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Theogony [1624]

Spoiler:

Au commencement était le chaos, le vide originel dont tout provient.


Ils ont coupé la lumière.

Ca fait déjà un bail, il y a eu plusieurs siestes depuis. Des mini-siestes, un œil ouvert et l’autre à moitié endormi. Dormir ici n’est pas très reposant. La tension est palpable et les beuglements hystériques et incessants de l’escaméra n’aident pas à atteindre un sommeil de qualité.

Il y a eu un temps de latence après l’euphorie de la sortie. On s’est regardé dans le blanc des yeux pendant un long, long moment. On s’est jaugé, on a pris des mesures. On s’est respecté jusqu’à nouvel ordre. Et puis le noir, le noir complet comme avant et le grand silence tout lourd s’est imposé à nouveau. Le silence de l’attente. Tout ça pour ça ?

Chacun a plus ou moins repris sa place dans sa cellule. A tâtons. Tant bien que mal. Les odeurs familières, la paillasse, les poils perdus et les sangs versés dans les accès de désespoir. Il fallait y retourner parce que n’a peur que celui qui est perdu. Celui qui sait où il est peut être anxieux de la suite mais il n’aura pas peur. Il sera rassuré. Il sera chez lui et il attendra.

La joie est retombée, oui. La joie innocente des enfants revenus, qu’enfin on laissait sortir après trop d’attente, elle est retombée. Par les lézardes entre les briques et les pierres des murs, elle s’est évanouie. Pscht ! A peine l’a-t-on effleurée du doigt goutteux de celui que les articulations ont déjà lâché faute d’exercice, elle est remontée vers la surface aussi soudainement qu’elle était venue.

Il y a eu des sanglots. Dans le noir, dans le tard de l’éternité sans début ni fin, dans les coins. Etouffés dans les manches mais pas toujours. Ravalés dans les barbes et arrachés par les ongles sales et crasseux dans les rides sous les yeux fous et aux aguets. Il y a eu des énurésies honteuses, tues. Comme avant quand on pensait à l’échafaud qui était la seule porte de sortie. Il y a eu des regrets.

Des regrets sur cette porte de sortie qui n’existe plus. Pourquoi ?

Pour quoi ?

Et puis après ils ont mis en route cette sirène.

Peut-être qu’ils surveillent depuis là-haut, depuis derrière l’écran relié au preneur d’images. Peut-être qu’ils observent. Peut-être qu’ils se rient des réactions des gens d’en dessous qui ne sont plus vraiment des gens de toute façon depuis qu’ils sont en dessous. Peut-être que tout ça fait partie de leur grand plan. Peut-être est-ce là le nouveau moyen trouvé pour résoudre le problème du niveau moins six. Peut-être les nobles mondiaux sont-ils à l’origine de tout ça. Peut-être. Peut. Etre.

Se peut-il encore être, dans cette basse fosse ?

Certains ne sont plus, déjà. Certains sont devenus fous. Déjà. Certains se sont mis à hurler aussi, dans leurs refuges aux portes ouvertes. Certains ont voulu les refermer, ont voulu s’isoler. Se sont isolés. Reclus parmi les exclus. Il y a eu des barricades faites avec les fétus souples des mauvaises couches. Des barricades qu’un rien, qu’un souffle effondrerait.

Et dans la nuit qui n’est pas plus la nuit que le jour n’est le jour puisqu’il n’y a plus ni nuits ni jours depuis longtemps, et dans la nuit on les entend, ceux qui crient. On les entend et on résonne avec eux de cette folie que crée la faim, de cette folie dont naît la soif. Et il y a cette communion malgré la tension et malgré la méfiance des êtres redevenus bêtes aux abois, car tous sont égaux dans la souffrance et tous sont égaux dans le noir qui oppresse.

La nuit tous les méchants sont gris.

La nuit, la vraie, même les méchants ne le sont plus.

La nuit, la dernière, il n’y a plus que l’attente du jour prochain.

La nuit, l’universelle, il n’y a plus que l’espoir qui fond, qui fond avec les cris.


Theogony [1624] 661875SignTahar


Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 24 Mar 2014 - 16:43, édité 4 fois
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Du chaos naquirent les ténèbres et depuis les ténèbres émergèrent les sous-sols ombragés que surplombait la terre faite d’amour. Dans ces sous-sols ombragés apparurent trois êtres, trois titans auxquels la terre faite d’amour avait refusé son sein prospère et nourricier.


Au début personne ne remarque.

C’est diffus. Incertain. Pas vraiment palpable même pour des êtres tout désormais faits de cette sensibilité exacerbée par la privation et l’occlusion des cinq sens. Et puis quand la réalité commence à sourdre en les esprits de chacun, quand les premiers se sont rendus compte de ce qui est advenu, c’est comme une nouvelle naissance. Encore. A nouveau. La douleur ne s’en va pas.

Mais les cris se taisent et alors le silence naît. Le silence qui fait peur toujours, car le noir demeure. Et l’un et l’autre et les autres se lèvent, frissonnent et tremblent et titubent. Atteignent le mur ami et déroulent devant eux le tapis noir des quarante marches vers le sas, le sas tout noir aussi là-bas dont vient le silence. Le silence qui n’était plus, qui était bruit jusqu’alors et qui maintenant est vide.

Qui maintenant est silence.

Dans le sas il est une présence et une absence que les nez remarquent, dont les oreilles se délectent et se guérissent déjà. La place est sourde, l’ombre qui n’est plus pénombre mais ombre vraiment est lourde. Et le groupe se centre autour du sauveur moins fou et plus fort que les autres. Lequel ?

Lequel a tu l’alarme ? Lequel a eu la force de monter le long de ce mur au-dessus de la bouche de ventilation où pourrit et s’abîme le corps du malheureux qui y a été encastré une éternité plus tôt déjà ? Ils sont trois au milieu du cercle, trois qu’identifient trois voix et vingt paires de mains cernées encore de menottes en pierre trop rêches et trop dures. Les poignets souffrent mais les âmes viciées rient. La peau s’abîme un peu plus sous l’assaut du granit et sous le manque de vie et sous le manque de force, mais des héros naissent de cette douleur et on les porte en triomphe.

Peut-être ont ils œuvré de concert, ils ne disent rien.

Ils ont faim. Ils ont soif. Mais il n’y a plus un cri et leur règne vient de commencer. Leur règne à trois rois mourants sur vingt sujets faméliques. Et la lumière soudain les aveugle et les sépare parce que leur fait peur et qu’il faut s’abriter chacun du regard des autres et surtout de l’assaut de ce bain de clarté qui tue leurs yeux. Ils sont pitoyables. Le royaume de l’horreur est pitoyable.

Là-haut, ils regardent. L’escaméra n’était pas le hurleur fou finalement. Ils étaient deux. L’escaméra n’était pas le hurleur et tremble en reprenant son rôle de vigie. Le spectacle qu’il transmet est l’horreur désincarnée. Le triumvirat est seul debout mais plus une pupille ne brille vraiment. Les dos sont voûtés même si toujours plus droits que ceux de la masse agenouillée devant eux.

Un estomac se fait messager de tous et le besoin d’un festin naît. On pense aux vivants. On se regarde entre déjà morts mais pas encore, et on pense à celui dont le bras cassé a assuré la fin rapide. On pense à ceux qui ont crié et qui se sont barricadés de fétus pris à leurs mauvaises couches et qui se sont tus et qui ne se sont pas relevés et qui ne sont pas renés. On pense à eux et on va les chercher. Il n’y a pas un mot, il n’y a pas un ordre. Ce n’est pas une volonté du roi, des rois, c’est un besoin impérieux qui transcende tout et qui n’a pas besoin de la pensée pour circuler.

A même le sol, à même la chair, à même les os. L’odieux forfait se consume dans le silence et la lumière. Il n’y a pas de gêne même s’il devrait. Le noir, certains préféreraient s’y dissimuler bien sûr. Mais il n’y a pas de honte car elle serait absconse en ce lieu. La honte, c’est le poids du regard des autres sur soi. Et il n’y a plus d’autres ici-bas. Pas d’autres à même de juger parce que meilleurs ou moins pires. Ici-bas il y a seulement trois rois et vingt sujets qui se repaissent du même repas.


Theogony [1624] 661875SignTahar


Dernière édition par Tahar Tahgel le Dim 24 Fév 2013 - 23:45, édité 2 fois
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Le premier de ces titans, le plus vieux et le plus grand et le plus beau, avait le corps et la faiblesse des hommes mais l’esprit divin des inspirés. Le deuxième avait la fourrure des animaux, les os d’une machine et les instincts de la bête. Le troisième enfin venait d’un monde où les hommes n’existent que pour les servir, lui et son esprit noir comme ses yeux et noir comme le sol sombre de leur prison souterraine à tous les trois.


Avec l’appétit revient la vie et avec l’appétit repart la faim et avec l’appétit s’endorment les angoisses. Les estomacs contractés se comblent et les langues réhydratées par le sang et les sucs savent trouver enfin les pierres humides et suintantes dans les recoins les plus sombres et les plus confinés. L’aération bouchée remplit son rôle doublement et trois fontaines se font jour en trois zones. L’eau de l’air, condensée parce qu’enfermée, coule à petits flots salutaires.

Et le royaume est divisé en trois comtés dont chaque sauveur prend la garde avec ses fidèles. La répartition se fait, les clans naissent et se figent. Et puis les siestes reprennent après le festin dont les restes trônent au milieu de tous comme pour mieux rappeler le sort commun et conjurer l’apaisement.

Mais la paix ne dure pas, ne peut pas durer. Car une fois ou l’autre c’est l’une ou l’autre source qui se tarit, et une fois ou l’autre c’est un clan ou l’autre qui a soif pendant que l’autre dort et bientôt la haine revient. Il fait faim à nouveau, la lumière baigne les visages et fatigue les yeux. Les fers arrachent les derniers poils et brûlent la peau sèche et rêche et morte en surface.

Les muscles durcissent et s’affinent et bientôt les forces retombent et ce n’est plus la soif mais la faim qui tenaille et la faim qui ne se peut combler même à petites doses puisque rien de solide n’est disponible, pas comme l’eau qui descend des étages supérieurs à travers le plafond parfois.

Peut-être que là-haut ceux qui regardent ont pitié parfois, ou peut-être pleut-il en surface.

Peut-être pleut-il où ça ?

Un jour c’est la faim de trop, c’est la course à l’eau qui tombe du plafond qui exténue et peut-être celui-ci n’est-il pas tout à fait mort mais un des rois fait un signe et l’autre a faim. Alors le consensus se crée cette fois mais à la suivante chacun retrouvera son instinct de thésauriseur et voudra accumuler et entasser et sauvegarder la seule richesse qui soit ici. Un repas. Des repas.

Là c’est un autre qui se tue. Plus fort que les autres il n’est pas mort quand la lumière s’est éteinte ni quand l’alarme a sonné, mais il ne peut plus maintenant, il ne peut plus. Alors il est tombé tête la première, peut-être d’ailleurs n’était-ce pas complètement ce qu’il voulait mais il est tombé. Et il est mort. Et il est bon comme les autres et ses os vont rejoindre les autres.

Puis quand il ne reste plus que trois rois et quinze sujets la méfiance monte. On voudrait s’installer mieux mais on ne peut pas alors on monte des gardes et on se relaie mais on est pas sûr d’avoir confiance alors on ne dort pas vraiment même quand en théorie son tour est venu de dormir. Et parfois on a raison de se méfier, mais on s’endort quand même, et voilà qu’on finit volé par le clan voisin. Et puis un jour c’est un clan qui attaque un autre délibérément.

Bientôt il ne reste plus que trois rois et dix sujets, dont six chez l’un des trois rois et deux chez chacun des deux autres. Alors enfin la confiance renaît, la difficile confiance toute ténue dans son habit noir. Et en souvenir du bon vieux temps où ils étaient amis le roi de métal et de poils tombés se ligue avec le vieux roi qui seul avec l’autre, avec l’ennemi, a gardé sa toison et sa crinière noire.

Certains êtres sont faits pour régner et ceux qui gardent leurs poils le prouvent.


Theogony [1624] 661875SignTahar


Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 25 Fév 2013 - 0:14, édité 4 fois
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Avec eux d’autres étaient enchaînés, anonymes et sans splendeur comme des fourmis qu’on aurait jetées aux pieds d’éléphants, qui leur servirent de remparts, d’amis et de pâture.


Et le gros roi plus si gros aux os de métal et au crin épars et ses sujets aident le roi le plus vieux à lutter contre le plus jeune et le plus noir des trois. Et les forces se rééquilibrent parce qu’à eux deux ils ont plus d’eau et bientôt autant de sujets que l’autre qui avait trop confiance.

Quand les deux rois unis et le roi tout seul n’ont chacun plus que deux sujets, le roi tout seul propose une trêve que les deux autres ne peuvent qu’accepter. En échange de la paix le roi tout seul sacrifie un de ses propres sbires et cette fois bombance est faite. L’accord est signé et dure le temps du festin et un peu plus. Trois rois, trois sujets, l’équilibre renaît et le dialogue s’impose à nouveau.

Oh il y a bien quelques écarts à la trêve signée dans le sable du sas et parfois l’un ou l’autre des rois se réveille alors que les deux autres ripaillent sans lui sur les restes de l’un ou de l’autre fidèle. Mais dans l’ensemble une relative quiétude commence à naître, signe avant-coureur pour qui saurait la lire d’une perturbation qui point, et les esprits s’apaisent et les repas partent moins vite et l’eau suffit enfin.

La régulation s’est faite et maintenant les rois peuvent se concentrer sur eux-mêmes.

Le roi le plus vieux passe ses instants de veille à sentir le monde et à essayer de retrouver des souvenirs qui ne sont pas venus depuis sa mort et sa renaissance avec la lumière et le bruit et le noir et le silence. Sa mère disparue le boude toujours et ses oreilles n’entendent plus que les bruits que font les objets qu’il voit. Le fait le contrarie, il s’efforce par de petits exercices pendant que les autres ne le regardent pas et conversent ensemble d’entendre ce qu’ils disent.

Le roi le plus jeune et le plus noir tisse sa toile parmi ses alliés pour contrer le roi le plus vieux dont il sait qu’il doit se méfier parce que lui sait ce qui se dit et ce qui se pense ailleurs.

Le roi aux os de métal lui ne sait rien de tout ça et pense qu’il va survivre encore un peu.

Et le dernier des fidèles meurt, seul contre et parmi tous ses rois qui l’ont sauvé du bruit il y a de ça tant et tant de temps maintenant. Il meurt avec un air résigné au visage et les joues rouges d’avoir saigné et rampé et couru et crié. Il tombe et se sacrifie contre son gré pour la cause commune et l’honneur qui lui est fait est grand.

Et l’escargot aux yeux grands comme les assiettes que les rois n’ont pas ne perd pas plus de miettes de ce qui se déroule en bas par terre dans le sas aux accès piégés que les rois ne perdent de miettes de leur dernier festin de rois.

Désormais libres du fardeau de leur règne les rois sans sujets redeviennent sujets d’eux-mêmes et du royaume sans roi où ils sont isolés et pendant un temps le flottement revient.


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Dim 24 Fév 2013 - 23:47, édité 2 fois
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A leur arrivée dans les noirceurs des entrailles du monde, le deuxième s’allia au premier titan parce qu’il était le plus vieux et le plus grand et le plus beau. Il se battit pour lui contre les sbires assujettis par le troisième et pour lui il tua et tua et tua encore. Et puis il ne resta plus qu’eux trois et la faim vint et le désespoir rongea et les volontés vacillèrent.


Tuons-le…

Le roi noir parle au roi de métal et le roi de métal écoute le roi noir.

C’est sa faute si nous n’avons plus eu à manger…

Au début ses oreilles se ferment au venin que persifle le roi noir mais celui-ci sait ce qu’il veut entendre et sent quand il faut parler et quand il faut se taire. C’est comme s’il savait ce que pense le roi aux os de fer et c’est comme s’il savait quand il pense que le roi vieux est son ami et quand il pense que peut-être il a été utilisé. C’est comme s’il savait quand il se souvient de cet autre roi, celui des loups qui l’a envoyé ici il y a si et si longtemps. C’est comme s’il savait sur quels leviers appuyer.

C’est sa faute si nous n’avons plus eu à boire…

Non, non, non. Le roi de métal est fort, il ne se laissera pas corrompre car malgré la lumière toujours et la lumière à jamais il perçoit parfois que le sort s’acharne sur lui et lui fait choisir entre la vie et la mort d’un homme qui lui a été bon, qui lui a permis de redresser l’échine et de ne plus craindre le souvenir du roi aux loups et à la peau de poisson. A la peau de quoi ?

Allons, crois-tu qu’il est ami avec toi pour autre chose que ta puissance et tes muscles et ta taille…

Mais le roi noir est fort et intelligent et, affaibli, il est poussé dans ses derniers retranchements alors il devient fort comme deviennent fortes les bêtes acculées qui n’ont plus pour survivre que la dernière énergie, celle du désespoir qui couve et qui monte et qui grimpe.

Allons, pourquoi crois-tu qu’il t’a gardé pour la fin, c’est pour lui bien sûr, c’est pour t’avoir en dernier…

Mais le roi noir est fort et intelligent alors il montre le roi vieux qui là-bas se repose et les regarde de son regard vide et plus mort que vif comme les leurs, eux les deux autres rois qui parlent entre eux, qui les regarde en se curant les dents d’une écharde distraite arrachée à l’un des squelettes voisins.

Vois comme il te regarde, ô roi de métal, vois comme il convoite tes chairs qu’il s’est gardées pour lui tout seul, vois et tuons-le… A deux nous le pouvons alors que seul ce ne sera pas possible. Tuons-le… Bientôt… Quand il dormira tuons-le… Avant d’être trop faibles…

Et bien des choses changent quand le bon moment et la bonne voix suave et rauque à la fois sont choisis pour chuchoter les bons mots au bon cerveau préparé par les bonnes circonstances.

Tuons-le…


Theogony [1624] 661875SignTahar


Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 25 Fév 2013 - 0:21, édité 3 fois
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Et alors le deuxième changea de camp et prit le parti du troisième titan pour mettre à bas le premier pour qui il avait si longtemps combattu. Leur but à tous deux était d’unir leurs forces pour coucher le plus puissant d’entre eux. Après, ne resteraient plus qu’eux deux et le dernier debout serait le moins faible mais au moins chacun aurait une chance contre son adversaire.


Le tournoi commence à l’aube suivant un jour sans crépuscule.

Quand les deux rois déchus par le temps et la faiblesse de corps de leurs fidèles connaissent un regain de vigueur que leur apporte la haine exacerbée, ils frappent et frappent fort. Par surprise, croient-ils, mais le roi vieux qui fait semblant de dormir les attendait.

Oh, bien sûr il souffre malgré tout, mais il n’a mal que dans ses os et dans ses chairs torturées, et n’a pas dans le cœur cette peine qu’apporte d’ordinaire la trahison par un proche ou ce qui y ressemble.

Il a bien vu, le roi vieux, que son ancien lige le roi de fer ne le regardait plus qu’avec les yeux fuyants et perçants à la fois, avec les yeux de celui qu’on a corrompu et qui se demande encore un peu si les choses qu’on lui a dites sont bien vraies, si ce qu’il s’apprête à faire est bien juste. Il a bien vu, le roi vieux, que son ennemi depuis toujours le roi noir qui ne parle que peu le regardait avec des yeux à la narquoiserie retrouvée. Si les voix se sont tues, il a bien senti que quelque chose se tramait, lui isolé à proximité d’une source d’eau croupie et les autres rassemblés près d’une autre.

Et tôt le voilà debout, contusionné, le souffle court, mais debout. Et les autres de s’écarter car un homme debout qu’on croyait mort subjugue toujours. Et puis comme un gong qu’on n’attendait pas, un grain de poussière ou une boule de terre se détache d’une paroi, rebondit sur un mur, s’encastre dans le sol dans un murmure étouffé par le néant de cet étage de mort.

Le signal est donné, la sarabande commence.

Sarabande de pathétisme, où les coups pleuvent mais font aussi mal à ceux qui les lancent qu’à ceux qui les reçoivent. Mal aux muscles, mal aux articulations. On croirait voir des marionnettes se battre avec leurs mains et leurs bras et leurs jambes et leurs ventres de son. Un son grossier qu’aurait produit un froment de la plus médiocre qualité, taché par les privations et les abus.

Même les arènes les plus pauvres d’ailleurs ne connaissent de pantins si frêles. Un nez éclate, et c’est l’agonie. Le roi noir se retire d’urgence et laisse à son sbire convaincu et aux instincts féroces retrouvés le soin de gagner pour lui, de l’emporter pour eux. Sa lecture du monde et des gens n’a plus sa justesse ici où plus rien n’est prévisible. Les prises et les tapes et les fentes ne sont plus qu’approximatives ici et même ceux qui les font ne savent pas vraiment jusqu’où les porteront leurs corps abîmés, ignorent si telle fragilité du coude ou du genou, si telle raideur des poignets entravés ne fera pas prendre à l’assaut ou à la parade entamés une toute autre direction que celle prévue.

Et deux maîtres restent, qui ne se connaissent pas autant qu’ils l’auraient pu. Qui se connaissent un peu. Qui se connaissent assez pour que la danse retrouve de son aspect fluide où parfois mais seulement parfois une arme touche et assomme. Une arme de chair, d’os et de métal. Le roi vieux ricoche contre la paroi de terre et va se noyer inconscient dans la petite flaque que forme l’une des sources tant prisées. Petit lacquet de fraîcheur et d’infortune.

Voilà !

Une main sur son nez au rouge intarissable et ses yeux luisant d’une ombre satisfaite le roi noir accourt avec les plus basses intentions près de la carcasse sans vie du roi tué, tué en apparence. Et comme il s’approche de son oreille pour lui susurrer les plus vils mots qu’un exécuteur peut murmurer à sa victime, et comme le roi singe se désespère d’avoir frappé ainsi un ami, ce dernier revient à la vie dans un clignement de paupières, pour dans un ultime effort saisir par la gorge le roi noir.

Et dans un cri de rage guerrière, qui résonne dans tout le vide de la cathédrale nécropole, le voilà qui de toute sa force concentrée pour son dernier combat emporte en courant le méchant roi sans trône vers la falaise la plus tranchante. Et dans quelques enjambées encore le roi noir ne sera plus qu’un amas d’os fracassés contre une pierre plus noire que lui.


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Mais le plan échoua et le premier eut vent des projets de ses frères titans. Il se prépara et quand ils arrivèrent face à lui pour le tuer il les accueillit avec grande sérénité. Il les accueillit ainsi parce qu’au-dessus d’eux la terre faite d’amour qui les surplombait était désormais secouée d’un chaos qui lui sourirait. Et comme il l’avait prévu les deux alliés contre lui étaient trop distraits pour lui pouvoir du mal. Alors il les tança, les battit malgré moult difficultés puis leur dit la vérité.


Quelques enjambées ont passé mais le roi noir est demeuré plus qu’un amas d’os fracassés contre une pierre plus noire que lui. La stupeur a pris la place de la haine dans les trois esprits en lutte pour la survie et, n’était le sang qui tel un stalactite s’enfuit goutte par goutte des narines de celui dont la gorge est mortellement étreinte par les mains du roi vieux, plus rien ne bouge. Ni le temps, ni l’air.

Ni aucun d’eux.

A leurs pieds que rien ne protège plus qu’une corne insensible comme leurs êtres faits de douleur, en ce seul coin de l’arène qu’aucune source n’irrigue, un tas qui n’était pas là plus tôt a coupé leur élan.

Un tas haut comme une grosse roche, mais flou tel un brouillard mû d’une force propre. Passé l’émoi c’est la curiosité qui prend le pas sur les heurts et le roi à crinière laisse survivre le roi noir puis s’approche accompagné du roi aux os de fer qui ne veut plus le tuer, qui ne veut plus et qui s’abrite derrière un regard peiné que ne remarquent pas les autres. Le tas semble grouiller devant eux, grouille comme s’il était agité de l’intérieur et comme si ça surface n’était faite que de minuscules billes, mini, minuscules et qui rouleraient depuis la pointe de sa pyramide jusqu’à la base.

Et en effet un œil attentif comme le leur qu’a fatigué la lumière permanente perçoit bien vite que les billes tombent du plafond, du haut du mur près de l’escaméra qui d’ailleurs s’active pour se mettre hors de leurs champs de vision. Tombent du plafond puis pleuvent au sol et s’amoncèlent en un tas, un petit tas curieux qui n’a pas sa place ici.

Et la curiosité creuse encore un peu son assise dans les cerveaux aliénés. Creuse et creuse et trouve enfin la commande des muscles et pousse l’un et l’autre du même geste à toucher du doigt le petit monceau de, de quelque chose d’un peu mou, d’un peu liquide et d’un peu gluant. Et pousse l’un et l’autre du même geste et sous les yeux écarquillés du troisième à porter à leur nez puis à leur bouche le doigt, le doigt ainsi couvert de cette matière étrange que leur estomac a déjà identifiée.

Ca se mange.

Et voici que point un sourire pour la première fois depuis très, depuis très longtemps sur ces visages faméliques qu’une ombre entache à jamais. Et voici que sans que se poser plus de questions avant de laisser place à l’instinct, à l’instinct premier qui veut la survie de l’être avant sa réflexion sur le pourquoi, le vieux roi puis le roi animal puis même le roi noir qu’ils laissent approcher parce que le petit tas n’est pas si petit qu’ils pourront tout avaler d’un coup, voici que tous trois ils se gavent de ce bienfait qu’ils n’hallucinent pas, que leurs papilles ne rêvent pas.

De ce bienfait que le ciel leur envoie.

Mais la fortune n’est jamais si bonne qu’elle vienne sans demander paiement. Quand leurs ventres sont bien gonflés du mets inespéré dont ils viennent de se goinfrer sans modération, les rois déchus mais splendides à nouveau s’échappent et s’éloignent et vont se reposer maintenant qu’un nouvel espoir leur est revenu. Et dans ce repos enfin la pensée revient, la pensée et les souvenirs, les questions et les réponses faites d’égarement et d’hébétude.

Les souvenirs faits d’horreur et les réponses apportées alors que les fidèles étaient encore là. Les tripes comparent ce qu’elles viennent de recevoir et ce qu’elles ont reçu auparavant juste après la grande nuit et quand il y avait encore d’autres êtres que les rois dans la cathédrale. Et les convulsions commencent et le regret et la culpabilité face au tabou suprême remontent. Remontent et percent tel le plus puissant acide les défenses contre le rejet.

Et dans son coin mais il n’est pas seul le roi vieux vomit parce que ça s’est trop mangé.

Puis l’œil égaré il se relève, se relève péniblement et toise de sa taille toute voûtée ses deux compagnons alanguis, ses deux ennemis et ses deux complices dans l’horrible. D’un index tremblant et rongé par l’acide sorti de ses entrailles et de son âme qui lui revient soudain, il se cherche, se cherche et semble chercher dans toute la salle, sur les arches de pierre et sur la grille près des escaliers, sur le tas qui recommence à grandir là-bas tout comme grandit son dégoût, puis il se trouve enfin et se désigne et désigne son torse encore agité de spasmes.

Et pour se trouver à coup sûr il tente devant ses témoins de s’octroyer à nouveau l’humanité dont la survie l’a fait se délaisser, le tente en s’appelant lui-même de ce nom doux qu’une voix fruitée un jour lointain lui a conféré :


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 25 Fév 2013 - 0:28, édité 5 fois
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Au commencement était le chaos, le vide originel dont tout provient.

Du chaos naquirent les ténèbres et depuis les ténèbres émergèrent les sous-sols ombragés que surplombait la terre faite d’amour. Dans ces sous-sols ombragés apparurent trois êtres, trois titans auxquels la terre faite d’amour avait refusé son sein prospère et nourricier.

Le premier de ces titans, le plus vieux et le plus grand et le plus beau, avait le corps et la faiblesse des hommes mais l’esprit divin des inspirés. Le deuxième avait la fourrure des animaux, les os d’une machine et les instincts de la bête. Le troisième enfin venait d’un monde où les hommes n’existent que pour les servir, lui et son esprit noir comme ses yeux et noir comme le sol sombre de leur prison souterraine à tous les trois.

Avec eux d’autres étaient enchaînés, anonymes et sans splendeur comme des fourmis qu’on aurait jetées aux pieds d’éléphants, qui leur servirent de remparts, d’amis et de pâture.

A leur arrivée dans les noirceurs des entrailles du monde, le deuxième s’allia au premier titan parce qu’il était le plus vieux et le plus grand et le plus beau. Il se battit pour lui contre les sbires assujettis par le troisième et pour lui il tua et tua et tua encore. Et puis il ne resta plus qu’eux trois et la faim vint et le désespoir rongea et les volontés vacillèrent.

Et alors le deuxième changea de camp et prit le parti du troisième titan pour mettre à bas le premier pour qui il avait si longtemps combattu. Leur but à tous deux était d’unir leurs forces pour coucher le plus puissant d’entre eux. Après, ne resteraient plus qu’eux deux et le dernier debout serait le moins faible mais au moins chacun aurait une chance contre son adversaire.

Mais le plan échoua et le premier eut vent des projets de ses frères titans. Il se prépara et quand ils arrivèrent face à lui pour le tuer il les accueillit avec grande sérénité. Il les accueillit ainsi parce qu’au-dessus d’eux la terre faite d’amour qui les surplombait était désormais secouée d’un chaos qui lui sourirait. Et comme il l’avait prévu les deux alliés contre lui étaient trop distraits pour lui pouvoir du mal. Alors il les tança, les battit malgré moult difficultés puis leur dit la vérité.

Et dans les ténèbres des sous-sols ombragés que surplombait la terre faite d’amour et agitée d’un nouveau chaos fils du chaos originel, le premier et le dernier mot de la vérité résonna :


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Sam 9 Fév 2013 - 19:41, édité 1 fois
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Tahar


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