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L'évolution

Le Haki ?
Le fluide. Ce pouvoir qui se déclare chez les êtres dotés d'une capacité à comprendre, à voir, à agir supérieure à la normale. Tu l'as entrevu, l'autre soir. Il est en Toi.
De quoi tu parles ?
Suis moi.
...
Vas-y, man ! A l'horizon, il y a ta destinée. Embrasse-la. Mets tout ton corps, toute ton âme dans ce coup. Tu l'as déjà fait, c'est facile de refaire quelque chose qu'on a déjà fait. Concentre-toi, respire, ressens, et cogne.

Mon destin. Devant moi ? ... Oui, je le vois. Je vais l'atteindre, aller à son encontre et plus loin encore. Il me suffit de réveiller Les Flammes. La concentration. Extrême, totale. Une longue bouffée d'air. Deux. La circulation sanguine ralentit. Se camper sur ses appuis. Chaque muscle se tend sous l'effort. Une volonté implacable. Un poing qui se serre, des yeux clos pour mieux voir. Lentement, le bras qui part chercher derrière l'épaule, loin, très loin. Sans se presser, sans forcer encore. Le cerveau se relâche, la mâchoire se crispe. Ma pogne, une fronde d'acier. Maintenant !

Le coup part. L'air siffle tout autour de moi, le sable, balayé dans une bourrasque. Une mini-tornade. Les grains furieux viennent piquer mon visage. J'ouvre mon œil. Je l'ai fait. C'est certain. Je l'ai ...
Rien ? Pas de flammes ? Qu'est ce que ... ?

Hm...
Merde.
C'est bien man.
C'est bien ? Te fous pas de moi. C'était nul. Raté.
Au contraire. Cet instant était parfait car tu as donné ton maximum, tu t'es livré, animé de l'envie d'aller plus loin, sans retenue. Tu sais ce que tu vaux. Il est bon de savoir d'où on part pour savoir où aller. Là, c'est le point de départ. Tout ton entrainement devra se faire en gardant ce même état d'esprit. L'important, c'est l'instant présent man. C'est toujours lui le plus précieux.
L'entrainement ...
Oui. Il commence. Maintenant.

[...]

Continue man, la persévérance, c'est la clef du succès. L'illumination guette toujours, pas loin. Elle te cherche. Plus tu insistes, plus grandes seront ses chances de te toucher.

Je continue. À frapper l'air de mes poings, inlassablement. Les muscles chauffés par l'effort, la transpiration qui perle par tous les pores de ma peau sous un soleil de plomb. Soigner sa respiration, sentir le chamboulant battre à intervalle régulier, s'en servir de métronome et maintenir un mouvement fluide, souple. Une gauche, une droite. Une gauche, une droite. Avec la gestuelle. Rien à voir avec les sales frappes sèches et froides que j'envoie d'ordinaire, non. Ici, on sent la chaleur, on sent la vie. Le coup est simple, banal presque; mais, répété dix, vingt, cent mille fois, il prend une autre dimension. Des heures, des jours déjà que je m'y investis. Il y a le chant des vagues, la voix de Eustache. Et mon souffle. C'est tout ce qui compte. Je ne me demande pas l'utilité du mouvement, j'exécute. Machinalement, encore et encore. Le corps assimile la commande et la reproduit par automatisme jusqu'à apprivoiser la technique. Lentement, sûrement.

Yeh, bien, ça. Harmonieux, élégant.

Élégant ... Pas une notion à laquelle j'attribuerais une quelconque importance, mais soit. Au début, je devais frapper les vagues; parait que ça éclaboussait trop alors on a arrêté. Maintenant, je chasse le vide. En évitant de me demander si c'est vraiment raisonnable de laisser à l'autre étrangeté la responsabilité de conduire mon entrainement. Jamais j'ai autorisé quiconque autre que moi à décider de ce qu'il était bon de faire. Mais là, tout s'est mis en place naturellement, sans accroc. Une fois qu'Eustache a eu manifesté son intérêt, j'ai pas songé à refuser le coup de main. Peut-être parce qu'on est seuls ici, obligés de cohabiter. Aussi parce qu'il y a cette sensation étrange. Il émane de sa personne un halo de bonté, d'assurance énigmatique, qui met en confiance. Je l'apprécie à peu près, bien malgré moi. Curieux phénomène. Mais, surtout, il sait des choses. Des choses qui m'intéressent.

Le Haki. Je lui ai demandé de m'en dire toujours plus, à son sujet. Eustache n'a jamais mis en avant cet aspect là du pouvoir des grands de ce monde, mais je sais ce qu'il est : ravageur, surpuissant. La plus féroce des armes. Il connait son secret, et consent à me le délivrer. C'est tout ce qui importe. J'ai ciblé mon objectif, rien ne m'en détournera jusqu'à l'avoir atteint; se mettre à la planche sans compter, je sais faire. Seule différence avec le quotidien, aujourd'hui, c'est pas un criminel dans le viseur, c'est une connaissance. Qui m'ouvrira les portes vers une évolution tout aussi indispensable que jouissive. Grand Line n'a que faire des bagarreurs. Mêmes des bons. Ils sont légions. Pour l'heure, rien ne me différencie en apparence de la pléthore de déchets qui polluent terres et mers. Il me faut les moyens de faire briller mes convictions. De les porter au firmament. Il me faut ce qui me mettra au dessus de la masse grouillante et insipide des faibles, des lâches, des roublards, des petits criminels. J'aspire à faire beaucoup. Beaucoup mieux. Beaucoup plus fort. Le Haki est un passage obligé vers l'avenir. Alors j'insiste. Et j'essaie de faire le vide, dans mes motivations. Capter l'instant, sans arrière-pensée, sans me laisser distraire. Je continue. Invariablement. Une gauche, une droite. Une gauche, une droite.

[...]

Je continue. Sous le regard attentif de ces monstres marins qui par un curieux enchantement sont désormais nos meilleurs amis ici. On devinerait presque chez eux cette lueur d'humanité par laquelle Eustache jure. Il communique avec eux, leur apprend des tours, et en échange, ils nous ramènent du poisson. Honnête échange, si on excepte l'absurde du marché passé. Parfois, une tornade, aussi soudaine qu'inattendue. Rien qui interrompe mon entrainement, mais on a de l'eau. Tout pour subvenir à nos besoins. C'est aussi bête que ça. Aucune autre distraction, aucun autre impondérable. Pas un navire à l'horizon, pas un monstre marin ou volatile trop audacieux ou affamé à repousser. Rien pour me distraire, troubler ma concentration et mon effort. Rien. C'est parfait. J'ai arrêté de compter les jours depuis bien longtemps. La date ? Aucune importance. Ça ne tiendrait qu'à moi, je ne dormirais pas. Le sommeil, besoin secondaire. Mais mon curieux partenaire fixe sans trop le faire les limites du raisonnable.

Allez, man, on fait une pause.

Il me tend une gourde, m'invite à boire. Je m'assieds en tailleur et bois. Ça désaltère, je sens le liquide frais couler, rafraichir l'organisme entier. Eustache me fixe un temps, se redresse pour aller toiser le large. Il a l'air sérieux.

Va y avoir de bonnes vagues ce soir. Dommage qu'on ait pas de planche de surf.
De ... Hein ?
Ouais, le surf. Dompter les remous, communier avec le grand bleu. Par un temps pareil, ce serait le pied. Tu vois, dans chaque moment qui passe, faut rechercher le plaisir qu'tu pourrais en retirer. C'est le plaisir qui fait grandir l'âme.
Ok...

Des jours, des mois peut-être à vivre à ses côtés, et je le cerne toujours pas.

Tiens, tu te souviens de l'exercice des vagues ?
Hm ? Ouais, ouais, ça éclabousse trop.
Essaye encore.
Pourquoi ?
Oh, comme ça, pour voir.

Je me relève. Une brise agréable arrive, vient caresser mes tifs et ma barbe de trop de jours. Au loin, un rouleau approche. Raymond et Anièce sont presque aux premières loges, ils veulent assister à l'évènement. Eustache me sourit, confiant. Un pouce en l'air, en signe de victoire. La vague gronde. Approche.

Tu ferais mieux de reculer. À moins qu'tu tiennes vraiment à finir trempé.
J'prends le risque man.

Le courant gonfle, la nappe d'eau s'élève, au dessus de nous. C'est presque un mur, de quatre ou cinq mètres de haut. On peine à voir le ciel tandis que le rouleau va pour nous engloutir.

Maintenant !

Le coup part. Tout seul, sans effort. Sur deux mètres tout autour de nous, le courant marin est fendu, l'eau repoussée vers les côtés, irrésistiblement. La vague s'abat dans un tumulte, mais en nous évitant soigneusement. Le remous vient nous effleurer le visage, à peine.

Pas mal man. Pas mal du tout. Bon, j'vais m'pioncer.

Il a dit ça tout simplement, puis est parti se planter en haut du chêne. J'peux même pas crier, bondir, manifester ma joie. Il est déjà passé à la suite. Je reste seul face au rivage. Je mire mes poings, surpris et fier. Le travail paye. J'donnerais cher pour voir la tête que je tire, là. Parce qu'en ce moment, je souris.
    La nuit. Chaude, silencieuse. Un ciel d'encre saupoudré d'étoiles scintillantes. Une mer calme, deux monstres marins endormis qui tournent autour de l'ilot, bienveillants protecteurs de l'endroit. À la surface, un léger vent pour froisser les feuilles de l'unique arbre dans une douce caresse. Au sommet du chêne, un dormeur. Adossé au tronc, bras et jambes en croix, dans un équilibre précaire, mais il se refuse à tomber. Parfois, le visage s'anime dans son sommeil; un mot, un rire pour troubler le calme ambiant. Et c'est tout. Au pied de l'arbre, un autre corps endormi. Fourbu par les efforts répétés sans relâche de l'aurore au crépuscule; mais apaisé par la sensation d'être à sa place. Sentiment bien longtemps oublié qui refait surface. C'est ici, pour la première fois depuis des années qu'il réussit des nuits complètes de sommeil, apprend à vivre de nouveau en compagnie de l'astre brûlant, au lieu de le fuir. Dans quelques heures, il se lèvera et reprendra ses exercices, armé de cette ardente détermination, un peu plus fort encore que la veille. Mais pour l'heure, il est assoupi. Mieux, il rêve.

    Un univers d'obscurité. De ténèbres. Au loin, en arrière-plan du tableau, une lueur éphémère apparait; frêle, discrète. Elle clignote. Brave le manteau noir et approche. Qu'est ce ? Une masse, mouvante; des formes changeantes, tantôt ovales, tantôt rondes; des couleurs chaudes et fluctuantes. Le songe répond à l'esprit du dormeur en quête de réponses : un visage, flou, indistinct apparait. Il n'a pas d'yeux, ni de cheveux. La tête danse, de droite de gauche, muette et rieuse. Il a la sensation qu'elle le regarde. Son instinct ne le trompe pas, des yeux le fixent, désormais. Ils sont fins et délicats. D'un bleu aussi clair que l'azur. Un sourire léger point. La tête est désormais ceinte d'une chevelure abondante. De longs cheveux bruns, bouclés, lumineux. Et bien vite, un corps apparait. Qui est-elle ? Il ne l'a jamais rencontrée. C'est une fille, d'un jeune âge, dans une tobe blanche. Elle lui tend la main, il l'accompagne. Le décor chasse la nuit, un air de guitare sèche prend l'endroit. Ici, on est joyeux. À mesure qu'il marche, il reconnait des passants, des boutiques. Il sait où ils sont. Il a grandi ici. Il demande à l'enfant où elle l'emmène. Elle lui offre un rire frais comme seule réponse, et tire un peu plus vivement sur sa main pour lui faire hâter le pas. Il se laisse faire sans protester. Il n'en a pas envie; ici, c'est bien.

    Une sonnette retentit. La fillette vient de pousser une porte-fenêtre, apparue sur leur chemin. Ils entrent dans une boutique éclairée et déserte. Ça ressemble à une épicerie. À la caisse, un mot : nous sommes absents - c'est pour aujourd'hui. Il attend, visite. Des rangées d'aliments de première nécessité, qu'il ne prend pas la peine de regarder dans le détail. Il sait où aller et se dirige vers le fond de la pièce, pour prendre un sachet d'amandes. Il aime ça. Et puis, personne ne lui dira rien, il connait les gérants. Ce sont ses parents après tout. Comment vont-ils ? Cela fait longtemps qu'il ne les a pas vu. Il avait même entendu dire qu'ils étaient morts. Au lieu de ça, un bruit de nourrisson. Des pleurs, depuis l'étage. Il aimerait prendre l'escalier tout branlant et aller voir, mais la fille qui l'accompagne réapparait. Elle lui dit que la suite est par là, en pointant du doigt une direction invisible. Il cligne des yeux pour apercevoir le point indiqué qui n'existe pas. Ils ne sont plus dans l'épicerie. Son sachet d'amandes a disparu, mais il a toujours le goût en bouche.

    Nouveau décor, nouvelle rue. Boueuse, sale. Il pleut. On dirait Tequila Wolf, mais ce n'est pas tout à fait le cas. C'est le pâtelin de West Blue où ses parents l'ont forcé à déménager. Il avait à peine six ans. Un bruit de fenêtre qui se brise. Un barbier sort. C'est Monsieur Pogar, le vieux grincheux du coin, son rasoir encore en main, encore à pester après un jeune qui galope et remonte la rue. Il reconnait le délinquant. C'est Alto, son plus vieil ami d'enfance, casquette sale vissée sur la tête. Il n'a pas changé, toujours le même casse-cou, toujours à cavaler après les bêtises. Ça lui va bien. Derrière Alto, Jim et Peck, le reste de la bande. Il les salue, eux s'excusent "qu' y a pas le temps, qu'y doivent filer" . Peck se retourne une dernière fois, pour lancer de sa voix claire un " Dépêche toi Elvis, faut pas se faire prendre !" avant de se dissiper dans un nuage confus. Elvis ? C'est lui, Elvis. Et là, il entend les bruits de course, dans son dos. Il n'entend plus que ça. Les chaussures qui éclaboussent la fange derrière lui. Il se retourne, voit la fillette désormais adolescente pointer du doigt vers le fond de l'allée. Il l'aperçoit. Il s'aperçoit.

    Lui, jeune. Son double de quatorze ans. Le jeune lui interrompt sa course, lui rend son regard. Il n'y a pas cette lueur de surprise dans ses prunelles. Non, tout semble naturel. Un signe de main, paume ouverte. Salut bravache du gosse mal coiffé qui nage dans une veste de cuir marron trop grande pour lui, qui est pas encore devenu le dur qu'il est maintenant. Pourtant, l'idée est là. Dans le regard. Il s'y plonge et voit, ressent; retrouve celui qu'il était : un jeune gamin déterminé à être autre chose qu'un moins que rien. Un qui accomplirait des trucs, de grands trucs, sans trop savoir quoi exactement. Mais il aimait se prouver qu'il était fort. Il voulait grandir vite. Défier le monde. Parce qu'ici, y'a rien. Alors ailleurs, ça peut qu'être mieux.


    Alors, t'es d'venu quoi depuis le temps ? Qu'est ce que t'as accompli en notre nom ?
    Je ... pas vraiment ... j'ai ...
    Ça viendra, j'ai confiance. Tu vas faire de grandes choses.

    Clin d'œil complice, qui a plus de valeur que tout autre chose, en ce moment. Il craignait de le décevoir; au contraire, il l'encourage. Ce freluquet de pas quinze piges qui lui remonte le moral, le rassure. Ça lui fait du bien.

    Tiens, tiens, regarde qui voilà. Salut Lieutenant.

    Un Lieutenant ? Un marine. Un uniforme impeccable. Son uniforme. C'est lui, au sommet de sa carrière. Jeune loup aux dents longues, à en racler le carrelage. Impétueux, indiscipliné. Mais talentueux, courageux. Les promotions tombent, il gravit les échelons quatre à quatre. Il s'observe, dans cet uniforme auquel il n'est plus habitué. Il s'admire. Il avait une sacrée classe. Rasé de près, coiffure soignée, des bottes rutilantes. Bientôt Haut-Officier, à seulement vingt-deux ans. Un authentique exploit. Il va pouvoir changer le monde. Et maintenant, il sait en quoi. Il a mûri, il a des idéaux à défendre. Intégrité, honneur, compassion. Justice. Son regard animé d'une volonté de défendre le bien; son corps en capacité de le faire. Il est un homme. Les deux se toisent. Choc silencieux de deux entités presque identiques. Le temps a fait son œuvre sur lui, pas sur sa jeune doublure. Sur le chemin, ll s'est éloigné de la voie. Il s'en excuse. Mais l'autre Elvis ne le blâme pas. Il le supporte.

    On est tous avec toi. L'important, c'est ce qui va se produire. L'important, c'est là-bas.

    Un signe de tête vers l'infini. Il est en mer. Il marche sur l'eau, littéralement. Une nouvelle fois, sa guide apparait. L'adolescente est devenue femme. Elle a un visage curieusement familier. C'est Lina. En plus âgée.

    Lina, comment tu as ...
    Peu importe, viens.
    Où tu m'emmènes, encore ?
    Chi-hihi... Vers ton destin.

    Elle court, vole. Trop vite, beaucoup trop vite. Il ne peut pas la suivre. Quand il arrive sur la terre ferme, elle a disparu. Il se retourne sur lui, cherche du regard, mais ne l'aperçoit pas.

    Elle est partie. On la reverra un jour, peut-être.

    Le décor change, prend l'apparence de l'ilot où il se trouve actuellement. Il y a un nouveau Elvis, en face de lui. Il est torse nu, le corps en sueur, les cheveux longs comme il ne les a jamais eu. Ou presque.

    Tu es moi. Tu es le moi actuel.
    Pas tout à fait. Je suis le Toi de demain.
    De ... demain ?
    Regarde.


    L'autre lui réclame son attention. Il ferme son unique œil humain, bloque sa respiration, les deux bras le long du corps,et lève la tête vers le ciel.

    Qu'est ce que tu f ...
    Shht.


    Il se tait et observe, mu par un pressentiment. Observe son futur s'accomplir sous ses yeux. Un bras positionné en garde, devant lui, poing fermé. L'autre est ramené, paume à plat, devant sa poitrine. Une longue inspiration, ses pieds pivotent. Le corps tourne sur lui même, pour observer une révolution complète. Quand il fait de nouveau face à son double, le poing ferme qu'il aperçoit est éclairé de contours incandescents. Il en reste bouche-bée.

    C'est le ... !
    Oui.
    Mais comment ...
    Tu sais comment faire, désormais. ... Allez, c'est l'heure de se lever.
    Que ... ?


    * * *

    Allez man, c'est l'heure je te dis ! On s'y remet.
    ...
    Un peu d'entrain, il fait beau ce matin. Un temps à pêcher à la ligne. Si on a une canne à pêche
    ...

    Je m'éloigne. Vais au bord du rivage, les pieds dans l'eau encore fraîche de l'aurore. Je me sens détendu. C'est rare, j'en profite. Devant moi, il y a l'étendue bleue, à perte de vue. Encore tout bas dans le ciel, le soleil, pâle. Ma main droite ouverte vient l'effacer de mon champ de vision. Je ferme mon œil. Je ne vois plus rien. Je n'entends plus rien. Instant parfait. C'est le déclic. Ma main gauche se referme, part derrière moi. Je respire. Relâché. Serein. Je sens derrière mon épaule les regards confiants de ceux qui m'ont montré le chemin cette nuit. C'est maintenant. Le crochet part. Vif mais souple, dur mais aimant. Pas un bruit. Pas un grain de sable qui vole. Juste, l'air qui se réchauffe.

    Je regarde. J'admire. L'auréole rougeoyante qui danse autour de mon poing. Le Haki.

    Je l'ai eu.

    Eustache sourit. Feint l'incompréhension.

    Hmm ? Tu dis ?
    L'illumination. Je l'ai eu.
    Jackpot, man.
      Quelque chose a changé. Depuis le moment où j'ai activé le fluide, volontairement, l'autre matin. Une partie de moi est morte à cet instant, une autre, meilleure, plus aboutie, venait de renaître pour la remplacer. Une sensation nouvelle parcourt mon organisme. Habite mon âme. L'entrainement du corps a permis le relâchement de l'esprit. Et la progression. Mais tout reste encore perfectible; apprendre à contrôler le fluide demande des efforts, toujours plus d'efforts. Pas de quoi me rebutter. Je pars même avec un avantage désormais, je sais comment faire. L'entrainement reste identique, s'il a permis la déclaration du Haki, il peut aussi offrir sa maîtrise. Alors, encore et toujours, je répète les mêmes gestes; je tente de commander l'apparition des Flammes. Dans des conditions parfaites, elles surgissent, viennent danser autour de mon poing. Mais si je veux hâter le mouvement, ignorer la phase d'apaisement qui précède leur venue, c'est l'échec, invariablement. Le résultat n'est pas satisfaisant, je ne peux m'en contenter.

      Eustache m'a au moins conforté dans une certitude. La répétition de l'effort favorise les chances d'atteindre le déclic, de progresser. Je suis imprégné de cette conviction. J'insiste, sans me désunir, sans me décourager, en reprenant chaque jour à l'aube mon entrainement là où je l'avais abandonné la veille au soir. Pousser le corps à l'extrême, repousser ses limites. Sueur, sueur, encore et toujours. Chaque fibre de mon être vouée à accomplir toujours plus. Et, dans la souffrance et la difficulté, les pensées se vident, il devient possible d'accéder à la sérénité. De la ressentir, chaque jour un peu plus distinctement. Les muscles rougissent, l'esprit apprend à côtoyer la paix, à l'apprivoiser. Ce n'est qu'une simple passerelle vers un lieu enfoui au tréfond de mon âme, qui chaque jour, se consolide un peu plus; se fortifie. Le physique et le spirituel œuvrent à l'unisson. Chacun permet à l'autre de se transcender. D'aller plus loin, pas après pas.

      Dans le ciel, la lune a observé une nouvelle révolution. La sensation de progresser cède petit à petit du terrain à une autre, une démangeaison : il me tarde de mettre ma nouvelle force à l'épreuve d'un vrai combat.

      [...]

      Oh, man, tu devineras jamais ...
      Je m'entraine.
      Oui, oui, je vois bien. Mais attends de connaître la meilleure. Je t'assure, celle-là, elle va t'en boucher un coin.
      ...
      Hého, tu m'écoutes ?
      Oui, oui. Qu'est ce qu'il y a de si urgent ?
      Il pleut des légumes.
      ...
      Jt'avais dit que t'en serais baba. Alors ?
      C'est ... c'est moi ou tu viens de dépasser un nouveau seuil de connerie ?
      Non, non, jt'assure. Regarde ce qui m'est tombé dessus.
      C'est du ...
      Du fenouil, exactement !
      T'as trouvé ça où ?
      C'est tombé du ciel, jte dis !

      Plouf.

      Tiens, un autre là, dans l'eau, tu l'as vu ?! Attends, bouge pas.
      ...
      Un navet, ce coup-ci. Prodigieux non ? Le Général Findus et son armée de légumes verts hydroponiques nous attaquent mec.
      Mah, ouais. Bon, c'est fini ? Balance ces trucs à la mer, ça doit être toxique.
      T'es pas fou ?
      Quoi, t'as un autre plan en tête ?
      Les cuisiner, monseigneur, rien moins qu'ça.
      Ah, et on peut savoir comment ? On a rien ici.
      Il est tombé une marmite, là-bas derrière le chêne. Dingue, pas vrai ?
      Tu te fous de ma gueule ?
      Non, non. Maître Coq Eustache Ier aux manettes. Raymond, Anièce, vous êtes mes assistants, on part en mer faire le marché. Il doit flotter pas mal de boustiffaille. Le Grand Chêne, t'es le commis. Tu surveilles la bouffe et le bouillon le temps qu'on pêche ce qu'il faut. Menu du soir : pot-au-feu au poisson les amis !

      [...]

      Beeeurg.
      'ff ... Ça va ?
      Ça Bwaaarg.
      Je t'avais prévenu que c'était de la saloperie. Fallait pas les manger.
      Mais eeuuuhrg.
      Dors. Ça ira mieux demain.

      [...]

      Weow. Oh, man, vise un peu ça.
      Quoi, Ça ?
      Ben, ça, là, l'espèce de libellule en costard-nœud-pap. Classe.
      Ravi de voir que t'es de nouveau dans ton état normal.
      Allez, fais comme nous. L'avion : vrooooom.
      Non, mais, ça va vraiment pas bien, hein...
      Hééé, Raymond, vieux frère, depuis quand t'as la tête en triangle ?
      ... Me r'garde pas comme ça Raymond, j'y suis pour rien. Il avait qu'à m'écouter et pas se gaver de cette saloperie.
      Rho, respire un peu. Ce sont les légumes qui me remercient de les avoir si bien cuisinés. J'flashe sur des trucs que vous autres pouvez pas voir. Vous savez pas c'que vous loupez.
      Tu m'en diras tant. Légumes de mes deux...bordel de ...pourquoi tu m'fixes, là ? J'aime pas ça, arrête de suite.
      Man, tu verrais ta tête.
      Quoi, ma tête ?
      T'es mignon avec cette rose en main ...
      Hein ?
      ... et ce petit cœur kawaï sur ton cache-œil.
      Arrête ça !
      ... et cette frimousse contrariée.
      Rahhh.
      Wohoho ! Easy le molosse, tout doux. Zeeen.
      ...
      Tiens, tu vois les lapins blancs qui dansent dans les nuages ? Ils nous font coucou.
      ...
      Bwéhéhé, celui-là tire la gueule, il te ressemble vachement.
      Bon, t'as gagné : le meilleur remède aux hallucinations, c'est un bon coup sur la casquette par chez moi.
      Oh, man, regarde ... !
      Non, au bout d'un moment y'en a marre.
      Mais, là ... regarde !
      Quoi ? Un éléphant rose ?
      Un éléphant rose ? Bonjour l'originalité. Non, mire là-bas, au loin ... ça serait pas un b...
      Un bateau !

      [...]

      On a crié autant qu'on a pu, on a fait de grands signes des bras. La navire s'est approché. Un marin nous a lancé une corde, Eustache s'est tortillé en se bidonnant tellement que j'ai dû le porter sur la fin. Et on est arrivés sur le pont. On est là, comme deux ronds de flan, devant des marins qui nous dévisagent. Ils nous demandent si on va bien. On répond que oui même si l'autre aztèque a l'air léger di ciboulot à grimacer dans tous les sens. Le capitaine de bord se présente, c'est un marchand. Il prend aussi de nos nouvelles. Ces gars sont pas de mauvais bougres. Les premières personnes que je rencontre depuis ... depuis combien de temps, d'ailleurs ?

      Dites.
      Oui ?
      Quelle est la date d'aujourd'hui ?
      12 Janvier 1625, pourquoi ?
      1625, hein ...

      J'ai passé 4 mois sur cet ilot. Ça fait bizarre de se barrer. Eustache vient avec moi. Il est pas en état de décider de quoi que ce soit. Il voudrait peut-être rester, mais comment savoir ? Autour de la caravelle, l'eau s'agite. C'est Raymond et Anièce. On leur dit au revoir. On a l'air con mais bon...

      Je me rends à Alabasta, où est installé mon comptoir de commerce. Souhaitez-vous nous y accompagner ? Ou préférez vous que l'on vous dépose à un endroit particulier, dans la région ?
      Quelle est l'île digne de ce nom la plus proche ?
      Hé bien ... il y a bien Drum, non loin d'ici, mais il y a eu une guerre là-bas tout récem...
      Bien, alors on va là.
      Vous êtes sûr de vous ?
      Oui.
      Messieurs... cap sur Drum.



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