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Premier mouvement.

Allez, raconte !
Non.
Raconte, raconte, raconte, raconte !
Gamine.
Allez, quoi, s'il te plait. Tu nous parles jamais de toi.
Pff. Bon, ok. Voilà l'histoire.

* * *

Tu vas vraiment le faire ?
Un peu, que je vais le faire.
Laissez tomber, les gars il nous fait marcher...
Je vais le faire, je vous ai dit !
Prouve-le, alors.
Très bien, suivez moi.


Je vais le faire, bon sang. Pourquoi ils ne me croient pas, ces idiots ? Je suis pas le genre à me défiler, moi. Je suis pas un lâche, quand je dis quelque chose, c'est pas des paroles en l'air.

Venez, on va au bar, vous allez voir.

Et on y va, tous les quatre. Alto, Jim, Peck et moi. Eux, ce sont mes potes. Leurs parents sont aussi peu concernés par l'éducation de leur fils que les miens. Alors, on traine en ville. Depuis si longtemps, qu'un beau jour, on s'est rendus compte qu'on se croisait souvent, mine de rien. Et qu'on pouvait s'occuper ensemble, finalement. C'est vrai qu'à plusieurs, on s'amuse plus; on a plus d'idées. Ça doit bien faire deux ans qu'on se connait, maintenant. Souvent, on se lance des défis, pour se prouver qu'on est pas des trouillards. C'est ça un gosse des rues, ça doit s'affirmer. D'habitude, c'est moi le plus courageux, mais hier, Alto a volé une bouteille d'alcool à l'épicerie. Depuis, il se prend pour le petit chef, il faut que je lui montre, à ce faux-jeton, qui c'est celui qui en a le plus. Jim, le plus jeune de notre petite bande du haut de ses onze ans, demande à nouveau quel est le défi.

C'est simple. J'entre au bar, je vais voir l'étranger avec la balafré sur l'œil qui est arrivé l'autre jour, et je lui fais les poches.
Wah, et t'as pas peur ?
Peuh, avoir peur, c'est pour les poules-mouillées.
Mais, puisque je vous dis qu'il va se défiler !
Répète un peu ça ?
Tu vas te défiler !
Tu préfères qu'on règle ça comme des grands, maintenant ?
Ça suffit tous les deux.


Lui c'est Peck. Il est petit et maigrichon, mais il est malin. Moi, je respecte ça. Parce que malgré tout, il nous fait jamais faux-bond, et il trouve toujours de bonnes idées. L'autre jour, il a trouvé des vieilles planches inutilisées chez son vieux qu'il a ramenées pour qu'on fasse une cabane. Notre Quartier Général. On y entassé des vieux trucs, on a ramené des chaises éventrées et une table basse qui n'a plus que trois pieds. C'est qu'un début bien sûr, mais ça rend déjà bien.

Un défi est un défi, il ne faut pas le fausser, Alto. Tu es prêt ?

Il m'a dit ça à moi. Et j'ai hoché la tête. J'aime bien Peck. Il sait mettre de l'ordre dans les choses. Alors, on y va, il a dit. Et on y est allés.

[...]

On arrive devant l'entrée du Travis Pub. C'est un établissement plutôt mal côté il parait, avec son lot de poivrots en dignes habitués. C'est sombre à l'intérieur, le matériel est usé, les verres plus vraiment propres depuis des années. Mais c'est chouette. On y vient souvent nous, et ceux qui nous emmerdent parce qu'on a pas encore quinze piges s'en mordent les doigts. On est des teignes. On aime se battre. Et quand ça ne suffit pas, y'a toujours un client qui nous a à la bonne pour nous tirer d'un mauvais pas. Ceux qui vivent les pieds dans la merde ont plus tendance à se serrer les coudes que les autres, c'est comme ça.

Il n'y a pas foule, là. Normal, il est encore un peu tôt pour la plupart des clients réguliers. Il est pas tout à fait treize heures. Je pousse les battants, soutenu du regard par les trois autres qui guettent mes moindres gestes. J'ai l'air détendu quand je lance un salut goguenard à Ted, le barman. En vrai, ça me lance dans tout le corps, cette excitation de passer à l'acte. C'est différent de d'habitude. Quand on fait que chercher les emmerdes, on commence à avoir le coup de main, on sait gérer les situations tendues. Mais là, c'est pas pareil. L'étranger colle la frousse rien qu'à le regarder. Il a des fringues sombres, des cheveux en bataille, une barbe hirsute et une cicatrice qui lui barre tout le tiers du visage, en haut à gauche. Et une dureté incroyable incrustée sur ses traits.

C'est de là que vient le défi. Après le coup de Alto, j'avais envie de frapper un grand coup.J'ai lancé ça pour clore définitivement les débats. L'étranger est là. Au bar, sur son tabouret. Le nez planté sur sa chope. Maintenant que je suis là, je me demande si c'était vraiment une bonne idée.

Tiens, gamin, qu'est ce qui t'amène ?
Oh, rien Ted, je m'occupe...

Je m'assieds sur un tabouret, à distance respectable de l'inconnu. Je ravale ma salive et masque la peur dans ma voix. Non, je n'ai pas peur. Je vais réussir, et ils seront bien forcés de reconnaitre que je suis le plus fort. Le tout, c'est de trouver un plan.

Tu as soif, tu veux quelque chose ?
Euh, non ça ira.


Ted dit que si je change d'avis, il n'y aura qu'à demander et repart s'occuper d'autres clients, au fond de la pièce. Ça me laisse le champ libre pour aborder l'aventurier. Ne pas avoir peur, ne pas avoir peur. Je m'approche, me présente juste à côté de lui. Allez !

Dites ...
Hm ?


Il se retourne. Il me regarde. Il a l'air encore plus effrayant de près. Qu'est ce que je fais ? Je m'excuse ? Non, il le prendra mal à coup sûr. Mince. Mince. Je suis forcé de continuer, maintenant.

Qu'est ce qu'il vous est arrivé, là ?

Je lui demande ça en pointant du doigt mon œil. Sa main bouge. Je sursaute. Que ... ? Il prenait juste sa bière. Ouf. Il en boit deux gorgées, ou trois, m'ignore complètement. Ce n'est pas si grave, j'aurais essayé. Mieux vaut s'en all...

Un sabre.
Heu ... hein ?
Ouais, un sabre; il m'est arrivé un sabre. De haut en bas, comme ça. Ziiif. Je l'ai vu venir trop tard, je me suis fait trancher.
Oh, dé... désolé. Et, il a été arrêté, celui qui a fait ça ?
Non...


En fait, il n'est pas si terrible. Un accoutrement un peu impressionnant, d'accord. Mais il s'est fait battre par un voyou. Pas de quoi en faire un plat. Ma main droite se glisse discrètement dans son dos. Où il peut bien planquer son fric ?

...il est mort.
Mort !?
Oui gamin. Il a essayé de me faire les poches. Ça n'se fait pas.


* * *

Hein, quoi ? Il a essayé de te tuer juste parce que tu voulais le détrousser ?
Oui. Tu vois, j'ai été sympa de pas te tuer.
Pff, je te crois pas.
Tu veux entendre la fin de l'histoire ?
Oui ...

* * *

Hyaa. Ce mec est ... Je l'ai échappé belle. Un peu plus et il allait me faire la peau.

...tu crois pas ?
Par... hum ... pardon ?
Voler autrui mérite punition, tu crois pas ?
Oh ... oui oui, exactement ... haha ... c'est ma devise !
Il faut respecter les lois, sinon, on s'attire des ennuis.
Haha ... vous prêchez un convaincu m'sieur ! Bon, ben, salut !


Vite, sortir d'ici. Mais pile quand je fais demi-tour, un groupe fait irruption au Travis. Trois gars; mal rasés, mal lunés. Un colosse, un nabot et une grande asperge. Avec tout un tas de couteaux et de lames en tout genre qui pendouillent à leur ceinture. Une véritable quincaillerie. Et tout d'un coup, l'atmosphère s'assombrit, se charge de menaces. Qui sont ces types ?

Enfin on te retrouve, enfoiré ! Tu vas payer pour ce que tu nous a fait.

Ils ... ils parlent à l'étranger, au bar. Et lui boit toujours sa bière, impassible. Ce type. Il a des nerfs d'acier. Derrière les trois nouveaux entrants, je vois les têtes de Alto et Peck qui dépassent, à l'extérieur du bar. J'aimerais bien être avec eux en ce moment, à l'abri. Mais d'un autre côté, ici, je suis au milieu de l'action. Et l'action, j'aime ça. Vrai que, d'ordinaire, je me mêle plus aux générales qu'aux règlements de compte, mais raison de plus. Un jour, ce patelin merdique sera trop petit pour moi. Je grandis. Et ce sont des situations comme celle-ci qui forgent un homme. Je m'écarte légèrement, pour ne pas m'interposer entre les nouveaux venus et l'aventurier. Je reste à mi-chemin entre eux et les rares autres client du rade, planqué côté opposé de la pièce, par précaution.

Alors, qu'est ce que t'as à dire avant qu'on te troue la peau ?
Vous êtes qui ?
Qui on est ?!?

Han, quelle classe. Il les ridiculise. C'est fort.

On est les frères Heart, et t'as dézingué notre frangin à Inu Town !
Je tue que ceux qui le méritent.
Enfoiréé !!

Ça y est, ils se ruent sur lui. Avec chacun un couteau en main. Je crie.

Attention !!

Je crois qu'il me regarde, un court instant. Qu'il sourit, presque. Et tout d'un coup, il saute de son tabouret, l'attrape du pied au niveau de l'entretoise et l'envoie voler dans le visage du plus rondouillard de la fratrie. Le nabot gesticule autour de lui, l'asperge rit, hystérique. Et le bulldog revient à la charge. Mais, même à eux trois, ils n'y arrivent pas. L'autre est trop fort. Il danse, esquive, riposte, tout ça sans effort. C'est magique. Ted me crie que je suis trop près, de le rejoindre au fond de la pièce, mais je ne bouge pas. Je ne veux rien faire, et surtout pas détourner mon regard de la scène, elle est parfaite. C'est une véritable démonstration.

Un coup de talon dans le menton envoie rouler le nabot à mes pieds. Il crache du sang dans un rictus mauvais. Et me regarde. Enervé. Je n'ai pas peur. Lui ne m'effraie pas. Cet homme est faible.

Qu'est ce que tu regardes, p'tit con !
Aéeeh !!

Je me suis cru étranger à la scène, ce n'est plus le cas. Peut-être qu'au fond, j'avais envie d'intervenir. Le loubard m'a tiré à lui, me colle un poignard sous la gorge. Il va me tuer ? Ou bien... Il demande à l'étranger de déposer les armes. Non ... c'est trop bête. Le combat se suspend, le balafré et moi, on se regarde, un instant. Il tire une drôle de moue.

Je suis désolé, je ...
Ta gueule, le moutard. Allez les gars, réglez lui son compte !


Merde. Meeerde. Par ma faute, ils vont le dessouder. C'est trop con. Tout ça parce que je ne suis pas attentif. Pas fort. Fait chier. Je veux être fort. Je veux être Fort. Pourquoi il dit rien, lui, hein ? C'est à cause de moi qu'il ...

Hé, par ici, imbécile !

C'est la voix de Peck. Il parle à mon agresseur. Alto fait tournoyer sa fronde, un bloc vient percuter au front l'homme, derrière moi. Oui ! Merci, les gars. Allez, montre ce que tu vaux, maintenant. Bouger, vite. Loin. Je me dégage de la poigne qui me retient et vais pour défier en duel le rase-motte. Il m'ignore, veut sortir, rattraper Alto, vexé qu'il est. Ça n'arrivera pas. On ne m'oublie pas, moi. Je ramasse une chaise, la lui écrase sur le dos. Il trébuche, reporte son attention sur moi.

Tu ne toucheras pas à eux. C'est avec moi que tu t'expliques, compris ?

Il se masse la tête, m'insulte, me demande si je veux crever. En se pourléchant les babines, il me fait miroiter sa lame luisante. Je n'ai pas peur. Juste un peu. Juste ce qu'il faut pour exacerber son instinct de survie. Derrière moi, j'entends que le combat a repris entre l'étranger et les deux autres. Inutile d'appeler à l'aide. C'est lui et moi. Lui contre Moi. Ce sera Lui ou Moi.

Ce sera LUI !

Je cours. Je peux le faire. Je sais me battre, je fais ça depuis que je suis né. Je savais frapper avant de savoir marcher. Et lui, en face, qui est-il ? Un pirate ? Un voleur ? C'est un criminel, peu importe le genre. Qui causera du tort aux gens qui comptent pour moi si je le laisse agir. Hors de question.

On est face à face. Je me fléchis, son bras armé fend l'air au dessus de ma tête. Je pousse sur mes appuis, fait remonter l'uppercut depuis tout en bas. Bang ! Ça claque sur son menton, il recule. Y'a du sang qui vole de sa bouche. J'ai fait ça ? Haha, j'ai fait ça ! Ça marche ! Mes poings font mal. Mais pas assez pour conclure. Il revient à la charge, j'empoigne une autre chaise. Il gaspille de nouveau son énergie, je lui administre une tarte du dossier. Il est touché; dans sa fierté aussi.

Tant pis pour toi !

Il a gueulé sa menace; ça signifie qu'il n'y aura pas de quartier. Son couteau vient se ficher dans l'assise de la chaise, reconvertie en bouclier, la lame se fige quelques centimètres devant mon nez. J'ai eu chaud. Je lâche mon arme improvisée, frappe à nouveau. Pleine tempe. Il ne bronche pas. Pas assez. Au lieu de ça, il réplique; je sens ma pommette se fissurer sous l'impact. Aye. Mais je bronche pas, moi non plus. Je suis dur au mal, je peux encaisser; j'aime ce goût de sang dans ma bouche. Je sens ma hargne croître, avec mon assurance. Continuons. On échange un nouveau coup, simultanément. Il recule, pas moi.

Alors ? Approche !
Que j'approche ! Gamiiin !


Il sort de sa veste deux nouveaux couteaux. Une lueur assassine danse au fond de son regard. Je me crispe; je vois la mort dans les yeux et je ne sais pas comment la repousser. Il approche. Je veux bouger, mais n'y arrive pas; mes muscles sont tétanisés. La lame s'approche, menaçante ...

Crok.

... un coup de poing venu d'ailleurs met un terme aux débats. Limpide, lumineux. Mon adversaire s'écroule, je cligne des yeux, un peu surpris. Qu'est ce qui vient de se passer ? Je recule comme soudainement libéré de mon immobilité.

Vous !
Pas mal, petit ...


C'est l'étranger, bien entendu. Derrière lui, les deux autres sont déjà assommés. Depuis quand, serait la question.

Vous m'avez laissé me battre tout seul ?
Intervenir dans le combat d'un autre est indigne. Tu froisses sa fierté.
Mais, j'aurais pu mourir ! Si vous ne m'aviez pas sauvé, j'...
Te sauver ? Tu l'as eu tout seul, mon gars.
... ?


Je l'ai eu tout seul ? Mais alors ...

Viens, aide moi à charger ces mecs dans ma carriole, je les ramène chez eux.
Chez eux ?
Derrière les barreaux. Ces gars se sont évadés du pénitencier d'où ils sont pensionnaires il y a un mois.


On sort, Alto, Peck et Jim ne sont pas là. J'ai du sang sur le visage, et sur mes vêtements. Mes parents vont encore m'engueuler. L'homme a une sorte de charrette-geôle. Il enferme les trois frères Heart, sonnés, et se retourne vers moi.

Paf.

Aye ! Qu'est ce que vous faites ?
N'essaie plus de faire les poches aux gens.
Que je ... ?
Tu m'as compris. Quel est ton nom, gamin ?
Trinita.
Je m'en souviendrai. On se reverra.


Et il part, comme ça, sans rien dire. Je suis son véhicule remonter le long de l'allée principale, longtemps, jusqu'à ne plus voir qu'un point à l'horizon. Aujourd'hui, j'ai participé à l'arrestation d'un criminel pour la première fois.

* * *

Trois jours plus tard, les frères Heart étaient de nouveau libre. L'un d'eux avait planqué une lame plus discrètement que d'habitude. Celle-là, l'étranger l'a vu venir trop tard. Il en est mort. Fin.
Gnh...
Quoi ?
Je t'avais demandé une histoire chouette.
C'est une histoire chouette, petite. Le premier taulard que j'ai frappé.
Pff...
Bon. J'file dormir.

* * *

Trinita ! Trinita !
He ben, vous étiez où les gars ? Vous avez disparu à un moment et ...
Trinita, c'est tes parents.
Mes parents ? Qu'est ce qu'ils veulent encore ceux-là ?
...Ils ... ils sont morts.
Quoi ?
On est désolés ...
...
Qu'est ce que tu vas faire, Trinita ?
Ce que je vais faire, hein...


Agir sur un coup de tête, comme toujours. Il y avait une porte, je l'ai ouverte. Je suis allé au guichet.

Bienvenue à l'Office de Marine. Que puis-je pour toi, jeune homme ?
Je veux m'enrôler, m'sieur.