Opération Maple


Résumé de l'épisode précédent:

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Boréa
Base de la Flotte du Réseau Ashura
Crescent Island, la presqu'île du Croissant Lunaire




Située à l'extrémité de la côte occidentale de Boréa, la presqu'île du Croissant Lunaire n'est vraiment connue que des aventuriers émérites et de quelques chasseurs-trappeurs. La péninsule a la réputation d'être sauvage, bordée de récifs qui rendent la navigation dans ses eaux particulièrement périlleuse. Sur la mince bande de terre en forme de croissant lunaire, d'où son nom, s'étend en grande partie une forêt boréale.

D'après l'Office Boréalin de Géographie, la presqu'île serait inhabitée depuis la Grande Déportation de 1550.




Dernière édition par Loth Reich le Mer 8 Avr 2015 - 13:01, édité 1 fois
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Silencieusement, telle une ombre, le minuscule voilier glissait sur l'eau à la faveur d'une légère brise. Il contourna la presqu'île du Croissant lunaire et l'aborda par son versant ouest là où s'étendait la forêt boréale. Heureusement qu'il était un peu plus de trois heures du matin, se dit Loth, autrement, ils auraient l'air bien étranges comme cela, quatre adultes agglutinés dans des positions inconfortables et improbables telles des sardines. Contorsionnés sur ce voilier de pêche, Loth, Tasiele Shan, Ludo Pall et Jonathan Nivel se firent silencieux tout au long de la traversée, la furtivité étant un point crucial de leur opération.
C'était d'ailleurs à cet effet qu'il avait envoyé en éclaireur une heure avant, le tueur à gages Avada Kedavra, "Bobcat" ou "Le lynx" de ses surnoms. Il avait pour mission de nettoyer la côte de ses patrouilleurs à pied et d'offrir un pied-à-terre sauf au reste du commando. Loth sut que sa mission avait été une réussite quand il vit se profiler à la pâle lueur d'un quartier de lune, la silhouette androgyne du tueur à gage qui se découpait derrière un noyer. Avada Kedavra aida à amarrer puis à tirer la barque sur la berge aux graviers glacés puis dans la forêt où ils la dissimulèrent sous des feuillages.

Une bourrasque hivernale s'éleva soudain obligea les membres du commando à relever le col de leur manteau. L'hiver Boréalin touchait à sa fin. Les chutes de neige s'étaient faites rares depuis quelques semaines déjà et les sols commençaient à dégeler. Une aubaine en somme pour Loth et ses comparses qui n'auraient pas à se soucier de laisser des traces dans la neige. En file indienne, sur les talons d'Avada, ils serpentèrent à travers la forêt pendant des dizaines de minutes. Le tueur connaissait sommairement les lieux, Loth aussi, ils avaient mis à profit les deux semaines passées à se relayer pour espionner et dresser une carte des lieux pendant que les autres restaient à Jalabert pour préparer la phase logistique de l'opération.
De ses quatre hommes, Avada était celui qui inspirait le plus confiance à Loth, sur la base de l'honneur. Jonathan Nivel lui paraissait instable et il le lui prouva plus d'une fois en mettant bruyamment en cause son plan trop discret et trop prudent à son goût. À l'en croire, il aurait suffi de débarquer dans la base et de tout faire péter à coup de dynamite. À l'occasion, Loth lui rappelait que c'était le genre de bêtise inconsidérée qui l'avait conduit au Ponton de Las Camp. De Ludo Pall et de Tasiele Shan, Loth ne savait rien sauf qu'ils étaient employés depuis un moment par la guilde des Usuriers.
Confiance ou pas, il logea tout le monde à la même enseigne, ou presque, quand vint l'heure de leur exposer son plan. Il les prit individuellement et leur exposa ce qu'il attendait d'eux, en précisant que les autres n'avaient pas à le savoir. Pour la réussite de la mission, justifiait-il, il était impératif que chacun n'en sache pas plus en dehors de sa tâche, au cas où l'un d'entre eux se faisait capturer. Il n'y avait aucun risque de vendre la mèche en intégralité, sous la torture ou volontairement.

Ils descendaient à présent une pente raide et rapide. Ils s'accrochaient souvent aux gros arbres aux troncs rugueux pour ralentir un minimum leur course. La forêt était plongée dans le noir, seulement éclairée par moment par la timide lune qui de temps à autre sortait de sa robe de nuages. En ces lieux précisément, il y a encore une semaine, une équipe de quatre hommes faisait la ronde par binôme. Leur absence signifiait qu'ils avaient été refroidis par le tueur et que leurs corps étaient à présent si bien caché que même un limier ne saurait les retrouver. Leur descente s'acheva à la lisière de la baie du Croissant lunaire d'où ils avaient une vision imprenable sur la base entière.
Malgré l'heure, elle était vivante. Des lumières provenant du port, de la petite bourgade de Cross un peu plus loin ou des lampadaires à huile le long des rues pavées scintillaient dans la nuit et jetaient sur l'eau des formes fantomatiques.

- Nous y sommes. Aucun mot supplémentaire n'est nécessaire, nous savons tous ce que nous avons à faire. Que la chance soit avec vous !

Sur ces mots austères, et sans chaleurs, ils se séparèrent comme des ombres dans cette incertitude temporelle qui séparait la nuit de l'aube.


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- Des petits pains, Maître ?

- S'il te plait.


L'ancêtre croqua un des petits pains au beurre et arrosa la mixture pâteuse dans sa bouche avec un thé au citron. Il apprécia la saveur de ce déjeuner un peu austère, mais qui seyait tellement bien au lieu qu'il occupait. Celle qui lui avait offert les petits pains revint portant un plateau regorgeant d'autres petits fours. Le vieux marine remarqua que malgré les graviers qui composaient ce jardin zen, son ex-discipline n'émettait aucun bruit en marchant dessus.

- Laisse tomber ces pâtisseries, fit le vieux Vice-amiral d'une voix rayée par l'âge. Je me suis déplacé de South Blue pour entendre moi-même ton rapport. Explique-moi ce qui s'est passé à Boréa. Explique-moi comment tu as pu faillir à ta mission.

- Héhé, c'est comme ça, ce sont des choses qui arrivent, Maître. Ce n'est pas la première mission que je ne mène pas à terme, ce ne sera pas la dernière. L'erreur fait partie intégrante de nos carrières à tous, et moi, d'erreur, j'en ai fait une petite série qui m'a éloignée de mon but. Et pourtant, j'avais toutes les cartes en main. J'avais comme alliée, la surprise.

- Tu ne sembles pas blasée, tu es même détachée. Je t'ai connue plus mauvaise perdante que ça. Et Ashura dans tout ça ?

- Je ne suis pas mauvaise perdante si j'échoue contre un adversaire de valeur. Je me suis bien amusée. Concernant Ashura, je crains d'avoir épuisé toutes les pistes que j'avais réunies. La base n'existe plus, tout y a cramé. Je suis aussi prête de me débarrasser d'Ashura que d'inventer des armes automatiques de défenses.


La femme brune aux cheveux parsemés de mèches bleutées et violacées regarda un point au-dessus de la tête de son maître. Un point loin vers l'horizon où se perdit son regard. Une dimension que ne pouvait atteindre le Vice-amiral Swiffer. Elle rassemblait ses souvenirs, elle les ordonnait. Et quand elle fut prête, elle débita son rapport.

- C'est donc sous vos ordres que je me suis rendue sur Boréa en début d'année. Une semaine avant la mort tragique du Colonel Earl Grey des mains d'Alrahyr Kaltershaft.

- Oui, ça fait plus de dix ans que dure la traque du réseau Ashura. Cette mafia empoisonne le climat et cause bien des révolutions sanglantes grâce à la Dance Powder. Bien des arrestations ont été faites, bien de cellules ont été démantelées, mais jamais on a pu remonter jusqu'au boss, ce Lavoisier. Un vrai fantôme dont personne ne semblait connaître le nom et le visage. Je suis le seul dans la marine à disposer de Dance Powder à des fins scientifiques. L'existence même de ce réseau était une insulte à mon travail. J'avais besoin de quelqu'un de confiance, car il me paraissait clair qu'il y avait un ripou dans notre système, un mec haut placé qui prévient Ashura des enquêtes le ciblant. J'ai donc décidé de lancer une investigation solo. Et je t'ai choisie, Midnight Bee.

- Infiltrer Ashura n'a pas été très compliqué, j'ai vite retrouvé la trace du réseau. Des traces, on en laisse toujours. Du moins, c'était ça ma conviction avant de m'attaquer à ce réseau. Ils avaient besoin de mains pour faire de la plonge et moi, j'étais une camée sans abri dans les ruelles de Lavallière. J'ai été recrutée par un minable local qui se prenait pour un caïd. J'ai vite compris que je n'allais pas avancer si je restais avec lui à faire sa vaisselle et celle des cinq hommes qu'il avait sous sa coupe. Du coup, je simulai une attaque de notre bateau -ils faisaient partie de l'équipe marketing et à ce titre voyageaient beaucoup- et les laissai à demi-morts. Le résultat était là, après mon appel au secours dans l'escargophone spécial qu'ils avaient sur eux, les gros bras arrivèrent et nous repêchèrent en mer à bord de cinq nefs armées jusqu'au nid-de-pie.

- Tu étais dans le ventre du dragon. Tu avais été recueillie par le saint des saints. La branche armée du réseau. C'était il y a un mois et c'est durant cette période que j'ai reçu ton avant-dernier rapport. Le suivant n'était pas plus exhaustif.
Les infos que tu m'as transmises ont permis le démantèlement de la cellule Raï à Oulgah-city, l'arrestation de Bobby Slice "Le chimiste des limbes" dans le port de Saint-Uréa où il disposait d'un bateau-laboratoire. Au total, grâce à toi, quatre cellules et près d'une centaine de membres du réseau ont été arrêtés. Un coup dur. Mais pas fatal.


- Non, parce qu'Ashura est comme une hydre dont les parties repoussent à chaque fois qu'on tente d'en élaguer une. Deux semaines après l'arrestation de Slice, j'ai appris l'évasion spectaculaire de Caecilia Schreiber, "La Peste", de sinistre mémoire. Un génocidaire qui utilise la chimie pour provoquer souffrance et hécatombe. L'arrestation de Slice a été immédiatement compensée par un individu plus néfaste encore. Voilà ce qu'est Ashura.
Il m'a paru limpide que pour me débarrasser du réseau, il fallait en couper les têtes. Et de tête, il y en avait une dans la base où j'ai été recueillie. Benjamin Levasseur, alias La Braise, un pirate jadis primé à 25 millions de Berry, et qui d'ailleurs était censé être mort. C'était lui, le chef militaire du réseau.


- Et donc, tu l'as interrogé ?

- Non, Maître. Après mûre réflexion, j'ai décidé d'attendre, il y avait d'autres pistes à explorer, d'autres ressources dans lesquelles puiser. Je ne voulais pas trahir ma couverture si tôt pour une idée qui ne serait finalement que vent, sans compter que Levasseur n'était pas né de la dernière pluie, il m'aurait été bien plus compliqué, voire impossible de le capturer sans grabuge. A contrario de ses lieutenants.
Comprenez que la branche armée du réseau est une véritable institution paramilitaire, avec des grades, des segmentations, tout ça. Des entraînements, des manœuvres, y en avait périodiquement. J'ai guetté des occasions de conflits avec des pirates, j'ai provoqué des accidents dans la base même, juste pour grappiller l'occasion de faire disparaître les plus fervents lieutenants de Levasseur. J'ai ainsi pu capturer trois lieutenants et une dizaine d'hommes de main. Bien sûr y a eu des enquêtes, des exécutions sommaires de suspects. La paranoïa était à son comble dans la base, mais nul ne m'a jamais soupçonné. En fait, j'ai fait de mon mieux pour capturer au moins un membre du maillon de commandement de la flotte, du simple nettoyeur, jusqu'à un lieutenant. Je les ai interrogés, jusqu'à la mort.


- Pour ça, je te fais confiance. Les eaux glacées du Styx ne suffiront pas à laver le sang sur tes mains. Terrible nymphe, toi qui as été surnommée, L'abeille du royaume des morts.
J'imagine qu'ils ont vite craché le morceau ?


- Certains ont tenu plus longtemps que d'autres. Mais oui, tout le monde a un seuil de rupture face à la douleur. L'un d'entre eux s'est mordu la langue pour s'étouffer avec, j'ai admiré son geste et sa loyauté, je l'ai porté en terre avec tout le respect dû à ses qualités. Des autres, j'ai tiré les infos que vous avez précité et qui ont permis la vague de démantèlement sans précédent. J'ai aussi appris qu'il existait une cellule de production de Dance Powder à Boréa dont le labo se trouvait quelque part près des mines de Boyettes. Je m'y suis rendue, j'ai découvert des ruines.

- Cela, tu le dois à l'agent du Cipher Pol Number 8, Björn Skullson. Il a éliminé la chimiste de cette cellule, une certaine Marry-Curry , connue elle aussi dans le métier. Il a dû recevoir une médaille pour ça, je crois, c'était du bon boulot, pour un débutant.

- Je veux bien vous croire. Mais en tout cas, il a ruiné la dernière chance que j'avais de remonter peut-être jusqu'à Lavoisier, parce que personne ne savait qui il était. Il avait si bien morcelé l'organisation du réseau qu'il était devenu une sorte de roi des fourmis à la tête de plusieurs fourmilières qui s'autoalimentaient, sans qu'il ait besoin d'intervenir. Avec la destruction de la cellule de Marry-Curry, c'en était fini de la production de Dance Powder à Boréa. Mais de cellules, le réseau en avait des dizaines d'autres un peu partout sur North Blue. Avec la fin de la production à Boréa, la flotte devint désœuvrée. Plus de poudre, plus de mission d'escorte de bateaux marchands.

- Je vois. Tu as donc retardé ton attaque sur La Braise pour grainer des infos complémentaires histoires de ne pas sacrifier ta couverture, mais tu te retrouvais au pied du mur et face à l'inconcevable vérité. Une seule personne dans cette base -la presqu'île du Croissant Lunaire quelque part près des côtes de Boréa, tu avais dit- avait des liens directs avec le Boss, et c'était Levasseur. Tu n'avais plus le choix, tu devais passer à l'assaut.
Mais tu ne l'as pas fait.


- Non, je ne l'ai pas fait,
reprit-elle en se servant du thé qu'elle but à petite dose, laissant un silence, seulement ponctué par les piaillements d'un merle, s'installer.
Même si je n'ai pas physiquement attaqué Levasseur, je l'ai surveillé. Vous savez, nul ne remarque une abeille qui butine. Je l'épiais pendant des heures chaque jour (je ne pouvais quand même pas rester coller à lui toute la journée, ma couverture exigeait certaines tâches). Après deux mois passés là, je peux vous dire qu'il n'est sorti de la base qu'une seule fois et c'était à l'occasion d'une manœuvre navale. Ma surveillance par escargophone espion n'a rien donné aussi. Soit Lavoisier et lui maintenaient leurs échanges à un strict minimum qui relevait de l'urgence absolue, soit je n'ai pas découvert le canal qui leur permettait de communiquer en toute sécurité.
Au moment où j'envisageais une confrontation frontale avec La Braise, j'ai intercepté de nouvelles informations. La base, d'ailleurs, était en effervescence, ça se voyait que quelque chose se tramait. Les entraînements redoublèrent avec une intensité que je n'avais jamais observée en deux mois. C'était incompréhensible, ces gens-là étaient désoeuvrés une semaine plus tôt. J'ai donc décidé d'attendre et d'en savoir plus sur les raisons de ce nouveau regain d'activité.


- Et des jours après, il y eut une importante livraison d'armes sur la presqu'île. Ce fut l'objet de ton dernier rapport. Tu as découvert le pot aux roses.

- La flotte et ses mille trois cents hommes s'entraînaient pour une opération d'envergure sur Boréa. Un coup d'état militaire était en préparation.
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Spoiler:


Loth se déplaçait rapidement le long d'un chemin bordé de sapins. Il faisait attention à ne pas attirer l'attention sur lui, il était habillé à la mode réglementaire des soldats d'Ashura. Une chemise et un pantalon mauve sous un manteau en peau de lièvre et la tête coiffée d'un Chapka à oreillettes baissées. Le blason à l'effigie d'une théière épinglé sur son torse signifiait qu'il appartenait à l'équipe de restauration et à ce titre, il pouvait aller à peu près n'importe où. Le lourd plateau vide en argent qu'il trimballait à bout de bras donnait le ton. Tout en marchant, il ne pouvait s'empêcher d'admirer le travail de la Lune Mauve, l'organisation, la discipline et structuration d'Ashura. Ce n'était pas des amateurs et Maximilian Nordin avait raison de les redouter. Selon toute vraisemblance, la branche armée du réseau qui n'aurait aucun mal à s'emparer de Boréa maintenant que la garnison des Marines, la seule de l'île n'était plus qu'un tas de gravats fumants.

Il salua d'un geste de la tête deux patrouilleurs qui passèrent en se racontant une blague rigolote oubliée depuis longtemps. Son objectif à lui se situait quelque part à Cross, la petite ville aménagée où logeaient les hommes de la flotte. Il était sorti de ses infiltrations hasardeuses des semaines passées qu'aujourd'hui, un peu avant l'aube, aurait lieu une réunion au sommet qui déciderait du plan final d'attaque sur Boréa.
Le plan de Loth était simple, il s'apprêtait à infiltrer l'équipe qui s'assurerait de la restauration des pontes de la flotte pendant qu'ils discuteraient de leur coup d'état et lui, Loth, laissera trainer ses oreilles...

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L'androgyne avançait difficilement à travers la forêt boréale. Son souffle devenait buée à chaque effort supplémentaire pour gagner en altitude. Sa mission, il se faisait une joie de la remplir. Quand le travail et plaisir coïncidaient, c'était pour le meilleur des résultats. Il s'arrêta tout à coup, et pointa son fusil de précision dans une direction où avaient remué des feuillages. Il attendit une minute puis continua son chemin, ses sens plus alertes que jamais. Il était plus probable qu'il s'agît d'un rongeur que d'un humain, il s'était employé à débarrasser la forêt de toute vie intelligente.
Il devait atteindre les positions les plus élevées de l'île de manière à couvrir tout le monde quand débutera la phase critique de l'opération dans deux heures. Sa mission était d'autant plus essentielle que tapi quelque part sur l'île se trouvait un tireur de talent, l'un des meilleurs de North Blue. Selon les informations de Loth, il officiait en tant que garde du corps de La Braise, le N°3 d'Ashura, le commandant de Crescent Island. Un garde du corps invisible et létal.

Il atteignit enfin une crête rocheuse dont il jugea la position idéale. De là, il avait une vue à 180° sur toute la baie et les sapins entourant la crête lui serviraient de camouflage en plus de sa tenue vert-végétal qui le rendait invisible dans la forêt. Il déposa par terre l'escargophone qui lui permettrait de joindre Loth en cas de pépin, positionna son fusil de précision sur un trépied, disposa des coussins sur la crête, colla un œil dans le viseur, posa un index sur la détente et se mit en état de torpeur éveillée.
Le moment venu, l'androgyne sera le parapluie qui couvrira les membres de l'escouade. Mais pour le moment et pendant les deux heures à venir sa mission se résumera à ce qui caractérisait les tireurs de haut niveau.
Attendre.

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Il était beaucoup trop prudent, Loth. Nivel ne cessera jamais de le répéter. De sa démarche de canard, l'artificier désormais déguisé en membre de l'équipe des charpentiers se hâtait de rejoindre la base B1, un des deux minis ports de mouillage. Selon les investigations préliminaires de Loth, les bases B1 et B2 abritaient chacune la moitié de la flotte du réseau. En tant que charpentier, Nivel trimballait un gros sac censé contenir ses ustensiles de travail, mais contenait en réalité ses bombes incendiaires minutées qu'il avait déjà soigneusement préparées. Il lui suffisait juste de se déplacer dans le port et d'en placer une sur chaque bateau à intervalle régulier en prétextant les inspecter.
Mais ceci était le plan de Loth et Nivel n'y adhérait pas du tout. Faire un truc aussi millimétré et discret n'était pas son genre, il préférait largement le tapage. À cet instant, une lutte farouche avait lieu dans sa tête, entre son côté qui souhaitait s'en tenir au plan et l'anarchiste qui souhaitait foutre le chaos sans se soucier d'un quelconque prérequis.
La B1 était remplie de monde, la plus part revenant où allant dans le seul grand bar du coin. D'après la musique qui émanait de l'établissement, l'ambiance y devait être des plus festives. Côté quai, il y avait là une multitude de bateaux de tailles diverses, la plus part restant dans la fourchette caravelle-caraque. Nivel se dirigea vers une belle nef aux teintes orangées quand quelqu'un le héla.

- Mais vous êtes Jonathan Nivel de Las Camp ?!

L'artificier se dit alors qu'il était fait comme un rat.

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- L'état-major de la flotte se réunirait à l'aube à l'amirauté. Notez la prétention du nom. C'était la plus grande bâtisse de Cross. Pourquoi à l'aube, je n'en savais rien, mais ce qui était sûr, c'était que la stratégie finale allait être votée. Votée, oui, Levasseur était un homme bon et conciliant avec ses troupes. Là où d'autres auraient imposé leur vision, il permettait à ses lieutenants de donner leurs avis. Ils étaient au nombre de dix en tout et chacun avait eu la mission, les semaines passées durant, de plancher sur une phase de l'attaque finale.
Je l'ai mentionné dans mon dernier rapport, j'ai conseillé la mise en place d'une force d'intervention, vous ne l'avez pas trouvé nécessaire.


- Cela dépassait le simple cadre des activités de production de Dance. Le Gouvernement avait d'autres plans pour Boréa et ce coup de force allait faciliter les choses, de mon point de vue. Sûrement, cela aurait été celui des instances dirigeante si je les avais informées, mais voilà, on m'aurait demandé ma source, et j'aurais été obligé de leur révéler ta présence là-bas. Même si je ne mentionnais pas ton identité, ça aurait pu porter préjudice à ton enquête. Et pour finir, tu ne savais pas quand aurait lieu l'attaque, ni les moyens mis en œuvre. Une précipitation aurait fait plus de mal que de bien. J'ai donc décidé d'attendre, aucune flotte de guerres, aucun cuirassé dans les eaux territoriales de Boréa, nous devions leur laisser la bride tranquille.

- Je me préparais donc à aller espionner la réunion de l'état-major sous ma forme insectoïde quand je repérai Alvès Perrera, un des dix lieutenants de la flotte. Il essayait de passer inaperçu, ça en plus du fait que la réunion devait avoir lieu dans deux minutes m'intrigua. Je le suivis et découvris qu'il allait à la rencontre d'un informateur. Un homme-poisson, Tasiele Shan de son nom, j'ai appris.

- Un informateur ? demanda le Vice-amiral, surpris. C'est l'informateur d'Ashura qui gangrène notre administration ?

- Non, ce Tasiele m'avait l'air d'une petite frappe. Mais les infos qu'il révéla à Perrera me sidérèrent. Un commando avait semble-t-il infiltré la base avec une intention manifeste de plastiquer ses points névralgiques. Ils voulaient tout faire sauter.

- Hannn ? vociféra Swiffer. Un commando venant d'où ? Pour quel but ? Mené par qui ?

- Du calme, Maître, j'y viens. Donc ce Tasiele avait infiltré le commando sur demande de Levasseur. D'après ce que j'ai compris, le groupe se serait formé autour d'un certain Loth Reich qui ambitionnait de détruire Ashura. Il m'est apparu au fil de leur conversation que c'était lui le mystérieux négociant Bilal Ibn Faqîh qui avait aidé l'agent Björn Skullson à éliminer Marry-Curry, pour lui couper l'herbe sous le pied au final en emportant quelques sacs de Dance Powder.

- Reich ? Le vieux Colonel Liddel Rommel avait fait mention de son aide précieuse dans l'enquête sur le tueur en série qui sévissait à Lavallière. C'est d'ailleurs lui qui l'a tué. C'est quoi l'embrouille ? Il est du côté de la loi ou pas ?

- Clairement pas, parce que moi, j'avais déjà entendu son nom dans une affaire commerce illégal d'ivoire. S'il n'est pas encore primé ou fiché comme criminel, c'est qu'il fait très attention. Du coup, j'ai écouté davantage. C'était à la fois décevant et instructif. Tasiele confia à Perrera qu'il ne savait rien du plan d'attaque général, Reich leur ayant révélé son plan individu par individu selon les tâches qu'ils avaient à accomplir. C'était malin, mais en disait beaucoup sur l'individu. Tasiele divulgua aussi qu'il avait pour mission de piéger à l'aide d'explosif à compteur la salle de contrôle de la grande grille d'Azoulon, un ingénieux système mécanisé qui permettrait de boucler la presqu'île. Ensuite, il devait plonger dans la mer et miner à l'aide de mines marines la partie sous-marine de la grille.

- Pour ceinturer les bateaux dans la baie ? Pas mal. Qu'as-tu appris d'autre ?

- Il a donné les noms des autres membres de son équipe. C'était très parlant là aussi. Avada Kedavra, Jonathan Nivel pour les plus connus. Alvès Perrera paniqua à l'annonce de ces pointures et décida de sonner le branle-bas de combat. Je ne pouvais pas le laisser faire, et sans même y réfléchir consciencieusement, je repris ma forme humaine, puis passai à l'action. Je n'avais pas ma fidèle Chasseresse sur moi du coup, j'ai été obligée de faire ça proprement. Une torsion du coup pour rompre les vertèbres cervicales de Perrera et un violent coup au plexus pour défoncer les côtes et arrêter le cœur de Tasiele Shan. En une seconde, j'avais deux cadavres sur les bras.

- De l'autre côté, la réunion avait déjà dû commencer. Qu'as-tu fait ?

- J'ai escargophoné à ma petite sœur pour prendre de ses nouvelles, répondit-elle comme si c'était la chose la plus naturelle à faire quand à ses pieds gisaient deux corps. Ça faisait près d'un semestre que je n'avais pas entendu parler d'elle, vous comprenez ? reprit-elle après avoir siroté son thé.

- Et bien sûr, il fallait que ce soit à ce moment précis ?

- Oui, à ce moment-là. De sa réponse dépendait mes futures décisions.

- Qu'est-ce qu'un sergent de la marine d'élite avait à voir avec un coup d'état en préparation et un commando aux objectifs obscurs ?

- Lady Ombeline, ma sœur, est la première à m'avoir parlé de Loth Reich. Elle l'a rencontré pour la première fois en 1619. Depuis elle le traque un peu partout, c'est sa proie. Je devais demander son opinion, c'était là, une démarche entre sœurs, entre chasseuses, pas celui d'une Commandante à un sergent. Ma question était simple, devais-je l'éliminer ou pas ?

- Et bien sûr, elle a répondu par la négative et en grande attentionné que tu es, tu l'as écoutée...

- Je voulais m'assurer de ce qu'elle voulait. Et puis, Ombeline le voulait vivant. Pas sain et sauf, je pouvais donc lui trancher quelques membres sans cas de conscience... dit-elle derrière un sourire carnassier. Cela dit, je ne savais pas à quoi il ressemblait, du coup, c'était un problème en sourdine à ce moment. Un autre plus urgent était celui d'Avada Kedavra. Il était aisé de deviner qu'il s'était poster sur les hauteurs histoire d'avoir tout le monde en joue. Il était aussi probable qu'il ait un œil sur tous ses camarades et à présent que Tasiele ne remarcherait plus jamais, j'avais un problème, Reich en serait informé et je ne pouvais deviner sa réaction. Malgré tout, je repris ma forme normale dans ce hangar à balai, m'habillai des vêtements d'Alvès Perrera, modelai ma coiffure à sa mode et me bichonnai un peu. Cela me prit quinze minutes pour lui ressembler et pour essayer divers tons vocaux jusqu'à ce que ma voix ressemble à la sienne.
Quand je sortis du placard en laissant deux cadavres derrière moi, j'étais Alvès Perrera. Nul n'aurait pu en douter, même pas sa mère. J'étais fin prête pour aller à la réunion.




Dernière édition par Loth Reich le Sam 11 Avr 2015 - 23:06, édité 1 fois
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La réunion au sommet avait commencé depuis une dizaine de minute par un copieux déjeuner de l'aube. Neufs lieutenants entouraient Benjamin Levasseur autour d'une table ovale. Nul ne parlait, on n'entendait que les cliquetis des fourchettes qui ripaient contre le fond des assiettes.
Loth venait de faire un tour de table en servant du jus de carafe à une partie des convives. S'il ne tenait pas à ses manières et à un certain code, se dit-il, il lui aurait suffit de tous les empoissonner pour éliminer la majeure partie de la menace. Il passa derrière Levasseur pour rejoindre la pièce des serveurs et en profita pour mieux le dévisager.
Le chef de la sécurité et de la flotte du réseau Ashura était un homme d'âge mûr aux cheveux roux plaqués et luisants. Il avait un long nez pointu et des sourcils broussailleux sur une peau mate. Si sa peau avait toujours eu cette apparence, Loth l'ignorait, mais n'importe où se posait son regard La Braise était bardée de cicatrices. Pas faite par des armes tranchantes ou contondantes, mais par des brûlures. La plus voyante était sur sa joue gauche et avait la forme d'un trèfle à trois feuilles. Sentant le regard de Loth sur lui, Levasseur leva ses yeux gris froids qui croisèrent les prunelles vertes de Loth. Le binoclard mima un malaise, un geste de timidité pour ne pas éveiller l'attention puis se retira.

- Hey le nouveau ! Faut pas trop regarder le commandant. Il n'aime pas ça.

- Ouais, je viens de voir ça.

- D'ailleurs, rappelle-moi d'où tu viens ? T'as de la chance d'intégrer l'équipe pour ta première fois.

- Ce n'est pas ma première fois, répondit Loth à son interlocuteur, une serveuse aux yeux bouffis et à la tête de fouine. J'étais dans l'équipe de restauration de la Cellule Thaï de Marry-Curry, détailla-t-il.

Il avait découvert qu'une partie de l'équipe de la chimiste avait intégrée la flotte suite à sa mort.
Pour le reste, il lui avait juste fallu intégrer son nom à la feuille de présence en graissant la patte de l'un des chefs de cuisine qui voulait s'offrir la belle vie loin d'Ashura.

- Ils sont si majestueux, n'est-ce pas, le nouveau ? Nan, tu peux pas compendre, t'es un mec.

- Il en manque un, fit remarquer Loth en désignant une chaise vide.

Il savait qu'il y avait dix lieutenants et il avait été étonné d'en voir neuf assis autour de La Braise. Soudain, il fut pris d'un malaise incompréhensible en se demandant si Avada n'avait pas tué le lieutenant absentéiste. Ou encore s'il n'était pas tombé sur un autre membre de l'équipe.

- C'est la place du lieutenant Alvès Perrera, déclara la serveuse. Il est peut-être malade.

Alvès Perrera avait l'air bien en forme quand il débarqua dans la salle à la fin de la réunion portant à bout de bras une série de parchemin. Nul ne lui fit mention de son retard. Il déposa au tour à tour un rouleau devant les lieutenants repus s'arrêtant parfois pour dire un mot à l'oreille de certains. Il prit place au moment où les serveurs furent sommés de débarrasser la table et de se retirer.

- Dommage que la réunion se tienne à huit clos, j'aurais tellement aimé les voir débattre ! Oooooooh, toute cette testostérone ! Tu vas boire un coup avec nous au bar le nouveau ?

- Non merci, je vais dormir, je suis crevé.

C'est l'excuse qui lui permit de se débarrasser du troupeau de serveurs et de retourner vers l'amirauté. La salle de réunion était contiguë aux toilettes extérieures, et comme l'avait repéré Loth, les murs étaient en faits de contreplaqués. Il retrouva le trou qu'il avait fait dans la cloison une semaine plus tôt et y glissa une petite tige de bambou creuse qui lui servirait à écouter ce qui se dirait et à regarder le tableau sur lequel serait projeté les plans de batailles. Il arriva juste à temps pour voir une masse bouger et partir en lui cachant la vue momentanément. La position de la paille de bambou ne lui permit pas de voir le visage du lieutenant en question mais il supposa qu'il s'agissait de dernier arrivé, ce Perrera. Peu lui importait. Le bal de proposition commença à grands coups de discours, de débats enflammés de stratégies innovatrices. Cela dura des dizaines de minutes. Loth se sentit dans son élément et pour peu, il aurait souhaité les rejoindre et leur exposer son point de vue tellement il n'était pas d'accord avec certaines propositions.

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- Là là là là ♫
Et l'esprit du grand Koezumi fut confié à la mer ♩
Ces amis comme ses ennemis restèrent amers ♪
Parce que c'était un grand quelqu'un, Koezumi ♫
Un épris de liberté qui, pour le comble de l'ironie ♪
Fini emmuré et sans espoir, au fond d'un puits ♩


Le refrain finit, non sous les salves d'applaudissements mais sous un torrent de larmes se voulant viriles. Les hommes se tinrent par la taille, bougèrent lentement de gauche à droite à la faveur d'un autre slow mélancolique et plein de tristesse.
Si seulement il s'était figuré qu'il finirait dans une soirée comme ça ! Quand il avait entendu son nom être vociféré sur le quai, Nivel s'était senti cuit et repéré. La personne qui l'avait reconnu ne se trompait pas mais heureusement pour lui, c'était un gros boulet qui semblait penser que l'anarchiste avait été recruté par le réseau. Sans lui donner le temps de placer deux mots, il l'avait entrainé dans une fête où le thème était aux balades larmoyantes. La bière était excellente, les refrains enivrants, l'ambiance hypnotisante, alors Nivel décida de s'y détendre momentanément. Après tout, il avait le temps, il lui restait encore plus de deux heures. Il s'amusa pendant longtemps, laissant au diable les plans de Loth, oubliant totalement qu'il avait dans le sac des bombes à minuteries qui décomptaient.
NIvel retrouva un gain de lucidité quand celui qui l'avait reconnu, lui aussi originaire de Las Camp, se dressa sur un tabouret et demanda le silence au bar.

- Hic... mou'allez, arr..rêtons c'te zik... hik... triste... hic, hâcha-t-il, les paroles rendues floues par le hoquet et son état d'ébriété avancé. Chers... potos.. hic... j'ai... avec moi... le meilleur... hic... hic... Nivel ! D'mandez qui s'est... hic ! C't'un artiste... un bombeur... hic ! avec lui... nos bateaux... hic ! cent fois... puissance de feu... Heurrrrrrkkk !

La foule dans l'environ immédiat du soulard se dispersa parce qu'il avait commencé à vomir. Malgré tout, il semblait que le noyau de son message ait été retenu. Et après le premier "Oh mais c'vrai, t'es Nivel, le chef des Niveleurs !", d'autres s'enchaînèrent si bien qu'au bout de deux minutes, Nivel se retrouva porté à bout de bras par une foule délirante qui scandait des "Nivel est notre roi ! Nivel fait boom boom ! Nivel montre nous tes pétards ! Avec Père Nivel, c'est noël avant l'heure ! "  

Là, Nivel se dit que cette fois-ci, il était vraiment fichu.

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Ludo Pall était à l'extrême opposé de Nivel, du point de vue "suivi de mission". Il n'avait pas la prétention d'avoir un meilleur plan, il ne s'était pas laissé entrainer dans une fête à rallonge. Sa mission, semblable à celle du plastiqueur, consistait à poser des bombes dans le port B2. Jusqu'à présent, tout se déroulait comme sur des roulettes, il prétextait un contrôle (parce que l'équipe de charpentiers travaillait tard dans la nuit), inspectait et vérifiait l'état de la quille tout en profitant pour placer une ou deux bombes. Souvent, il n'avait même pas à justifier sa présence, la plupart des bateaux étant vides d'équipages.
Il restait une quinzaine de bombes environ et Ludo avait hâte d'en finir avec sa mission. Il ambitionnait de devenir quelqu'un d'incontournable dans la guilde des Usuriers et cette mission compliquée devait faire partie de son curriculum.

________________________________

- Loth ? Me reçois-tu ?

Aucune réponse.
Avada Kedavra était bien ennuyé, il avait des rapports urgents à faire à son chef d'équipe qui restait injoignable. Sûrement l’œuvre d'un escargophone blanc-brouilleur. Le sniper se demandait quoi faire. Il avait vu Tasiele Shan aller au contact d'un lieutenant de la flotte dans une remise à balai, lui semblait-il. Au bout de plusieurs minutes, le lieutenant était ressorti tout seul d'un pas assuré. Plus de nouvelle de Tasiele depuis. La conclusion hurlait d'elle même, l'homme-poisson n'était surement plus dans la capacité de sortir. Mort ou immobilisé, c'était à voir. Le lieutenant ne l'avait pas intercepté cela dit, ils se rencontraient de concert, ce qui fit dire à Avada que Tasiele était en fait un agent double. Un agent double sûrement mort à l'heure qu'il est, remercié pour avoir servi. C'était courant dans le milieu, on éliminait souvent un espion trop entreprenant pour effacer les traces.
Alors, si c'était un espion, se demanda le tueur à gage, pourquoi la base n'était-elle pas en alerte ? Même si Tasiele ne connaissait que sa propre mission, l'information comme quoi un commando était dans la base aurait dû suffire à lancer une chasse au sorcière...
Quelque chose clochait, et il n'arrivait pas à mettre la main dessus.

Il aurait voulu aussi parler à Loth de Jonathan Nivel qui se bourrait la gueule dans un bar, du moins, c'est ce que supposait Bobcat. Il l'avait vu rentrer dans l'établissement, entraîné par une vieille connaissance sûrement, et lui aussi n'en était pas ressorti. Il accordait le bénéfice du doute à Nivel, cependant, l'homme qui l'avait alpagué semblait bien torché. Cela dit, l'artificier était peut-être entrain de s'y faire écorcher qui sait...

Définitivement, le Lynx était bien ennuyé. Il ne savait pas quoi faire, il n'aimait pas les situations ambiguë. En tant que sniper, il avait besoin de certitude. Après maintes réflexions, il décida de ne pas bouger, dans quelques heures se dégoupillerait la phase critique du plan, il devait absolument rester en position. Si Nivel et Tasiele avaient de toute évidence foiré leur coup, Ludo Pall continuait sa mission sans entrave.

La charité bien ordonnée commençant par soi-même, Avada se nota de laisser les autres à leur problèmes un court instant et de penser à lui. Depuis sa prise de position, il s'était concentré sur la surveillance de ses coéquipiers tout en gardant dans un coin de sa tête que quelque part sur l'île se trouvait sa proie qui, comme lui-même, pouvait prétendre au titre de meilleur sniper de North Blue. C'est de lui qu'il devait les protéger, mais c'est aussi lui qui devait lui donner le meilleur combat de sa vie. Il l'avait vu rentrer à l'amirauté avec ses pairs. Milton Pendergast alias Le Marabout.

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Du côté de Loth, la réunion touchait à sa fin. Les axes majeurs de l'attaque avait été planifiés et décidés et malgré lui, Loth se montrait admiratif. La Braise était un bon stratège et sa stratégie d'attaque simultanée sur les principaux points de Boréa que son Lavallière, Jalabert et les mines de Boyette relevait de l'art. Prendre Lavallière et surtout le port revêtait un caractère crucial pour isoler le pays et empêcher toute intervention du Gouvernement. L'intérêt de Jalabert était d'ordre scientifique et les mines de Boyette, d'ordre énergétique et financier. Bourgeoys la capitale, la ville des hautes strates ne revenait qu'en dernier, La Braise comptait tout simplement y imposer un blocus et attendre avec un malin plaisir que les nobles sortent comme des rats, quand ils n'auront plus rien à manger.
C'était un projet d'envergure et même si Ashura avait largement l'avantage de l'emporter sur ce qui restait des forces de sécurité de Boréa (autrement dit presque rien), le réseau ne disposait pas du nombre d'hommes nécessaire pour lancer une attaque simultanée, efficace et prompte sur ces trois centres névralgique de la ville. Mais étrangement, cette question ne fut pas abordé, comme s'ils connaissaient tous la réponse, ce qui laissa Loth dans un certain état de confusion. Allaient-ils solliciter l'aide d'un équipage de pirates ? Une compagnie militaire privée ? Une autre branche armée du réseau loin de Boréa ?

Loin des préoccupations de Loth, Levasseur conclut la réunion par un élogieux discours qui se termina par "Le pays sera à nous, le pays sera au Maître." Les lieutenants applaudirent comme un seul homme et Loth nota que ce fut la première fois de la réunion qu'une allusion était faite à Lavoisier. Aucun des lieutenants ne broncha vraiment à l'énoncé du "maître" (de toute manière, Loth ne pouvait pas voir leurs visages), ils semblaient tous rodés à ne pas demander qui c'était. Travailler pour quelqu'un qu'on ne connaissait pas semblait une étrange idée pour lui.

La réunion prit fin sous les coups de 5h30. Le ciel se teintait déjà d'une nuance orangée annonçant l'apparition prochaine de l'astre du jour. Loth avait entendu et vu ce qu'il désirait, il était temps de passer à la phase pyrotechnique de son projet. Il s'apprêtait à retirer la paille en bambou qui lui permettait d'espionner la réunion quand quelqu'un entra dans la salle à bride abattue provoquant le murmure des lieutenants.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda la voix que Loth reconnut comme étant celle du lieutenant retardataire.
Il en était surpris, il pensait que c'était lui qui avait quitté la réunion.

- Ha... ha... Messieurs... fit l'homme d'une voix essoufflée. Dans... l'bar, port B1, y a Jona...Jonathan... Nivel... Est-il avec nous ?

Loth sentit son estomac se nouer.
Il sentait aussi que quelque chose de rocailleux et plein de piquant s'était formé au fin fond de ses entrailles...

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- Ils avaient repéré et identifié Nivel ? Comment s'était-il débrouiller pour se faire prendre ? demanda le Vice-amiral en rigolant.

- C'est un anarchiste, et ces gens-là, la plupart du temps font du chaos une habitude. Il ne veut pas que le propager, il est chaos, il est instable et imprévisible. A partir de là, point d'étonnement, ce qui m'étonne c'est que quelqu'un d'aussi prévoyant que Reich, me semble-t-il, l'ait pris dans son équipe. Enfin, peu importe, ce patrouilleur arriva en déblatérant des histoires sur Nivel qui serait célébré en tant que nouvel artificier de la base et il voulait savoir si c'était vrai. Il avait l'esprit vif.

- Donc ça a jeté un froid sur l'assemblée et sur toi aussi ?

- Bah oui. J'étais dans la peau de Perrera et Perrera servait d'agent de liaison entre l'espion de Levasseur et Levasseur lui-même. Quand je suis arrivée dans la salle alors qu'ils avaient fini de déjeuner, il m'a interrogé d'un geste de la tête et je lui ai glissé à l'oreille que l'espion ne savait encore rien. Donc là, il m'a regardé d'un air interrogateur et moi j'ai pris les devants en ordonnant bruyamment l'arrestation immédiate de Nivel. Cela a jeté un certain chaos dans la salle, les lieutenants se sont tous rués vers la B2 et moi en tête. J'ai profité pour disparaître en forme complète.

- Habile. Ensuite ?

- Ensuite, il s'est passé ce que j'avais deviné, raison pour laquelle je me suis transformé en abeille. Le premier lieutenant à sortir est mort.

- Avada Kedavra ?

- Naturellement. Ils n'ont rien compris sur le champ, il leur a fallu deux secondes pour réaliser qu'il y avait un tueur embusqué. Deux secondes de trop. Deux secondes, deux cadavres supplémentaires. Le Lynx était d'une précision millimétrée. Après ça, ils se sont tous planqués, mais il y avait "planqué" et "planqué". J'ai vu deux lieutenants de plus tomber parce qu'ils avaient trouvé refuge derrière des arbres qui n'ont pas résisté au calibre du fusil de précision du Lynx.

- Cinq lieutenants morts en moins d'une minute ? Six au total si je compte ce Perrera. C'est une hécatombe. Donc, Il ne restait à la Braise que quatre seconds alors que rien ne notable ne s'était passé ? Comment a-t-il réagi ?

- En beuglant. Il leur a hurlé de renter dans l'amirauté en rampant derrière les poutres porteuses en métal. Mais c'était inutile. La tempête mortelle s'est arrêtée aussi vite qu'elle a commencé.

- Hmmm ?

- Avada a réagi exactement comme je l'avais prévu. En éliminant les lieutenants, il éliminait certes des menaces pour ses coéquipiers mais surtout il éclaircissait les rangs et apercevoir sa cible.

- Quelle cible ? Je pensais que l'homme-poisson avait dit à Perrera qu'il ignorait les cibles des autres ?

- Je n'avais pas besoin de Tasiele Shan pour deviner qu'un sniper de son envergure traquerait forcément le sniper adverse, surtout si ce dernier pouvait aussi revendiquer le titre de meilleur snipeur de North Blue. Le lieutenant personnel de La Braise était Milton Pendergast surnommé "Le Marabout", comme l'oiseau pas le charlatan. Le Marabout est un charognard, voyez-vous ?
Milton avait la même réputation qu'Avada, à savoir que dès qu'il vous prenait en chasse, vous étiez déjà mort.


- Donc au final, il ne tirait que sur des condamnés ? D'où l'affabulation de charognard ? Haha, ceux qui donnent ces surnoms ont de l'imagination. Donc, qu'est-ce qu'il a à voir avec l'arrêt de la tempête meurtrière s'il était dans les rangs avec les autres lieutenants ? Il a riposté ?

- Il a riposté, oui, mais pas de l'amirauté. Quand je suis arrivé déguisé en Perrera, je lui ai glissé à l'oreille qu'il est possible qu'un sniper infiltré soit sur les hauteurs. Je lui ai conseillé de protéger la sortie de l'état-major. La salle des réunions était contigüe à un certains nombres d'autres pièces, je lui ai conseillé de sortir en défonçant un pan d'un mur en contreplaqué. Et puis, c'était un sniper, il savait passer sous les radars.
Tout ça pour dire que dès qu'Avada avait commencé à tirer, il était cuit. J'espérais que Pendergast se serve de l'écho de ses tirs pour le localiser, ce qu'il a fait. Un coup de feu, très distinct de ceux qui raisonnaient a retenti puis ce fut le calme plat. On imagine les duels de snipers souvent de manière très impressionnante alors qu'en fait, tout se décide en moins d'une seconde et c'est tout le temps à celui qui fera la plus infime erreur.
Contente que mon plan ait marché, j'ai continué mon chemin sous ma forme insectoïde.


- Où te rendais-tu ?

- Au port B2. Si Tasiele avait pour mission de plastiquer la salle de contrôle de la grille d'Azoulon puis de miner la partie sous-marine de la grille, c'était que Reich prévoyait d'empêcher les bateaux de sortir de la baie. N'aurait-il pas été plus facile de détruire les bateaux à quai que de les laisser prendre la mer pour les exploser à coup de mines ?

- À moins que la mission de Tasiele ne soit en fait qu'une garantie au cas où le premier plan ne marcherait pas. Premier plan qui devait consister à miner les bateaux encore en mouillage. Malin, ce Reich, il assure ses arrières. Et Nivel ayant été vu dans un bar du port B1, tu t'es dit que le dernier homme-poisson devait être au B2.
Mais tu t'y rendais pour quelle raison exactement ? Empêcher cette explosion ou t'assurer qu'il y en aura une ?


-  Il y avait des arguments pour et contre les deux solutions et encore à ce moment, j'ignorais quelle tactique adopter, mais je me réjouissais d'être un électron libre insoupçonné se faufilant et défaisant les plans de chacun. Je vous remercie de m'avoir choisie, Maître, très peu de missions m'ont donnée autant satisfaction.


Dernière édition par Loth Reich le Mar 14 Avr 2015 - 23:20, édité 1 fois
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La créature qui naquit dans les viscères de Loth ne se fit que plus volumineuse. Elle griffait ses entrailles et remplissait ses boyaux de sang. Du sang d'encre en l’occurrence, manifestation de son inquiétude grandissante à l'idée que l'intégralité de son plan ait inéluctablement foiré. D'abord, Nivel. Nivel qui était dans un bar... Loth ne chercha pas trop à comprendre, il se dit tout simplement qu'il avait eu tort de confier une mission en solitaire à un anarchiste. Ensuite, l'enfer prit place devant l'amirauté d'où sortaient les lieutenants. Loth en était plutôt content, il avait la preuve qu'Avada était, lui au moins, fidèle à son poste. Il élimina cinq lieutenants puis vint ce terrible moment que Loth crut voir au ralenti. Un coup de feu fusa clairement du versant de la montagne opposée à celle d'où provenaient les tirs d'Avada. Puis ce fut le silence, un terrible silence comme Loth n'en avait jamais connu.

L'enfer s'était déchainé et il s'était arrêté. Le monstre dans ses entrailles vociféra de fureur à l'idée d'avoir perdu son élément clé. Il secréta quelque chose qui emplit Loth à la fois de désespoir et de colère même s'il gardait son faciès impassible. C'était inutile de mettre un nom sur ce tir, il savait déjà qui en était responsable et fut frappé d'horreur à l'idée qu'il se trouvait dans la montagne alors qu'il l'avait vu au déjeuner. Une autre vague d'horreur le submergea quand il comprit que la silhouette qui lui avait momentanément caché la vue et qu'il avait prise à tort pour Perrera n'était autre que Milton Pendergast. Quelqu'un l'avait-il averti de la présence de Bobcat où était-il dans ses habitudes de rester à l'affut en surveillant l'île ? Surtout à une heure si inhabituelle ?
Après deux minutes à attendre pour voir si le Lynx allait répliquer, Loth dut admettre qu'il était mort ; Et comme il n'était pas homme à laisser ses sentiments lui dicter sa conduite, il réfléchit rapidement à ce qu'il convenait de faire, pour accomplir la mission, dans la mesure des moyens et des hommes qui lui restaient encore. Sous ses yeux, les lieutenants survivants fêtaient la mort du tireur embusqué en clamant le nom du Marabout puis la moitié d'entre eux se rua vers le port B1 pour aller capturer Nivel pendant que les deux autres servirent d'escorte à la Braise qui se dirigea en toute hâte vers le B2.
Toujours camouflé, Loth décrocha son escargophone et contacta Nivel.

- Allô ?! Où es-tu ? Qu'est-ce que tu fichais dans un bar ? Casse-toi de là en vitesse, il a été ordonné qu'on te capture mort ou vif !

- Tu penses que j't'ai attendu pour ça ? J'ai vu plusieurs soldats se tirer en douce et murmurer entre eux, je n'ai pas eu besoin qu'on m'fasse une carte. Tiens voilà, la foule commence à sortir et à me chercher. Je peux ralentir ceux qui me recherchent, avant de rentrer dans le bar, j'ai jeté une bombe sur le toit. Une petite assurance vie que je peux déclen....

VLAN !  

Le son glaça le sang de Loth. C'était un bruit mat, surement celui d'une barre de fer sur le crane de Nivel. Il se demanda ce qu'il devait lui rester de boite crânienne après un tel coup. Il appela son nom deux fois avant de raccrocher. Après Avada, ils avaient eu Nivel aussi. Deux atouts de moins. Comment avait-il pu penser venir à bout de la branche armée d'Ashura à eux cinq ? Non, se dit-il, il ne l'avait pas pensé, il avait estimé leurs chances de réussite à moins de quarante pour cent. C'est pour ça qu'il avait pris une garantie qui s'appelait Red. La flotte de l'homme en rouge devait déjà être en route, du moins il l'espérait.

_Quarante pour cent ? lui demanda la petite voix cynique dans sa tête qui se réveillait à chaque fois pour jouir de ses malheurs et que Loth détestait tant. À l'heure actuelle, t'es plus proche des zéro pour cent mon pote, hinhinhinhinhin !

Loth ne tint pas compte de ces moqueries et décrocha encore son escargophone pour contacter Tasiele Shan. L'appareil sonna dans le vide pendant deux minutes sans que personne ne décroche.

_Et de trois ! Hinhinhinhin !

Il ne laissa pas le désespoir s'en mêler et composa le numéro de Ludo Pall tout en priant des dieux qu'il n'avait jamais sanctifié qu'il décroche. Il éprouva une sorte de fureur sauvage quand la voix rocailleuse de l'homme-poisson émergea du combiné.

- Ludo ! T'as fini ?

- J'viens d'finir, ouais. J'ai entendu des coups d'feu.

- Plonge dans la baie, reste immergé, la couverture est grillée, reste dans l'eau jusqu'à ce que je te recontacte.

- Mais et la mise à feu ? Je l'enclenche ?

- Non, je le ferai moi-même quand je jugerai le moment opportun. Vas-y, cache-toi ou je ne donne pas cher de ta peau !  

Bon, c'était déjà ça de fait. La flotte du B2 avait été piégée. Que convenait-il de faire maintenant ? Deux objectifs sur cinq avaient été atteints. Le sien et celui de Ludo Pall. Les bombes dans le port B2, il pouvait les déclencher à distance grâce à un ingénieux système mis au point par Nivel. Il lui suffirait d'appeler un numéro précis et la sonnerie de l'escargophone servirait de détonateur. Avec Nivel dans l'équation du camp adverse, il y avait des risques que les bateaux soient fouillés et les bombes découvertes. S'il les déclenchait maintenant, cela ne détruira qu'une partie de la flotte et il s'imaginait aisément qu'il ne pourrait rien faire pour empêcher l'autre de prendre la mer. Ils iront soit attaquer Boréa dans la précipitation, soit rejoindre une autre base d'Ashura ou encore rejoindre leurs mystérieux alliés qui devaient les soutenir mais dont ils n'ont pas parlé dans leurs plans.
Il avait contacté Red avant le début de l'opération mais la flotte du Rouge ne sera pas en vue avant six heures du matin. Il restait encore trente bonnes minutes. Il devait gagner du temps, mais comment ?
Ses yeux se posèrent sur la portion de montagne qui avait abrité Avada. Aller voir de plus près l'état du tueur était trop risqué avec Pendergast embusqué quelque part. Dans sa tenue de serveur, il passait inaperçu mais il se ferait éliminer à coup sûr en cherchant à gagner les hauteurs. Non, pour gagner du temps, il devait jouer sur un autre tableau et ne compter que sur lui-même. Dans le remue-ménage provoqué par le branle-bas de combat déclenché sur la base, Loth tourna le dos au soleil levant qui colorait l'horizon d'une nuance orangée et se dirigea vers l'ouest, vers le port B1. Pas pour sauver Nivel, mais pour remplir une partie de la mission de Tasiele Shan (et accessoirement savoir ce qui lui était arrivé) qui consistait à détruire la salle de contrôle des grilles d'Azoulon. De sa position, il avait une vue lointaine sur la baie et les grilles étaient encore bien fermées. En détruisant la salle de contrôle, il s'assurerait de piéger la flotte dans la baie à l'arrivée de Red. Même s'il échoue en essayant, au moins, il pourra les ralentir.

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- Le jour commençait à poindre. La base était dans tous ses états. Des gens courraient partout, hurlaient des ordres à tout le monde et personne. Des coups de feu sommaires étaient tirés un peu partout. C'était un beau bordel. Moi, sous ma forme complète, j'étais arrivé au port B2. J'ai voleté en long et en large dans le tumulte général, je cherchais Ludo Pall.

- Tu cherchais quelqu'un que tu ne connaissais pas ? Comment ? Je suppose que si Reich avait employé des hommes-poissons, c'était sûrement que la base en disposait dans ses rangs. Comment comptais-tu t'y prendre pour repérer un homme-poisson inconnu parmi tant d'autres ?

- Je comptais sur la chance des détails, Maître. Je cherchais à repérer une silhouette inhabituelle, quelqu'un qui se comporterait différemment du lot, ce genre de détail quoi. Nada. Puis, je me suis rappelée que c'était un homme-poisson et que devant moi s'étendait une étendue bleutée...

- Tu aurais dû y penser plutôt. Mais cela n'arrangeait en rien ta situation. Tu ne pouvais pas partir à sa recherche sous l'eau. Entre-temps, avais-tu décidé de la démarche à adopter ? Le laisser détruite le port et ses bateaux ou l'en empêcher ?

- Détruire le port me semblait la meilleure solution. Boréa était tout près, ils pouvaient être à Lavallière en deux heures et la flotte comptait plus d'une trentaine de navires très bien armés dont la moitié justement se trouvait dans ce port. Nous, la marine, n'avions aucun renfort disponible ou préparé à empêcher ça, selon vos ordres. J'ai donc décidé qu'il serait plus sage de veiller à ce que les bombes de Ludo Pall détruisent ce port, pour réduire de moitié la capacité de projection du réseau. Les affaiblir était mon intention, pas les annihiler. Comprenez qu'avec Nivel repéré et capturé dans l'autre port, il y avait de grande chance que l'autre partie du plan de Reich ne fonctionne pas et que la flotte mouillée en B1 s'en sorte. En diminuant la force de frappe de La Braise, j'espérais le pousser à commettre un impair qui nous sera bénéfique et c'est ce qui s'est passé, plus tard.
Reich et moi avions des buts qui se rejoignaient à ce moment mais différaient sûrement sur l'instant de mise à feu. Moi, j'avais besoin que ce soit dans l’immédiat, donc je devais aller chercher le détonateur.


- Une affaire aux airs de mission impossible. L'homme que tu recherchais était à des lieues sous la mer.

- Rien n'est impossible avec un peu d'imagination, Maître, vous n'avez jamais cessé de me le répéter. Ma cible était sous l'eau, la solution était simple. J'ai plongé, répondit-elle en se levant pour débarrasser la table de son plateau de thé et de tapisseries.

Elle passa devant l'expression médusée et incrédule de son maître avec un sourire entendu. Elle invita le Vice-amiral à la suivre dans l'arrière cour. L'espace était vaste et savamment aménagé. Il y avait là, un petit jardin formé par des arbres nains divers, des bonzaïs notamment. Un petit ruisseau filiforme serpentait à travers la verdure puis continuait son chemin hors de vue en passant sous la palissade en bambou qui délimitait le jardin. Un pont miniature d'un rouge écarlate permettait d'enjamber le ruisseau et de se rendre sous l'arbre le plus imposant du coin, un cerisier centenaire au tronc noueux qui perdait nonchalamment ses pétales rosées. Transportées et ballotées par le vent, elles répandaient dans l'air une agréable odeur et un sentiment de sérénité.

- Ici, c'est mon Éden à moi. Un endroit paisible pour quelqu'un ne vivant que de guerre, dit-elle d'un air rêveur en s'asseyant sur le tapis carrelé étendu sous l'arbre. Un panier non loin contenait des fruits.  

- Tu as fait quoi ? demanda Swiffer, indifférent à la beauté des lieux, n'arrivant pas à se débarrasser de son air hébété.

- J'ai plongé, c'est simple. Il était sous l'eau, mon instinct me l'affirmait. Donc, j'ai repris ma forme complète et j'ai sauté dans la flotte.

- Mais, ta malédiction...

- Je comptais sur elle et je n'ai pas été déçue. Mais c'est toujours très désagréable de se sentir vider de ses forces de cette manière. J'avais l'impression que ma vie elle-même s'échappait pas les pores de ma peau pendant que je coulais à pic telle une ancre. L'eau de la baie était d'un bleu très clair. La visibilité était parfaite une fois les premiers cinq mètres descendus. Il y avait aussi un peu de courant et tant mieux, il m'a charrié en me faisant tournoyer, j'ai donc pu balayer les environs à 360 °. Et c'est là que je l'ai aperçu, Ludo Pall, paisiblement installé sur un rocher sous-marin, pile-poil sous La Fournaise, le bateau-amiral de la flotte, celui de La Braise. Je lui ai jeté des regards suppliants et désespérés.

- Mais tu es insensée, Midnight ! commenta le Vice-amiral sur un ton paternel indigné. Je croyais que tu avais arrêté les opérations kamikazes ?! Il aurait pu te laisser couler comme une pierre, après tout, il ne te connaissait pas et c'était un criminel.

- C'était un pari risqué, mais j'avais un plan B. Avant de sauter, j'ai simulé une chute dans l'eau, il y avait des gens à proximité, donc on m'a vue tomber dans la mer. Je me suis dite que si Ludo ne me sauvait pas, les autres le feraient sûrement. Et heureusement qu'il a eu la bonté d'âme de me porter assistance parce que mon plan B n'a pas du tout marché, hahahahaha. Soient ceux qui m'ont vu tomber s'en fichaient, soient ils ont pensé que je remonterai toute seule et sont partis dans le chaos ambiant, hahahahaha.

- Abérant, murmura Swiffer en demandant ce qui était le pire. Le ton léger sur lequel son élève lui racontait l'histoire ou l'histoire elle-même.

- Donc oui, il m'a secouru. Faut dire aussi que je comptais sur son absence de sens de l'observation. Un utilisateur de fruit coule à sec, droit, incapable de bouger, alors que quelqu'un qui se noie gigote, gesticule, essaie de remonter en vain. À sa place, moi j'aurais identifié les symptômes d'une noyade d'un détenteur de pouvoir et aurais réfléchi avant de le sauver. Lui n'a rien vu. Il m'a remonté dans un petit coin du port à l'abri des regards.

- Il était tombé dans ton piège à cause de son âme samaritaine. Il se voyait en héros alors qu'il n'était qu'une proie pour toi.
Te souviens-tu de la première phrase du premier cours que je ne t’ai jamais donnée ? Tu avais dix ans à l'époque.


- "Les héros meurent toujours bêtement. Si tu veux rentrer dans la marine pour être une héroïne, je te conseille le couvent". Je m'en souviens, Maître.
Je ne pouvais pas me permettre de laisser des traces, et Ludo Pall, j'étais peinée de le faire, ne pouvait que goûter à son incommensurable bêtise. Sauver un ennemi en tant de guerre, c'est innommable. Il a oublié que la guerre, ça faisait des victimes.


- Peinée ? Ne me fait pas rire, Belle Chrysalide. Y a une raison si on t’a surnommée, le Dard des Ténèbres. Quel sort lui as-tu réservé ?

- Hahahaha, j'ai trop de surnoms pour quelqu'un qui passe sa vie en infiltration. Ça a été rapide et net, il n'a pas vu la mort arriver. À peine, m'a-t-il posée sur le ciment du dock que sa tête sautait et tombait grossièrement dans les flots. Je retins son corps qui déversait un flot de sang dans la baie. Il portait un sac à dos dans lequel je trouvai le détonateur.
Tasiele Shan, Ludo Pall et Avada Kedavra étaient morts. Nivel, sûrement capturé. Reich était seul et moi j'avais de quoi faire sauter tout le port B2.


- Ce que tu fis ?

- Naturellement. Mais pas sans un certain doute. De mon point d'observation, je voyais approcher Benjamin Levasseur avec deux lieutenants. Ils semblaient s’apprêter à rejoindre La Fournaise et prendre la mer. Ça aurait été facile de les laisser embarquer puis de les torcher. Mais j'avais encore besoin de La Braise, son heure, n'était pas encore arrivée. Il fallait un chef à la tête de ces moutons. Qui plus est, il fallait quelqu'un pour faire le travail à ma place et débusquer Reich. Je choisis de le laisser vivre et de lui offrir le spectacle de la moitié de sa flotte en détritus.
Le spectacle, dépassa toutes mes espérances et me souligna le bon goût de Reich. Les bombes étaient en fait incendiaires. Un brasier d'enfer dévora alors le port quand j'appuyai sur le détonateur. La Braise, La Fournaise, pas besoin de pointer l'ironie de la chose n'est-ce pas ?
Reich me plaisait de plus en plus mais il allait morfler très bientôt car, droit sur lui, se dirigeait un homme humilié et empli de cette froide et cruelle résolution qui précédait les génocides.  

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- Mais, pourquoi… balbutia Loth.

Il ne pouvait pas sentir le souffle de la déflagration qui éventra le B2 à cause de la distance mais il voyait bien les hautes flammes dévorer le port au loin. Le chaos, s'il c'était encore possible, s'accrut davantage. L'une des seules choses qui semblait rouler à point venait aussi de s'enrailler. Mais pourquoi diable Ludo Pall avait-il passé outre ses ordres ? Avait-il trouvé que les ordres de Loth étaient insensés et avait-il agit de son propre chef ? Ou avait-il été découvert sous l'eau ?
Immobilisé au milieu de la foule qui se bousculait, courait dans tous les sens, armes de feu au point, il réfléchissait à toute vitesse. Ce n'était plus vraiment utile, conclut-il, la destruction prématurée du B2 ne rendait sa propre mission de dernière minute que plus légitime. Maintenant que la moitié de sa flotte avait été détruite, il était normal que Levasseur fasse appareiller ce qui en restait pour lui épargner un sort semblable. Et pour l'empêcher de sortir de la baie, il fallait détruire la salle de contrôle.

Loth se rua en direction de la dite salle, toute pensée de discrétion oubliée à présent. Il slaloma dans le schmilblick général pendant dix minutes, profita de la confusion pour étaler et tirer à l'écart un soldat. Loth se débarrassa de sa tenue de serveur et la troqua contre celle du garde.
La salle des machines était à cinquante mètres devant lui et comme il s'y attendait, elle était bien gardée, c'était un des points névralgiques de la base. Des sacs de sables empilés les uns sur les autres et surmontés de canons mitrailleurs étaient postés à l'avant. Il avait déjà eu l'occasion de repérer les lieux et le plan avait été de faire passer Tasiele Shan pour un des homme-poissons responsables de la maintenance de la salle. Lui, Loth, n'avait aucune chance de se faire passer pour un homme-poisson et prendre d'assaut le monstre lui semblait plus que problématique mais c'était aussi la seule solution envisageable.
Résolu, il plongea la main dans son sac en bandoulière et en retira deux bombes. Il actionna le mécanisme de mise à feu à retardement puis s'immobilisa quand il entendit son nom. D'ailleurs, il ne fut pas le seul, tout le monde entendit appeler "Loth Reich". La voix désincarnée qu'il reconnaissait comme celle de Benjamin Levasseur sortait des mégaphones qui se situaient au sommet des lampadaires à huile qu'on croisait un peu partout dans la base. Plus tôt, ils sonnaient encore l'alerte générale.

- Que personne ne bouge, restez tous à vos places ! Loth Reich, c'est à toi que je m'adresse ! disait la voix enragée. Je dois te féliciter, tu as réalisé des prouesses aujourd'hui, mais c'est terminé ! Je tiens ton ami, je tiens Jonathan Nivel !

- Lashmoilabask ! gémit Nivel dans le mégaphone d'une voix pincée qui suggérait qu'il n'avait plus l'arête du nez en bon état, et sûrement quelques dents manquantes...

- Si tu tiens à lui, viens me rejoindre dans la salle de contrôle de la porte d'Azoulon.

- La salle ? se demanda Loth un brin étonné.

Comment diable s'était-il débrouillé pour arriver là avant lui ? La dernière fois que Loth l'avait vu, il se dirigeait vers le port qui a explosé plus tôt. La salle de contrôle était l'exact opposé du B2, sur l'autre rive. Sûrement, avait-il pris une embarcation à vapeur ou à aube pour rallier l'autre rive plus rapidement. Loth regarda discrètement de biais la bâtisse en forme de chalet qui abritait la salle de contrôle. Le reflet des lueurs du soleil naissant sur les fenêtres à carreaux l’empêchait de voir ce qui se passait à l'intérieur mais il imaginait aisément Nivel à genou, un pistolet sur la tempe. Il compta dix gardes armées derrières les forteresses de sable. Combien à l'intérieur ? Il l'ignorait. L'ordre de La Braise de ne pas bouger était ingénieux, comme ça, tout le monde se surveillerait, le premier à enfreindre l'ordre serait tout de suite éliminé ou capturé. Il ne pouvait pas agir, il était en échec.
Qu'en était-il de la requête de son ennemi ? Allait-il lui obéir ? À supposer bien sûr que c'était un choix envisageable. Une fois qu'il se serait découvert, une fois qu'il aurait bougé, il était fort à parier qu'une balle dans la caboche l'aurait accueilli. Milton Pendergast était toujours à l'affut quelque part sur un des versants.
La solution s'offrait d'elle même, il ne pouvait rien pour Nivel. Il devait le sacrifier pour la cause, en admettant que Levasseur ne bluffe pas, se dit-il. En tant qu'otage, Nivel n'avait aucune valeur si ce n'est qu'il servait d’appât pour Loth. Le tuer n'aidera pas la Braise à le trouver et il ne pouvait sûrement pas maintenir ses hommes dans cet immobilisme toute la journée. En plus, se dit Loth, sans le savoir, Levasseur lui faisait gagner du temps, ce qui était son objectif principal. Chaque minute de grappillée était une victoire pour lui, pour la Flotte Rouge en approche.
Il, Loth, n'avait plus aucune carte en main. Ce qui lui restait à faire était simple.
Attendre.

________________________________

Cette position à genou ne lui était pas confortable, il se sentait plus dans son élément à plat ventre. Mais ce luxe, il ne pouvait plus se l'offrir, il savait qu'il aurait à bouger sous peu. Au moins, se dit-il, il avait l'avantage d'être ambidextre, autrement il aurait été bon pour la casse avec cette balle logée sous la clavicule droite. La blessure ne saignait plus, il l'avait cautérisée avec une lame chauffée à blanc tout en laissant la balle coupable à l'intérieur pour éviter l'exsanguination. Malgré tout, il lui avait fallu plus d'une demi-heure pour se remettre en état et la situation avait bien évoluée. Deux d'entre eux étaient morts et troisième était dans une posture plus que critique.
De ses bras secoués par une tremblote passagère -maudite blessure, il avait perdu beaucoup de sang-, il réajusta son viseur. Il était là, Loth, à une cinquantaine de mètre de la salle mais incapable d'agir. Il reporta son attention sur la salle en question. L'effet d'agrandissement de la longue vue lui donnait une vue à l'intérieur de la bâtisse. Il voyait Nivel, le visage tuméfié et boursouflé, à genou. Il pouvait éliminer son bourreau -un des lieutenants- mais cela n'arrangerait rien du tout, Levasseur se tenant hors de son champ de vision. Ce qu'il devait faire, c'était offrir une diversion à Loth, quelque chose qui puisse le sortir de cet immobilisme et lui donner une chance de sauver Nivel.

Il inspira profondément comme s'il voulait goûter à cette sensation une dernière fois.
Il avait péché par orgueil, sa vigilance avait été abusée par le Marabout, jamais il n'avait imaginé qu'en rentrant dans l'amirauté, son ennemi mortel aurait trouvé une porte dérobée par laquelle sortir et se serait mis en faction de l'autre côté de l'île en attendant un signe... Il avait perdu cette première manche, il ne devait son salut qu'à l'obscurité de l'aube. Le Marabout avait tiré dans la direction de l'étincelle provoquée par son arme sans avoir un réel visuel sur lui. Et pourtant, la balle s'était logée à quelques centimètres de son cou. Milton Pendergast était au-dessus de sa réputation et il en frémit d'excitation. Cette fois-ci, il était prêt pour une confrontation de tireur à tireur.
Il posa son viseur sur un soldat d'Ashura à la droite de Loth, prêt à replonger la base dans le chaos.
Le Lynx était de retour.

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- La situation était donc intéressante.

- Très, Maître. Plus de trois minutes après l'appel de La Braise, aucun signe de Reich. Nivel n'avait donc aucune importance pour lui, à moins qu'il n'ait su que Levasseur bluffât. J'ai essayé de le localiser mais en vain. Quoiqu'il en fût, l'ambiance n'était guère favorable à mes desseins. Si Reich venait à changer d'avis, il se ferait éliminer à coup sûr et moi je le voulais vivant. Juste ce qu'il fallait, mais vivant quand même pour ne pas me faire arracher les tripes par ma douce sœurette, vous voyez ? Hahahaha !

- Tu es donc encore intervenue ?

- J'étais en mode complet, une petite abeille, pas si petite que ça en fait, qui voletait dans la brise de l'aube. Reich avait à coup sûr besoin du chaos pour bouger et moi je pouvais piquer. Enfoncer mon dard dans un cou ou deux pour donner la bougeotte. Enfin, c'était mon intention mais quelqu'un d'autre a agi avant moi. Une balle, puis deux, puis trois. Des morts partout, la consternation omniprésente. L'enfer venait de recommencer, Bobcat revenait d'outre-tombe.

- Quoi, il n'était pas mort ?

- Nan, cet androgyne ou Okama, je ne sais plus, avait la vie dure. Pendergast avait seulement dû le blesser. En tout cas, pas assez pour entamer sa précision. Après cinq ou six cadavres, d'autres coups de feu en réplique ont raisonné. Je pouvais dire à leurs bruits que les deux tireurs bougeaient sans cesse. Bobcat ne visait plus les soldats, il avait un adversaire de l'autre côté de l'île avec qui il échangeait par coups de feux interposés. La base était de nouveau en émoi et Reich avait le champ libre pour agir.

- C'est étrange comment les choses s'enchainent pour lui. Alors, qu'a-t-il fait ?

- Sur le moment, je n'ai pas eu de visuel sur lui. Beaucoup de personnes, dans la panique, ont accouru vers la salle de contrôle pour trouver refuge. Mais La Braise a réagi instantanément, il a donné un ordre et les gardes postés derrière les forteresses de sable ont ouvert le feu.

- Sur ses propres hommes ?

- J'en aurais fait de même, si je ne connaissais pas le visage de l'ennemi. Après le mitraillage de la première ligne qui cherchait abri dans la salle, les autres ont compris le message et s'en sont détournés. C'est là que je l'ai vu. Mince, avec des lunettes à monture d'écailles, longs cheveux rassemblés en catogan, Reich était habillé comme n'importe quel soldat d'Ashura. Il venait de se relever, sûrement faisait-il parti du premier rang qui a été mitraillé, sûrement avait-il anticipé la réaction et utilisé les hommes devant lui comme bouclier. En tout cas, il semblait indemne et trop rapide pour les hommes derrière les mitrailleuses quand il leur envoya des grenades. Une puissante déflagration s'en est suivie, bien sûr. De la poussière projetée dans le ciel, des morceaux acérés de bois volants dans tous les sens, l'odeur de la poudre... La salle de contrôle aussi était éventrée en partie.

- Donc pour la première fois, La Braise et Reich se faisaient face ?

- Oui. Le roux et le brun. Et au milieu de cet imbroglio, Nivel fermement retenu par un des lieutenants pendant que l'autre appuyait des boutons colorés sur une console de contrôle. On sut après qu'il était en train d'ouvrir les grilles d'Azoulon. Mais sur le moment, le temps sembla comme figé, suspendu à la décision que prendrait Reich ou Levasseur. Puis ce fut Reich qui agit en premier. Il balança par terre un bidule qui remplit quasi-instantanément les alentours d'une épaisse fumée âcre.

- Hmmmm, mauvais.

- Mauvais pour moi. Les abeilles et les chambres de fumigation n'ont jamais fait bon ménage. Qui plus est, la fumée semblait épicée, lacrymogène. Tournis de tournis, violente nausée, Reich m'attaquait sans même le vouloir, ma forme totale devenait un piège. Je me suis éloignée du champ fumigène en volant en zigzague, menaçant de m'écraser à n'importe quel moment tellement ma vision était devenue sans dessus-dessous. Je devais trouver un endroit à l'abri où reprendre ma forme humaine.

- Hahahahaha ! Tu t'es faite avoir ! rigola le vice-amiral en pointant sur son élève un index moqueur. Par un bleu en plus et tout ça à son insu ! hahahahaha ! reprit-il en essuyant une perle de larmes.

- Du coup, j'ai manqué une bonne partie de l'action. Mais certains détails ne m'ont pas échappé pendant que je reprenais ma forme humaine à l'abri dans une pièce, essayant de me remettre des effets du gaz qui m’avait affecté bien plus que je ne le pensais.

- Ah ouais, quoi par exemple ?

- J'ai notifié que les coups de feu qu'échangeaient le Lynx et le Marabout devenaient de plus en plus épars. Soit ils n'avaient plus de minutions, soit, ils s'étaient blessés et leurs mouvements devenaient plus difficiles. J'ai noté aussi qu'en un instant, tous ceux qui paniquaient, tiraient à tort et à travers se sont soudainement figés puis comme un seul homme puis se sont rués dans la direction des navires amarrés. Je ne pouvais pas les voir, je tentais de reprendre ma respiration affectée par le gaz mais je pouvais aisément deviner qu'ils larguaient les amarres, que la grille était grandement ouverte et que ce qu'il restait de la flotte prenait la mer et quittait la baie.
J'avais une certitude cependant, c'était que le jour était pleinement levé à présent, un soleil d'un orange violent se levait à présent au-dessus des montages givrées de l'île du Croissant.
Qu'en était-il advenu de Reich, de Nivel et de Levasseur ? À cet instant, je l'ignorais, j'étais en proie à une véritable crise d'asthme. Maudit gaz, j'aurais aimé savoir de quoi il était fait.



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Loth laissa tomber son wakizashi, incapable de le tenir plus longtemps. Sa main brûlée au second degré le lancinait douloureusement. À peine amorça-t-il un mouvement pour se relever que La Braise revint à la charge et lui fouetta le visage d'un coup de pied cisaillé. Finalement, essayer de le surprendre par la fumée était une mauvaise idée, se dit Loth qui valdinguait en rasant le sol pavé du port. Il atterrit avec fracas, le dos en premier dans une cabane en bois qui servait de remise.
La diversion avait lamentablement échoué, il aurait dû réfléchir, se dit-il en tâtant son bras gauche gravement brûlé qui se couvrait maintenant de croûtes. Quelqu'un qui se faisait surnommer "La Braise" devait forcément s'y connaître en fumée... Y avait pas de fumée sans feu, d'après un dicton, à moins que ce ne fût l'inverse, Loth, l'ignorait, il avait trop mal pour bien réfléchir. Et pourtant, ce dont il avait enveloppé Levasseur et ses hommes n'étaient pas un fumigène classique. Il l'avait volé, une année plus tôt, en détournant une cargaison d'une des sections scientifiques de la marine. Un gaz basé sur une formule spéciale, conçu pour être incapacitant dès la première bouffée. Loth l'avait déjà utilisé dans le passé et avait assisté, intéressé, à la violente crise respiratoire que provoquait le gaz. Ceux qui avaient respiré la fumée se tordaient en ce moment même sur le sol, secoués par les dysfonctionnements de leurs poumons, cherchant une bouffée d'air à tout prix.

Mais voilà, cela n'avait pas marché sur Levasseur, ni sur ses Lieutenants, ni sur Nivel d'ailleurs, mais lui, s'attendait à ça, Loth lui avait parlé de ce gaz. La Braise et ses hommes avaient sûrement cessé de respirer dès que le panache s'était propagé. Bref, un fiasco complet cette diversion et en plus, les bateaux s'éloignaient et Nivel était à bord de l'un d'entre eux. Seuls Levasseur, Loth et quelques soldats malheureux étaient encore à terre. Sans oublier Avada Kedavra et Milton Pendergast dont les tirs avaient cessé. Il y avait un vainqueur à leur combat à distance et Loth considérait le fait que La Braise n'ait pas encore reçu une balle dans la tête comme un mauvais signe...
Comme s'il lisait ses pensées, le commandant de la branche armée d'Ashura fondit sur son adversaire, dégaina pour la première fois sa rapière et scinda l'air avec. De sa position, empêtré dans les débris de bois et bric-à-brac divers, ridiculement tordu, un filet de sang suintant de sa tempe droite, ses lunettes de travers, Loth vit un éclair de flammes, des vraies, foncer sur lui. Le même phénomène s'était produit plus tôt, et Loth avait pensé que son ennemi avait un lance-flamme dans la manche, mais là... Il se dépêcha comme il le pouvait, de sa démarche de bossu et plongea à sa droite comme un gardien à la suite d'une balle pour esquiver l'attaque, évitant ainsi d'être flambé avec la cabane.

- Nul n'a jamais porté un tel coup à Ashura, Loth Reich. Félicitation, mais c'est fini maintenant ! Tu vas souffrir mille morts, mais tu dois vivre pour voir échouer tes projets, perdre tout espoir quand nous envahirons Boréa, dit Levasseur d'une voix victorieuse. As-tu déjà entendu parler de Togoum ? demanda-t-il sur le ton de la conversation.

- C'est... le dieu du f..feu... des peuplades de...de l'ancienne Meurodie. Un dieu...destructeur... répondit Loth comme s'il était en classe, à cette différence près qu'il essayait de convaincre ses muscles de le soutenir dans un combat vain pour tenir debout face à son adversaire bien plus puissant que lui.
Il était six heures passées, Red ne devrait plus tarder.

- Parfaitement ! répondit La Braise, visiblement content que Loth connaisse son dieu du feu. Togoum n'est pas un dieu destructeur cela dit, non, le feu purifie ! Il ne détruit pas, il rénove ! C'est l'eau qui emporte, c'est l'eau qui dévaste tout sur son chemin ! Après le feu, c'est le renouveau ! Tiens, dis-moi ce que t'en penses. Dis-moi si tu ne sens pas un nouveau talent, un nouveau toi surgir en toi après ça. Dis-moi, si tu ne te repens pas d'avoir attaqué Ashura !
Holy Orb !
lança-t-il, les yeux brillants d'une leur démente, semblant complètement fou.

Avec sa rapière, il décrivit un cercle dans le vide et qui s'enflamma aussitôt puis fusa sur Loth dans le même mouvement. Malgré les pores de son corps qui hurlaient de protestation, malgré ses muscles qui semblaient endoloris par des années de tortures, il prit appui sur ses jambes flageolantes et prit son envol. Du moins, c'est comme ça qu'il nommait ce style particulier qui lui permettait d'imiter les mouvements de la grue. Il s'en fut vite au-dessus de La Braise, les pieds repliés, les bras en croix tel un oiseau de proie. Loth tournoya sur lui-même dans la descente tout en envoyant une salve de couteaux de jets sur son ennemi qui para l'attaque en amorçant à sa rapière un mouvement hélicoïdal. Il bloqua aussi le coup de pied simiesque de Loth, il slaloma sans mal dans le déluge de points érigés en tête de serpents qui visait ses points vitaux. Il bougea à peine quand Loth parvint à le toucher à la poitrine grâce à son style du tigre, au terme d'un mouvement zigzagué.
Levasseur envoya son jeune adversaire valser une nouvelle fois, projeté par une orbe de feu juste au-dessus du nombril.
La douleur était lancinante mais aussi expansive. Loth avait l'impression que ses milliers d'aiguilles s'enfonçaient dans sa chair dans un chorale machinale. Pour la millième fois depuis le début de ce combat, il s'écrasa sur terre comme un vieux sac de pommes de terre flétries. Il rota une quantité considérable de sang et la chair brûlée de son ventre dégageait une odeur indicible. Son bras gauche gravement brûlé refusait maintenant de lui obéir, un de ses pieds était secoué de tics incontrôlables et pour couronner le tout, ses lunettes étaient tombées. Il était aveugle désormais, ne pouvant soutenir la lumière du jour.

- Vous...vous..p..pouvez ...me filer mes v..verres... ? demanda-t-il à La Braise comme s'il s'adressait à son meilleur ami. Elles...me sont... indispensables.. Je ne... vois..pas votre charmant..visage.. je ne peux... fantasmer... d..dessus.

Pour toute réponse, une puissante poigne le saisit à la gorge et le rapprocha du visage de son ennemi. Pas qu'il l'eut vu, juste qu'il le devina à en juger par les postillons qui éclaboussaient son visage.

- As-tu une idée de ta situation délicate ? Tu penses que c'est le moment de faire des blagues ?

- P..Pourquoi ? Vous avez...dit que..je ne mourrai pas... de suite... Y a rien à... craindre alors... Continuons...notre lune... de miel. satirisa-t-il.

Il n'était pas dans ses habitudes de faire des plaisanteries, ni d'avoir peur de ses adversaires ou encore de montrer ses sentiments à qui que ce soit. Malgré les blessures avancées dont il souffrait, malgré les morts et les disparus dans ses rangs, il savait déjà sa mission accomplie, La Braise avait perdu plus de temps qu'il n'en fallait sur la base. Malgré qu'il lui eut collé la raclée de sa vie, tout n'était pas perdu, il n'y avait pas matière à désespérer.
Loth se sentit soulever de terre et plaqué contre un sol légèrement humide et en bois. Le pont d'un bateau assurément à en juger par le tangage qu'il sentait. Quelqu'un l'attacha sans ménagement au grand mât et lui colla avec une force délibérée et inutile, ses lunettes sur son nez. Elles étaient de travers, mais au moins, il pouvait faire le point. Le bateau sur lequel il était prisonnier était en dernière position de la file qui s'échappait de la baie. Une agréable brise matinale en poupe aiguillait les bateaux qui se dirigeaient vers le nord.

_Te voilà prisonnier, hinhinhinhin. Comment vas-tu faire pour donner le signal de l'attaque au Rouge ? Si ça se trouve, il va attaquer d'abord et poser des questions ensuite et là, BOOUUUM, tu finiras en hachis, hinhinhinhin, lui dit la voix.

- En parlant de "boum", j'espère que Nivel est sur ce même bateau... répondit-il dans un monologue.
Il sentit alors des doigts calleux toucher les siens. Visiblement, quelqu'un était attaché de l'autre côté du mat.

- Il est juste derrière toi, le Nivel, lui répondit le Niveleur de sa voix pincée.

Pour une raison qui lui échappait, Loth se sentit énormément soulagé avant que sa voix intérieure ne lui rappelle qu'il n'avait jamais été dans un pétrin de ce niveau. Il regarda Crescent Island s'éloigner avec une pensée douloureuse pour Avada Kedavra en se demandant ce qu'il avait bien pu devenir.
Avec horreur, il entendit Levasseur crier à quelqu'un : "nettoyez-moi ça ! On n'y reviendra plus !".
C'est alors que du port B1 au B2 en passant Cross, toute la base d'Ashura explosa dans une déflagration enflammée qui fit rugir les montagnes.

________________________________

Quelques minutes avant l'explosion de la base...

Autant qu'il pût en juger, aucun adversaire ne lui avait donné au tant de mal, aucun n'avait réussi à lui mettre autant de balles dans le corps. Bordel, jura le Marabout, le Lynx l'avait-il pris pour un putain de cible de chiffon ? Un, deux, quatre, cinq trous, cinq entrées de balles. Comment il tenait debout ? Il n'y tenait plus, il était là, couché à l'ombre d'un épicéa salvateur, guettant la moindre occasion d'achever ce combat.
Et pourtant, il n'avait pas été en reste, pour sûr, Bobcat était tout aussi blessé que lui. Ils s'étaient livré à un passionnant duel à mort, le terrain sur lequel ils évoluaient justifiant leurs blessures à peu près mortelles. Eux qui d'habitude visaient pour tuer, dans le feu de l'action avaient dû se contenter de n'importe quel morceau du corps mal dissimulé. Le Marabout était certain de mener la danse, le dernier tir datait de plus de vingt minutes et il venait de lui. Sûrement, avait-il logé sa balle dans le l'épaule du Lynx qui dépassait du rocher derrière lequel il s'abritait. Il espérait tout de même n'avoir touché aucun point vital ou artériel, de peur que son ennemi ne s'effondre loin de lui. Pour un tireur de son niveau, rien n'était plus important que la certitude, il devait gratifier Avada d'une balle dans la boite crânienne pour en être sûr. Cela dit, son adversaire ne donnait plus aucun signe de vie depuis un moment, ses lunettes de visée ne brassant que la forêt d'érable qui s'étendait sur ce côté de l'île, désespérément vide de vie. Vide de vie humaine pour être plus précis, il avait eu l'occasion de voir des caribous et des orignaux dans ses lunettes. En ce moment, il chassait un humain et aucun autre proie ne saurait être plus amusante.

L'attente du Marabout dura des dizaines de minutes, à l'affût du plus infime signe de son adversaire. Tous ses sens étaient aux aguets, ils décuplaient les bruissements de la forêt, transformant d'innocents hululements de chouette en un cri démentiel d'une créature tout aussi cauchemardesque. Il attendait, attendait encore et encore. La lumière du soleil pénétrait à présent la fine canopée et les créatures diurnes se réveillaient pleinement maintenant, gazouillant, hennissant, piaillant. Et pourtant, dans ce concert de bruits vivifiants, Milton Pendergast nota quelque chose qui n'appartenait pas à la forêt. Un bruit que ne repérerait pas une oreille normale. Le bruit d'une branche qui se cassait depuis les hauteurs noyé dans d'autres sons plus insignifiants.
Une pensée frappa le Marabout à la même vitesse que les balles de son ennemi. Il n'y avait pas d'ours sur l'île, mais la forêt était peuplée de grands herbivores. Aucun à même de casser une branche par son poids et à part les oiseaux, aucune créature ne régnait sur les cimes. Aucune sauf le prédateur naturel de ces grands herbivores, le puma, ou son proche cousin, le Lynx.
Instinctivement, plus rapidement que tous les gestes qu'il avait eu à exécuter dans sa vie, le Marabout fit un tonneau, roulant sur le sol dégelé. Un son étouffé, celui d'une balle fusant d'un silencieux et rentrant dans la terre lui parvint, de l'endroit exact où se trouvait sa tête moins d'une seconde auparavant. En se réceptionnant sur le dos, un œil toujours collé contre son viseur, son fusil de précision pointé vers la cime d'où provenait le tir, Milton Pendergast le vit. Avada Kedavra, haut perché sur une branche d'érable comme son félin totem.
Ils firent feu simultanément.
La vision désormais brouillée du Marabout vit le Lynx tomber de son arbre, il le réalisa avec un sourire aux lèvres, non pas à cause de sa balle qui l'avait raté, mais des autres blessures qu'il lui avait infligées. La balle de son ennemi par contre s'était logée quelque part dans sa gorge. Un écœurant bruit d'évier débouché provenait du sang qui coulait par saccade de son artère carotide. Milton Pendergast ne sentait plus ses muscles, il ne sentait même plus la douleur, il se sentait juste terriblement engourdi, emprisonné dans ce corps qu'il allait bientôt quitter.

- Bien joué, beau combat, lui dit la voix énigmatique de son ennemi mortel qui s'était porté à sa hauteur, prenant appui sur son fusil.

Il aurait voulu lui retourner le compliment, il aurait voulu lui dire qu'il n'était pas beau à voir, mais le son s'étouffa tout seul quelque part au fond de sa gorge trouée. Il voulait aussi lui demander comment avait-il avalé les deux kilomètres qui séparaient les deux rives de l'île en si peu de temps alors qu'il, Milton, l'avait atteint à l'épaule moins de vingt minutes auparavant.
Ses yeux louchèrent l'épaule nue de son adversaire et ne virent aucune blessure.

- C'est un épouvantail habillé de ma chemise que tu as touché, Milton. Un leurre destiné à te donner l'illusion de ma position. Je l'avais posé de telles sortes qu'il glisse doucement jusqu'à parvenir dans ton champ de vision alors que j'étais déjà loin. Tu as sûrement dû repérer les caribous d'ici non ? J'ai profité de leur passage près de moi pour me glisser dans le troupeau. Ensuite, j'ai évolué de branche en branche jusqu'à toi. J'étais à mi-chemin quand tu as tiré sur l'épaule de l'épouvantail me donnant ainsi ta position.

Bien sûr, se dit Milton en rigolant intérieurement. Ingénieux, pas mal du tout. Un lynx, ça grimpait aux arbres, il aurait dû le deviner. Sa bêtise lui avait coûté la victoire et sa vie dans quelques secondes. Dommage, mais aucun regret, il avait pleinement vécu et partait de la manière dont il l'avait toujours voulu, vaincu dans un combat loyal par un valeureux adversaire. Alors que sa vision s'affaiblissait, éteignant le monde devant lui, il jeta ce qui lui restait de lumière sur la poitrine dénudée de son adversaire. Il sourit sereinement, pensant qu'il emporterait avec lui la vérité sur le sexe du Lynx, murmura un "Merci" qui se perdit en un horrible glouglou puis s'éteignit.

- Dommage en effet que tu ne puisses rien confirmer ou infirmer sur mon genre, susurra Avada avec un sourire qui le vida de ses dernières forces. Désolé, Loth, mais c'est à toi de faire le reste maintenant, pensa-t-il.

Maudissant Nivel, pas fichu de suivre un plan à lettre, Avada s'écroula sur le cadavre de son adversaire, dans une étreinte d'outre-tombe. Indubitablement, se dit-il, quelqu'un, ou quelque chose avait ajouté son grain dans le rouage de leur plan bien huilé. Quelqu'un qui n'était ni dans un camp, ni dans l'autre, et puis... merde, se dit-il, il s'en préoccuperait plus tard.
Il se ficha même de cette explosion qui secoua la montagne avec force et qui avait dû détruire la base... Une seule chose lui importait. Dormir et récupérer.


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- Les symptômes que tu décris sont ceux de l'Agent Orange. Un gaz mis au point par des scientifiques véreux puis repris et modifié par la section scientifique. Son utilisation reste cependant très contrôlée. Une caisse a été volée l'an passé. Ce Reich m'intéresse de plus en plus.

- Ça, je l'ai su à l’hôpital, mais sur le moment, je luttais pour respirer. J'avais l'impression d'être victime d'un accident de décompression. Cette sensation d’asphyxie à répétition était insoutenable. Vous comprenez pourquoi j'étais hors circuit ? Je n'ai pas vu quand ils ont largué leurs amarres, je n'ai vu la direction qu'ils ont prise mais j'espérais qu'ils aillent vers Boréa. C'était mon plan et je n'étais pas en mesure de m'assurer qu'il aille à point. J'aurais pu tous les éliminer, j'ai choisi de jouer sur les deux tableaux en pensant n'avoir rien à craindre d'eux. Dans l'absolu, oui, mais je n'ai pas su prévoir l'imprévisible.

- Dis comme ça, tu as l'air d'avoir perdu d'une manière un peu grotesque et burlesque. Comment as-tu échappé à l'autodestruction de la base ?

- Je savais que des bombes étaient placées sous les bâtiments et à des endroits stratégiques des ports pour effacer toute trace si un danger venait à poindre. Quand j'ai noté qu'ils étaient en train de partir bien que je ne pusse pas les voir, j'ai pensé que Levasseur voudrait nettoyer les lieux. J'ai rampé, je suis sortie de ma cachette pour m'écrouler dans la forêt non loin. Ironique non ?

- Oui. Que Reich se soit donné tout ce mal alors qu'il y avait déjà des bombes de disposées sur l'île. S'il l'avait su, il aurait juste cherché à en avoir les codes d'activation. Sous la garde personnelle de Levasseur, je suppose ?

- Lui-même.

- Je vois.

- Il m'a fallu plus de trois heures pour m'en remettre complètement. Quand je pense qu'il s'agissait juste d'une seule bouffée...

- C'est la nouvelle formule de la section scientifique. Ce gaz ne s’infiltre que par les voies respiratoires. L'éviter est facile, il suffit juste de ne pas respirer, ce qu'ont sûrement fait Reich et Levasseur. Toi, tu as été prise au dépourvu et sous forme complète, je me demande si tu pouvais te livrer à ce genre d'exercice d’apnéiste. Du coup, quand tu es revenue a toi, le spectacle était terminé. Tu apprendras, plus tard, comme moi les évènements qui ont suivi le déploiement de la flotte d'Ashura.

- Désolé, Maître. J'avais toutes les cartes en main, j'ai voulu rafler le jackpot, je me suis retrouvée ruinée.

- Tu auras appris quelque chose de cet échec au moins. Plus aucune piste sur Ashura dans nos comptes. Je vais devoir envoyer des missives bien ennuyeuses à l'état-major. Bon, bon, bon, tes poumons ça va là, prête à reprendre du service ?

- La nouvelle base à Boréa ?

- Oui. Elle est presque finie, un commandant d'élite est recherché pour en assurer le commandement. J'ai déjà proposé ton nom. Ashura restera parmi tes priorités, Reich aussi, il est à surveiller, nous ignorons toujours pourquoi il a attaqué la flotte mais ta mission principale sera d'accentuer l'emprise du Gouvernement sur le royaume. À Marijoa, on trouve que le jeune roi pense un peu trop par lui-même ces derniers temps. On pense qu'il a besoin de se faire parrainer. Ta mission sera plus diplomatique que bourrin.

- À quel fin ? Je sais bien que le port de Lavallière est un des plus importants de North Blue, le royaume lui-même est une possession de choix, mais à quoi rime la hausse soudaine des intentions du Gouvernement envers ce bout de glace ? Il ne s'est pas trop empressé de réagir à la mort du Colonel Grey, mais deux mois après, comme par magie, on met les petits plats dans les grands ?

- Hmm, tu poses de ces questions... Il se pourrait, je parle au conditionnel, que les mines de Boyettes ne soient pas aussi en déclin que l'on le pense. La rumeur court qu'une veine de charbon très prometteuse a été découverte sur l'île. On parle de décennies de réserves. Le Gouvernement en a eu la confirmation auprès de l'assistant du géologue indépendant qui a fait la dite découverte. Malheureusement, l'assistant est mort des suites de ses blessures durant l'éboulement qu’ont causé leurs prospections et le géologue en question reste introuvable. Donc, outre la démonstration de force et le message envoyé aux sections révolutionnaires qui pourraient bien chercher à imiter Alrahyr Kaltershaft, le Gouvernement se positionne aussi pour profiter de cette manne si elle était prouvée. Sûrement, plus tard, tu recevras comme mission de retrouver ce géologue. En attendant ta lettre de confirmation et d'affectation, repose toi bien. Moi, je retourne à mon QG. Tiens-moi au jus, petite abeille.
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