*Pff… Pff… Pff*
La respiration de Nikolas était saccadée. Voilà maintenant dix minutes qu’il courait à s’en exploser les poumons, pour être sûr de mettre un maximum de distance entre lui et l’immonde gargote où ses camarades et lui se battaient, quelques instants plus tôt. Lorsqu’il était sorti dans la ruelle, il s’était bien vite rendu compte que les Grognards ne l’avaient pas suivi. Nikolas avait longuement hésité à revenir pour les aider, mais son choix fut vite fait quand il vit ses deux compères maitrisés, et ce qui semblait être le supérieur des trois grosses brutes entrer dans la cuisine. A lui seul, il ne pouvait rien faire. Un seul de ces gars-là, c’était déjà un sacré morceau, alors quatre… La seule solution viable était de fuir, tant que c’était encore possible.
Il s’arrêta au coin d’une rue et se pencha en avant, mains sur les genoux, pour reprendre son souffle. Et quoi, maintenant ? *Réfléchis, Nikolas. Réfléchis.* Il était à peu près sûr que Scab et Balior n’étaient pas morts ; la Marine avait un sens du spectacle à peu près aussi développé que le sien, et préférait exécuter ses prisonniers en place publique plutôt que dans l’arrière sale d’une auberge de bas-étage. Et il savait aussi, que ces types connaissaient, au pire son visage, au mieux son apparence globale. Ils ne quitteraient certainement pas l’île avant de lui avoir mis le grappin dessus, et il était à peu près probable que les deux autres Grognards feraient de même. Nikolas enleva son manteau, et dévoila dans son dos un sac de voyage en tissu simple, complétement aplati, porté en bandoulière. Il le gardait toujours sur lui, pour une simple et bonne raison ; il voulait garder ses petites affaires avec lui, même déguisé. Il décrocha Menteuse de sa ceinture ; trop repérable ; et l’enroula dans son habit, avant de fourrer le tout dans le sac. Le chapeau aussi, trop visible, de même que le torchon ensanglanté à sa ceinture. Il décida malgré tout de conserver son mousquet, mais le dissimula dans son veston. Il débrailla un peu sa chemise, remonta ses manches, histoire de ne pas paraître trop propre sur lui (les gens trop bien habillés sont TOUJOURS suspects), et ébouriffa ses cheveux.
Il prit enfin une grande inspiration, passa la sangle de son sac autour de lui et repartit, en direction d’un quartier un peu plus fréquentable.
Sur le chemin, il réfléchissait, à toute allure. Que faire ? Quitter l’île ? Il avait bien un navire, mais impossible de le manœuvrer seul. De plus, il était à peu près sûr que ces salopards de Mouettes blindées n’allaient pas le lâcher aussi vite ; ils avaient déjà probablement dû lancer la procédure de recherche. Tous les navires en partance de l’île seraient fouillés, de fond en comble, chaque hôtel, pension ou troquet seraient placés sous haute surveillance également. Les entrées de la ville vers l’intérieur de l’île seraient probablement surveillées, elles aussi. Et Bliss était connue pour regorger de Marins… Non, il était définitivement bloqué ici. Tenter une sortie seul, et sans plan solide serait trop dangereux. Il repensa à ses camarades en cellule, et à tout ce qu’il venait de vivre, ces derniers jours. Etonnamment, cela lui semblait également impensable de repartir sans eux ; peut-être parce que Tournebroche était le seul à savoir comment retrouver les autres fragments de carte… Mais il y avait autre chose. Blackness et Tournebroche étaient, depuis le début de sa Nouvelle histoire, les deux seuls compagnons de route à qui il avait attaché un tant soit peu d’importance. Il ne se l’expliquait pas ; après tout, ils étaient juste deux vieux forbans, usés par les Mers, deux grandes gueules sans une once de discrétion ou de bonnes manières.
Mais avec eux, Nikolas se sentait… revigoré. Il sentait qu’avec ces deux insupportables loups de mers, il pourrait aller jusqu’au bout du Monde. Il avait été porté par leurs histoires invraisemblables, narrées lorsque les ultimes rayons de soleil effleuraient le sommet des vagues. Il riait de bon cœur à leurs injures éculées, à leur inconvenance systématique… A la gloutonnerie inimaginable de Blackness. A cette verve inattendue de la Cloque, quand il s’adressait à eux sous le nom de « Capitaines ! ».
Non. C’était dit. Il ne quitterait pas cette île sans eux.
Il s’était tellement perdu dans le flux de ses pensées, qu’il faillit ne pas entendre le bruit des bottes sur le pavé. Un claquement parfait, rythmé et régulier, de semelles qui heurtaient violemment le pavé à chaque mètre avancé, et qui s’approchait, inexorablement. Une patrouille de marine. Elle allait franchir le coin de la rue à tout instant. Baeteman courut devant lui, et s’engouffra dans un renfoncement un peu plus loin. La patrouille passa dans l’embranchement, mais ne bifurqua pas. Elle continua, droit devant, un pas après l’autre. Le musicien souffla un coup. Il était enfin sorti de ce quartier minable dans lequel il avait atterri. Il se trouvait maintenant au début de ce qui semblait être un quartier commerçant ; des échoppes commençaient à apparaitre de part et d’autres des rues, d’abord clairsemée, puis de plus en plus denses. Bientôt, alors que Nikolas naviguait dans ce nouvel environnement, les rues étaient littéralement couvertes de boutiques colorées, et le sol était battu par des dizaines, voire des centaines de citadins ou de touristes. L’endroit parfait pour se faire oublier. Il devait déjà être midi passé, et toutes ces émotions avaient creusé l’estomac de notre infortuné pirate ; il se décida donc à acheter un sandwich appétissant, repéré sur l’étal d’un vendeur de rue, et commença à méditer sur son approche pour récupérer ses compagnons et décamper de Bliss.
La respiration de Nikolas était saccadée. Voilà maintenant dix minutes qu’il courait à s’en exploser les poumons, pour être sûr de mettre un maximum de distance entre lui et l’immonde gargote où ses camarades et lui se battaient, quelques instants plus tôt. Lorsqu’il était sorti dans la ruelle, il s’était bien vite rendu compte que les Grognards ne l’avaient pas suivi. Nikolas avait longuement hésité à revenir pour les aider, mais son choix fut vite fait quand il vit ses deux compères maitrisés, et ce qui semblait être le supérieur des trois grosses brutes entrer dans la cuisine. A lui seul, il ne pouvait rien faire. Un seul de ces gars-là, c’était déjà un sacré morceau, alors quatre… La seule solution viable était de fuir, tant que c’était encore possible.
Il s’arrêta au coin d’une rue et se pencha en avant, mains sur les genoux, pour reprendre son souffle. Et quoi, maintenant ? *Réfléchis, Nikolas. Réfléchis.* Il était à peu près sûr que Scab et Balior n’étaient pas morts ; la Marine avait un sens du spectacle à peu près aussi développé que le sien, et préférait exécuter ses prisonniers en place publique plutôt que dans l’arrière sale d’une auberge de bas-étage. Et il savait aussi, que ces types connaissaient, au pire son visage, au mieux son apparence globale. Ils ne quitteraient certainement pas l’île avant de lui avoir mis le grappin dessus, et il était à peu près probable que les deux autres Grognards feraient de même. Nikolas enleva son manteau, et dévoila dans son dos un sac de voyage en tissu simple, complétement aplati, porté en bandoulière. Il le gardait toujours sur lui, pour une simple et bonne raison ; il voulait garder ses petites affaires avec lui, même déguisé. Il décrocha Menteuse de sa ceinture ; trop repérable ; et l’enroula dans son habit, avant de fourrer le tout dans le sac. Le chapeau aussi, trop visible, de même que le torchon ensanglanté à sa ceinture. Il décida malgré tout de conserver son mousquet, mais le dissimula dans son veston. Il débrailla un peu sa chemise, remonta ses manches, histoire de ne pas paraître trop propre sur lui (les gens trop bien habillés sont TOUJOURS suspects), et ébouriffa ses cheveux.
Il prit enfin une grande inspiration, passa la sangle de son sac autour de lui et repartit, en direction d’un quartier un peu plus fréquentable.
Sur le chemin, il réfléchissait, à toute allure. Que faire ? Quitter l’île ? Il avait bien un navire, mais impossible de le manœuvrer seul. De plus, il était à peu près sûr que ces salopards de Mouettes blindées n’allaient pas le lâcher aussi vite ; ils avaient déjà probablement dû lancer la procédure de recherche. Tous les navires en partance de l’île seraient fouillés, de fond en comble, chaque hôtel, pension ou troquet seraient placés sous haute surveillance également. Les entrées de la ville vers l’intérieur de l’île seraient probablement surveillées, elles aussi. Et Bliss était connue pour regorger de Marins… Non, il était définitivement bloqué ici. Tenter une sortie seul, et sans plan solide serait trop dangereux. Il repensa à ses camarades en cellule, et à tout ce qu’il venait de vivre, ces derniers jours. Etonnamment, cela lui semblait également impensable de repartir sans eux ; peut-être parce que Tournebroche était le seul à savoir comment retrouver les autres fragments de carte… Mais il y avait autre chose. Blackness et Tournebroche étaient, depuis le début de sa Nouvelle histoire, les deux seuls compagnons de route à qui il avait attaché un tant soit peu d’importance. Il ne se l’expliquait pas ; après tout, ils étaient juste deux vieux forbans, usés par les Mers, deux grandes gueules sans une once de discrétion ou de bonnes manières.
Mais avec eux, Nikolas se sentait… revigoré. Il sentait qu’avec ces deux insupportables loups de mers, il pourrait aller jusqu’au bout du Monde. Il avait été porté par leurs histoires invraisemblables, narrées lorsque les ultimes rayons de soleil effleuraient le sommet des vagues. Il riait de bon cœur à leurs injures éculées, à leur inconvenance systématique… A la gloutonnerie inimaginable de Blackness. A cette verve inattendue de la Cloque, quand il s’adressait à eux sous le nom de « Capitaines ! ».
Non. C’était dit. Il ne quitterait pas cette île sans eux.
Il s’était tellement perdu dans le flux de ses pensées, qu’il faillit ne pas entendre le bruit des bottes sur le pavé. Un claquement parfait, rythmé et régulier, de semelles qui heurtaient violemment le pavé à chaque mètre avancé, et qui s’approchait, inexorablement. Une patrouille de marine. Elle allait franchir le coin de la rue à tout instant. Baeteman courut devant lui, et s’engouffra dans un renfoncement un peu plus loin. La patrouille passa dans l’embranchement, mais ne bifurqua pas. Elle continua, droit devant, un pas après l’autre. Le musicien souffla un coup. Il était enfin sorti de ce quartier minable dans lequel il avait atterri. Il se trouvait maintenant au début de ce qui semblait être un quartier commerçant ; des échoppes commençaient à apparaitre de part et d’autres des rues, d’abord clairsemée, puis de plus en plus denses. Bientôt, alors que Nikolas naviguait dans ce nouvel environnement, les rues étaient littéralement couvertes de boutiques colorées, et le sol était battu par des dizaines, voire des centaines de citadins ou de touristes. L’endroit parfait pour se faire oublier. Il devait déjà être midi passé, et toutes ces émotions avaient creusé l’estomac de notre infortuné pirate ; il se décida donc à acheter un sandwich appétissant, repéré sur l’étal d’un vendeur de rue, et commença à méditer sur son approche pour récupérer ses compagnons et décamper de Bliss.