Le 3 avril 1611.
Frangine. T'sais, j'aurais aimé te voir grandir ailleurs qu'ici. Je sais que tout ce gris, c'est pas bon pour une princesse comme toi. Un jour, je suis allé voir de l'autre côté des portes. J'ai vu une belle robe, portée par une dame. Elle t'irait bien, tu sais ? Un jour, on partira tous les deux. On merdera bien nos vieux qui nous ont pondus ici pour nous lâcher dans la première poubelle venue. On sera propres, comme les messieurs-dames de l'autre côté du mur. On connaîtra la valeur de l'or. On saura ce que c'est.
On sera super heureux. J'te jure.
Tu dors, et moi, je pense à tout ça. Une rafale ébranle un peu la tôle. Je la recale d'un coup de pied, sans lâcher ta main.
Tu frissonnes, un peu. Une couverture mitée, et ma main pour réchauffer la tienne. J'ai rien de plus, sœurette. Aimé a disparu depuis trois jours. Parti négocier des saloperies au marché, à Fushia. Mais t'en fais pas. Il ramènera de quoi manger, de quoi dormir, de quoi vivre encore un peu.
Vivre malgré tout, p'tite flamme. Les vieux sont des cons et la zone est hostile. Mais tant qu'on est bien tous les trois, on s'en sortira toujours. Tu crois pas ?
Moi, j'aimerais bien le croire. Qu'un jour, on pourrait partir. Arrêter de bosser dur pour les gros caïds du Grey T. Avoir notre vie à nous. Une petite maison, un peu comme celles de l'autre côté du mur. En moins jolie, mais en mieux, parce que ça serait la nôtre. Tu sais quoi ? On aurait un jardin, aussi. Avec de la vraie terre, comme à Fushia. On ferait nos légumes, on travaillerait ensemble. Du travail qui sent bon la vraie terre.
Bordel de merde, ce vent...
Ah... Et puis, un jour, on partirait encore. On ferait notre vie. On se marierait tous, aussi. C'est ce que font les gens qui réussissent. Toi, tu aurais un gentil mari. Avec un sourire qui t'aiderait à te lever le matin.
-J'peux pas...
-Sœurette ?
-Fous moi la paix.
-...
Y'a mon ventre qui se serre. Je pensais que tu dormais. Je lâche ta main, et d'un coup, tu te redresses. T'as les yeux qui brillent, qui font un peu peur dans le noir. Tu me regardes, j'ai à peine le temps d'ouvrir les bras pour que tu puisses venir te blottir contre moi.
-Je t'ai pas dit de me foutre la paix, hein ?
-Si. Mais tu dormais, c'est pas grave.
-C'était pour Joe. J'suis tellement désolée...
-Merde. T'inquiète, ça va aller. Aimé lui avait bien pété la gueule pour ça, il te touchera plus. Tu sais ?
-Il a dit que j'serais jamais rien qu'une catin. Et qu'un roi, ça a plein de catins rien que pour lui. Qu'un jour, il reviendrait me chercher avec plein de types pour l'aider. Que je pourrais rien faire du tout.
-On se barrera avant. Et puis Joe, tu sais, c'est pas sûr qu'il tienne l'année. Tu te souviens de Tak ? Il la ramenait bien, aussi. Et il s'est fait planter.
-...
Je sens tes larmes qui trempent un peu ma veste. T'en peux plus d'être ici, sœurette. T'es la plus fragile, mais c'est normal. T'es une princesse. Alors t'en fais pas. Le grand Joe, il te touchera jamais. Parce que lui, c'est qu'un gros porc. Et les porcs, ça a rien à foutre avec les princesses.
Sauf dans le Grey T, c'est vrai. Alors j'sais plus quoi dire. J'te sers dans mes bras, en essayant d'y croire quand j'dis que c'est pas grave.
Moi aussi, j'ai un peu peur. La tôle vient de s'arracher littéralement. J'vais pour jeter un œil, mais à la place, j'vois un mec. Son ombre, plutôt, fouettée dans le vent. Il a des dents énormes. Ça doit être lui. J'ai le cœur qui bat fort, j'suis prêt à me battre. T'auras pas ma sœur, fils de pute.
Frangine. T'sais, j'aurais aimé te voir grandir ailleurs qu'ici. Je sais que tout ce gris, c'est pas bon pour une princesse comme toi. Un jour, je suis allé voir de l'autre côté des portes. J'ai vu une belle robe, portée par une dame. Elle t'irait bien, tu sais ? Un jour, on partira tous les deux. On merdera bien nos vieux qui nous ont pondus ici pour nous lâcher dans la première poubelle venue. On sera propres, comme les messieurs-dames de l'autre côté du mur. On connaîtra la valeur de l'or. On saura ce que c'est.
On sera super heureux. J'te jure.
Tu dors, et moi, je pense à tout ça. Une rafale ébranle un peu la tôle. Je la recale d'un coup de pied, sans lâcher ta main.
Tu frissonnes, un peu. Une couverture mitée, et ma main pour réchauffer la tienne. J'ai rien de plus, sœurette. Aimé a disparu depuis trois jours. Parti négocier des saloperies au marché, à Fushia. Mais t'en fais pas. Il ramènera de quoi manger, de quoi dormir, de quoi vivre encore un peu.
Vivre malgré tout, p'tite flamme. Les vieux sont des cons et la zone est hostile. Mais tant qu'on est bien tous les trois, on s'en sortira toujours. Tu crois pas ?
Moi, j'aimerais bien le croire. Qu'un jour, on pourrait partir. Arrêter de bosser dur pour les gros caïds du Grey T. Avoir notre vie à nous. Une petite maison, un peu comme celles de l'autre côté du mur. En moins jolie, mais en mieux, parce que ça serait la nôtre. Tu sais quoi ? On aurait un jardin, aussi. Avec de la vraie terre, comme à Fushia. On ferait nos légumes, on travaillerait ensemble. Du travail qui sent bon la vraie terre.
Bordel de merde, ce vent...
Ah... Et puis, un jour, on partirait encore. On ferait notre vie. On se marierait tous, aussi. C'est ce que font les gens qui réussissent. Toi, tu aurais un gentil mari. Avec un sourire qui t'aiderait à te lever le matin.
-J'peux pas...
-Sœurette ?
-Fous moi la paix.
-...
Y'a mon ventre qui se serre. Je pensais que tu dormais. Je lâche ta main, et d'un coup, tu te redresses. T'as les yeux qui brillent, qui font un peu peur dans le noir. Tu me regardes, j'ai à peine le temps d'ouvrir les bras pour que tu puisses venir te blottir contre moi.
-Je t'ai pas dit de me foutre la paix, hein ?
-Si. Mais tu dormais, c'est pas grave.
-C'était pour Joe. J'suis tellement désolée...
-Merde. T'inquiète, ça va aller. Aimé lui avait bien pété la gueule pour ça, il te touchera plus. Tu sais ?
-Il a dit que j'serais jamais rien qu'une catin. Et qu'un roi, ça a plein de catins rien que pour lui. Qu'un jour, il reviendrait me chercher avec plein de types pour l'aider. Que je pourrais rien faire du tout.
-On se barrera avant. Et puis Joe, tu sais, c'est pas sûr qu'il tienne l'année. Tu te souviens de Tak ? Il la ramenait bien, aussi. Et il s'est fait planter.
-...
Je sens tes larmes qui trempent un peu ma veste. T'en peux plus d'être ici, sœurette. T'es la plus fragile, mais c'est normal. T'es une princesse. Alors t'en fais pas. Le grand Joe, il te touchera jamais. Parce que lui, c'est qu'un gros porc. Et les porcs, ça a rien à foutre avec les princesses.
Sauf dans le Grey T, c'est vrai. Alors j'sais plus quoi dire. J'te sers dans mes bras, en essayant d'y croire quand j'dis que c'est pas grave.
Moi aussi, j'ai un peu peur. La tôle vient de s'arracher littéralement. J'vais pour jeter un œil, mais à la place, j'vois un mec. Son ombre, plutôt, fouettée dans le vent. Il a des dents énormes. Ça doit être lui. J'ai le cœur qui bat fort, j'suis prêt à me battre. T'auras pas ma sœur, fils de pute.