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Dans les abysses

Fond sonore:


Trois heures. Voilà trois heures qu'il vagabondait dans les rues de Luvneelpraad. Triste? Non. Bouleversé et ruiné? Probablement. Tout son passé, toute son identité venait de s'écrouler. Et lui il était là, à trainer dans les bas-fonds de Luvneelpraad comme un chien errant, armé jusqu'aux dents et totalement ivre mort. Sa conscience s'était retournée contre lui. Il n'était plus un homme. Il en était réduit à un état animal. Ce même état animal qui l'amenait à tuer des gens de manière sordide sans raison apparente. Un état de transe totalement malsain dans lequel il pouvait arriver n'importe quoi. L'ultime frontière. La limite entre la folie pure et la pourriture humaine. Son être tout entier était gangrené par ce phénomène délirant. Et cela avait commencé le jour où il avait tué ces deux hommes. Jamais autre acte ne lui avait paru plus normal. Ils voulaient le tuer bon dieu... Et pourtant il avait eu des remords. Toutes ces personnes qu'il avait tué. Pourquoi? Pourquoi avait-il fait tout cela? Aucune raison logique. Un être malfaisant. Voilà ce qu'il était. Fatigué aussi.

Il était las de tout cela. Son être ne pourrait jamais trouver le repos. Pauvre pêcheur. Sa conscience ne cesserait jamais de le tourmenter. Il venait d'arriver sur le bout d'une jetée dévastée. La mer et la pluie étaient agitées comme deux furieuses entités. Tout son être tremblait. Le froid, la faim, l'alcool, la colère, la tristesse. Un mélange explosif en somme. Ses yeux n'étaient plus que deux billes rouges totalement ravagées. Et ses mains... Depuis qu'il s'était acharné contre l'autre... Ce n'étaient plus que deux bouts de chair ravagés par des tessons de verre. Il avait du mal à fermer ses mains ou bouger ses doigts. S'asseoir relevait d'un véritable exploit. Il n'était plus qu'une loque. Certes... Mais il avait besoin de réfléchir. Sur tout, sur rien.

Sur sa vie, sur ses actes. Il avait foutrement mal aux mains. Même à l'arrêt, les picotements étaient terribles. Peut-être perdrait-il leur usage? Ha. Tirer au fusil sans mains? Impossible. Mais putain... Pourquoi pensait-il à tirer au fusil? Il n'avait donc que ça dans sa vie? La mort? Apparemment... Et il était minable. Faible. Terriblement faible. Pourri. Brisé jusqu'à la moelle. En y réfléchissant, sa vie n'avait été qu'une succession d'échecs. Ne pas s'apercevoir que sa mère était morte empoisonnée et en vouloir à un père qui avait tout fait pour le protéger. Tuer le seul amour de sa vie car l'on a été trop faible pour le sauver de l'influence d'une famille mafieuse. Ne pas voir que l'oncle que l'on adorait a ruiné sa famille. Tuer des gens et y prendre un plaisir malsain. Abandonner son équipage lâchement et s'enfuir. Bien trop de choses que son esprit ne pouvait supporter. Il n'était qu'un peureux. Un lâche. Jamais il n'aurait du voir le jour. Sa force mentale était la même que celle d'un scarabée. N'importe quel être sur cette Terre pouvait le faire ployer en appuyant sur le bouton "Pardon je suis faible". Et Kanbei venait de le réaliser sous l'effet des effluves éthanoïques.

Cela faisait mal. Terriblement mal. La douleur n'était plus physique non. C'était LA douleur au sens allégorique. Celle qui pointe au coeur de ton être et qui te ronge petit à petit. Comme un coup de couteau invisible, impossible à situer. Mais qui t'enlève lentement ta raison. Oui. Cela faisait bien longtemps qu'il souffrait ainsi. Cette douleur qu'il cachait tous les jours et qu'il assumait sans pour autant la combattre. Elle le dévorait littéralement. Son dos, reposé contre un rocher en bout de grève, se tordit et tout son corps se retrouva en position foetale. Il fallait en finir. Oui. La solution lui était apparue pendant le meurtre de la Moustache Verte. Deux jours qu'il y réfléchissait. Et cela semblait idéal. Disparaitre de ce monde. Ne plus en assumer les évènements. Ne faire plus qu'un avec mère Nature. Plus simple. Tout serait tellement si simple. Il avait gâché la seule chance de toucher du doigt son rêve, parcourir le monde. Son équipage devait lui en vouloir terriblement. Enfin... Surtout Lloyd. Son ami. Son seul ami. Il devait le haïr désormais. C'était sa faute. Toujours sa faute. Il avait tout gâché. Comme d'habitude. Faible. Pitoyable. Risible. Humilié. Lâche. Peureux. Minable. Tout cela le représentait dans son ensemble. Il n'était qu'une merde. Une vulgaire larve qu'on aurait du écraser à la naissance. Pourquoi quelqu'un d'autre n'avait pas pu avoir la chance de vivre cette vie à sa place? Le monde était si injuste et lui si détruit. Une ruine humaine. Voilà tout...

Son hoquet et ses borborygmes étaient effarants de honte. Peu de personnes pouvaient inspirer autant de dégout et de répugnance en même temps. Il était temps de partir. Personne ne voulait de lui. Les gens ne le comprenaient pas. Ne cherchaient pas à savoir qui il était vraiment. Le temps était venu de faire des adieux. Une dernière lampée d'alcool vint asseoir ces quelques propos. Hop. Un bon plouf et tout serait fini. Personne non personne ne viendrait le chercher ici. Ses habits volèrent au vent avant de tomber dans la mer. Il était entièrement nu. Dans sa simplicité la plus totale. Tout ce qu'il avait était à côté de lui. Par terre. Sur la jetée. Maigre passé.

Une longue inspiration suivie d'un clignement oculaire et voilà, il basculait en avant, les deux bras le long du corps. Plouf. Il faisait froid. Tellement froid. Kanbei souffla lentement les bulles qui emplissaient ses poumons. Il n'osait pas bouger. D'ici, le silence était assourdissant. Il n'avait presque plus d'air et pourtant il était à l'aise. Bientôt, il mourrait ici. Il sourit. Une bien meilleure fin que tout ce qu'il aurait pu imaginer. L'eau commença à envahir ses poumons et il l'accueillit à bras ouverts. La douleur était intenable mais il n'en avait que faire. Il était libre. Ses yeux se voilèrent. Puis vinrent les ténèbres.


Plouf.



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