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En guise de salut et de stèle

C'est pour toi que je souhaite écrire ces lignes.

Toi, qui ne vit plus et que tout le monde a fini par oublier. C'est facile d'oublier, il est encore plus simple d'ignorer ce qui nous dérange et de faire semblant, comme si on était d'accord. On supporte en silence. On se dit que tout va bien, on se rassure soi-même. Oui, oui, tout est tranquille. Moi, mes voisins, les habitants de la ville et la cité. Et on laisse notre regard glisser sur ce qui ne va pas. Tous ces détails qui nous dégoûtent.

Puis, un jour, il y a quelque chose qui remet tout en cause. La mort d’un proche, une querelle familiale… Un évènement auquel on n’est pas préparé. Et la tempête commence. Plus rien n’est clair, tout est flou.
On s’emmêle les pinceaux, on se prend les pieds dans le tapis, on rate la marche et on s’écrase le nez contre le sol. Bam. Un mur qu’on pense pas rencontrer un jour ou l’autre. Un imprévu, un engrenage qui bloque tout. Le bruit des machines se tait, l’ambiance lugubre remplit un endroit qui devrait être bouillonant de vie.

Le silence des disparus.

Et la douleur des proches.

J'ai pas l'habitude de prendre la plume. Ça doit être la première fois d'ailleurs. Mais, vous, vous en valez la peine. Vous, qu'on a oubliés. Jetés dans le Styx et le passé. Je ne suis pas bien douée pour écrire non plus.

À toi, et à vous, qui n'avez pas de pierre ni de fleurs. À vous, les disparus, les inconnus, les anonymes, à vous, les morts dont on ne s'occcupe plus. On a juste voulu vous effacer. Comme on a effacé ma sœur.

Heureusement que je ne t'ai pas oubliée, hein, Misuzune ? Grâce à ça, t'es toujours là.

Je le sais.

Je le sens.

Je le vois.

Quand je ne vais pas bien, quand les ténèbres se rapprochent, que tout commence à devenir noir, il y a ta voix qui me repêche. Et tu m'apaises tant bien que mal. Mais tu ne devrais pas. Pourquoi t'es pas là-bas ? Tu sais bien. Là-bas. Un grand pays plat, balayé par le vent, où le soleil ne se couche jamais. Une lande où la paix règne vraiment. Au lieu de rester avec moi et de me faire la morale. Je peux me débrouiller seule.

C'est aussi pour toi que j'écris ça. Pour te dire à quel point je suis désolée. Désolée de ne pas t'écouter. Désolée d'avoir toujours des regrets. Désolée d'être aussi stupide par moments. C'est un hommage, tout comme il s’agit d’une lettre d'excuse en même temps. Qu'on n'oublie pas qui étaient les disparus comme toi. Et qu'on s'excuse des torts que nous vous causons.
Ça y est. Je crois que j'ai déballé tout mon sac. Je vais reposer le crayon que j'ai utilisé avec maladresse et hésitation. Ouais, pas facile d'utiliser quelque chose d'aussi petit et fragile qu'une plume, alors que l'on veut prouver au monde qu'on est forte, qu'on porte notrre fardeau avec fierté.

Je vais ranger la feuille dans une bouteille. C'est pas ce qui manque chez moi. Je m'en débarrasse bien comme ça, va.

Bon. Repose en paix surtout. C'est un bien triste adieu. Il le faut bien. Trop d'oubliés n'ont pas eu droit à leur stèle. Maintenant, tu l'as. Et personne ne l'ouvrira, à moins qu'il ne veuille découvrir le dernier salut d'une morte. J'avais besoin de poser tout ça. C'est vachement plus clair d'un coup. Allez. Je vais rajouter quelques brins de fleurs avec, et les flots pourront emporter ta sépulture. On aura bouclé cette histoire, la mer se souviendra toujours de toi en plus.


H.
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Ramassée ici

Frangin,

Toi non plus, tu n'as pas eu de stèle. Tu n'en aurais pas voulu. Tu as toujours été du genre libre, à partir braver les lois du vide et de l'ordre social comme un acrobate au drapeau noir, libre comme le vent dans un filet. Dans la peur, le danger, la mort, tu débordais de tous les côtés. Tu riais face à l'absurde, tu riais de ton rire d'enfant, jamais la douleur n'a été ta fin, le signe de ton anéantissement dans le chaos. J'ai jamais arrêté de d'entendre rire, c'est pas vrai, on t'a pas tous oublié. Moi, je pense à toi tous les jours. Pas qu'au moment où je t'ai vu partir, pas qu'au moment où on t'a brulé pour récupérer tes cendres, et les jeter dans la mer poignées après poignées, comme si on avait pas envie de te perdre tout d'un coup ; comme si on pensait que cette poussière d'os et de chair, elle avait encore quelque chose de tes yeux, de ta voix, de ton amour.

Une poignée pour le grand frère, une poignée pour la petite sœur ; une pour toi, une pour moi.

Les mains plongées dans l'urne, j'oublierai jamais ça. Un pot en terre cuite qui avait servit à transporter des céréales de Fushia. Des graines, de la semence, de la nourriture pour vivre. Pas un endroit pour que la mort s'installe. C'est pour ça qu'on a préféré te laisser partir. Aimé aimait pas l'idée de te faire face à chaque fois qu'il rentrerait dans la cabane ; moi, j'aimais bien l'idée de te savoir présent un peu partout, tout en sachant que tu serais plus jamais nulle part.

Mais ça, tout ça, c'est rien. En te perdant, je me suis perdue moi-même. J'ai perdu les deux illusions et demies auxquelles je voulais bien croire un peu, malgré l'horreur sordide du Grey T. J'ai cessé d'être digne dès lors que j'ai été vraiment seule ; abandonné l'image de princesse que tu m'avais aidée à imaginer à mon propos, je me suis faite pute, garce, puis tueuse. C'est dur d'avancer dans le néant sans racines et sans ciel ; on est esclave de nous-même et de tout ce que le monde veut bien nous faire. J'ai pas perdu mes rails parce que c'était toi le cheminot ; j'ai perdu mes rails parce que tu étais un pur de cœur et que tu as du passer par les armes, la souffrance et la mort injuste à seulement onze ans, alors que le monde entier rêvait de toi. J'ai perdu ma route, j'ai tâté les murs dans l'ombre parce que ce que je prenais pour solide et éternel venait de s'effondrer.

Que ceux qui veulent à tout prix s'en sortir trouvent un jour moyen de le faire par la grande porte ; que rien ne soit impossible à quelqu'un qui attend énormément de la vie ; c'était ce que je croyais confusément dans mon cœur de gamine grandie sous l'ordure, mais élevée par les principes moraux du grand frère.

A tous les endeuillés, et à tous ceux qui cherchent encore la sortie ; à tous ceux qui sont en croisade contre le cosmos, en guerre contre la foule et en proie à leurs démons ; à tous ceux qui croient au plus profond d'eux-même que la vie vaut quand même la peine d'être vécue ; à la volonté de Dieu et à la rage sourde.

Et à toi, Grand Océan.

S. Porteflamme
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