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Hasard et malchance



Se mouvant avec prudence, elle s’engouffra dans l’édifice à pas de loup, sur fond de silence totale, presque inquiétant. Un silence inhabituel, rien à voir avec le calme d’un endroit normalement désert, non. Il s’agissait là d’une accalmie. Et ce qui la précédait était clair. Klara prit soin de ne pas poser le pied dans une des nombreuses flaques de sang qui décoraient ici et là le sol en béton. Elle remarqua également des traces de pas ensanglantés qui partaient en sens inverse. Il ne lui fallu pas longtemps pour détecter les premiers cadavres, encore frais. Le premier, un homme d’une cinquantaine d’année au vue des rides que l’on pouvait apercevoir sur ses mains, avait été poignarder à plusieurs reprise dans le ventre, avec acharnement, sans précision aucune. Son uniforme blanc et bleu de soldat était maintenant rouge sang. Le deuxième, plus jeune, était lui mort sur le coup, un joli trou béant dans son crâne indiquait qu’il s’était pris une balle de gros calibre. Au moins, il n’avait pas souffert.

Les corps qui attendait la jeune chasseuse dans la pièce qui servait probablement de salle de repos étaient eux en bien plus sale état. L’endroit était recouvert de morceaux d’acier, plantés dans le sol, dans les murs, dans les meubles, et, bien sûr, dans les cadavres. A la manière de verres brisés, les morceaux étaient petits, taillés en pointe mais sans précisions, à la va vite. Ce qui avait dû rendre la chose encore plus douloureuse. Certains soldats en avant reçu dans l’oeil, la bouche, ou dans d’autres zones sensibles à la vue desquelles Klara ne pouvait qu’imaginer la douleur provoquée, soulagée de savoir que, biologiquement parlant, elle ne pourrait jamais connaître pareil destin.

Elle arriva enfin au fond du bâtiment, ou reposaient trois anciens soldats. Les traces de luttes étaient plus évidentes dans cette sorte d’arrière boutique vide et à l’abandon. Si la vaste majorité du mur du fond était recouverte de poussière, une partie en était débarrassé, et à la place siégeait fièrement un impact de balle sous une énième trace de sang, au pied de laquelle gisait le cadavre d’un homme mûr qui était, si l’on en croit son uniforme, le plus haut gradé de l’avant-poste. La flaque de sang en dessous découlait de la plaie qu’il possédait au torse, prêt du cœur. Le second homme avait eu la gorge tranchée. Quant au troisième, il avait eu le droit à un traitement spécial, la plaie grandement ouverte qu’il avait à l’arrière de la tête indiquant que son assaillant avait probablement claquer son crâne à plusieurs reprise contre le coin d’une des étagère. Ce ne fut guère difficile de distinguer laquelle.

Lorsque Klara s’apprêta à quitter la pièce, elle aperçu au dernier moment ,dans un coin, une papier chiffonné et recouvert de sang qu’elle ne mit pas longtemps à comprendre la nature. Il s’agissait d’un avis de recherche pour un criminel quelconque. Elle ne pouvait de toute façon pas reconnaître le visage ni déchiffrer le montant de la prime à cause de l’épais liquide rouge qu’elle n’avait que trop en ces lieux.

Le massacre était récent, très récent, et s’était déroulé dans un laps de temps probablement très court. La présence de la chasseuse à ce moment là n’était que pure coïncidence. Et elle avait maintenant fait le tour, il n’y avait plus rien à voir dans ce lieu sanglant et à présent vide de vie. La suite était cependant évidente, et Klara poussa la porte qui l’avait vu venir en premier lieu, sans un regard en arrière.

* * *

Le trace de pas étaient de plus en plus difficiles à suivre, la végétation s’épaississant à vu d’œil. Cependant, la personne à qui ces traces étaient dues étaient probablement blessée car de minces filés de sang permit à Klara de poursuivre sa traque à travers la forêt dans laquelle elle venait de s’enfoncer. Le calme glaçant de l’avant-poste de marines avait laissé place aux bruits habituels mais tout de même menaçants des craquètements de branches et de feuilles se frôlant sous la légère brise de fin d’après-midi. En effet, au loin, Klara pouvait apercevoir entre les arbres le soleil commencer à se coucher. Il ferait bientôt noir. Heureusement, les traces de sang devenait de plus en plus épaisses et de plus en plus visibles ; le blessé et le suspect numéro un n’aurait pas pu aller bien loin dans cet état.

Elle en eut la preuve formelle quelques minutes plus tard, quand elle entendit, non loin de là, quelques gémissement et des grossièretés qu’elle ne put déchiffrer. S’approchant prudemment, en prenant soin de ne pas révéler sa position trop tôt pour éviter que l’homme ne se remette à courir, elle arriva bientôt à quelques mètres de lui et pu enfin donner un visage à l’auteur du massacre.

Fatigué. Ce fut le seul adjectif qui lui vint en tête en le voyant. Atrocement fatigué. L’homme affichait autant de volonté de vivre que les cadavres qu’elle avait eu le loisir de découvrir un peu plus tôt. Il était chauve et arborait une grande barbe noire, emmêlée et sale. Sa tenue de voyage était recouverte de sang, de même que la lame de son épée, plantée juste à côté de l’homme, affalé dos à un arbre. Il était entrain de s’administrer les premiers soins, du moins il faisait de son mieux.

Il s’arrêta un court instant lorsqu’il remarqua la présence de la jeune femme.

- Ça ne pouvait pas s’arrêter là, hein.
- Bonsoir, fit-elle d’un air nonchalant.
- T’es qui?
- Une chasseuse de prime.
- Hinhin. Une camarade. Qu’est-ce que tu me veux?
- Je reviens de l’avant-poste.
- Évidemment que t’y reviens. Évidemment. Tu veux savoir ce qu’il s’est passé?
- Vous les avez massacré.
- C’est vrai.
- Pourquoi?
- Ça t’regarde pas, s’exclama-t-il un peu trop fort, se faisant mal tout seul et toussant du sang après coup.
- Je pourrai vous aider. Ou non.
- Hinhin. Hm. Bordel. Ok. Ils l’ont cherché, si tu veux tout savoir. Je n’ai fait que me défendre.
- Vraiment?
- Ouais. Vraiment. Je me casse le cul et rampe dans la crasse pour trouver ce putain de primé, je risque ma vie pour le buter à leur place, et quand je vais chercher ma prime, tu sais c’qu’ils me disent?
- Qu’il faut être stupide pour croire qu’il y a autant d’argent dans un avant-poste aussi petit et reculé?
- Rah, ta gueule, je sais. Ils me disent qu’on reconnaît pas assez le type, que c’est pas recevable. Alors je me suis énervé. Ce connard de gradé, en voyant ça, tente de m’amadouer en me disant qu’il allait tout de même me dédommager. Il m’emmène dans la pièce du fond, là ou y’avait sois-disant de quoi me payer. Et avant que tu l’ouvres encore, ouais j’ai été con. Mais je voulais mon fric et je voulais me barrer le plus vite possible. Bref. Une fois là-bas, rien. Et avant que j’ai le temps de comprendre ce qu’il se passe, un des deux soldats qui nous avaient suivi m’attaque. Par derrière. Sauf qu’ils étaient pas de taille. Vraiment pas. Je les ai tué tout les trois. Légitime défense. J’ai compris qu’après ce qu’ils voulaient. La tronche de l’autre con était parfaitement identifiable, j’y fais gaffe. Ils voulaient s’approprier la gloire, histoire qu’on les fasse enfin sortir de ce trou paumé. Mais au final, ils y resteront à tout jamais.
- Et les autres?
- Ils se sont mis en travers de mon chemin. Ils m’ont pas laissé le choix.
- La plupart n’avaient pas leurs armes de sorties.
- Ils ont vu leurs putain de chef m’emmener là-bas. Ils se doutaient forcément de ce qui m’attendaient.
- Pas vous, alors pourquoi eux si?
- Putain. Ok. J’ai perdu mon sang-froid. Ouais, je les ai tous buter, jusqu’au dernier. Ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment. J’ai été leur hasard et leur malchance. Ça change quelque chose?
- Beaucoup de choses.
- Qu’est-ce que ça peut te foutre? Tu chasses la prime, comme moi. Et moi, y’a pas de prime sur ma tête.
- ...
- Quoi, tu vas pas me dire que t’es une sorte de vengeur ! Tu fais ça pour le fric, comme moi et comme les autres. Hein, t’es qui?
- Ton hasard et ta malchance.
- Ha ! Hm. Tu veux peut-être la prime, non?

Elle n’aurait pas du le laisser faire. Il trifouilla rapidement son sac et en sorti une tête ensanglantée et coupée du reste, que Klara identifia comme le visage imprimé sur l’avis de recherche ensanglanté ramassé plus tôt. Elle n’eut cependant pas le loisir de le contempler longtemps car l’auteur du massacre envoya le crâne avec force dans sa direction. Elle n’eut qu’une fraction de seconde pour apercevoir la mèche enflammée qui sortait de la bouche du morceau de cadavre.

D’instinct, Klara leva ses bras pour se protéger le visage. L’explosion n’était pas très grande, mais projeta, en plus du sang et des morceaux de cervelles, de minces bouts de métal taillés en pointe dont certains s’enfoncèrent dans le bras de la chasseuse qui recula pour augmenter la distance entre elle et son adversaire qui n’en avait même pas profiter pour fuir. Il n’avait plus rien à perdre.

Une fois les débris de l’explosion retombés au sol, Klara dégaina d’un geste vif son épée qu’elle portait dans le dos et l’utilisa pour bloqué le tir que lui adressa l’homme. Son arme de gros calibre nécessitait un long rechargement entre chaque tir, aussi décida-t-il de rengainer et de plutôt foncer vers Klara, qui fit un bond sur le côté pour esquiver l’attaque qui lui était destinée. L’homme, affaibli par sa blessure, alla s’effondrer contre un arbre. La chasseuse fit virevolter son arme dans sa main avant de s’élancer en avant pour profiter de la faiblesse de son ennemi, qui avait malheureusement plus d’un tour dans son sac.

Un puissant flash blanc aveugla la blonde platine qui ne put esquiver la seconde charge de l’homme qui la plaqua au sol, avant de lancer une troisième bombe. Klara roula sur le côté et se protégea encore le visage, mais cette fois pas de flash, ni d’explosion et encore moins d’acier. Simplement une épaisse fumée grisâtre qui obstruait toute visibilité. Heureusement pour elle, malheureusement pour lui, le gaz remonta rapidement et le sol redevint suffisamment visible pour permettre à Klara de suivre les traces de sang que laissait derrière lui l’homme, dont la charge avait rouvert la blessure. Les traces dessinait un arc de cercle, s’éloignèrent dans les fourrées et disparurent de son champ de vision très limité, avant de réapparaître dans une autre direction, non loin de ses pieds.

Son adversaire se tenait devant elle et s’apprêtait à lui asséner un coup d’épée à la verticale, qu’elle para sans mal avant de donner un puissant coup de pied dans la brume devant elle, ce qui n’eût aucun effet. Elle comprit qu’elle ne pouvait rester là, et s’éloigna en bondissant agilement en arrière jusqu’à se retrouver hors de la brume, qui recouvrait tout de même une bonne partie de la clairière dans laquelle elle se trouvait.

Elle écarta légèrement les pieds pour prendre ses appuis en cas d’attaque, et guetta le moindre bruit, la moindre trace de sang ou l’apparition soudaine d’une silhouette. Apparition qui ne se fit pas tarder, et son adversaire, dans toute sa fougue, l’attaqua de front, mettant ses dernières forces dans un assaut aussi puissant que vain ; Klara esquiva en se décalant sur la droite avant de se pencher en avant, le bras tendu, la lame de son épée à l’horizontal, pointant vers l’ancienne position de l’homme qui était maintenant à genoux sur le sol. Il avait ses deux mains plaqué sur son ventre, du sang s’écoulant entre ses doigts jusqu’à former une épaisse flaque sur le sol, à moitié absorbée par la terre.

- Quelle fin de merde, soupira-t-il en crachant du sang au passage.

Elle rengaina son épée.

- Pour nous deux, finit-il.

Avant qu’elle ne puisse réagir, le mourant se jeta une dernière fois sur la chasseuse pour la renverser, avant de pointer vers elle son arme à feu, la fumigène lui ayant donné le temps de la recharger. C’était avant tout une arme de courte portée, et il n’avait pas voulu gaspiller sa balle en tirant à l’aveugle. Mais c’était maintenant le moment opportun. Si il avait eu toutes ses forces, il aurait sans doute pu faire sauter la cervelle de la chasseuse. Elle avait pu néanmoins se débattre et lever l’arme en l’air, et, dans un bras de fer à mort, parvint à pointer le canon vers le visage de son assaillant, avant d’appuyer sur le doigt de l’homme qui tenait la gâchette.

Elle souffla un moment, observant la nuée de corbeaux qui venait de prendre son envol. Il ne lui restait plus qu’à retourner au défunt avant-poste et de contacter une quelconque autorité compétente.


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