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Le bruit des morts.

Intimité.

C'est dans l'intimité que tout se passe. Dans la coulisse des lieux où l'on escorte trois prisonniers qui n'ont rien demandé depuis des jours. Dans leurs tenues crasseuses, ils piétinent pour marcher sur le sable. Des cailloux coupent leurs talons déjà usés. Les menottes marquent leurs poignets trop souvent brisés. Le vieillard manque de tomber. On le relève brusquement. Le plus jeune refuse d'avancer. Une claque le remet d'aplomb et on le pousse vers les marches. Il a peur. Et il pleure. Comme son vieux confrère qui souffre en silence. Sur ces trois visages, la terreur.

Le dernier ne pipe mot. Il ne peut rien dire face à l'inévitable.

Encore combien ? Demande un bourreau.
Quinze. Sûrement plus, répond l'autre.

Sur l'estrade, trois corps vivants mais plus vraiment, amaigris et souffrant d'avoir trop cru en l'avenir. Le visage bas, l'air penaud. Ils savent ce qui les attendent. Des jours noirs. Des jours sombres. Des jours vides.

On passe à côté d'eux. Un dernier visage vue avant qu'on ne mette un sac sur la tête. Un sac qui sent la transpiration, qui sent la mort. Et comme dernière vision du monde, le faciès glacial d'un gradé qui a hâte de finir son service. Un marin frôle leurs dos et passe autour de leurs cous une corde. On sert soigneusement. Le plus jeune se plaint que ça lui fait mal. Le plus vieux dit qu'il ne sent rien et supplie de retourner dans sa prison. Le dernier se tait.

Ils sentent autour d'eux les mouvements d'un homme. D'un homme bien portant et bien habillés. Un homme qui fête l’événement sûrement. Le plus jeune pleure de plus belle lorsqu'il entend le discours qui sort de la bouche de son bourreau. Lorsqu'il comprend qu'il n'y a plus d'issue.

Vos amis. Vos frères. Sont responsables de vos morts. Blâmez les eux plutôt que nous, car leurs actes vous ont amenés plus vite à la potence. Dites leurs : pour chaque marine tué, trois des leurs tomberont sous nos lames.

Le vieux inspire un bon coup.

Vous êtes une ligne sur un message.

Le jeune lâche un dernier soupir.

Bon voyage.

Le dernier rit de bon cœur.

Le levier s'abaisse et les corps chutent brutalement dans le vide. Un craquement sinistre se fait entendre quand la nuque se brise et se détache du reste du corps. Quelques derniers spasmes pour l'un, souffle rauque pour l'autre, le silence tombe ensuite comme une chape de plomb sur les épaules de tous. Des regards vides, des yeux révulsés et accusateurs. Quelques uns ferment les yeux pour ne pas regarder la mort en face. D'autres savourent ce moment froidement.

Le balancement des corps fait frémir les cordes qui les retiennent.

Dans ce silence de plomb, un ordre tonne.

Et quelques jours plus tard, les trois cadavres pendent à l'entrée de l'île. Et pour accompagner l'image, un panneau qui annonce la couleur, comme un avertissement de cette guerre qui va bouleverser le monde :

Révolutionnaires...

Vous êtes prévenus
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