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Pot de terre et pot de fer.

Soleil radieux, petit vent frais, et navire arrêté. Fantine s'accouda au bastingage en poussant un long soupir. Elle s'ennuyait. Kurn était parti dormir dans la cabine, et elle n'avait absolument rien à faire depuis qu'elle avait quitté la dernière île où ils avaient fait le plein. Et se parler à soi-même, ça allait bien cinq minutes, mais c'était pas folichon sur la durée... Un nouveau soupir, elle retomba sur le sol du pont, fondant littéralement sur ce dernier. En partant, Groot lui avait interdit de faire bien des choses, comme par exemple de mettre le feu au navire, de se tailler une tenue dans la voile du navire, de lever l'ancre avant son retour, de parler aux navires qui passaient à portée de voix, malgré ses objections à base de « mais c'est moi le capitaine d'abord ! ».

Elle bailla.

Alors, elle était là, à ne rien pouvoir faire de ses dix doigts, car la liste de Kurn fut bien plus longue encore. En se retournant, rageuse, ses yeux se posèrent sur les trois canons rouillés qu'ils avaient récupéré à quai, « par sécurité ». La jeune fille se redressa, comme si elle avait une idée en tête. Une mauvaise idée. Mais que Kurn n'avait pas interdite, elle en était presque sûre. Ou peut-être entre ses blablabla et ses mehmehmeh, mais sans certitudes. Les sens aux aguets, elle prêta l'oreille vers l'intérieur du navire, pour tenter de percevoir les bruits de pas trop lourds de son partenaire. Comme s'il était capable d'entendre par avance quand elle allait faire quelque chose de mal... Un sourire vint s'imprimer sur ses lèvres fines.

Kurn devait dormir à poings fermés. Et ça, c'était une bonne nouvelle.

Elle revint sur ses jambes, et s'avança à pas de chat jusqu'à ces engins de mort et de destruction massive quand ça se trouvait entre les mains de Fantine. Elle en fit rouler un à la force de ses petits bras, tentant d'être la plus douce possible, mais il y eut tout de même comme un bruit grave, le frottement des roues en bois sur le parquet grinçant, qui fit grimacer Fantine. Elle ne s'arrêta pas pour autant. Tant que Kurn ne bondissait pas hors de la cabine, la jeune fille considérait que c'était bon...

Et elle parvint même à se rendre de l'autre côté du pont, à positionner sa machine, sans que Groot ne déboule comme un diable en la sommant d'arrêter immédiatement ce qu'elle faisait. Un soupir lui échappa. De soulagement. Suivi d'un grand sourire satisfait.

Il suffisait maintenant de trouver ce qu'elle allait bien pouvoir mettre dans la gueule du canon !

Un boulet ? Trop commun. Tout le monde mettait des boulets dans les canons, elle, elle était beaucoup plus visionnaire que ça. Qu'avaient-ils d'autre sur le navire à disposition qui pourrait faire l'affaire ? De la bouffe ? Et que mangeraient-ils après ? Des tableaux ? Sûr, ils en avaient plein dans la cabine qui ne servaient à rien. Elle le nota. Des meubles ? Il faudrait les détruire avant, donc faire du bruit, donc réveiller Kurn. Trop compliqué. Rayé d'office. Des vêtements ? Non. Jamais. Fantine y tenait trop, et Kurn n'en avait pas assez pour que ça soit amusant. Puis, des fringues ne voleraient pas très loin.
Et les couverts ?

Les yeux de Fantine s'illuminèrent d'une joie nouvelle. Avaient-ils vraiment besoin des couverts et de l'argenterie ? Ça coutait son petit lot, mais ils s'en dispensaient en mangeant avec les mains par exemple (comme d'habitude pour son cas), et ils avaient désormais suffisamment d'argent pour s'en racheter au cas où lors de la prochaine escale. C'était l'idéal ! Parce qu'elle pourrait recommencer une autre fois du coup !

Elle bondit de sur son siège et prit la direction de l'intérieur. Ouvrant la porte avec délicatesse, elle leva les jambes pour avancer avec précaution dans la petite cuisine, et ouvrit les tiroirs les uns après les autres. Elle conserva les couteaux, qui pouvaient servir à autre chose que couper de la bouffe (des gens, par exemple), et fourra toutes les cuillères et fourchettes dans son T-shirt retourné. Ils en avaient un bon nombre, et ça ferait très bien son office !

Le tintement du métal n'aida pas la jeune fille à sortir de la cabine tranquille, mais elle y parvint en suant à grosses gouttes néanmoins. Lorsqu'elle retrouva son promis, elle ne manqua pas de se ruer vers lui, de lui remplir la gueule de l'argenterie dérobée, de tirer la mèche, craquer sa première allumette et...

Blaoum !

« YOUHOUUUUUU ! Yo ho, yo ho, a pirate's life for me and drink up me hearties, yo ho ! »

Fantine sautilla de joie, la fumée s'échappant de la bouche béante du canon. Une fumée noire, qui s'estompa progressivement. Elle portait un sourire ravi de sa petite expérience. Kurn n'allait pas tarder à débouler d'ici quelques secondes, juste le temps de cacher le crime.

Enfin...
Ça, ce fut ce qu'elle pensa.

Car en relevant le nez, avisant enfin l'horizon qu'elle pensait avoir viser, un croiseur se présenta à elle. Avec une question au bord des lèvres : Comment avait-elle pu le manquer ? Pas avec les cuillères et les fourchettes... Mais des yeux. Kurn n'allait pas seulement débouler. Il allait faire d'elle de la charpie !

« Yo oh... »

Premier réflexe ? Filer se planquer avant qu'il ne soit trop tard. Car le croiseur prenait désormais sa direction, apparemment décidé à régler les comptes, l'argenterie plantée sur la coque de son navire. Elle s'éclipsa sans demander son reste, laissant ce détail à Kurn. Il saurait bien se débrouiller. Elle passa par-dessus son bastingage, s'accrochant aux rebords de bois abîmes, cherchant la première ouverture pour se faufiler dans la cale en évitant soigneusement de croiser son camarade. Tant pis pour les preuves et la scène du crime. Elle se ferait gronder plus tard...
Mais bien plus tard. Et de préférence, jamais. Avec un peu de chance, elle allait se faire oublier, et quand elle sortirait de sa cachette dans trois semaines, Kurn lui aurait pardonné sa petite expérience.

Ouais.
Ça allait marcher.
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Blaoum !

Kurn se retourna dans son sommeil. Il avait pris une cabine vide et, sortant le matelas de sa couchette, l'avait posé par terre. Recroquevillé dessus, avec les pieds dépassant assez largement d'un côté, il s'était endormi avec Respora -le nom du cimeterre géant, à côté de lui, à portée de main.
Un mauvais pressentiment trottait dans le fond de son crâne, malgré le fait qu'il lui semblait bien avoir couvert tous les angles dans sa trop longue liste d'interdictions à Fantine. Il renifla puis se mit dans une position foetale encore plus serrée, pour profiter de la chaleur de sa couche.

MOOOOOOOOOON !

La corne de brume le réveilla en sursaut alors qu'il était sur le point de se rendormir. La rascasse cligna des yeux, et entendit distinctement le frottement de deux coques l'une contre l'autre alors que le bateau s'immobilisait avec un soubresaut.

Une attaque ? Peut-être. Sûrement, même.

Empoignant l'arme, il la passa dans les sangles de cuir qui l'accrochaient à son dos, là où ça le gênerait le moins, et partit en courant vers le pont, en pestant contre les fourmis dans ses jambes. Quand il sortit, il faisait nuit. Non, pas nuit, sombre : un gigantesque croiseur de la Marine les surplombait et cachait le soleil, et une belle petite troupe de Marines étaient déjà sur leur embarcation, armes prêtes à faire feu.

Par réflexe, Kurn leva immédiatement les bras en l'air tout en regardant autour de lui, à la recherche de Fantine. Sans succès. L'officier du groupe, la trentaine bien avancée, autant que sa calvitie, prit la parole :
« Ne bougez pas, homme-poisson !
- Je ne bouge pas. Que se passe-t-il ?
- Comment ça, que se passe-t-il ?! Vous venez de nous tirer dessus !
- Euh... Ah bon ?
- Oui ! Regardez les impacts dans notre carosserie ! »

Et Kurn regarda effectivement, notant une volée de fourchettes enfoncées dans le revêtement métallique de la coque du navire de la Marine.
« Ah, euh... Hésita-t-il en notant le canon rouillé encore fumant. J'ai une enfant un peu turbulente à bord. Elle a dû vouloir jouer avec les canons.
- Ah-ha. Tentative d'agression de la Marine !
- C'était un accident ! J'étais parti dormir et...
- Votre compte est bon !
- Mais enfin, vous voyez bien que je n'ai pas de quoi vous attaquer !
- Meurtre d'uniformes au shrapnel !
- Dites...
- Oui ?
- Non, sérieusement.
- ...
- ...
- Oui, bon, c'est vrai qu'une volée de fourchettes...
- N'est-ce pas ?
- Ce n'est pas très dangereux...
- Je suis d'accord.
- Surtout quand ce n'est pas visé...
- Exactement.
- Mais quand même !
- Quand même quoi ?
- Je ne peux pas vous laisser partir comme ça.
- Ah. Et pourquoi ?
- Vous avez attaqué un navire de la Marine, quoi.
- Oui, mais c'était un accident.
- Hum...
- Et si je jette les canons à l'eau pour montrer qu'on recommencera pas ?
- Oui...
- Ca irait ?
- Ca irait.
- Encore désolé, officier. Comme je disais, je m'étais endormi et elle est turbulente et...
- D'ailleurs, de qui parlez-vous depuis tout à l'heure ?
- Fantine. Elle doit se cacher quelque part maintenant qu'elle sait qu'elle a fait une bêtise. Probablement en train de croire que si je ne la vois pas assez longtemps, j'oublierai de la gronder.
- Ah, c'est ça les enfants.
- Elle a vingt ans.
- Ah. Dur.
- Elle expérimente, teste les limites, vous comprenez ?
- Oui, j'ai le même à la maison. Pas croyable, hein ?
- Vingt ans aussi ?
- Non, cinq.
- Beaucoup plus normal...
- C'est vrai. Mais vous savez, les enfants, de nos jours, on n'a l'impression qu'ils ne grandissent plus.
- C'est sûr, c'était mieux avant, avec une éducation à l'ancienne. De mon temps, je peux vous dire que...
- Ah ça, je veux bien le croire. Si j'avais touché le canon pour autre chose que le nettoyer, mon père m'aurait botté les fesses au point de traverser Reverse Mountain.
- C'est plus ce que c'était.
- Et vous, homme-poisson, vous avez quel âge ? Et quelle espèce, sans être indiscret ?
- Oh, oui, j'en oublie de me présenter. Kurn T'Erlhitan, vingt-quatre, rascasse.
- Ah, je vous aurais donné plus.
- On me dit souvent ça.
- Lieutenant d'Elite Che Paki, pour vous servir.
- Enchanté.
- Moi de même, moi de même. Et vous faites quoi sur les mers ?
- L'interrogatoire reprend ?
- Voyez ça comme une conversation amicale, ça ira mieux. Il faut tout de même que je fasse mon travail.
- Bien sûr, bien sûr... Nous voyageons. Je l'amène chez sa tante. Je suis un vieil ami de la famille. Son père m'a rendu service il y a une dizaine d'années et depuis nous restons en contact. Les canons, c'était davantage pour intimider d'éventuels pirates sanguinaires. »

La conversation se tut quelques instants.
« Et on peut voir le petit monstre, alors ? Je pense lui adresser une réprimande en bonne et due forme, ça devrait lui remettre les idées en place.
- Je ne suis pas persuadé que ce soit une bonne idée...
- Ne vous inquiétez pas, je sais y faire !
- Oui... Je suppose... Fantine ? Wouhou ? Sors de ta cachette, je sais que tu es là ! »

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Sortir de sa cachette ? Ça n'était même pas la peine d'y penser, puisque Fantine n'était carrément plus sur le navire depuis un moment déjà. La discussion s'étant engagée entre son second et le capitaine du navire, la jeune fille était partie pour faire autre chose, et à l'abri dans sa cale, elle en avait profité pour jeter un coup d'oeil par le hublot pour voir ce qu'il se passait. Prêtant l'oreille à tout ça, son attention fut bien vite captée par autre chose : un hublot ouvert sur le navire juste en face du sien. Elle n'avait qu'à tendre l'allonge pour pouvoir rentrer sur le croiseur... N'était-ce pas extraordinaire ?

Et elle ne s'en priva pas, en fin de compte. Parce que c'était trop tentant pour passer à côté. Elle ouvrit sa fenêtre en tentant de rester silencieuse, manqua de se cisailler les épaules en s'extirpant de sa cale, puis de tomber à l'eau. Heureusement, elle se rattrapa en chutant à l'ouverture, et à la force de ses petits bras, elle rentra à l'intérieur en roulant boulant à moitié.

Ou était-elle ? A l'évidence, une petite cabine comme la sienne. Ou était-ce un cellier ? Une zone de stockage ? Il y avait des vêtements de marines, par dizaine, par centaine même ! Une sorte de placard ? Elle en fit le tour, en retournant les piles au sol pour voir si ça ne cachait pas quelque chose, et à l'évidence, non. La jeune fille s'arrangea ensuite juste une tenue, cachant ses longs cheveux sous la casquette emblématique, pour sortir rejoindre les autres et entamer la visite. Même en tenue de Marine, elle se trouvait bien !

La majorité de l'équipage était à l'évidence sur le pont, en train de régler le problème du coup de canon malheureux et prendre la pause. Dans les couloirs étriqués du fond du navire, elle passa devant bien des portes verrouillées, et d'autres moins, par lesquelles elle jeta un coup d'oeil sans se convaincre que ça avait un intérêt. Enfin. Elle dut bien à un moment se créer un baluchon, quand elle arriva vers les cuisines et croisa le chef qu'elle salua de la tête avec un petit sourire. On lui rendit la politesse, alors qu'elle fourrait dans son sac l'argenterie du navire. Au moins, Kurn la gronderait moins fort, avec ça en compensation. On lui demanda évidemment ce qu'elle faisait. Et Fantine eut la joie de répondre :

« Ordre du capitaine ! »

Avant de s'éclipser en clinquant de tous les côtés.
Est-ce qu'on trouva son manège bizarre ? Évidemment.  Le capitaine de se navire avait tout l'air d'une personne sensée. On la fixa tout du long avec des yeux surpris, suspicieux, avant de la laisser filer. Parce que si ça venait du capitaine, il y avait forcément une bonne raison à tout ça, et ils seraient bientôt mis au courant de celle-ci, à n'en pas douter. Même si c'était quand même louche, comme ordre...
Enfin, pour Fantine, ça n'était pas aussi recherché, dans sa tête. C'était juste une excuse qui passait trop bien. Et alors qu'elle faisait le tour du navire, en montant progressivement vers des zones plus sophistiquées, l'ordre du capitaine sonna plusieurs fois dans les pièces, et ne marcha pas systématiquement. Quand elle pénétra dans une cabine munie d'un magnifique petit tableau de bataille navale qu'elle avait la ferme intention d'offrir à Kurn (pour se faire pardonner un peu plus vite encore) et qu'on lui annonça ne pas vraiment croire à ça, la jeune fille fut obligée d'en venir aux mains.

Un coup de poing bien placé et un nez cassé plus tard, Fantine roula le corps inconscient dans un tapis qu'elle « rangea » dans un placard, parce que ça lui sembla être une bonne idée. Elle fourra évidemment le tableau dans son baluchon, avant de retourner à l'aventure sans se soucier de rien, enfonçant un peu mieux sa casquette sur sa tête.

Prenait-elle trop de temps ?
Sans doute, ça allait finir par se voir, surtout si Kurn la cherchait. Elle devait retourner avec lui, du coup. Tout naturellement, elle prit la direction du dehors, ou ce qui lui semblait l'être pour elle. Dans les faits, elle se perdit surtout pendant de très longues minutes qu'elle pensa être des heures dans un navire muni de couloirs qui se ressemblaient tous. Elle trouva fort heureusement deux bonnes âmes postées devant une porte ferlée pour leur demander la direction. Bien qu'ils furent étonnés tous deux, se présentant par ailleurs comme deux sergents en mission spéciale pour l'occasion, ils lui indiquèrent la sortie en détails pour ne pas qu'elle se perde à nouveau.
Mais vu sa capacité à se concentrer exclusivement dix secondes sur le même sujet, son attention fut attirée par autre chose dès lors, et elle désigna la porte avec une petite moue :

« Y'a quoi, là ?
C'est secret, fit le premier avec une fierté à peine camouflée d'être au courant. Tu ferais bien de partir, c'est pas pour toi ! »

Secret ? Elle adorait les secrets ! C'était comme les énigmes mais en plus sales !

« J'veux savoir ! Rétorqua la jeune fille en tapant du pied.
Ah oui ? Et de quel droit tu saurais ? Ria-t-il en l'agaçant un peu plus au passage. Faut être au moins sergent pour être mis dans la confidence, et vu ta tenue de troufion, il y a peu de chances que tu le sois.
Eh, si t'es pas joli, sois au moins poli !
Comment ?
Bon, les gars, restez calme...
C'est toi le troufion !
Dis-donc ! Tu ferais bien ne pas me manquer de respect ! Corvée de plonge pendant un mois, matelot !
Euh...
Alors là, tu peux te gratter mon gars !
Quoi !? Mais !
Hum... T'es sûr qu'il est avec nous...?
Bawai ! Tu vas faire quoi ? Va y ! Viens donc! C'est moi le Capitaine, mec !
Le capitaine !? C'est pas bientôt fini ces bêtises ? Tu vas le voir, le Capitaine, justem-... »

Le sergent tendit le bras pour attraper la jeune fille par l'épaule, et sans doute lui infliger une correction bien méritée. Mais la pirate ne se laissa absolument pas faire, et saisit le poignet de son agresseur pour tirer dessus violemment. Un peu de souplesse plus tard, elle se retrouva sur lui, assise dans son dos, une clef de bras bien effectué en lui maintenant la nuque à même le sol. Et l'autre ? Elle l'avait envoyé valdinguer à travers la porte, l'éventrant au passage et dévoilant le contenu de la pièce :

« Maintenant tu vas diiiiire ce que c'est !
Rah ! Alerte ! Aler-
J'vais te casser le bras, mec ! T'as pas envie que je te casse le bras ! Je vais vraiment le faire, attentioooooon ♥ !
Ok ! Ok d'accord ! C'est un fruit !
Un fruit !... Reprit-elle juste à sa suite l'air de dire « Ahah ! Mais c'est bien sûr ! », avant de froncer les sourcils et se tourner vers le petit coffre dans la pièce à la porte ouverte et sortit de ses gonds : C'est tout ? Pourquoi vous l'avez pas mis en cuisine alors ?
Euh... ?
Bon, m'en fous, ta gueule ! Fantine l'assomma d'un coup sec derrière la nuque, avant de se redresser : J'le prends, j'le mettrais dans mon frigo ! »

Et ce qu'elle pouvait être fière de le dire. Elle avait un frigo ! Bon... Un petit, pas très performant, mais un frigo quand même ! Enfin... Elle rentra, marcha sur le corps de l'autre sergent qui couina au passage, récupéra le coffre qu'elle fourra sous son bras après avoir vérifier ce qu'il y avait à l'intérieur. Un joli fruit, en effet, plein de formes et de dessins dessus, qu'elle trouvait chouette. Lui, elle le partagerait pas avec Groot ! C'était le sien !

Bon... La sortie ? Ils avaient indiqué par où déjà ? Par là ! Fantine prit la direction qu'elle se souvenait au pas de course, avant de bondir vers l'extérieur, en effet. Elle défonça à nouveau la porte d'un grand coup de pied (parce que les ouvrir, les portes, c'était un peu surfait), et sauta sur le pont devant le regard interloqué d'à peu près tout le monde. Sa casquette s'envola à cause d'un courant d'air, libérant ses deux longues tresses et ses cheveux aussi bleus que l'océan. Sous ses yeux fushia ? Des matelots, plein de matelots et un capitaine près du bastingage qui parlait à Kurn justement.

« Ah bah... La voilà, annonça l'homme-poisson en sentant venir l'entourloupe et en reculant d'un pas pour déjà préparer son cordage.
Viiiiite Groot ! J'ai tout pris ! On peut y aller maintenant ! »

Est-ce qu'elle interrompait quelque chose ? Oh, boh... Qu'importait ! Il allait être très content d'elle, et probablement pas la gronder avec tout ce qu'elle ramenait !
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Kurn se retint au moment où il allait écraser son front de sa paume droite. Il avait maintenant des affaires plus pressantes à régler. Comme par exemple trouver un moyen diplomatique de s'en sortir.

Non, elle vient de voler tout ce qu'elle pouvait dans un bateau de la Marine. La connaissant, ce sera sans doute des objets un peu pourris, de la nourriture. Mais quand même. Et à voir l'expression du lieutenant-colonel...
« Officier, je suis sûr qu'on peut en parler...
- Chef ! Chef ! Intervint un soldat du croiseur. Ils ont volé le fruit !
- Soldats. Arrêtez-les.
- Bon... »
Effectivement. Mais ça valait le coup d'essayer.

Alors que Fantine sautait du pont les surplombant pour atterrir au milieu des soldats de deuxième et première classes, l'homme-poisson réduisait lui aussi l'écart. Profitant de sa stature supérieure et de sa puissance brute, il abattit le tranchant de sa main sur le capitaine, qui garda ses deux bras croisés. Kurn se contenta de passer la défense en force, sonnant son vis-à-vis avant de l'attraper par le cou et de le jeter à l'eau. Le temps de dire ouf et la jeune fille avait nettoyé les dix autres Marines sur leur embarcation, tandis qu'au-dessus d'eux, cela se mettait à canarder.

Dégainant Respora et la tenant fermement en main, la rascasse trancha les cordes qui les retenaient au navire de la Marine et poussa de toutes ses forces sur la coque pour les écarter. Au final, ce fut le bateau qui avait appartenu à Douglas Thomas qui bougea, mais qu'importait ?
Tirant sur les cordages, il gonfla la voile au plus vite et donna un coup de gouvernail en sautant à la poupe pour prendre les manettes. Fantine était tapie derrière le mât, le sac de ses vols à la main, à l'abri des balles. Dans l'eau, le lieutenant-colonel braillait pour qu'on le remonte, ce que les soldats s'affairaient à faire avec minutie et précipitation.

Attrapant brusquement un coup de vent, ils accélérèrent d'un coup, sortant du rayon d'action des rangées de canons positionnés sur le flanc du navire. Le capitaine en cours de remontée, hissé par des cordes et une bouée, vociférait de les prendre en courses.

« Pourquoi, Fantine, pourquoi ?!
- Euh...
- Enfin, on verra après, si on s'en sort, je suppose... »
Leur embarcation un peu pourrie au pont défoncé et au mât tanguant naviguait fièrement dans les vagues du temps qui se couvrait déjà à vitesse grand V, le vaisseau de la Marine juste derrière eux, qui tentait de les rattraper. Mais le modèle, plus lourd et qui semblait inarrêtable une fois lancé, avait du mal à accélérer.

« Fantine, pourquoi ne nous tirent-ils pas dessus avec le canon qu'ils ont à l'avant ?
- Chais pas ! En avant, Groot, accélère !
- Je peux pas.
- Dis-toi qu'on joue à chat ! Pis c'est ton capitaine qui te dit d'accélérer, d'abord !
- Oui, mais là, je peux pas. Je sais un peu piloter un petit bateau, mais je ne suis pas navigateur. Tout seul, ça va être compliqué.
- Je suis là, moi !
- ...
- Discute pas les ordres du capitaine !
- Mais j'ai rien dit... »

A bord du navire de la Marine, la discussion était toute autre.
« Lieutenant-colonel ! On leur tire dessus ?
- Bien sûr que non, ils ont le fruit ! Si on échoue la mission de rapatriement...
- Le ciel se couvre...
- ... Zone de houle !
- Bouclez-là et rattrapez-le, plutôt ! »

Effectivement, le temps n'était pas au beau. Le souci des grains en mer, c'était qu'il leur arrivait d'être relativement soudains. Et violents. Et ni Kurn ni Fantine n'étaient capable de naviguer par pleine tempête. Déjà que naviguer par beau temps...
Les vents s'emballèrent, gagnant en puissance et tirant toujours plus sur la mâture. Sur instruction, pardon, conseil de l'homme-poisson, Fantine prit tous les cordages possibles et les serra autant que possible au bastingage pour empêcher la grande-voile de se faire la malle.

Puis le chaos se déchaîna. Là où, depuis quelques minutes, il n'y avait que la pluie des bords de l'orage, les vents devenaient maintenant tourbillonants, et ils arrachèrent sans pitié le foc qui trônait à la proue, déchirant la toile et brisant le bois.
Kurn regarda d'un air inquiet le bois crissant et déjà tordu du grand mât. La foudre tomba, s'imprimant sur leurs rétines à tous, percutant l'eau. Derrière eux, déjà moins visible dans la tempête, le navire de la Marine les suivait, bien plus stable et sûr dans les aléas météorologiques.

Distinctement, la rascasse vit un aileron énorme et une ombre gigantesque juste sous la surface de l'eau.

« Fantine ? Je crois que c'était une mauvaise idée...
- QUOI ? Hurla-t-elle par dessus le bruit.
- RIEN !
- YAHOOO, MONTAGNES RUSSES ! »

Les creux des vagues faisaient, effectivement, plusieurs mètres de profondeur. Et la remontée qui les attendait, de l'autre côté, pour grimper d'autant, s'annonçait mal.

Si je me rends à la Marine, peut-être que...

Enfin non. Je suis un pirate, maintenant.

Har. Har. Har.

Hm.


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Le vent soufflait fort, si fort que Fantine avant l'impression de pouvoir décoller. Légère comme elle l'était, prête à prendre les courants qui s'acharnaient sur leur voile déjà usée, se ruant sur le mât déjà en piteux état. Un sourire carnassier prit place sur ses lèvres alors qu'elle regardait l'horizon d'un noir aussi sombre que le fond de ses pupilles. C'était vraiment trop drôle !

Bon, elle était bien la seule à s'amuser comme une petite folle, alors que Kurn s'inquiétait de savoir s'ils allaient survivre, si le navire allait seulement tenir la route. Il était franchement coincé, ce type. Face à une mort certaine, le mieux était encore d'en rire non ?

« Groooooot ! Hurla-t-elle pour couvrir le son du tonnerre qui grondait au-dessus d'eux : Je vais m'envoler, regarde ! »

Et c'était presque le cas, elle s'accrochait péniblement au cordage qu'elle réussissait à attraper, sans pour autant s'inquiéter du fait qu'ils passaient tout juste une vague gigantesque et qu'ils allaient retomber sous peu. Prête à faire le grand plongeon, comme ceux qu'elle aimait, totalement imprégné d'adrénaline, elle sentit la poigne ferme de Kurn sur son poignet la tirant vers lui pour la ramener sur le pont fracassé et la maintenir à flot. Tomber à l'eau maintenant impliquait que jamais il ne la retrouverait, et qu'elle mourrait sans doute noyée. Mais c'était des considérations bien loin de la tête de la jeune fille, s'accrochant comme elle le put sous les ordres ami en pestant au passage :

« Aucun humour. »

Mais les jambes nouées autour de la taille de Kurn qui se cramponnait à ce qu'il pouvait de toutes ses forces, Fantine prit l'initiative de lâcher les mains, en se croyant sans doute dans un manège alors que la descente s'emballait. Le navire prit de la vitesse, quittant par instant l'eau pour retomber violemment sur la surface. Le vent s'engouffra dans ses cheveux défaits, et elle hurla à plein poumon comme une gamine en éclatant de rire à la suite. Clairement, Fantine était dans son élément, mais ça n'était ni le cas de Kurn, ni du navire dont le bois craquait à force d'être malmené. Et maintenant qu'ils avaient pris de la vitesse pour amorcer la montée formidable se profilant devant eux, sans doute que la redescente derrière allait être fatale.

Sur le navire de la marine, se faisant sensiblement distancé, les choses se mettaient mécaniquement en branle. La pluie prit le pas sur le vent, mais n'empêcha pas les hommes d'aller et venir avec un professionnalisme à toutes épreuves, menés par un homme à la voix portant par-dessus les grondements terrifiants de la tempête :

« Ils se dirigent vers Calm Belt, Capitaine !
Nous les aurons dès qu'ils auront passé la limite ! Mais faites vite, rapprochez vous un maximum ! Préparez les harpons et les grappins, on les rabattra vers nous à ce moment-là... »

Le plan se transmit d'homme en homme, qui s'armèrent tous les uns après les autres comme ordonné par le capitaine. Dès que les pirates auraient abordé Calm Belt, leur navire se figera subitement, et ils seraient juste derrière pour les accueillir et les ramener vers eux.

« Ne tirez qu'à mon commandement ! Éructa à nouveau la voix de Che Paki. »

Ils prirent la vague à leur tour, suivant de près le petit navire n'en menant pas large devant eux. Ce dernier s'engagea à toute vitesse dans la montée pour la franchir et passer derrière. Durant quelques secondes, à peine, ils le perdirent de vue.

Quelques secondes, à peine. Pour le Navire volé de Douglas, l'horizon devint noir, profond et particulièrement malodorant, et avant de comprendre ce qu'ils leur arrivaient, le duo changea brutalement de décor, La coque du navire rappa sur une surface molle et gluante amorçant une seconde descente qu'ils avaient envisagé comme bien différente.

Quelques secondes, ce n'était rien pour Che Paki qui se cramponna à son bastingage en attendant le moment de franchir à son tour le sommet. L'écume arrosa le pont, les vagues déferlaient sur eux, comme pour les engloutir, mais bien loin de pouvoir arrêter le croiseur, imperturbable malgré le déchaînement de la tempête. Et enfin, l'horizon se fit clément, par-dessus les derniers remous, un ciel dégagé et d'un bleu inespéré. Le Capitaine esquissa un sourire satisfait, les yeux cherchant devant lui la coque de noix immobilisée...

Mais rien.
Rien du tout.

Son cœur se pressa dans sa poitrine alors qu'il se dirigeait vers la proue pour regarder par-dessus. Néant. Nada. Quetchi. Seulement le calme plat devant eux et la tempête juste derrière. Rien pour troubler la surface de l'eau, bien trop sereine.

« Où sont-ils !? »

L'équipage chercha aussi, sans rien trouver. Il n'y eut qu'un son, porté par un écho trouble, une voix éclatante et lointaine se dissipant progressivement :

« Yaaaahaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa ! »
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La vague. Le sommet de la tempête, du monde. Puis la chute. Interminable. Elle dura tellement longtemps que Kurn se demanda où ils étaient. Et il réalisa, au moment où Fantine tomba sur le pont, malgré le fait qu’il la tienne.

Plus un souffle de vent.

L’obscurité moite et chaude était totale, il n’y avait quasiment pas de remous. Il y eut simplement une secousse, un soubresaut. Et à nouveau le calme plat, absolu.
« Euh… On est où ?
- T’as pas vu Groot ? C’était géniaaaaal !
- Quoi ?
- On est monté tout en haut, piouuuuu, puis tout en bas, viouuuu… et ensuite ça a fait gniom !
- De quoi ?
- Gniom ! Gniom nom nom !
- Qu’est-ce qui a…
- Le poisson géant !
- Lequel ?!
- Celui qui nous a mangés !
- Ah. C’était pas un rêve alors. Un cauchemard.
- On est dans un monstre marin ! C’est pas trop cool ?
- On va mourir.
- Oui, mais avec le sourire !
- Non ! Non, Fantine, non ! »

La coupe était pleine. Il se remémora toutes les vexations passées, comment malgré ses interdictions, Fantine avait joué avec les canons –quoi qu’il avait peut-être oublié de l’interdire, puis comment elle était allée jouer et voler des trucs sur le bateau de la Marine.
« Tu peux pas dire ça, Fantine ! On peut pas mourir !
- Ben, on choisit pas.
- Evidemment qu’on choisit pas !
- Alors autant s’amuser autant que possible !
- Mais la vie n’est pas grand amusement permanent !
- … Ah bon ?
- Non ! On a des choses qu’on doit faire, des promesses à tenir, des Serments à respecter ! On peut pas juste courir partout en espérant que tout se passe bien et sans penser ni au passé ni à l’avenir ! On peut pas rester captif de l’instant présent, c’est pas ça la vie !
- C’est pas la tienne mais c’est la mienne, et j’suis capitaine ! Puis d’abord, pourquoi tu dis que c’est pas ça la vie ? Qu’est-ce que t’en sais, hein ?
- Ma vie, c’est l’Honneur des T’Erhlitan, le Serment de protéger Maxwell Toreshky Percebrume et… Oh. Oops.
- Qui ça ?
- Personne.
- Quiiiiii ça ?
- Mon ancien capitaine, voilà. Celui avec qui j’étais à Poiscaille.
- Et les Serments ? C’est quoi ?
- Tu vois, tu sais même pas de quoi je parle ! Comment tu veux qu’on sorte d’ici ? Moi, je refuse de mourir !
- Laisse ton capitaine réfléchir, tu verras bien ! »

Réfléchir ? Mais justement, c’était ça le problème ! Elle ne réfléchit jamais ! J’ai l’impression d’être dans une garderie ! Sa main s’égara du côté de la poignée de Respora, sans qu’il s’en rendit vraiment compte, avant qu’il ne l’abaisse à nouveau.
« En tout cas, comme j’étais sûre que tu serais en colère, j’ai pris des cadeaux !
- Su-per.
- Alors, déjà, il y a de la nouvelle argenterie pour remplacer l’ancienne. Et un joli tableau, aussi ! »
Kurn jeta un œil distrait à la peinture, à moitié réduite en miettes, davantage à l’état de croûte, pleine de pliures.
« Inutile.
- Dis pas ça, il sera joli avec tous les autres ! Et j’ai même pris du manger dans les cuisines.
- Merveilleux, on pourra manger en regardant lentement le bateau fondre dans les sucs gastriques du poisson qui nous a mangés, tout en admirant des tableaux. Et on aura même des couverts pour ne pas se salir les doigts. Une croisière de rêve en direction de la Mort.
- Pff, comment tu boudes, quoi.
- OUI, JE BOUDE. »

Et Kurn partit bouder, sur la poupe, à regarder dans le noir de ses yeux aux sclères tout aussi sombres, assis en tailleur. Rapidement, néanmoins, la bouderie se transforma en lassitude, puis en simple démoralisation.
Les circonstances l’avaient séparé de son équipage, qui ne l’avait pas retrouvé. Puis, aidé par Fantine, il avait repris sa route, repris une vie de pirate bien moins romanesque que la conception de Maxwell. Mais bien plus pragmatique, semblait-il. Bien plus… chaotique.

Elle m’a sauvé la vie, quand même.

La rascasse soupira. Il avait de toute façon, selon le Code des T’Erlhitan, une dette à rembourser envers Fantine. Elle s’ajoutait à celle due à Maxwell et, s’il arrivait quelque chose à ce dernier, non seulement il ne pourrait se le pardonner, mais son honneur et celui de sa famille seraient souillés.

Pour cela, il faut sortir.

Et, aussi, m’excuser.


Le fracas des canons antiques du navire l’interrompirent.


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En fait, elle qui espérait passer à travers la réprimande se retrouvait très déçue de la réaction de Kurn. Et elle était désormais sûre d'une chose : se faire gronder, c'était franchement pas drôle. Mais bon, la dispute l'avait forcé à trouver une solution pour le sortir d'ici et pour qu'il arrête de faire la tête. Sinon quoi, s'il continuait à bouder pour rien, elle serait obligée de le tuer, ou de le pousser dans le suc gastrique pour se débarrasser de lui en attendant d'y passer aussi.

Assise sur le canon, elle regardait les boulets s'envoler dans le noir et s'écraser contre la paroi de l'estomac. Tout du moins, ce fut ce qu'elle supposa aux bruits qu'elle entendait de temps à autre. Des ploc, des spsssh, d'autres sons aussi sales. Jusqu'à ce que la voix de Groot ne s'élève derrière elle et qu'elle ne daigne même pas lui accorder un regard :

« Mais qu'est-ce que tu fais ?
Je parle pas aux boudeurs. »

Ou une manière de lui dire qu'elle lui en voulait, tient. Fantine se comportait peut-être souvent comme une gosse, mais elle détestait se faire gronder. Ses parents ne le faisaient pas, aussi loin que remontaient ses souvenirs, alors pas question qu'un membre de son équipe ne le fasse, lui. Certes, elle méritait souvent des réprimandes, mais elle ne pouvait juste pas tolérer que quelqu'un s'accorde ce droit. Elle vivait comme elle le pouvait, en ne faisant que ce qu'il lui plaisait. Par choix. Pourquoi s'embarrasser de choses qui ne lui allaient pas, franchement ? C'était ça qu'elle ne comprenait pas chez les autres.

« Je boude plus, fit Kurn finalement. Désolé. »

Fantine leva un sourcil, avant de se tourner vers lui. Haussant les épaules, elle reprit sur le même ton que les fois d'avant, comme si rien ne s'était passé entre temps :

« D'accord ! Bah je tire dans l'estomac pour lui créer des spasmes et qu'il nous vomisse ! C'était pas ragoutant, mais à défaut de mieux, elle avait au moins ça. Et qu'il vienne se plaindre qu'elle tente de le sauver pour voir ce qui allait lui arriver ! Vu que tu veux pas rester et mourir ici, faut bien que je fasse ça ! »

Si elle était pas un capitaine digne de son poste, avec cette déclaration ! Elle relança à nouveau des boulets, plissant les yeux en regardant en direction du noir profond. Il y eut comme un bruit de bulles qui éclatent en remontant à la surface, puis rien.

« Bon, ça marche pas des masses. »

Et ça la décevait. Beaucoup. Son propre estomac fit un bruit sourd, qui la força à se relever et à prendre la direction de la cabine où elle avait lancé son baluchon avant d'aider Kurn lorsqu'ils étaient encore à la surface :

« Avant de tenter l'escalade, j'pense que je vais manger un truc, parce qu'il commence à faire faim quand même. »

Immédiatement, elle pensa au fruit. Rentrant à l'intérieur, elle alluma la lumière, manqua de tomber à cause du chantier dans la pièce, mais réussit à trouver le coffret qu'elle ouvrit. Le fruit était dedans, toujours aussi chouette à regarder. Elle l'extirpa et balança l'emballage par-dessus son épaule, retournant à l'extérieur avant de planter ses dents dans celui-ci. Et à peine eut-elle fait ça qu'une goût atroce lui remonta dans le gosier. Elle venait d'arracher sa première bouchée qu'elle avait envie de la vomir.
Les billes rondes, elle ne sut quoi faire. Elle croisa bien le regard de Kurn, lui renvoyant un air affolé et perdu qui ne savait absolument pas quoi faire de ce qu'elle avait dans la bouche. Elle l'avala, à défaut de le régurgiter par-dessus bord, parce que le bord était trop loin pour elle et les larmes de dégoût qui perlaient de ses yeux :

« POUAH ! Ah c'est dégueu ! Grooooooot ! GROOOOT !
Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a !?
J'ai mangé un fruit pourri ! C'est immonde !
Hum.
Je crois que je vais vomir ! Eurk !
Bon.
Ou alors je vais mourir ! A tous les coups c'est un fruit empoisonné ! Oh bon dieu de banane ! »

Elle s'allongea à même le pont, en boule. Voilà pourquoi ils ne l'avaient pas rangé avec les autres fruits, dans le frigo. Parce qu'il était trop dégueu ! Elle s'était faite piéger. Et elle n'avait plus du tout faim, maintenant...

« Je meurs. Groot... Je meurs. Snif. »
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« Je meurs. Groot... Je meurs. Snif. »

Kurn paniqua un peu. Déjà parce qu'il avait parfois du mal à se souvenir s'il s'appelait Groot ou Kurn... Non, non, c'est bien Kurn. Mais également parce qu'il ne savait pas quoi faire. C'était vrai que le fruit avait franchement une sale tête et, à la place de Fantine, il ne l'aurait probablement pas mangé, surtout sans savoir ce que c'était. D'un autre côté, le durian semble horrible et pourtant...
Sa faim à lui totalement mise de côté, il se précipita aux côtés de son capitaine pour examiner la situation. La langue sortie, pendant presque jusqu'au bois abîmé du pont, elle murmurait des mots incompréhensibles, car à peine articulés.

« Je... J'ai une idée ! »
L'homme-poisson attrapa Fantine par les pieds et, se redressant de toute sa hauteur, la regarde se balancer la tête en bas.
« Tu as envie de vomir ? Il faut vite vomir je pense ! Non ? C'est pas encore assez ? Euh... Et si je secoue ?
Joignant la parole au geste, il agita frénétiquement la jeune fille de haut en bas, pour lui arracher les soubresauts salvateurs. Mais pas moyen, à part des borborygmes inarticulés, de lui extorquer le moindre rejet de nourriture. Désormais franchement inquiet, il coinça les deux chevilles dans une seule main et tapa plusieurs fois dans le dos de Fantine. Toujours rien.

Changement de plan.
Redressant Fantine, il l'assit en face de lui et, lui écartant les mâchoires de force, enfonça un doigt dans sa gorge, tentant d'agiter sa glotte pour l'aider à expulser le morceau de fruit. Elle se débattit.
« G'oot ! A''ête, je me sens pas bien !
- Ben... C'était pas justement pour ça que... ?
- Arrêteuh !
- Bon, bon... »
Kurn s'éloigna de quelques centimètres, la mine soucieuse.
« Ca va déjà mieux.
- Ah. Donc ce n'est pas une intoxication alimentaire, alors ?
- C'avait juste suuuper mauvais goût. J'le jette. »
D'un coup de pied, elle éjecta le fruit à la forme bizarroïde et au goût horrible par-dessus bord, et il tomba avec un ploc discret.

« T'es sûre que ça va ?
- Oui, oui, c'est passé. Mais faut toujours que je te sorte de là ! En tant que capitaine, je tiens toujours mes promesses !
- Parce qu'en tant que pas-capitaine, non ?
- Chut, je réfléchis !
- ...
- ...
- J'ai trouvé ! On a qu'à faire au poisson comme on a fait à moi ! On lui secoue la glotte pour qu'il vomisse !
- Mais justement, ça n'a pas marché.
- C'est pasqu'on l'a pas fait assez longtemps !
- Ca paraît difficile de remonter tout l'oesophage, non ? Et si on sortait par l'autre côté ?
- Déjà ça serait vachement plus long, puis faudrait faire touuuuuus les intestins. Et j'ai déjà vu des intestins, c'est super long !
- Oui, pas faux. Donc on remonte comment ? »

Silence à nouveau. La ligne de flottaison semblait un poil plus basse. Pourtant, il n'y avait pas de voie d'eau -d'acide, dans la cale. Pas encore. La coque ne tiendrait probablement pas beaucoup plus longtemps. Marrant, je n'aurais pas cru que du bois fondrait aussi vite dans les sucs gastriques. Enfin, marrant... Voilà que je me mets à parler comme Fantine. Pris d'une pincée d'humour noir et morbide, il murmura Har har har.

« Et si tu utilises tes trucs de poisson pour pousser l'eau et nous faire avancer ?
- Dans de l'acide qui nous fait fondre ?
- Non, mauvaise idée. T'as vraiment des idées nulles, Groot.
- Oui, c'est ça.
- Et si on souffle très fort dans la voile ?
- ...
- ...
- ...
- On a des gaffes ?
- Des gaffes ? Oui, tu en fais tout le te...
- Des bouts de bois pour pousser le bateau !
- Ah. Euh. Sûrement. Peut-être. Eventuellement... Je sais pas.
- Bah regarde, banane !
- Oui, oui... »

« Pas de gaffes ni de rames à l'horizon, Capitaine.
- Zut, mon plan génial va échouer !
- Par contre, on peut prendre des morceaux du mât. De toute façon, il est déjà en piètre état...
- Faisons ça ! »
Approchant du grand poteau en bois, Kurn se hissa à la force des bras tout en haut, au niveau du nid-de-pie sommaire qui avait été aménagé, une banale plate-forme. Assis là, il arma le tranchant de sa main et coupa d'un coup la vergue déjà affaiblie par la tempête. Se tournant de l'autre côté, il fit de même, la voile tombant en longs pans de toile.

En bas, Fantine s'affairait déjà à détacher le tissu des bouts de bois, ce qui fut fait le temps que la rascasse redescende. Empoignant chacun une des longues demi-vergues, ils se placèrent de part et d'autre du navire, Kurn à babord et le capitaine à tribord.

En s'enfonçant dans l'acide gastrique, le bois émit un léger sifflement.

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Le bois s'enfonçant dans le suc gastrique produisait vraiment un bruit bizarre. Et à mesure qu'ils progressaient sur ce marais de bile, Fantine sentait sa rame de fortune se réduire. L'odeur qui remontait de par-dessus bord n'était pas non plus des plus agréables à endurer, mais il lui en fallait plus que ça pour être dégoûtée. Quand on avait fréquenté les bas fonds et la crasse de Las Camp pendant une bonne partie de sa vie, on ne rechignait pas à mettre les pieds dans la boue, dans la bile, et dans d'autres substances douteuses.

La jeune fille jeta un regard vers son partenaire d'infortune, poussant un petit soupir. Ils étaient probablement au milieu de la poche de l'estomac, ou pas loin d'y être. Il fallait qu'ils se rapprochent de l'entrée de l'oesophage, encore, et encore... Jusqu'à ce que les rames soient moins longues, mais le fond également moins profond. La coque racla la muqueuse de l'estomac et refusa d'avancer plus loin, quand à Fantine, elle balança sa rame sans plus de considération, annonçant fièrement :

« On ira pas plus loin... »

Poursuivre à pied ? Fantine n'avait aucune envie de dissoudre les semelles de ses bottes pour les beaux yeux de merlan frit de Kurn. Elle regarda ce trou noir devant eux, une main au-dessus de ses yeux pour faire visière, et se tourna ensuite vers l'homme avec un air décidé :

« Bon, Groot... Je vais bien calibrer mon bras, te lancer de toutes mes forces et va falloir que tu attrapes la glotte au passage, d'accord ? »

Elle commença à faire des assouplissements avec ses bras, tirant sur ses épaules et s'allongeant, avant de s'exercer à soulever des boulets de canon pour se prouver qu'elle pourrait vraiment soulever Kurn et que faire les choses dans cet ordre avait un sens.

« Hm... Tu veux pas plutôt qu'on fasse l'inverse ?
Si tu insistes ! »

Bien prompt à changer d'avis, par contre. Elle sauta sans se faire prier dans les bras de Kurn, avec un grand sourire, et désigna la direction :

« Tout droit, très fort, très loin !
Bien. Prête ?
Prête ! »

L'homme poisson arma son bras, prit bien ses marques, tenant fermement la jeune fille. Elle se raidit sensiblement, tandis que son ami exécuta un mouvement et un lancé parfait ! Fantine décolla et s'envola, s'enfonçant à toute vitesse dans le trou, hurlant sa joie au passage ! Franchement, voler, c'était quand même quelque chose de chouette. Comme les dents grenades, mais en mieux. Sauf qu'elle, elle ne volait pas vraiment, elle servait de javelot pour un homme poisson. Détail.
Sans forcément voir où elle se trouvait, elle rencontra de plein fouet un obstacle, s'imprimant dedans comme dans un objet paradoxalement très mou et très dur. Par réflexe, elle l'enserra de toutes ses forces, malgré la matière visqueuse qui le recouvrait, et recouvrait désormais ses cheveux, son visage et ses vêtements.

Un hurlement résonna dans la cavité, jusqu'à l'estomac. De joie, même si ça pouvait quand même ressembler à du dégoût sur certains aspects.

« Fantine ? S'inquiéta Kurn de sa position. L'écho porta jusqu'à elle, et elle s'empressa de lui répondre :
J'la tiens !
D'accord... Il se passe rien ici...
Tu veux un miracle ou un plan infaillible, Groot ?
Vu l'état de la coque, je dirais un miracle. J'imagine qu'un plan qui fonctionne pour une fois serait tout aussi bien.
Mais attend, faut que je me balance ! »

Se balancer. Plantant ses chaussures sur la boule qu'elle enlaçait depuis le début, elle s'accrocha du mieux qu'elle le put et commença à porter son poids d'avant en arrière. Tendant les jambes, les rapprochant, le balancement se mit à être un peu plus régulier, comme un peu plus ample à mesure. Il y eut comme un grognement sourd à l'intérieur de l'estomac, et un spasme parcourut tout l'oesophage jusqu'à la position de Kurn. Spasme que Fantine put voir à l'oeil.

« Je pense que t'y es presque.
Ouais, j'entends tout comme toi ! »

C'était grisant. Pourquoi Kurn ne voulait pas rester ici ? Ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient ! Ils avaient le pouvoir ! Alors... Pourquoi ? Par peur de mourir ? C'était nul, comme crainte. Elle s'amusait tellement (et elle était presque sûre que Kurn en faisait autant, au fond, bien au fond) qu'elle regrettait presque d'avoir trouver immédiatement la solution. Il y eut un autre spasme, plus fort que le premier, et elle put voir du mouvement devant elle. La langue géante du mastodonte ondulant pour creuser un passage vers l'extérieur. Dégueulasse ! Et super cool !

« Rattrape moi en remontant ! Hurla-t-elle vers l'arrière. Encore un peu... A la uuuuune... »

Balancement ample. Elle revint vers l'arrière en sentant son cœur se soulevait et un chatouillement amusant dans son ventre :

« A la deuuuuuux »

Nouveau balancement, accompagné d'un bruit du fond des entrailles ressemblant de loin à un torrent approchant à toute vitesse dans sa direction.

« Et à la trooooois ! Youhou ! »

Vomi, lâché et salto !
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Inquiet. Encore et toujours. S'il avait des cheveux, nul doute que certains seraient devenus blancs depuis le temps. Bon, ça ne le concernait pas, certes. Mais tout de même.

Quand la paroi intestinale se rapprocha brusquement de lui, par soubresauts, il n'était pas rassuré. Au deuxième spasme, elle frôla le nid-de-pie, et le bateau remua bizarrement sous l'effet de petites vagues. Au troisième mouvement incontrôlable, le niveau des sucs gastriques se souleva et le porta vers l'oesophage, avant de refluer légèrement. Ce qui restait du mât fut broyé sous la pression de l'estomac se resserrant.
A la prochaine...

Il n'y eut pas de prochaine. Une énorme vague de vomi apparut derrière le navire, et manqua de le submerger sur le coup. Les quelques gouttes qui tombèrent sur le pont brûlèrent légèrement Kurn, sans plus. Il lui fallait rattraper Fantine au vol, où elle finirait dissoute dans une marée de sucs gastriques et d'aliments pas totalement digérés, une perspective qui n'avait rien d'attrayant. Surtout pour elle.

Et pour les fragments de mon Honneur.

Le courant le porta, lui tout en haut de la vague, le long du tuyau digestif, où un choc sourd derrière lui, au niveau de la poupe, indiqua que Fantine s'était bien rattrapée à quelque chose. Probablement le gouvernail. Tout juste. Comme une métaphore de la mort, encore que ni la jeune fille ni l'homme-poisson n'avaient la moindre chance d'y penser, ils découvrirent la lumière au bout du tunnel.

Le monstre marin les expulsa, dans un râle mêlé de souffrance, de dégoûts et d'incompréhension. D'habitude, ce qui était dans son ventre y restait, et il ne faisait aucun doute pour lui qu'il était atteint d'une maladie étrange. Et que donc il risquait de voir ses chances de survie irrémédiablement entachées. Aussitôt, son cerveau reptilien de poisson prit le dessus et, sitôt le contenu de son estomac régurgité là où il se trouvait, il se pressait de plonger sous l'eau à la recherche d'une femelle de son espèce, pour transmettre ses gènes, aussi pourris soient-ils.

L'embarcation qui avait appartenu il y a quelques jours à Douglas Thomas n'était pas nécessairement faite pour survivre aux tempêtes du siècle sur les Blues. Elle n'était assurément pas faite pour traverser Reverse Mountain : trop petite, trop peu maniable, trop fragile. Elle n'était pas non plus faite pour Calm Belt, étant donnée qu'elle n'était pas équipé du secret de la Marine et du Gouvernement Mondial pour traverser les eaux infestées de monstres.

Et, pourtant, le bateau, bien mal en point désormais, se trouvait sur Grand Line, bien que ni Fantine ni Kurn ne le sache.

Se redressant de sa position allongée sur le pont en toujours plus mauvais état du navire, la rascasse fit un rapide inventaire de ses brûlures dues à l'acidité des sucs gastriques avant de se diriger à grandes enjambées vers la poupe, là où Fantine était censément accrochée.
Il arriva sur le modeste château arrière juste à temps pour voir celle-ci se laisser tomber à l'eau. Le bateau était au point mort, la toile était en tas sur le pont et la légère brise qui soufflait ne risquait pas de les déplacer. Dans tous les cas, il jeta un cordage le long de la coque avant de plonger les quelques mètres le séparant de la mer.

Une fois dans l'eau, il déplia ses nageoires et goûta le léger courant, juste sous la surface, qui le ballotait légèrement. La première gorgée d'eau lui fit du bien, ses branchies s'ouvrant grand pour expulser l'eau privée de son oxygène. Puis il enchaîna deux loopings vrillés pour débarrasser son corps des dernières traces d'acide avant de se mettre à chercher Fantine.
Il regarda en haut, vers la surface. Pas un signe. Il regarda à sa hauteur, au cas où elle aurait plongé. Pas un signe. Hm. Elle sait nager, pourtant. Un peu plus bas, une forme coulait à pic. Oh. D'un puissant battement de pied suivi d'ondulations souples, il se propulsa jusqu'à elle, et l'attrapa.

Quelques secondes plus tard, en prenant en compte, vaguement, les palliers de décompression, ils étaient à nouveau à la surface, accrochés à la corde du bateau. Kurn les hissa tous les deux et déposa doucement Fantine sur la toile de la voile. Il ne fallut que quelques instants à la jeune fille pour se réveiller.
« Fantine ?! Il s'est passé quoi ?
- C'était trop bizarre, Groot, j'arrivais plus à nager ! Puis j'me suis endormie.
- Mais, quand ça ?
- Dès que j'étais dans l'eau, je pense ?
- Comment ça se fait ?
- J'sais pas ! Attends voir ! »

Et sans attendre, elle claudiqua à quatre pattes, passa sous le bastingage et retomba dans la mer avec un grand plouf ! Kurn la suivit automatiquement et la remonta dans la foulée.
« Ah ben oui, c'est l'eau bizarre qui fait ça.
- Mince... Comment ça se fait ?
- Je sais pas... Tu crois qu'un sorcier m'a jeté le mauvais oeil ?
- On a croisé un sorcier ?
- Peut-être !
- Hm...
- Oh, tant pis, on verra bien. ♥
- D'ailleurs, ça serait pas une île, là-bas ?
- Siiii ! Trop cool ! On va jouer ?
- Euh, oui, je suppose. »

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