Kurn T’Erlhitan
Pseudonyme : Votre surnom s’il y a lieu. Age: 24 Sexe : Homme Race : Poisson-Rascasse Métier : Serviteur Groupe : Pirate/Civil But : Se mettre au service de Maxwell Percebrume Fruit du démon ou Aptitude que vous désirez posséder après votre validation : Karaté des Hommes-Poissons Équipement : - Codes du règlement : Parrain : Ce compte est-il un DC ? : Oui Si oui, quel @ l'a autorisé ? : Lilou |
>> Physique
Le jeune garçon, alerté par les cris de ses condisciples, se précipita vers une fenêtre. L’attroupement devant celle-ci l’empêcha au départ de voir ce qui avait suscité la curiosité de ses collègues, puis il réussit à se frayer un chemin jusqu’à l’ouverture dans le mur.
Un gigantesque homme-poisson faisait des assouplissements dans le jardin du dojo, juste devant la porte. L’enfant jeta un coup d’œil distrait sur l’enseigne, celle de la maison Fujikonosuke et ignora tout net les lampions et la muraille en pierre. Il voyait cela tous les jours en venant. Il n’avait pourtant pas la chance de pouvoir voir tous les jours une de ces créatures un peu mystiques appelées hommes-poissons.
Il l’examina des pieds à la tête de là où il était, empêchant les autres disciples de le bousculer pour prendre sa place. C’était difficile à estimer avec la distance, mais il faisait plus de deux mètres au bas mot. Sa musculature semblait impressionnante, et encore plus marquant, la bête était extrêmement souple malgré sa puissance. Les bras épais étaient semblait-il dotés de nageoires rétractables, de même que le dos et les mollets !
Mais le brouhaha avait fini par attirer l’attention du Maître du dojo, qui d’une intonation sèche ordonna à tout le monde de s’accroupir en rang dans la salle d’entrainement. Lui avait la cinquantaine, un physique aussi sec que sa voix. Ses muscles étaient noueux comme de vieilles racines et sa moustache un taillis épais. Tous les disciples obéirent instantannément, attendant impatiemment que l’homme-poisson rentre, regards tournés vers la porte coulissante du dojo.
Cinq minutes qui parurent une éternité plus tard, des pas lourds retentirent sur les marches du perron, puis le panneau s’ouvrit, laissant place à l’homme-poisson. Le jeune garçon nota immédiatement la ressemblance avec les rascasses que son père ramenait parfois de la pêche : les écailles étaient ornées de motifs noirs et blancs formant des courbures élaborées qui, sous l’eau, rendaient le poisson difficilement détectable. Et bien sûr, il y avait les épines, hautement venimeuses, qui faisaient comme une couronne sur la tête de l’inconnu, ainsi que sur les nageoires. Le torse bien découplé du nouveau-venu rendait minuscule le Maître, debout en face de lui. En les comparant, l’homme-rascasse faisait bien deux mètres quatre-vingt, ou même trois mètres de haut !
L’examen du garçon fut interrompu par la voix de son maître :
« Bonjour, voyageur, bienvenue au Dojo Fujikonosuke. J’en suis la tête actuelle, Yasujirô Fujikonosuke, quatrième génération.
- Bonjour, Yasujirô Fujikonosuke. Je suis Kurn T’Erlhitan, fils de Vrarr, fils de Torl. »
La voix de Kurn était une basse qui donnait au disciple l’impression de résonner dans sa cage thoracique. Le timbre était calme, maîtrisé. L’enfant profita de ce que les adultes s’asseyaient pour examiner plus en détail le visage du rascasse. Le menton était carré, le nez classique bien qu’un peu applati. Le cou relativement court était épais comme celui d’un bœuf, et strié de branchies sur les côtés. Mais ce furent les yeux qui retinrent le plus son attention : la sclère en était noire comme ce qu’il supposait être le fond des abysses. Un rayon de soleil jouant sur le visage du voyageur mit en évidence une pupille légèrement plus foncée, quasiment invisible.
Puis le dialogue reprit :
« Qu’est-ce qui t’amène ici, Kurn, fils de Vrarr, fils de Torl ? Souhaites-tu rejoindre le Dojo Fujikonosuke ? »
Le rire qui retentit alors surprit tout le monde, bien qu’en parfaite adéquation avec le personnage : un grondement sombre qui dévoila brièvement des dents taillées en pointe. L’éclat s’acheva sur un rictus carnassier.
« Yasujirô Fujikonosuke, je suis venu prendre l’enseigne de ton dojo. »
Le maître acquiesca de la tête puis se releva, resserrant autour de lui les pans de son kimono. Le vieil homme se mit en garde, son vis-à-vis également. Au premier échange, le jeune garçon vit que toute trace de lourdeur dans les pas de l’homme-poisson avait disparu. Il se portait souplement, silencieusement et fluidement d’appui en appui, enchainant des frappes puissantes en profitant de la différence d’allonge. Il sembla au disciple que son maître était plus précis, plus rapide, plus technique. Et pourtant, après quelques échanges, il parut clair que le rascasse allait remporter le duel. Tous les spectateurs, ainsi que le maître, l’avaient réalisé. Leur dojo allait périr, et la mémoire de quatre générations du clan des Fujikonosuke disparaîtrait.
Quand le Maître tomba au sol pour la dernière fois, sonné, les disciples se levèrent en même temps pour se jeter sur l’ennemi de leur dojo : tout, plutôt que l’oubli. C’est à cet instant que l’enfant nota des mains grandes comme des battoirs, alors qu’elles s’abattaient inlassablement. Paradoxalement, l’expression de Kurn était insondable, fermée.
Une dizaine de minutes plus tard, Kurn T’Erlhitan sortit du dojo et brisa l’enseigne à coups de poings, ignorant les fragments de bois plantés dans ses mains, ignorant le sang qui gouttait. Il gravait dans sa mémoire le Dojo Fujikonosuke.
Un gigantesque homme-poisson faisait des assouplissements dans le jardin du dojo, juste devant la porte. L’enfant jeta un coup d’œil distrait sur l’enseigne, celle de la maison Fujikonosuke et ignora tout net les lampions et la muraille en pierre. Il voyait cela tous les jours en venant. Il n’avait pourtant pas la chance de pouvoir voir tous les jours une de ces créatures un peu mystiques appelées hommes-poissons.
Il l’examina des pieds à la tête de là où il était, empêchant les autres disciples de le bousculer pour prendre sa place. C’était difficile à estimer avec la distance, mais il faisait plus de deux mètres au bas mot. Sa musculature semblait impressionnante, et encore plus marquant, la bête était extrêmement souple malgré sa puissance. Les bras épais étaient semblait-il dotés de nageoires rétractables, de même que le dos et les mollets !
Mais le brouhaha avait fini par attirer l’attention du Maître du dojo, qui d’une intonation sèche ordonna à tout le monde de s’accroupir en rang dans la salle d’entrainement. Lui avait la cinquantaine, un physique aussi sec que sa voix. Ses muscles étaient noueux comme de vieilles racines et sa moustache un taillis épais. Tous les disciples obéirent instantannément, attendant impatiemment que l’homme-poisson rentre, regards tournés vers la porte coulissante du dojo.
Cinq minutes qui parurent une éternité plus tard, des pas lourds retentirent sur les marches du perron, puis le panneau s’ouvrit, laissant place à l’homme-poisson. Le jeune garçon nota immédiatement la ressemblance avec les rascasses que son père ramenait parfois de la pêche : les écailles étaient ornées de motifs noirs et blancs formant des courbures élaborées qui, sous l’eau, rendaient le poisson difficilement détectable. Et bien sûr, il y avait les épines, hautement venimeuses, qui faisaient comme une couronne sur la tête de l’inconnu, ainsi que sur les nageoires. Le torse bien découplé du nouveau-venu rendait minuscule le Maître, debout en face de lui. En les comparant, l’homme-rascasse faisait bien deux mètres quatre-vingt, ou même trois mètres de haut !
L’examen du garçon fut interrompu par la voix de son maître :
« Bonjour, voyageur, bienvenue au Dojo Fujikonosuke. J’en suis la tête actuelle, Yasujirô Fujikonosuke, quatrième génération.
- Bonjour, Yasujirô Fujikonosuke. Je suis Kurn T’Erlhitan, fils de Vrarr, fils de Torl. »
La voix de Kurn était une basse qui donnait au disciple l’impression de résonner dans sa cage thoracique. Le timbre était calme, maîtrisé. L’enfant profita de ce que les adultes s’asseyaient pour examiner plus en détail le visage du rascasse. Le menton était carré, le nez classique bien qu’un peu applati. Le cou relativement court était épais comme celui d’un bœuf, et strié de branchies sur les côtés. Mais ce furent les yeux qui retinrent le plus son attention : la sclère en était noire comme ce qu’il supposait être le fond des abysses. Un rayon de soleil jouant sur le visage du voyageur mit en évidence une pupille légèrement plus foncée, quasiment invisible.
Puis le dialogue reprit :
« Qu’est-ce qui t’amène ici, Kurn, fils de Vrarr, fils de Torl ? Souhaites-tu rejoindre le Dojo Fujikonosuke ? »
Le rire qui retentit alors surprit tout le monde, bien qu’en parfaite adéquation avec le personnage : un grondement sombre qui dévoila brièvement des dents taillées en pointe. L’éclat s’acheva sur un rictus carnassier.
« Yasujirô Fujikonosuke, je suis venu prendre l’enseigne de ton dojo. »
Le maître acquiesca de la tête puis se releva, resserrant autour de lui les pans de son kimono. Le vieil homme se mit en garde, son vis-à-vis également. Au premier échange, le jeune garçon vit que toute trace de lourdeur dans les pas de l’homme-poisson avait disparu. Il se portait souplement, silencieusement et fluidement d’appui en appui, enchainant des frappes puissantes en profitant de la différence d’allonge. Il sembla au disciple que son maître était plus précis, plus rapide, plus technique. Et pourtant, après quelques échanges, il parut clair que le rascasse allait remporter le duel. Tous les spectateurs, ainsi que le maître, l’avaient réalisé. Leur dojo allait périr, et la mémoire de quatre générations du clan des Fujikonosuke disparaîtrait.
Quand le Maître tomba au sol pour la dernière fois, sonné, les disciples se levèrent en même temps pour se jeter sur l’ennemi de leur dojo : tout, plutôt que l’oubli. C’est à cet instant que l’enfant nota des mains grandes comme des battoirs, alors qu’elles s’abattaient inlassablement. Paradoxalement, l’expression de Kurn était insondable, fermée.
Une dizaine de minutes plus tard, Kurn T’Erlhitan sortit du dojo et brisa l’enseigne à coups de poings, ignorant les fragments de bois plantés dans ses mains, ignorant le sang qui gouttait. Il gravait dans sa mémoire le Dojo Fujikonosuke.
>> Biographie
Assis en tailleur sur le perron de la maison familiale, Kurn contemplait paisiblement la plaine sous-marine. Leur demeure était un peu à l’écart du village, sur un terrain que ses grands-parents avaient considéré plus constructible. Le sol était en effet ici rocailleux, contrairement au sable blanc et fin sur lequel les voisins avaient préféré construire. Cela ne posait pas réellement de problème, le sol des bâtiment étant généralement constitué d’une couche de parquet supplémentaire.
Il sentit une porte s’ouvrir derrière lui et reconnut immédiatement les pas de son père, la façon que celui-ci avait de faire porter son poids sur les lattes de bois.
« Kurn, ton grand-père veut te parler. »
L’interpellé hocha la tête en se levant. Le ton de son père ne dévoilait rien des intentions de son géniteur à lui, si tant était qu’il les connaissait. Sans se poser davantage de questions, Kurn pénétra dans la maison et rejoignit la pièce privée de Torl, le lieu qui lui servait de chambre à coucher, de salon, et de salle d’audience. Car Torl était le patriarche de leur maisonnée, et en tant que tel celui qui ordonnançait tout ce qui concernait la famille T’Erlhitan.
En s’accroupissant, Kurn contempla son aïeul. Les années l’avait rabougri considérablement. Il gardait encore confusément le souvenir d’un homme musculeux, dominant d’une bonne tête son père. Nul ne peut échapper au poids des âges. Mais ce n’est pas ce qui compte.
« Kurn, commença Torl, je suis maintenant vieux et faible.
- Ce n’est pas ce qui…
- Vieux, faible, et mon corps débile ne me permet plus d’accomplir ce qui doit être accompli.
- Grand-Père, ce qui doit être accompli ?
- Je t’ai peu parlé de ma jeunesse. Approche, retire la couverture qui couvre mes épaules. »
Kurn s’exécuta. Il se leva en un souffle et fit les deux pas qui le menèrent à Torl. L’homme était torse nu sous la laine. Je n’ai jamais vu auparavant mon grand-père sans haut, pensa-t-il, se demandant pourquoi.
Quand il souleva la couverture, il découvrit, à la lueur éclatante qui venait des hautes fenêtres carrées, un imposant tatouage qui couvrait tout le dos de son aïeul.
« Rassieds-toi, Kurn. Prends une tasse de thé et sers-m’en une, également. »
Le jeune homme-poisson ne nota qu’à cet instant la table sur laquelle une théière laissait échapper de la vapeur et une odeur alléchante. Il s’exécuta.
« Donc, disais-je. Tu reconnais ce tatouage ?
- Non, Grand-Père.
- Ca ne m’étonne pas. Les gens l’arborent rarement fièrement. Il s’agit d’une marque d’esclavage. »
Le silence sembla résonner. Mal à l’aise, Kurn prit une gorgée de thé, et se brûla la langue. Il n’en laissa rien paraître. Le mot ‘’esclavage’’ rebondissait dans sa tête. Il secoua finalement le mot et l’oublia. C’était du passé. Ils étaient libres désormais. Tous les T’Erlhitan.
« Brûlant, ce thé. Je ne sais vraiment pas comment tu as pu en boire, mon grand. Enfin bref, j’ai passé de nombreuses années en esclavage au service d’un noble mondial, dans sa résidence secondaire. J’étais affecté aux cuisines, au service, et quelque peu en tant que garde du corps, quand il avait besoin d’impressionner ses convives sans exhiber un géant. Des années noires de ma vie, en vérité. Tu te demandes sans doute dans quelle direction cette histoire va. Tu le comprendras bien assez tôt.
Un beau jour, le manoir fut attaqué par un équipage pirate qui tua tous les gardes et libéra les esclaves. Bien entendu, ils cherchaient avant tout le trésor du noble, qu’ils prirent avec eux. Mais les esclaves purent briser leur chaînes et reprendre une vie normale. Je ne fus pas l’un d’eux. Oh non, pas l’un d’eux… »
Le regard du vieil homme se fit vague. Il contemplait le thé dans ses mains aux doigts tordus par l’arthrose. Après quelques minutes, il leva des yeux tristes vers son petit-fils.
« La malédiction de la vieillesse. Il ne me reste que des souvenirs, que je contemple sans fin, à peine capable de me lever. Mais il y a un certain bonheur à avoir vécu jusque-là. Cependant, ce n’est pas le sujet, et cela ne doit pas te parler, toi qui n’a pas encore fêté ton premier quart de siècle.
Libéré, je n’avais rien à faire. Pas de famille, pas d’amis, pas d’endroit où retourner, pas d’endroit où vivre. Excepté un seul. Décidant de payer ma dette, je fis la seule chose dont j’étais capable. Me mettre au service de celui qui m’avait sauvé. Celui qui serait finalement connu comme étant Vladimir Toreshky, empereur pirate. »
Kurn manqua avaler de travers, et toussa bruyamment une trentaine de secondes.
« Ne passe pas l’arme à gauche, mon garçon, bougonna Torl. Surtout pas maintenant. Tu sais que Vladimir est décédé récemment. Tu sais le poids des traditions et de l’honneur dans cette maisonnée.
- Oui, Grand-Père, fit Kurn d’un ton égal.
- Je n’ai pas pu payer l’intégralité de ma dette envers Vladimir. J’ai été gravement blessé dans un combat. Peu importe. Parlons un peu de toi, maintenant, cela simplifiera les choses. Né il y a un quart de siècle, peu ou prou, dans cette bourgade sous-marine paisible. Oui, oui… Tu as été élevé avec ton petit frère et ta petite sœur, voyageant à l’occasion à destination de l’île des hommes-poissons.
- Régulièrement, Grand-Père.
- Une enfance paisible, n’est-ce pas ?
- Globalement, oui.
- Oui, il t’arrivait d’être dissipé. »
En riant, il se déclencha une quinte de toux qu’il fit passer en buvant une gorgée de thé.
« Evidemment, cela ne s’est pas amélioré quand tu as commencé à apprendre le karaté aquatique. Il a fallu que les années t’assagissent… »
Kurn regarda en dedans de lui pour contempler les années passées. Il y avait des choses dont il n’était pas fier, et d’autres qu’il considérait comme l’apprentissage de la vie. Ses yeux noirs restèrent fermés une dizaine de seconde avant qu’il prenne la parole :
« Quand j’ai eu atteint un niveau suffisant, j’ai commencé à rejoindre les missions du village.
- Mh, oui, déjà plusieurs années. Cela se passe bien, d’ailleurs, toujours… Sauf l’épisode Vürlor. »
C’était Torl qui avait proposé ce moyen de survie : vendre les services des habitants du bourg pour payer les ressources nécessaires à sa subsistance. La plupart des hommes-poissons étaient des mercenaires. Et Vürlor était l’un d’entre eux, un désastre, une mission qui avait mal tournée. Kurn secoua la tête, chassant les mauvais souvenirs.
« Son fils part maintenant à la conquête des mers.
- Son fils ?
- Oui, le fils de Toreshky. Je ne savais même pas que Vladimir… Mais j’ai eu cette information par un vieil ami. Maxwell T. Perceburme, comme il se fait appeler, va partir voguer dans les traces de son père, et il aura besoin d’aide. Nombreux seront les obstacles sur sa route. Le Gouvernement Mondial, les Empereurs, mais également les anciens compagnons de route de Vladimir. Certains par ambition personnelle, d’autres par jalousie, ou par haine de ce qui reste de leur bien-aimé capitaine…
- Tu veux que je protège Maxwell.
- Tu rempliras à ses côtés les tâches que j’ai jadis remplies au service de son père. Telle est la demande de l’honneur des T’Erlhitan. Tu pars demain, Kurn, fils de Vrarr, fils de Torl. »
Kurn inclina la tête, remit la couverture sur les épaules de son grand-père et sortit. Dans la pièce, les mains de Torl tremblaient. Il posa précautionneusement sa tasse sur la table basse à ses côtés et, après un dernier regard pour vérifier que la porte était bien fermée, renifla bruyamment tout en essuyant une larme.
Dehors, retrouvant la lumière du jour, Kurn inspira une grande bouffée d’air frais et s’étira. Son père lui tapa sur l’épaule, dévoilant à Kurn qu’il savait déjà ce qui allait se dire. Avec un hochement de tête, son fils lui signifia sa détermination.
Cette mission était la sienne.
Il sentit une porte s’ouvrir derrière lui et reconnut immédiatement les pas de son père, la façon que celui-ci avait de faire porter son poids sur les lattes de bois.
« Kurn, ton grand-père veut te parler. »
L’interpellé hocha la tête en se levant. Le ton de son père ne dévoilait rien des intentions de son géniteur à lui, si tant était qu’il les connaissait. Sans se poser davantage de questions, Kurn pénétra dans la maison et rejoignit la pièce privée de Torl, le lieu qui lui servait de chambre à coucher, de salon, et de salle d’audience. Car Torl était le patriarche de leur maisonnée, et en tant que tel celui qui ordonnançait tout ce qui concernait la famille T’Erlhitan.
En s’accroupissant, Kurn contempla son aïeul. Les années l’avait rabougri considérablement. Il gardait encore confusément le souvenir d’un homme musculeux, dominant d’une bonne tête son père. Nul ne peut échapper au poids des âges. Mais ce n’est pas ce qui compte.
« Kurn, commença Torl, je suis maintenant vieux et faible.
- Ce n’est pas ce qui…
- Vieux, faible, et mon corps débile ne me permet plus d’accomplir ce qui doit être accompli.
- Grand-Père, ce qui doit être accompli ?
- Je t’ai peu parlé de ma jeunesse. Approche, retire la couverture qui couvre mes épaules. »
Kurn s’exécuta. Il se leva en un souffle et fit les deux pas qui le menèrent à Torl. L’homme était torse nu sous la laine. Je n’ai jamais vu auparavant mon grand-père sans haut, pensa-t-il, se demandant pourquoi.
Quand il souleva la couverture, il découvrit, à la lueur éclatante qui venait des hautes fenêtres carrées, un imposant tatouage qui couvrait tout le dos de son aïeul.
« Rassieds-toi, Kurn. Prends une tasse de thé et sers-m’en une, également. »
Le jeune homme-poisson ne nota qu’à cet instant la table sur laquelle une théière laissait échapper de la vapeur et une odeur alléchante. Il s’exécuta.
« Donc, disais-je. Tu reconnais ce tatouage ?
- Non, Grand-Père.
- Ca ne m’étonne pas. Les gens l’arborent rarement fièrement. Il s’agit d’une marque d’esclavage. »
Le silence sembla résonner. Mal à l’aise, Kurn prit une gorgée de thé, et se brûla la langue. Il n’en laissa rien paraître. Le mot ‘’esclavage’’ rebondissait dans sa tête. Il secoua finalement le mot et l’oublia. C’était du passé. Ils étaient libres désormais. Tous les T’Erlhitan.
« Brûlant, ce thé. Je ne sais vraiment pas comment tu as pu en boire, mon grand. Enfin bref, j’ai passé de nombreuses années en esclavage au service d’un noble mondial, dans sa résidence secondaire. J’étais affecté aux cuisines, au service, et quelque peu en tant que garde du corps, quand il avait besoin d’impressionner ses convives sans exhiber un géant. Des années noires de ma vie, en vérité. Tu te demandes sans doute dans quelle direction cette histoire va. Tu le comprendras bien assez tôt.
Un beau jour, le manoir fut attaqué par un équipage pirate qui tua tous les gardes et libéra les esclaves. Bien entendu, ils cherchaient avant tout le trésor du noble, qu’ils prirent avec eux. Mais les esclaves purent briser leur chaînes et reprendre une vie normale. Je ne fus pas l’un d’eux. Oh non, pas l’un d’eux… »
Le regard du vieil homme se fit vague. Il contemplait le thé dans ses mains aux doigts tordus par l’arthrose. Après quelques minutes, il leva des yeux tristes vers son petit-fils.
« La malédiction de la vieillesse. Il ne me reste que des souvenirs, que je contemple sans fin, à peine capable de me lever. Mais il y a un certain bonheur à avoir vécu jusque-là. Cependant, ce n’est pas le sujet, et cela ne doit pas te parler, toi qui n’a pas encore fêté ton premier quart de siècle.
Libéré, je n’avais rien à faire. Pas de famille, pas d’amis, pas d’endroit où retourner, pas d’endroit où vivre. Excepté un seul. Décidant de payer ma dette, je fis la seule chose dont j’étais capable. Me mettre au service de celui qui m’avait sauvé. Celui qui serait finalement connu comme étant Vladimir Toreshky, empereur pirate. »
Kurn manqua avaler de travers, et toussa bruyamment une trentaine de secondes.
« Ne passe pas l’arme à gauche, mon garçon, bougonna Torl. Surtout pas maintenant. Tu sais que Vladimir est décédé récemment. Tu sais le poids des traditions et de l’honneur dans cette maisonnée.
- Oui, Grand-Père, fit Kurn d’un ton égal.
- Je n’ai pas pu payer l’intégralité de ma dette envers Vladimir. J’ai été gravement blessé dans un combat. Peu importe. Parlons un peu de toi, maintenant, cela simplifiera les choses. Né il y a un quart de siècle, peu ou prou, dans cette bourgade sous-marine paisible. Oui, oui… Tu as été élevé avec ton petit frère et ta petite sœur, voyageant à l’occasion à destination de l’île des hommes-poissons.
- Régulièrement, Grand-Père.
- Une enfance paisible, n’est-ce pas ?
- Globalement, oui.
- Oui, il t’arrivait d’être dissipé. »
En riant, il se déclencha une quinte de toux qu’il fit passer en buvant une gorgée de thé.
« Evidemment, cela ne s’est pas amélioré quand tu as commencé à apprendre le karaté aquatique. Il a fallu que les années t’assagissent… »
Kurn regarda en dedans de lui pour contempler les années passées. Il y avait des choses dont il n’était pas fier, et d’autres qu’il considérait comme l’apprentissage de la vie. Ses yeux noirs restèrent fermés une dizaine de seconde avant qu’il prenne la parole :
« Quand j’ai eu atteint un niveau suffisant, j’ai commencé à rejoindre les missions du village.
- Mh, oui, déjà plusieurs années. Cela se passe bien, d’ailleurs, toujours… Sauf l’épisode Vürlor. »
C’était Torl qui avait proposé ce moyen de survie : vendre les services des habitants du bourg pour payer les ressources nécessaires à sa subsistance. La plupart des hommes-poissons étaient des mercenaires. Et Vürlor était l’un d’entre eux, un désastre, une mission qui avait mal tournée. Kurn secoua la tête, chassant les mauvais souvenirs.
« Son fils part maintenant à la conquête des mers.
- Son fils ?
- Oui, le fils de Toreshky. Je ne savais même pas que Vladimir… Mais j’ai eu cette information par un vieil ami. Maxwell T. Perceburme, comme il se fait appeler, va partir voguer dans les traces de son père, et il aura besoin d’aide. Nombreux seront les obstacles sur sa route. Le Gouvernement Mondial, les Empereurs, mais également les anciens compagnons de route de Vladimir. Certains par ambition personnelle, d’autres par jalousie, ou par haine de ce qui reste de leur bien-aimé capitaine…
- Tu veux que je protège Maxwell.
- Tu rempliras à ses côtés les tâches que j’ai jadis remplies au service de son père. Telle est la demande de l’honneur des T’Erlhitan. Tu pars demain, Kurn, fils de Vrarr, fils de Torl. »
Kurn inclina la tête, remit la couverture sur les épaules de son grand-père et sortit. Dans la pièce, les mains de Torl tremblaient. Il posa précautionneusement sa tasse sur la table basse à ses côtés et, après un dernier regard pour vérifier que la porte était bien fermée, renifla bruyamment tout en essuyant une larme.
Dehors, retrouvant la lumière du jour, Kurn inspira une grande bouffée d’air frais et s’étira. Son père lui tapa sur l’épaule, dévoilant à Kurn qu’il savait déjà ce qui allait se dire. Avec un hochement de tête, son fils lui signifia sa détermination.
Cette mission était la sienne.
>> Psychologie
Assis sur le perron de sa maison, de son ancienne maison, se corrigea-t-il, Kurn attendait le lever du soleil. Il n’avait que peu dormi cette nuit-là. L’annonce avait été soudaine, le prenant au dépourvu. Et pourtant, qu’importait ? Son honneur l’exigeait de lui. Sa piété filiale l’exigeait de lui. Il l’accomplirait.
La tâche qui m’attend ne sera pas simple. Sa volonté, dure comme du granit marin, demandait à ce qu’il réussisse. Echouer, ce serait apporter l’opprobe sur sa famille, sur son nom, sur lui-même. Ce serait trahir la confiance placée en lui.
Dans la maison, derrière lui, il sentait les présences de sa famille. Tous dormaient profondément, sauf son grand-père, tourmenté par ses souvenirs et ses douleurs. Il repensa à toutes les fois où il avait aidé son aïeul à se déplacer ces dernières années. Toutes ces années qu’il avait passées à ressasser sa dette, à ne pas pouvoir la payer, faute d’être en capacité de rejoindre Toreshky.
Qui aurait cru que mon grand-père avait été un compagnon d’équipage de l’empereur ? Kurn en était toujours un peu surpris. Pas qu’il ait jamais sous-estimé sa famille, mais il était à des lieux d’imaginer un destin si exceptionnel.
Par contre, l'esclavage...[/] Ses dents crissèrent les unes contre les autres quand il repensa à ce que son aïeul et tant d'autres devaient souffrir. Que certains s'y résignent, grand bien leur fasse, eux qui étaient esclaves de cœur plutôt que de corps, mais les autres... Ils doivent être libres.
Accomplir ce que son honneur exigeait de lui, décida-t-il, c’était également entrer dans la légende. Il pourrait mesurer sa prouesse martiale face aux plus grands, être le meilleur garde du corps de Maxwell Percebrume. Sur l’honneur des T’Erlhitan, j’en fais le serment.
Il repensa aux fois où ses combats s’étaient achevés par des morts. Adverses, évidemment. Il grimaça en observant les étoiles pâlir. Ce n’était jamais souhaitable, dans un duel, d’en arriver là. Mais parfois, l’adversaire ne laissait pas le choix, par sa force ou par sa folie, sa détermination. Je dois bien m’avouer que je n’abandonnerais pas non plus, pourtant, normalement…
Ca va être la découverte de la piraterie, se dit Kurn. Actuellement, il se sentait plus proche d’un civil qui travaillait tranquillement que d’un pirate sanguinaire. Il avait déjà travaillé contre des pirates, d’ailleurs. Avec, également. Cela lui importait relativement peu, au final. Leur village n’avait certainement pas besoin de la Marine pour les protéger, et à part les taxes prélevées par leur Gouvernement Mondial, la présence du super-état était plus qu’évanescente. Il ne n’avait pas pas vraiment foi dans le Gouvernement, ni dans ceux qui en faisaient partie.
Kurn sentit une main sur son épaule. Son père.
« Prêt à partir ?
- Oui, Papa.
- Pas trop sous le choc ?
- Non, ça va aller. C’est ce que l’honneur demande. J’envisageais aussi vaguement de voyager. J’ai un but maintenant.
- Tu as parlé avec tes amis du village ?
- J’ai vu Zerurk hier soir, il transmettra le message. Je vous rendrai fiers de moi, fiers des T’Erlhitan.
- Je n’en doute pas, mon fils. Je vais aller préparer le frichti. »
Kuln grogna et rapprocha son sac de marin de lui, l’ouvrant pour vérifier pour la énième fois qu’il n’avait rien oublié.
Jamais je ne deviendrai un de ces chiens sans honneur. Jamais.
Ramdam de pieds frappant le sol dans la maison. Le soleil l’éblouit au moment où son petit frère arrivait à côté de lui. Plus petit, bien plus filiforme, mais non moins redoutable, si ce n’était plus, au karaté des hommes-poissons. Tout son opposé, également. Exubérant, distrait, impulsif.
« Tu pars, frérot ?
- Après le petit-déjeuner, Vulkir.
- Tu reviendras ?
- Bien sûr. Le nom des T’Erlhitan résonnera sur tous les océans. La dette sera payée. »
Le rire cristallin du petit frère se fit entendre dans l’air pur de l’aube.
« Peut-être que je te rejoindrai, ou que je quitterai la maison avant ça !
- On verra.
- Et les humains ? »
Kuln ricana.
« Petits, malingres, effrayés par notre force. Bourrés de préjugés à notre encontre.
- Tu ne les aimes pas, hein ?
- Je me méfie, Vulkir. Ils ont peur, et la peur obscurcit le jugement. Ne l’oublie jamais, garde un esprit clair en toutes circonstances.
- Oui, frérot !
- Allons petit-déjeuner, puis je me mettrai en route.
- Tu voyageras comment ?
- En vendant mes services en tant que mercenaire. Je retrouverai Maxwell, et je le protègerai. »
Sur un nouveau rire cristallin, le petit frère s’enfonça en courant dans la maison sous le regard lointain et déterminé de Kuln.
La tâche qui m’attend ne sera pas simple. Sa volonté, dure comme du granit marin, demandait à ce qu’il réussisse. Echouer, ce serait apporter l’opprobe sur sa famille, sur son nom, sur lui-même. Ce serait trahir la confiance placée en lui.
Dans la maison, derrière lui, il sentait les présences de sa famille. Tous dormaient profondément, sauf son grand-père, tourmenté par ses souvenirs et ses douleurs. Il repensa à toutes les fois où il avait aidé son aïeul à se déplacer ces dernières années. Toutes ces années qu’il avait passées à ressasser sa dette, à ne pas pouvoir la payer, faute d’être en capacité de rejoindre Toreshky.
Qui aurait cru que mon grand-père avait été un compagnon d’équipage de l’empereur ? Kurn en était toujours un peu surpris. Pas qu’il ait jamais sous-estimé sa famille, mais il était à des lieux d’imaginer un destin si exceptionnel.
Par contre, l'esclavage...[/] Ses dents crissèrent les unes contre les autres quand il repensa à ce que son aïeul et tant d'autres devaient souffrir. Que certains s'y résignent, grand bien leur fasse, eux qui étaient esclaves de cœur plutôt que de corps, mais les autres... Ils doivent être libres.
Accomplir ce que son honneur exigeait de lui, décida-t-il, c’était également entrer dans la légende. Il pourrait mesurer sa prouesse martiale face aux plus grands, être le meilleur garde du corps de Maxwell Percebrume. Sur l’honneur des T’Erlhitan, j’en fais le serment.
Il repensa aux fois où ses combats s’étaient achevés par des morts. Adverses, évidemment. Il grimaça en observant les étoiles pâlir. Ce n’était jamais souhaitable, dans un duel, d’en arriver là. Mais parfois, l’adversaire ne laissait pas le choix, par sa force ou par sa folie, sa détermination. Je dois bien m’avouer que je n’abandonnerais pas non plus, pourtant, normalement…
Ca va être la découverte de la piraterie, se dit Kurn. Actuellement, il se sentait plus proche d’un civil qui travaillait tranquillement que d’un pirate sanguinaire. Il avait déjà travaillé contre des pirates, d’ailleurs. Avec, également. Cela lui importait relativement peu, au final. Leur village n’avait certainement pas besoin de la Marine pour les protéger, et à part les taxes prélevées par leur Gouvernement Mondial, la présence du super-état était plus qu’évanescente. Il ne n’avait pas pas vraiment foi dans le Gouvernement, ni dans ceux qui en faisaient partie.
Kurn sentit une main sur son épaule. Son père.
« Prêt à partir ?
- Oui, Papa.
- Pas trop sous le choc ?
- Non, ça va aller. C’est ce que l’honneur demande. J’envisageais aussi vaguement de voyager. J’ai un but maintenant.
- Tu as parlé avec tes amis du village ?
- J’ai vu Zerurk hier soir, il transmettra le message. Je vous rendrai fiers de moi, fiers des T’Erlhitan.
- Je n’en doute pas, mon fils. Je vais aller préparer le frichti. »
Kuln grogna et rapprocha son sac de marin de lui, l’ouvrant pour vérifier pour la énième fois qu’il n’avait rien oublié.
Jamais je ne deviendrai un de ces chiens sans honneur. Jamais.
Ramdam de pieds frappant le sol dans la maison. Le soleil l’éblouit au moment où son petit frère arrivait à côté de lui. Plus petit, bien plus filiforme, mais non moins redoutable, si ce n’était plus, au karaté des hommes-poissons. Tout son opposé, également. Exubérant, distrait, impulsif.
« Tu pars, frérot ?
- Après le petit-déjeuner, Vulkir.
- Tu reviendras ?
- Bien sûr. Le nom des T’Erlhitan résonnera sur tous les océans. La dette sera payée. »
Le rire cristallin du petit frère se fit entendre dans l’air pur de l’aube.
« Peut-être que je te rejoindrai, ou que je quitterai la maison avant ça !
- On verra.
- Et les humains ? »
Kuln ricana.
« Petits, malingres, effrayés par notre force. Bourrés de préjugés à notre encontre.
- Tu ne les aimes pas, hein ?
- Je me méfie, Vulkir. Ils ont peur, et la peur obscurcit le jugement. Ne l’oublie jamais, garde un esprit clair en toutes circonstances.
- Oui, frérot !
- Allons petit-déjeuner, puis je me mettrai en route.
- Tu voyageras comment ?
- En vendant mes services en tant que mercenaire. Je retrouverai Maxwell, et je le protègerai. »
Sur un nouveau rire cristallin, le petit frère s’enfonça en courant dans la maison sous le regard lointain et déterminé de Kuln.
>> Test RP
D'après une source plus ou moins fiable tu as découvert que Maxwell était sur une île (de ton choix). Tu n'ais pas certain de faire confiance à ce tuyau, mais étant le seul que tu as eu depuis des semaines tu te mets à le suivre. Comme rien ne se passe jamais comme prévu, il se trouve que l'information était un piège de la part d'un mécréant pour te dépecer.
Enfin une piste !
Kurn se leva précautionneusement du banc sur lequel il s’était assis, sans oser faire peser tout son poids, de peur de le briser. Il ignora la choppe pleine devant lui. Cela lui valut une question de son vis-à-vis :
« J’peux la prendre ?
- Allez-y. Merci pour les renseignements.
- Pas d’quoi. »
L’homme-poisson posa quelques pièces devant son informateur et paya encore les boissons au tavernier. Ce fut sans le moindre regret qu’il sortit du bâtiment crasseux et puant : dehors, ses pieds ne collaient pas au sol et il risquait moins de se cogner aux poutres grasses de fumée du plafond.
Inspirant une grande bouffée d’air, il tapota la bourse attachée à sa ceinture, inquiet de la sentir si vide. Il devrait bientôt retravailler. Mais les offres de mercenariat ne manquent pas, ici. Cela va simplement me retarder.
Kurn étira ses bras au-dessus de lui, provoquant un brusque pas de côté et un sursaut de la part d’un type qui sortit de la taverne juste après lui. Il n’y prêta pas attention, même quand l’individu pesta avant de s’engouffrer dans une ruelle proche.
Il partit ensuite de son habituel pas pesant vers l’hôtel minable où il avait laissé ses affaires et ses puces. La rascasse avait manqué brûler la literie suite à sa première nuit. Mais il avait été relativement peu mordu, grâce à ses écailles. Mais sentir toutes ces bêtes grouiller… Je me doute bien que je n’aurais pas trouvé mieux ailleurs, donc… Faute d’alternative, il était resté.
Kurn devait se retenir de se presser. Après des semaines à voyager, à traquer la moindre rumeur, aussi fantaisiste soit-elle, il venait enfin d’entendre quelque chose qui semblait sérieux à propos de Maxwell Percebrume. L’occasion de protéger son honneur et payer la vieille dette familiale.
Un aller-retour à sa chambre et il avait son vieux sac de marin sur l’épaule. Il dut comme toujours passer la porte de profil pour ne pas se cogner au chambranle, tout en gardant la tête baissée. Détails. Ses yeux totalement noirs étaient fixés sur l’après, pas tant sur le pendant.
Le navire de Percebrume avait, d’après ses informations, fait escale dans une crique isolée située à une poignée d’heures de marche de la ville. L’homme-poisson quitta rapidement la ville, sa puanteur et sa crasse pour arriver en rase campagne, sur une route de terre battue creusée par les ornières des charettes, dont une passait justement.
Kurn appela le vieil homme qui conduisait :
« Bonjour, vous serait-il possible de me prendre un bout en chemin ? »
Le paysan le jaugea, puis regarda d’un air empli de doutes son plateau vieillissant dont les planches vermoulues tordaient les clous.
« J’avions bien peur qu’les planches, ben elles tiendront pas, comme qu’y dirait.
- Mh, effectivement, navré du dérangement. »
Ils haussèrent tous deux les épaules, le fermier intimant à ses bœufs de se remettre en marche d’un sifflement impérieux. Kurn regarda son chapeau de paille bringuebaler au gré des cahots de la route, puis se mit en route à sa suite.
La rase campagne laissa la place à un sous-bois touffu dont l’expansion n’était jugulée que par les gens qui venaient s’y servir en branches et en troncs. Pris d’une hésitation soudaine, il profita d’un coude du chemin pour se jeter dans le fossé. Ce n’est qu’une impression mais…
Quelques instants à peine plus tard, trois hommes armés de sabres et de fusils apparurent devant lui. Ils ont dû entendre la rumeur et veulent en profiter pour dévaliser un pirate esseulé et solitaire. A trois contre un, en prime. Cela ne sera pas ! D’un bond, il fut derrière eux, toute lourdeur dans sa démarche oubliée. D’un enchainement basique, ses mains s’écrasèrent sur ses victimes, les étalant pour le compte.
Le seul qui échappa à ce destin tenta maladroitement de dégainer son sabre, son mousquet et de prendre ses jambes à son coup en même temps. Il ne réussit qu’à se prendre les pieds dans sa lame avant de tomber à terre. Il tentait de fuir à quatre pattes quand Kurn l’attrapa par le collet, le désarma en arrachant simplement les armes de sa poigne fébrile et le souleva pour pouvoir le regarder droit dans les yeux.
Ce que le brigand y vit ne sembla pas lui plaire. Le rascasse avait à peine eu le temps d’ouvrir la bouche pour poser sa première question qu’un flot ininterrompu de paroles surgit :
« Désoléc’estpasmoic’estlecapitainequivoulaitcapturerunhommepoissonpourleréduireenesclavage !
- Pardon ? Plus lentement, petit homme !
- Désolé, c’est pas moi c’est le cap’tain qui voulait capturer un homme-poisson pour le réduire en esclavage et le revendre !
- Combien êtes-vous ?
- Une dizaine ! »
Il évite mon regard. Mauvais signe.
Kurn montra les dents en un rictus carnassier.
« Soixante-quatre en comptant le coq !
- On retourne en ville, grogna-t-il. »
Sur le chemin, menant devant lui les trois pirates attachés par une corde qu’ils avaient fort à propos avec eux, l’homme-poisson cogitait. Soixante-quatre, bien trop pour moi. Il faut voir si les marines qui surveillent la ville et l’île voudront bien agir pour attaquer ces esclavagistes. Un homme-poisson se trouve peut-être parmi eux, après tout…
Une vingtaine de minutes plus tard, les trois hommes étaient en cellule et Kurn dans un bureau avec une gradé de la Marine. Qui, il ne savait pas, la personne n’avait pas pris la peine de se présenter.
« Nous vous remercions pour votre acte citoyen et pour avoir contribué à l’incarcération de trois pirates mineurs recherchés pour diverses exactions allant du vol de boulangerie à l’arrachage de sac à main. Nous allons également utiliser les informations fournies pour trouver le navire de ces individus.
- Je dois pouvoir vous y mener, ainsi que vous assister dans la capture de ces mmmh… dangereux criminels.
- Cela va aller, il ne manquerait plus que nous ayons un civil dans les pattes pour nous gêner, sans vouloir vous offenser.
- Sans vouloir vous offenser, en tant que mercenaire, j’ai déjà collaboré à moult reprises avec le Gouvernement Mondial et la Marine dans des opérations d’envergure contre des pirates.
- Où se trouve votre carte de chasseur de prime, dans ce cas ? »
Kurn observa le visage serré, sévère et sans beauté de la marine qui lui faisait face. Un faciès terni définitivement par une moue mécontente dont la bouche aux commissures tombantes ne semblait s’ouvrir que pour parler d’une voix sèche et arrogante.
Evidemment que je n’ai pas de carte de chasseur de prime. C’était Gudril qui en avait une, et qui s’en chargeait pour chaque expédition.
L’homme-poisson inclina la tête en signe d’assentiment, ramassa ses affaires et sortit de la pièce étroite. La poignée de berries qu’il avait reçu ressemblait plus à une aumône qu’au paiement de son travail, et il n’était pas certain de le vivre bien. Il les empocha finalement, se disant que cela lui serait toujours utile.
Quant aux pirates, le détachement de Marines qui partit en même temps que lui paraissait prêt à leur faire payer leurs crimes, donc il ne s’en faisait pas trop de ce point de vue.
Par contre, je n’ai toujours pas trouvé Maxwell Percebrume, avec tout ça… Il faudra que je me méfie davantage, à l’avenir. La perfidie…
Ses mains se crispèrent sans qu’il s’en rendisse compte, ses nageoires se dépliant d’un coup également.
Un soupir et des pas lourds plus tard, il se dirigeait vers le port, en quête d’un bateau qui le transporterait vers une autre île.
Dernière édition par Kurn le Ven 27 Mar 2015 - 22:05, édité 2 fois