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[L]'étoffe des Héros

1623, North Blue. « Une journée de plus au Paradis »

« Je te sauve la vie, et c’est comme ça que tu m’en remercies ? »

J’entends sa voix, elle me parvient comme étouffée. Je ne sais pas vraiment qui c’est. En fait, je ne sens que le liquide chaud qui coule de ma plaie, et la glace qui gagne progressivement mes extrémités. Mes doigts froids palpent ma blessure, mais la douleur se fait intense. Elle transcende une partie de mon buste. Le noir prend lentement du terrain sur le peu de vision que j’ai. Je tente de me retourner, de me recroqueviller sur moi-même, mais quelque chose m’en empêche. Je ne sais pas ce que c’est. Je tente de l’en écarter avec mon bras, mais une poigne puissante me remet sur le dos et me force à m’allonger. Puis, l’on appuie brutalement sur ma blessure, si fort que j’étouffe dans le fond de ma gorge un glapissement. Je manque de vomir, de m’évanouir aussi, mais un caquètement me force à rester sur terre.
J’en ai assez. Cet état semi-léthargique commence à me pomper. Je crois que je tente de me relever, mais je ne suis pas très sûre de ce que je fais. Mon cerveau est comme dans une sorte d’automatisme. Je me dis que je dois fuir. Pour me mettre à l’abri. Vrai que là, au milieu de tout, et surtout de ce paysage chaotique, je ne suis pas à mon aise. Mais quand j’essaye, je sens mes dernières forces me quitter. Je suis contrainte de me remettre sur le dos à nouveau, sans pour autant capter les voix qui m’entourent. Il y a toujours ces mains, sur mes épaules, pas bien grandes mais qui tentent de faire pression. De toute façon, je ne peux pas lutter.
Alors, j’obtempère, et j’essaye de comprendre ce qu’on me veut. Je me concentre un peu, dans ce flou, dans ce brouillard, pour discerner quelque chose. Les formes bougent sans que je n’en comprenne les intentions. Mes reflexes sont lents. Alors que je vais pour lever le bras, on me demande de le reposer. Délicatement, à terre. Et on me regarde attentivement. On touche, on zieute, et on appuie et…

Aie ! Ah… Ah, j’ai mal… Mais je n’entends pas ma voix. Je crois bien que je n’ai même plus la force de crier. Et j’ai comme l’impression que ma tête va bientôt exploser. Pourvu qu’elle n’explose pas, j’en ai besoin. J’ai envie de le dire, ça, d’ailleurs. Hé, toi, là… Gaffe à ma tête, j’en ai… Aie ! Encore ?!

« Ouh, c’est plutôt moche. »

Plutôt moche, plutôt moche… C’est toi le moche !



Enfin, non, désolée… Je ne sais même pas qui tu es, encore moins à quoi tu ressembles… J’aimerais bien te voir, voir de quoi tu as l’air. Je lève ma main et la pause de sur ton épaule. A toi, là. J’essaye de t’accrocher, d’attirer ton attention. Mais je crois que plus je bouge, plus je saigne. Et je me bats pour ne pas tomber dans les pommes. Mais là, je vois. Ses traits tirés, les rides qui parsèment son teint hâlé, ses petits yeux gris, ses cheveux blonds et mi-longs, tenus par la saleté et le gras. Il semble inquiet. Ses petites mains appuient sur ma plaie. Je suis surpris de le voir à genou. Il semble si petit. De la taille d’un enfant. Je pense halluciner, et peut-être que j’hallucine.
Mais avec tout ça, je le connais.

Lui.

« Jörge… »

Je crois qu’il me sourit. Ou cette grimace ressemble à un sourire. Il me tapote la joue, mais quelque chose de rouge recouvre ses petites mains. Le liquide tâche mon visage. C’est chaud. Je crois que je comprends ce que c’est, surtout en le voyant remettre ses doigts sur mon ventre, et me faire mal. Encore.

Du sang.

Mon sang.

« T’es pas bien maligne, la rouquine… »

Je sais. Pas besoin de me le dire. J’ai foncé dans le tas, je n’ai pas bien préparé mon coup. En fait, je suis assez chanceuse pour être en vie. Parce que je ne le suis que grâce à de la chance. Je le sais. Et j’ai mal à cause de ça. Je me serais jetée en pâture aux lions, ç’aurait été la même chose. Faut croire que la traque, ce n’est pas pour moi. Et passer du statut de proie à celui de chasseur, ça ne s’improvise pas, il faut de l’expérience, au moins un peu.

L’expérience, un bien grand mot.

Même quand on en a, ce n’est jamais assez. J’ai l’expérience des blessures, du mal, du mensonge et de la douleur. Je sais ce qu’ils font sur un corps composé exclusivement de chair et de sang. Pourtant ils me cueillent toujours brutalement lorsque je les ressens, ils me surprennent, comme si ils m’épluchaient à vif avec un rasoir rouillé. L’expérience est un barbarisme. l’Homme s’obstine à la nommer ainsi, moi, je n’ai qu’une seule certitude : d’expérience, elle n’existe pas. Sinon, je ne serais pas là. Pas avec le ventre ouvert, pas avec le sang qui se barre par ou y peut, pour l’honneur d’un ami. L’on a jamais d’expérience, surtout pas dans la vie, elle se meut à chaque fois en un évènement différent, et rien que nos choix prouvent que l’expérience n’a aucun impact sur ce que l’on sait déjà, et des pseudos-leçons qu’on a tiré du passé.

Ces leçons, j’aurais dut les relire avant d’arriver sur North. Et savoir que se battre pour des causes déjà perdues n’aident pas à rester vivante.

Et que la vie n’est qu’une grande farce, qui s’amuse à nous voir danser les uns avec les autres.

Danser.

Ou s’entretuer.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mer 2 Jan 2013 - 14:53, édité 2 fois
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Mes yeux vrillent, et pourtant, je lutte. Brutalement. Peut-être trop pour ne pas céder. La douleur m’embarque avec elle, et je perds connaissance. Et mes pensées restent bloquer sur la dernière personne que j’ai vue, la dernière chose que j’ai dite.
Jörge.

Jörge « Le petit » Pyke.

Je me souviens de lui, alors que j’aurais préféré l’oublier. Que je me suis efforcée à le faire. Faut croire que la vie s’amuse à jouer de vilain tour, surtout, à ramener sur le devant de la scène des personnages qu’on aurait préféré laisser comme secondaire. Jörge m’a fait vivre un enfer en me protégeant pourtant de ce que je craignais le plus. Cette boule, dans mon ventre, est partie avec lui lorsqu’il a quitté l’île ou j’étais, avec la promesse de ne rien dire. Mais la peur est restée ancrée dans mon cœur comme un vilain kyste. Jörge Pyke est cette petite tumeur au cerveau qui m’a faite me ronger les ongles pendant plus d’un an, après mon départ de chez Yumen. Et pourtant, une tumeur qui s’est avérée bénigne.

Je me souviens, comme si c’était hier, la première fois que je l’ai vu.

1610, South Blue.

Lui, sur son muret, à me regarder, à m’estimer de sa petite taille. Et moi, en face de lui, pas plus grande que lui, ou à peine, qui ne sait pas quoi lui dire. Il semble gêné, embêté de devoir me faire ça. Il sait que je n’en ai aucune envie. Il sait aussi que s’il ne rentre pas avec moi, il aura des problèmes. Alors, entre lui et moi, le choix est très vite fait.

« Il faut rentrer, Gamine. »

Sa voix est douce, et pourtant, je ne lui fais pas confiance. J’ai l’impression de l’entendre appeler un chaton pour l’enfermer dans une cage. Je ne suis pas un chaton, mais je vois la cage derrière lui, dans son ombre. Je sais aussi que je n’ai pas les moyens de lui tenir tête, et que Bee est loin, trop loin pour m’aider cette fois. Que je ne pourrais pas toujours compter sur lui. A dix ans, je veux être indépendante. Je le suis un peu, mais pas totalement. Mon propre corps m’oblige à compter sur les autres.

« Je m’appelle Lilou. »

J’y tiens. Même s’il doit me forcer, m’enlever, je ne veux plus être la « Gamine ». Je m’appelle Lilou. Ma petite voix le surprend, mais pas assez pour le faire renoncer. Il aime mon aplomb, mais en rit surtout, car ce n’est pas une gamine de dix qui l’empêchera de toucher sa mise. Combien est-ce que Yumen donne pour me ravoir ? Pour mes capacités ? Pour ma tête bien faite ? Pour me soumettre encore ? Plus que je n’en ai, mais je peux toujours essayer. Je m’approche de lui, et décroche de ma ceinture une petite bourse que je lui donne à bout de main. D’une seule main, d’ailleurs, car l’autre est dans le plâtre à cause d’une mauvaise chute…

« Je te donne tout ce que j’ai si tu ne lui dis pas que je suis ici. »

Il me regarde bizarrement, mais saisis la bourse. Il la pèse adroitement, l’ouvre car il s’étonne du poids, et, après avoir affiché une mine dépitée, me la relance :

« Il y a vingt berries, là-dedans. »

Vingt berries. C’est ce que je vaux. C’est ce que ma liberté vaut. Et c’est ce que je suis prête à lui donner, parce que…

« C’est tout ce que j’ai. »

Il fronce les sourcils. J’ai l’air de lui faire de la peine. J’espère lui faire de la peine. Je me contente de sa pitié, et je ne m’en plaindrai pas, car mon égo est détruit. Je n’ai plus de cette fierté insolente avec laquelle beaucoup se pavane. Faut dire que certain ont pris la peine de la ravager et qu’il me faut le temps de me reconstruire.
Je ne pleurerai pas.
Je ne m’enfuirai pas.
Je le convaincrai seulement de me laisser en paix, car moi aussi, j’ai le droit à une enfance. Et même si les choses sont compromises, j’ai le droit d’essayer.
Juste, d’essayer. J’en ai envie.
Non, j’en ai besoin.

« Mh… D’accord. »

Sa réponse me tétanise. D’accord ? D’accord ! Il se lève et me fait face. Puis, il me tend la main. Je la prends doucement et il finalise ce marché. Ma liberté contre vingt berries. Et quelque chose d’autres.

« Tu me le rendras plus tard. »

J’hoche la tête sans savoir de quoi il en retourne. Plus tard. Oui, d’accord. Plus tard. Si l’on se recroise. Et je sais que tu sauras retrouver ma trace. Que tu sais que je ne resterais pas sur place, mais que jamais tu ne perdras ma route.

N’est-ce pas, Jörge ?

Je te pose la question, mais tu ne m’entends pas. Maintenant, je comprends que tu avais vu en moi une porte de sortie. Quelque chose dans ce genre-là. Bien sûr, tu ne savais pas encore comment m’utiliser, mais je te serais évidemment d’un grand secours, vu que je te devais quelque chose. Tu ne pouvais pas deviner que je deviendrai ce que je suis à présent, mais tu te félicites de m’avoir mis dans ta poche.

Une dette est une dette. Et je te dois de m’avoir fait découvrir tellement de choses, en plus de ma liberté.

J’ai compris, ce jour-là, que les héros ne naissent pas de grandes actions, ni de grandes victoires. Qu’il n’y a que des grandes batailles que l’on mène, pour nos rêves, et pour notre soif de liberté. Elles ne sont pas toujours violentes, mais elles sont. Pour l’accomplissement de nos désirs, mais surtout pour nous-même. Toujours pour nous-même.
J’ai compris que les héros ne sont pas toujours beaux, grands et forts. Pas comme dans ces livres dont s’abreuvent les petites filles. Livres que je n’ai jamais vraiment aimé, et auxquels je n’ai jamais cru, encore moins après les rencontres que j’ai faites. Il le sait. Que l’apparence ne dit rien, et que les premières impressions ne résument pas tout sur les gens que l’on croise. Lui, s’est trompé. Et que ces héros sont de tous bords, et de tous genres.
Que les héros ne sont des héros que par les yeux de quelqu’un.

Et que ce jour-là, en croisant son regard, j’avais considéré Jörge Pyke comme un héros.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mer 2 Jan 2013 - 14:58, édité 1 fois
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1623, North Blue.

« Vous croyez aux miracles mademoiselle ?
- Pas aujourd’hui, non. »

En fait, je ne savais pas vraiment ou je m’aventurai, dans cette histoire. Ça remonte à plutôt loin, et là, aujourd’hui, quand j’ai vu sa trogne percée à travers la foule, je n’ai pas hésité. Alors que j’aurais dû y réfléchir à douze fois. Au moins.

Tout ça pourquoi ?
Tout ça pour lui.

Judas.

Un ami que j’ai envoyé à l’abattoir parce que… Parce que la trouille. Comme quoi, ce genre de chose ne m’a jamais vraiment quittée. Mais c’était mon ami, et aujourd’hui, j’ai peur qu’il… Qu’il soit… Mh. Mieux vaut ne pas le dire. Si je le dis, ça n’apparaitra que trop vrai.

Bref,… Pour vous résumer la chose, lui et moi avions eu quelque souci, d’abord sur Manshon. Mais les choses s’étaient plus ou moins bien arrangées, et nous nous étions quittés en bon terme, là-bas.

Ce qu’on y avait fait ? Rien. Enfin… Si. Le taureau, ça vous dit quelque chose ? Un drôle de type qui tenait les couilles de cinquante autres types sur les paris et combats illégaux de Manshon. On n’avait rien contre lui, à la base, mais je visais quelqu’un qu’il avait lui aussi dans le collimateur. Alors, on s’était dit qu’en supprimant le Loup qui rôde, la biche aurait plus de chance de pointer le bout de son nez. Et c’est ce qu’elle a fait quand le Loup a été abattu.
On a brouillé nos traces, et on s’est quitté là-dessus.

Mais ça n’a pas vraiment suffit.

En quelques mois, ces grosses têtes m’avaient retrouvée, et avaient fait en sorte que je ne puisse pas m’échapper. Je n’ai pu compter que sur Bee et Judas pour me tirer d’affaire, et alors que Judas proposait une vendetta pour défaire Igor Gargarismov, j’ai…
J’ai refusé.
Vous savez, dans ce trou à rat ou j’étais, j’ai cru mourir. Plusieurs fois. Et lorsque je ne le croyais pas, j’en ai eu envie. Je m’étais dit que la mort était une fuite tellement plus douce, plus douce que tout ce que j’avais pu connaitre. Yumen frappe fort, mais il sait se retenir, parce qu’il sait ce que ça fait, avoir mal. Eux… Mes… Mes Geôliers, n’en ont certainement pas la même idée, et n’ont pas hésité. La vengeance est un moteur fantastique, vous ne trouvez pas ?

Alors, oui, voilà. J’ai refusé de le suivre et je me suis tirée sans demander mon reste, avec les côtes en miettes, la gueule refaite à coups de poings et un bras massacré. Et après ça, plus aucune nouvelle du gusse. De Judas. J’ai ruminé, et je me suis sentie coupable, puis, j’ai décidé de le retrouver. Et là…

Plus aucune trace de lui. Nulle part. Aucune adresse ou lui laisser un mot. Et bien entendu, encore moins d’endroit ou le joindre.

Alors, j’ai pensé que mettre la main sur Gargarismov était la meilleure chance que j’avais de retrouver Judas et de me faire pardonner. J’ai cherché.

« Quelqu’un connait Igor Gargarismov ? »

Non, bien sûr, personne ne le connait. Pas officiellement. On dira que ce qu’on voudra, la peur sait tenir les langues. Elle les noue tellement bien que j’ai mis des mois à tomber sur une information qui pourrait tenir la route. Des mois, dans une vie, c’est énorme. Ça veut dire autant de temps sans nouvelle de mon ami, et l’espoir qui s’amenuise avec.
L’espoir, aussi, est un bon moteur.

Alors, ma source m’a dit « si tu veux trouver Gargarismov, trouve d’abord Vassili Tchempo. »

Et j’ai cherché Vassili Tchempo. Je ne savais pas grand-chose de lui, de ses capacités, de ce qu’il savait faire, ou de ce qu’il savait sur moi. J’aurais dû me renseigner avant de l’attaquer, mais je n’ai pas pu m’en empêcher.

Pour Judas.

L’amitié rend bête.

Alors, non, je ne crois pas au miracle. Vrai que quand j’ai vu sa trogne percée au milieu de la foule, quand je l’ai vu tourner dans cette rue, je savais qu’il n’y avait pas de miracle. Je l’avais pisté, je l’avais trouvé. J’aurais dû prévoir que lui savait que j’étais sur ses traces. Ou alors, qu’il était déjà sur les miennes, et qu’il n’attendait que moi. Que je lui tombe dessus pour me montrer ce que c’était que chasser quelqu’un, pour de vrai.
Je ne parlerai pas d’expérience. L’expérience n’est rien. Et je sais que j’aurais pu prévoir, ça. J’aurais pu.

Prévoir qu’il m’ouvrirait quasiment en deux. S’il ne m’a manqué, quand je lui ai bondit dessus en lui gueulant de ne pas faire d’histoire de me dire ou était Judas, qu’il me rirait au nez, ce n'est que par chance. Il a ri. C’était tellement vexant. La rage a fait le reste, mais son aplomb lui a suffi à me faire battre en retraite. Il a sorti son épée, m’a entaillé profondément et lorsqu’il a remarqué qu’il ne m’avait pas eu du premier coup, il a voulu y aller d’un deuxième.

Et là, vous êtes arrivé, Jörge.

Et même si je ne suis pas morte, je ne suis pas plus avancée non plus. Je crois que ne pas savoir ou aller, c’est pire que de mourir.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mer 2 Jan 2013 - 15:08, édité 1 fois
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« Vous ne me comprenez pas. Au fond, ça ne m’étonne pas. »

Je baisse les yeux. Je me sens un peu nauséeuse. Et quand j’admire mon torse, j’ai des raisons de l’être. La plaie cisaille mon ventre sur le côté gauche, s’arrête au nombril en partant du flanc. Ce n’est pas joli, et l’éviscération fait mal. Mais j’ai survécu, un peu par miracle.

« Que je te comprenne, ou pas, ça n’a aucune espèce d’importance. »

Il s’installe sur une chaise près de mon lit et me fixe intensément. Lorsque je relève le regard, je remarque son sourire.

« Nous chassons le même gibier. »

Il semble content de cette déclaration. Il a un allié dans ses rangs, songe-t-il. Pourtant, je ne suis pas sûre d’être de taille pour ce genre de traque, surtout lorsqu’il s’agit de se faire couper littéralement en deux. La curiosité m’assaille de tous les côtés, et j’ai envie de comprendre ce qui se trame pour lui. Il semble avoir des problèmes avec Vassili, et assez puissant pour le mettre en fuite. Qu’est-ce qu’il lui a fait, ou dit, lors de notre altercation ? Je n’aurais probablement jamais la réponse, mais il faut quand même que je tente :

« Qu’est-ce que vous lui voulez ?
- La question n’est pas ce que je lui veux, mais ce qu’il me veut.
- Et donc ?
- Deux cent cinquante millions de Berries.
- DEUX CENT CINQUANTE ?!!! »

Je cris, je manque de m’ouvrir les points. Je me fais tellement mal que je me plie en deux, étouffe un cri de souffrance. Jörge m’apaise, me fait me rallonger délicatement sur le lit, où je reprends progressivement mon souffle.

« Comment on en arrive à avoir une dette comme celle-ci ?
- J’aime beaucoup les femmes. Mais, elles, ne m’aiment pas beaucoup.
- Comment peut-on dépenser autant pour des femmes ?!
- Le piège de l’amour, Lilou. »

L’amour ? Alors quoi ? Même les petits héros casquent autant pour les petits amours ? Je peine à y croire. Je n’ai pas envie d’y croire. Du haut de ma vingtaine, l’amour est quelque chose de parfaitement abstrait, sinon flou. Obscure. Voir impensable. Je ne comprends pas comment on peut se laisser embarquer dans de telles choses. Alors, je lui dis, avec toute ma franchise :

« Non, mais là, c’est de la connerie…
- Tu comprendras quand tu seras plus grande. »

J’ai bien envie de lui rétorquer que je sais ce que c’est, que l’amour. Mais aucun exemple ne me vient en tête. On aura beau dire, je n’y connais pas grand-chose, et il n’y a pas de plan pour expliquer ces trucs-là. Et j’en mettrais ma main à couper que l’expérience n’aide pas non plus.

« Vassili est le bras droit de Gargarismov. Tu ne trouveras pas Igor sur les Blues, il ne se déplace jamais. Vassili, par contre, a plus d’argument pour peser dans la balance. Il a, lui-même, un bras armé. Qui va être sur ta piste sous peu, probablement, ou sur la mienne. Je ne sais pas ce que tu as prévu de faire, Lilou, mais trouve toi un groupe capable de te protéger, ou couvre bien tes arrières. »

On en vient au problème. A notre problème. J’aime sa façon de ne pas se détourner, son honnêteté, cette face double, qu’il affiche sans se poser de question, elle est presque rassurante. Je sais à peu près à quoi m’attendre, avec lui. Après tout, il n’a pas de raisons de me mentir, surtout s’il me veut dans ses rangs.

« Quand tu seras remise, je ferais disparaitre tes traces d’ici. »

Il se lève, et va vers un meuble ou il enfile une protection :

« Nous nous retrouverons sur Alabasta, d’accord ?
- Pourquoi Alabasta ?
- Igor y a une magnifique demeure de vacances ou il réside trois cent soixante-cinq jours par ans. Je te l’ai dit, il ne vient jamais sur North Blue. Il y a, certes, installé un trafic, mais ne viendra pas faire le sale boulot. Ça, c’est Vassili qui s’en charge. »

Il marque une pause, continuant de mettre ses affaires. Il serre son écharpe autour de son cou, met son épée à son épaule, car sa taille ne lui permet pas de la porter au flanc, et accroche une dague à sa ceinture.

« Tu as rencontré Vassili, et il t’a montré ce qu’il savait faire. Tu ne fais pas le poids pour l’instant, et j’espère pour ton ami Judas qu’il a su se mettre à l’abri à temps. »

Le nom de Judas me ramène sur terre. J’aimerai me lever, pour me mettre directement en route vers… Vers ou ? Je ne sais pas vraiment. Alabasta, qu’il dit ?

« La présence de Vassili nous prouve, au moins, que ton ami n’a pas fait cette Vendetta. Ou qu’il n’a vraisemblablement pas réussi. »

Sa voix n’est même pas gênée, en me disant ça, encore moins sombre. Il n’a pas de chagrin pour cet ami, que j’ai possiblement perdu. Ça le laisse de marbre, il n’est préoccupé que par une chose :

« J’ai besoin que tu m’effaces cette dette. »

J’y songe. Cette dette. Oui, je dois le faire, au moins pour ce qu’il a fait pour moi. Mais je ne sais pas si j’ai vraiment la motivation pour soulever des montagnes. Pour l’honneur ? Pour Judas ? Mh…

« Alabasta ? »

Un sourire perce son visage :

« Alabasta. »

Il tourne les talons et va vers la porte. Je me relève précipitamment et me fais mal, mais tant pis :

« Ou allez-vous ?
- Tu as dormi presque trois jours. Il te faudra une semaine pour te remettre, un mois pour être viable complètement. Soigne-toi. Moi, je dois partir. Et toi, tu partiras demain, à la première heure.
- Comment je saurais ou vous trouver, à Alabasta ?
- Laisse ça. Je te trouverai. »
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