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Réveil

Ça brulait.


Réveil 89r8



Le soleil. Il lui brulait la peau. Sa peau déjà séchée et brulée par le sel. Ça faisait mal quand il ouvrit les yeux. Les rayons de lumière vive l’agressaient. Il ne pouvait rien voir. Et lentement, progressivement seulement, il put discerner. Deviner, une couleur déjà. Le bleu. Le bleu azur d’un ciel épuré, un ciel d’été. Et au milieu de ce gigantesque vide, la fulgurance d’un soleil aux rayons assassins. Ses paupières collaient. Quelle vision… A la fois magique, et mystérieuse. D’ici, on semblait ne plus appartenir à rien. Plus de terre, ni d’océan. Juste une gigantesque couleur qui englobe tout, qui t’absorbe et qui t’unit. C’était ça, la première vision.


Deuxième sens, l’ouïe, qui se remettait péniblement en marche.  Un bruit familier. Effrayant, et à la fois, étonnamment reposant. Le bruit de l’eau. Tchac. Tchac. L’eau qui claque contre le bois humide. Un silence trompeur. Les vaguelettes qui se font et se défont, parfois le bruit du vent, qui apporte sa bienvenue fraîcheur dans une chaleur étouffante. Et sinon, rien d’autre. Il aurait pu rester là des années, à juste écouter le bruit d’une mer calme. C’était familier. Ça le rassurait. Il connaissait ce bruit, il avait l’impression d’être né dedans, et qu’il l’avait accompagné durant toute sa vie. Comme une matrice auditive, une bulle. Quel calme… C’était beau. L’association du ciel et ce bruit ; ils lui semblaient être indissociables. Un tout unique, un paradis reposant, l’apothéose des sens.


Le toucher. Les mains qui frottaient, contre le bois sec. Un bois rugueux, qui avait déjà vu trop de passages. Une écharde qui se plantait dans son pouce. Aïe ! La douleur, il se souvint. On appelait ça, la douleur. Ses mains continuaient de courir le long des planches, à mesure qu’il retrouvait l’usage de ses muscles. Il voulait sentir chaque veine, chaque irrégularité de cette matière que l’on disait « vivante ». Elle n’avait rien de cela à cet instant. Elle était dure, peu accueillante. Chaude cependant, mais d’une chaleur sèche, absolument pas hospitalière. Il fit l’analogie entre le bruit des vagues sur le bois humide, et ses mains torturées par le bois sec ; un bateau. Ou plus vraisemblablement, une barque. Il pouvait sentir de petites gouttes d’eau s’immiscer dans ses cheveux quand une vague percutait l’embarcation. Il était donc allongé. Pourquoi ?


L’odorat revint. Le sel, les effluves de poisson et d’un océan profond. Au fur et à mesure, il retrouvait conscience de cet environnement. Océan. Quel joli mot. Ça lui semblait logique. Logique qu’il soit ici, et pas ailleurs. C’était un peu chez lui, il ne savait pas pourquoi. Il ne pouvait d’ailleurs penser à aucun autre endroit où il aurait pu être maintenant.  « C’est là que je dois être », pensait-il. Il réussit à sentir sa propre odeur ; un peu trop forte, peut-être. Mais aucune importance. Le tableau se peignait, au fur et à mesure, coup de pinceau par coup de pinceau. Et enfin, enfin…


Le goût. Un goût tellement… particulier… Mais connu ; ça, il en était certain. Sa langue tournait et fouillait dans sa bouche, en quête de la réponse. Un goût inoubliable, qui collait au palais et affolait les sens. Ca y est ! Il eut un sourire ; il put le sentir par les rides de sa bouche qui s’étiraient, faisant craquer ses lèvres gercées par le soleil et la soif. Il se releva et cracha par-dessus bord.


Le goût du sang.


Enfin, reprise de conscience. Il porta la main derrière son crâne, et toucha ses cheveux imbibés d’un liquide poisseux. La plaie était encore vivace, mais pas très grave, visiblement. Il se tourna et se retourna. C’était bien une barque, c’était bien l’océan. Il se toucha le visage. C’était bien lui. Un début de barbe. Un nez en trompette. Il connaissait tout cela. Partout autour de lui, le bleu du ciel, le bleu de l’eau. Et ce soleil, toujours ce soleil qui l’aveuglait et l’asséchait. Soif. Il le savait ; surtout, ne pas boire l’eau de mer.  Dans la barque, avec lui, un sac, et des rames. Un vieux sac de voyage, rapiécé, à moitié ouvert. Il le fouillait, avidement, en quête d’une gourde, de quelque chose. Des vêtements. Des objets étranges, colorés, sans intérêt. Pas de nourriture, pas d’eau. Il palpait son corps. A sa ceinture, une arme ; inintéressant. Un pistolet dans sa veste. Joli, mais inutile. Divers objets et accessoires ; une flute gravée. Pas d’eau. Pas de nourriture.


Tant pis. Il se rallongeait, c’était mieux ainsi. Il essayait vainement de se replonger dans la bulle de tranquillité qu’il venait de quitter. Ça ne marchait pas comme ça, malheureusement. La question heurta son esprit comme un navire heurte un roc.


« Qu’est-ce que je fous là ? »


Il se redressait. Portait une main à son menton pour se gratter. Il essayait de réfléchir ; ça faisait mal. Comme si on ne lui avait jamais appris. Il essayait, encore et encore de toutes ses forces de remettre ses souvenirs en place. Il ferma les yeux, se plongeant dans les volutes embrumées de son esprit.


Dernière édition par Nikolas Baeteman le Ven 15 Nov 2013 - 10:28, édité 4 fois
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Rien.


Rien de rien. Que savait-il ? Il savait qu’il devait être ici. Il savait ce qu’était la mer, ce qu’était le ciel. Il connaissait son corps. Mais la vérité le percutait. Une gigantesque claque, un poing lancé en plein visage, qui l’assommait, le laissait immobile, affaibli, paralysé.


« Je ne sais rien. »


Il restait là. Chaque vague était désormais un poignard dans son dos. Tchac. Tchac. Je suis un être humain. « Je suis au beau milieu de la mer. Dans une barque. C’est un sac ; des vêtements. Je sais des choses. Je sais que c’est normal. Et pourtant. Je ne sais rien. » Comment était-ce possible ? La vie, ce n’est pas ça ; on naît, on vit, on meurt. On n’apparaît pas comme ça, sur une barque au milieu de l’océan. Ça, il en était à peu près convaincu. Le silence de l’endroit était quelque peu brisé par les hurlements mentaux qu’il poussait alors. La frustration. La frustration de savoir qu’il sait des choses, qu’il connait des choses. Je connais la géographie. L’Histoire, un peu ; ou en tout cas, ça va me revenir. L’écriture, je connais. Mais en même temps, de se rendre compte que le plus important, il ne le sait pas.


Qui suis-je ?


             Pourquoi suis-je ici ?


                              « C’EST OU, ICI ? »


Ces derniers mots, il les avait criés. Ça, c’était sa voix, c’était sûr.  « C’est ma voix, je la connais, quand même. ». Voilà qu’il parlait tout seul, maintenant. Était-il fou ? Non. « Je sais que je suis pas fou. » Il avait dit ça plus pour se rassurer qu’autre chose ; pour l’instant, les faits  étaient plutôt contre lui. Le soleil continuait de le frapper, inlassablement. Il fouilla dans le sac, et en tirait un galurin plutôt simple d’apparence, surmonté d’une majestueuse plume violette.


« Ridicule… »


Il le chaussait tout de même, faisant de l’ombre à son visage souffrant.  Il posait le sac derrière lui, pour se caler le dos, et croisa les mains, étalant ses jambes de tout leur long dans la petite embarcation. Et il attendit. Il attendit, encore et encore, la vérité. Les heures passèrent, le soleil continuait sa chute, inlassablement, vers l’horizon. Et lui restait là. Immobile. Il se refusait à bouger tant qu’il n’aurait pas la réponse. Sa gorge raclait à chaque respiration, asséchée par la soif ; son estomac gargouillait. Il n’en avait cure. La vérité. C’était sa seule pensée claire. « Je veux la vérité ». Le reste était embrumé, si ce n’est vide. Il passait en revue tout ce qui pouvait lui passer par la tête, pour combler ce vide assourdissant qui lui emplissait l’esprit. « L’arme à ma ceinture, c’est une épée. L’autre, un pistolet. Sur ma tête, un chapeau.  Il y a 54 cartes dans un jeu. Les dés ont six faces. Je porte un manteau. » Il le refouilla, dans un éclair de lucidité. Pas de papier, rien. Tant pis. « Il y a… cinq océans en ce monde. East, West, North, South Blue, et… Grand Line. C’est ça. Il y a un gouvernement. »


A mesure que ces simples faits lui revenaient, il se rendait compte de l’absurdité de sa situation. Il était complétement au fait des réalités de la vie et des structures du monde dans lequel il se trouvait. Il aurait pu facilement tenir une conversation. Excepté le fait qu’il ne savait rien, absolument rien, sur lui-même. Pas d’âge. Pas de noms. Aucune information sur où il se trouvait, ni pourquoi il s’y trouvait. Il ne pouvait penser à aucune personne qu’il connaissait. Il se sentait comme un livre d’Histoire à qui on aurait subitement donné vie. Aucune individualité propre. Le soleil se couchait. Il ferma les yeux, tentant encore une fois de fouiller au plus profond de lui-même. « J’existe. Je suis un homme. J’ai forcément un nom. ».


La nuit tomba. Et il sombrait, dans les bras de Morphée, bercé par le doux mouvement des vagues.


Le lendemain fut calqué sur le même modèle. De l’instant où il se réveillait, jusqu’au milieu de l’après-midi, il restait immobile. Stoïque. A la recherche de quelque chose d’inexistant. Et au fur et à mesure que le temps passait, il sombrait de plus en plus. Dans la soif. La faim. La folie. Ses forces l’abandonnaient, si tant est qu’il ait eu quelques forces à un moment donné. Toute la journée, il restait là. A écouter. A penser. A essayer. Mais il craquait. Il ne pouvait plus. Il se leva, sur les coups de seize heures. Et il cria, à pleins poumons, dans le mi- silence oppressant de l’océan en mouvement. Il cria, à se briser la voix.


« JE M’APPELLE… »


« J.. JE M’APPELLE …! »


« JE SUIS ! »


« Je suis… »




Et il retombait, à genoux. Des larmes chaudes coulaient sur ses joues.


« RAAAAAAAAAAAAAAAH ! »


Il frappait le sol de la barque, poings fermés. Il se détruisait les phalanges, parce que hé, de toutes façons, il n’y avait plus que ça à faire. Non. Il y avait autre chose. L’idée apparut comme par enchantement, au beau milieu de son crâne. Il se releva, le visage ouvert, comme stupéfait de ne pas y avoir pensé avant. Il s’asseyait, les larmes continuant de couler. Il plongea la main dans sa veste, et en sortit le pistolet. Un bel objet, avec une rose en or sur le pommeau. L’objet idéal. Il inspira un grand coup, et plaça le canon dans sa bouche, lentement, mais avec assurance. Sa main ne tremblait même pas. Comment avoir peur de la mort, quand il n’y a aucun souvenir que l'on craint de perdre ?


Il regardait l’arme. Toujours le même bruit. Toujours les mêmes odeurs, la  même vue. Du bleu, à perte de vue. Et un détail cependant, qui le chiffonnait. Qui lui attirait l’œil. Il retira l’arme. La regarda, sous tous les angles. Il la rapprocha de ses yeux, encore aveuglés. C’était tout petit, infime. Mais c’était là. Sur le flanc du canon, gravé en lettres fines. Deux mots.


Nikolas Baeteman.


Il resta ainsi, les yeux rivés sur l’inscription, sans pouvoir y croire. Il baissa lentement les mains, avant de remettre l’objet à sa place, les sourcils toujours froncés, les yeux fixant l’horizon. Il sécha ses larmes. Restait ainsi, cinq bonnes minutes. Le silence se rompit.


KYAAAAh !


Au-dessus de lui, un oiseau passait ; une mouette. Elle tournait, magnifique animal, au-dessus de la barque pendant quelques secondes. Puis repartait, vers le Nord. Le jeune homme repensa aux deux mots, désormais gravé dans son esprit comme ils l’étaient dans le métal du mousquet.


Nikolas Baeteman.


Il regarda la mouette s’éloigner. Attendit, quelques secondes de plus. Et enfin, s’exprima, haussant les épaules.


« Eh bien, c’est un début ».


Et il s’empara des rames.
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