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Leaving earth

» Leaving earth ;


Roule ; le craquement du bois qui pouvait céder à tout instant sous l’assaut des vagues résonnait dans son corps. Roulait la mer, et roulaient ses larmes. Encore une fois, les flots entrèrent dans son bateau de fortune. Elle n’en pouvait plus de cette eau. Mais c’était aussi ce qu’elle désirait le plus à ce moment-là. Déshydratée, complètement. Et son plus cher désir à portée de main... Imbuvable. Elle avait essayée ; le sel l’avait sauvagement attaquée et avait eu raison de son estomac. Rapidement sa langue vint happer la larme qui avait roulée. C’était bon, elle en redemandait, mais il n’y avait déjà plus rien. Bordel, quelle idiote avait-elle été à partir comme ça sur un coup de tête.
Nouveau balancement des vagues. La mer était plus calme ici – elle craignait de se renverser à tout instant, cependant. La douce aussi était calme. Peut-être trop, pour quelqu’un qui allait mourir très prochainement. On trouverait – et les spécialistes resteraient perplexes – un corps complètement desséché, noyé au fond de la mer. Oui, tuée à la fois par manque et surabondance d’eau. Si ce n’était pas comique.

Finalement, la fatigue eut raison d’elle, et se laissant doucement bercer par les vagues, la dame s’endormit. Elle s’éleva très haut dans le ciel, au-delà de tout. Dans l’espace. Pas d’eau. Mais elle y était bien. Il faisait une tiédeur réconfortante. Ici, elle n’allait pas mourir. Une force extérieure la guidait et son corps répondait : elle allait et venait, dans un décor dépouillé, sans aucune douleur, sans avoir à user de sa volonté. La dame se contentait d’observer, d’admirer. Vives couleurs, brillantes, si désirables. Puis la force qui la guidait devint joueuse. Des courants d’air froid, ou chaud. Son corps ne gravitait pas seulement avec douceur, mais se mit à tourner sur lui-même plus vite. Toujours plus vite. Et son rire cristallin devint cri d’horreur. Que cela s’arrête ! Ce n’était plus amusant du tout. Mais elle tournait encore : trop vite.
June avait la nausée. Son rêve devenait cauchemar ; elle allait vomir une nouvelle fois.

La demoiselle ouvrit subitement les yeux et laissa échapper un cri de douleur. Ils lui faisaient terriblement mal, brûlés par le Soleil. Et même fermés de toutes ses forces, elle ne voyait que du blanc. Doit-on souffrir pour vivre au Paradis ? Elle sentit qu’on la pressait par les épaules. Des ongles lui raclaient la peau. On voulait lui prendre ses vêtements. Un râle sourd sortit d’entre ses côtes et se mua en hurlement. Pitié. Qu’on la lâche, par pitié ! – Pas une seule fois elle envisagea qu’on voulût l’aider dans ses tourments. De toute évidence, ce n’était pas le cas.
Elle tenta de se redresser, mais on la maintenait fermement contre le sol. Si dur ; la pierre contre son dos. Alors, doucement, elle tenta de rouvrir les yeux. Des visages – ils devaient être trois, peut-être quatre. C’étaient des yeux globuleux et jaunâtres injectés de sang qui semblaient pouvoir sortir de leur orbite à tout moment. Des êtres creusés, effrayants. Était-ce humain ? Ou était-ce encore une créature de son rêve ? Mais la douleur qu’elle ressentait là où on l’avait griffée était bien trop réelle.

Il fallait qu’elle comprenne où elle était. Sur la gauche ? Elle apercevait ce qui pouvait être l’avant d’un bateau, et un bout de mer. Sur la droite ? Entre les corps de ses assaillants, on distinguait timidement un semblant de port. June se fit violence pour réunir ses esprits. Elle s’était échouée, très certainement. Pendant son sommeil ? Ou avait-elle chuté à la mer et n’en avait pas gardé le souvenir ? Elle avait mal, soif aussi. Échouée, donc. Peut-être ces gens l’avaient-ils récupérée, hissée sur la terre ferme. Et maintenant, ils s’attaquaient à ses vêtements. Des cannibales ! Elle allait finir sur une broche et on allait la rôtir ; c’était ce que Will lui avait dit sur les cannibales. Et June se débattit faiblement, appela au secours, usant de ses dernières perles de salive.

Une main s’abattit sur sa bouche pour la lui maintenir fermée.
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Une journée assommante à en mourir. Un soleil des plus hauts et des plus ardents. Pas une once d'ombre. Caniculaire. Voilà le mot qui définissait le mieux cette journée. Depuis qu'il était à Tesoro Azul, Kanbei n'avait jamais eu aussi chaud. Sa peau était parcheminée et plissée et sa gorge sèche. On eut dit un petit vieux. Un petit vieux blond et plutôt bien conservé. Enfin bref. Toute cette chaleur l'assommait. Il préférait le froid. On peut se réchauffer facilement contre le froid. Alors que le chaud. Bah voilà quoi... Il n'y avait pas grand chose à faire. C'est pour cela qu'il aimait se balader près des quais, histoire de recevoir quelques brins d'air marin.
Ses jambes chancelaient comme deux bougies en train de fondre. Il avait chaud. Heureusement qu'il avait emporté de l'eau. Près de deux litres attachés sous sa ceinture. De quoi s'arroser et boire. Bref, assez d'eau pour passer une journée dehors sans gémir de douleur. Et il marchait encore et encore au bord de l'eau.
Jusqu'à les voir.
De loin, on eut dit un monceau humain. Un amas de cadavres. Mais qui se remuait. Qui remuait beaucoup. Le Khan comprit. Une agression. Et les fins membres qui dépassaient du dessous étaient ceux d'une dame. Il les rejoignit d'un bond, couteau en l'air. Arme blanche. L'unique chose dont il s'était lesté pour cette sortie côtière. Il n'avait pas besoin de grand chose pour sa sécurité. Les gens ici étaient tellement faibles. Le dernier bon adversaire qu'il avait eu remontait au capitaine des pirates du Marteau. Cela commençait à dater.
Et la lame se teinta de rouge.
Sa main libre souleva une masse de chair agressive et cette dernière se retrouva lardée de coups de surin avant que les deux autres masses ne réagissent. Et le second aussi ne put réagir. Deux longues lignes autoroutières se dessinèrent sur son poitrail. Juste assez lentement pour laisser le temps au dernier agresseur de réagir. Le Khan le prit au cou et le souleva dans les airs, libérant la jeune femme de son dernier agresseur. La lame pénétra une dernière fois dans de la chair. Molle. Le cou. Et elle laissa perler le sang avant de s'essuyer sur le tissu d'un mort et de se ranger dans une poche.

La jeune femme était là, au sol, le visage boursouflé par le soleil. A en comprendre les éléments du décor, elle venait de débarquer avant de se faire agresser. Et elle paraissait terriblement faible. Son visage était des plus desséchés et elle n'arrivait pas à émettre de sons. Kanbei détacha la bouteille d'eau de sa ceinture et s'avança vers elle de manière à lui faire de l'ombre pour ensuite lui verser de l'eau dans le gosier. Terriblement faible. Elle avait l'air terriblement faible. Pourtant, elle sembla retrouver un regain d'énergie avec l'eau et prit même la bouteille à deux mains. Elle semblait exténuée. Il fallait l'aider. Son côté bon samaritain. Comme avec Serena.
"Ne t'en fais pas je t'emmène à l'abri."

Il la prit dans ses bras tout en prenant soin de lui laisser la bouteille. Elle avait déjà englouti un demi-litre et semblait un peu comateuse. Il allait prendre soin d'elle jusqu'à ce qu'elle aille mieux. Pour cela, il prit la direction de son antre, quelques rues plus loin. La demoiselle, elle, ferma les yeux un bref instant, un filet d'eau glissant sur ses lèvres.

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Quelqu’un avait entendu les gémissements de son âme. Son appel au secours. Alors que tout semblait résolument perdu, il était venu. Elle ne savait pas qui, ça n’avait pas grande importance. Il fallait vivre ; oublier le reste. Et à chaque Homme qu’il ôtait de son corps, June se sentait un peu plus libre. Un peu plus proche de la vie. Et les autres, plus proches de la mort. Son sentiment se concrétisa lorsque, par extrême bonté, il lui offrit ce qu’elle désirait. Boire. Elle cessa de penser pour se consacrer entièrement à cette activité. La belle semblait revenue à l’état de nouveau-née qui, à défaut d’être indépendante ou d’y comprendre quelque chose, se contentait de téter allégrement.
Elle crut l’entendre dire quelques mots. Mais rien qui parvint à percer son esprit. Assommée, elle cherchait simplement un peu de repos, ces jours-ci ayant été particulièrement éprouvants. Elle était bien, là, pas trop secouée dans ses bras salvateurs. Il paraissait ne pas lui vouloir de mal, bien au contraire. C’en était rassurant. Et le cœur apaisé, elle se laissa aller à quelques songes. Parfois elle reprenait conscience ; ils avançaient dans des ruelles, ils entraient dans un endroit. Elle voulait le remercier. Mais la dame sombrait de nouveau dans un état nébuleux. Aucun son n’avait réussi à sortir de sa bouche.

Elle se demandait si elle parviendrait à retrouver le sommeil sans mauvais rêves. Le plus terrible restait un de ceux qui habitaient ses nuits depuis que des pirates avaient brulé son paradis. Papa était mort. Elle réprima un sanglot. A chaque fois, c’était un rêve plus sauvage encore. Une mort atrocement sanglante pour son protecteur. Et à l’évocation de la douce protection que lui avait offerte son défunt père adoptif, elle pensa à celui qui l’avait tiré des griffes d’une mort certaine, un peu plus tôt.
Elle reprit connaissance. Il faisait sombre, mais elle y était bien. L’impression de soutien que lui procuraient les bras de l’homme avait disparu néanmoins, au profit d’un contact plus mou. Un lit peut-être ? June ne savait pas où elle était. Elle aurait aimé qu’il soit là, à lui tenir la main. Pauvre fille, elle ne le connaissait même pas, mais était si craintive toute seule. Il suffisait de si peu pour qu’elle s’accroche. C’est que l’on trouvait rarement une âme réellement charitable dans ce monde, à supposer qu’il en soit une.

Mais il était bien dans cette pièce dépouillée de meubles – même s’il ne lui tenait pas la main, c’était déjà ça de gagné. Elle l’aperçut lorsqu’elle tenta de se redresser. Il semblait occupé à autre chose. Est-ce qu’il l’avait vue se relever ? Son geste se suspendit et elle le considéra un instant. Qu’était-elle censé dire ? Une multitude de questions se pressaient contre ses lèvres. Le plus important, songea-t-elle. Combien de temps était-elle restée ainsi ? Cela n’avait pas trop de sens de lui demander maintenant, d’autant qu’elle s’en fichait un peu à vrai dire puisqu’elle n’avait rendez-vous avec personne, pas même la mort – mais elle lui poserait tout de même la question plus tard, car elle souhaitait ne pas avoir trop abusé de son hospitalité. D’habitude, elle faisait toujours en sorte pour que ce soit elle qui prenne soin des autres au quotidien. Elle parut hésiter, puis n’y tenant plus elle tenta de prendre faiblement la parole.

« Les avez-vous tués ? » Elle se souvenait d’une gerbe de sang. « Je veux dire… Merci. Sincèrement. Je vous dois beaucoup, ou même tout. Je me demande pourquoi vous avez fait ça pour moi, mais… » Mais ça la taraudait. Elle avait peur, à vrai dire. Autant peur qu'elle était soulagée. Ces gens étaient morts, ils ne reviendraient plus lui faire du mal. Mais c’était lui qui les avait tués. Lui. Papa était mort ; des gens qui viennent et qui tuent sans raison. Il aurait pu les laisser en vie, non ? Elle se sentait mal à l’aise. Il ne fallait pas qu’il soit comme ces pirates. Il ne le fallait pas. Elle ne voulait pas. Devoir sa vie à un être qui aurait pu se trouver sur son île des jours auparavant, et détruire son paradis.
June se sentit faiblarde, elle ferma les yeux. Ce monde était fou, complètement.
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Elle émergeait enfin, tirée des limbes par une raison inconnue à ce jour. Elle se sentait mieux du moins. C'était déjà ça. Kanbei était resté là à la regarder dans l'ombre sans savoir quoi en penser. Elle était jolie, c'était indéniable. Il rougit de honte. Il n'avait pas le droit à ce genre de pensées. Une merde comme lui. Une sous-race. Il était nul. Absolument nul et cruel. Un pirate en somme. Mais il venait de la sauver et il ne pouvait pas le nier. Elle risquait de lui être reconnaissante. Il ne voulait pas de son remerciement. Il ne voulait pas de sa bonté. Il fallait qu'il soit seul. Toujours seul. C'est comme ça qu'il avait toujours fonctionné. Lui et le reste du monde à part. Il ne pouvait pas se permettre une telle faiblesse. M'enfin... Elle venait de se redresser et de prendre la parole en l'interrogeant sur une évidence.
Les avait-il tués?
C'était une évidence. Oui. Ou ils étaient encore en train de mourir qui sait? M'enfin. Il acquiesça gravement de la tête alors qu'elle le remerciait. C'était un tueur. Un monstre. Il le savait très bien. Il l'avait sauvée parce qu'elle en avait eu besoin. Il n'était plus pareil qu'avant. Mais ça... Ca. Elle ne pouvait pas le savoir. Il y eut un moment de silence et il se mit à parler. D'une voix faible et tremblante lui aussi. Il était las.
"Je les ai tués parce qu'ils auraient pu faire ça à n'importe qui. Des gens comme ça ne méritent pas de vivre. Ce sont des monstres... Comme moi."

Il ne savait pas pourquoi il venait de lui dire ça. Même s'il ne la connaissait pas, il se sentait pris d'empathie pour elle, d'affection. Malgré ses actes barbares et toute la violence dont il avait fait preuve, il savait qu'il ne lui ferait jamais de mal. Elle était... pure. Innocente. Fragile. Il se devait de la protéger.
SBAFF *gifle mentale* SBAFF
Quel con. Mais qui était-il pour dire ce genre de choses? Elle était une des premières personnes qu'il sauvait depuis le début de sa misérable vie. Il n'avait pas le droit de dire ça. Pour toutes les vies qu'il avait pris. Pour tous les gens qu'il avait trahi. Pour toutes les horreurs qu'il avait commis. Il n'était qu'un rebut de la société. Une erreur comme tant d'autres. Un bug à corriger. Et il essayait d'y arriver. Mais il ne pouvait pas faire plus pour elle. Il n'en avait pas le droit... Cependant, il mourrait d'envie d'en savoir plus sur elle.

Il était intrigué. Que faisait-elle seule ici? Sur cette île pitoyable. Elle semblait échouée. Il lui fallait de l'aide. Il en était sur. Mais avait-il le droit d'être son sauveur? Son esprit semblait tiraillé entre ces deux questions et ses doigts pianotaient instinctivement sur le sol. Il voulait tant... Lui expliquer. Qu'elle comprenne qui il était. Mais il... Il n'avait pas les mots. Il ne savait pas s'y prendre. Il se contenta de lui jeter un regard empli de crainte et lâcha ses quelques mots.
"Qui es-tu?"


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Elle se redressa tout à fait et remonta ses jambes contre son torse. C’était étrange. Certainement que ce devait être une bonne raison de les avoir tués. Elle n’était pas complètement d’accord, mais cela sonnait comme un argument sincère. Il ne l’avait pas fait par pure soif de sang ; elle voulait le croire. Mais son esprit s’accrochait aux mots : « comme moi » avait-il dit. Des monstres. Etait-ce un avertissement ? Ou un appel au secours ? Et la peur de June ne s’effaçait pas. Tout semblait si noir depuis quelques temps. Elle était lasse, elle voulait être heureuse.
C’était une situation plutôt gênante à vrai dire. Et les blancs entre chacune de leurs interventions le traduisaient. Ils ne se connaissaient pas, et il l’avait aidé. Mais il semblait dérangé par quelque chose, elle en était persuadé. Ça ne ressemblait en rien à un conte de fée où une personne en sauve une autre et tout le monde est heureux. La douce l’observait et elle sentait que quelque chose clochait. Un tic nerveux. Un regard étrange.

Enfin, il voulut en savoir plus sur elle, et elle salua cette noble tentative de ne pas laisser mourir la conversation. La dame en eut même un sourire. A elle de participer ! Elle aimait bien parler ; il lui offrait une occasion de se sentir moins gênée. Juste une simple discussion. Ainsi commençaient toutes les relations entre êtres humains. D’autant qu’elle ne se sentait pas de vivre perpétuellement dans la méfiance. Silence était quelque chose de stressant. Elle parlait seule, souvent, pour le briser, quand il n’y avait personne autour pour l’accompagner.
La belle ne désirait pas particulièrement parler d’elle, à vrai dire, mais ce n’était qu’un tremplin. Haussant les épaules, June commença. « Eh bien… Je ne suis personne, en fait. Juste quelqu’un qui a essayé de refaire sa vie quelque part sur Grand Line, jusqu’à ce que… » Ses yeux se perdirent dans le vague. Il ne fallait pas pleurer, pas devant un inconnu qui n’avait pas demandé à devoir écouter les soucis d’une pauvre fille. Elle sourit de nouveau. « Dites-moi, on y est toujours, sur Grand Line, hein ? Je suis perdue. J’ai dû m’échouer près du port… Il faudra que j’aille voir si on ne m’a pas prise ma barque, j’y tiens vous savez. Sinon je ne pourrais pas reprendre la mer. Enfin… C’est pas que je suis pressée, non plus. Je veux dire, j’ai tout perdu, alors je peux bien rester ici aussi, ça ne fera pas grande différence. » Non, ça, ce n’était pas pour qu’il s’apitoie sur son sort. C’était la vérité. Ça lui était bien égal, maintenant, l’endroit où elle irait s'installer et faire pousser ses plantes. Tant qu’elle était heureuse. D’ailleurs, elle avait dit ça tout à fait naturellement.
Parler, c’est vivre.

« Oh ! Euh… June. Mon prénom, c’est June. Vous ne vouliez peut-être savoir que ça, au final. Désolée, je me suis emportée. » Elle baissa les yeux. Elle avait l’impression d’avoir rempli la pièce à elle toute seule, à parler ainsi. Mais ça l’aidait, vraiment. Et comme pour la réprimander, son ventre gronda discrètement. Depuis combien de temps n’avait-elle pas mangé ? N’étant pas certaine du nombre d’heures qu’elle avait passé inconsciente, elle ne saurait dire. Mais quoi qu’il en fût, il était hors de question qu’elle en parle à ce monsieur. Elle pouvait être un ogre, quand il s’agissait de manger. Parce que c’était trop bon !
Comme pour chasser toutes les images et les senteurs de petits plats gouteux qui lui venaient à l’esprit et la faisaient saliver, la dame reprit la parole. Il y avait plus grave. « Et vous ? Pourquoi avez-vous dit que vous étiez un monstre ? Vous donnez l’impression d’être un type bien, mais quelque chose ne va pas. J’ai peur, vous savez. J’aimerais savoir… » Et elle sanglota doucement. C’était nerveux, rien de plus. Mais intérieurement, elle s’excusa. Pour sa sincérité qui pouvait parfois être blessante – elle n’en doutait pas.
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Elle semblait totalement déboussolée. Perdue. Oui. Totalement perdue. Elle était au bord des larmes et elle avait peur. Il voulait l'aider même s'il n'en avait pas le droit. Et puis merde... Qu'est-ce qui l'en empêchait? Il s'était comporté en lâche toute sa vie. Il avait vécu dans la peur, la misère. Il avait ruiné toutes ses chances de devenir quelqu'un de bien. Il avait tué. Parfois sans raison. Ce n'était qu'un monstre. Mais il devait l'aider. Son coeur le lui intimait. Il était obligé de l'aider. Quelque chose lui disait que s'il ne le faisait pas, il ne pourrait plus se regarder dans un miroir. Quoi que ce fûsse peut-être déjà le cas... M'enfin... La jeune femme sanglotait face à lui et il avait honte. Il était rouge de honte et il ne savait pas quoi faire. Tellement qu'il bafouilla un petit moment avant de s'abstenir de parler. Il valait mieux peser ses mots. Et puis, elle comblait mieux les vides que lui. Beaucoup mieux. Il n'était pas très affable à vraiment dire.

June. Elle s'appelait June. Joli prénom. Et elle voulait refaire sa vie. Un passé difficile probablement. Il ne comptait pas trop approfondir et espérait faire meilleure impression. Et son estomac venait de gronder. De manière imperceptible mais le Khan savait qu'elle avait faim. Elle venait de subir une rude épreuve. Mieux valait lui donner à manger avant qu'elle ne le dévore. Ou pas.
"Il ne faut pas que tu aies peur. Je suis pas quelqu'un de bien certes mais je pense pouvoir t'aider. Tu veux à manger?"

Au vu de son regard et de ses yeux qui s'agrandirent de manière grandiloquente, il fila dans la pièce d'à côté lui préparer un sandwich. Un truc simple. Viande salée quelques jours plus tôt et beurre. Le tout accompagné d'un filet d'huile d'olive. Pas trop diététique mais elle le remercia avidement et sans un bruit pour le laisser reprendre son discours. Il n'était décidément pas doué avec les mots.
"Je suis un pirate. Enfin j'en étais un. Et je pense toujours en être un. J'ai tué des gens. Des gens mauvais. Plus que moi. Je pense que c'est la seule raison pour laquelle je suis en vie. Tuer de mauvaises personnes. Du moins plus que moi. Et me battre pour rester en vie."

Crétin. Il faisait le contraire de ce qu'il annonçait. Il devait se montrer sous son meilleur jour. Mais il n'osait pas. Enfin, il essayait mais quelque chose bloquait. Et tout remonta en bloc. Sa folie. Les Avalons. Sa tentative de suicide. Petru. Le comment il était venu ici. Et il sut qu'il devait tout dire. S'armant d'un sourire des plus sincères, il continua.
"Ah au fait, moi c'est Kanbei. Et pour ta barque, t'en fais pas. Vu ce que j'ai fait, personne n'y touchera avant un bon moment."


Et il laissa encore une silence. Crétin.

"Je peux t'aider à recommencer ta vie si tu veux."


Et simple d'esprit en plus...
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La belle déglutit avec difficulté. Pardonner, il fallait pardonner. Il l’avait sauvée. Sans un mot, elle avala ce qui restait de son sandwich – plutôt bon, soit dit en passant. Un pirate… Cela lui avait fait comme un coup de poignard dans la poitrine. Elle aurait préféré qu’il soit un simple habitant de l’île. Peu importe qu’il ait été un voleur de poule, ou complètement dément. Elle aurait pardonné. Mais là… Ce n’était pas elle, ce n’était pas dans ses habitudes de considérer un innocent comme fautif de ses tourments. Mais il n’était pas innocent ! Il avait tué des gens, il l’avait avoué. Des gens mauvais. Elle inspira longuement. C’était un brave type qui l’avait sortie d’un mauvais pas.
Elle l’observa un instant. Un brave type. Souffrait-il de sa situation ? Il voulait l’aider, mais d’eux deux, n’était-ce pas lui qui avait besoin de soutien ? « Kanbei… C’est rigolo. » Il en existait des bons et des salauds. Mais c’était si dur à admettre. « Je veux simplement être heureuse. » Et il y avait un problème à cela. Un pirate.

Elle se leva, s’étira les jambes. Complètement nerveuse, la douce était toute ankylosée maintenant. Elle avait besoin d’air. « Oui, j’ai sûrement besoin d’aide. Je ne sais pas vivre toute seule… Mais pourquoi voudriez-vous m’accompagner ? Je ne sais pas trop ce que je pourrais vous apporter, et je n’ai pas l’intention de rester un fardeau toute ma vie. Je vous ai déjà bien assez importuné depuis mon arrivée ici. » Elle lissa mécaniquement son haut. Ça aussi c’était gênant comme situation. Ils ne se connaissaient pas. Mais très certainement que c’était dû à cette fâcheuse tendance qu’avaient les pirates à toujours vouloir posséder quelque chose – les biens des autres, ou les autres eux-mêmes. Un autre qui lui annoncerait qu’elle lui appartenait ? June sourit avec tendresse. Ça c’était plutôt bien passé la précédente fois. Ils avaient bien rigolé. Voyagé. Ses yeux se posèrent sur la porte qui semblait indiquer la sortie de la demeure. Elle la désigna d’un coup de tête et ajouta : « Pouvons-nous sortir ? Vous me feriez visiter les lieux… » Et joignant le geste à la parole elle ouvrit la porte, laissant le soleil entrer.

Hésitation sur le pas de la porte. Elle jeta un œil au dehors et se retourna. « Vous voulez toujours être un pirate ? Je veux dire, de cette sorte-là. Tuant des gens, faisant peur aux autres. Ou vous aussi, quelque part, vous désirez recommencer votre vie ? Parce que oui, j’ai connu des pirates qui, tout en étant clairement des pirates, restaient des gens bien. » Elle ne l’avait pas envisagé, mais peut-être que s’il avait fait cette proposition c’était juste une façon d’exprimer son désir à lui. Une vague de tendresse l’envahit. Elle l’accusait, et si ça se trouvait, c’était lui l’oppressé. June se sentit soudainement honteuse de porter de tels préjugés, elle qui se défendait toujours d’en avoir. Il fallait qu’elle se rattrape.
Claquant sa langue contre le palet, la douce sourit à son hôte. « Trêve de bavardages embarrassants ! Allons nous promener, voulez-vous ? On pourra faire connaissance. » Et s’émerveiller de petites choses de la vie. Elle inspira ; la peur semblait s’être éloignée et son cœur allégé.

Là, c’était elle. Un petit bout de femme joyeux. Il fallait apporter un peu de soleil dans le cœur des autres.
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Envie d'te prendre dans mes bras...
D'tout oublier. Juste un instant.
Notre instant à nous.
Notre monde.
Notre univers.


Et tout revient. Retour à la réalité. Divine idylle illusoire. Il venait d'avoir une vision divine. Un aperçu du monde dont il n'atteindrait jamais que les portes. Mais il était là. Avec elle. Et il voulait qu'elle soit bien. Juste bien. Qu'elle n'ait plus peur. Et il s'apprêtait à reprendre quand elle parla. BOUM. En plein coeur. Rigolo. Son prénom était rigolo. Elle venait de le désarmer à nouveau avec une facilité et une sincérité digne d'un enfant. Et elle voulait être heureuse qui plus est. Hahahahahaha. Un sourire fendit son visage jusqu'aux oreilles. Un tel ange pouvait-il vraiment exister? Il avait envie d'en savoir plus sur elle. De l'aimer? Non... Il n'en avait pas le droit. De l'apprécier. Oui. C'était bien mieux.

Et voilà qu'elle lui proposait de sortir. Une bonne idée en soi. Peut-être lui laisserait le temps de se justifier. Ne pas être un fardeau pour lui. Qu'est ce qu'il ne fallait pas entendre... Elle serait au contraire une lueur d'espoir pour lui. Sa lanterne dans l'obscurité. Son soleil. M'enfin... Il accepta la sortie et reprit des bouteilles d'eau, au cas où. Et ils marchèrent. Il regarda sa chevelure flamboyante. C'était un p'tit bout de femme absolument radieux. Elle transpirait la joie de vivre. Après quelques minutes de marche, il se mit à lui parler. De tout, de rien. Son enfance. Ses débuts dans la piraterie. La haine qu'il avait en lui. Ces sensations de puissance et d'ivresse. Sa tentative de suicide. Son changement radical. Sans trop la brusquer par contre. Il brodait en métaphores imagées pour ne pas la choquer. Comment pourrait-elle l'apprécier après ça? Il n'en savait rien. Mais il était toujours prêt à l'accepter avec elle. Il venait de se livrer à elle. Comme ça. A blanc. Quelque chose chez elle lui donnait confiance en lui. Le Khan venait de s'ouvrir à quelqu'un. Entièrement. Dans sa globalité. Etait-ce de l'amour? Il n'en savait rien du tout. Et pourtant son coeur cognait fort. Il clôtura son discours de manière simple.
"Voilà ma vie."

Rien de bien compliqué ou de terrible. Il avait raconté ça comme si c'était un fait journalistique. Avec son détachement habituel. Et il brulait d'envie d'en savoir plus sur elle. Aussi se risqua-t-il à continuer le monologue.
"Et toi ton histoire c'est quoi?"


Simple. Voilà comme il se devait d'être. Et tant pis si elle se moquait de lui ou partait. Il serait seul. Définitivement seul. Comme d'habitude.
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Tu es ce petit parasite, qui s’accroche et qui ne lâche plus. Mais toi, tu es animée de bonnes intentions. Tu écoutes, tu comprends, tu aimes. Sourire plein de tendresse. Toute cette histoire, pour trois fois rien. Toutes ces hésitations, ces doutes, ces questions. Mais elle ne craignait rien au final. C’était simplement une âme en peine ; il n’avait rien de ceux qui l’effrayaient. Tu portes tes yeux au loin, et tu rêves.
Des mots, rien que de simples mots, qui emplissaient son esprit et lui faisait ressentir tout ce qu’il avait vécu. Il avait souffert. Il souffrait encore. Il ne fallait pas… Ce n’était pas de la pitié pour un être faible, mais une compassion sincère pour cette personne qui désirait se reconstruire et qui était forte. Car il fallait énormément de volonté pour y parvenir. Peut-être était-elle folle ; elle se pensait bien au contraire la plus lucide de tous en cet instant. Plus que jamais, d’ailleurs. On rencontrait des gens fabuleux, mais qui bien souvent l’ignoraient. Montre-lui, disait son cœur. Et de quelle façon ? Mais elle le savait bien : il fallait faire de son « voilà ma vie » un « voilà notre vie ». Il manquait d’une compagnie qui puisse soulager son fardeau.

Elle ne mit guère de temps à retrouver ses mots et son envie de parler, elle qui avait été soudainement captivée par l’histoire du petit homme. C’est qu’il avait peu parlé jusque-là, et qu’il y arrivait très bien en vérité. Doué pour les histoires. La douce s’essaya à faire sourire, ou même rire, son sauveur. Comme il semblait avide d’indices sur sa vie passée – et qu’il était vrai qu’elle était restée passablement vague sur certaines choses – elle tâcha de lui conter de petites anecdotes qui remplissaient son cœur de joie. La dame alla même jusqu’à lui avouer sa passion et son désir de s’intaller quelque part pour s’y consacrer.
Et ils reprirent ainsi leur chemin ; pour aller où, bonne question. Partout. Elle voulait courir, se cacher, explorer. Elle n’avait plus peur des autres, de ceux qui habitaient là et qui l’avaient attaqué, car il s’assurait que cela ne se produise pas. Il y avait une certaine confiance, déjà, et il n’était pas bien difficile de comprendre que oui, elle resterait avec lui.

Du reste, il ne se passa pas grand-chose sur cette petite île, ce jour-là. Rien que des choses plus ou moins habituelles, dans un monde tout à fait étrange. Juste deux âmes éplorées qui se trouvaient, et qui s’aideraient.


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