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Devoir, pouvoir, vouloir

    Il s'appelait Sazlado. Ni plus ni moins. Les quelques fois où le protocole prenait le pas sur l'habitude, nous avions été choqués par ce titre d'« Agent Chef Instructeur ». Qui était-ce, ce chef ? Nous, nous ne connaissions que Sazlado. Il n'avait même pas de surnom, comme on aurait pu s'y attendre d'un instructeur : Sazlado-fais-moi-dix-pompes ou encore, Sazlado-le-fourbe. Il n'était rien de tout ça. Rien ne le définissait mieux que Sazlado.
    C'était une tradition quasi séculaire que d'obliger les bizuts à s'infiltrer dans les bureaux du chef pour se procurer son dossier. Notre promotion, comme toutes celles avant la notre, et celles après nous, échoua lamentablement. A se demander s'il avait un dossier, pour commencer. Il était, et resterait, Sazlado.

    Je pourrais vous le décrire, avec profusion d'adjectifs et même quelques superlatifs. Mais à quoi bon ? Il n'était qu'un homme parmi des centaines, une âme qui avait  à un moment donné partagé notre vie.... à qui nous la devions, pour être plus précis, et plus d'une fois. Nous n'avions en fait rien de plus à son égard ; de la reconnaissance pour le mieux. Rarement nous pensions à Sazlado qui, journée après journée, heure après heure, nous avait appris l'art du combat et plus précisément, l'art du rokushiki. Il avait été un outil, et telle une cuillère, nous n'y prêtions pas plus d'importance, maintenant que nous n'étions plus un bébé pour qui le maniement de cet étrange ustensile nous paraissait un obstacle quasi insurmontable et nécessitait un effort réel de concentration. Les mouvements nous venaient naturellement.... et personne ne pense jamais à la cuiller ou à la main qui la porte. Alors, pourquoi penserions-nous à Sazlado ?
    Il n'habitait même pas les murs de nos mémoires, alors que nous nous rappelions avec un mélange d'émotions nos classes d'agent CP en formation, affectés à Logue Town. Nous pouvions visualiser le commandant, le chef de dortoir ou la cuisinière avec un détail poignant, selon que nous les avions aimé, haï ou dragué. Sazlado n'évoquait rien. Il était comme transparent.

    Bien sûr, moi, j'étais différente. Ne fallait-il pas que je me démarquasse à chaque et possible occasion ?
    Bon je l'admets bien volontiers, il n'occupait pas le centre de mes pensées. Loin de là. Mais il n'était pas ce fantôme hantant les couloirs de la mémoire. …. en fait, il ne l'était plus. J'avoue que je l'avais moi aussi classé dans cette catégorie de personnes que je ne pensais plus jamais revoir. Comme quoi, le destin a de ses façons de vous faire amèrement regretter les décisions butées de votre jeunesse.
    Mais lorsque je me forçais à évoquer sa mémoire, je me souvenais de lui clairement. En particulier du désespoir dans lequel je l'avais presque plongé, alors qu'il tentait de m'enseigner ce que je refusais farouchement d'apprendre. Autant dire que mon retour sur les bancs de l'école s'annonçait tumultueux... Car il allait sans dire que je n'irais pas en tant que suppliante. A s'en demander si je n'en étais pas à me persuader que c'était une faveur que je lui faisais, que d'accepter de le reprendre en tant que professeur, lui qui avait échoué à me faire comprendre et apprendre. Ça, c'était la Shaïness capricieuse et ambitieuse. Celle que j'avais incontestablement été à un moment de ma vie. Peste, persuadée qu'elle devait se battre contre tous et tout et n'importe quoi pour s'affirmer, et qu'elle ne pouvait vivre que dans l'opposition aux valeurs et traditions... sans comprendre alors que cet élan de rébellion était dans l'ordre des choses.
    Bon, avec moi, la moindre chose prenait justement des proportions disproportionnées. Ma crise d'adolescence m'avait poussée à tourner le dos à absolument tout ce que j'étais et avais appris, sans pour autant vouloir renoncer à tous les avantages qui venaient avec. Dans le genre contradictoire, j'avais fait fort.

    Quand j'avais pris la décision de devenir un agent assermenté du Cipher Pol, et non pas une anonyme en noir parmi tous les autres, ça avait été par curiosité : savoir jusqu'où je pouvais aller avec mon intelligence et mon petit caractère, des éléments en moi très peu cultivés jusqu'alors. En effet, en tant que « dame de la bonne société », mon instinct et ma capacité à traiter plusieurs dossiers sensibles en même temps importaient peu. A l'inverse ma beauté et ma compétence à organiser une tea party, à savoir engager et soutenir une conversation des plus niaises avaient toujours été mises en avance. J'aurais pu être bête comme un cul de pékinois que ma popularité n'aurait pas plus changé que ça.
    Je ne pensais pas vraiment que j'allais rester, et faire carrière. Enfin, une sorte de carrière. Enfin, la carrière qu'il me serait possible d'avoir, moi l'ancienne poupée de salon. Finalement, mon engagement révolutionnaire avait tu dans l’œuf tout désir réel de progression, si ce n'était la nécessité de faire « comme si ».
    Aussi je n'avais pas vraiment pris au sérieux l'entraînement rokushiki, même alors que je n'avais pas encore été « corrompu par les idéaux abolitionnistes ». Bien trop agressif à mon goût. Bien trop barbare, manquant singulièrement de classe. Ah ! Ce que j'avais pu être idiote. Une naïve petite dinde qui pensait pouvoir régler les problèmes de ce monde à coups de discours moralisateurs et de talons aiguilles. Cela faisait désormais quelques années que je crapahutais dans les pénombres de notre Existence, et j'avais appris, de la plus dure façon qu'il fut, qu'il est avant tout question de manger ou être mangée. Or, je ne doutais pas que j'étais des plus délicieuse, ce qui faisait que j'avais un certain talent pour m'attirer des ennuis. Non, cela n'avait ab-so-lu-ment rien à voir avec mes activités de dessous le manteau !

    Mon retour à Logue Town se présentait sous des auspices favorables.  Je quittai Goa en proie à la révolte et nul doute que bientôt, j'apprendrai que le gouvernement tyrannique de cette monarchie de terreur avait été remplacée par un compromis de monarchie parlementaire... voir république, selon le devenir du Petit Prince. De mon côté, j'avais joué mon rôle et ma participation à ce qui ne pouvait être qu'un succès alimentait ma détermination. Depuis quelques temps, le destin semblait tourner en ma faveur, et j'entrevoyais l'espoir de pouvoir bientôt décider de mon propre destin.

    Et dire que cela voulait dire repasser entre les mains de Sazlado.
    Je ne me l'imaginais pas vraiment mauvais au point de me refuser cette seconde cession d'entraînement. Mais se moquer, se venger par des remarques aussi acides que pernicieuses, ça... En tous les cas, ça serait comme ça que je réagirais. Comme si cela allait surprendre quelqu'un si je disais avoir la vengeance mesquine. Mais que dire de Sazlado ? Au delà du devoir qu'un agent du gouvernement mondial, il y avait un homme, une âme, un cœur. Trois choses que j'avais, avec tant d'autres, piétiné allègrement. Oh, je pouvais me voiler la face et annoncer sans mentir que je n'étais sûrement pas la seule, la première ou la dernière à le prendre de haut, comme allant de soi, et autres qualificatifs peu honorables vis à vis son engagement de toutes les loyautés.
    Mais j'avais appris désormais comment une personne, une action, pouvait faire pencher la balance dans un sens ou l'autre. Ce n'était pas forcément perceptible au début, mais tout a une conséquence, et parfois, les retombées se font à un niveau bien plus lointain ou profond. Parfois il était trop tard pour changer quoi ce fut, mais il arrivait de pouvoir donner une impulsion dans le sens qui arrangeait. A trop prévoir, cependant, on devenait incapable de suivre le mouvement des choses, et ça aussi, je l'avais compris. Il fallait à la fois contrôler tout en se laissant aller dans le sens du courant. Un exercice périlleux auquel je ne m'étais pas encore adonnée, ou alors avec un succès des plus modérés – doux euphémisme pour signifier l’inexistence la plus totale de résultat à ce niveau.
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    C'était idiot, de presque m'angoisser sur ce que Sazlado allait dire ou penser. L'un dans l'autre, je savais qu'il m'apprendrait ce que je voulais savoir : il n'avait pas le choix. Je lui étais supérieure en rang, et c'était son devoir que d'assister les agents au mieux de ses possibilités. Qu'il m'en gardât rancune après n'était pas non plus un souci. J'étais destinée à monter encore dans les gradins de la hiérarchie alors qu'il resterait encore et toujours Sazlado, jusqu'à ce que l’arthrite le rattrapât et l'obligeât à une retraire sûrement aussi morne que sa carrière.
    L'homme en lui-même m'était totalement indifférent. Certes, maintenant que j'étais adulte et moins... oh, prenez ce que vous voulez : niaise, capricieuse, imbue de moi-même... j'allais lui prêter le respect dû à tout à chacun. Mais de là à vouloir devenir son amie ? Ah, je n'étais l'amie de personne, si ce n'était de moi-même. Et encore, il m'arrivait de me détester.
    Pourquoi autant de remue-ménage mental, dans ce cas ? Quelle dimension avais-je inconsciemment donnée à cette rencontre ? Dans les faits, je devais me perfectionner dans les deux techniques manquantes à mon arsenal : le shigan et le rankyakun, deux attaques puissantes que j'avais pour le moment refuser d'apprendre. Était-ce donc cela : le fait de devoir avouer à Sazlado reviendrait à avouer à la terre entière que je m'étais trompée... chose que mon ego ne validerait donc pas ? Je me savais orgueilleuse – et bien souvent à juste titre – mais cette constatation me peina plus que je ne l'aurais pensé.


    Le voyage sur East Blue depuis Goa jusqu'à Logue Town fut assez calme, et donc propice à la réflexion. Ennuyeux serait le mot exact et laissée ainsi seule face à moi-même, je n'avais pas d'autre choix que de me confronter à mon pire ennemi : bibi. Autant dire que cela me faisait autant envie qu'une épilation à froid. Et donc, je fis ce que je savais faire de mieux : j'éludai la question, tournant autour du pot, et me trouvai in fine quelque chose de plus urgent à faire.



    La question était censée être plutôt être secrète et peu d'informations circulaient à son propos. Mais quand on s'appelle Shaïness Raven-Cooper et qu'on travaille pour le Cinquième Bureau, ces considérations prennent très rapidement une autre dimension. Celle d'une peau de chagrin, par exemple. Pourtant je n'avais pas grand chose à me mettre sous la dent, puisque la plupart des écrits insistait sur le fait qu'il s'agissait là d'une force intérieure répondant à la volonté et la force d'esprit de son possesseur.
    Volonté et force d'esprit.
    Chez moi.
    Moi qui venais de décider que penser à Sazlado me donnait un mal de tête et qui, tel un papillon butinant une fleur ou l'autre au grès du vent, était passé à autre chose.

    Autant dire que le Haki et moi ne semblions pas fait pour nous entendre.
    Pas vraiment.
    Autant dire que ce genre de défi à la con avait le don de piquer non pas ma curiosité, mais mon amour-propre... voir mon arrogance.

    Assise en tailleur sur le lit de ma couchette, je fermai les yeux et inspirai doucement, cherchant à atteindre un état de zenitude. Pour dialoguer avec soi-même, c'était conseillé. Tout bon bouquin de gare vous le dira. Je laissai la houle me bercer, reléguant au statut d'arrière-plan sonore les brouhaha des Marines et des machines...

    … et ce fut ainsi que je m'endormis plusieurs fois. Ce n'était pas un mal, mais pas forcément un bien. Au moins serais-je en forme à mon arrivée à Logue Town. J'étais censée revenir de vacances, autant paraître en forme. Mais cela ne résolvait pas mon petit problème de haki.

    La fois d'après, je gardai les yeux ouverts, fixés sur un point sur le mur. Au lieu de me concentrer sur moi-même – un réel dommage, à mon sens – je me focalisai sur tout ce qui était extérieur à ma chambre. Les bruits, que j'essayai d'identifier le plus précisément possible : non pas seulement des pas, mais des pas du gars en charge des messages entre la cabine de communication et celle du capitaine. Les voix, de telle ou telle personne. Mes quatre autre sens m'étaient pour le moment inutiles : les odeurs ne me parvenaient qu'à travers mon parfum, et je ne pouvais ni toucher, ni goûter, puisque j'étais là, assise dans ma cabine.

    Je reconnus soudain une voix. Celle d'une jeune garçon en pleine mue, immanquable pour ses variations d'octaves. A travers les murs, je m'imaginais sa chevelure perpétuellement en bataille à cause du vent et ses boucles dorés qu'il ne réussira jamais à dompter – parole de fille – et je le visualisais que trop bien, avec son uniforme de mousse, balai à la main, alors qu'il allait nettoyer une nouvelle portion du navire. Des voix me parvenaient et si je ne me souvins pas des mots, je compris qu'il parlait avec un autre Marine de sa prochaine promotion qui impliquait, entre autre, une première prise en main d'un fusil. L’excitation dans sa voix était palpable. Ah, les garçons. Ce môme me faisait penser à mes frères, Angus en particulier. Mon aîné n'avait jamais rien tant voulu qu'être Marine. Le sang Cooper en lui était fort, alors que Jeremy et moi avions plus pris du côté Raven. Les voix s'éloignèrent, se séparèrent. Pourtant, je suivis le sifflotement de l'ado dégingandé par sa croissance, quasi squelette vivant. Je le sus donc en train de laver le pont avant, ce qui demanda à ce que l'eau de son seau soit changée trois fois. Je le vis aussi clairement que s'il était devant moi, en train de jouer avec son balais, comme si c'était un bâton de combat ou un fusil. J'étais avec lui, comme au-dessus de son épaule, alors qu'il sursautait en entendant des pas martiaux approcher, et je le suivis dans sa retraite précipitée dans les entresols, descendant une volée de marches, tournant à une intersection, saluant d'autres soldats, écopant d'une corvée de courir à la laverie pour prendre des serviettes propres. Je partageai sa matinée, ses ennuis et ses soupirs, ses rêves d'une vie héroïque alors qu'il pelait des patates jusqu'à en être dégoûté. Pour autant, cela ne l'empêcha pas d'engloutir avec quelque chose proche de la frénésie son assiette de viande en sauce.

    Je salivais et instinctivement je fermai la bouche pour commencer à mastiquer, m'attendant réellement à sentir l'onctuosité de la crème sur ma langue. Mais à part me la mordre – la langue – il n'y avait rien. La douleur et surtout la déception me firent l'effet d'une petite décharge, et je revins à moi, dans mon corps, comme si je l'avais quitté.
    Lorsque je voulus me lever, je réalisai que j'étais absolument ankylosée et non seulement je tombai à terre comme un sac de cucurbitacées, mais la douleur des muscles qui se réveillent fut couplée avec celles de courbatures. Comment ça, des courbatures ? Mais je venais de passer les deux dernières heures le cul sur ma couette !!! Si je devais avoir mal quelque part, ça serait à la tê---.
    Parfois, je me dis que je ne suis pas vraiment intelligente.
    Aussi avais-je commencé de penser qu'une migraine me vrillait les tempes.
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    Les jours passent et bientôt, demain est aujourd'hui, et sera hier. Finalement, j'avais arrêté de penser, d'imaginer, de faire un postulat sur chaque seconde qui me séparait de ce moment fatidique où de moi-même, je retournerai sur les sables de l'arène. Bon, les tapis du tatami, si vous voulez être pointilleux. Qui aurait cru, moi la première, que j'embrasserais la voie de la violence ? En étais-je arrivée au point de me renier, moi et toutes mes convictions ? A quoi bon vouloir se faire un avenir, viser le sommet, si on commençait par couper l'arbre à ras ? Ce sentiment d'échec me taraudait, et j'avais beau respirer plus facilement maintenant que j'avais identifié la source de mon malaise, cela ne l'avait pas dissipé. Me répéter que reconnaître ses torts était une chose magnifique, une preuve d'humilité qui convenait qu'aux meilleurs, ne me réjouissait pas plus que ça. Non décidément, modestie, simplicité et sagesse ne m'allaient pas au teint.
    Ou pas.
    Après tout, pourquoi refuser aussi catégoriquement que la Shaïness actuelle était la « bonne » version ? Oui, c'était très, très ennuyeux de se remettre encore et toujours en question. Mais je commençais à m'y faire. Ce n'était pas comme si j'étais perpétuellement en train de douter, de maudire, d'espérer ou autre. Juste.... que cela pouvait être fatiguant... Alors que j'étais tellement persuadée d'être sur la bonne voie. Ce va-et-vient m'épuisait et surtout m'irritait. Je m'irritais. Ne pouvais-je pas décider une bonne fois pour toute ? Mais non, je devais être insupportable au-delà de moi-même.



    Sazlado se contenta de hausser un sourcil interrogateur en me voyant entrer dans la salle d'entraînement. Si quelques jeunes ralentirent leurs gestes ou les arrêtèrent complètement pour dévisager l'étrangère que je n'étais plus vraiment – ils avaient eu le temps d'entendre parler de moi depuis mon arrivée !  - ils se reprirent bien vite.
    -  « Je viens apprendre les deux techniques qu'il manque à mon répertoire Rokushiki. Le Shigan et le Rankyaku. » J'aurais pu ajouter « pourriez-vous me les enseigner ». J'aurais pu. Mais je ne le fis pas. Si je savais une chose sur moi, c'était que de tous les changements possibles et imaginables, l'hypocrisie vaine ne serait jamais de mon répertoire. Bien sûr qu'il le pouvait. Bien sûr qu'il apprécierait une touche de politesse protocolaire. Depuis quand un agent CP se plie-t-il au protocole ? Je savais que c'était une erreur à ne pas faire. Pour le convaincre de m'enseigner quoi que ce fut, je devais lui prouver que j'avais changé et que j'étais digne des arts dont je demandais la maîtrise. Ou du moins, y aspirais. Non, en fait, exigeais. Voilà, une attitude de combattante pour des techniques très agressives. Ce n'était pas avec des sourires et des mots doux que je gagnerai ce combat là.

    Sur le plan physique, j'étais autrement plus aguerrie que lorsque je m'étais présentée la première fois, âgée à peine de 17 ans. J'étais capable maintenant d'exploits physiques bien au-delà des capacités lambda et depuis toujours, j'avais veillé à maintenir mon corps en parfait état de fonctionnement. C'était ainsi que j'avais survécu au BAN. La différence était que j'avais VOULU entrer dans le programme d'entraînement de la Marine d'élite, alors qu'actuellement que j'agissais que par DEVOIR. Devoir moral de savoir me protéger, devoir de devoir m'appliquer à me montrer la parfaite petite CP ambitieuse.

    Rien de ce que Sazlado me fit subir ne fut au point difficile que je voulus arrêter. Pourtant, je ne progressais pas. Les premiers jours, je fus capable de comprendre et appréhender les bases de chaque technique, mais je n'arrivais pas à les concrétiser. Mes coups manquaient de force, ou de précision. Parfois, mes lames de vents s’essoufflaient avant d'arriver à la cible et mes balles de lumières clignotaient avant de s'éteindre comme des lucioles. C'était très beau, et pratique si je visais une carrière dans le show audio-visuel mais totalement inutile pour ma carrière au Cinquième Bureau. Pas même une once de prestige.

    - « Je peux comprendre que tu ne veuilles toujours pas avoir à recourir à la force. C'est une attitude louable, que de croire que l'attaque n'est pas une solution. Mais imagine un pirate qui prend des otages et qui en a déjà tué. Laisseras-tu ce monstre ravir encore des vies ? Quelque part, n'est-ce pas un geste de paix que de mettre fin aux horreurs qu'il sème, qu'il fait subir?
    Je savais tout ça. Et si je manquais d'inspiration, je n'avais qu'à me rappeler le peu que j'avais vu de Goa. De plus... je me savais totalement capable de tuer un homme. Je l'avais fait, et le referai demain, sans nul doute. Alors pourquoi hésitais-je autant devant les lames d'air et les balles-lumières ?

    J'en étais à me lamenter sur mon triste sort, pathétiquement alanguie sur mon canapé en train d'essayer de calmer une crampe au mollet, aidée par une bonne tasse de thé et la Gazette du jour, quand mes yeux réalisèrent enfin ce qu'ils décryptaient depuis la une.
    La tasse se renversa, le liquide ambré coulant jusqu'au tapis qu'il teinta de façon odieusement définitive, mais le reste du monde avait disparu. Il ne restait que les mots, ces horribles mots qui annonçaient une évasion d'Impel Down, la disparition de plusieurs détenus au profil aussi varié que dangereux – y compris Maya l'ex CP qui m'avait tout de même donné du fil à retordre – preuve flagrante de l'inefficacité du Gouvernement. Non seulement n'arrivait-il que difficilement à stopper les criminels mais aussi échouait à les garder sous verrous et désormais également à les faire suivre. Enfin ça, c'était à vérifier. Entre ce que l'état-major politique décidait et savait, et ce qu'il partageait avec la presse... ce n'était pas un gouffre ni un abîme, mais un trou noir qui séparaient les deux « notions ».
    Je m'attendais à quelque chose de sournois de la part du Gouvernement, mais je n'aurais jamais imaginé qu'il profiterait à ce point de cette « occasion » pour faire passer tant de restrictions et de permission que le terme de « loi martiale » s'imposa immédiatement à moi. Ah, c'était bien digne de cette pile de despotes avachis que de prendre un échec total de leur part et d'en faire le marche-pied de leur domination. Des alchimistes, à changer la merde en or. L'hypocrisie de cette caste, et la stupidité des gens, depuis les rois des gouvernements locaux jusqu'au moindre des péquins des Blues, à se laisser berner sans même penser à réfléchir à la portée réelle de la situation, me dégoûtaient.

    La haine brûlait dans mes veines, et mon estomac était comme une bombe à retardement. Si j'avais eu un mannequin d'entraînement à effigie de l'un des cinq vieux croûtons – enfin, quatre, Ike n'avait que quelques années de plus que moi – nul doute que je l'aurais pulvérisé en miettes.

    J'eus un hoquet méprisant à mon égard. Pendant que je larmoyais sur mon incapacité à me décider, le monde ne m'attendait pas. Il continuait de tourner, et il s'envoyait minutes après minutes encore plus profond dans ce bourbier. Je ne ne pouvais pas me permettre le luxe d'avoir des doutes ou des arrières-pensées. Ma propre lâcheté m'assaillit enfin : j'étais prête à sacrifier ma vie, parce qu'elle n'avait aucune valeur. Je m'employais à toujours me dévaloriser pour justifier que mon « sacrifice » ne serait une perte pour personne. Je suppose que j'avais fini par me prendre à mon propre jeu. Parce que j'étais encore, et en dépit de tout, une sale petite égoïste : si je commençais à croire en mes possibilités, à réellement devenir quelqu'un de pouvoir, je savais que je ne serais pas capable de me jeter au feu si nécessaire. Je m'aimerais bien trop pour ça. Alors, pour ne pas m'adorer, je me dévaluais. Ah, quelle grandeur d'esprit, quelle âme noble et... Ouais, non, je n'avais jamais eu rien de noble en moi. Justement, j'y aspirais et comme je savais que c'était comme faire passer un âne pour un étalon, je ne serais jamais une « grande dame », juste un zèbre peinturluré de rouge à lèvres et d'une bonne dose de culot.

    Peut-être était-ce ça, ma véritable nature profonde : une personne qui ne savait pas, et qui se caractérisait en plus par sa perpétuellement incertitude. Ignorante et hésitante, indécente et indécise. Bah, pourquoi pas. C'était toujours mieux que les miroirs aux alouettes que je semais derrière moi, comme autant de mues de serpent. Mais je refusais d'ajouter à la liste l'adjectif de « lâche ». Mon satané orgueil m'en empêchait. Pourquoi.... pourquoi ne pas en faire une qualité, de cette suffisance ? Hé quoi, je ne me sentais donc pas capable de m'améliorer suffisamment pour rester en vie ? Et bien voilà, mon arrogance me défiait de me faire mentir.
    Ceci était un éternel combat contre moi-même. Au bout du compte, je n'avais qu'à comprendre qu'il y aurait toujours, quelque soit le résultat, une perdante et une gagnante : moi.

    Autant dire que je maîtrisai les deux dernières techniques assez rapidement maintenant. J'avais pour moi ma connaissance des autres coups du rokushiki. La théorie n'était pas si différente. Chaque coup que je portais attaquait la forteresse de mon aveuglement. Bien entendu que tout en moi était faux, et construit sur des mauvaises bases, destinée que j'étais à toujours m'écrouler... car tout ça, ce n'était pas moi. Je ne pourrais être moi que lorsque j'en aurais fini avec ma tâche. Du coup, « me sacrifier » pour la révo.... oui, puisque tout cela n'était pas moi. Je n'étais pas papillon, j'étais phénix. J'allais laisser le brasier de la révolte me consumer, m’anéantir. Et je sortirai des flammes, nouvelle et purifiée. En attendant ce moment, je vivrai sous forme de cocon ou de chrysalide.
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