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Outil indépendant

    Rai n’avait même pas eu le temps de réagir. Mais pour la forme, au cas où il serait agité d’un quelconque besoin de m’empêcher d’accomplir l’action que je venais de m’imposer : je mis les voiles le plus rapidement possible sans demander mon reste. Je me doutais bien qu’il ne resterait pas dans les parages bien longtemps lui non plus.

    Ohara, était-ce donc possible que la Révolution s’y implante de plus en plus ? Aaah, décidément, cette île ne pouvait qu’être maudite. Pourtant, le Gouvernement Mondial s’était donné les moyens pour décourager tout un chacun par le passé.

    Mais c’était aussi un bastion … enviable, il le leur fallait, c’était un fait, ils ne pouvaient s’empêcher de le désirer. Tch. Que de raclures. Ils ne pouvaient donc pas s’empêcher de tenter d’entacher toutes les bases du Gouvernement Mondial ? Ne comprenaient-ils donc pas que sans nous, il n’y aurait rien ? Il n’y aurait qu’un vaste monde empli de conflits, sous-développés et où le seul mot liberté n’existerait que peu. Car sans notre force exécutoire, sans la crainte que nous inspirons, autant sur les mers que sur la terre, qui empêcherait réellement n’importe quel forban d’assouvir ses basses besognes ? Les milices de chaque île ? Non, trop occupée à guerroyer contre une ville, ou île, voisine voyons.

    Notre monde est civilisé, organisé, ne peuvent-ils pas comprendre que l’on doit pouvoir tout sacrifier pour maintenir cet équilibre ? Afin que chacun vive selon ses convictions … Tant qu’elles n’interfèrent pas avec les dictas du Gouvernement Mondial, bien sûr.

    Je n’ai jamais été convaincue que nous vivions dans une démocratie, mais en soi, je ne crois pas en ce système. Il faut de l’autorité, il faut se faire craindre, un chef, suprême, pour inquiéter tous les autres, et peu importe que cette souveraineté soit détenue par un groupuscule fort restreint d’individus ou par un seul homme. L’idée essentielle est qu’ils s’y sont imposés à cette place, que le peuple le veuille ou non. Mais face à tant de disparités, comment pourrions-nous contenter tout le monde ? Est-ce que nous nous y essayons ? Je n’en sais rien, et je n’en ai en réalité que faire. Le Gouvernement Mondial est mon employeur, mon gagne-pain, mais aussi l’utile levier à mon développement et pour atteindre mon but.

    Nul ne doit le connaître, traitresse ? Non, absolument pas. Je crois réellement en l’utilité du Gouvernement Mondial, mais je ne crois pas en l’absolue intégrité de tous ses agents. Suis-je la pour satisfaire une vengeance ? Non, du tout. Le Cipher Pol est réellement ce que je veux faire depuis longtemps, j’y ai sacrifié toute ma personne pour les intégrer. Et je ne le regrette pas du tout.

    Mais c’est un fort heureux concours de circonstances que je puisse aussi y satisfaire un engagement se faisant chaque année plus vieux.

    Je gratte légèrement mon cache-œil, comme si mon organe me démangeait encore, c’était impossible évidemment. Mais il paraissait que c’était une chose qui arrivait aussi aux amputés, c’était en quelque sorte mon cas, même si un œil n’était pas ce que l’on grattait habituellement.

    Je finis tout de même par me sortir de mes pensées, secouant un peu la tête, je ne tardais pas trop à rallumer ma pipe, laissant pendre la miniature de lanterne au bout de celle-ci, refermant bien ma gabardine, je ne voulais qu’une chose : disparaître, dans les ombres.

    Et la nuit arrivait, la nuit … élément de prédilection de tout membre du Cipher Pol. Disparaître, ne pas avoir d’existence, aucun passé, aucun avenir. Nous ne sommes que des outils.

    Mais il arrive qu’un outil puisse se décider d’agir, de lui-même. Il se peut que l’outil soit imparfait, mais est-ce que cette forme d’imperfection, les sentiments, n’est pas en soi le carburant même de toute action grandiloquente ? C’était ce dont je tâchais de me convaincre. Mais je savais que lorsque je prenais les choses trop à cœur, j’avais une sacrée tendance à stagner, et à diminuer grandement mes partenaires.

    Un petit souffle au cœur, il rate un battement, je respire plus profondément, m’étouffant légèrement avec mon tabac.

    La nuit est là, tout comme la porte du Gouverneur d’Hinu Town.



      Toc, Toc, Toc

      Trois coups décidés, vifs, sans pour autant se montrer trop agressive. La nuit est tombée, pourtant je vois bien que la demeure du Gouverneur est toujours illuminée à certains étages. Visiblement, le travail de gouverneur n’est pas de tout repos.

      Krriiiiiiiiik

      La porte s’ouvre, dans un bruit qui me fait crisser les dents, très lentement, je me demande bien quel est la raison de ce bruit des plus ignobles, sur une bâtisse aussi bien entretenue. Un marin se place dans l’encadrement de la porte, me toisant de toute sa hauteur, ses narines retroussées, je ne semblais qu’être une quantité négligeable qui parvenait tout de même à être des plus dérangeante.

      Cet homme ne m’inspirait aucun respect, raison pour laquelle je ne m’attardai même pas sur lui, me contentant de le bousculer sans violence tout en lui indiquant mon insigne du Cipher Pol.

      Ses collègues, plus intelligents, se décrispèrent quelque peu, bien que leur professionnalisme les influence à rester tout de même sur leur garde, juste au cas où.

      « Quelle est la raison de votre venue ?  »

      Le surveillant frustré, naturellement. Sans doute mon style ne concorde-t-il que peu à celui d’un agent du gouvernement, peut-être surtout, trouve-t-il cela bizarre de ne pas avoir été prévenu de ma venue. Et sans doute bien d’autres raisons peuvent bien lui tarauder l’esprit et lui donner envie de me refuser l’accès.

      Mais je m’en moque bien, je ne comptais pas me laisser stopper par de la vulgaire piétaille.

      « Pour parler au gouverneur, évidemment. »

      « Comme beaucoup d’autres … Arrêtez-vous … »

      « Ne me touchez pas … »

      « Vous pensez pouvoir me donner un ord… Ahhhhhh la cat*n. »

      Cette main qu’il avait osé poser sur mon épaule se vît décorer d’une dizaine de petites aiguilles, mon mouvement avait été rapide, fluide. Son cri, net, distinct. Il se recula rapidement, ses collègues se trouvant tout à coup bien moins rassurés par ma présence.

      « Voilà un spectacle bien amusant. »

      La voix me fait monter la tête jusqu’au-dessus des marches, en direction du balcon stylisé sur lequel se tient droit comme un « i » un homme assez bedonnant et d’un âge certain. Ses yeux austères me lardent.

      « Messieurs Messieurs, ce n’est qu’une femme voyons … Pas la peine d’en faire autant de raffut. »

      Petite pique qui semble détendre l’atmosphère, les corps se décrispent, les armes se rabaissent tandis que le misérable marine ne sait que faire avec sa main, entreprenant déjà à douloureusement extraire les aiguilles qui y sont plantées.

      « Monsieur … »

      « Taisez-vous plutôt et rejoignez-moi, quoi que vous vouliez de moi. »

      Bien.

        « Que pensiez-vous faire concrètement ? »

        « Venir vous parler, juste qu’il s’… »

        « En blessant mes hommes je suppose ? Etes-vous idiote ? Qui êtes-vous concrètement ? Votre petite insigne ne m’impressionne pas du tout. J’en ai connu des agents tels que vous, bien trop sûr d’eux, vous n’êtes encore qu’une débutante.

        Alors, je me répète : que pensiez-vous faire ?! Ne vous a-t-on pris les règles de base de la courtoisie ? Je vous prie de croire que votre hiérarchie sera mise au parfum de votre agressivité ! C’est honteux ! Vous avez de la chance que je ne veuille pas entacher la réputation des Cipher Pol, sinon je les aurais sommés de vous mettre dehors.

        Alors, que vous voulez-vous de moi ? »


        « Votre réseau, gouverneur Helneschokv. »

        Je bouillonnais intérieurement, je ne supportais déjà que peu me faire souffler dans les bronches. Mais encore moins lorsqu’il s’agissait d’un homme tel que lui. Pourtant, je venais de faire abstraction de tout cela, ma réponse avait claqué, simplement. Comme si je considérais cela comme un dû. Je ne comptais pas me laisser démonter par ce Gouverneur, aussi génialissime fut-il.

        J’avais susurré son titre, toujours debout, droite comme un « i », ma gabardine bien fermée, devant son bureau. C’était comme une moquerie, après tout, déjà le Cipher Pol 7 n’était qu’une vaste blague à mon sens, il ne s’agissait pour peu que d’une bande de nounous de luxe qui pensaient tenir l’équilibre du monde au creux de leur main.

        Alors comment pouvait-il oser ainsi me diminuer ? Pensait-il qu’il s’agissait d’un privilège dû à son passé de majordome ? Qu’il détenait l’expérience via à son âge ?

        Tch.

        « … Est-ce une blague ? … »

        Il venait d’avoir assez bien de mal à s’en remettre de celle-là. Mon œil se rivant sur lui, je le transperçais de mon regard le plus désagréable que je pouvais faire. Pourtant, il ne semblait pas en être plus perturbé que cela.

        Edouard frappa la table du plat de sa main, se levant par la même occasion, se penchant vers moi, son visage était à quelques centimètres du mien. Nous nous confrontons en cet instant, dans une opposition assez profonde : l’homme respectable face à la femme à l’allure plus que douteuse.

        « Pensez-vous vraiment que je pourrais seulement vous y donnez accès ? Il s’agit de mon bijou ! Jamais je ne laisserais une personne telle que vous y mettre son nez ! Vous allez tout saccager ! Même une simple information, je doute que j’aie l’envie de vous en faire part ! Que voudriez-vous en faire d’ailleurs ?! Vous n’avez qu’à aller vous acoquiner avec ce salopard de Gilles ! »

        Il se rassit, le ton était monté, assez rapidement même. Il semblait fort protecteur avec son petit bijou, et on sentait bien une certaine pointe de jalousie lorsqu’il évoqua le nom de Gilles. Pourtant, je restais de marbre face à ce répondant. Il ne m’avait pas à la bonne, c’était le moins que je puisse dire. Et bien, il allait tout de même bien devoir faire avec.

        « Sachez qu’un agent du Cipher Pol 5 a été assez lourdement touché, lors d’un combat contre un révolutionnaire aujourd’hui. Vous avez dû être tenu au courant de la chose. Le révolutionnaire l’a vaincu, j’ai réussi à le mettre en fuite, mais rien de plus.

        Pensez-vous que je devrais en faire part au Gouvernement ? La situation ne m’a pas réellement l’air sous contrôle. C’est tout de même un peu étrange, il ne s’agit pourtant pas d’une île à risque. »


        Je le toisais, ma voix était celle d’un automate, dénuée de tout émotion, c’était comme si je faisais un rapport. En soi, c’était un peu le cas, ce Gouverneur était au-dessus de moi dans la hiérarchie et mon objectif principal était de tout de manière de le prévenir de la menace.

        « Alors voyez-vous, je souhaite fortement remettre la main sur ce El Corazone. Ce révolutionnaire est assez puissant, Gouverneur. Je doute que vous sachiez faire quoi que ce soit face à lui, il risquerait de faire plus de dégâts aux troupes en garnison qu’autre chose.

        Mais je suis là, pour ça. Pour cela seulement, il me faut l’aide de votre réseau afin de pouvoir remettre la main dessus.

        Qui mieux que vos agents pourraient donc trouver un révolutionnaire du cru ? Je pense que la maladie a suffisamment proliférer sur cette île, je compte bien m’en occuper. »


        Edouard n’était pas le genre d’homme à se laisser impressionner pour autant. Pourtant, j’y mettais du mien pour un peu l’inquiéter, la seule chose que je réussis à récolter fut un visage très fermé. Mais n’était-ce pas là typiquement le masque que toute personne ne se construisait pour se cacher derrière dès que la situation devenait dérangeante ?

        « Pensez-vous que je vais réellement vous croire sur parole ? »

        Mon visage se renfrogne immédiatement, serait-il donc le genre soupçonneux à ce point ? Sans doute oui.

        « Mais j’accepte … De vous mettre à l’épreuve ! Si vous parvenez à régler ce problème, je pourrais fort bien m’attarder sur votre cas ! »

        La balle est dans mon camp, tout comme cette enveloppe à l’allure fort sombre.