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[B]orn to be Free.

Enfin parmi nous.

Cette voix tonne dans la petite cabine. Elle résonne, sonne, contre les parois de bois. Revient et repart. Se perd. Et s’oublie. Il se penche pour la regarder. Aucun sourire, aucune humeur. Il semble neutre, détaché. Il pose sur son front une serviette humide et essuie maladroitement le sel qui assèche sa peau pâle. Il mire ses yeux d’une couleur noix, remarque qu’elle a du mal à rester éveiller. Sa respiration est lente, faible. Il ne s’en inquiète pas, c’est déjà miraculeux, qu’il pense, qu’elle soit en vie.

… Qui je suis ?
Aucune idée. Qui tu es ?

La question le surprend, mais que peut-il dire ? Rien, préfère-t-il. Les yeux de la rouquine se tournent, sondent, regardent. Du moins, c’est ce qu’il croit. Parce qu’elle ne voit rien. Rien de concret. En fait, elle réfléchit, elle cherche dans sa tête. Son nom. C’est quoi son nom ? Putain de nom. Elle s’oublie un instant pour se rappeler la question qu’elle a posé, et qu’on vient de lui poser. Vrai, ça. Qui est-elle ? Elle sent le bout de ses doigts la piquer. Elle sent le froid lui mordre les épaules découvertes. Ses cheveux mouillés qui lui tombent dans la nuque et qui ont trempé son coussin de fortune. Elle frissonne. Et le froid lui rappelle qui elle est.

… Lilou. Ou je suis ?
Sur mon navire.
Oui… Mais où ?
En mer…

La mer. Mer. A perte de vue. Partout, autour. Ça, elle s’en souvient. Mal, mais elle se souvient du ballotement des vagues. Elle les sent encore, donc elle le croit. Elle tente de se relever, mais alors, l’autre presse ses épaules et les maintient contre le matelas ou elle se trouve. Elle se sent partir en arrière, en restant pourtant immobile. Et elle sent une douleur irradiée son flanc, son bras, ses doigts…

Ne cherche pas à te lever, ni à parler. Tu t’es brisé deux côtes. Sûrement plus. Et le bras. Et deux doigts en t’agrippant à la planche en dérivant… Si le canard n’avait pas été là, je ne t’aurais jamais trouvé.

Oui. Bien sûr. Le canard. Bee et… Le… Où est le canard ?

… Ou est Bee ?
Bee ? Tu dois parler du bestiau. Sur le pont.

Elle s’est affolée, mais se rassure. Sur le pont. Il doit regarder dehors. Etre épuisé, lui aussi, après tout ça. Tout ça ? Tout ça quoi ? Elle préfère ne rien dire. Juste. De constater que sa gorge la brule, que ses poumons la tuent, que son corps la torture. Elle constate :

J’ai mal. J’ai… J’ai du mal à respirer.
C’est ce qui arrive quand on tente d’aspirer de l’eau par le nez.
Je n’ai… Je n’ai pas voulu faire ça…
Je m’en doute. Tu dois être épuisée. Tu peux dormir, tu sais ?

Dormir ? D’ordinaire, elle ne s’en plaindrait pas. Elle ne dirait pas non. Mais tout sort de l’ordinaire, ici. Tout. Le décor, la situation, lui. Elle le détaille un temps. Son teint halé, son crâne rasé, ses traits exotiques, les tatouages qui parcourent ses bras et muscles saillants. Elle le détaille et est prise d’une peur soudaine. Le doute l’assaille violemment, comme des questions. Et quand le doute la prend, elle fait ce qu’elle sait faire de mieux :

Je… Je veux partir. Je dois partir. On m’attend, j’ai quelqu’un à voir. J’ai quelque part où aller. Ou est-ce que je dois aller ? Je ne sais pas. Je dois partir…
A la nage ? Ça va être difficile.
Mes affaires… mes plans… ?!
Reste couchée… Tu n’avais rien sur toi. Ni sur la planche sur laquelle tu dérivais. Que toi. Et le Canard. Rien d’autre.
Ils ont dû tomber…
Je ne vois même pas de quoi tu parles. Ils n’ont peut-être jamais été là. Tu dois dormir.
Je n’ai pas sommeil.

Le regard de l’homme se fait ferme. Froid. Tellement froid. Il est d’une autorité surprenante, et pourtant, son visage n’affiche aucune colère, aucun désir. Rien. Juste du rien.

J’ai dit. Dors.

Un ordre. Depuis combien de temps ne lui avait-on pas ordonné quelque chose ? Un ordre. Elle ne sait pas si elle doit s’y conformer. Oui. Non. Mais…

Mais.
Dois-je t’assommer ?

Non. Bien sûr que non. Alors, elle obtempère. C’est ce qu’elle sait faire de mieux.

Non.

D’accord.
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Hina ! Hina !

La petite voix qui appelle a vite fait d’attirer l’attention de la sœur. Celle-ci se retourne, pousse la lourde porte de la chambre de l’enfant. Sa bougie comme seule source de lumière, elle regarde attentivement la gamine qui lui fait face, avec la mine fâchée.

Tu es encore réveillée ? Il est tard, tu devrais dormir depuis longtemps !

L’enfant cache le bas de son visage dans ses draps, elle baisse la tête avec l’air triste. Hina rentre dans la chambre et allume une seconde bougie, puis s’approche du lit. Elle attrape le drap qu’elle retire et contemple le plâtre que porte l’enfant. Elle regarde un temps, demande si sa fracture lui fait mal. La gamine secoue la tête pour lui dire que non, elle n’a pas mal. Mais que par contre, elle n’arrive pas à dormir. Qu’elle n’a pas sommeil. Hina soupire et lui rétorque que c’est la même histoire tous les soirs, que si elle ne dort pas, elle finira comme ces petits démons dont lui parle sans cesse le Père Stéphane à la messe du dimanche : à courir partout en répandant la folie. La rouquine fait la moue, elle n’a juste pas sommeil. Elle explique, du haut de ses quatre ans, que c’est comme si le sommeil ne voulait pas d’elle. Qu’elle pense trop, à tout, et que ça l’empêche de dormir.

Tu veux une histoire ?
Oui ! Mais une histoire qui ne fait pas penser.
Si elle te fait penser à des choses biens, ça ira ?
Je crois que oui.

Hina sourit et ébouriffe les cheveux mi-longs de la rouquine. Elle se retourne, sort de la chambre et ferme la porte derrière elle. L’enfant s’installe confortablement, elle rehausse son coussin de sa main valide et se balance joyeusement en attendant le retour de sa tutrice. Il faut dix minutes à Hina pour rejoindre la môme qui l’attend impatiemment. Elle se rapproche du lit pour s’assoir sur le matelas. Ensuite, elle ouvre le bouquin qu’elle tient. La fillette se penche pour regarder les quelques illustrations, tandis qu’Hina prend une grande inspiration avant de débuter son récit :

Il était une fois un majestueux royaume sur les plaines du nord. Un royaume si grand qu’il s’étendait sur des dizaines et des dizaines de kilomètres. Les gens y vivaient bien. On n’y manquait de rien. Les bêtes y étaient bien traitées, le raisin poussait en quantité. Une rivière passait au sein du royaume pour abreuver tout ce beau monde. L’on disait même que le bonheur cognait à chaque porte pour chasser la maladie.
Ce royaume était dirigé par un Roi. Le Roi Albert II. Ce dernier était un homme fort, un guerrier exemplaire, qui faisait en sorte que son peuple soit à l’abri de toute menace. Diplomate, bienveillant, il avait épousé une princesse, qui devint une Reine, de qui il eut deux fils et une fille. Son royaume lui assurant la gloire et la fierté, défendu par de valeureux chevaliers, sa descendance évidente, Albert II se sentit à l’abri de tout. Il se disait lui-même comme le meilleur des souverains du monde, meilleur qu’un Dieu, peut-être.

Mais la richesse et le succès attirent l’œil des plus envieux. La réputation de ce bon vieux roi souffla par-delà les frontières de son royaume. Par-delà le voisinage. Par-delà même les mers et les montagnes. Plus loin encore, sur les terres, vestiges et empires dont l’on ne savait pas le nom. Si Albert était capable de rivaliser avec les armées des couronnes adverses, lorsqu’il fut la proie du plus grand seigneur de ce monde, le Roi bienveillant fut contraint de baisser les armes. Albert II pouvait se vanter de chasser le malheur, la maladie, la haine de ses terres, il avait attiré un mal pire encore…

Un dragon…


Hina ferme doucement le livre après avoir jeté un coup d’œil à la gamine à ses côtés. Un petit rire lui échappe en repensant à ses mots : comme si le sommeil ne voulait pas d’elle. En la fixant, elle ne comprend pas comment on ne pouvait pas vouloir d’elle. Elle pose le bouquin sur la table de chevet. La nonne regarde les autres lectures de l’enfant : de la physique, de la mécanique et de l’ingénierie. Elle sourit une nouvelle fois en se disant qu’elle ne devait probablement rien y comprendre. Puis, elle se redresse et couvre l’enfant de son drap en prenant soin de ne pas gêner son bras fracturé. Elle se tourne vers la bougie à ses côtés pour l’éteindre.

Enfin, elle sort de la pièce en refermant la porte derrière elle.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Dim 28 Avr 2013 - 23:31, édité 3 fois
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Son bras la fait souffrir, tellement souffrir. Elle ne le sent que trop, mais ne peut s’empêcher de s’agripper à cette planche comme si la vie en dépendait.

Elle en dépend.

Elle a tellement l’habitude d’attendre, d’espérer, de s’accrocher pour quelque chose, pour simplement vivre, qu’elle continue à vivre. A s’accrocher. A espérer. Mais au loin, il n’y a que la mer, et devant, que la mer, et derrière encore de la mer. Elle ne sent que le froid qui griffe sa peau et la mer qui la berce de plus en plus. Elle sent la nausée la prendre, sans déterminer si c’est le ballotement qui la rend malade, ou la douleur dans sa chair. Ou la colère, peut-être. Parce qu’elle est tellement en colère. Tellement que ça l’empêche de pleurer. De désespérer. De se dire qu’elle va crever là, en mer. Sans que personne ne la pleure, ou ne le sache.

Sauf lui. Peut-être.

Mais il saura rebondir. Qu’elle croit. Oui. Hein.

Mais elle se dit alors que peut-être. Oui, peut-être. Tout ça. Ça ne vaut pas le coup. Essayer. Qu’est-ce que c’est ? Rien. C’est trop fort. Ça la submerge à chaque fois. Elle n’abandonne pas parce que parait qu’il ne faut pas. Mais là, peut-être que là. Elle peut.

Abandonner.
Lâcher prise.

Alors elle lâche. Et elle ne se sent même pas partir en arrière.

Réveille-toi !

Elle ouvre brusquement les yeux et ne voit que le visage inquiet de son sauveur. Lui, là. Son visage revêt enfin une expression. Une drôle d’expression qu’elle se dit en se redressant de sur son lit. Il attrape un linge et éponge son front dégoulinant de sueur. Il constate alors qu’elle a de la fièvre. Un peu.

Est-ce que ça va ?

Cette fois, c’est sa main qu’il pose sur son front. Elle constate que sa chair est brulante. Et ça lui fait drôlement du bien. Peut-être que la fièvre lui joue des tours, après tout. Oui, peut-être. Elle remonte son drap à son cou, se molletonne dedans. Il lui sort une seconde couverture et la recouvre. Puis, il se pose à côté d’elle et regarde par la fenêtre.

Nuit. Il fait encore nuit.

Je voulais que tu dormes. Mais maintenant, je préfère te garder éveiller.
Qui êtes-vous ?

Sans doute quelqu’un.

Il la regarde. Intensément. A la fois, elle se sent culpabilisé par son regard. Sans savoir pourquoi. Puis, lui détourne les yeux et sort une cigarette de son pantalon. Il l’allume, tire dessus et redevient aussi éteint qu’avant.

Eteint. C’est le mot. De temps à autre, une flamme se rallume dans son regard, mais rien de bien concret. Il n’y a rien, souvent. Juste une vague lueur qui s’éteint juste après. Alors, elle ne le voit que vaguement. Elle n’arrive pas à le qualifier, à le cerner. Elle ne comprend pas le pourquoi, ni le comment. Pourquoi fait-il tout ça pour une inconnue. Il ne dit rien, se contente de faire. Il ne bronche pas, il agit juste. Il ne pose que très peu de question, mise à part…

A quoi tu penses ?

A vous.

A rien.
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Elle suit Yumen de près, regarde à gauche à droite. Elle évite pourtant le regard des autres gens comme lui. Comme Yumen. Pas par peur d’eux, par peur de ce que Yumen pourrait leur faire. Elle ne sait pas pourquoi elle a peur de ça, d’ailleurs, mais elle ne peut s’en empêcher. Elle se cache derrière lui, sa stature immense, aussi grande que…

Le dragon ?
Mh ?
Hein ! Non ! Rien…

Yumen hausse les épaules en retournant à sa conversation. Elle, la gamine, sort de son ombre pour s’avancer vers un tas de bric et de broc là pour alimenter un bucher. Dans l’entremêlement du tout, elle voit la couverture d’un livre qu’elle reconnait, sans oser le nommer. Elle regarde à gauche, puis à droite, enfin vers Yumen pour voir s’il la surveille. Il s’avère que non. Alors, timidement, elle soulève deux trois planches et se saisit du bouquin. Elle tire, abime partiellement la couverture et…

Gamine ! Ramène-toi.

Elle se retourne immédiatement en cachant son bien derrière son dos. Elle fait un sourire, glisse le livre sous son T-shirt sali en le coinçant dans sa ceinture. Puis, elle s’avance vers lui. Ils rentrent chez eux. Chez lui, en fait. Lorsqu’elle se tourne, elle le sent glisser lentement avant de tomber contre le parquet. Un bruit fort résonne dans la pièce jusqu'ici silencieuse. Elle, ferme les yeux en s'imaginant que peut-être, si elle prie assez fort, il n'aura rien entendu. Mais non. Yumen se retourne, la fixe et baisse les yeux derrière ses pieds pour remarquer l'intrus. Ses sourcils se froncent sous la surprise, il l’interroge du regard alors qu’elle tente toujours de cacher son crime :

Je… Je… Je suis désolée… J’ai trouvé ce livre, je voulais le lire.
C’est un livre de quoi ?
Un… Un conte.
Alors, ça ne nous sert à rien.

Il s’avance vers elle, la pousse, attrape le bouquin pour s’approcher à pas de géant de la cheminée. Mais elle ne peut pas le laisser faire. Pas encore !

Non, attendez !
Quoi ?
Je… Je voulais vous apprendre à lire avec ce livre.

Le visage d’ordinaire impassible de Yumen s’empourpre soudainement. Il a honte. Mais en même temps, l’attention semble le toucher. Un soupire bruyant lui échappe. Il se frotte le front pour tenter de faire passer sa gêne mais fini par garder le livre entre ses mains. Il fait de grand pas vers le canapé avant d’appeler la gamine à le rejoindre. Lorsqu’elle est là, il l’installe à côté de lui et ouvre le livre sur ses genoux. Et là, elle se met à lire, son petit doigt parcourant les lignes du conte :

Ce dernier était là pour donner une leçon d’humilité à ce Roi : se vanter d’être un bon roi est une chose, mais lorsque l’on commence à interpeler les plus hautes instances du monde, il faut avoir du répondant. Albert était resté muet devant l’immense bête ailée qui lui faisait face et qui tonna de sa voix d’outre-tombe : Je suis là pour te punir de ton arrogance, Albert. Alors, tu devras choisir entre deux choses qui te sont précieuses : ton royaume, ou ta bienaimée fille. Si je ne dispose pas de ta fille dans trois jours, alors je raserai ton royaume. Et tu seras le seul survivant sur les cendres de ton trône…

… Le roi disposa alors de trois jours pour faire un choix.

Et malgré toutes ses larmes, sa haine et sa colère, il ne put rien faire contre la force du destin. On ne tuait pas un dragon avec des armes. Ils étaient invincibles. Alors, la fille, devant le désarroi de son père, se sacrifia. Elle lui dit qu’un royaume contre une princesse valait le coup, et que s’il continuait à être ce Roi tant aimé, s’il ne défiait plus les dieux, peut-être qu’on la lui rendrait.

Le dragon vint chercher son dû, Albert céda sa progéniture. Il ne put rien faire lorsque la bête emmena son enfant loin de lui.
Loin.
Si loin.
A des kilomètres du fabuleux royaume, mille lieux plus loin. La princesse s’était montrée forte jusqu’ici, mais entre les griffes du dragon, elle ne put retenir ses larmes. Elle pleura, pleura, pleura pendant des heures tandis que son geôlier l’ignorait royalement. Elle pleura encore, sanglota silencieusement jusqu’à l’arrivée dans sa nouvelle demeure. L’endroit ne lui plaisait pas. Elle, la princesse, avait toujours eu l’habitude de dormir dans des quartiers luxueux, dans des lits confortables. Elle se trouvait dans une chambre minuscule, avec comme seul lit une planche recouverte d’un drap miteux. Le dragon vint la voir rapidement, et lui dit qu’ici était son nouveau palais, son nouveau royaume. Qu’elle pouvait oublier tout le reste, car elle n’en partirait jamais.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Dim 28 Avr 2013 - 23:31, édité 1 fois
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Elle ne se sent même pas partir en arrière. Elle ne sent même pas l’eau prendre la place dans ses poumons. Son souffle se faire la male. Tout seul. La laisser, elle, toute seule. Lorsqu’elle ouvre les yeux, elle ne tente même plus de lutter pour retourner à la surface. A vrai dire, ses vêtements la tirent vers le fond, elle n’a plus la force d’agiter les jambes. Son bras lui fait tellement mal qu’elle ne veut plus l’utiliser.
Et puis elle se dit, de toute façon, tout ça, ça ne sert à rien. Je ne suis plus en état de faire quoique ce soit.

Et j’ai abandonné.

Elle voit sa planche, sa bouée de secours, ne devenir qu’un vague trait à la surface. La surface ? Elle ne l’imagine même plus à ce stade-là. Elle l’a trop vu de toute façon. La mer devant, la mer derrière. La mer partout. Elle n’en peut plus, de cette mer. Alors, qu’elle l’embarque. Qu’elle la tue. C’était son but, à la base non ? Ouais.

Elle ferme les yeux.

Sa respiration se fait pénible. Tellement pénible. Douloureuse, en fait. Elle veut mourir, oui. Mais elle ne veut pas souffrir. Elle veut mourir sans avoir mal. Alors…

A nouveau, elle se réveille. Elle ouvre les yeux pour ne voir que le plafond de ce navire… Elle sent l’odeur de la cigarette. Elle respire lentement, rassurée. Pour la première fois de sa vie, elle apprécie même ce parfum de tabac et de sueur qui flottent dans l’air…

A quoi tu penses ?

Au pire. Elle pense toujours au pire. Sa mine soucieuse, ses yeux vides fixant le plafond. Elle pense au pire. Il se tient, sur sa chaise, tirant sur une cigarette. Près de la fenêtre, il regarde sans regarder.

Je…


Je ne sais pas. J’essaye de comprendre mais… Je suis épuisée, je crois.

Comprendre quoi ?
Pourquoi… Pourquoi est-ce qu’on ne se souvient que du pire ? Et le reste ? Le reste… est-ce qu’il compte ? Je veux dire… Les moments où tout allait bien. Ou tout tournait rond. Pourquoi, de ces moments-là, je n’en ai plus souvenirs ?
Tu devrais te taire. Ne pas parler. Ta voix.
Je sais…
De toute façon, ces choses-là sont trop compliquées à expliquer. Comment va ton bras ?
Mal.
Bien. Et tes côtes ?
Mal.
Ça changera.
Mh… Non, ça ne changera pas. Ça ne changera jamais.
D’accord. Bois.
… Non merci. Je n’ai pas soif.
Avec ta voix, tu ne devrais pas parler. Et tu devrais boire. Le sel… tout ça. Ça n’aide pas à rester en forme. Alors, bois.
Mh… Qui êtes-vous ?

Il ne semble toujours pas décidé à lui répondre. Elle ne s’en étonne presque plus. Elle passe simplement sa main dans les plumes de Bee pour lui gratouiller la tête. Le canard sommeille doucement sur les jambes de sa maitresse. Il attend qu’elle se rétablisse pour la suite. Il est aux aguets des moindres faits et gestes de son sauveur. Il veille.

Ce qui me fait le plus peur, ce n’est pas lui. C’est mon souvenir de lui.
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Et tu étais ou, avant ?
Chez lui. Mais je ne veux pas y retourner. Il était tellement en colère, il me tuera si je reviens…
Tu n’y retourneras pas, d’accord ?
Mais, j’ai son bien… S’il me retrouve, il vous fera du mal aussi…
Pas de « vous » entre nous, ma grande. Et je n’en ai que faire de ton père. S’il revient te chercher pour te faire du mal, il faudra me passer sur le corps !
Vous… Tu es tout vieux, ça sera pas très dur pour lui.
Certes. Mais Bee… Il ne le laissera pas faire.
Non, c’est sûr. Il est plus fort qu’un… qu’un…
Qu’un dragon ?
Oui. Mais en mieux !
Kwak !

Elle lui lance un petit regard tendre. Lui, il lui rend un sourire radieux. Elle bouge timidement les doigts dans ses deux plâtres qui lui mangent les bras. Puis, elle relève la tête pour lui demander :

Vous… Euh… Tu… as ce livre ?
Bien sûr.
Je peux l’avoir ?

Il se lève et sort de la petite chambre ou elle loge depuis quelques jours. Maintenant qu’elle est à peu près consciente, elle se permet de regarder l’endroit. Ce n’est pas le grand luxe, mais elle s’y sent bien. L’ambiance est chaleureuse, la pièce à peu près décorer. Un lit, un bureau, une chaise, que le vieux Harry a probablement construits lui-même. Elle fait un sourire en l’entendant revenir.
Sa moustache. C’est ce qu’elle préfère chez ce vieux monsieur. Et son air avenant, qui lui donne l’impression d’être une vraie personne.

Tiens.

Il lui tend le livre. Un vieux bouquin, usé par le temps, un peu poussiéreux. Elle est enchantée de l’avoir entre les… Mains. Ou plutôt, entre les plâtres. Le posant sur ses jambes, elle le regarde attentivement et tente de l’ouvrir. Une fois. Puis deux. Puis trois enfin. Et comme elle n’y arrive pas, elle commence doucement à pleurer :

Je… Je suis désolée… Je n’arrive pas à tourner les pages avec mes plâtres…

Harry se lève en riant doucement. Il ne se moque pas. Il est attendri.

Laisse faire. Je m’en charge.

Il lui prend le livre des mains avant de s’assoir dans un fauteuil juste en face d’elle. Puis, la seconde d’après, il lui dit :

Tu en étais ou ?



Alors la princesse pleura, pleura, pleura pendant des jours et des jours sans s’arrêter. Elle ne s’arrêtait que pour dormir, et parfois, elle se réveillait pour pleurer. Rien ne pouvait tarir ses larmes, surtout pas ce dragon qui lui sommait sans cesse de se taire, d’arrêter. De ses yeux embués de larme, la princesse ne voyait que ce terrifiant dragon qui la persécutait, elle ne voyait que lui, lui voulant du mal, voulant la faire souffrir. Elle ne voyait que ce destin qui n’avait de cesse de la persécuter, elle, la pauvre princesse. Elle priait pour qu’un preux chevalier vienne la libérer de ses fers. Plusieurs tentèrent, sans succès face à ce dragon. Il brulait et tuait tous ceux qui avaient l’audace de l’approcher, elle et sa terre.

Et puis un jour, la princesse perdit espoir et arrêta de pleurer. Et elle se mit à simplement écouter en regardant vers sa minuscule fenêtre.

Un soir, alors qu’elle tendait l’oreille, elle entendit les gémissements d’un drôle d’animal. La curiosité l’a pris, et elle décida de descendre les marches de sa tour pour voir d’où venaient ces bruits. Frôlant les murs en silence, elle arriva rapidement dans une pièce immense. La plus grande de la tour ou elle vivait désormais. Et elle vit, avachi sur la pierre et le sable recouvrant le sol, le dragon en train de pleurer, tentant de se faire silencieux. Et là, elle comprit alors qu’elle n’était pas la seule à être haï par le destin qui les avait amenés à se rencontrer. Lorsqu’elle s’approcha de lui, qu’elle tenta de le consoler, le dragon fut furieux et tenta dans un premier temps de la repousser. Mais la beauté de la princesse était telle que même le dragon s’épris d’elle en voyant ses yeux embués et la terreur sur son regard. Même avec ses longs cheveux emmêlés et ses vêtements salis, elle lui sembla radieuse. Comme la première fois.

Mon fardeau à moi, lui dit-il de sa grosse voix, c’est d’être enfermé avec la chose la plus précieuse au monde. En l’aimant autant qu’elle me hait.

Ils apprirent à se connaitre, à se supporter d’abord. Progressivement, une relation de confiance s’instaura entre eux. Il était peut-être l’immense dragon qui terrifiait tous les domaines du monde, et elle la plus belle des princesses sur cette terre, mais une chose était sûre : maintenant qu’ils étaient ensemble, plus rien ne semblait pouvoir les séparer. Surtout pas les princes qui venaient, les uns après les autres pour conquérir la tour. Elle avait perdu espoir de toute façon, et n’arrivait plus à se projeter : que ferait-il si l’un d’eux venait à gagner ? Elle le suivrait, sans nuls doutes. Enfin, c’est ce qu’elle croyait au début. Puis, elle n’y songea même plus.

Un jour, elle dit au dragon qu’elle ne le haïssait plus. C’était vrai : au fond de son cœur, elle l’appréciait même.

Et vint le temps pour eux de construire un Royaume.
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Elle rouvre les yeux pour ne voir que cette surface. Celle qu’elle ne peut plus atteindre maintenant. Celle qu’elle n’a plus la force d’atteindre. Elle a, de toute façon, toujours eu l’impression d’avoir la tête sous l’eau. De ne pas pouvoir respirer. De continuellement se débattre contre tout. Se débattre, pour vivre. C’est tellement épuisant, de vivre. De lutter continuellement. Contre quoi ? Contre soi. Alors elle regarde attentivement devant elle, autour d’elle. Elle regarde sans regarder. Elle espère encore. Un peu. Peut-être.

Et alors qu’elle ferme les yeux… Elle sent autour de ses mains, une main immense la saisir. Elle sent qu’on la remonte. Elle se sent blottit contre un torse puissant. Elle sent l’air qu’on lui glisse dans la bouche pour qu’elle vive.

Elle sent. Et elle rouvre les yeux.

Tu m’as sauvé.

Tu m’as sauvé quand j’allai abandonner.

J’ai abandonné. Je suis juste… Fatiguée.


Je sais. Mais la fatigue, c’est passager. Tant que tu as besoin de te reposer, tu peux rester. Il te faut juste du temps. Prendre une pause, ça ne veut pas dire abandonner.

Tu n’as qu’à te dire ça.

A quoi penses-tu ?


A toi.
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Leur royaume fut à leurs images : Grand et beau.

Après des années passées à ses côtés, la princesse en oublia le reste du monde. Jusqu’au jour où un prince, différent des autres, plus fort que les autres, vint frapper à la porte de la tour.

Un combat féroce eut lieu, mais à la fin, le Dragon tomba à terre, gravement blessé par la lame du guerrier. Il voulut achever la bête, mais la princesse lui somma immédiatement d’arrêter. Il se tourna vers elle, obtempéra en s’étonnant puis lui demanda sa main.

La princesse hésita.

Puis le prince lui promit alors monts et merveilles pour la convaincre de le suivre. Des bijoux par centaines. Des draps soyeux. Des vêtements de reine. Mais là, devant le corps presque sans vie du Dragon qui l’avait protégé de tout, du monde, du pire, elle ne savait pas quoi répondre. La logique voudrait qu’elle s’en aille avec son sauveur. Mais la logique n’animait pas les cœurs. Elle se contenta de rester sans voix, devant un valeureux prince qui semblait s’impatienter. Elle lui répondit simplement qu’ici était son palais. Son royaume. Et qu’elle avait oublié tout le reste parce qu’elle n’en partirait jamais.

Que son prince était ce dragon qui l’avait sauvé d’une vie de princesse. Et qu’à bien y songer, sans-doute referait-elle les mêmes choix si tout était à refaire. Que la logique n’animait pas les cœurs, et que le sien appartenait à un dragon terrifiant mais bon.

Qu’elle était déjà la reine de quelqu’un.


Elle le referme doucement en prenant soin de remettre les plans dans la couverture. Reposant le livre, elle s’installe dans son fauteuil en attendant. Dans la pièce à côté, Savanah s’agite. Elle bougea dans tous les sens, poussant les meubles, cassant des verres. Parfois, elle insulte. La rouquine se contente de fermer les yeux en se bougeant les oreilles. Elle ravale péniblement sa salive lorsque tout d’un coup, Savanah rentre dans la pièce et se rue sur le livre que la rouquine vient à peine de poser.
Lilou se lève et lui fait face, alors que la brune repart dans l’autre sens comme si de rien n’était. Elle avale la distance jusqu’à la pièce adjacente, hélant au passage Savanah qui ne réagit même pas :

Qu’est-ce que tu fais avec mon livre ?!
Tu me mets à la porte, je prends juste mes biens.
Tes biens ?!

Lilou devient rouge. Rouge de colère. Elle n’a jamais entendu pareilles bêtises. Ses biens ? Ce livre, elle le tient d’Harry. Les plans, elle ne les doit qu’à elle. Comment ose-t-elle la voler ? Savanah se contente de poser le bouquin avec les plans sur une étagère. Tout d’un coup, elle se tourne vers Lilou et lui tend un sac de voyage.

Et vu que c’est mon bateau, c’est toi qui pars.

La rousse se stoppe un temps. Comment ça ? Partir ?

Ton bateau ? Mais tu l’as volé !
Et alors ?
Savanah, reviens ici !

La brune s’éclipse d’un coup sur le pont, l’autre sur ses talons. Bee attend dehors sagement. Il attend quoi ? Aucune idée. Mais il attend. Lorsque la rousse pointe le bout de son nez à l’extérieur, elle ne voit personne, sinon le jaune du plumage de son canard. Elle contourne la cabine, va vers la rambarde, elle appelle :

Savanah, tu…

Mais elle n’a pas le temps de finir. Un violent coup la saisit dans le dos. Ses côtes craquent sous le choc, elles lui coupent le souffle. Elle passe par-dessus la rambarde et s’immerge totalement. Lutte un temps pour sortir la tête de l’eau, mais lorsqu’elle pense s’en sortir, elle entend à la surface une violente détonation. Des éclats de navire s’enfoncent à leur tour dans l’eau. Lilou s’accroche à une planche et hisse dessus pour se sortir. Trempée jusqu’aux os, elle regarde autour d’elle. Elle regarde ce navire qui prend feu et cette brune insulter et jurer après un canard qui virevolte à quelques mètres au-dessus d’elle.

Lorsqu’il la voit, il kwak de soulagement. Elle veut ramer, mais une vive douleur l’a prend dans son poignet. Il est brisé. Sûrement en passant par-dessus la rambarde. Elle se tourne. Et autour…

Rien. Juste la mer.
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Ton royaume pour un livre ?

Il dit ça en tirant sur sa cigarette, regardant le plafond de sa cabine. Un sourire marque son visage. Ses yeux se tournent ensuite vers la petite fenêtre. Ils ne sont plus que tous les deux, là.

Je ne sais pas si c’est vraiment pour ces plans. Ou juste pour ce livre…
Je l’ai. S’il est important pour toi. Quelque part dans ce bordel.

Elle lui rend son sourire, avant de mieux se blottir. Elle hume son parfum et ferme les yeux.

Ce n’est qu’un livre. Ne te moque pas. J’ai besoin de ce qu’il raconte.

Il fronce les sourcils.

Ce qu’il raconte ? Que la princesse a un violent Syndrome de Stockholm après avoir été kidnappé par un dragon ? Qu’est-ce qu’il y a de rassurant là-dedans ?
Je ne sais pas. C’est juste. La seule histoire qui me reste d’avant lui. Avant mon père. Enfin… Mon père. Non. Mais. Je ne suis même plus capable de te décrire Hina. Ni ma chambre. J’ai l’impression d’avoir toujours été dans cette petite maison de pierre. D’avoir toujours été Lilou. Mais… Il y a bien un avant, non ?
Probablement.

Il l’embrasse sur le front.

Et si l’avant ne te plait pas ?
Comment je pourrais le savoir si je ne le connais pas ?
Peut-être que parfois, ne pas savoir, c’est plus simple.

Elle se relève et garde le drap contre sa poitrine. Un petit sourire sur les lèvres. Petit, mais visible.

C’est pour ça que tu ne veux pas me donner ton nom ? Parce que c’est plus simple ?

Il soupire simplement, retire un coup sur sa cigarette puis passe une main dans les longs cheveux roux de sa voisine.

Disons les choses comme ça. Oui. Plus simple.
Alors quoi ? Ton royaume pour… ne plus être personne ?

Il rit.

Ouais. C’est ça. Chacun son truc, disons.
J’ai juste besoin que l’histoire finisse bien.

Il l’enlace.

Tout ira bien.
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