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La voix de la Sagesse

Ma voix est celle des lettrés et des cueilleurs de vérité.
Celle de ceux qui cherchent l'aurore dans la nuit la plus jeune et la plus dense.
Celle des défricheurs, des persévérants et des guerriers.
Celle de ceux qui n'ont pas peur de se retourner contre leur propre clan en mon nom.

Mon nom est celui qui est révéré et souillé.
Révéré et souillé par ceux qui prêchent en chaire sans prendre de risques, de leurs voix grasses et fatiguées.
Révéré et souillé par le faux mystique qui prend sa folie pour une divinité.
Révéré et souillé par toi, qui pensait m'avoir cernée et qui déteste m'apercevoir dans toute la cruauté de ma nudité.

Les poètes et les peintres me chantent et me dessinent comme une jolie déesse en robe blanche, un peu mystérieuse. C'est qu'ils ne veulent pas voir les crapauds et les marais puants que je cache sous mes plus beaux atours. En vérité, puisque je dois parler de vérité, j'aime ma laideur bien plus que ma fausse beauté.

Tu dis que tu veux me connaître ? Alors tu dois accepter de prendre une mauvaise lumière dans les yeux, quitte à devenir aveugle. Tu dois aussi vouloir prendre les chemins les plus mauvais et les plus dangereux, ceux qui s'écartent des villes et des foules. Tu dois tracer ta route en-dehors des voies balisées, car toute convention, même la mieux construite, finit par perdre sa puissance par la magie de l'habitude.

Je suis raison, je suis logique, je suis pensée, je suis force de vie. Je suis la Sagesse. Et ma parole est vérité.

Tu as déjà parlé au Narrateur, tu as du comprendre à quel point le monde était clos. A quel point tu ne pouvais en vouloir à personne, à quel point tout s'interpénétrait dans un tout étrange et chaotique.
Tu as déjà parlé à la Fortune, et je t'ai laissée hurler ta haine face à elle. Mais tu as du comprendre que certaines choses n'ont pas de raison, et échappent à mon pouvoir.

Mais toi, toi Serena, tu ne dois jamais me laisser te quitter. Prend ma main, même si elle est pleine des pustules qui pourraient te contaminer. Adopte moi, même si je suis l'enfant qui finira par te tuer.

Pourquoi ? Tu dis, pourquoi ? Je vais te le dire.

Tu es de la race de ceux qui ont besoin de moi, même si je leur fais du mal.
Parce que j'ai beau être dure et impitoyable, je donne un sens à la vie de ceux qui n'en trouvent nulle part, parce qu'ils sont trop exigeants pour se fier aux modèles qui les entourent. Et des modèles, tu en as eu...

Un artiste qui trouva son sens entre une pression bien fraiche, du saucisson et un poker entre amis.
Un justicier qui trouva son sens dans une quête de froide rédemption, sans honneur et sans gloire.
Un salaud qui trouva son sens par l'amélioration de sa droite, et dans le sang des autres.
Un père qui trouva son sens en faisant de tous les hommes ses enfants légitimes.
Un fou qui trouva son sens en s'en allant explorer sa propre souffrance.
Un frère qui trouva son sens en brûlant sa vie au courage.

Dis moi, de tous ces modèles, lequel t'a vraiment parlé ? Tu as mangé dans toutes les gamelles pour rester vivante. Mais toutes ces nourritures, tu les as jugées fades. Au fond de toi, c'est le vide et tu n'as qu'un pas à faire pour y basculer toute entière. Je suis seule à pouvoir te tirer hors du gouffre pour longtemps.

Alors, tu marches avec moi, Serena ?


Dernière édition par Serena Porteflamme le Dim 30 Juin 2013 - 19:29, édité 2 fois
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Non, je marche pas Sagesse.

Je suis fatiguée, tu t'exprimes trop bien pour moi, et tu es trop difficile à suivre. Tu es intransigeante, tu ne supportes pas la moindre paresse, pas le moindre relâchement. Si je te suis, ouais, tu as raison, ma vie aura un sens. Mais elle sera aussi lourde et pesante. Je pourrais pas supporter ça.

Et puis, j'suis pas prête à assumer une sortie du cadre aussi vive et radicale. J'en ai pas la force. J'ai vu ce que ça donnait, de se sentir rejetée. Et c'est dur, c'est dur comme la pierre froide sur la joue un soir de cuite.

C'est vrai que j'avais envie de te connaître, parce que tu parlais de choses que je connaissais sans pouvoir les nommer. Toi, tu as le pouvoir des mots. Et plus d'une fois, les images et les poèmes dont tu parles en les raillant m'ont bercée de douces illusions. Je croyais finir par t'incarner un peu, et chasser la bête rugissante qui dort dans mes tripes au profit de ton attitude de championne de la méditation. Voilà comment je te voyais.

Capable d'endurer les pires tourments en les acceptant directement, sans même ployer l'échine.
Capable de jouir de chaque minute comme si c'était la dernière, sans arrière-pensées.
Capable de grandir sans haine et sans violence et sans ressentiment.
Capable de braver les plus grands dangers sans orgueil.
Capable d'observer et de penser sans juger.
Capable d'écouter et d'aider à marcher.
Capable de vivre modestement.
Capable de survivre au deuil.
Capable de rire de tout.
Capable de bonté.

Capable. C'est comme ça que je te voyais. Comme la puissance qui rend capable de tout. Et en fait, je me rends compte que tu ne fais que me rajouter du noir sur du déjà noir. Des problèmes sur un puzzle très complexe dont j'ai pas toutes les pièces. Tu me rends faible, tu m'attaques le cerveau comme de l'acide. Pour une fois où tu me fais avancer, vingt fois tu me fausses le raisonnement et tu m'invites sur de mauvais sentiers où je ne peux que me casser les jambes.

Et là, rien qu'en me disant tout ça... que tu donneras un sens à ma vie, que j'apprendrais la solitude grâce à toi... moi, je n'y vois que de la résignation. Ouais, je pensais vraiment que tu me rendrais maître, et tu veux faire de moi une esclave isolée qui traîne sa propre vie en essayant de croire que tout ça, tout ce qui lui arrive, elle l'a voulu !

Je vois clair, plus clair que toi, Sagesse. Tu ne vaux pas mieux que Fortune. Et le Narrateur était plus direct et plus honnête et moins bizarre que toi. Tu as une tête pleine de serpents.

Fous le camp ! J'veux plus te voir !


Dernière édition par Serena Porteflamme le Lun 1 Juil 2013 - 9:58, édité 1 fois
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-Alors, tu es toujours là ?
-...
-Pas la peine de te faire petite. Je t'entends.
-Quand on me cherche, je me cache. Mais quand on m'oublie, on me trouve... désolée si je t'ennuie.
-J'sais. Ça doit être pour ça qu'on dit que Dieu est sage. Il fait pareil.
-J'ai emprunté plus de choses à Dieu qu'il ne m'en a emprunté, j'en ai peur.
-Cale toi près du feu, Sagesse. Reste pas à la porte, tu me fais de la peine.
-Tu n'as plus peur de ce que je pourrais te donner ?
-Face à la mort, tout est relatif. Et tu tombes juste dans une phase où je me souviens.
-Ton frère, hein ? Fortune et le Narrateur m'ont raconté.
-Ouais, mon frère. Sagesse, j'aimerai t'avouer quelque chose.
-Je t'écoute, Serena.
-Si je t'ai rejetée, c'est parce que tu me donnais une solution. Ou la possibilité d'une échappatoire. Et j'avais peur que ce grand souffle de liberté m'emporte tout entière en soufflant au passage le souvenir de Vaillant. J'avais peur que toutes tes exigences et ta discipline m'aident à oublier. Et je ne veux pas oublier, Sagesse. Je veux qu'il vive toujours un peu en moi, même si je dois porter un peu de mort dans l'âme pour ça. Même si je dois en souffrir de temps en temps. En fait, tu sais, j'aimerais en souffrir toujours. Pour qu'il soit toujours un peu avec moi. J'ai trop peur qu'il disparaisse à jamais, que rien n'ai survécu à ses cendres. J'ai trop peur que la roue du monde passe et nous écrase tous, en se disant « on s'en fout, une fois qu'ils seront tous morts, il n'y aura plus d'injustice, plus personne pour s'en rappeler. On pourra tout recommencer du départ. Quelle chance que l'homme n'apprenne rien de l'homme ! »
-En fait, tu doutes de Dieu, non ?
-Oui, je doute.
-C'est humain. J'aimerais vraiment pouvoir te rassurer, te dire que non, rien ne se perd, tout se transforme. Que les âmes vont et viennent. Tu sais, je ne crois pas qu'elles soient stockées dans un paradis ou un harem céleste où chacun peut jouer à la pétanque en buvant le nectar et l'ambroisie. Ce n'est pas logique, et tu l'as dit toi-même... tout ce que je peux te dire, c'est que ce que tu espères, c'est possible.
-Je voudrais bien juste y croire. En avoir la certitude, la conviction, de ce monde baigné d'amour que je croyais avoir vu l'autre jour.
-Ça aussi, tu en doutes ? De ce que tu as vécu ?
-Oui.
-Là par contre, je peux t'aider. Je peux t'aider à te faire confiance. A être plus forte et plus intègre.
-Et plus seule ?
-Je ne te mentirai pas.
-Tu m'aideras à ne rien oublier ? Ni le bon, ni le mauvais ? Des fois, je m'y perds, tu sais... j'ai du mal à comprendre comment certaines choses m'ont à peine fait pleurer, alors que d'autres, pourtant plus légères, m'ont fracassée.
-Je t'aiderai surtout à ne plus avoir peur. Mais d'abord, il faudra que tu acceptes de te séparer de ce groupe qui n'a rien à voir avec toi.
-Tu veux que je quitte les sœurs ? Sérieusement ?
-Oui.
-Et après, je fais quoi ?
-Je te l'ai déjà dit. Tu prends ta propre vie en mains. Tu apprends à te connaître, tu attrapes une machette et tu tailles ton sentier dans la jungle. Tu n'as besoin de personne.
-Je sais pas. J'ai peur de devenir triste. J'ai jamais ris de bon cœur, toute seule.
-Tu peux toujours partager des choses avec d'autres gens, tant qu'ils ne cherchent pas à t'amener sur leur sentier bien taillé. Tu sais ce que c'est, toi qui aime marcher... au début, on est heureux de pas trop se blesser les pieds et de pas faire d'efforts tout en avançant très vite. Mais au bout d'un moment, on s'ennuie, on y croise trop de monde, on se fait insulter si on progresse trop vite ou trop lentement. Et on finit par être nostalgique des chemins creux remplis de ronces et de boue, sans pour autant avoir le courage d'y retourner... voilà mon conseil : si un jour la solitude te pèse de trop et que tu es lasse de ne rencontrer que d'autres solitaires, va faire quelques pas avec le troupeau. Mais continue de marcher à ton rythme. Gêne les, s'ils te gênent. Ne renonce pas à ta loi particulière au profit de la loi générale, qui n'est jamais la meilleure.
Si tu fais ça, tu garderas le cœur léger. Et tu agiras toujours avec bonté malgré ta différence. Une vraie bonté, celle qui émanera de toi parce que tu seras bien dans ta tête. Pas celle que les autres t'auront apprise à coups de canne dans les côtes. Pas celle que les lâches qui crachent sur mon nom et que ma voix n'atteindra jamais prêchent en l'appliquant juste pour pas avoir d'ennuis avec leurs voisins. Pas celle qui serait cent fois violée si des lois n'existaient pas pour la faire appliquer de force. Ta bonté, ta vie, ta loi, Serena. C'est ce que je te propose. Pas une froide résignation comme celle qui finira par s'emparer de toi si tu restes avec les sœurs... deal ?
-Deal, Sagesse.

Et Serena eut l'impression de s'élever de quelques mètres au-dessus du sol, comme si un fardeau terrible s'était envolé de ses épaules. Puis, elle se sentit parcourir une grande distance par la voie des airs, avant de se réveiller dans sa cellule. Entre ses mains, elle tenait le livre qu'elle avait commencé la veille au soir. Il faisait encore nuit, mais elle se sentait fraiche et dispose comme jamais. Alors elle se leva, sortit du couvent et marcha dans la campagne jusqu'aux mâtines.

Et derrière chaque tronc d'arbre, la Sagesse riait.

La sagesse, elle a une tronche de sorcière, c'est vrai. Elle fait peur, mais l'adopter, c'est vaincre toutes les peurs. Le Narrateur le sait, et il sourit avec malice. Moi, je ris. Il n'y a que la Fortune pour hausser les épaules et continuer à jouer aux dés dans son coin.

-Qu'elle joue. On verra bien si j'arrive à manger du hasard sans me casser les dents.
-Bien dit.
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