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De l'art pour le cochon

Ça grouille, ça gueule, ça se bouscule, bref, ça vit. J'adore cette foutue baie, c'est à se demander pourquoi je m'y suis pas installé. Pour sûr qu'être nomade ça indispose méchamment quand on aime profiter du paysage. Mais c'est la vie que je me suis choisie, faut chercher le grisbi là où il est, et l'argent ne dort jamais.
Y'a pas que la plèbe qui fourmille, l'information circule et passe d'une oreille à l'autre comme un pou infestant crâne après crâne. Faut savoir démêler le vrai du faux, ne rien gober quand le ragot semble trop amer, mais prendre en compte toute les rumeurs, même les plus aberrantes, c'est souvent les plus savoureuses.

J'en chie pour me mouvoir dans cette foule qui s'active comme dotée d'une volonté propre. Déjà bien cinq ou six fois que j'ai senti des mains me palper le charnu, désolé les gars, mon porte-monnaie est pas dans une de mes poches arrière, pas la peine d'insister. Des pickpockets à tous les coins de rue, ça a son charme, comme l'odeur de poisson rance qui embaume toute la baie de Jing, sans parler de leur manie à gueuler pour se parler les uns aux autres. Je sais que ce genre d'ambiance bordélique ça rebute du monde, mais quand on saisit quel ordre régit ce chaos de ville, on s'y plaît vachement.
Voilà que je m'arrête. Fait chaud, je m'éponge le visage dégoulinant de sueur avec mon mouchoir de poche. On me pousse un peu parce que je suis dans le passage. C'est vrai qu'un gugusse de mon poids dans le chemin, ça a le don de gêner.
Alors je me traîne devant une enseigne de restaurant local, ça sent bon le porc grillé par là.

- Paraît qui z'enduisent le bestiau d'une sauce au miel... J'en saliv'rai presque.

Mais non, faut pas que je cède à la tentation. Obèse, mais pas gourmand, j'oublie jamais que le réconfort ne vient qu'après l'effort. C'est qu'après le labeur que le goût de la bouffe en devient meilleur. Je parle d'expérience.
Non, avant d'alimenter ma panse, faut que je trouve ce type : James. Pas un natif vu le nom, mais ça l'empêchera pas de faire mon bonheur. Les rumeurs dans la baie allant bon train, j'ai pas manqué de graisser la patte de qui y fallait pour avoir mon quota d'informations lucratives. Pensez donc, ce type serait pirate. Aucune prime au compteur, juste comme je les aime : suffisamment immoraux pour écumer les mers, mais pas suffisamment célèbres pour m'en servir au mieux.

Parce qu'il va me servir ce con de pirate. Moi, et surtout le gouvernement mondial. C'est pas tout ça de jouer les caïds sur un bateau, faut assumer la contrepartie. Lui faire comprendre que s'il existe, c'est parce qu'on le laisse exister, tout bêtement.

- Hôtel Ji Hai Jo, c'est mon t'rminus.

La porte d'entrée est tout juste assez large pour que je passe. Je vous jure, ces commerçants qui s'imaginent que leurs clients doivent tous correspondre à un type physique précis, c'en est presque vexant. Quand la standardiste me voit arriver, elle blanchit à vue d'œil, comme si c'était un monstre qui l'approchait. Le gabarit a de quoi rebuter, faut dire ce qui est, mais c'est le visage qui rassure pas non plus. L'argent ne dort jamais, et moi non plus, j'ai triste mine malgré mon sourire pas franchement séducteur.

- Blackburn.

Peu importe qu'elle ait affaire au gouvernement, à un pirate ou au croque-mitaine, elle a compris à mon intonation que j'allais pas tergiverser pour avoir le numéro de la chambre de mon gars. Tremblante, elle consulte son registre, me jetant des regards furtifs entre deux pages, pour s'assurer que j'essaie pas de la bouffer pendant ce temps. Et voilà qu'elle me sort mon Graal format papier, le formulaire qu'a rempli cette chiure de forban. Délicat, je m'en saisis du bout du pouce et de mon index.

- Chambre du singe de jade... Vous avez d'ces noms.

Je relève mon nez du papelard pour lui jeter un dernier coup d'œil. Sans être foncièrement laide, je la trouve vilaine. Pas de pitié pour les tromblons, c'est dans l'ordre des choses.

- Pensez même pas à l'capter par escargophone. Ça m'emmerd'rait vraiment d'devoir mettre des fleurs sur votre tombe.

Sans un mot, elle acquiesce à toute vitesse. L'est pas bien jolie, mais l'est docile comme il faut. Une fille à marier pour sûr. Si j'étais pas si pressé, je me ferais un plaisir de la secouer dans une chambre histoire de me faire pardonner de mon comportement.
En chemin vers la piaule de mon lascar, c'est que je sentirais presque les escaliers se fendre au fur et à mesure que je grimpe. Même le plancher du couloir grince. Heureusement que Blackburn s'attend pas à ce que je lui rende visite, ça ferait une paye qu'il aurait détalé autrement.
De ma grosse pogne, je frappe trois fois la porte de sa chambre.

- C'est pour quoi ?!

- James Blackburn ?

- Y'a pas de Blackburn ici. Tirez-vous.

Non seulement il m'ouvre pas la porte, mais en plus il m'envoie chier. Prudent le gars. Pas assez cela dit quand on m'a au derche.

- Vous sauriez où l'trouver ? J'ai un colis d'un certain... Mochi à lui r'mettre. Paraît qu'c'est urgent, le type m'a dit "Question d'vie ou d'mort".

Il aura pas traîné avant de mordre à l'hameçon, je l'entends déjà qui se rue jusqu'à la porte. D'après les renseignement que j'ai payé, il est maqué avec un certain Mochi, lui aussi, inconnu au bataillon. Mais bon, quitte à jouer aux pirates, autant le faire à deux, c'est plus rigolo.
Le dernier verrou a sauté, il m'ouvre la porte et alors qu'il s'attendait à un colis, c'est mon poing dans sa gueule qu'il reçoit. Surpris, il titube en arrière en se tenant le nez et il tombe assis sur le plumard dans sa trajectoire.
J'entre en claquant la porte derrière moi.

- Eh bah, où sont tes manières ? Pas d'thé ? Pas d'café ? Pas d'biscuit ? Mais où t'as été élevé donc ?

Là où il a été élevé, je le sais très bien, et c'est justement pour ça que ce forban à la noix y m'intéresse pas mal. Un descendant de la noblesse, c'est juste le pédigré qu'il me faut pour ce que j'ai en tête. Reste à le persuader. Après une introduction aussi violente, je le sens pas chaud pour me suivre, il jette un œil à un pistolet sur la table de nuit. Belle pièce.

- Si j'étais toi j'y pens'rais pas. À vue d'nez, y'a un cinquante scénarios qui m'passent pas l'tête si tu touches à ton pétard. Pas un seul s'termine bien pour toi.

Y pourrait tenter le tout pour le tout, mais en me voyant m'asseoir sur un pouf miteux, y pige que je lui veux pas de mal. J'aurais voulu le buter qu'y m'aurait jamais vu venir de toute façon. Enfin y décolle les mains de son nez et, quasi imperturbable me lâche :

- Qu'est-ce que tu me veux ?

Moi qui craignais qu'y me fasse perdre mon temps, il entre dans le vif du sujet. Ça j'aime. Tant pis pour le thé et les gâteaux, on va aller au plus pressé.

- Harkonnen ça t'dit quelqu'chose ?

À son regard pétillant, je vois bien que oui. J'ai appuyé sur le bon bouton, le jukebox est lancé, reste plus qu'à voir sur quoi je vais le faire danser. Ça va être un morceau plutôt remuant que je vais lui proposer, un tube à deux-cent millions de berries.

- T'en as dit trop ou pas assez. Poursuis.

Eh beh ! C'est qu'il serait presque autoritaire le con là. On retrouve bien l'arrogance de ces fumiers de nobles, comme quoi, même à s'encanailler avec la flibuste, on reste du sang bleu. Tant qu'il va dans le sens de mes intérêts, y peut me parler comme à son chien. Le pognon avant tout, pour son éducation, on verra plus tard.

- Herf herf herf... J't'aime bien James, t'm'es vraiment sympathique. Mais j'vais ni t'dire qui j'suis, ni pour qui j'bosse. Tout c'que t'as à savoir, c'est que j'suis un ami. Un ami qui aurait bien b'soin d'un coup d'main pour délester Jirel Harkonnen de deux-cent millions de berries.

Quand il entend la somme, ses yeux s'écarquillent doucement. C'est fou, chaque fois qu'on mentionne des grosses sommes, les gens commencent à vous apprécier. Si c'est pas triste tant de vénalité. Plus je vois les hommes, plus j'aime mon chien. Et mon chien aujourd'hui, c'est James Blackburn. Il va aller cambrioler un noble pour le gouvernement mondial, mais ça, il le sait pas encore.

- Ça t'dit quelqu'chose la... la... p'tain j'oublié l'nom. Ah si ! La harpe enchantée, c'est l'nom !

- La harpe endiablée, pas enchantée. Eh bien quoi ?

C'est qu'il est plus calé sur le sujet que je m'y attendais. Je pensais que personne connaissait le nom de cette foutue peinture à part les experts en la matière. Décidément, ce jeune là monte dans mon estime. Pas bon ça de monter dans mon estime, ça veut dire qu'on est dangereux. J'aime pas les gens dangereux.

- Bah euh... Un type là, Jirel Harkonnen, d'après quelques renseign'ments qu'j'ai. Il aurait mis la main d'ssus en sous main, ach'té c'te peinture d'manière illégale quoi. Paraît qu't'es pas très copains avec les Harkonnen et...

Un instant, je m'arrête. La manière dont il fronce les sourcils, c'est pas juste de la rancune, il l'a vraiment mauvaise contre ces types là. J'aurais peut-être dû payer un extra à mes sources pour en savoir plus, y'a l'air d'avoir du drame derrière. Tant mieux, au moins je suis sûr qu'y sera avec moi pour ce coup.

- et... y s'trouve qu'il entrepose sa toile ici, dans sa résidence s'condaire à Kanokuni. J'ai des contacts dans l'coin à qui j'pourrais la fourguer pour deux-cent millions. Seul'ment, pour mettre la main d'ssus, c'est une aut' paire d'manches. D'où ma visite, pour un part'nariat tout ça.

Y réfléchit. Saute sur l'occasion couillon, pense pas ! Agis ! C'est sûr qu'une aubaine pareille qui vient frapper à votre porte, et aussi vous cogner dans le nez au passage, c'est trop beau pour être vrai. Le voilà qui croise les mains, il se tourne les pouces, on le sent hésitant. Allez, dis "oui je le veux", je te promets des noces en or.

- Je prends les plus gros risques dans l'affaire. Les Harkonnen sont pas du genre à laisser leurs trésors sans protection. Je veux soixante-quinze pour cent.

- Quarante ?

- Soixante-dix dans le meilleur des cas.

- C'est moi qu'ai les réseaux, sans moi, pas de pognon. Cinquante.

- Soixante, je descends pas plus bas.

Ambitieux celui-là. Moi qui m'imaginais que c'était du tout cuit cette affaire, le voilà qu'y me force à négocier, c'est fort ça. Quelque part, ce type force le respect à ne pas se plier à mes injonctions. Faut croire que le sang bleu c'est fourni avec la fierté qui va avec. Sur ce, je lui tend la main, et il s'en saisit.

- Content qu'tu sois dans l'coup. J'ai l'habitude d'bosser sans documentation pour pas qu'on mette la main d'ssus, alors écoute-moi bien, j'vais t'donner tous les détails de l'affaire, démerde-toi pour pas en oublier une miette.
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*Cela sent sacrément du fion cette histoire… Mais bordel il a bien dit 200 millions… ! *

James n’était pas le genre de type à être parano, bien au contraire, plus d’une fois il fricota avec la naïveté. Toutefois, cette histoire était trop belle pour être vraie, un véritable conte de fées. Et surtout, il lui était impossible de cerner les véritables intentions du porcelet, d’ailleurs, il ne savait rien de lui. Pourtant ce dernier connaissait beaucoup de choses sur James, voire trop de choses. Même ma foutue mère n’avait pas le quart des infos données par ce gras-double. Blackburn réalisa un semblant de Brainstorming dans sa petite tête, mais pour un résultat bien décevant, il ne voyait pas en quoi ce type pouvait lui la mettre à l’envers. Un plan des Harkonnen ? Non, comment pouvaient-ils avoir eu vent de sa présence ici ? Le jeune homme décelait bien tout chez son interlocuteur de la sincérité. Et pour couronner le tout, son instinct lui soufflait expressément de ne pas être trop curieux avec un type pareil. Un coup à finir suicidé de deux balles dans le dos.

*Et puis merde, après tout c’est peut-être la chance de ma vie. Puis si jamais il essaye de me doubler, je n’aurais aucun mal à mettre la main dessus, un bébé pareil cela ne passe pas inaperçu.*

– Content qu’tu sois dans l’coup. J’ai l’habitude d’bosser sans documentation pour pas qu’on mette la main d’ssus, alors écoute-moi bien, j’vais t’donner tous les détails de l’affaire, démerde-toi pour pas en oublier une miette.

Ce n’était plus l’heure des questionnements, il se concentra sans aucun mal pour suivre pas à pas les détails du plan. Malgré que le gus avait une légère tendance à avaler quelques lettres à quasiment chaque mot, surement un réflexe de boulimique. Les grosses sommes comme celle-ci avaient la particularité de ne laisser personne indifférent. Chez James cela se traduisait par une concentration accrue et surtout une tension palpable. Il faisait chaud d’un coup dans sa chambre, le jeune homme respirait lourdement et ses doigts le picotaient affreusement. Une fois que l’homme quitta les yeux, le pirate ne trouva pas le sommeil avant de longues heures à se retourner dans tous les sens dans son plumard. Comment fermer l’œil dans une telle situation ? Il était tellement impatient de pouvoir mettre les mains sur ce véritable joyau et dans le même temps l’anxiété le gagnait.

*Je suis tout de même en train de me lancer dans une mission complètement folle, il faut être barge pour avoir accepté de travailler pour ce mec, je ne connais même pas son prénom….*


*** Plusieurs heures plus tard, en début de soirée ***


La préparation se déroula sans aucune accroche, ce n’était pas vraiment la partie la plus difficile non plus. Par des moyens qui étaient totalement inconnus du jeune homme, son employeur avait eu accès au listing des personnes invitées par Jirel Harkonnen. Il était question d’une soirée spéciale, pour des gens triés sur le volet, seulement ses plus gros clients et des noms clinquants. Il souhaitait surement refourguer rapidement sa toile de maitre au black, avant que cela ne s’ébruite. Dommage pour lui, l’information avait déjà transpiré.

Bien évidemment James ne connaissait aucun des noms présents sur la liste, sans doute des nobliaux ou des patrons de la pègre locale. Enfin de toute façon ce n’était pas ses affaires, il avait une mission à mener à bien. La première étape consistait à subtiliser la place d’un des invités. Une fois encore tout avait été servi sur un plateau d’argent, le nom et le lieu où il devait rencontrer sa proie lui avaient été fournis avec le plus grand des soins. Il s’agissait d’un jeune noble, dans les mêmes âges, il avait tout du parfait petit nanti, dégaine, gueule et façon de s’exprimer, tout était en adéquation, aucune fausse note. Cela lui rappelait étrangement quelqu’un… lui ! Ce n’était non sans une certaine crispation que Blackburn réalisa pourquoi le grassouillet avait choisi cet invité et non un autre.

*Connard… C’était petit ça… Je tâcherai de m’en souvenir… !*

Il n’eut aucun mal à lui mettre la main dessus, il ne l’avait pas tué pour autant. Le petit bourgeois se relèvera le lendemain, avec tout au plus, une bonne migraine et surtout un bel œuf sur le front.

*Cela lui fera une jolie petite histoire à raconter au prochain repas de famille, de quoi faire tomber dans ses bras sa cousine…*

Bien évidemment, comme tout pirate qui se respect Blackburn passa rapidement en revue les appartements de sa victime. Histoire d’emprunter quelques vêtements, mais aussi un peu d’argent de poche, trois fois rien.

Il était temps de rejoindre la petite sauterie à présent, c’était peut-être le passage le délicat du plan. En effet, il ne devait en aucun cas se faire démasquer à l’entrée. D’après ses informations, les gardes n’étaient pas du tout au fait de la tronche des invités, seule l’invitation comptait. En revanche, ce n’était pas le cas du propriétaire des lieux, un véritable physionomiste dans l’âme.

Une fois sur place, James patienta un moment avant de pouvoir rentrer, le temps de prendre connaissance des lieux. Il devrait faire en sorte de pouvoir se faire la belle en un temps record si jamais les choses devaient tourner au vinaigre. Une fois sûr de son fait, il s’avança en adoptant une démarche de plus royaliste, n’hésitant pas à accentuer la chose à son paroxysme.

*Cela me manquait de pouvoir faire le coq ainsi…*

Il se présenta devant le cordon de gardes avec son invitation, tout en restant droit comme un « i ». Au-delàs des apparences, c’était une autre histoire, il sué à grandes gouttes et cherchait du regard la présence du maitre des lieux. Mais pour son plus grand soulagement, tout semblait se passer sans encombre.

« Veuillez juste nous remettre votre sabre monsieur Lagayette, les armes sont proscrites à l’intérieure. »

« Ah… Oui bien évidemment… »

*Ouf, je n’ai pas fait l’erreur de prendre mon arme personnelle…*

Heureusement pour lui, il n’eut pas le droit à une fouille plus élaborée. Son plan reposait en intégralité sur trois petits objets, dissimulés dans une poche intérieure de son veston. Au cas où cela ne se passerait pas comme prévu, il assura le coup en glissant dans sa manche une petite lame. C’était bien plus pour se rassurer qu’une réelle défense, que pouvait-il offrir comme résistance face à plusieurs adversaires avec ce jouet ? Une fois à l’intérieur et dévêtu de sa veste et son chapeau, commença la phase trois du plan. Sur le papier cela ressemblait presque à un jeu d’enfant, éviter à tout prix de se retrouver face à face de Jirel.

Heureusement pour lui, à cette heure tardive, la salle était quasiment remplie. Une fois l’homme bien identifié, Blackburn pouvait se mouvoir librement tout en gardant un œil sur lui. Il profita sans modération des petits fours et des boissons en prenant bien soin de ne pas trop abuser de l’alcool. Ce serait un comble de finir ivre mort dans sa situation, synonyme d’aller simple pour le cimetière.

Après une bonne heure à se goinfrer, le moment tant attendu arriva enfin, l’hôte frappa dans ses mains pour attirer l’attention de ses convives :

« Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, je tiens avant tout à vous remercier pour votre présence dans mon humble résidence […] Maintenant, attendez-vous à voir, une œuvre des plus endiablée !»

La foule retînt son souffle, sur un geste de Jirel, deux hommes amenèrent un tableau recouvert d’un drap blanc sur une petite estrade installée spécialement pour l’occasion. Le maitre des lieux se retourna pour révéler d’un geste rapide la toile aux yeux de tous.

«Voici en exclusivité, pour vous seulement, une œuvre inestimable, La harpe endiablée ! Les enchères commencent à 90 Millions de Berrys !»

Ce fut immédiatement l’hystérie générale chez les convives. Chacun ici avait largement les moyens de mettre sur la table une somme faramineuse pour une œuvre comme celle-ci. James n’était pas non plus insensible au charme d’une telle peinture, il en avait vu plus d’une signée de la main d’un maitre. Mais à chaque fois cela lui faisait le même effet “wow”. Revenant à la raison après ce petit moment d’égarement, c’était le moment idéal pour appliquer l’ultime phase de sa mission, le vol !

Même pas besoin de se faire discret, c’était une véritable cohue ici. Les prix atteignaient déjà les 150 millions en l’espace d’une minute. Le pirate sortit de son veston les précieuses boules, après avoir soufflé un dernier coup pour évacuer son stress, il passa à l’offensive. Il lança le premier projectile derrière lui, ce dernier explosa dégageant immédiatement un épais nuage de fumée. Comme il l’avait escompté, cela provoqua une panique générale. L’hôte hurlait des ordres à ses hommes pour faire évacuer la salle et ouvrir les fenêtres. James lança une seconde boule à ses pieds en prenant soin de masquer son visage et s’élança dans la fumée. Son objectif était clair maintenant, la toile.

« Mais non de dieu ! C’est quoi cette fumée ! Faites quelque chose ! Vous deux ne quittez pas les yeux de cette toile ! Putain je suis en train de perdre 200 millions…!»

Guidé par sa voix, Blackburn se précipita sur Jirel. Ce dernier ne put dire que quelques mots inaudibles avant de se voir gratifier d’un violent coup de poing en plein dans le nez, pour la plus grande satisfaction de son agresseur. Les deux gardes n’offrirent que peu de résistance, ne sachant plus où donner de la tête, ils se génèrent mutuellement. Blackburn agrippa la toile sans ménagement et débuta sa course folle à l’aveuglette. Traversant les cuisines où le personnel s’affairait à quitter les lieux, craignant des flammes imaginaires. James suivi rentra dans le tas pour être le premier dehors, mais rien n’était encore jouer, les gardes reprenaient petit à petit le contrôle de la situation et dans le même temps la fumée se dissiper. L’alerte fut donnée dans la foulée. Il ne lui restait plus qu’une boule pour couvrir sa fuite, il essaya tant bien que mal de viser un endroit stratégique. Mais cette dernière lui échappa des mains et explosa à ses pieds.

*Bravo…*

Cela ne l’empêcha pas de courir comme un poulet sans tête jusqu’à perdre haleine. Manquant plus d’une fois de trébucher, il était dorénavant hors de portée des hommes de Jirel. Mais à quel prix ? Il dû s’assoir pendant plusieurs minutes pour retrouver en partie son souffle. Maintenant il devait traverser une partie de la ville avec une croute à 200 millions sous le bras.

«Putain dans quel guêpier je me suis fourré encore…» 

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C'est donc ça la bouffe à Kanokuni ? C'est un pur mélange de saveurs, ma foi ça stimule les papilles, on se régale. Parfois quand même, certains aliments écrasent le goût des autres, faut dire ce qui est. C'est bon quand même. La sauce soja est à se damner. Vraiment, j'ai bien fait de trouver ce boui-boui à deux pâtés de maison de la petite sauterie à laquelle est conviée l'ami Blackburn.
Si l'horloge est bien à l'heure, alors ça doit faire trois-quart d'heure qu'il est à l'intérieur. Toujours frustrant d'attendre dehors, on sait jamais trop à quoi s'en tenir, si la mission a échoué ou non. Et comme j'ai insisté pour que mon nobliau de synthèse m'appelle en cas d'urgence, je dois en déduire qu'il est crevé ou que tout se passe bien. Autant dire que je suis pas avancé.

Normalement, dans moins de dix minutes, y devrait se diriger vers la piaule que j'ai louée pour la transaction, ce qui veut dire que dans moins de cinq minutes, je le verrai passer dans la rue de la gargote où je me remplis la panse.
Y'a beau avoir des lanternes allumées partout, on distingue pas tellement les visages quand je jette un coup d'œil dehors. Rien de tel pour m'angoisser un peu plus. M'enfin, j'ai aucune raison de m'inquiéter. Pour deux-cent millions, même avec un ou deux membres en moins, y trouvera moyen de s'extirper du merdier dans lequel je l'ai planté. Y'a plutôt intérêt pour lui en tout cas. Si y se loupe, moi je risque rien dans l'affaire.
Toujours couvrir ses traces en laissant un lampiste casquer pour soi : CP oblige. Ça ferait pas mal jaser de dire que le gouvernement mondial s'essaie au cambriolage, copine avec les pirates selon les circonstances et s'adonne au trafic d'art. Mais franchement, comment y croient qu'on peut maintenir la paix sur tant d'îles à la fois sans argent sale ? La pureté c'est joli sur le papier, mais si on veut que le gouvernement mondial tienne debout pour protéger tout ce beau monde, faut se salir les mains à un moment donné.

En parlant de mains sales, il était bien gras leur canard laqué. Je m'essuie les doigts, je lève la tête pour regarder dans la rue, et qui que je vois ? Sa majesté James Blackburn. Il court.

- Pourquoi qu'y court ce con ?

Ça pue, et ça vient pas juste des cuisines. Y'a un coup fourré dans l'affaire. Moi qui comptais le regarder passer et m'assurer qu'y soit pas suivi, faut que je vienne à son secours. Dard dard, je lâche l'addition avec pourboire et je décolle. Derrière ma pie voleuse, y'a trois cons de chasseurs joliment habillés qui le coursent.

- C'pas possib'... L'a attiré le service d'ordre !

Voilà ce qui arrive quand on emploie de la main d'œuvre pas qualifiée. Y'a pu de bon personnel ma brave dame, tout fout le camp. Ce pisseux avait beau avoir le pédigrée, y lui manque l'art à la manière. Je suis sûr qu'il a même pas essayé l'approche discrète, ces cons de pirates, y foncent dans le tas et pis y réfléchissent pas. Et qui c'est qui va devoir nettoyer ses conneries ?
Bah... Peu importe.
Je m'essuie la bouche avec la serviette en papier que j'ai emportée en sortant précipitamment avant de la jeter à même le sol. Ce cas de figure, je l'avais prévu de toute façon. Toujours envisager tout avec les pirates, surtout le pire.

*Puru puru puru*

- Réponds s'pèce de chiure, j't'ai pas filé un escargophone pour causer mode.

Ça prends le temps, mais sa majesté répond, faut dire qu'elle est fort occupée avec son fan-club à ses basques. Y souffle comme un bœuf en répondant, y court toujours.

- Quoi ?!

Toujours ce ton bien arrogant quand y s'adresse à moi. Le faire traîner avec la noblesse était pas une si bonne idée que ça, l'a vraiment dû croire qui faisait partie de la haute pour me répondre comme y l'a fait à l'instant. Passons. Ça se paiera en temps voulu.

- Tu t'souviens d'la rue Ku De Sa Ku dont j't'avais parlé ? Dirige-toi vers là, je t'y retrouve.

- Hein ?! Mais c'est super loin d'où je suis haaa haaa ! Ces types me lâchent pas, c'est pas dit que... haaa haaa qu'ils me chopent pas avant !

Y croit quand même pas que je vais voler à son secours non ? Tous les même ces putains de boucaniers, ça joue les caïds et ça pleure après maman quand ça se passe pas comme ils aimeraient.

- S'y t'chopent, t'es tout seul pépère. Rue de Ku De Sa Ku ou la potence, c'toi qui vois.

- Gros porc de m...!


*clic*



Mieux vaut raccrocher, sinon je pense bien qu'y se serait essoufflé à m'insulter. C'est impulsif la jeunesse. Impulsif et con surtout.
Bon, rue de Ku De Sa Ku, c'est pas loin d'où je m'étais posté pour bouffer. Largement le temps d'y aller sans me presser. Lui par contre, y va s'en bouffer des dédales de merde avant de me rejoindre. Y savait dans quoi y s'engageait en acceptant une proposition aussi louche que la mienne, aucune raison de se plaindre.

Nous y voilà. Les habitants ont appelé cette impasse : "rue Ku De Sa Ku". Pendant mon repérage ces derniers jours, j'ai pas trouvé coin plus discret dans toute la Baie. Pas âme qui vive, aucune luminosité. Si j'interviens ici, personne pourra m'identifier. Ça m'emmerde de devoir venir en renfort, plus je reste éloigné de mon affaire, mieux je me porte. M'exposer c'est augmenter les risques de me faire gauler à court ou moyen terme, et comme l'autre pirate d'opérette, si on me chope : je suis tout seul. Le gouvernement mondial peut pas se permettre d'être compromis par un de ses éléments. C'est ingrat de bosser pour le Cipher Pol, mais faut bien que quelqu'un le fasse. Et puis... Ça a ses avantages quand même.

Tiens, voilà mon lièvre qui rapplique avec ses chiens de chasse au cul. Je le laisse filer devant là où je suis embusqué et je sors. La rue est pas épaisse, j'ai juste à écarter les bras pour boucher totalement l'issue.

- DOUBLE LARIAT !

C'est pas juste pour les empêcher de passer que je tends les bras. Deux poursuivants se prennent la gorge dans mes avants-bras avant de s'écrouler, sonnés sur le coup. Trois cent kilos et y m'ont pas vu venir. Je sais pas ce qu'y leur fait le plus mal sur le coup, leur manque de sens de l'observation, ou leur cou brisé. Vu qu'y bougent plus, je pencherais plutôt pour la deuxième solution.
James a entendu mon entrée fracassante, con comme toujours, y s'arrête pour me regarder.

- Reste pas là pine d'huitr' ! Escalade le mur et va au point d'ralliement !

Et voilà que le bruit a débusqué tout le service d'ordre qu'était sur les traces de mon lampiste. Y'a bien vingt gugusses facile. Putain James... quand tu te loupes, tu le fais pas à moitié, y'a pas à dire t'es champion en la matière.
Mais tant qu'il a la peinture, le reste je m'en fous. Cinq ans dans la marine d'élite, c'est pas ces puceaux qui vont me faire trembler des rotules. Après tout, me dégourdir les muscles me fera le plus grand bien, plus qu'à eux en tout cas.
En v'là un qui se démarque de ses compères pour tailler la bavette avant les hostilités.

- T'es son complice ?

Je souris de toutes mes dents.

- Désolé gadjo, j'parle pas aux hommes morts.


***


Merde de merde, faut croire que je suis un peu rouillé après tout. Je traîne la patte jusqu'à ce que j'arrive enfin à l'hôtel. La route a été longue. Pourquoi j'ai pris une chambre au troisième étage en plus ?... Ça me lance partout dans le corps, les fumiers ont pas épargné une parcelle de graisse, chaque coup qu'y m'ont filé, c'était avec l'intention claire de me buter. À un contre vingt, j'ai peut-être eu les yeux plus gros que le ventre.
En m'avançant dans le couloir, je m'appuie contre le mur pour rester debout. Y m'ont fait mal les enfoirés.

*toc toctoctoc toc toc toctoc*

Si y s'est souvenu du code, y devrait ouvrir. J'attends. Dix secondes. Vingt secondes.

- BLACKBURN ! Ouvre cette putain de porte !

Et la porte s'ouvrit. Y me guettait à travers le judas pour être sûr que je sois pas suivi. C'est un peu tard pour jouer la carte de la prudence, si tu l'avais abattue plus tôt, j'aurais pas eu à morfler comme ça.
Agacé ? Je le suis. Sans un mot, je le bouscule d'un coup de panse pour entrer d'un pas pressé, boitant légèrement. Cette fois, c'est à moi de me poser sur le lit, à vrai dire, je tombe dessus plus que m'assieds. La soirée a été rude.

- Tu les as semés ?

Si je les ai semés ? Y me voit avec un filet de sang qui coule de mes lèvres, des hématomes partout, et y me demande si je les ai semés ? C'est à croire qu'il a vraiment pas compris qui j'étais. Un manque de jugeote pareille, on finit par en crever en général.

- Ces types ont vu ta face. Même si t'leurs avait échappé... J'pouvais pas m'permettre d'les laisser r'monter jusqu'à moi si y v'naient à t'traquer à l'avenir.

Y triture la peinture qu'il a enroulée, pas décidé à la lâcher. Je le sens nerveux.

- Haha, et donc tu vas me faire croire que tu les as butés ? C'est bien ça ?

Pas un mot, juste un regard. Y pige peu à peu que mes blessures, je les ai pas chopées en tombant de vélo. Vingt gardes du corps surentraînés à la fois, je ferai pas ça tous les soirs, mais je me suis assuré personnellement à ce qu'y crèvent jusqu'au dernier.
L'essentiel à présent, c'est que plus personne peut remonter jusqu'à nous maintenant qu'on a la peinture. Machinalement, je chope un vase après avoir jeté les fleurs et m'enfile toute la flotte. C'est dégueulasse, mais j'en avais besoin.

- Réglons-ça en vitesse. J'vais chercher ton acompte.

Y se frotte les mains, oubliant déjà que je viens de buter une vingtaine de types de sang-froid. On dirait que l'idée que je puisse en buter un de plus dans la soirée lui a même pas effleuré l'esprit. Y'a vraiment pas à dire : c'est beau la jeunesse.
Derechef, je fouille sous le lit pour en sortir un coffret que je pose sur le matelas. La clé, je l'ai toujours dans la poche, un miracle que je l'ai pas paumée dans le tumulte tout à l'heure.

- Soixante pour cent de deux-cent millions, ça fait cent-vingt millions. Je dis ça au cas où t'ais des carences algébrique, juste histoire d'être sûr de toucher mon pognon.

Le coffret s'ouvre, j'y engouffre ma main tandis qu'il est là, de l'autre côté du lit, à trépigner. Patience beau blond, tout vient à point à qui sait attendre.

- Qu....

Y s'attendait réellement à ce que je le paie ce con, je le lis dans son regard alors que je viens de sortir le mousquet que j'avais planqué dans le coffret.

- L'prends pas mal James. Mais comme j't'ai dit, j'peux pas m'permettre que qui qu'ce soit r'monte jusqu'à moi.

Là-dessus, je m'imaginais qu'y tenterait d'esquiver la balle sur sa droite, le mur étant trop près de lui sur sa gauche. Aucun échappatoire, j'avais tout prévu. Enfin je croyais. Voilà qu'y déroule la peinture pour s'en servir comme bouclier. Fumier.

- Flingue-moi et tu réduis sa valeur à zéro. Vise mes jambes, et tu peux être sûr que je la déchire avant de toucher le sol.

Bien joué Blackburn, une fois de plus, tu remontes dans mon estime. C'est pas tous les jours qu'on me met en situation d'échec et mat. Faut un sacré sang-froid pour réfléchir comme il l'a fait. Peut-être que je l'ai mal jaugé après tout. Y se recule doucement vers la porte de la chambre. Une fois qu'il aura commencé à courir, je pourrai pas le rattraper, trop rapide. Et puis dans mon état de toute façon...

- Barre-toi va.

Faut savoir être beau joueur dans la vie. Je rengaine et me redresse sur mes lourdes pattes endolories.

- Si t'insistes tell'ment, j'vais t'laisser découvrir les joies d'être traqué au quotidien. R'garder par d'ssus ton épaule chaque jour qu'Dieu fait. J't'aurais pas aujourd'hui, ça j'l'ai bien pigé. Mais demain, dans une s'maine, ou même dans un an, j'peux t'assurer qu'la balle qui viendra s'loger dans ta nuque... t'l'as verras pas v'nir.

Quelque part, j'ai bien envie de le plaindre ce con là. Y me rit au nez et claque la porte en partant avant de cavaler. L'a pas dû prendre mes menaces au sérieux. Tant mieux. Moins y sera vigilant, plus vite je lui mettrai le grappin dessus.

- Puru puru puru *clic* Officier Oletto ?

- Contactez nos gars à Kanokuni sur la baie de Jing. On recherche un jeune, environ vingt-cinq ans, blond aux yeux bleus. Y fait entre un mètre quatre-vingt et un mètre quatre-vingt-dix, quatre-vingt kilos tout au plus. Il est surement armé. Personne correspondant à c'te signalisation ne quitte la baie. Si vous l'localisez, prév'nez-moi. Y m'le faut vivant.

- Entendu, je transmets *clic*

Nos effectifs sont pas légions dans le coin, mais ça fera l'affaire pour quadriller la zone et l'empêcher de foutre le camp. Pauvre garçon, me forcer à te traquer dans la baie de Jing et ses centaines d'informateurs. C'est presque trop facile pour moi.
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James dévala les trois étages avec son précieux sésame sous le bras comme si un démon était à ses trousses. Il venait de vivre surement la pire frousse de sa vie. Le type avait l’air fermement décidé à lui mettre une volée de plomb dans la caboche. Une fois dehors, il chercha à s’enfoncer au plus profond de l’obscurité. Il arrêta sa cavalcade dans une ruelle miteuse, et sans même avoir pris la peine de jeter un œil derrière lui. Il s’affaissa contre le mur pour reprendre ses esprits. En plus d’être à bout de souffle, il était aussi passablement secoué.

« Putain de bovidé… ! Il a bien failli me trouer la peau ! Heureusement, il est aussi cupide que gras… »

Il venait de passer tout près d’une mort certaine. Ce n’était évidemment  pas la première fois, bien des salauds avaient voulu sa mort. Mais jamais de manière aussi expéditive. Dans sa tête, on ne bute pas froidement un type qui vient de faire le sale boulot à votre place. Le jeune homme avait encore beaucoup à apprendre du monde qui l’entourait. C’était une erreur d'une stupidité absolue d'avoir fait confiance à un inconnu, une bourde qui avait failli lui coûter sa vie. Il n’était pourtant pas plus bête qu’un autre, bien au contraire sur de nombreux points grâce à son éducation de nobliau.

Cependant, dans l’art de la flibusterie, il était actuellement tout en bas de l’échelle. Depuis qu’il avait changé d’orientation professionnelle pour se vouer corps et âme à la piraterie. Il avait appris davantage en quelques mois, sur lui et le reste du monde que durant toutes ces longues années d’études rigoureuses avec de prestigieux maitres. Mais le chemin à parcourir avant d’être parfaitement autonome dans ce Nouveau Monde était encore bien long !

« Et maintenant je fais quoi ? »


Il n’avait pas du tout oublié les paroles du gras double : « j’vais t’laisser découvrir les joies d’être traqué au quotidien ». Ce type avait prouvé de manière plutôt claire, qu’il n’était pas du genre à balancer des menaces dans le vent. Le simple fait d’évoquer ça, lui donnait l’impression de voir une énorme silhouette se dessiner au bout de la rue.

Dans tous les cas il ne pouvait pas rester là à attendre bien sagement que quelqu’un lui mette le grappin dessus. En l’espace d’une soirée, la liste de ses ennemies s’était étoffée de façon exponentielle. En plus de devoir éviter de croiser la route des hommes de main de Jirel, il devait dorénavant faire aussi attention à son ex-employeur. Il ne pouvait même pas dire, si ce dernier travailler pour son propre compte ou pour celui d'une organisation criminelle. Sa seule certitude, c’est que son assassin avait le bras assez long, pour connaitre jusqu’à l’existence de Mochi. Cette pensée le démoralisa, il n’était donc qu’un vulgaire pion sur un échiquier ? Devait-il rester ici à se morfondre en attendant que le joueur décide de le faire sortir du plateau ?

*Réfléchis, réfléchis …  Ce n’est pas cet obèse qui va te faire perdre la raison. À tout problème, une solution. Il suffit de trouver un moyen de lui échapper. Dans tous les cas, il doit la jouer aussi finaud que toi avec les Harkonnen.*

« Demain matin, je refourgue cette maudite croute et je mets les voiles loin d’ici. C’est un vulgaire malfrat que j’ai aux fesses, pas un le Gouvernement Mondial.»

Encore une île à rayer de la carte pour le jeune homme, bientôt ce Blue deviendra trop petit pour lui et ses conneries. Mais avant de pouvoir faire des projets sur la comète, il devait au préalable mettre de la distance entre lui et cet homme, pour se permettre de fermer l’œil. Toujours avec son tableau sous le bras, Blackburn erra dans une ville qui lui était totalement inconnue, avec une véritable épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Dépaysement assuré. La beauté de sa ville permit au jeune homme de s’évader quelques instants, cette architecture si singulière était à couper le souffle. Il marcha sans but pendant un long moment, arpentant aussi bien de larges et belles avenues que des sombres et lugubres ruelles. Espérant ainsi pouvoir mettre un terme à toute éventualité de filature. Plus d’une fois, il s’arrêta au détour d’une rue, attendant de longues minutes pour voir si quelqu’un de louche le suivait ou non. Mais comment savoir, quand vous ne savez même pas qui vous traque ?

*Cette ville me rend fou, elle semble me suivre du regard… !*

La fatigue se faisait de plus en plus présent, il était à bout de nerfs et commençait à perdre de sa lucidité. Il se résigna à entrer dans la première auberge qui lui tombait sous le nez. C’était un bouiboui sans aucune prétention, pourtant la devanture était attrayante à l’extérieure. Mais l’intérieur était toute autre chose, c’était vraiment vieillot comme décoration :

La réceptionniste le regarda s’approcher avec un regard pour le moins circonspect :

«Bonsoir, monsieur, vous désirez ? Vous êtes peintre à ce que je vois ? Vous peignez quoi ? Je peux voir votre tableau ?»

*Merde… C’est quoi cet interrogatoire ? Elle travaille pour les services secrets ?*

James ne chercha pas à comprendre, il fit aussi tôt machine arrière. Se retrouvant une nouvelle fois à la rue, il espérait que cette curiosité ne soit pas une coutume locale. Les jambes lourdes, à bout de force, il tenta sa chance dans un nouvel établissement. Bordel, il en venait à regretter la décoration de l’autre auberge, tellement c’était dans un état lamentable.

*Hum… dans ma situation je ne vais pas faire ma princesse…*

À peine le porche franchit, qu’une voix masculine l’interpela :

“C’est 7500 Berrys la nuit à régler avant la remise des clés.”

En voilà une manière d’accueillir la clientèle pour le moins atypique. Le gérant n’avait même pas pris le soin de redresser sa tête pour voir à quoi ressemblait son interlocuteur. Complètement absorbé dans sa lecture du journal.

*Au moins pas de questions indiscrètes.*

James sortit l’argent qu’il avait dérobé au jeune nobliau, il avait de quoi se payer plusieurs nuitées. Après une brève réflexion, il posa devant l’hôtelier 15 000 Berrys.

« Tenez… Pas vraiment donné la nuit dans ce trou à rat… »

« Merci… Si vous n’êtes pas content, la sortie est juste derrière vous… »

James ramassa les clés sans dire un mot et se dirigea vers sa chambre portant le numéro 56. À priori le type n’avait même pas remarqué la présence du tableau, c’était sans doute le seul point positif de cette soirée. Une fois devant la porte, il jeta un coup d’œil à gauche et à droite au cas où. Mais pas âme qui vive, pas un seul bruit, à croire qu’il était le seul client. En même temps quoi de plus étonnant vu la gueule du machin. Une fois à l’intérieur, un rapide coup d’œil suffit pour faire le tour des lieux. La pièce se divisait en deux, avec d’un côté le coin nuit et de l’autre le coin douche et sanitaire. Rien de superflu, le tout dans un état de propreté dans la lignée du reste. Il trouva un verre vide près de la baignoire, il n’avait pas dû servir depuis belle lurette.

*J’ai une idée…*

Blackburn brisa le verre enveloppé dans un torchon à l’aide de son pied. Puis il éparpilla le tout discrètement devant sa porte d’entrée.

*Voilà une alarme de fortune… Ce connard va me le payer cher si j’arrive un jour à foutre la main dessus. Je vais le faire suée ce gros porc !*

Avant de se coucher il jeta un ultime coup d’œil par la fenêtre, cela virait petit à petit à la paranoïa. Il tomba comme une masse sur le matelas dur comme un morceau de bois. En prenant soin de garder avec lui son sabre comme seul moyen de défense. Le sommeil le trouva bien rapidement, toute cette fatigue accumulée dans la journée venait d’avoir raison de lui.
C’est la lumière du jour qui le tira des bras de Morphée, il se réveilla en sursaut. Combien de temps avait-il dormi ? Aucune idée, mais le soleil était déjà haut dans le ciel, il ne devait pas être loin de midi.

“C’est inconscient de dormir autant…”

Après un brin de toilette, il se mit en quête d’un marchand d’art peu scrupuleux qui acceptera de vouloir bien racheter sa toile. Il avait fait une croix sur les centaines de millions, dans l’état actuel des choses, même pour un million, il signait tout de suite. Avant de quitter les lieux, il planqua grossièrement la peinture dans le double plafond. Ce n’était pas vraiment original, ni vraiment sûr, mais il ne pouvait pas prendre le risque de se balader en plein jour avec ce truc sous le bras. En sortant de sa chambre, il s’aperçut que les morceaux de verre avaient disparu durant son sommeil :

« Super, cela en valait la peine... »

Il passa comme un coup de vent devant le gérant qui ne leva même pas la tête pour le saluer

« Bonne journée… »

James se retrouvait de nouveau livrer à lui-même dans cette immense ville. En plein jour c’était encore plus déroutant cette sensation de grandeur. Mais autre chose le troublait, quelque chose de plus intrusif, les regards des passants. Il avait la désagréable sensation, que chaque passant était un informateur, comme si sa tête était mise à prix. Pour seul rempart, il ne trouva que sa capuche, son visage ainsi dissimulé, il s’obligea dès à présent, à fixer uniquement ses pieds et rien d’autre. Il ne voulait plus croiser un seul regard de la journée.

*pff… Je dois avoir l’air encore plus suspect comme ça... *

James trouva enfin une boutique d’œuvre d’art. Une fois à l’intérieur, il se lança dans une explication rocambolesque sans queue ni tête :

« Bref, je propose la harpe endiablée pour 2 Millions de Berrys ! C’est l’affaire de votre vie ! »

« Tu me prends pour un con ? Dégages vaurien ! »

Même lui n’y croyait pas, comment un vagabond comme lui pouvait-il avoir en sa possession une œuvre qui coutait au bas mot 200 Millions de Berrys ? C’était peine perdue, il retenta sa chance avec tout autant de succès.

Il ne restait plus que deux solutions pour le pirate, soit de quitter cette île en abandonnant l’œuvre là où elle était. Soit tenter de quitter l’île avec cette dernière sous le bras.

*Pourquoi ne pas embarquer de nuit dans un navire. Le temps qu’ils se rendent compte de la présence d’un passager clandestin nous serons bien loin d’ici, et j’aviserai ensuite…*

Non, son plan était foireux, ce trimbaler à travers un Blue avec une croute mondialement connut. C’était le meilleur moyen de se faire gauler. Et en plus si jamais le gros lard avait menti sur sa provenance ? Si jamais le type avait obtenu cette œuvre légalement, il était bon pour voir sa tronche placardée sur chaque mur jusqu’au Grand Line.

Dépité, il s’apprêtait à rejoindre son auberge, avec la fervente conviction de trouver une solution à ses problèmes dans le fond d’une bouteille de rhum. Après avoir demandé conseil à un drôle de type pour sa quête, il arriva devant une rhumerie locale. Une fois à l’intérieur, il n’avait que l’embarra du choix. Des blancs, des ambrés, et d’un écart de prix vertigineux. Le souci c’était que James ne connaissait strictement rien dans ce breuvage. Il décida de prendre une bouteille au pif, lui coûtant la modique somme de 15 000 Berrys.

« Bah putain, il a intérêt à me foutre une sacrée gueule de bois à ce prix. »

Admirant l’étiquette du breuvage, il aperçut sur le verre, une silhouette qui semblait l’observer à travers la vitrine. Surpris, il se retourna, mais ne vit personne à son grand étonnement :

*Merde j’avais juré voir quelqu’un …*

En sortant de la boutique, il scruta quelques instants la rue, mais aucune trace de cette silhouette noire. Laissant tomber l’affaire, il se dirigea avec sa nouvelle compagne vers son auberge. Passant à côté d’un restaurant, son ventre hurla famine lorsque l’odeur alléchante du porc grillé arriva jusqu’à ses narines.

*Cela fait combien de temps que je n’ai pas mangé un bon plat ? De toute façon, ce n’est pas moi qui régale, alors autant se faire plaisir.*

Le restaurant était bondé, il restait fort heureusement une table vacance pour le jeune homme qui s’installa et se mit à son aise. La table était idéalement située, permettant de voir sans être vu, un véritable luxe dans sa situation actuelle. Alors qu’il passait commande à la serveuse, il aperçut une nouvelle fois à travers la vitre du restaurant, cette mystérieuse silhouette :

*Chiotte, je n’avais donc pas rêvé ?*

« Monsieur ? Vous souhaitez quoi en accompagnement avec votre viande ? »

*Quitte à crever, autant que ce soit l’estomac plein…*


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Beignet aux amandes et aux algues. On pourrait croire que c'est imbouffable, et pourtant, voilà que je m'enfile le troisième de la journée en scrutant les quais. Nos cuistots sont quand même des aventuriers des temps modernes. Un peu comme ces médecins qui mélangent des tas de produits au hasard pour créer des médicaments miracles. Dans la quasi totalité des cas on en crève en l'ingurgitant, mais quand on tient la recette miracle, alors là, banco.
Que c'est bon la vache. Ce qui est encore meilleur que ces saloperies, c'est de constater que les petites mains du Cipher Pol ont arrosé à droite à gauche tout ce qui a des yeux furtifs et des oreilles attentives. Toute la baie de Jing est en ébullition à feu doux, on m'a déjà amené quatre bonhommes qui correspondent au profil de James. Tout ce petit monde se met en branle pour une petite prime d'un demi million de berries pour celui qui ferrerait ce putain de poisson faisandé.
Tout faisandé qu'il est, je le boufferai tout cru dès que je le choperai.

Quand on a passé sa vie à grailler avec des couverts en argent et se torcher avec de la soie, ça paraît inconcevable qu'un pue-la-sueur, fils de marchand alcoolique qui plus est, ait les moyens de vous en faire baver, et pourtant...
Moi, j'avais pas d'argenterie à son âge, je bouffais avec mes mains, et c'est tout juste si je me torchais pas avec du papier de verre. Ça rend méchant la précarité. Tout gras que je suis, je suis pas mou pour autant. En faire baver à des pirates à la petite semaine, j'ai été formé pour ça. Il est pas né le baron de mon cul qui me lestera moi et le gouvernement mondial de deux-cent millions de berries.

Me voilà à court de ces pâtisseries diaboliques, on en mangerait jusqu'à implosion. Je m'essuie les doigts à même mon marcel dégueulasse et je jette un dernier regard aux docks. Non, pas de doute, y pourra jamais foutre le camp de ce foutu port sans qu'une centaine d'yeux ne l'identifient avant. Pareil s'il cherche à quitter la baie.
Une souricière faite sur mesure pour ce petit rat d'égout. Le monde est bien fait.

Pendant que la piétaille s'occupe de fureter dans chaque recoin en attendant que ce condamné en sursis de James ne leur tombe dans les pattes, je me promène. C'est bon pour le cœur qu'il a dit le docteur. C'est que mon palpitant a été un peu éprouvé à cause de ce petit enfoiré dernièrement, faut que je me préserve.
Me la faire à l'envers à moi, c'est franchement pas raisonnable. C'est un peu ma faute aussi, j'aurais dû être plus paternaliste avec lui. Un bon père, ça met des mornifles pour recadrer la jeunesse, comme ça, la marmaille file droit. C'est ça le drame de Blackburn au fond, il a pas pris assez de taloches quand il était môme.
Qu'y se fasse pas de mouron va, on va rattraper le temps perdu. Là-dessus, y peut me faire confiance.

Mains dans les poches de mon futal, je sens que l'escargophone s'agite. Je flaire la bonne nouvelle, j'espère que ce coup-ci c'est le bon. Marre de me déplacer pour rien.

- Oletto, j'écoute.

- Nouvelle cible repérée au restaurant Fu Ku Mai Lai Fu, rue de la...

- T'embête pas va, j'sais où ça se trouve. Merci pour l'appel.

Et je raccroche. Toujours remercier le petit personnel, jamais considérer qui que ce soit comme acquis. James par exemple, bah y m'a considéré comme acquis, l'a même dû croire à un moment donné que j'étais son copain. Résultat ? Y va crever.
Bon, si y m'avait dit "merci", je l'aurais buté quand même. Mais y'a quand même une leçon à tirer de tout ça. Je sais pas laquelle encore, mais y'en a une j'en suis sûr.

Cette buse s'est arrêté dans un restaurant. Décidément, ce gosse oscille entre le génie criminel et la connerie la plus malsaine qu'y m'ait été donné de contempler. Peut-être que finalement, y m'a pris au sérieux et l'a pigé qu'il était surveillé. Y m'attendrait ? Un piège ? Soyons prudent.

Y me faut dix bonnes minutes de marche pour y arriver. Quand je jette un coup d'œil par la vitrine, je reconnais sa silhouette de gosse de riche à la manque. Y tourne le dos à l'entrée. Pas prudent ça. Quand je vais dans un lieu public, je m'assure toujours de me trouver là où j'ai aucun angle mort.  L'a encore tant de choses à apprendre, et si peu de temps à vivre. Quelle tragédie.

- Eh bah mon James, t'avais faim ? Fallait r'ster avec moi, j't'aurais invité.

Ouais, je l'aurais invité à bouffer les pissenlits par la racine. C'est pas permis le bond qu'il a fait quand je lui ai murmuré ça. L'était tellement à fleur de peau à toiser tous les clients en face, voyant un espion potentiel en chacun d'eux, qu'y m'a même pas entendu arriver. J'ai pourtant rien fait pour être discret.
Et une fois n'est pas coutume, y se barre en courant, l'assiette à la main. Monsieur a le sens des priorités.

- Putain cette manie d'toujours courir c'mme ça...

Y fuse en direction de la cuisine, ils ont une porte qui mène dans une ruelle à l'arrière pour jeter leurs ordures. Je le sais parce que j'ai justement mis la benne pour bloquer la porte avant de venir. Eh oui mon con, rien ne sert de courir, il faut arriver à point.
À point ? À bien y réfléchir, je le cuisinerai plutôt saignant.

L'est en nage le pauvre. Je m'approche de lui doucement, sans hostilité. Depuis le temps qu'on se connait, je pense qu'il a pigé que j'aimais pas attirer l'attention sur moi. Je vais pas le buter. Pas dans un lieu public. Pas avant que je sache où est la peinture. L'est où d'ailleurs ?

- Qu'est-ce que t'en as foutu ?

- Je l'ai accrochée en poster dans ma chambre. J'ai toujours été fan du coup de pinceau de l'auteur.

La vache. Ce type est manifestement terrifié à l'idée de ce que je lui réserve, y me joue encore un coup de pute en planquant la toile, et y trouve quand même le moyen de faire le malin. J'applaudirais volontiers, mais je m'en voudrais de m'abîmer les mains avant de les lui mettre dans la gueule.

- T'vas m'suivre sans faire d'histoire. On va discuter art baroque t'les deux.

L'a l'air sûr de lui, je le vois dans son regard qu'y va dire une connerie.

- Et si j'obéis pas sagement ? Que je fais un scandale ? Que je dis haut et fort ce qui se trame ?

Je le savais qu'y dirait une connerie, je le savais.

- Mochi, ça t'dit quelqu' chose ?

Soudain, je le sens plus attentif. Y se tait, c'est un bon début.
Tu croyais quoi mon gars ? Que j'allais te laisser lourder le gouvernement mondial d'une somme aussi conséquente que la valeur du tableau ? Que nenni. J'ai pas eu à enquêter longtemps pour connaître le nom de ton complice le plus proche.
Vu la gueule qu'y tire, il doit tenir à lui. Tant mieux, ça me facilite le travail.

- Paraît qu'vous avez fait les cons pas loin d'ici dernièr'ment. De ce que m'en ont dit mes renseign'ments, y m'a l'air d'êt un bon gars. Ce s'rait franch'ment dommage si y....

- Tu touches à un cheveu de Mochi et je te fais ravaler toute ta putain de graisse !

Quand on n'est pas en position de négocier, on évite ce genre de menaces en général. De mon côté, ça passe, ça glisse comme sur les plumes d'un canard même. Mais un agent un peu moins patient que moi, et Blackburn finissait avec un ou deux bras en moins dans la seconde où l'avait fini de prononcer ces mots.

- Qu'y vive ou qu'y meure, ça tient qu'à toi d'en d'cider. Soit tu m'suis d'gré à l'hôtel et y lui arriv'ra rien, soit.... tu r'commences à faire l'con. Et là....

Voyons si l'a encore assez de jugeote pour prendre les bonnes décisions.
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James était dos au mur, sans autre alternative, que de devoir répondre aux exigences de son employeur.  Il pouvait toujours tenter de fuir une nouvelle fois, mais à quoi bon ? Ce type n’avait eu besoin que de quelques heures pour le retrouver. D'ailleurs l'avait-il réellement perdu de vue ?

Blackburn appréciait Mochi, c’était un brave gars, un peu dans son monde parfois. Mais jusqu’à présent ce dernier ne lui avait jamais fait faux bond. Dans le monde dans lequel vivait dorénavant James, c’était une chose plutôt rarissime. Alors, autant essayer de le conserver en vie le plus longtemps possible. Toutefois, le jeune pirate n’avait pas perdu toute lucidité. Risquer sa vie au combat pour un compagnon est une chose plutôt louable. Mais, dans le cas présent, il devait peser le pour et le contre, après tout c’était de sa vie dont il était question à l'heure actuelle.

*Je pourrais essayer de me débarrasser de lui. Mais tant que je ne saurai pas pour qui il travaille, cela n’arrangera en rien ma situation.*


Et le souci était bien là, il n’avait pas eu la moindre information complémentaire sur ce porc tueur d'enfant. Mise à part le fait qu’il était aussi collant qu’un morbaque et qu’il en savait long sur lui et ses agissements. Impossible de gratter autre chose. Il devait être en contact d’une manière ou d’une autre avec la marine. Cependant, James n’avait à sa connaissance aucune prime sur la tête. Une autre organisation dans le Gouvernement Mondial ? Possible, mais c’était un mystère pour le pirate, sa culture dans ce domaine se résumer à quelques grades ainsi que quelques noms célèbres.

Une soudaine pulsion de violence le traversa, venir à bout d’un mec aussi imposant cela ne devait pas être une partie de plaisir. Cependant, ce n’est pas sa graisse qui empêchera l’arme de James d’atteindre son cœur. Le pirate s’imaginait déjà ouvrir en deux la panse de cette monstruosité sur pattes, en regardant ses boyaux se déverser sur le sol. Mais avant tout, pouvoir enfin inverser les rôles de la proie et du chasseur.

*Si je survis à cette histoire, ce que je doute. Je prie pour croiser de nouveau ta route.*

Dans tous les cas, que ce soit par sa main ou celle d’un autre, avec de pareilles méthodes, cet obèse ne fera pas de vieux os.
Dans l’immédiat, après un long moment d’hésitation, James décida de suivre son interlocuteur. Ce n’était pas de gaieté de cœur, il risquait fortement de se retrouver au fond de la baie, pied et main entravés. Cependant, une chose pouvait faire pencher la balance en sa faveur, la toile ! Si Blackburn était encore en vie, c’était uniquement grâce à cette dernière. Il avait beau connaitre le plat préféré de James et la taille de son engin, il n’avait pas en main l’information la plus importante, la localisation de la peinture.  Ce serait sacrément con de buter le seul type qui sait où se trouve une croute à 200 millions.

Le jeune homme fût donc escorté jusqu’à l’immeuble de vieille, au troisième étage sans aucune surprise. Son cœur battait la chamade, il s’attendait à un interrogatoire plutôt musclé, le porcelet n’avait pas une gueule à faire dans la finesse pour faire ce genre de choses. Il déposa ses armes à l’entrée, c’était encore un geste d’une stupidité effarante.

*Que je suis con, le type cherche à me tuer, et moi en retour je lui tends mon cul…*


Une fois délesté de son matériel, son bourreau désigna une chaise du bout de son gros doigt boudiné.

« ‘stalles-toi là mon James, ce s’ra l’endroit idéal pour s’parler entre amateurs d’art. »

Le jeune homme s’exécuta, de toute façon vu qu’il nageait en plein dans la merde, autant aller jusqu’au bout.

« Bon, bon, bon…. Toi c’mme moi, on est des gens occupés, alors f'sons ça vite et bien. »

Le tortionnaire se positionna derrière James et posa une main sur son épaule

« D’moi j’te une chose, où se tr’ve la Flute enchantée ? »


« La flute enchantée ? Je ne connais pas, je croyais qu’on devait discuter entre amateurs d’art ici… »

*Malin ça James, j’ai que ça à foutre, de me moquer ouvertement de lui ? Je vraiment débile il va me cogner encore plus fort…*

« […] , c’mment elle s’appelle déjà c’tte croute ? Bref, ne joue pas s’r les mots, tu m’fais perdre patience. »

Premier coup, une violente gifle derrière la tête ! Quand un type de cette corpulence vous file une claque, bizarrement elle a tendance à mal passer.

« J’père que cela t’a r’mis les idées en place le troubadour. »

« J’ai accepté de te suivre jusqu’ici bien gentiment, le bovin. Tu ne vas pas tout même pas croire, que tout doit te tomber tout cru dans la bouche non ? Rappelle-toi déjà du nom de la toile, et sans bouffer la moitié des mots cette fois-ci, merci ! »


Le jeune homme entendit une sorte de ruminement derrière lui :

*J’ai dû toucher un peu son estime…*


Blackburn se retrouva projeté de sa chaise en arrière par deux énormes paluches. Il entra en collision avec le sol avant d’avoir pu comprendre ce qui venait de se passer. Il avait maintenant une vue imprenable sur le plafond, avant qu’une énorme tête vienne boucher son champ vision. C’était Laurence, il fallait bien trouver un nom à ce monsieur X. Laurence cela lui convenait parfaitement, cela lui donnait un air un peu précieux.

« Ton ‘umour est plutôt à ‘hier en fait, on t’la j’mais dit ? »

James avait qu’une envie, c’était de rire. Un rire nerveux, le genre incontrôlable, il était dans la merde jusqu’au cou, pourtant il avait affiché une putain de banane.

« T’iens trois ‘ent kilos  sur le ‘oin du museau, c’est ‘jour aussi marrant ? »

Laurence posa un genou sur la cage thoracique de sa jeune victime. Dans un craquement des plus gerbant, il écrasa de tout son poids le pauvre pirate. Ce dernier eut le souffle coupé net, et pire encore, il sentait ses côtes prêtes à lâcher à tout instant.

*Ce type…. Se fout de moi, il pèse plus que trois-cents kilos !*

Petit à petit le visage de James changea de couleur, pour prendre une teinte bleutée.

« T’vrrais ta tronche, j’suis un véritable artiste pour ‘aire sortir les émotions d’gens. »

« Argh…. Crétin…. Tues-moi et … la toile… tu l’auras….dans …Le derche. »

« C’pas faux … T’es moins con que t’en à l’air, p’fois. »


Laurence se releva avec difficulté, en remettant sur pied au passage le blondinet encore suffocant.

« Viens ‘onc te rafr’chir les idées ! »

Laurence entraina sa victime cette fois-ci dans la salle d’eau. Plus exactement en direction des toilettes…

« Il est où s’foutu tableau ? »

James alla faire un petit tour dans la cuvette pendant d’interminables secondes. Cerise sur le gâteau, quelqu’un avait eu la délicate attention de passer là avant lui.

« Où est ce p’tain de tableau ? »


Faute de réponse, ce dernier réexpédia le jeune homme dans les latrines une nouvelle fois.

« ‘Lors ? »

« …. Il est là-dedans, laisse-moi regarder à nouveau. »

« T’es ‘raiment con t’sais ?  Bon… Qu’est-ce qu’fait maintenant ? T’une idée de torture que t’merais bien ? »

« Je vais te le dire moi troue de bal. Si dans exactement douze heures je ne donne pas signe de vie, ta putain de toile elle part en fumée … ! Tu me crois assez con pour ne pas prendre mes précautions ? »

*Si tu savais comme je le suis pourtant …*


« Hum… T’me surprends de plus en  plus... ! Et pourquoi jt’croirais ? »

« Bah … Par ce que tu n’as pas le choix ?... »

« Vraiment ?… »
« Tu me laisses partir d’ici et une fois loin de tes sales pattes, je te contacte pour t’indiquer où se trouver le tableau ! »

*J’essaye de négocier avec un mec, qui tente pour la deuxième fois en quatre huit heures, de mettre fin à mes jours… Brillante idée une fois encore. Je n’offre aucune garantie, cela ne marchera jamais...*


Dernière édition par James W. Blackburn le Mar 17 Jan 2017 - 16:03, édité 2 fois
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C'est du bluff, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Ou alors c'est pas du bluff. L'aurait un complice ici ? Pas de renseignement là-dessus, mais ça expliquerait pourquoi y serait venu sur cette putain d'île. Ça changerait tout. Na... Y serait pas assez con pour brûler deux-cent millions. Qu'est-ce que je dis moi, bien sûr qu'y serait assez con. C'est juste une vermine de pirate après tout. M'enfin deux-cent millions quand même.

Voilà qu'y m'a mis les méninges en pelote. Vu comment qu'il a l'air sûr de lui, y doit avoir un atout dans sa manche. Quelle déveine, j'ai jamais aimé le poker. De toute manière, y sait qu'y va crever, je vois pas ce qu'il a a gagner dans l'affaire. La torture aura tourné court, faut déjà que je me retrouve à négocier. Remarque, je préfère encore ça, moins fatigant, moins salissant, j'y gagne autant que lui au final.
Quelle truffe je fais quand même, j'aurais pas dû m'engager auprès du bureau en leur disant que j'avais la peinture. Pour moi c'était du tout cuit, mais si y z'apprennent que le pognon est parti en fumée, je donne pas cher de ma peau. Sont sympas au bureau du CP2, juste qu'y faut pas déconner avec le fric. Là, j'ai merdé.

Si ce que me dit l'autre chiure est vrai, j'ai plus que douze heures avant de me faire baiser en beauté. Bluff ou pas, faut que je me couche, à l'heure actuelle, j'ai pas les bonnes cartes pour lui forcer la main. Faut que je m'assois. Le rebord de la baignoire m'a l'air assez solide. Je me pose, et je regarde James sur le carrelage, y continue de reprendre son souffle. Fait peine à voir.

- R'ssure-moi James... t'as bien capté qu'le grisbi... t'en verrais jamais l'couleur hein ? Ôte-moi juste d'un doute.

Vu le regard teigneux qu'y m'adresse, l'a au moins pigé ça. Voilà une base solide pour commencer les négociations.

- Mais t'inquiète pas, j'te laiss'rai pas tomber. Mieux encore ! En échange d'graffiti, j't'offre quelque chose d'encore plus pr'cieux qu'tes cent millions.

- Cent-vingt...

Putain Blackburn, j'essaie de te sauver la vie là, tu me rends pas la tâche facile. Faut pas que je m'énerve, c'est pas mon genre, mais pour lui je ferai bien une exception. Toujours à jouer au malin alors que c'est lui le plus con de la pièce. À la fin, c'en devient éprouvant. Voilà que je sue maintenant. Pas bon de conserver la hargne en soi, hop, une serviette et je m'essuie la trogne avant de faire comme si j'avais rien entendu.

- S'tu l'dis. C'que j'te propose en échange, et crois-moi, j'pense qu'ça va t'plaire, c'est d'te laisser vivre.

Ah ? Je le sens intéressé. On a peut-être un terrain d'entente.

- Tu m'en veux pas si je te fais pas aveuglément confiance ?

C'est vrai qu'une tentative de meurtre et une séance de torture, ça a le don d'entamer légèrement les relations humaines. Mais bon, y va pas tergiverser. Je croise les mains et m'penche en avant autant que ma panse me le permet pour lui causer plus sèchement, qu'y sache que je plaisante pas.

- T'as b'soin d'quelles garanties ?

Maintenant, l'a l'air de réfléchir. On est sur la bonne voie James, efforce-toi juste d'éviter de jouer au malin une fois de plus, parce que là, que ce soit le bureau, l'amirauté, ou même le conseil des cinq : personne pourra te sauver. Je te tends la main une dernière fois, crache pas dedans ou tu vas te la prendre dans la gueule.

- Vous me fournissez un bateau. Un voilier. Je l'inspecte avant le départ. Une fois suffisamment éloigné du rivage, je t'appelle pour te dire où elle est. Au moindre coup fourré, la moindre suspicion d'être suivi, votre toile crame dans la minute.

C'est tout ? Merde, je l'aurais cru plus exigeant. Cela dit, son plan, c'est plus porteur pour lui que pour moi.

- Et mes g'ranties à moi, où qu'elles sont ?

- T'as toujours Mochi.

Pour le coup, ça, je l'ai pas vu venir. Le type utilise carrément son pote comme caution. L'avait l'air d'en avoir quelque chose à foutre tout à l'heure, peut-être qu'il est sincère. C'est tout le mal que je lui souhaite après tout. Si j'ai pas ma toile, Mochi y passe, James pareil, et pis sa famille aussi tant qu'on y est. Ce sera mon chef-d'œuvre ultime avant que le bureau me chope pour pas avoir répondu à mes engagements.

- Harf harf harf ! Toi alors... Dans l'genre raclure tu t'poses.

Dard dard, je dégaine mon escargophone. Voilà que l'autre y sursaute, l'a dû croire que je sortais un flingue. Je lui adresse un petit sourire pas avenant du tout et je contacte qui de droit pour qu'il ait son rafiot. D'ici peu, je vais découvrir si ce con de Blackburn tient tant que ça à son copain.

- R'lève tes miches, on va aux quais.
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Énième rebondissement, voilà maintenant que Laurence offrait un bon de sortie à James. Ce dernier avait eu plus que chaud aux miches pour le coup, il était passé à deux doigts de la peine capitale. Et non pas sur un peloton d’exécution ou sur un billot, comme nombre d’illustres pirates. Mais la tête dans les chiottes, dans le plus grand des anonymats. Sans même avoir pu décrocher la moindre prime durant sa vie de flibustier. Mourir peut-être, mais pas comme ça !

*La prochaine… Je doute fort m’en sortir à si bon compte… *


Blackburn avait tout de même échappé par deux fois à la mort en l’espace de quarante-huit heures, une prouesse, et pas des moindres. Il n’était pas peu fier à vrai dire, il avait hâte de pouvoir raconter ses péripéties à ce brave Mochi. D’ailleurs ce dernier, à son insu lui rendait un fier service à son insu. Il était sa caution. Au moindre faux pas de James, byebye, Mochi.

*Il aurait fait la même chose à ma place j’en suis persuadé… Peut-être pas de cette manière, mais… enfin bon, si tout se passe comme prévu, il n’aura pas vent de cette partie de l’histoire.*


Mais, la véritable satisfaction de Blackburn, c’était que son bobard avait fonctionné à merveille. Il avait même reçu de la part de son ravisseur, une petite embarcation pour quitter définitivement cette île. Cependant, il en fallait bien plus pour faire oublier le principal échec, l’argent ! James était ulcéré d’être passé à côté d’une telle somme.

*Bordel, ce type va se faire un joli magot avec le tableau. Et moi, dans l’histoire je me casse la queue entre les jambes sur un voilier de merde. *

D’ailleurs en parlant de voilier, James et Laurence étaient à présent sur les quais devant ladite embarcation. Véritable fleuron des mers, un tel navire pouvait traverser sans le moindre encombre le Grand Line. Coque en granit marin, trois mats et un équipage au complet…

« Tu te fous un peu de ma gueule non ? C’est quoi ton épave, tu n’as rien trouvé de mieux ? »

« ‘Coutes fiston, soit-tu ‘mbarques à bord de ce rafiot. Soit t’barres à la nage. Jt’laisse l’embarra du choix, alors t’plein pas ! »

Le jeune homme n’avait pas vraiment le choix à vrai dire. C’était sans aucun doute meilleur nageur que marin, mais de là à traverser un Blue. Il ausculta brièvement l’embarcation, à la recherche d’éventuelles voies d’eau. Fort heureusement, de ce côté-là tout semblait plutôt bon. Pour le reste, Blackburn n’y connaissait foutrement rien en navigation.

*Bon… De toute façon cela ne doit pas être sorcier, n’importe quel débile arrive à naviguer sur les Blues alors pourquoi pas moi ?*

« Hum… Tu redoubles d’ingéniosité pour venir à bout de ma peau. Mais je relève le défi, j’accepte de partir d’ici avec ton épave. Comme je suis un homme de parole… Je te donne comme convenu la localisation du tableau. »

Le blondinet remit à son interlocuteur un petit bout de papier sur lequel étaient griffonnés un nom et un numéro

«  C’est l’auberge et le numéro de la chambre. La peinture se trouve dans le fond plafond, au-dessus de la salle d’eau. »

*Je viens de laisser filer deux-cent-millions de Berrys dans le plus grand calme…*


James s’activa sur son minuscule rafiot, il était un peu perdu, lui qui n’avait jamais eu l’occasion de voguer par ses propres moyens. Le pirate avait tout de même de la chance, le vent était dans son dos, parfait pour atteindre le plus rapidement possible sa destination. Après avoir hissé la voile, ou plutôt la toile rafistolée, James s’attendait à voir partir l’embarcation, mais non. Il resta quelques instants interdit.

« Pourquoi ça ne bouge pas cette merde ? »


« … T’veux pt’être que je ‘croche de la bite ? Sacré amiral qu’vla là ! »

« Ah… euh oui… Cette traversée va être longue »

Enfin le départ vers de nouveaux horizons après ce petit contretemps. Une fois à bonne distance, le jeune homme se retourna en direction des quais pour saluer l’homme qui avait pris un malin plaisir à le tourmenter de la sorte :

« AUREVOIR ! GROS PORC, GARDE BIEN CE NOM EN TÊTE, JAMES W BLACKBURN ! À PARTIR DE CE JOUR, SURVEILLE TES ARRIÈRES ! AHAHAH. »

James fidèle à lui-même aimait fanfaronner, mais uniquement à bonne distance de ses adversaires. Même si dans son for intérieur, il avait du mal à croire qu’un gars pareil puisse avoir peur d’un gus de son calibre. Mais cela lui faisait le plus grand bien de pouvoir enfin extériorisé sa rage.

« Bon maintenant, direction Las Camp ! Mochi j’arrive non de dieu, non de dieu ! »

Pendant la plus grande partie de la journée, la traversée s’effectua sans encombre majeure. Loin d’avoir le pied marin, James avait tout de même réussi à prendre en main ce monstre des mers. Mis à part deux ou trois frayeurs avec des bateaux bien plus imposants que le sien. Il était globalement satisfait du déroulement des choses. De toute façon, comment pouvait-il devenir un jour un pirate de renom, s’il n’était même pas capable de mener à bon port une petite embarcation ?

*Tout pirate qui se respecte se doit de savoir naviguer*

Pour son trajet, il s’aida d’une veille carte et de sa boussole déjà présentent à bord. Lui permettant de tracer à la louche un cap jusqu’à Las Camp.

*À quelques kilomètres près, cela devrait être plus ou moins bon… J’ai hâte de voir la tronche à Mochi quand il va me voir arriver*

C’est en fin de journée que les choses se gâtèrent. D’abord avec un vent changeant constamment de direction, c’était une véritable galère pour le jeune homme de maintenir la voile dans le bon sens. Ensuite ce fut au tour du ciel de s’assombrir progressivement pour devenir totalement noir. La température avait elle aussi chuté de pair avec l’arrivée des nuages.

*Une tempête ?... Au seigneur pas ça…*

Une tempête était de loin le pire scénario possible pour James. Déjà ce n’est pas chose évidente pour les marins aguerris à bord de véritable navire. Alors pour James, entre ses compétences de navigations et son embarcation, les dieux devaient se foutre allègrement de sa gueule là-haut. Mais pourquoi n’avait-il pas consulté la chose la plus essentielle au monde pour tout marin, le temps ?

« Merde, merde, je suis vraiment dans la merde. »

Le petit clapotis des vagues sur la coque se mua rapidement en vagues de plus en plus fortes. Pris de panique, le pirate essaya de changeait de trajectoire par le biais du gouvernail, espérant ainsi éviter le gros de la tempête. Mais le manche lui resta dans les mains sans qu’il ne puisse pour autant virer de bord.

« LAURENCE ! SOIT MAUDIT FILS DE ... ! »

Durant sa courte vie, James n’avait jamais vu une tempête pareille. En même temps avait-il déjà assisté à une tempête en mer ? Non.

« Que faire ? Que faire ? Rentrer la voile oui… !! Je dois rentrer la voile sinon elle va… »


Trop tard, la voile s’arracha à son tour, le bateau était maintenant totalement hors de contrôle. Le jeune homme ne pouvait plus faire qu’une seule chose, subir. Le mat semblait aussi mal à point, mais pour l’heure James, n’avait qu’une seule priorité, restait en vie.

Des vagues de plus en plus grosses venaient frapper le navire à tribord, plus d’une fois l’embarcation faillit chavirer. Une vague bien plus imposante que les autres frappa de plein fouet le pauvre mât déjà bien abimé, l’arrachant net. James regarda partir son mât à la dérive, impuissant. Comment allait-il faire maintenant ?

*Si je survis, je jure de lui faire bouffer ses couilles…*

Durant une bonne partie de la nuit ce fut donc le chaos autour de Blackburn, il usa de toutes ses forces pour rester à bord. Il savait pertinemment que la moindre chute était synonyme de noyade, chose qu’il ne pouvait absolument pas se permettre. Pas avant de s’être vengé de Laurence.

À bout de force, trempé des pieds à la tête, James s’allongea de tout son long dans l’embarcation. La tempête était maintenant derrière lui, mais son passage avait prélevé un butin très lourd. Que pouvait-il bien faire, sans gouvernail, sans voile et sans mât au bout milieu de la mer en pleine nuit ?

*Dormir... *

Au petit matin, quelque chose heurta son bras. Se réveillant en sursaut il tomba nez à nez avec un drôle de type avec une longue barbe blanche. Il avait une tête de vieux-loup de mer, rencontre inespérée pour le jeune homme

« Bah alors mon p’tit gars ? Y’a eu un peu de houle cette nuit, faut pas naviguer dans ce genre de coque à la noix par temps pareille. Vous avez de la chance de ne pas finir à l’eau ! »

Après avoir raconté ses péripéties en mer, Blackburn monta sur le bateau qui semblait un navire marchand. Blackburn profita pour se restaurer et surtout mettre des vêtements secs. Le capitaine du navire débarqua dans sa cabine, pour écouter son récit et faire une rapide présentation :

« On va atteindre dans la journée, Fort Levant à Kanokuni. Une fois là-bas vous serez libre de faire ce qu’il vous plait, mais en attendant, ici c’est moi le capitaine. »

*C'est une blague ?…*
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[26 heures plus tard]



Que c'est mal famé Fort Levant. Bien simple, y'a un endroit où la muraille de Ming s'étend pas, et c'est justement là où toutes ces vermines de pirates vont s'engouffrer. Faudrait construire plus de murs. Enfin, les murs, c'est encore pas ce que redoutent le plus les pirates en pleine mer...

De la baie de Jing à Fort Levant, on sent la différence niveau développement. Tout ce que touchent ces saloperies de pirates se transforme en merde, c'est leur nature profonde qui déteint sur leur environnement.
Exit les gargotes nombreuses, le joyeux bordel ambiant, la promiscuité et le bon vivre de Jing. Ici, on dirait qu'ils ont tous la gale. C'est bien le troisième bâtiment brûlé que je croise depuis que je suis dans cet amas de ruine. Les incendies sont légions par ici. Tant mieux, y'a guère plus que le feu pour purifier la racaille qui infeste. On trouve des tentes dressées à la hâte où on vend des butins fraîchement rapportés d'un abordage. On y trouve de tout : le parfait petit bazar du parfait petit fumier. Ces déchets vont jusqu'à vendre les peluches couvertes du sang des enfants à qui elles appartenaient.

Je suis pas là pour saisir de la contrebande. Je pourrais, mais y me faudrait les renforts derrière. Si tout ce petit monde savait pour qui je bossais, ça ferait une paie que tous ces enfants de salaud m'auraient écorché vif. Du moment que ma grosse gueule de tueur les met en confiance, y me prennent pour un des leur. C'est pas pour eux que je suis ici non. Tiens, le type qui me passe sous la main là, m'en vais le nommer guide touristique.

- Blackburn.

- Moi pas Blakburn non.

Fallait que je mette une paire de claques dans la gueule d'au moins l'un d'entre eux ici, histoire de marquer le coup. Quand y se relève la bouche en sang, le type me tend une oreille plus attentive. C'est que je le sentirais presque disposé à me filer un coup de main.

- Blackburn. D'après mes r'seign'ments, l'est arrivé dans l'coin d'puis moins d'un jour. Un jeunot, blondinet, tête à claque. T'vois d'qui j'parle ?

Y me montre du doigt une petite jonque sur les quais. La flotte qui l'entoure est remplie d'ordures de de déchets en tout genre. C'est une sorte de gargote itinérante qui sert sa poiscaille à des clients qui bouffent en plein air. Rustique, j'aime encore bien. Maintenant que mon guide m'a faussé compagnie pour aller voir un toubib, je vais à bord de l'embarcation qui s'enfonce un peu plus dans la flotte quand je monte dessus.
Le seul client du rade se retourne, sardine carbonisée entre les dents.

- Y m'semblait t'avoir dit d'j'amais tourner l'dos à qui qu'ce soit quand t'es au restau.

En me voyant, sa pitance lui tombe de sa bouche bée. Y pensait surement plus jamais me revoir. C'est touchant de naïveté. Faut dire que je pensais plus le revoir non plus, je m'étais d'ailleurs moi même assuré à ce que le bateau qu'on lui a refourgué soit saboté comme y faut. Mais l'est tenace le Blackburn.

- Bah qu'est-ce t'as à r'ster la bouche ouverte c'mme ça ? T'm'invites pas à manger un bout ?

Bah non. Y m'invite pas. Avec tout ce qu'on a vécu ces derniers jours, on aurait pu croire qu'il aurait été plus convivial, mais non. Pas grave, je m'assois quand même à côté de lui. Et puis tant que j'y suis, je commande. Jamais mangé de mérou, je m'en frotte les mains d'avance, c'est que ça sent bon comme tout.
Un ange passe pendant la cuisson. James a recommencé à manger ses sardines timidement. Y m'adresse pas la parole, comme si pas me parler allait me faire disparaître, que j'étais qu'un produit de son imagination. Le bateau tangue, les planches grincent, on reste assis là, à rien se dire en attendant que ma commande soit servie. C'est là que je jette la sacoche avec laquelle je suis venu sur les genoux de mon voisin.

- C'est quoi cette merde ?

- Bah ouvr', t'verras bien.

L'hésite à ouvrir, y doit croire que ça va lui péter au nez. C'est fou comme la confiance règne. Alors je reprends le bousin, je l'ouvre sèchement, et je le lui re-balance sur les genoux. Ses yeux s'écarquillent un peu. Dix millions de berries en petites coupures, faut au moins ça pour le faire réagir. Après avoir un peu zyeuté le contenu y referme en regardant par dessus son épaule, histoire de s'assurer que personne n'a vu ce que ça contient.

- On est loin des cent-vingt millions prévus.

À un moment, j'ai cru qu'il était sérieux en disant ça. Mais en le voyant se retenir de rire avant de s'enfiler une gorgée d'alcool de riz derrière la cravate, je me suis dit qu'il plaisantait. On a frôlé l'incident. Pas un merci, rien. L'est aussi doué en cambriolage qu'il est bien élevé celui-là. J'entame mon mérou qui est venu s'échouer grillé dans une assiette sous mon nez.

- Pourquoi tu m'as filé ce pognon ?

Minute jeunot, je m'empiffre. Sacré James, on dirait qu'y croit pas à un geste désintéressé de ma part. L'a bien raison.

- Sait-on j'mais...

Faut que je m'interrompe. À mon tour de goûter à l'alcool de riz servi ici. Ma foi, pas mauvais, ça me reste quand même un peu sur l'estomac. On sent que c'est artisanal.

- ... Un type c'mme toi, capab' d'faire chier son monde comme t'm'as fait chier, ça peut êt' utile d'l'avoir dans son répertoire.

L'est bon le mérou, mais y se mange sans faim, l'assiette est déjà vidée. Je comptais pas m'attarder de toute manière, à peine un travail de fini qu'y faut que j'en recommence un nouveau. Le gouvernement mondial a toujours besoin d'argent.
Je décampe, alourdi de mon repas, et allégé de dix millions. Y va de soi que je laisse l'autre andouille me payer ma bouffe. Y me doit bien ça.

- Putain... Mais t'es qui au juste ?

Moi qui pensais que la discussion était close. Je me retourne, y continue de me tourner le dos, à faire face au comptoir qui le sépare du gérant et du grill.

- J'suis juste un gars qui peut t'rendre riche James. Garde l'escargophone que j't'ai filé, l'jour où y sonn'ra, ce s'ra la fortune à l'autre bout d'combiné.

Dans un dernier rot bien gras, je quitte la scène, cette foutue jonque tangue violemment quand je descends enfin. Le bureau m'a appelé il y a quelques heures, y serait question de monter des dossiers douteux pour saisir des propriétés à des particuliers. De la combine administrative comme je l'aime, sans risque et lucrative. Ça me distraira jusqu'à mon prochain gros coup.
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