Le navire de pêche s'éloignait, laissant sur cette plage un pauvre homme. Enfin... Il n'était pas particulièrement pauvre avec son million trois cents milles dans les poches, mais voyez-vous, c'est qu'il tombait des cordes sur Karuga. Et pas n'importe quoi. C'était une espèce de demi-grêle dégueulasse qui vous oblige à vous abriter au plus vite si vous n'voulez pas avoir le moral dans les chaussettes pour trois jours. Les bords du chapeau du chapeau de Kyoshi croulaient sur le couple de force exercée sur son pourtour par les gouttes tombant. Il avait beau savoir que le frottement était important et proportionnel à la vitesse au carré pour une goutte d'eau tombant dans l'air, ça n'empêchait qu'elles tombaient vachement vite. Le scientifique regarda devant lui au loin. On n'apercevait même pas les bois sous lesquels se trouvait la base de la cellule scientifique de West Blue.
* Bordel d'hermiticité! Mon beau chapow! *
Tout ce long chemin à faire... Et le scientifique connaissait bien le terrain maintenant. De la bonne terre bien meuble qui formait presque des lacs de boue par un temps pareil. Il était bon pour racheter des chaussures, et ça l'énervait déjà. Il se rendit donc jusque l'entrée de la base, au beau milieu des champs, avec les pieds de plomb et l'humeur qui virait déjà au noir. Avec la pluie battante, il mit un peu de temps à localiser la trappe salvatrice, mais ce ne fut qu'un moindre mal. Il posa sa main sur la poignée de la trappe, enfouie sous les herbes hautes et pleine de boue. Il pressentait déjà le problème. En tirant d'une main, comme il pouvait, sa prise glissa et il tomba en arrière.
* Fouttue trappe rouillée jusqu'à l'os! C'est plus efficace que des pièges pour empêcher d'éventuels ennemis d'entrer! *
Après un temps qui lui parut interminable, il finit enfin par réussir à s'ouvrir l'entrée vers le couffin presque douillet de la base souterraine. Excédé, il referma rapidement au-dessus de lui et commença à parcourir les couloirs. En fin observateur qu'il était, il avait fini par mémoriser assez bien le chemin jusqu'au coeur des installations... Plus ou moins. L'énervement aidant, il fonça tête baissée à travers des couloirs qui ne menaient à rien. Phénomène typique d'emballement, la dérivée de la propension à se planter de chemin est fonction de cette même probabilité, ce qui donne une loi exponentielle dont l'argument est fonction de divers facteur dont l'énervement. Lorsque l'énervement est inférieur à 0, tout va bien, on se plante de moins en moins. Mais voilà, l'énervement tendait vers l'infini dans le cas exposé... Kyoshi erra pendant trois heures dans des couloirs inexploré depuis des décennies. Par chance, il finit enfin par retrouver la douce atmosphère de la salle à manger.
Cette atmosphère qui sentait la douce odeur du café. Enfin, bon... Elle n'est pas si douce, mais en l'occurence, après une marche sous la pluie et le réconfort des murs du labyrinthe, aussi efficace que celui offert par une couverture de ronces... Un bon café, c'est tout ce que demandait le physicien. Il traversa la salle où se trouvait Mark Étète Duff et salua le chimiste d'un grommellement que son interlocuteur, perdu dans ses pensées, ne lui rendit pas. Il passa rapidement devant la porte de la cuisine, barricadée à l'heure qu'il était. Et enfin, il se retrouvait face à sa précieuse machine à café personnelle. Heureusement pour son humeur, il avait fait le plein la dernière fois qu'il s'en était servi un. Ces effluves qui émanait de la machine alors qu'il tournait la manivelle pour moudre les grains... C'était divin. Et puis, le bruit de l'eau nucléant en petites bulles de vapeur et éclatant à la surface du réservoir annonçant que l'eau atteignait la température de 373,15 Kelvins... La boisson miracle était prête!
Sa première tasse engloutie, le manchot s'en resservit une autre et traversa le couloir qui menait au secrétariat, l'esprit un peu plus serein. Il entendait déjà chanter Fernande. L'incapacité de cette bonne femme à faire son boulot risquait de l'énerver un peu, mais dans la vie, il fallait prendre des risques. Et puisqu'il était déjà moyennement d'humeur, c'était autant de demander à ce moment plutôt que le lendemain et de se gâcher une autre journée à cause de la vieille harpie.
Ça sent la bière
De Londres à Berlin
Ça sent la bière
Dieu, qu'on est bien
Ça sent la bière
De Londres à Berlin
Ça sent la bière
Donne-moi la main
Et voilà, elle n'avait pas tord de chanter ça... Ça puait la vieille bière dans l'coin, et tous ceux qui ont déjà goutté la bière et le café savent que ça se marie assez mal. L'indice d'énervement de Kyoshi, repassé proche de zéro, était en train de remonter... Heureusement, il ne devait plus retrouver son chemin dans un labyrinthe. Le poing droit du physicien s'écrasa sur le comptoir du secrétariat et il héla Fernande:
- Oy la vieille...
Il s'arrêta un instant de parler, plaquant sa main contre sa bouche. Quelques pas sur le côté, et il prit un masque à gaz posé sur une petite table. La grasse alcoolique lui répondit d'un rire aussi gras que le dessous de ses bras.
- Nom d'un sigma... Elle est 'co pire que d'habitude, on dirait. Tu vas être contente, j'ai d'l'argent pour mes commandes! Amène les catalogues et tes bons de commandes les moins illisibles.
La bonne femme continua de rire entre deux rots. Elle n'avait pas l'air très lucide, mais par un miracle aussi inexplicable que les événements qu'il avait vécu avec Yuji Livingstone, elle apporta une pile de paperasse et un formulaire rose. Tiens, voilà encore un sujet étrange et inexpliqué... Pourquoi les formulaires sont-ils tellement souvent rose? Encore l'un des grands mystères de l'univers sur lesquels il faudrait que Kyoshi se penche un jour.
Alors que fallait-il... Des huiles silicones de différentes viscosités pour voir l'effet de la viscosité sur ces mousses... Des billes de verres, trois granulométries différentes, pour des interactions électrostatiques croissantes... Des surfactants pour changer la tension de surface... Mmmmh... C'était tout pour le liquide. Le prix n'était pas exorbitant.
* Ah, ouais... Le gros matos maintenant. Me faut absolument un four pour contrôler la température... Nom d'un axiome boiteux! Ça va faire mal! *
Il chercha dans les divers catalogues sous l'oeil trouble de la secrétaire. Tous les fours avec contrôle précis de la température et gros volume coûtaient bonbon... Finalement, l'anciennement riche en choisit un à deux cents mille berrys seulement. Ne restait que de la nouvelle verrerie à acheter... Ah non! Ce foutu marine voulait des produits finis, bien sûr! Il fallait acheter des casques et des gilets en plastique, à deux épaisseurs qu'il pourrait remplir avec la mousse absorbante...
Et voilà! En dix minutes, le scientifique venait de débourser le million qu'il avait reçu pour ses recherches. C'était un peu déprimant de faire ses achats pour un scientifique. Enfin, bon, c'était la rançon du progrès!
Il retourna se faire un café pour tenter de faire partir cette vieille odeur d'alcool qui réussissait presque à couvrir l'odeur des deux cafés qu'il venait de s'enfiler. C'est pour dire comme ça puait vraiment près du secrétariat. Juste avant d'arriver dans la salle commune, il jeta un coup d'oeil à la porte de la cuisine. Ah ouais, il était midi passé de 2 minutes, le cuistot venait d'ouvrir. Il valait mieux décamper du chemin entre la salle à manger et la cuisine. Le chapeauté pressa le pas et s'installa à une table à côté du chimiste fou qui n'avait pas bougé d'un picomètre.
Un p'tit café en apéro, et cinq minutes plus tard, le cuisinier arrivait, sur les nerfs comme d'habitude, sans qu'il n'y ait de raison particulière. Il apportait des plats à toutes les places disponibles aux tables... Qu'il y ait quelqu'un ou non. C'était le résultat d'un scandale qu'il avait piqué un mois plus tôt. Il semblait en avoir marre que les scientifiques aillent et viennent dans la base sans jamais prévenir personne. Du coup, parfois il avait trop, parfois pas assez de bouffe. Lors de son coup de gueule, il avait crié:
- Bande de ris de veau sur pattes!!
Personne n'avait trop compris ce qu'il avait voulu dire, mais visiblement, il faisait désormais de la bouffe pour tous, qu'il y ait une ou trente personnes à la base. L'avantage, c'est qu'ils avaient tous à bouffer. Le désavantage, c'est que la bouffe, qui coûte de base pas grand-chose par rapport au matos que les scientifiques commandent, coûtait maintenant plutôt cher. Certains trouvaient aussi un autre avantage à la situation; ils pouvaient s'en mettre plein la panse en prenant les assiettes excédentaires. Kyoshi essayait de pas trop en abuser, mais vu la drache qu'il venait de se ramasser sur la gueule après avoir passé deux semaines en mer, il pouvait bien faire un excès. La salle était déserte à la fin du repas, à l'exception du chimiste et de lui-même; il s'enfila trois assiettes avant de retourner à ses quartiers faire une sieste et passer une fin de journée glandouille bien méritée.
* Bordel d'hermiticité! Mon beau chapow! *
Tout ce long chemin à faire... Et le scientifique connaissait bien le terrain maintenant. De la bonne terre bien meuble qui formait presque des lacs de boue par un temps pareil. Il était bon pour racheter des chaussures, et ça l'énervait déjà. Il se rendit donc jusque l'entrée de la base, au beau milieu des champs, avec les pieds de plomb et l'humeur qui virait déjà au noir. Avec la pluie battante, il mit un peu de temps à localiser la trappe salvatrice, mais ce ne fut qu'un moindre mal. Il posa sa main sur la poignée de la trappe, enfouie sous les herbes hautes et pleine de boue. Il pressentait déjà le problème. En tirant d'une main, comme il pouvait, sa prise glissa et il tomba en arrière.
* Fouttue trappe rouillée jusqu'à l'os! C'est plus efficace que des pièges pour empêcher d'éventuels ennemis d'entrer! *
Après un temps qui lui parut interminable, il finit enfin par réussir à s'ouvrir l'entrée vers le couffin presque douillet de la base souterraine. Excédé, il referma rapidement au-dessus de lui et commença à parcourir les couloirs. En fin observateur qu'il était, il avait fini par mémoriser assez bien le chemin jusqu'au coeur des installations... Plus ou moins. L'énervement aidant, il fonça tête baissée à travers des couloirs qui ne menaient à rien. Phénomène typique d'emballement, la dérivée de la propension à se planter de chemin est fonction de cette même probabilité, ce qui donne une loi exponentielle dont l'argument est fonction de divers facteur dont l'énervement. Lorsque l'énervement est inférieur à 0, tout va bien, on se plante de moins en moins. Mais voilà, l'énervement tendait vers l'infini dans le cas exposé... Kyoshi erra pendant trois heures dans des couloirs inexploré depuis des décennies. Par chance, il finit enfin par retrouver la douce atmosphère de la salle à manger.
Cette atmosphère qui sentait la douce odeur du café. Enfin, bon... Elle n'est pas si douce, mais en l'occurence, après une marche sous la pluie et le réconfort des murs du labyrinthe, aussi efficace que celui offert par une couverture de ronces... Un bon café, c'est tout ce que demandait le physicien. Il traversa la salle où se trouvait Mark Étète Duff et salua le chimiste d'un grommellement que son interlocuteur, perdu dans ses pensées, ne lui rendit pas. Il passa rapidement devant la porte de la cuisine, barricadée à l'heure qu'il était. Et enfin, il se retrouvait face à sa précieuse machine à café personnelle. Heureusement pour son humeur, il avait fait le plein la dernière fois qu'il s'en était servi un. Ces effluves qui émanait de la machine alors qu'il tournait la manivelle pour moudre les grains... C'était divin. Et puis, le bruit de l'eau nucléant en petites bulles de vapeur et éclatant à la surface du réservoir annonçant que l'eau atteignait la température de 373,15 Kelvins... La boisson miracle était prête!
Sa première tasse engloutie, le manchot s'en resservit une autre et traversa le couloir qui menait au secrétariat, l'esprit un peu plus serein. Il entendait déjà chanter Fernande. L'incapacité de cette bonne femme à faire son boulot risquait de l'énerver un peu, mais dans la vie, il fallait prendre des risques. Et puisqu'il était déjà moyennement d'humeur, c'était autant de demander à ce moment plutôt que le lendemain et de se gâcher une autre journée à cause de la vieille harpie.
Ça sent la bière
De Londres à Berlin
Ça sent la bière
Dieu, qu'on est bien
Ça sent la bière
De Londres à Berlin
Ça sent la bière
Donne-moi la main
Et voilà, elle n'avait pas tord de chanter ça... Ça puait la vieille bière dans l'coin, et tous ceux qui ont déjà goutté la bière et le café savent que ça se marie assez mal. L'indice d'énervement de Kyoshi, repassé proche de zéro, était en train de remonter... Heureusement, il ne devait plus retrouver son chemin dans un labyrinthe. Le poing droit du physicien s'écrasa sur le comptoir du secrétariat et il héla Fernande:
- Oy la vieille...
Il s'arrêta un instant de parler, plaquant sa main contre sa bouche. Quelques pas sur le côté, et il prit un masque à gaz posé sur une petite table. La grasse alcoolique lui répondit d'un rire aussi gras que le dessous de ses bras.
- Nom d'un sigma... Elle est 'co pire que d'habitude, on dirait. Tu vas être contente, j'ai d'l'argent pour mes commandes! Amène les catalogues et tes bons de commandes les moins illisibles.
La bonne femme continua de rire entre deux rots. Elle n'avait pas l'air très lucide, mais par un miracle aussi inexplicable que les événements qu'il avait vécu avec Yuji Livingstone, elle apporta une pile de paperasse et un formulaire rose. Tiens, voilà encore un sujet étrange et inexpliqué... Pourquoi les formulaires sont-ils tellement souvent rose? Encore l'un des grands mystères de l'univers sur lesquels il faudrait que Kyoshi se penche un jour.
Alors que fallait-il... Des huiles silicones de différentes viscosités pour voir l'effet de la viscosité sur ces mousses... Des billes de verres, trois granulométries différentes, pour des interactions électrostatiques croissantes... Des surfactants pour changer la tension de surface... Mmmmh... C'était tout pour le liquide. Le prix n'était pas exorbitant.
* Ah, ouais... Le gros matos maintenant. Me faut absolument un four pour contrôler la température... Nom d'un axiome boiteux! Ça va faire mal! *
Il chercha dans les divers catalogues sous l'oeil trouble de la secrétaire. Tous les fours avec contrôle précis de la température et gros volume coûtaient bonbon... Finalement, l'anciennement riche en choisit un à deux cents mille berrys seulement. Ne restait que de la nouvelle verrerie à acheter... Ah non! Ce foutu marine voulait des produits finis, bien sûr! Il fallait acheter des casques et des gilets en plastique, à deux épaisseurs qu'il pourrait remplir avec la mousse absorbante...
Et voilà! En dix minutes, le scientifique venait de débourser le million qu'il avait reçu pour ses recherches. C'était un peu déprimant de faire ses achats pour un scientifique. Enfin, bon, c'était la rançon du progrès!
Il retourna se faire un café pour tenter de faire partir cette vieille odeur d'alcool qui réussissait presque à couvrir l'odeur des deux cafés qu'il venait de s'enfiler. C'est pour dire comme ça puait vraiment près du secrétariat. Juste avant d'arriver dans la salle commune, il jeta un coup d'oeil à la porte de la cuisine. Ah ouais, il était midi passé de 2 minutes, le cuistot venait d'ouvrir. Il valait mieux décamper du chemin entre la salle à manger et la cuisine. Le chapeauté pressa le pas et s'installa à une table à côté du chimiste fou qui n'avait pas bougé d'un picomètre.
Un p'tit café en apéro, et cinq minutes plus tard, le cuisinier arrivait, sur les nerfs comme d'habitude, sans qu'il n'y ait de raison particulière. Il apportait des plats à toutes les places disponibles aux tables... Qu'il y ait quelqu'un ou non. C'était le résultat d'un scandale qu'il avait piqué un mois plus tôt. Il semblait en avoir marre que les scientifiques aillent et viennent dans la base sans jamais prévenir personne. Du coup, parfois il avait trop, parfois pas assez de bouffe. Lors de son coup de gueule, il avait crié:
- Bande de ris de veau sur pattes!!
Personne n'avait trop compris ce qu'il avait voulu dire, mais visiblement, il faisait désormais de la bouffe pour tous, qu'il y ait une ou trente personnes à la base. L'avantage, c'est qu'ils avaient tous à bouffer. Le désavantage, c'est que la bouffe, qui coûte de base pas grand-chose par rapport au matos que les scientifiques commandent, coûtait maintenant plutôt cher. Certains trouvaient aussi un autre avantage à la situation; ils pouvaient s'en mettre plein la panse en prenant les assiettes excédentaires. Kyoshi essayait de pas trop en abuser, mais vu la drache qu'il venait de se ramasser sur la gueule après avoir passé deux semaines en mer, il pouvait bien faire un excès. La salle était déserte à la fin du repas, à l'exception du chimiste et de lui-même; il s'enfila trois assiettes avant de retourner à ses quartiers faire une sieste et passer une fin de journée glandouille bien méritée.