaboré puisqu'il se compose d'une couche de tissus comprimés en bourrelets destinés à lui offrir la carrure d'un obèse. Un costume fait sur mesure qui pourrait lui servir de revêtement de lit d'habitude enveloppe cet énorme corps au volume magnifié par la taille haute du Capitaine. Habit richement décoré, les petites pierres serties sont vraies et taperont dans l'oeil des bourgeois en plus d'offrir une crédibilité essentielle. Il ne se les fera pas voler, les sabres cachés sous la couche fictive, en plus de vêtements de rechange en cas de besoin. Inutile de dire que le Capitaine sue, mais il s'en moque. Sa transpiration collera avec le personnage.

    Avez-vous songé à un nom ? Lou Nister ? Trovion Lannehchnik ? Tyriovahechnnistiec ?


    Propose-t-il en se disant que le Commandant aimait les choses qui doivent s'écrire sur plusieurs mugs. Le duo a fini les préparatifs. Le mot d'ordre est simple. Il faut se fondre, repérer d'éventuelles personnes louches ou des faux billets (pour cela, il compte sur l'oeil nanométrique du Commandant) et entrer en contact avec Monsieur Noriyaki, le propriétaire de l'établissement. Un pirate, mais pas le genre de pirate que l'on peut se permettre d'arrêter lors d'une descente classique, du moins pas si l'on ambitionnait de le maintenir en prison. Noriyaki est riche et influent. Tout gardien laissant tomber sa clef dans sa cellule a de quoi se baigner au champagne jusqu'à la fin de ses jours. Cela ne signifie pas qu'il est intouchable, mais que s'il n'est pas directement mêlé au trafic de faux billets, il ne sera pas dans le collimateur des Ghost Dogs. Mieux encore, il serait une victime potentielle de cette fraude. Satoshi Noriyaki mènerait alors la vie dur à tout criminel touchant un autre papier que celui des toilettes. Un rendez-vous avec lui paraît indispensable, pour l'inculper ou le prévenir. Et pour ça, il ne fallait pas se présenter en tant que marine, mais potentiel facteurs de rentabilité pour lui.

    Le soleil tombe d'un coup, terrassé par un nuage qui dépasse encore de son orbite. Toute la ville uppée s'est donné rendez-vous au Bellagio et l'endroit vu de l'extérieur ressemble à un morceau de ciel étoilé tombé au milieu d'un boulevard qui éclaire jusqu'aux égouts. Sitôt dans l'avenue principale, la rue est claire comme en plein jour si l'on considère que le soleil brille de blanc, de bleu, de rose, de rouge, d'or et parfois en alternance. Les projecteurs éclairent les nombreuses fontaines des établissements de luxe et le ciel affiche une couleur étonnement orangée. En route pour le lieu de rendez-vous, Hadoc observe les architectures mêlant le chic du moderne et l'élégant d'une époque passée, d'une civilisation jugée par les intellectuels comme étant une période d'excellence. La voilà arrogance et démesure et le samouraï se soulage presque que sa culture oubliée ait même échappé aux lubies artistiques des architectes de la belle Loguetown.

    Le Bellagio leur fait face. Un dernier coup d'oeil sur Lou. Parfait. Le Capitaine s'avance et se laisse interpeler par un homme trop poli et maniéré pour être videur.

    Bonzour mézieux. Puis-ze prendre votre noms ? Il zera comptabilizé dans la grande loterie de ze zoir.


    Allons bon, voilà qu'on joue avant même d'entrer. Amusant.
    Spoiler:


    Auguzte Robert Zainte Barbe Amarrons, z'est noté. Et vous z'êtes ?
    • https://www.onepiece-requiem.net/t1985-le-set-samourai
    • https://www.onepiece-requiem.net/t1888-le-capitaine-hadoc-a-emherge
    Moi? Je ne suis que le modeste suivant de mon Lord. Trovyon Lounister pour le servir. Gloire à Barbamaron!

    Spoiler:

    Le gorille maniéré me toise de haut en bas. Puis il regarde Ghar... Robert. Il note de ses gros doigts sur une feuille face à lui, puis, d'un air de suret, nous invite à entrer.

    Entrons donc, Trovyon! J'ai envie de ripailles et de jeux!

    lance Baramaron, dans son rôle.

    Oui Maîîîître Tout Puissant...


    Répond-je.

    Et nous entrons. Nous passons la double porte de style baroquococo-antique. Une abomination esthétique. L'architecte qui a commis ce crime devrait être envoyé à Impel Down. Hmm. Je m'occuperai de ce cas-là plus tard, me dis-je, tout en ajoutant une note dans mon carnet à ce propos. Mon geste est remarqué par Gharr-Robert, qui me lance un regard interrogateur, alors que nous entrons dans la grande salle.

    Note pour plus tard, mon Seigneur!

    Face à nous s'étend une foule de gens, tous survitaminés, qui s'agitent de tables en tables. Tous sont mus par le désir inextricable de gagner de l'argent sans effort. Tous, des fainéants qui rêvent d'être riche sans même travailler... Profiteurs! Flâneurs! Vagabonds! Je ne ressens que dégout envers eux. Ils sont l'expression même de ce monde qui va mal, ce monde qui connait une crise clair des bonnes Valeurs, des bonnes Mœurs. Courage moi-même, courage, lorsque je dirigerai le Qg de cette ville, plus tard, tout cela n'aura plus court. Tout cela sera purgé. Gné hé hé.

    Mais revenons à nos moutons. Notre mission ici est loin d'être simple. Nous devons quérir une entrevue avec le patron de cet Enfer. Un fieffé gredin, un pirate. Mais qui pourrait s'avérer utile, selon Gharr. J'ai bien essayé de lui faire partager mon point de vue sur la question, mais il fut balayé d'un revers de main. Alors nous voilà, à quémander un rendez-vous avec une crapule, déguisé de façon affreuse. Arg. Arf. Arg. Je repense à cet accoutrement, cela me rappelle une autre raison de notre présence ici. Surveiller, voir protéger, notre cher "témoin". Arg. Arf. Insupportable Achilia! Je n'aime pas ce garçon, oh que non! Ce gredin qui s'est permis d'utiliser sur moi ses pouv... Non. Ce n'est jamais arrivé. C'est vrai. Point.

    Nous traversons les allées de moquette vulgaire, à la recherche d'un créneau. Cela va-t-il durer longtemps? J'espère que non. Je n'en ai vraiment pas envie. Alors autant être pro-actif. Se mêler directement au marasme ambiant.

    Maîîître ? Il me semble que nous sommes ici pour jouer, n'est-ce-pas? Alors, jouons !

    Robert Barbamaron l'Obèse m'adresse un regard où je détecte une sorte d'étonnement. Oui, je veux jouer. Pas pour moi. Pas pour le plaisir. Pas pour le gain. Pour que cette mission s'arrête vite. Et j'ai une petite idée à ce propos. Mon Lord acquiesse donc, et nous nous asseyons à une table. Le croupier et les joueurs à la table ne bougent pas le moins du monde. Mais alors qu'un nouveau tour s'engage, on nous distribue aussi des cartes. Le croupier explique:

    Black Jack*. Règle simple, mise simple. Partie classique à trois jeux.

    Nous observons ce tour, tentant de comprendre comment cela marche. Et non sans quitter du coin de notre oeil cette autre table, là-bas, trente pieds plus loin. Une table cachée par des paravents, difficilement observable, mais où trône fièrement l'infect, l'ignoble, l'indécent Achilia. Brr. Prrt. Je préfère encore faire attention au "Black Jack*" comme il l'appelle.

    ------

    21 pour Monsieur ici présent. Black Jack*. Voici vos gains.

    Le croupier pousse les jetons devant moi, les ajoutant au tas déjà conséquent de mes gains. Gné hé hé. Ce jeu est en fait très simple. Il n'a rien à voir avec le hasard. Trois jeux pour la distribution, et les cartes utilisées sont brûlées. N'importe qui ayant de la mémoire et sachant un brin compter peut prédire la probabilité qu'une bonne carte tombe. Simple comme bonjour. A se demander comment certains arrivent à perdre. Gné hé hé. Je suis si intelligent. A la table de poker, rien ne semble changer. Pas de vague.

    Messieurs nous faisons une pause de dix minutes.


    Nous dit le croupier. Les gens se lèvent, quittent temporairement la table. Robert en profite pour me questionner. Lui ne s'en ai pas mal sorti non plus. Mais il semble douter. Je ne peux que lui répondre:

    Mon seigneur, je ne me prend point au jeu, croyez le bien. Je joue juste la seul chose que je sache de façon certaine à propos des casinos: on n'y déteste les gagnants. Gné hé hé.

    Mes belles oreilles à couper que d'ici peu, nous serons "conviés" à rencontrer les autorités de ce tripot "légal".


    *Sans Honneur.


      Des cartes pour jouer à la table. [ Lou Gharr Rik ] Word_r10

      Le rideau se lève. Le bâtiment se dévoile. Le générateur est lancé. Les lumières s'allument étages par étages, ça brille. Ça brille fort, ça brille bien. Les gosses ont des pépites dans les yeux. C'est clingant. C'est voyant. Dans la sombre noirceur de la nuit, on croirait voir un deuxième soleil. C'est placé en bout de boulevard. C'est le bâtiment qui clôt à merveille le chemin dallé de plusieurs centaines de mètres. Repérable facilement depuis d'autres endroit, attirant, tout le monde viendra, et les plus riches clients y sont conviés pour cette nuit qui sera, soyons francs, mémorable.

      Évidemment, les gens se pressent de venir. Heureusement, le bâtiment est massif, de quoi accueillir ce qui devra être accueillit. Certes, tous sont acceptés, mais on repère aisément ceux qui seront bien vite à cours de monnaie. Certains se présentent en commençant par un titre honorifique. Un titre important. Quelque chose de classe. D'autres donnent un nom banal. Ils perdront vite. Ils sont malchanceux. Ou pas très doué avec les cartes. Ca entre dans le casino. Certains sortent bien vite. Des fauteurs de trouble. Les vigiles sont là pour ça. Ils font bien leur travail. Et ils sont observés.

      Il faut quelqu'un pour les encadrer. Sans chef, le monde n'est qu'anarchie, des suiveurs désemparés s'entretuant pour de maigres gains. Une meute prête à tout pour ses intérêts. Mais lorsque quelqu'un est au dessus de tout, ils ne peuvent s'égarer. Ils doivent suivre ou périr. Et ce quelqu'un se situe dans une salle sombre. Au deuxième étage du bâtiment. Dans l'ombre de la pièce, un homme est assis sur un fauteuil noir, dos aux écrans des caméras, une jambe par dessus l'autre. Le fauteuil se retourne. Des cheveux blonds, un cigare à la bouche. Cool guys always wear sunglasses oblige, des lunettes de soleils lui allant à ravir se tiennent sur le dessus de son nez. Luccio Carboni est là. A l'affut du moindre problème, du moindre doute sur des quelconques tricheries. Informé de tout ce qui se passe, ne laissant aucune information s'échapper, il est attentif, et il le voit.

      Certains hommes se détachent du lot en montant aux tables à grosses mises. Des gens ayant un budget conséquent. Des gens bien. Des gens qui font de l'argent. Des gens qui perdront. Des gens qui devront perdre.
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      • https://www.onepiece-requiem.net/t100-termine-satoshi-noriyaki
      Le Bellagio est un modèle de Casino. Tout a été mis en œuvre pour plonger les joueurs dans un univers magique. Aux antipodes du quotidien morne. Ici, la lumière est plus vive, la musique plus entrainante, le champagne plus pétillant. Pas la moindre fausse note au tableau. Du choix des amuses-gueules fondant en bouche à celui des fauteuils massifs des tables à cave élevée, si confortables qu'on ne s'en extirperait pour rien au monde, une fois assis. En passant bien entendu par la bonne humeur que l'on jurerait désintéressée de tous les employés de l'établissement. Les clients déjà familiers avec le monde du jeu apprécient en connaisseurs, ceux simplement présents ce soir pour l'ouverture en prennent plein la vue. Tout le monde profite, et pour cause, tout est mieux ici qu'à l'extérieur, dans le vrai monde. Tout le monde profite, et surtout, tout le monde paye.

      Les artifices font miracles, et sans surprise, le patron peut se frotter les mains devant le chiffre d'affaires qui gonfle au gré des minutes. Pas un joueur sur dix n'est venu ici ce soir dans l'intention de véritablement faire fortune. Certains comptent sur leur bonne étoile pour arrondir coquettement leur fin de mois, d'autres viennent simplement flamber quelques Berrys et vivre un rêve éveillé en multi-couleur l'espace d'une nuit. Ceux qui appartiennent à l'une ou l'autre de ces deux catégories n'ont pas grand chose à offrir. Vingt mille Berrys ici, chez ce père de famille sans histoire; trente mille Berrys par là, chez cette jeune première qui découvre la féérie du Jeu pour la première fois. Guère intéressant.

      Fort heureusement, il reste les autres. Les grosses fortunes. Celles qui ont l'habitude d'aligner des piles de jetons à six chiffres au moins. Celles qui se savent au dessus des autres de par leur portefeuille. Et côtoyer ces gros poissons là, c'est autrement plus appétissant. C'est auprès d'eux que je vais passer le plus clair de mon temps ce soir. Voilà une heure bientôt que j'ai lancé ma soirée. Table intermédiaire; le temps de me rôder, et de convaincre les vigiles qui contrôlent l'accès au premier étage de me laisser tenter ma chance dans le grand bain. Ce qui ne saurait tarder.

      J'ai un flop favorable, une fin de main à négocier.

      Combien vous avez devant vous ?

      Combien j'ai ? Je le sais déjà. Au million de départ se sont greffés cinq cent mille autres Berrys. Je pourrais difficilement espérer mieux compte tenu les faibles enchères qui prévalent ici.

      Alors ?

      Le mec me relance, pressé. Je le toise derrière mes lunettes. Lis l'excitation mêlée à l'anxiété qui l'anime. Les joueurs de ce genre aiment forcer les mises pour faire plier l'autre. Il suffit de les laisser venir. Une réponse neutre le confortera dans sa stratégie.

      Dans les... un million.
      Je mets deux cent mille.

      Petit roquet. Le croupier répète. "Deux cent mille à mettre". Moue dubitative, regard tamisé fixé sur les trois cartes déjà tirées. Un As et deux huit. Un instant de fausse réflexion. La réponse.

      Payé.

      Le reste des joueurs se couche, sagement. Nous sommes deux, le turn vient, Deux de pique.

      Check.
      Trois cent mille.

      Petite clameur à la table, on atteint des sommes rarement misées au rez-de-chaussée. Même comédie. Dix secondes et une gorgée de Mojito plus tard, je colle. La river dévoile un Roi de Carreau.

      Check.
      Cinq cent mille.
      Tapis.
      Payé.

      C'est allé vite. Trop vite. Il aurait dû réfléchir. Je retourne mes cartes. Trois et Huit dépareillés.

      C'est un brelan.

      Tout simplement. Sans forcer mon talent. Mon adversaire jette ses cartes de dépit. Encore un As-Roi mal négocié. Verre dans une main, tapis de jeton dans l'autre, je me lève. Il est temps de passer aux choses sérieuses.

      Messieurs, dames, bonne continuation.

      J'arrive devant l'escalier menant à l'étage supérieur, les deux gaillards me jaugent. Hochent la tête d'un air convaincu et m'invitent à monter, ce que je fais. Par goût de la conversation autant que par curiosité, je me retourne et demande :

      Ça joue à coup de combien là-haut ?
      No Limit, soirée inaugurale de l'établissement. Haut.

      Voix et regard fermes. C'est tout sauf une blague. Tant mieux. J'accède à un vestibule particulier. Un employé m'accueille.

      Monsieur voudra peut-être changer de jetons ?
      Bien vu. À combien on en est ?
      Actuellement, blind à 50/100, monsieur. Nous montons toutes les heures, pour atteindre 250/500 en fin de soirée.

      L'annonce m'en tire un sifflement admiratif. C'est une occasion très spéciale, effectivement. Je troque mes jetons contre d'autres à valeurs supérieures. Trois Millions Berrys et des poussières à jouer.

      Recave autorisée, et recommandée.

      lâche l'employé avant d'ouvrir la porte devant moi. Je réponds par un sourire silencieux et pénètre dans une salle spacieuse. Le cadre a changé. L'ambiance est plus feutrée, plus noble. Ici, seulement deux tables de six joueurs. Et quelques personnalités du monde autour, à suivre les mains sans participer. Une odeur délicate de tabac raffiné s'élève de l'endroit. Ici, on troque le mauvais whisky pour du bourbon. On observe le nouvel entrant que je suis, on tente déjà d'évaluer dans quelle catégorie je me range. Jusqu'à ce qu'une voix forte et enjouée ne s'élève. Une voix familière.

      Ga-haha ! Monsieur Achilia. Ça pour une surprise.
      Archie "Big-Blind". Le monde est petit.

      Le volubile businessman m'invite à rejoindre la table, sourire aux lèvres, tout en m'introduisant auprès des quelques célébrités notoires. Certaines ont eu vent de ma présence au Blues Poker Tour, en début d'année. Les poignées de mains se succèdent, je prends place. Le croupier commence la distribution, je commande un Mojito et roule une tige de tabac qui dénote un peu dans le décor.

      L'odeur ne vous indisposera pas, j'espère ?
      Ga-haha ! Du tout. Quel bon vent vous amène, cher ami ?
      Le Jeu, comme toujours.

      Et une enquête de la Marine; mais inutile de trop en dévoiler à ce sujet. Je laisse les deux officiers des Ghost Dogs à leurs investigations, j'ai bien mieux à faire de mon côté. Première main servie, première blind à poser.

      Je passe.

      Les festivités commencent vraiment, désormais.
        Le Commandant ne tarde pas à être le roi de la soirée avec sa façon de jouer. Ce n'est pas extravagant, ce n'est pas sexy, mais ça attire. Il reste juste là, attentif comme un Sergent qui utilise pour la première fois une escimprimante? Il joue, sûr de lui et gagne, toujours. Gharr joue des sommes astronomiques et se contente de ne rien perdre. Il y a même de légers gains, servant plus à assurer en cas de coup du destin qu'autre chose. Le croupier a été tenté de se mettre à tricher pour ne pas perdre sa place. Se faire dépouiller par deux joueurs sur trois dès le soir d'ouverture est très mal vu dans ce milieu. Mais une remarque faisant allusion au tour de passe-passe et à la façon dont les gens du pays de Barbamaron perdent des doigts a dissuadé de porter la tricherie. Une langue franche et une émanation d'aura meurtrière faisant voir au croupier sa propre mort en cas de geste illégal ont bientôt simplifié les règles du jeu et le duo a pu gagner en toute impunité. La chose a fonctionné, un homme bien habillé avec un mini-escargophone nous alpague poliment Trovyon et Robert pour leur proposer le magnum offert lorsque les gains éclatent le plafond. Offre acceptée; Le Commandant se sent mieux de ne plus être l'objet de fixation de la gente féminine, qui lui a découvert une beauté digne d'un lancer de dé d'Achilia.

        Les deux marines se laissent inviter jusqu'au patron, ou du moins son homme de confiance. Le magnum est bien là, mais il y a un supplément d'hommes de main. Il n'est pas de bon ton d'être inhospitalier, alors l'homme blond qui siège tout sourire sorti nous invite chaleureusement à prendre place sur ces fauteuil en cuir de licorne. Il se présente comme étant Lucio Carboni, l'attitude de Lou fait comprendre qu'il ne ment pas sur son identité. Les hôtes prennent place après une mains serrée et les coupes se remplissent. Robert inspecte le Louis Roederer servi dans sa bouteille plaquée d'or. Il y a meilleur niveau goût, bien qu'il soit dans les plus réputés, mais le choix de cette marque vient du fait qu'elle soit la plus bling-bling sur le marché. Hadoc en a déjà bu, dans des réunions mondaines de la marine et à d'autres occasions que son niveau de lui permet. C'est en connaisseur de ce qu'il a dans son verre qu'il accueille le breuvage et le commente avec la grosse voix portante de Barbamaron. Des compliments oui, mais pas trop, juste histoire de souligner le goût subtile de la gratuité. Puis, le jeu commence, Carboni félicite pour le talent au carte et glisse la première allusion à un truc qui ne soit pas dû au hasard mais à l'idée d'arnaquer la boîte. Quelque chose de calme encor,e un simple "nous ne nous attendions pas à trouver d'aussi bons joueurs dès l'ouverture, malgré la bonne promotion faite à l'endroit pour motiver les gens de la haute à faire le trajet", ou quelque chose dans le ton. Hadoc présente Robert Barbamaron et répond à l'homme aux lunettes noires:

        C'est que, mon ami - vous permettez que je vous appelle "mon ami"? - nous ne sommes pas venus uniquement pour jouer. Gagner de l'argent, c'est le véritable objectif, mais certainement pas en jeux de hasard.

        Il se disent pas mal de chose en ville Monsieur Carboni. Des choses Concernant l'argent de Loguetown. Savez-vous que des faussaires sévissent en ce moment même et sont particulièrement actifs ? Je me demande comment votre employeur compte sécuriser son casino contre ce cruel manque à gagner. Car il est au courant, n'est-ce pas ? Monsieur Noriyaki a beau s'être converti en honnête homme d'affaires, je gage qu'un contact de son milieu parallèle l'a déjà informé de la mauvaise nouvelle.

        Voilà la raison de notre venue: ce manque à gagner. J'ai quelques projets pour la ville, qui investiront et récolteront des capitaux notables, mais me refuse à investir dans un lieu gangréné par la mafia. Ou du moins, une mafia qui me vendrait du papier-toilette en m'assurant pouvoir le placer en banque. Je veux la tête de ces faussaires Monsieur Carboni et espère de votre employeur une aide précieuse. Il est implanté à Loguetown, connait la ville et ses criminels. Je suis persuadé que s'il ne fait pas partie de cette magouille, il finira par en être la cible.

        Qu'est-ce qui me fait croire qu'il n'en n'est pas, me direz vous ? Rien pour le moment, mais je saurai bientôt s'il peut être allié ou non de notre cause. Voyez-vous Monsieur Carboni, j'ai un ami qui a perdu il y a peu la machine et les planches à billets qu'il gardait dans son salon en guise d'oeuvre d'art. Car c'en sont, un être mal intentionné pourrait générer des copies presque parfaites des billets d'origine avec un tel matériel. J'aimerais que cet ami réharmonise son salon en mettant la main sur son oeuvre, dont il s'avère qu'elle est bien ici, à Loguetown. Si Monsieur Noriyaki avait été l'homme qui avait fait acquisition de cet objet, alors je ne verrais aucune offense à me la voir restituée dès demain, ainsi que tout le papier imprimé de la duperie. Et je suis persuadé qu'il le ferait, pour la simple et bonne raison que je lui prête beaucoup de discernement pour la chose pécuniaire. Ca, puis la certitude que je m'avère être un homme qui paye bien, et particulièrement les enquêteurs chargés de retourner la ville pour me ramener ce qui m'appartient. Une question de temps en somme et je compte sur la contribution de votre patron pour m'en faire gagner, à défaut de commettre l'erreur de m'en faire perdre bien entendu. N'y voyez aucune menace, mais passé le délai de politesse de 24H, s'il s'avérait que vous ne me rapportiez rien alors que vous étiez en possession de mon bien, j'y verrais une injure faite à l'égard de l'art contemporain et un vol qualifié. Auquel cas je n'utiliserais plus mes fonds pour la récupération de cette machine, mais pour la tête de votre estimé employeur, ainsi que la vôtre, celle de vos employés et de tout ce qui respire de près ou de loin votre odeur. Votre casino serait détruit, vos coffres pillés, vos noms salis et vos amis jetés à Loguetown pour une miraculeuse découverte de leurs liens avérés avec la révolution. Je serais impitoyable Monsieur Carboni, car on ne devient pas riche en faisant des concessions.

        Mais, je parle là du cas où Monsieur Noriyaki tremperait dans cette odieux trafic et ne désirerais pas me rendre ce qui me revient de droit. S'il s'avère que ce n'est pas le cas, alors lui et moi avons les mêmes intérêts et je reporterais le même courroux énoncé et dépenserais la même énergie à l'encontre des véritables responsables. Sitôt ma vengeance opérée et l'oeuvre d'art rendue à mon ami, votre employeur et vous-même auriez la certitude de toucher de l'argent propre et encaissable en banque. Je pourrais même, si soutien de votre part il y a, répandre en ville et ailleurs que l’illustre Satoshi Noriyaki est un homme à l'investissement noble et à l'honneur acéré pour ce qui concerne l'argent. Cette aide vous apporterait bonne presse et bons investisseurs, malgré cette réputation de pirate qui traîne derrière votre patron et à laquelle je ne prête, pour l'instant, aucune conclusion négative. Mais d'autres le font pour moi et sans une marque d'intégrité rapportée par un externe, ce Jolly Roger rendra toujours les fortunés timides quand il s'agira de tremper le bout des orteils dans vos affaires.

        Comprenez-vous les intérêts de cette proposition ?
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        L'atmosphère à l'étage change du tout au tout par rapport à celle que j'ai pu côtoyer en dessous. Tandis que la masse de joueurs respire l'excitation devant le brillant, le doré, les gens savent se tenir ici, restent modérés en dépit des millions qui roulent sur la table. L'habitude des salons à grosses mises, un portefeuille gorgé de Berrys à n'en plus pouvoir contenir. Il n'y a pas cette agressivité de celui qui veut croquer à pleine dent l'immense festin qui trône sous forme de pièces de céramique dans les manières; juste dans la méthode de jeu appliquée par certains. Pas non plus cette odeur de trouille de l'homme moyen qui risque de se faire ratisser. Si l'on perd, après tout, ce ne sont que quelques liasses qui s'envolent. Ce sera l'occasion de revenir au Bellagio pour les récupérer lors d'une prochaine nuit de jeu. Car le cadre posé, cette distinction judicieusement soignée pour rappeler que l'on est entre habitués donc gens de bonne compagnie, incite à visiter régulièrement l'établissement. Le propriétaire a su faire en sorte de contenter chacun à la hauteur de ses exigences. La magie lumineuse pour les novices, un cercle de courtoisie et mondanités pour ceux qui aiment à savoir qu'ils sont digne d'y être admis.

        Mon arrivée impromptue n'a pas bouleversé l'ambiance. Le volubile Archie n'y est pas étranger. À lui seul, il parle pour huit, constitue l'animateur de la table et remplit bien ce rôle. Des propos légers, des anecdotes sans intérêt mais qui se laissent écouter sans effort. On aime. Il s'est fendu d'une historiette ou deux à mon sujet, qui remontent au Blues Poker Tour. On a apprécié leur teneur, les délibérations n'ont pas duré, j'ai gagné un siège régulier à la table. Rien n'a été formellement énoncé, tout s'est déroulé avec un doigté qui friserait l'hypocrisie si tout autre individu que moi venu du rez-de-chaussée, non initié, avait été l'objet de l'évaluation silencieuse. Mais il n'en est rien. Je joue. L'esprit pas tout à fait aussi libéré que d'ordinaire cependant.

        Ce soir serait presque comme tous les autres, mais pas tout à fait. Il y a une nuance pas si bénigne que ça. Elle a l'apparence d'un duo d'officiers qui approfondit actuellement auprès des proprios une enquête dans laquelle je risque gros. J'y trempe un peu, pas trop certes, mais suffisamment pour qu'on souhaite me ficher une lame entre les deux épaules si je manque de vigilance. Le vieux Eb ferait un bon commanditaire, considérant la scène que je viens de causer chez lui. Pour peu, si mon nom apparaît comme collaborateur des Mouettes, je vais grimper haut dans la liste des hommes à abattre sur Loguetown. Mah. On verra bien quelle tournure prendront les évènements. J'ai fait de mon mieux pour m'en sortir à bon compte, l'issue finale de toute cette histoire n'est plus de mon ressort. Il n'y a rien de plus que je puisse faire, à ma connaissance, inutile de se ronger les sangs. Jouer est encore le meilleur exutoire pour chasser les tracas.

        Un moment déjà que l'on brasse les mains. Partie tranquille me concernant, quelques flops bien négociés, des adversaires un peu curieux parfois. Tant mieux. Parfois, une river à faire grincer des dents. On n'est jamais totalement à l'abri de se casser la gueule. Rien de bien méchant. Un changement de croupier est annoncé. L'occasion de faire un break. De se tenir informé du déroulement des opérations, aussi. Je prends congé auprès des joueurs, abandonne la table pour un temps au moins. Un coup d'œil, en contrebas. Ni de Hadoc, ni de Trovahechnik. S'ils étaient présents, je les aurais déjà repérés. Ils ont fait une entrée pour le moins remarquée tout à l'heure, ils ne prennent pas l'art du déguisement à la légère. De vrais pros. Il vaut mieux les laisser mener leur barque seuls. Autant retourner jouer.

        À moins que. Une porte s'ouvre. Un personnage haut en couleur s'extirpe d'un bureau. Le bureau.Les discussions touchent à leur fin. Temps de lever l'ancre. Je retourne à la table, récupère mes jetons.

        Ce sera tout pour moi ce soir. Ne laissez pas ce cher Archie vous dépouiller.
        Ga-haha ! Sacré, Achilia. On se recroisera.

        On me souhaite une bonne fin de nuit, m'invite à revenir au plus vite. Je salue, sourire renard, lâche une blague simplette et emprunte un cigare pour la route. Tranquille. La belle vie. Si ça ne tenait qu'à moi, je ne mettrais pas les voiles avant d'avoir travaillé à ponctionner comme elles le méritent toutes ces fortunes. Mais tout ne dépend pas de mon bon désir.

        Jusqu'à la sortie du casino, je ne croiserai pas Barbamaron et son fidèle serviteur. Savoir rester prudent. Échanger ses jetons, d'abord, donner une poignée de main ou deux. Puis rejoindre les deux marines une fois assuré de ne pas être épié. Et entendre ce qu'ils auront à dire. Le verdict va tomber.
          Les deux marines quittent le bureau de l'hôte après des négociations qui semblèrent durer une éternité. Carboni a dû s'absenter un instant pour obtenir l'aval du patron déserteur, affairé à d'autres façon de remplir ses coffres. La chose est finalement entendue, il y aura collaboration des pirates pour aider Barbamaron à mettre la main sur la planche et surtout ceux qui l'ont dérobée. Une liste maigre mais affinée des potentiels détenteurs de l'objet perdu roule dans une poche de Trovyon qui, en bon étranger feignant totalement l'ignorance du casier judiciaire des cibles, n' a pris la liberté de ne jeter un oeil à la liste des suspects que pour critiquer la calligraphie déséquilibrée de l'informateur. Assimilée, elle ne devient plus qu'une pièce à conviction avec la trace manuscrite en guise d'objet de pression éventuelle si un jour il fallait retourner la délation contre le gérant. Le duo prend la route du dehors sans chercher à trouver Rik dont la durée de la mission demeurait trop aléatoire pour enchaîner les cigares devant l'entrée. Le QG lui était connu, il ne restait plus qu'à l'y attendre.

          Les dizaines de minutes suivant le rapatriement des Hadoc et Trovahechnik se composent d'une interminable suite de rapports et tampons. Pendant que Gharr s'occupe des mandats d'arrêt et narration des différentes découvertes depuis la venue à Logue Town, Lou parcourt le carnet de Eb et y retrouve plusieurs noms figurant sur les suspects offerts par Luccio, ainsi qu'un tas de preuves codées qu'il traduit comme un parfait bilingue en précisant tous les secrets et montants de versements du criminel des bas quartiers. Ce qui n'épinglera pas les coupables directs de l'affaire en cours grossiront les archives. Hadoc ose interrompre le Commandant en fin de tracer de marge pour lui faire lire et assimiler ce qu'il s'est passé. Lou tique, Achilia y est présenté comme un externe infiltré dans le réseau pour fournir des informations. Le petit Commandant signale la dangerosité, si latente soit-elle, de l'individu. Le Capitaine précise qu'il en connait les talents de manipulateur et que s'il s'avérait au cours des investigations que Rik jouait le rôle d'un loup en peau d'agneau, il serait arrêté comme les autres. Mais Gharr en doute, il a senti quelque chose chez le joueur qui le met en confiance.

          "- Le truand Achilia est responsable de 218 infractions, déclare l'aigri Commandant, parmi lesquelles la complicité à la fraude, le vol, la tentative de meurtre avec préméditation, incitation à la débauche, résistance à un interrogatoire, tentative de corruption, corruption, contrefaçon de jouets...
          - ...Nous avons nous aussi un nombre incalculable d'infractions commises au cours de cette enquête, précise le Capitaine, d'un air un brin plaisantin.
          - Commises au nom de la loi, rétorque froidement le petit homme, et la loi exclut toutes celles opérées durant cette enquête aux agents de l'ordre de nos grades. De plus, elles peuvent être quantifiées."

          Mais au-delà de tout cela, Rik est au service de la marine pour une semaine, semaine durant laquelle les gradés pourront juger de sa nature. Trovahechnik via les pièces à convictions et diverses preuves, Hadoc via son expérience du bonhomme et futur éventuel indic' régulier de la Mouette, au service exclusif des Ghost Dogs pour une discrétion assurée; bien entendu. Dès demain, les équipes se diviseront. Judge et Lilou enquêteront également sur le réseau des faux monnayeurs et les visages des coupables se multiplieront. La Marine très présente dans la ville sera enfin mise au courant de l'enquête et des cibles à jeter sous les verrous. De leur côté, les Ghost Dogs poursuivront leur travail d'infiltration pour toujours en apprendre davantage et empoisonner les artères des syndicats présents. Ce qui ne conclura pas à des procès offrira tout de même une mise à jour efficace du réseau parallèle. Plusieurs chefs de gangs et familles seront épargnés. Pas parce qu'ils ont un passe-droit, mais parce qu'il vaut toujours mieux laisser quelques molosses chasser dans un territoire si on veut en contrôler la faune. Les anciens pourront diriger ou chasser les jeunes bêtes sauvages, la marine saura en permanence à quel genre de vieux loup elle a affaire. Dans cette toile, il y aura Rik, quelque part.

          Gharr transmet à son second qu'il va prendre l'air. Robert Barbamaron est laissé dans une caisse au profit de Jack Lundgren, un vieux pirate aux arcades et pommettes très développées et aux sourcils assez fournis pour masquer le regard. Les vêtements amples très sombres et la cape charbon masquent la jambe que le marine replie pour appuyer son genou sur une prothèse de bois. Lundgren sort par la porte derrière l'hôtel et déambule lentement dans les ruelles qui commencent à chanter la pluie. Le tricorne couvre la plupart de sa silhouette comme les retouches de maquillage qui unit le silicone du front à la véritable peau. S'il ne tentait pas de se dérober, Rik allait peut-être venir rendre visite à Lou à la planque pour rendre l'argent emprunté pendant cette nouvelle escapade. Hadoc préférerait être là pour son retour, mais la nuit ne durait jamais assez longtemps pour nouer avec la souillure de Logue Town.
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