Ça brulait.
Le soleil. Il lui brulait la peau. Sa peau déjà séchée et brulée par le sel. Ça faisait mal quand il ouvrit les yeux. Les rayons de lumière vive l’agressaient. Il ne pouvait rien voir. Et lentement, progressivement seulement, il put discerner. Deviner, une couleur déjà. Le bleu. Le bleu azur d’un ciel épuré, un ciel d’été. Et au milieu de ce gigantesque vide, la fulgurance d’un soleil aux rayons assassins. Ses paupières collaient. Quelle vision… A la fois magique, et mystérieuse. D’ici, on semblait ne plus appartenir à rien. Plus de terre, ni d’océan. Juste une gigantesque couleur qui englobe tout, qui t’absorbe et qui t’unit. C’était ça, la première vision.
Deuxième sens, l’ouïe, qui se remettait péniblement en marche. Un bruit familier. Effrayant, et à la fois, étonnamment reposant. Le bruit de l’eau. Tchac. Tchac. L’eau qui claque contre le bois humide. Un silence trompeur. Les vaguelettes qui se font et se défont, parfois le bruit du vent, qui apporte sa bienvenue fraîcheur dans une chaleur étouffante. Et sinon, rien d’autre. Il aurait pu rester là des années, à juste écouter le bruit d’une mer calme. C’était familier. Ça le rassurait. Il connaissait ce bruit, il avait l’impression d’être né dedans, et qu’il l’avait accompagné durant toute sa vie. Comme une matrice auditive, une bulle. Quel calme… C’était beau. L’association du ciel et ce bruit ; ils lui semblaient être indissociables. Un tout unique, un paradis reposant, l’apothéose des sens.
Le toucher. Les mains qui frottaient, contre le bois sec. Un bois rugueux, qui avait déjà vu trop de passages. Une écharde qui se plantait dans son pouce. Aïe ! La douleur, il se souvint. On appelait ça, la douleur. Ses mains continuaient de courir le long des planches, à mesure qu’il retrouvait l’usage de ses muscles. Il voulait sentir chaque veine, chaque irrégularité de cette matière que l’on disait « vivante ». Elle n’avait rien de cela à cet instant. Elle était dure, peu accueillante. Chaude cependant, mais d’une chaleur sèche, absolument pas hospitalière. Il fit l’analogie entre le bruit des vagues sur le bois humide, et ses mains torturées par le bois sec ; un bateau. Ou plus vraisemblablement, une barque. Il pouvait sentir de petites gouttes d’eau s’immiscer dans ses cheveux quand une vague percutait l’embarcation. Il était donc allongé. Pourquoi ?
L’odorat revint. Le sel, les effluves de poisson et d’un océan profond. Au fur et à mesure, il retrouvait conscience de cet environnement. Océan. Quel joli mot. Ça lui semblait logique. Logique qu’il soit ici, et pas ailleurs. C’était un peu chez lui, il ne savait pas pourquoi. Il ne pouvait d’ailleurs penser à aucun autre endroit où il aurait pu être maintenant. « C’est là que je dois être », pensait-il. Il réussit à sentir sa propre odeur ; un peu trop forte, peut-être. Mais aucune importance. Le tableau se peignait, au fur et à mesure, coup de pinceau par coup de pinceau. Et enfin, enfin…
Le goût. Un goût tellement… particulier… Mais connu ; ça, il en était certain. Sa langue tournait et fouillait dans sa bouche, en quête de la réponse. Un goût inoubliable, qui collait au palais et affolait les sens. Ca y est ! Il eut un sourire ; il put le sentir par les rides de sa bouche qui s’étiraient, faisant craquer ses lèvres gercées par le soleil et la soif. Il se releva et cracha par-dessus bord.
Le goût du sang.
Enfin, reprise de conscience. Il porta la main derrière son crâne, et toucha ses cheveux imbibés d’un liquide poisseux. La plaie était encore vivace, mais pas très grave, visiblement. Il se tourna et se retourna. C’était bien une barque, c’était bien l’océan. Il se toucha le visage. C’était bien lui. Un début de barbe. Un nez en trompette. Il connaissait tout cela. Partout autour de lui, le bleu du ciel, le bleu de l’eau. Et ce soleil, toujours ce soleil qui l’aveuglait et l’asséchait. Soif. Il le savait ; surtout, ne pas boire l’eau de mer. Dans la barque, avec lui, un sac, et des rames. Un vieux sac de voyage, rapiécé, à moitié ouvert. Il le fouillait, avidement, en quête d’une gourde, de quelque chose. Des vêtements. Des objets étranges, colorés, sans intérêt. Pas de nourriture, pas d’eau. Il palpait son corps. A sa ceinture, une arme ; inintéressant. Un pistolet dans sa veste. Joli, mais inutile. Divers objets et accessoires ; une flute gravée. Pas d’eau. Pas de nourriture.
Tant pis. Il se rallongeait, c’était mieux ainsi. Il essayait vainement de se replonger dans la bulle de tranquillité qu’il venait de quitter. Ça ne marchait pas comme ça, malheureusement. La question heurta son esprit comme un navire heurte un roc.
« Qu’est-ce que je fous là ? »
Il se redressait. Portait une main à son menton pour se gratter. Il essayait de réfléchir ; ça faisait mal. Comme si on ne lui avait jamais appris. Il essayait, encore et encore de toutes ses forces de remettre ses souvenirs en place. Il ferma les yeux, se plongeant dans les volutes embrumées de son esprit.
Le soleil. Il lui brulait la peau. Sa peau déjà séchée et brulée par le sel. Ça faisait mal quand il ouvrit les yeux. Les rayons de lumière vive l’agressaient. Il ne pouvait rien voir. Et lentement, progressivement seulement, il put discerner. Deviner, une couleur déjà. Le bleu. Le bleu azur d’un ciel épuré, un ciel d’été. Et au milieu de ce gigantesque vide, la fulgurance d’un soleil aux rayons assassins. Ses paupières collaient. Quelle vision… A la fois magique, et mystérieuse. D’ici, on semblait ne plus appartenir à rien. Plus de terre, ni d’océan. Juste une gigantesque couleur qui englobe tout, qui t’absorbe et qui t’unit. C’était ça, la première vision.
Deuxième sens, l’ouïe, qui se remettait péniblement en marche. Un bruit familier. Effrayant, et à la fois, étonnamment reposant. Le bruit de l’eau. Tchac. Tchac. L’eau qui claque contre le bois humide. Un silence trompeur. Les vaguelettes qui se font et se défont, parfois le bruit du vent, qui apporte sa bienvenue fraîcheur dans une chaleur étouffante. Et sinon, rien d’autre. Il aurait pu rester là des années, à juste écouter le bruit d’une mer calme. C’était familier. Ça le rassurait. Il connaissait ce bruit, il avait l’impression d’être né dedans, et qu’il l’avait accompagné durant toute sa vie. Comme une matrice auditive, une bulle. Quel calme… C’était beau. L’association du ciel et ce bruit ; ils lui semblaient être indissociables. Un tout unique, un paradis reposant, l’apothéose des sens.
Le toucher. Les mains qui frottaient, contre le bois sec. Un bois rugueux, qui avait déjà vu trop de passages. Une écharde qui se plantait dans son pouce. Aïe ! La douleur, il se souvint. On appelait ça, la douleur. Ses mains continuaient de courir le long des planches, à mesure qu’il retrouvait l’usage de ses muscles. Il voulait sentir chaque veine, chaque irrégularité de cette matière que l’on disait « vivante ». Elle n’avait rien de cela à cet instant. Elle était dure, peu accueillante. Chaude cependant, mais d’une chaleur sèche, absolument pas hospitalière. Il fit l’analogie entre le bruit des vagues sur le bois humide, et ses mains torturées par le bois sec ; un bateau. Ou plus vraisemblablement, une barque. Il pouvait sentir de petites gouttes d’eau s’immiscer dans ses cheveux quand une vague percutait l’embarcation. Il était donc allongé. Pourquoi ?
L’odorat revint. Le sel, les effluves de poisson et d’un océan profond. Au fur et à mesure, il retrouvait conscience de cet environnement. Océan. Quel joli mot. Ça lui semblait logique. Logique qu’il soit ici, et pas ailleurs. C’était un peu chez lui, il ne savait pas pourquoi. Il ne pouvait d’ailleurs penser à aucun autre endroit où il aurait pu être maintenant. « C’est là que je dois être », pensait-il. Il réussit à sentir sa propre odeur ; un peu trop forte, peut-être. Mais aucune importance. Le tableau se peignait, au fur et à mesure, coup de pinceau par coup de pinceau. Et enfin, enfin…
Le goût. Un goût tellement… particulier… Mais connu ; ça, il en était certain. Sa langue tournait et fouillait dans sa bouche, en quête de la réponse. Un goût inoubliable, qui collait au palais et affolait les sens. Ca y est ! Il eut un sourire ; il put le sentir par les rides de sa bouche qui s’étiraient, faisant craquer ses lèvres gercées par le soleil et la soif. Il se releva et cracha par-dessus bord.
Le goût du sang.
Enfin, reprise de conscience. Il porta la main derrière son crâne, et toucha ses cheveux imbibés d’un liquide poisseux. La plaie était encore vivace, mais pas très grave, visiblement. Il se tourna et se retourna. C’était bien une barque, c’était bien l’océan. Il se toucha le visage. C’était bien lui. Un début de barbe. Un nez en trompette. Il connaissait tout cela. Partout autour de lui, le bleu du ciel, le bleu de l’eau. Et ce soleil, toujours ce soleil qui l’aveuglait et l’asséchait. Soif. Il le savait ; surtout, ne pas boire l’eau de mer. Dans la barque, avec lui, un sac, et des rames. Un vieux sac de voyage, rapiécé, à moitié ouvert. Il le fouillait, avidement, en quête d’une gourde, de quelque chose. Des vêtements. Des objets étranges, colorés, sans intérêt. Pas de nourriture, pas d’eau. Il palpait son corps. A sa ceinture, une arme ; inintéressant. Un pistolet dans sa veste. Joli, mais inutile. Divers objets et accessoires ; une flute gravée. Pas d’eau. Pas de nourriture.
Tant pis. Il se rallongeait, c’était mieux ainsi. Il essayait vainement de se replonger dans la bulle de tranquillité qu’il venait de quitter. Ça ne marchait pas comme ça, malheureusement. La question heurta son esprit comme un navire heurte un roc.
« Qu’est-ce que je fous là ? »
Il se redressait. Portait une main à son menton pour se gratter. Il essayait de réfléchir ; ça faisait mal. Comme si on ne lui avait jamais appris. Il essayait, encore et encore de toutes ses forces de remettre ses souvenirs en place. Il ferma les yeux, se plongeant dans les volutes embrumées de son esprit.
Dernière édition par Nikolas Baeteman le Ven 15 Nov 2013 - 10:28, édité 4 fois