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Liberté Chérie

Je me rappelle encore. Cette douce odeur de chaud. La première fois de ma foutue vie que je ne tremblais pas de froid, que mes dents ne claquaient pas de douleur. Où le manteau blanc ne bouffait pas tout le paysage. Je me rappelle encore. On était assis le cul par terre, en plein jour de soleil. Y'avait ce gros rond jaune qui nous dorait au creux d'un champs de paille. J'ai pointé le bout d'un arbre qui me faisait de l’œil, au loin. Il avait le tronc tout déformé, comme si le vent avait réussi à le tordre, et en son centre, minuscule, on voyait comme le trou d'un nid d'hibou. Y'avait mon index qui le fixait et ma bouche qui l'ouvrait.

C'est quoi ?
Un arbre, gamin, c'est un arbre...

[...]


----------------------

Il y eu ce temps de pénitence, où les corps s'étaient reposés pour laisser crier les cœurs. Et crier aussi, à gueule déployée, la voix d'un Jack hilare qui n'y croyait que trop peu. Mais les corps ne riaient pas longtemps, trop exténués de cette longue marche qui laisserait à chacun, une trace indélébile.

C'était en pleine compagne, où le long chemin de terre ne donnait sur rien d'autre que des pâtures. Les hommes avaient marché des jours ainsi. Mais le froid ne les guettait plus, et la faim, elle, pouvait se résoudre au tournant d'un bosquet, où des murs poussaient, au creux d'un virage, où un lapin apparaissait avant d'être poignardé par l’œil expert du vieillard, au milieu d'un champs, où les pommes de terre arrivaient à pleine saison.

Ils avaient une drôle d'allure, cet attroupement d'hommes dépareillés. Leurs frusques étaient trop grands, ou trop petits, ou trop abîmes. Ils les avaient chapardés à des baigneurs insouciants, ou à des promeneurs pas assez courageux. Le monstre, lui, n'avait eu d'autre choix que de garder son bas de laine du bagne. Tout rayé. Mais il avait réussi à trouver une pierre d'Anthracite, tombée là par un heureux hasard. Sûrement une chariote remplie qui au gré d'un cailloux, avait de trop soubresauté pour ne rien laisser tomber. Peut être même un souvenirs de mineur, rentrant chez lui après des mois de travail. Ou simplement une livraison pour un tanneur anonyme qui avait perdu en chemin, quelques grains dont il ne se rendrait même pas compte de la perte. Alors cette petite pierre, pas plus grosse qu'un poing, finissait chaque soir à se faire frotter par sur le bas du monstre ; pour cacher les rayures, derniers vestiges visibles du bagne.

Le petit ne pouvait s'empêcher à chaque chose inconnue, de poser d’innombrables questions, lui qui n'avait jamais vécu ailleurs qu'en enfer. Qui n'avait jamais vu d'autre couleurs que le noir, le blanc et le gris. Et là, toutes ces couleurs qui lui éblouissaient la vue, ces paysages luxuriants où la nature n'était rien d'autre que l'amie de l'homme... Ces longères de pierres, de terre cuite et de chaume, ces grands champs de blé où les soies n'avaient pas encore décidé de tomber. Où les tiges dépassaient de par leur taille le gosse avide de questions. Ces minuscules rivières qui jonglaient entre les champs, passant ça et là sous le chemin pour irriguer toute la région. Ils y voyaient les grandes truites rebutes remonter le fleuve pour aller se lover dans les montagnes d'Est et pondre sous les roches toutes chauffées par le soleil.

Ils y virent un pécheur profiter de cette remontée, bronzant son couvre chef sous les rayons. Il avait ce marcel blanc laissant allègrement dépasser ses épaules rougies et toutes garnies de poils rêches. Son bas trempait à mi cuisse dans l'eau transparente. Et son corps, tout rectiligne, aussi filiforme qu'une planche de bois, se tenait aussi droit qu'un I, avec, au bout des mains, cette canne à pêche qu'il ne se fatiguait pas de lancer et relancer, à fouetter le bord de la rivière jusqu'à ne plus sentir ses bras.

_ Il... Fait quoi ?
_ Il pêche, gamin, il pêche.
_ Hmm... Pêcher, c'est attraper des poissons, les animaux qui vivent dans l'eau, pour les manger.

Les hommes restèrent là, un moment, à observer ce pêcheur, sans faire de bruit. Ils observaient d'un œil empli de curiosité, mais surtout, du bonheur de pouvoir choisir leur rythme. L'immense cachalot coupa ce silence de sa voix roque et calme.

_ Hmm...La pêche est bonne ?

L'homme ne se retourna pas. Ne changea en rien ses gestes et si ce n'est sa bouche qui s'ouvrit, on eu cru qu'il n'avait rien entendu des mots du monstre.

_Bien sûr l'ami. A cette saison, les truites sont si nombreuses qu'il suffirait d'un long filet pour en manger chaque repas de l'année.

_Toute l'année ? Mais alors... Pourquoi vous n'avez pas de filet ?

_ Parce que toute vie se gagne, gamin. Et que si je faisais ainsi, l'année d'après, je ne pourrais plus rien manger venant d'ici. Les loutres font assez de dégats, à bouffer jusqu'à plus faim ces pauvres poissons.

_ Hmm... Nous recherchons de quoi gagner quelques sous pour prendre un bateau. Vous savez où l'on embauche, ici ?

_ Oh, oui, je crois bien. Il y a la ferme du vieux Leblanc. Il se fait de trop ridé et son dos de trop douloureux pour ramasser ses hectares de pomme de terre. Si vous continuez le chemin, vous tomberez sur un chêne à une heure de marche d'ici. Vous prendrez alors sur la droite et continuerez sur deux lieux. Vous serez arrivés.

_Mais des chênes, il y en a beaucoup, ici.

_Oh, celui là, vous le reconnaîtrez, ahah
.


Dernière édition par Ishii Môsh le Dim 26 Mai 2013 - 9:21, édité 2 fois
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Le pêcheur n’eut pas tord, et l'étrange troupe vit le chêne loin avant d'arriver à portée de bras. Sa cime dépassait toutes les autres. Les branches mortes, dépassaient la largeur de torse du monstre et lorsqu'ils arrivèrent tout près, à moins de quelques mètres, leurs regards ne purent s'empêcher de rester béats. La circonférence était si grandes que les mains attachées les unes aux autres, la troupe ne pouvait en faire le tour. Sa cime devait dépasser les vingt mètres et même le cachalot, à côté se sentait si minuscule qu'il en eu presque honte. A hauteur de sa tête étaient creusées deux interstices chacune de la taille d'un poing, comme creusées pour y laisser apparaître une paire d'yeux.

Il fallut un long moment à l'attroupement pour se défaire de cette étrange vision, et c'est le cœur étrange qu'ils repartirent. Ils continuèrent ainsi sur un chemin de terre, juste assez large pour y laisser passer une chariote ou deux cornus les épaules collées. De chaque côté, un fossé épineux empêchait de partir dans les champs de pomme de terre qui parsemaient le paysage. Ils arrivèrent enfin au bout de quelques minutes au bout du chemin. Y était plantée une grande longère toute simple. Pas plus de quelques fenêtre y laissaient de quoi éclairer l’intérieur. Une gamine de l'âge de Tonray donnait à la basse-cour de quoi piacter. Et les poules, elles, se faufilant dans chaque coins, piaillaient à voir les graines se disperser de part et d'autres. Sorti de la maison un vieillard au dos cabossé et à la cane branlante. Son couvre chef n'arrivait même plus à cacher les rides qui parsemaient son visage marqué par les printemps. Il portait un bleu de travail tout sali, où la couleur ne se voyait plus qu'entre les innombrables taches de graisse et de terre. Lorsque sa voix sorti, ses mots se firent mâcher par les dents perdues et le manque de souffle.

_Et bah que v'la. Une bande d'éclopés.

_Bien le bonjour. On dit que tu cherche des bras, vieillard.

_Pour sûr, que j'ch'che des gens qui t'iment.

_Et bien ?

_Mais quand même. Z'êtes vus dans une glace ?

_Hm... Que voulez vous dire ?

_Un vieux tout aussi vieux qu'moi. Un gamin pas plus haut qu't'ois pommes. Un guss qui m'pa'le comme à un mou'ant. Et pou' fini', un monst' qu'a fait fuir ma p'tite fillotte dans la maison. Voulez que j'fasse quoi, d'tout ça, moi ?

_Hmm... Le gamin, comme vous dîtes, travaille depuis ses trois ans. Il ne savait pas parler qu'il ramassait déjà des cailloux plus lourds que lui. Jack, même s'il a quelques problèmes avec la politesse, est un homme qui travaille autant qu'il peut. Le vieillard a plus de force que moi, et moi, j'ai plus de force que les autres réunis. Nous voulons juste assez d'or pour rentrer chez nous... Hmm...

_Serait l'problème que j'vous filerai pioches et fourches-bêches. Mais l'soucis, c'est qu'y a des « on dit » en c'moment, dans l'coin.

_Hmm ?

_Ces racontards, 'y disent qu'y'a des gus pas nets en ch'min. Un p'tit vieux qui paye pas d'mine mais qu'ses coups d'poings font valser les plus forts. Un gamin plus futé qu'la moyenne qui s'faufile pour vous chaparder. Un guss qui braille autant qu'il frappe. Et un monstre qu'a beau l'cacher, revient du bagne ou d'prison avec son bas rayé.

_Hmm..

_C'pas de chance pour vous. Z'êtes le portrait craché d'ces descriptions.

Il y avait ce sourir plein de malice, mais aussi plein de méchanceté dans le regard du vieillard.

_Hmm... Faisons un marché, alors. Qui t'a raconté ça ?

_ Z'êtes pas du coin, vous connaissez pas. Juste qu'à cause de ces chapardeurs, le p'tit Goy, la famille Dupa et les deux amoureux d'la rivière ont du rentrer chez eux tous nus comme des vers. Et qu'le père de famille s'paye enco' son oeil tout rougi pa' le coup de poings du vieux.

_Hm... Cinq, six vêtement, alors ? Quatre journées de travail à tout casser. Ça tombe bien, nous sommes quatre. La première journée vous sera offerte.

_Et qui m'dit qu'vous allez pas me la fai' à l'envers ?

_Hmm... Malheureusement, rien. C'est une affaire entre hommes, où le respect de chacun prévaut.

Le fermier accepta. Peut être était-ce grâce à le prestance du monstre dénudé, peut être était ce aussi la peur de cet énorme cachalot et de ses étranges comparses. Sûrement était ce du aux feuillages des pommes de terre qui devenaient de plus en plus noirâtres. Au manque de bras qui approchait et à la faiblesse de son fils, prostré au lit depuis déjà deux nuits.

Ils étaient arrivé trop tard dans la journée, si bien qu'ils ne firent rien d'autre que se préparer un lit de paille dans la grange de taule cachée derrière la longère.




Dernière édition par Ishii Môsh le Dim 26 Mai 2013 - 16:39, édité 1 fois
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Le fils se leva de son lit pour les saluer au couché de soleil, accompagné de sa femme. Elle avait les traits durci de celle qui a travaillé de ses mains toute sa vie. Ses ongles noirâtres et son tablier tout barbouillé de graisse n'entachaient pourtant en rien cette beauté simple qu'elle avait, avec ses longs cheveux attachés en queue de cheval et son ventre arrondi. L'homme, lui, avait ce teint blanchâtre des malades, et malgré sa grosse barbe bardant son visage, on remarquait sur ses joues creusées toute la fatigue qu'il avait. On devinait malgré tout ses quarante ans. Lorsqu'il vint se présenter, sa voix se fit aussi faible qu'un souffle et ses mains chargées d'un gros récipient faillirent lâcher à plusieurs reprises. Il posa le soupé à même le sol, échangea quelques mots et reparti à l’intérieur de la chaumière, accompagné de sa moitié qui n'avait sorti mot durant ce court instant.

Lorsque le couple ne fut plus à porté d’œils, la troupe n'attendit pas un instant pour se précipiter sur la casserole qui se vida en un instant. Cette cuisine préparée, le gosse n'en avait jamais goûtée de si bonne, lui qui n'avait de toute sa vie mangé que du pain rassi, des légumes noirâtres et de la viande sans épice. Il gouttait enfin aux mets préparés patiemment, avec des produits frais. Lorsque tout fut avalé, le Monstre chuchota quelques mots à l'oreille de l'enfant.

_Hm... Tonray, va redonner le plat, et remercie les. Et observe un peu. Là où tu vas, tu auras un peu la même vie qu'eux.

_Où je vais ?

_Hm... Là où tu n'auras plus à te soucier que de grandir et de vivre.


Alors le gamin acquiesça d'un hochement de tête et se leva vers cette grande porte de bois. Toute taillée en son bas par le bec des poules. Toute décolorée par les raillons. Et il toqua d'un geste timide, si bien qu'il dut s'y prendre à deux reprise pour se faire entendre au dessus des rires, des bruits de vaisselles et des aboiement d'un chien qui lui paru terrifiant au son de sa voix. Mais la porte, elle, ne s'ouvrit que sur la gamine. Toute aussi petite que le Tonray. De petites couettes ornaient ses cheveux bruns. Le visage était doux, rond, et au centre un nez retroussé enjolivait le sourire, presque timide, de la petite. Le gamin, tout pataud, ne su trop que dire. Ses minuscules mains continuaient de porter difficilement la casserole, si bien que la môme l'invita à entrer. Le foyer était chauffé par une cheminée au coin d'un mur. Le mobilier était beau sans être voyant. Les quelques meubles de bois n'avaient ni ornement ni décoration et tout était fait pour qu'ils ne gênent en rien les vas et viens. De la femme nettoyant avec énergies les plats d'un repas. Du grand père criard, jouant avec un magnifique labrador, tout excité encore de sa jeunesse. Et à côté, la grand mère roupillait paisiblement, ses ronflements allant au gré des balancements de son  rocking chair. A la vue de Tonray, la mère ne put s'empêcher une moue dubitative, et lorsqu'elle parla, sa voix fut teinte de surprise. Ses mots, hachés par l'accent de la campagne.

_Et bien dis moi que v'la. Qu'est c'que tu nous ramènes, Sandra ? Dépose moi la casserole dans l'evier, gamin.

Le gamin s'ordonna et une fois fait, sa main pointa la cheminée.

_Dis, madame, ça sert à quoi ?
_Ça sert à quoi ?! Mais qu'est c'que c'est qu'cette question ? Hé, papi ! Qu'est c'que t'es encore allé chercher, comme bras, pour tes charlottes ?
_Qu'est c'que tu voulais qu'j'y fasse moi, j'y peux 'ien si tout l'monde de'erte les champs pour la ville.
_Dis, madame, j'peux rester un peu ? Il fait chaud, ici.


[...]

Lorsque la porte de bois se rouvrit, la nuit était tombé depuis longtemps et au creux de la grande, chaque homme dormait à point fermé, repu du si bon repas et harassé de ces interminables journées, à ne faire que marcher.


Dernière édition par Ishii Môsh le Dim 26 Mai 2013 - 16:45, édité 1 fois
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Le lendemain, les corps furent réveillés par le bruit de pas, alors même que le soleil était bien loin de se lever, et que les affres de la nuit n'avaient pas fini de tourmenter leurs rêves. De fouets giclant et du froid mordant. Mais lorsque leurs yeux s'ouvrirent, ce ne fut pas sur un garde armé. C'était sur les yeux d'une femme prête au labeur. Son tablier avait laissé place à un bleu de travail et ses mains tenaient pelles, fourches-pelles et pioches. Son ventre arrondi empêchait les bretelles de se refermer, si bien qu'elle n'avait comme haut qu'un simple pull de laine blanc, délavé.

Elle ne laissa pas le temps de manger quoi que ce soit, ni faire rien d'autre qu’attraper les outils qui passèrent de mains en mains. Et la troupe parti ainsi, avec en queue, le gamin trop harassé d'avoir veillé si tard la veille. Ses yeux étaient bardés de rides de fatigue et rougis de manque de sommeil. Si bien qu'il manqua plusieurs fois en chemin, de trébucher contre une pierre, de se faire semer à une embranchement par le reste de la troupe. Et ses petits pas ne faisaient que racler le sol poussiéreux, laissant derrière son passage une petite fumée maronatre. La femme, elle, avançait bon trin et malgré son ventre arrondi, on eu cru qu'elle n'était en rien gênée.

Ils arrivèrent vite au milieu d'un énorme champs de pommes de terre, où toutes les pousses étaient asséchées et où même à certains endroits, les feuilles commençaient déjà à noircir. La femme s’arrêta alors entre deux rangées. A la regarder, elle n'avait plus à rien à voir avec la demoiselle introvertie de la vieille. Ce jour là elle se devait jouer le rôle de son mari. De celui qui donne les ordres et à qui on obéit.

_Bien, moi c'est Sarah. J'suis là parce que l'mari est palo. Ouvrez bien vos esgourdes, parce que j'pense pas que vous sachiez y faire. Si c'qu'on dit sur vous est vrai.

_Hmm ?

_Alors v'la l'histoire. Z'allez devoir arracher toutes les charlottes de c'champs avec vos fourche-bêche. Prenez soin d'piquer l’outil dans l'sol en étant assez loin du pied pour n'pas foutre en l'air les charlottes. La plupart des pommes de terre se trouve dans la butte, mais mirez bien et creusez assez profond pour n'pas en oublier.

Z'avez pigé ?

Sarah n'attendit pas, et déjà, commençai la labeur. Ses gestes semblaient tous enclin à ne pas porter sur son dos. Elle prenait grand soin à plier ses jambes à chaque coup de pioche et enfonçait l'outil avec la souplesse d'une gymnaste. Si bien qu'en quelque instants, elle avait déjà dépassé le reste de la troupe de plusieurs plants. L'enfant, lui, luttait pour ne pas se faire prendre trop de vitesse mais malgré tous ses efforts, son seau se remplit bien plus lentement que les autres. La journée se leva ainsi, au dessus de ces formes labourant la terre. Ces hommes qui, pour la première fois depuis longtemps, ne travaillaient que pour eux, et auquel le plaisir du travail bien fait incombait. Non pas par peur du fouet mais par envie de se racheter une vie, meilleure. Si bien que les seules autres bruits qui se firent entendre furent les palabres d'hommes libres, qui entre deux coups de pelles prenaient le temps d'échanger, de connaître cette Sarah.

_Hmm... C'est pour quand ?
_Ca fait six mois..
_Hmm... Vous devriez vous reposer, non ?
_J'aimerais bien, et si vous faites bien l'travail, je n'viendrai que vous réveiller demain.
_Hmm... Alors nous ferons bien le travail. Dans tous les cas, nous le ferons bien.
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Ce début ne fut rythmé que par les courtes phrases, les coups de pioches et les jets de charlottes. Les seaux se remplirent peu à peu jusqu'à ce chacun d'entre eux soient pleins. Mais le soleil ne s'était levé que depuis quelques heures, et malgré la fatigue d'apprentissage, les dos commençant déjà à suinter, les hommes ne comprenaient pas. Eux qui avaient tant trimé jusqu'à en perdre le corps et l'esprit, ne pouvaient imaginer déjà finir leur labeur. Et pourtant, Sarah s'était assise au creux d'une racine de châtaigner, en bordure du chant. Ses yeux se fermèrent, comme pour profiter de la chaleur montante, du bruit des oiseaux se réveillant. Un bruant jaune sautillait juste à côté de ses jambes, tentant de picorer les dernières graines ayant échoué à la pousse, ses ailes jaunes toutes recouvertes de la poussière dégagée. Les mains de Sarah venaient se perdre à prendre un peu de terre avant de la laisser filer entre les doigts.

_Hmm... Que faisons nous ?

Sarah ne prit pas même la peine d'ouvrir un œil, et sans bouger autre chose que ses lèvres, répondit d'une voix presque endormie.

_On attend mon p'tit gars. M'avez surpris à travailler si bien, moi qui pensait tomber sur une bande d'éclopés. Et la p'tite s'est couchée tard hier à trop parler avec Tonray. C'qui fait qu'l'un dans l'autre, z'avez bien gagné une heure de pause avant l'mangé.

Quand elle prononça le nom du gamin, les hommes purent sentir au son de sa voix une sorte d'affection, de celles que seuls les mères peuvent avoir.

_Z'auriez pas un peu d'tabac à prêter, pour faire patienter ?

_Ahah, l'papi cache toujours sa blague dans l'talus au fond, près du chêne mort, entre deux racines. Il fait semblant d'partir surveiller les chapardeurs, mais en profite toujours pour s'en griller une. Profitez, c'la maison qui offre.

_Dis Tonray, si t'allais le chercher ? Tu s'rais chic.

_ Hmm...

Le gamin s’exécuta sans un mot et alors qu'il partait en clopinant, Jack attendit de ne plus être à porté de voix pour parler. Son comportement changea alors, à lui, la grande gueule du groupe. Celui à qui les mots d'oiseaux réussissaient mieux que les longues palabres. Et sa voix, si brute d'habitude, se fit presque hésitante.

_ Dis voir, ma p'tite dame, t'as l'air de bien l'aimer, le gamin. Et... T'auras bien r'marquer qu'y'a pas de femme avec nous, et qu'aucun des gus que t'as en face n'a ses traits ni même la tête d'un bon père. Tu vois où j'veux en venir ?

Sarah fermait toujours les yeux.

_ J'crois bien oui...

_ C'gosse, c'est un gosse bien, qu'a jamais fait que trimer depuis sa naissance. C'qu'il a b'soin, c'est pas d'gus comme nous, perdus. C'd'un père et d'une mère. Et avec l'mari qu'est pas bien, deux bras d'plus vous feraient pas d'mal, tu crois pas ?

_ Hmm... Jack, ne leur incombe pas ça.

Cette fois Sarah se leva de toute sa taille, comme d'un élan et son ventre ballotant avec. Son regard endormi un instant plus tôt devint rouge de colère et ses deux mains volèrent dans l'air, comme d'un geste de dégout.

_Incombe ? Qu'est c'qu'il a le grand à utiliser des mots qu'il connait pas ? Crois moi bien qu'j'ai pas eu b'soin d'votre aide pour él'ver Sandra.

_ Hmm... Non, vous ne comprenez pas. Cet enfant est perdu. Comme s'il ouvrait les yeux sur le monde que maintenant. Il a dix ans de vie à rattraper.

_ Écoutez moi bien, c'gosse, je l'aime. L'est pas méchant et il fait c'qu'on lui d'mande. Mais j'sais pas qui vous êtes. Et j'veux pas l'savoir. Dans deux mois et vous s'rez parti et vos emmerdes avec. Sauf que j'veux pas voir un jour débouler des bleutés chez moi à cause d'votre passé. Alors c'gamin, aussi gentil qu'il est, il r'partira avec vous.

Quand la mistinguette arriva, la bouche en cœur, toute haute sur sa grosse chariote, les hommes, eux, avaient le cœur bas et la bouche close. Tant que même le petit Tonray, qui n'avait rien entendu, se sentait obligé de refréner ses questions l'envahissant. Les énormes buffles traînaient lentement les grosses roues, dans un bruit de ferraille contre bois et de cahu contre pierre. Derrière, s'entassaient d'innombrables seaux, avec au fond, une boite de bois que Sandra ouvrit d'un bond. S'en sorti six gobelets tout aussi vite remplis.

_Pour s'donner du cœur à l'ouvrage, par chez nous, c'sacré.

Et la femme vida son godet d'une traite, comme l'aurait fait un homme. Et les hommes, eux, suivirent le mouvement, sauf le petit Tonray, tout apeuré par le regard réprobateur du monstre. Le soupé fut court, à peine de quoi se remplir le ventre pour mieux repartir. Et c'est ce qu'ils firent. Repartir vers leurs pelles et leurs pioches, tandis que les deux enfants remplissaient la chariote des seaux pleins. Puis Tonray rejoignit les autres, retrouvant le dur rythme du travail fait avec soin. Le soleil monta percer les contons blancs. Les hauts des hommes s'enlevèrent sous la chaleur, la fatigue et les muscles s'usant. La labeur continua ainsi sans aucune anicroche, sans aucun coup de fouet ou brimade, rien d'autres que des mots et des rires sortant de gueules enjouées ; Mais les souvenirs, eux, restaient ; Alors lorsque Sarah s'avança vers Tonray pour lui réprimander d'avoir oublié une pousse, le petit se jeta au sol. Replié sur lui même, le visage tout enfoui dans ses épaules. Cette scène là, en dehors du temps et de l'esprit, cogna dans celui de la femme, d'esprit. Et les hommes s’arrêtèrent, tout honteux de cette pagaille.

_Fais pas le fixe comme ça, ma p'tite dame, le gosse fait encore l’intéressant.

Ce fut Jack qui brisa le silence d'une voix qu'il voulait moqueuse mais qui n'était rien d'autre que craintive, qui manquait de son et de caractère pour être crédible. L'engrossée, elle, resta là, interloquée, elle qui voulait juste tapoter l'épaule, se trouvait par le gosse allongé, accusée du pire. Mais l'enfant, lui, se leva bien vite pour s'excuser. Il avait les joues rosies de hontes et ont eu cru que tout le sang était monté à son visage.

_Désolé Sarah, désolé désolé désolé. Ahahah c'était une blague... Pas drôle...

Le petite repartait déjà, tournant le dos à la femme pour cacher ses larmes qui montaient. Déjà.
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Le Monstre ne su jamais, il ne su jamais si Sarah avait vu les larmes du gamin. A vrai dire, cet instant où les hommes recommencèrent à frapper la terre, et à remuer la poussière, faisant voler les légumes dans les sceaux, ce moment là fut l'un de ceux où le silence se faisait plus oppressent encore que le froid de Tequila. Personne n'osa sortir mot et à ce moment là, le rire de Ted manqua à chacun des hommes. Ce rire franc et unique qui réveillait à chaque seconde le cœur des hommes, qui le nourrissait de cette simple fureur de vivre. Oh qu'il manqua...

Le soleil arriva lentement à son plus haut avant d'aussi calmement redescendre. La journée de labeur se finissait ainsi, sans bruit car le cœur n'y était plus. Il était revenu aux souvenirs douloureux. Lorsque chaque seau fut plein, ils s'entassèrent sur la chariote tant et si bien qu'au retour, chaque soubresaut, chaque virage, chaque nid de poule manquait de tout renverser et il fallait toute la vigilances des travailleurs, assis à même les pommes de terre, pour éviter la catastrophe. Le convoi bifurqua sur un chemin juste avant l'entrée de longère et finit sa course devant une petite étable. Toute faite de pierre, avec le toit en chaume abîmé par la pluie et l'odeur de purin, d'animaux. Il y avait cette jument qui broutait son foin, les trois énormes cochons, tout suintant de terre à couiner de leurs grosse truffes enfouies dans la boue. Et puis surtout, ce sceau, posé au milieu de l'allée, bord contre terre. Qui sautillait comme par magie.

_Hmm...
_Qu'tu vas pas me faire un foin pour ça, toi aussi ? L'rat qu'est dedans s'rait déjà mort si la p'tite voulait pas qu'on y touche. Trois jours qu'il est là, à gesticuler et frapper l'sceau pour en sortir.

Mais la femme n'écoutait déjà plus, faisant fi de son ventre arrondit, elle se mit à sortir les sceaux un par un pour les entasser devant la grange, sur une toile de tissue si grande qu'il y aurait eu la place pour une dizaine de cachalot. Mais lorsque les sceaux finirent d'être vidés, la nappe était si tendue et si remplie qu'elle en débordait de chaque côté. La petite troupe repartit alors vers la grange où les attendaient déjà leurs remerciements. Ils passèrent à travers les fourrés et sans même s'en rendre compte se retrouvèrent nez à nez avec leurs lits de paille en un instant. Les buissons étaient ainsi si grands, si touffus, que l'étable en était exclue de bruits et de vue.

Là, devant leurs fétus, reposaient une dizaines de bouteilles entourant le père de Sandra. Il avait repris un peu de couleur. Et même si ses yeux étaient encore si petits qu'on en discernait que mal les pupilles, même s'il ne bougea que son bras, plutôt que de se lever de son tabouret bancale pour saluer les arrivant, le Monstre sentait en lui plus de vie que la veille. Peut être était ses rides moins présentes, ou ses cheveux, mois en bataille, sûrement était-ce, aussi, cette prestance qu'il semblait retrouver. Le cachalot devina alors la prestance de cet homme, lorsque la maladie ne le rongeait pas. Il l'imaginait bûcher une journée entière, du couché au levé du soleil, sans se laisser un instant de répit Et revenir chez lui, avec la vigueur du réveil. Pourtant, lorsqu'il prit la parole, ce fut d'une voix tout aussi essoufflée que la veille, aussi terne et malade avec peut être au fond, un peu plus de cœur.

_Le grand père m'a expliqué pour aujourd'hui, il m'a dit que votre labeur était un cadeau de bonne volonté, non ?J'en ai cure de ce qu'il se dit sur vous. Moi, je vois juste, je crois, que la petite est arrivée bien après que vous ayez fini la première fournée, pas vrai ?Je vois juste que ma femme tient encore sur ses jambes, elle qui d'habitude, enfin je crois bien, finit éreintée après une journée au champs, hein que c'est vrai ?Alors pour vous remercier, je vous paye de quoi fêter votre première journée. Vous voulez ?

Alors pour la deuxième fois de la journée, les verres se sortirent pour laisser couler cet étrange alcool. Qui brûlait les estomacs et réchauffait les cœurs. Faisait rougir les joues et perdre un peu, il est vrai, l'esprit. Le mari, lui, ne trinqua qu'une fois, et alors même que chaque bougre d'homme continuait à se rincer le gosier, il restait à rire et palabrer sans finir le cul de son verre. Le vieillard, lui, eu vite les yeux pliés par l'alcool et la fatigue, sa main tremblait tant sur son son verre, et ses gestes étaient si brusques que le Monstre cru plus d'une fois le voir lâcher. Mais non, il finissait chaque fois par rattraper son geste pour ne rien laisser couler ailleurs qu'au fond de sa gorge. Oh bien sûr, quelques gouttes vinrent se perdre sur sa barbe mal taillée, mais ça ne l'empêcha en rien de vite tanguer sur son tabouret, tout mouvant qu'il était. A côté, le Jack avait le regard plus calme, presque perdu dans une discussion que seul le père pouvait entendre, faite de chuchotements et de mots bas. Et enfin, un à l'écart, le Monstre regardait Tonray discrètement quitter le groupe pour rejoindre la jolie Sarah, tout jeune et presque aussi naïve que lui. Sandra le sorti de ses rêveries.

_Faudrait p't'être que vous lui trouviez un endroit, au p'tiot.
_Hmm... Oui.
_Z'allez l'am'ner où ?
_Hmm... Au fond de cette mer se cache une île paisible. J'y connais un homme qui pourra l'éduquer, et lui apprendre la vie. Hmm... C'est quelqu'un de bon. Un prêtre. Et c'est pour y aller que nous avons besoin d'argent.
_Et ses parents, au p'tiot, morts ?
_Hmm... Oui. Ils ont payé le crime de l'avoir fait naître là où ils n'auraient pas du, et ce, de leur vie.
_Parfois, m'faîtes un peu peur quand même...

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Ils restèrent là. Le monstre fumant un mégot généreusement offert et la mistinguette perdue dans ses cauchemards. Jack et le vieillard continuèrent un long moment à boire et lorsqu'ils s’arrêtèrent, ce ne fut pas par manque de soif, mais par ce délicieux mélange d'alcool et de fatigue. Et tous deux, l'un après l'autre, s'affalèrent sur leurs tabourets pour ne plus se relever. A cet instant, Sandra était déjà parti depuis plus d'une heure, rouspéter sa fille et le petit Tonray qui étaient parti sans dire mot, trop occupés qu'ils étaient, qu'il était, à découvrir la vie, l'amour de leur âge.

Le monstre se leva de son tabouret, tout lourd qu'il était de sa labeur et du temps qui n'avait que courir, trop lourd aussi d'avoir enfin trouvé un peu de tranquillité, un endroit simple où n'avait plus à se soucier de rien, sans crainte de mort. Mais alors que son corps que levait, le père lui, toussota. D'une toux qui n'avait aucun intérêt si ce n'est d'amener à lui l'attention.

_L'ami, tu me sembles être quelqu'un de bien, enfin je crois... Alors que tes amis profitaient de l'alcool, tu es resté à t'amuser des conversations, toujours une oreille tournée vers le petit, chamaillant dans la maison. N'est ce pas ?
_Hmm...
_Je crois bien, oui. Tu vois, je te dis ça car j'ai un petit soucis, je pense. Oh rien à voir avec vous, ne te fais pas de mouron. Hein que tu ne t'en fais pas ?
_Hmm...
_Oh, je vois, tu n'es pas du genre à parler, plus à écouter, non ? Bon bon... Tout ça pour dire que j'ai un soucis. Tu te souviens du champs où vous étiez aujourd'hui ?
_Hmm...
_Et bien voilà, il y a un grand châtaigner, tout au fond, à moitié mort avec les branches sans feuilles. Enfin si je me souviens bien... Et derrière cet arbre, il y a un champs, mais de blé. Pas de pomme de terre. A cette époque, les pousses sont bien hautes et toutes serrées, tant que les sangliers peuvent s'y cacher, tout cassant de leurs gros corps. Oh bien sûr d'habitude je m'en occupe mais là, tu vois... Je crois bien que j'ai attrapé un pas bien à force de trop travailler. Enfin je pense... Si bien que j'ai pas la force d'aller m'en occuper, tu comprends ?

_Hmm... Allez vous coucher, demain, tout sera réglé.

Le monstre tourna le dos et alors même que le père allait sortir une phrase, Ishii n'était déjà plus à porté de voix. Déjà disparu. Son immense corps s'enfonça dans la nuit, glissant entre les cailloux, les bottes de terres et les fourrés, ses gros pieds se mirent à jouer au gré des ombres, se mêlant à l'obscurité de la nuit pour ne plus être qu'une minuscule feuille de chêne parmi les autres, qu'un infime souffle d'air mouvant au gré du vent. En un instant, il arriva à portée de bras du champs, d'où ses énormes oreilles entendirent le son singulier de ces étranges créatures. Mélange de pleurs et de beuglements sinistres, volant dans la nuit et faisant écho dans toute la plaine. Le Monstre s'enfonça dans ce sinistre endroit, les bras effleurant les hautes pousses, sa tête repliée dans ses épaules pour ne pas dépasser les extrémités de blés. Il s'infiltra silencieusement, sans plus de bruit qu'une souris, sans laisser plus de traces que quelques rares marques sur le sol, minuscules. Les branches se courbaient sous ses mouvements plutôt que de casser et bien vite, il arriva là où le champs n'était plus que ruine. Où les épis de blés, tout écrasés, n'étaient plus que vestiges d'une nature morte.

Son énorme nez remua l'air, attirant l'écume de la nuit à la l’intérieur de ses deux grosses narines, formant un coton blanc devant son immonde visage. Il y sentit les touffes fraîches d'herbes déjà gorgées d'humidité, le purin d'animaux, la douce odeur des épis de blés au summum de leur maturité, mais surtout, au dessus de tout ça, cette odeur reconnaissable entre toutes. Celle de la chaleur de corps s'en allant pour ne plus jamais revenir. Celle du sang s'écoulant lentement de masses sans vie, encore liquide. Les deux oreilles du monstre se tendirent, comme celles d'un chien aux aguets, piégé, encerclé. Ils entendirent les bruissements d'ailes d'un oiseaux, s'envolant d'un fourré, le raclement de dents d'un rongeur contre une tige de blé, le bruissement du vent contre les feuilles, et puis surtout, cette lame se rangeant dans son fourreau, à à peine quelques dizaines de mètres.

_Hoyla, je m'attendais pas à tomber sur de foutus animaux comme ceux là...
_ Vous êtes sûrs de vos informations, commandant ? Ces bagnards se seraient caché ici ? Dans ce trou perdu ?
_ Hoyla, des rumeurs mon petit, ce ne sont que des rumeurs.
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Ce soir là, quand l'Ishii est rentré, je m'étais endormi dans les bras de Sarah. Elle avait de si petit bras... Elle sentait ce mélange de parfum et de nature. Et elle avait ce sourire qui faisait toujours tourner mes joues au rouge. On était là, dans la grange, à se dorloter au pays des rêves. Je crois bien que quand mes yeux s'étaient fermés, j'avais cru à une nuit sans rêves, sans rien d'autre qu'un magnifique noir, sans peur et sans mal. Et l'Ishii est arrivé, on a entendu ses énormes pas défoncer le sol à plusieurs dizaines de mètres, on a vu le nuage de fumé se soulever à chaque foulée. Oui... Je crois bien qu'on avait compris que ce foutu paradis qu'on avait trouvé, ce court instant, venait de gicler en éclat. Jack a pas attendu que le cachalot n'arrive pour me jeter sur ses épaules. Il sentait l'alcool je me rappelle, et avec chaque respiration qu'il sortait manquait de venir un rejet. Il avait les yeux rouges et le regard blafard. Comme le vieux qu'était presque pire. A côté, le père de Sarah qu'était résté attendre le cachalot, il n'a pas bougé. L'a vu le monstre courir vers nous sans même vouloir lever le sourcil. Il y avait juste Sarah qui n'était pas bien, ses yeux se mettaient à mouiller et sa petite bouche toute mignonne s'était mise à bredouiller des mots, des « j'ai peur... », des « Tonray, qu'est ce qu'il se passe ? ». Mais moi j'en savais rien bon Dieu, strictement rien ! Je sentais juste mon cœur qui recommençait à tambouriner au rythme de pas du monstre. Et il allait vite, l'Ishii. Il a déboulé au milieu de nous sans prendre même le temps de nous expliquer. Il n'avait pas besoin, dans ses yeux tous révulsés de peurs, dans ses tempes toutes trempées et les nerfs de son cou qui se révulsaient, on avait compris.

Que la course recommençait.

Que l'enfer revenait.

« Je reviendrai » que j'ai lancé à Sarah alors que déjà, notre groupe s'enfonçait dans les fourrés. Et ma vue s'est finie sur ce sourire qu'était revenu. Celui de l'espoir.
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