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Allons-y, tuons un contre-amiral, tout va bien, je gère.[Seconde partie]

Le réveil est rude, mon crâne souffre et joue au tourniquet avec mon cerveau pendant que des relents de vomi et de sang viennent me soulever le cœur. Je constate une pression importante dans mon épaule gauche, signe que j’ai eu l’heureux réflexe de bander ma blessure afin d’arrêter le saignement. J’ouvre des yeux visiblement agressés par la lumière du soleil. J’ai l’impression que le monde autour de moi tangue violemment alors que je me hisse péniblement du caniveau dans lequel je me trouve pour constater que je suis seule dans une ruelle. D’ici, je n’arrive pas à bien voir l’astre lumineux, mais je constate que la matinée est suffisamment avancée pour qu’il fasse chaud. La rumeur de la ville parvient enfin à mes oreilles et cette lassitude que je ressens dans tout mon corps me donne envie de m’écrouler sans plus bouger. À genoux, le coude droit posé sur la rambarde d’une fenêtre fermée, je lutte pour me relever pendant que des idées de scénarios me traversent l’esprit. Hélas, je n’ai pas la lucidité de les analyser et ce ne sont que des ébauches de pensées qui ne me mènent à rien.

Enfin, je me mets en marche après m’être inspectée ; le sang mêlé au contenu de mon estomac a séché en une croûte brunâtre proprement immonde. Je dégage une odeur de rat d’égout néanmoins, cela risque de me sauver la mise puisque je ressemble à s’y méprendre avec la population des bas quartiers du port. Quand je débarque dans la rue adjacente, je scrute discrètement les passants. Je vois en chacun d’eux un ennemi potentiel et l’inquiétude oppresse ma carcasse déjà bien harassée par la douleur. À peine mes yeux croisent ceux d’un autre qu’il détourne les siens. Je dois avec le regard d’une folle avec les yeux injectés et ma tenue déchirée et sale doit parfaire le tableau d’une barge qu’il ne faut pas chercher.

Allez-y les mecs, arrêtez de faire semblant, bordel. Je le vois bien que vous savez que c’est moi. Cette comédie me tue, qu’en en finisse. Oui, toi avec ta casquette mise sur le côté et ta chemise, t’as un look ridicule. T’es sûrement un de ces cons de jeunes recrues qui croient se fondre dans la masse en t’habillant n’importe comment. J’ai quand même assez de ressource pour t’arracher le cœur encore palpitant à main nue.

Je m’enflamme comme une dingue en cavale, et probablement à raison. Je marche, mais je ne déambule pas. Mon but est un petit appartement, en réalité pas plus grand qu’un débarras que ma mère possède dans le coin. Elle a souvent des cachettes, probablement parce qu’elle a toujours des affaires à la con comme celle-ci, mais cette fois, c’est pour ma gueule.

Trois rues après mon réveil, j’arrive essoufflée et pourtant vivante. Je récupère la clé cachée dans le battant de la porte et je m’effondre sur le lit, en sueur et éreintée. Dans l’abri, il fait sombre et pour cause, il n’y a aucune fenêtre. Mes yeux s’habituent progressivement à la pénombre et je commence à distinguer les meubles somme toute pas très nombreux. De toute façon, dans un cagibi de quinze mètres carrés, il n’y pas grand-chose qu’on peut caser. Un lit, une armoire et une vasque pour faire sa toilette. Mais avant toute chose, je tape dans la provision de bouffe et d’eau fraîche. Bien que je sois écœurée, je n’ai pas d’autre moyen de récupérer mes forces. Je mange sans appétit, en me forçant à chaque bouchée et en contemplant tout l’équipement présent ici : matériel de soin, vêtements, armes, provisions. Il y a tout ce qu’il faut pour se cacher pendant deux bonnes semaines. Du moins, selon ma mère, je ne constate aucun matériel de bureau et ce que j’ai sur moi est très mauvais état vu les coups pris hier soir. Ce n'est peut-être pas le moment d'y penser.


Je commence par enlever mes habits ; le sang les a collés contre ma chair et je ne peux m’empêcher de gémir en les ôtant. Je constate que mon bras gauche est inutilisable pour le moment, mais que ma main droite a étonnamment tenu le coup. Je regarde mon visage dans la glace, éclairée par une bougie allumée tantôt et je constate que j’ai une sale gueule. Ça doit être pour ça que les gens m’ont évitée du regard dans le port, j’ai l’air d’être salement contrariée. Une fois débarbouillée, je me dis qu’il sera toujours temps de commenter après un bon sommeil réparateur. Je me couche comme on s’évanouit et si tôt que ma nuque touche l’oreiller que je sombre dans le monde des songes.
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