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Entre deux eaux

L'infrastructure commençait tout juste à se découvrir au large, un spectacle dont seule la vigie pouvait être témoin et qui, c'était le moins que l'on pût dire, captivait pas mal son attention. Ainsi que celle d'une autre paire d'yeux tout près d'elle.

- Alors c'est ça, Karantane. fit la Commodore, sombre, le visage fermé, dans l'expectative de débarquer sur cette nouvelle île.

Nouvelle île, ça n'en était sûrement pas une. Un pont similaire à celui de Tequila Wolf abritant un ensemble de structures sur tout le long de sa surface. Un projet aussi faramineux qu'inachevé, mais dont l'utilité semblait bien plaire à l'albinos. La jeune femme qui la secondait et qui venait tout juste de récupérer la lorgnette temporairement empruntée par la blonde crut d'ailleurs que la question n'était pas rhétorique puisqu'elle ne put s'empêcher de répondre, avec timidité :

- Oui, ma Commodore. Il s'agit bien de Karantane.

Prise de court par cette réponse à laquelle l'agente ne s'attendait pas, celle-ci vrilla ses deux yeux inquiets sur la frêle soldate qui lui flanquait les côtes. Des yeux qui ne faisaient que refléter un mauvais présentement et que la Caporale Fhira prit pour un profond ressentiment. Celle-ci entreprit donc de baisser le regard pour détailler ses chaussures jusqu'à ce que sa supérieure ne posât enfin ses pupilles sur un autre point de l'horizon : le cuirassé qui naviguait moins d'un mille marin derrière et qui les suivait.

- Faites signe au Vice-Amiral Fenyang que nous n'allons pas tarder à accoster.

Ce après quoi l'officière salua promptement avant d'enjamber le rebord du petit espace aménagé en hauteur pour regagner le pont du navire.

Habile dans les gréements mais encore assez précautionneuse pour ralentir dans la descente des filets, Annabella avait profité de son temps libre durant la traversée pour s'initier au travail à bord du navire. Elle n'en était nullement obligée, en tant que Commodore ; ça n'était pas son rôle de se salir les mains, on attendait uniquement d'elle qu'elle dirigeât... en principe. A bord de la Jouvencelle, si elle voulait faire corps avec la 346ème comme le lui avait conseillé la Lieutenante Browneye, il fallait qu'elle y mît du sien. Ce qui était largement préférable à l'obligation de se tourner les pouces en bénéficiant de bons repas chauds tandis que ses subalternes mourraient de fin ; le début parfait de toute bonne mutinerie...

A cette pensée, le ventre de la Commodore émit un gargouillement distinctif du manque nutritif conséquent. Bruit honteux que plus aucune femme à bord ne parvenait à dissimuler désormais. Avec le temps de la traversée et les intempéries qui avaient coûté un baril entier de fruits secs rendu à la mer, il n'y avait pratiquement plus rien à manger sur le navire. Sur ordre du Vice-Amiral, le convoi allait donc faire une halte à la Karantane que voilà pour se réapprovisionner. Si, toutefois, il y avait des provisions sur ce bout de caillou pratiquement à l'abandon. Raison pour laquelle la Commodore, une fois de retour sur le pont principal, retrouva ses deux subalternes pour leur suggérer d'en discuter plus amplement dans ses appartements.

Comme toutes les cabines du capitaine d'un navire, celle d'Annabella jouissait d'un désordre innommable et d'un empilement de papiers et de livres qui, semblait-il, étaient déjà-là avant même sa première arrivée sur le navire, il y avait de cela plusieurs mois. Certains dossiers étaient tellement vieux qu'ils semblaient même en état de décomposition avancée, un détail qui n'échappa pas aux yeux effarés de la littéraire qui essayait de tenir un laïus plus ou moins cohérent. De temps à autre, son ventre vide venait interrompre son explication d'un grondement guttural et gênant.

- ...et actuellement, Karantane est sous la tutelle de la 12ème Section, commandée par un certain Phol, son prénom n'est d'ailleurs pas renseigné. conclut-elle après avoir ressassé aux deux jeunes femmes l'historique tout entier du coin.

La Loque ne trouva rien à ajouter : comme pour sa supérieure, la plupart des informations lui étaient passées par dessus la tête jusqu'à ce que la dernière phrase soit finalement prononcée.1 Ce fut donc Annabella qui prit la parole, sur un sujet légèrement différent :

- Combien de temps pensez-vous nécessaire pour reconstituer notre réserve de provisions ?

- En règle générale, il nous faut entre deux et trois heures, le temps de remplir les soutes et refaire l'inventaire. intervint la Lieutenante-Colonelle, implacable sur ce genre de questions.

- Et pour un cuirassé ?

- Si c'en est un comme celui que l'on vous a confié à Astérion, ma Commodore, je dirais au moins cinq bonnes heures.

De toute manière, il n'existait pas trente-six sortes de cuirassés. L'agente soupira donc, consciente qu'elle serait probablement contrainte de passer la nuit sur l'île ; elle était pressée de voir le nouveau Juge Suprême d'Enies Lobby en action. Ces "Blattards" n'avaient aucune chance de s'en sortir, c'était certain, mais ils étaient loin d'être au bout de leur peine, si la Juge Raven devait s'occuper de leur cas.

- Bien. Mieux vaut ne pas lambiner plus longtemps sur ce genre de détails, nous devrions bientôt arriver au large du pont. Lieutenante, vous pourriez nous indiquer où il est possible d'accoster, le plus proche de la base de la Section 12 ?

Après avoir prestement feuilleté le livre qu'elle tenait entre les mains et étudié ce qui ressemblait, vu de loin, à un plan détaillé d'une partie de l'île, la rousse hocha finalement la tête. L'expression sérieuse qui assombrissait le visage de la Commodore sembla alors légèrement s'éclaircir : il était temps pour elle de balancer de nouvelles directives, de servir enfin à quelque chose.

- Parfait, alors le moment est venu de nous mettre au travail. Colonelle, je vous laisse briefer les autres à ce sujet. Lieutenante, rejoignez-moi dans cinq minutes sur le gaillard avant.

Karantane avait beau baigner dans une aura de danger pratiquement palpable, au moins Annabella allait bientôt retrouver le plancher des vaches. Une pensée qui, lorsqu'elle ferma la porte de sa cabine derrière elle, lui arracha tout de même un léger sourire.

1. Browneye a, il semblerait, un don en la matière de pouvoir tenir en haleine ses interlocuteurs sur tout un monologue pour ne dévoiler les éléments importants qu'à la fin.
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- « Le contact a été établi, amiral ! Le commandant Phol est prêt à nous recevoir ! »

- « Taaaant mieux ! J’ai pas vu la gueule de ce connard depuis un moment en plus ! »

- « Où allez-vous ? »


Sans répondre, je fis un clin d’œil malicieux adressé au soldat avant de descendre doucement vers les geôles du galion qui se trouvaient près des cales vides de victuailles. Cela faisait maintenant quatre à cinq jours que je n’avais pas vu leurs tronches. Ils me manquaient presque ! Sur cette pensée plus qu’ironique, je me mis à ricaner puis à fredonner un air de l’amiral Aokiji (L’un de mes modèles), mains dans les poches. Après quelques secondes, j’arrivai enfin devant leur cellule et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils faisaient peine à voir. La faim qui les tenaillait devait être encore plus rude que celle à laquelle mes hommes étaient confrontés. Plus pour longtemps heureusement, vu que nous approchions doucement de Blue Line. Une île que je n’avais vu que dans mes manuels scolaires et un projet dont mon père se moquait à chaque fois que avions l’occasion d’en parler. Le Gouvernement Mondial n’était pas à une connerie près. Construire un pont pour barrer Grand Line… Les leadeurs d’antan étaient de drôles de gars. Enfin… Inutile de trop y penser. Là, il y avait mieux à faire. Comme faire sortir ces cons du navire.

- « Holà ! On se réveille ici ! »

Bien entendu, quelques petits coups se perdirent une fois que je fus dans leur cellule. Mais très vite, j’arrêtai de m’acharner sur eux. Leur état était tellement lamentable qu’ils risquaient d’y passer si je continuais à les éprouver. C’était pourtant pas l’envie qui me manquait quand on savait qu’ils avaient réussi à se foutre de ma gueule et à buter Satoshi. Depuis que ce dernier avait viré forban, mon vieux n’avait plus voulu entendre parler de lui. Mais tel que je connaissais le paternel, il avait dû chialer. On parle quand même de son neveu, même si nous n’avions jamais vraiment mis en avant ce lien qui nous unissait au corsaire. Penser que je ne faisais rien alors que j’avais ses meurtriers sous la main était un peu rageant. Mais n’était-ce pas le destin des sept corsaires ? Il faut dire qu’ils étaient détestés de la plupart des pirates qui voulaient leur peau et pas qu’un peu. Satoshi l’avait donc bien cherché. C’était un constat assez cruel de ma part, mais c’était la stricte vérité. Après, je n’étais pas non plus un monstre sans cœur. A cette nouvelle, j’avais même failli descendre les achever, mais mes hommes m’en avaient empêché non sans mal.

Leur jugement permettrait au GM de bien se faire voir par le royaume de Juicy Berry qui se rallierait peut-être.

Micmacs politiques. Voilà pourquoi je détestais cette faction et tout ce qui s’y rattachait…

- « J’vais vous faire prendre l’air ! Soyez reconnaissants ! »

En vérité, je voulais les malmener un peu. Et puis, j’étais devenu un poil parano avec ces cons au point d’être prêt à parier qu’ils pouvaient, dans leur état, tenter quelque chose pour s’enfuir si je quittais le navire sans eux. S’il avait réussi à me tromper une fois, rien ne me prouvait que le Joe ne pourrait pas recommencer. A sa sale gueule de fils de pute, on devinait qu’il était plutôt retors. Pas étonnant qu’il ait réussi à niquer Sato à l’aide de l’autre con de crêteux. C’est d’ailleurs par leurs cheveux que je les chopai avant de les trainer derrière moi en sortant comme si de rien était. Ils douillèrent au niveau des escaliers qui menaient au pont du galion, mais ils n’étaient pas à une misère près. Une fois à l’extérieur, j’eus un sourire. La météo était clémente et nous étions enfin à Blue Line. Ou plutôt Karantane. Nous longeâmes alors le gigantesque -Même ce mot était un euphémisme pour qualifier pareille architecture- pont jusqu’à ce que les vigies purent percevoir un signal qui donnait la position exacte de la section 12. Enfin… Pas comme si ce fut la peine de s’y fier puisque la caravelle des gonzesses et de la CP9 était déjà sur place.

En ressassant mon petit coup de pute sur Arcadia, je rigolai tout seul avant qu’une immense plateforme mobile ne descende à notre niveau. Hé. C’est qu’ils s’ennuyaient pas ici ! Après que je sois monté sur ladite plateforme avec quelques gars, toujours en trainant mes prises derrière-moi, l’albinos finit par se pointer avec ses potes qui me dévisagèrent sans vraiment comprendre ce que je foutais avec les prisonniers. Pour ma part, je ne fis pas trop attention aux regards et me concentrai sur la montée, clope au bec. Lorsque nous fûmes enfin sur la terre ferme, un petit groupe de marines nous accueillit et nous pria de les suivre jusqu’à une sorte de manoir flanqué du symbole de la marine. Devant l’édifice qui servait de base à la section 12, se trouvait Phol et le reste de ses hommes. Le pauvre avait une mine absolument pas ravie en me voyant. Moi ? Tout le contraire ! « Y’a pas longtemps que j’étais à Marijoa. T’as le bonjour de Sophie mon grand ! » Le blond faillit piquer une crise en entendant le nom de sa femme. La raison de sa « mutation » ici ? Une histoire d’adultère qui avait mal fini et qui l’avait forcé à fuir. Tout le monde ou presque le savait.

- « Fais pas cette tête Phol ! Tu sais bien que je t’apprécie beaucoup ! »

- « Navré de vous avouer que ce n’est pas réciproque, vice-amiral. »

- « Holala ! T’es méchant ! D’ailleurs, depuis quand tu me vouvoies ? »
Que lui avais-je demandé en rigolant comme un profond connard.

Lui ne faisait que fulminer. Nous nous connaissions depuis un petit moment. Il était de la génération qui suivait la mienne. J’étais comme qui dirait son « senpaï » d’autant plus que nous pratiquions le même art : L’escrime. « Tu peux me stocker ça pour un moment ? Ah… Et qu’on leur donne à bouffer histoire qu’ils crèvent pas. Je dois les envoyer à Enies Lobby. » J’avais secoué les cafards sous le nez de Phol, qui, le regard noir, finit par faire signe à quelques-uns de ses éléments. Ces derniers virent récupérer les pirates et s’éloignèrent du coin, tandis que je m’amusais à ébouriffer le commandant comme s’il s’agissait d’un gosse. Il se mit à rougir, écarta ma main d’une tape et réajusta sa coiffure avec des gestes maniérés, digne de l’aristocrate qu’il était. « Vous ne faites pas honneur aux Fenyang, vice-amiral. » Mais l’avais-je une seule fois écouté ? « Tiens, j’te présente le commodore Holmes. T’as dû entendre des échos de ses exploits non ? Vous vous faites livrer le journal ici ? » L’homme renfrogné comme jamais, changea de posture du tout au tout lorsqu’il vit l’albinos. Se parant de son plus beau sourire, il alla même lui faire un baisemain.

Un vrai gentleman.

Bien… Vu qu’il allait être occupé à lui faire la cour, moi j’pouvais profiter pour…

- « Hoy, toi ! Oui, toi ! » Qu’avais-je dit en pointant d’un doigt inquisiteur, un soldat non loin. « On a besoin de provisions pour deux galions et une caravelle. Prends mes hommes et commencez à ravitailler nos bâtiments. Vite ! »

Le soldat me salua comme il faut avant de convier mes subordonnés et celles de la CP à les suivre pour choper de la bouffe.

Moi en attendant, je pris une direction au hasard, suivi de près par Hermest. Tant qu’à faire, autant visiter le coin…
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Pas un mot. Rien.

On se fait malmener par ce connard de Salem et j’ai même pas la force de broncher. Je l’ai tout juste à m’en rendre compte. Même le Joe joue plus ses divas depuis son réveil à bord du rafiot de ce connard. En fait, on a tout juste de quoi traîner nos carcasses décharnées, dans une démarche dégingandée, jusqu’à la grande cage dans laquelle le Mouetteux nous fout ... Et arrivé sur place, pas question de rester debout. On peut pas. On se vautre comme on est tombé quand la tape dans le dos nous a poussé.
Y’a même une gonze, blanche comme un cul, qui nous a escorté jusque là. L’était déjà avec Salem avant qu’on parte, l’avait son propre bateau ... Bah cette nana, elle a un de ces regards ! L’indifférence en personne ! Moi, en temps normal, ça me donnerait de jouer avec ses nerfs jusqu’à ce qu’elle s’énerve enfin ... mais là ... j’ai pas l’envie. Pas la force. Pas envie de la faire chier pour que mon cas s’aggrave ...

Et c’est d’un triste !

Ce que je crève la dalle ... Et dire qu’il y a un mois, on arrivait sur Shishoku, qu’on s’était fait péter le bide comme jamais, avant de partir pour Juicy Berry où on a bouffé comme des ministres qu’on était ...
Je l’ai déjà dit, mais ça s’avère encore : la vie est une pute qui manie l’ironie comme personne.

Alors la gueule sur le sol, les yeux en trou de bite, je me permets de jeter un oeil à nos compagnons d’infortune. Deux zigs. Un jeune et un vieux ... Si le premier ressemble à un petit pirate à la manque qui sait pas trop ce qu’il fout là, le deuxième ressemble à un peigne-cul de comptable, le type qui se ruine la santé à grands renforts de “Bien sûr chef !”.. On dirait qu’ils s’en foutent d’être enfermés, au contraire même. Ils jouent aux cartes, tranquillement. Ils tuent le temps, quand nous c’est le temps qui nous tue.

Pis arrive enfin l’heure de la bouffe ! Toujours sous les fusils occulaires de l’albinos, un pignouf se ramène avec deux plateaux qu’il fait glissé depuis l’entrée, comme si on allait se barrer ! Mais à bien y regarder, les deux mecs veulent pas, et nous on peut pas. Alors je regarde la bectance glisser jusque devant moi.
Jamais j’ai ressenti une telle joie ! Je crois vraiment que je suis à deux doigts de chialer ! Alors sans dire qu’on se rassoit, on se met en tas comme on peut, Joe et moi, avant de se jeter sur la bouffe ! J’en tremble ! Je sais pas si je dois commencer à manger ou à boire ! Et puis merde, je crève vraiment trop la dalle ! C’est pas le grand luxe, mais on m’aurait filé les vieux restes d’une poubelle que j’aurais été ravi ! Je rafale les fourchettes de purée avalées tout rond, je croque dans le pain, je le mâche quelques coups avant d’attraper mon steak dans une main et de croquer dedans à son tour, un coup de flotte pour tout faire descendre et on recommence ! En train de me baffrer comme les plus infâmes des porcs, je mate Joe. Teh, digne en toutes circonstances, hein ? Il coupe soigneusement sa viande qu’il trempe légèrement dans la purée ... Bordel, je sais pas comment il fait ! Avec la famine qui me tiraille, à le voir prendre son temps comme ça, ça me donne des envies de me jeter sur son plateau pour tout dévorer ! Mais je sais ce qu’il a traversé, on a enduré ça ensemble même si on a presque pas causé, alors je vais pas le faire et plutôt me concentrer sur mon pla...

QUOI ? VIDE !  Mais je me suis même pas vu manger ma tranche sèche de gâteau !

- Eh, dites !
- Ta gueule.
- Nan mais. Je pourrais avoir un deuxième plateau ? S’il vous plait ?
- Nan.
- Putain mais vous savez combien ça f’sait d'temps que j’avais pas mangé ?
- Rien à foutre. Si t’as encore faim, t’as qu’à piocher dans le plateau de ton petit pote.


Je tourne la tête, je regarde la pitance du Joe comme un chien battu, puis lui ... qui ... me montre les dents ... en me grognant dessus comme un sale clebs ! Il insiste comme ça pendant plusieurs secondes avant de recommencer à bouffer comme s’il était dans un grand restau ! Alors je commence à lécher les dernières miettes de ma portion, mais rien qui me rassasie comme il faut ...  J’ai toujours faim, même si moins qu’il y a deux minutes ...

Abattu une nouvelle fois, je me laisse tomber sur le dos, sur la pierraille froide, les bras écartés, désespéré avec mon estomac qui me tiraille encore.

- Hey, pst ! L’ami !
- Hein ?


Je me redresse, c’est le vieux qui me cause. Alors je me recouche.

- Qu’est ce que tu veux ? J’ai rien pour toi mon gars.
- Si tu viens jouer aux cartes avec nous, je mise ma pomme de ce midi !
- Vendu !


Aussitôt, je me redresse d’un trait et me cale entre lui et le blanc-bec, juste en face de ...

- Mais qu’est ce que tu fous là ?! Dégage, Joe ! C’est ma pomme !

Je crois qu’on a enfin retrouvé notre Cafard, le rictus carnassier qui lui tord les lèvres et lui fend la gueule.

- Eh ben alors ? On parle de gain et de jeu sans moi ? Ya-hin-hin !
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On lui avait trouvé une chaise et elle s'était installée. On lui avait aussi proposé de quoi s'occuper, mais la simple vision de la grotesque bande de détenus l'émerveillait bien assez. Que ce soit le visage livide et goguenard de celui que l'on appelait à juste titre le "Cafard" ou bien son ami à l'iroquoise primé à... primé à...

- Browneye ? Celui-là, comment avez-vous dit qu'il s'appelait déjà ?

- Un dénommé Mahach, ma Commodore. Jadis capitaine des pirates de la Hyène. Le montant de sa prime s'élève actuellement à quatre-vingt-trois millions de Berries.

La rousse se tenait dans un coin éclairé de la large pièce qui accueillait, dans sa moitié la plus sombre, les hommes derrières les barreaux en granit marin. Avec sa voix monotone habituelle, elle avait énoncé les informations machinalement comme si elle en faisait lecture à sa supérieure. Dans ses mains gisait un livre qui n'avait absolument rien à voir avec la discussion, sagement intitulé "Ces trente recettes à base de noix de coco qui vont vous époustoufler !"

Dans sa cage, le prénommé Mahach rivait désormais un regard de déséquilibré vers l'albinos qui, l'espace d'un bref instant, lui rendit la pareille, sans le sourire sardonique allant de paire. Avant de maintenir une expression parfaitement indifférente tout en poursuivant le dialogue avec sa subalterne.

- Et ce fameux cafard, là-bas... Assez malin pour tuer un Capitaine Corsaire, prendre le contrôle d'un royaume et rafler la récompense d'un jeu truqué en taule, m'étonnerait pas qu'il tourne aux alentours des deux-cent millions...

- Deux-cent-trente-deux millions très exactement, ma capitaine. corrigea la jeune femme tout en parcourant du bout du doigt la nouvelle page qu'elle venait tout juste de tourner.

Le silence régnait désormais et les deux concernés rivaient des pupilles inquisitrices vers l'officière qui les prenait de haut, bien confortablement assise du bon côté de la loi. A vrai dire, elle exultait de voir les rats se dévorer entre eux, peu favorable à l'idée que des pirates pussent prospérer sous la houlette du Gouvernement Mondial, elle voyait l'assassinat de Greed et la capture de ses meurtriers comme l'application de l'expression "une pierre, deux coups". Et ils n'avaient eu qu'à les cueillir, de surcroît...

C'était si facile, si simple et si plaisant que l'agente ne pouvait qu'en profiter davantage et darder un regard curieux vers les animaux encagés dont les silhouettes recroquevillées semblaient nourrir une profonde hargne. Un sentiment que les pirates développaient avec une maîtrise hors du commun, c'était certain. La jeune femme se décida alors à les animer un peu plus de cette bien curieuse émotion qu'elle respectait chez les captifs... l'émotion seulement, bien évidemment.

- Le vice-amiral est encore trop bon de vous laisser la vie sauve. Mais ne vous en faites pas, là où vous allez, ça n'aura plus aucune importance. Peut-être même regretterez-vous que je ne me sois pas chargée de votre cas.

L'un des deux captifs ciblés par la menace répondit par un simple crachat en direction de la Commodore, l'autre détourna les yeux. Mais celui que la jeune femme identifiait comme le plus fou, le plus téméraire des deux, conservait en toute circonstance un contact visuel. Ce qui poussa alors la blonde aux intentions incertaines à se lever de son siège. Et avancer lentement dans sa direction.

Quelque part, elle ne pouvait pas faire montre de son efficacité puisqu'elle n'était pas en mission officielle. Mais l'agente qui était derrière la Commodore ne pouvait décemment pas laisser des pirates respirer librement à deux pas d'elle. Elle ne pouvait pas supporter leur insolence, leur insubordination, leur suffisance... leur assurance aussi, quelque part. Comme si ce voyage n'était pas le dernier, comme s'ils pouvaient d'ores et déjà voir la lumière au bout du tunnel, comme si à un moment ou à un autre, un événement improbable viendrait les sauver d'une issue certaine que tous leur connaissait. Ils allaient à la mort, mais ne s'y résignaient pas. Ainsi étaient les pirates, ces énergumènes que méprisait par-dessus tout l'espionne qui espérait secrètement voir dans les yeux des forbans une lueur de résignation... mais échouait systématiquement.

L'une de ses mains gantées de noir frôla légèrement l'un des barreaux de l'étroite cellule, laissant pressentir chez l'utilisatrice du fruit des séismes le danger adjacent que représentait le Kairouseki. Elle ne recula pas pour autant. Et, en vérité, elle était désormais assez proche des prisonniers pour que ceux-ci pussent la saisir s'ils le voulaient, l’agripper à travers la barrière.

Toutefois, ils n'en firent rien.

Peut-être était-ce par lâcheté pour certains, par méfiance pour d'autres. Peut-être. Et si la seconde attitude animait Anna à l'instant présent, la première lui était bien étrangère : elle n'avait pas peur des forçats, non. Elle n'était effrayée que par elle-même. Peut-être aurait-elle alors souhaité être à l'intérieur de la cage à ce moment-là, comme méritait certainement de l'être Eleanor Bonny ou l'assassin de ses parents. Celui de sa sœur. Et son propre assassin qui avait fait de sa vie un enfer. Mais rien n'était certain et seuls les idiots demeuraient bouffis de certitudes.

Finalement, ce fut la Lieutenante qui fut la plus prompt à réagir, détendant l'atmosphère avec sa voix peu véloce mais définitivement douce, à sa manière. Browneye avait le ton d'une conteuse, d'une mère qui n'échouerait pas à raconter de formidables histoires à ses enfants plus tard, avant de les border.

- Ma Commodore, vous ne devriez pas vous approcher aussi près des dé- commença-t-elle avait d'être soudainement interrompue.

Une main avait jailli, profitant d'un bref moment d'inattention pour apparaître entre les barreaux et attenter à la vie d'Annabella.

Propriété de ce même fou qui dardait un regard infâme sur l'agente depuis son arrivée, celle-ci était instinctivement venue chercher son cou mais avait échoué face au recul instinctif de la blonde. Celui que l'on appelait la Hyène, à raison au vu du rictus malsain qui lui déformait la bouille, avait agi avec une dextérité et une vélocité incroyables, si bien que la Commodore s'était rapidement retrouvée dévêtue de l'épais manteau qui l'enveloppait délicatement quelques instants plus tôt. Le symbole significatif des hauts officiers de la Marine et un vêtement auquel tenait particulièrement l'agente. Envolé entre les serres griffues du démon qui, déjà, le ramenait à lui... de l'autre côté de la loi.

Visiblement impressionné par sa trouvaille, celui-ci effaça alors tout bonnement la présence de sa victime pour darder un regard contemplatif sur la veste blanche et les idéogrammes maculant son dos.

- Justice... hein ? remarqua-il plus longuement, toujours sans daigner accorder la moindre importance au regard fulminant de celle qui, il l'apprendrait plus tard, n'était pas le genre d'officier à qui l'on pouvait impunément voler son uniforme.

Le condamné rigola donc, d'un rire atypique et froid qui, si Annabella n'avait pas été ce qu'elle était, l'aurait probablement fait frisonner. Au lieu de cela, la Commodore leva juste un sourcil interrogateur sans toutefois cesser de fusiller l'auteur de l'odieux larcin dont elle venait d'être victime. Ce fut tout juste si elle put grommeler quasiment indistinctement :

- Rends-le moi.

Luisant de contentement et de complaisance, les pupilles en extase du pirate se décidèrent alors à la toiser, à la regarder. Elles se teintèrent même progressivement d'un profond mépris tandis que le bonhomme semblait s'activer, désormais agenouillé, à la recherche de quelque chose qui semblait grouiller sur le sol. Avant de faire mouche et dévoiler son nouvel instrument dans une pose quasiment théâtrale.

Le couteau dont le cafard s'était servi durant son repas.

Principalement émoussé, inutilement ébréché au niveau du manche et loin d'être assez solide pour faire des dommages considérables à un corps humain, celui-ci pouvait toutefois encore percer à travers des choses fragiles. Des choses comme...

...le manteau d'un Commodore de la Marine. Qui se vit aussitôt éventré au niveau de sa Justice, verticalement déchirée du sommet de son premier caractère à la base de son dernier. Ce après quoi, l'expression triomphante sur le visage, la Hyène se décida finalement à superposer les lourdes épaulettes de la cape autour de sa nuque pour venir la porter à la façon des officiers de la Marine.

Les espoirs d'Annabella d'un jour retrouver son manteau fétiche s'étaient effondrés au profit de la petite victoire du dénommé Mahach qui défilait désormais fièrement devant ses congénères, malgré la faiblesse due au granit marin. Et sous le regard sombre, bien sombre de l'albinos.

- Eh, Joe ! Matte un peu ma nouvelle veste ! 'Va bien avec ta casquette tu trouves pas ?  Je me suis permis d'y inscrire "Injustice"... un peu à ma façon.
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Une minute après l'incident, la commodore, rappelée à certaines de ses obligations dû mettre son projet de rétribution au placard, pour un temps, laissant la horde Blattarde sous la surveillance de subalternes.

- Belote, rebelote, dix de der' eeeeeeeeet.... capot ! Qu'est-ce que vous dites de ça ?!

- Pour la quinzième putain d'fois ! J't'ai dit qu'on faisait une partie d'poker !

Quand il ne pouvait pas tricher aux cartes, la marine n'ayant même pas eu l'altruisme de lui remettre un jeu de rechange pour magouiller, Joe essayait d'improviser pour ne pas se faire plumer. Pour les jeux de cartes comme pour les batailles, en l'absence de subterfuges pour garantir sa victoire, la fuite était encore le meilleur moyen de ne pas perdre.

Il n'y avait de toute manière rien à gagner à ce petit jeu. Tournant comme un lion en cage, ou plutôt un cafard dans sa boîte, Joe avait vite fait le tour du propriétaire. Sur Karantane, on leur avait dégoté une cellule avec vue sur la mer, c'était une bien jolie vue dont on se lassait pourtant bien assez vite. Toute fenêtre, que ce soit dans cette cage ou ailleurs donnait sur les flots. Ce n'était pas la paix de l'esprit qu'offrait un paysage aussi idyllique, mais une sensation de captivité accrue. D'Est en Ouest, du Nord au Sud, où que l'on se tourne, une mer placide d'un bleu azur vous guettait.
Cette prison dans laquelle on les avait parqués Mahach et lui le temps de faire le plein de provisions, c'était le dernier stop avant le terminus. Peut-être les juges aménageraient-ils une peine de prison insoutenable pour le punk, mais Joe se doutait pertinemment que dans les coulisses du tribunal où on le traînerait, le couperet serait aiguisé à l'avance.

Pour la confrérie de la mouette, une prison servait à stocker ses prises, pour un pirate, c'était un prétexte pour redoubler d'ingéniosité et foutre le camp au plus vite. Nomade des mers depuis sa prime jeunesse, le sédentarisme imposé était insupportable pour le cafard.

- Joe arrête d'tourner en rond t'nous fais chier ! Un vrai gosse c'lui-là...

Ne stoppant pas sa marche intrépide malgré les gueulantes de son matelot, il ne cessait son parcours, rencontrant inlassablement chaque coin de la cellule. Il cogitait, et il ne faisait pas bon être le fruit de ses tourments dans ces moments là. Barreaux trop solides, marine posté derrière la porte en bois, aucune arme à disposition, il fallait ruser.
Sa course se stoppa nette. Mauvais présage en perspective, d'autant plus lorsqu'un sourire discret se profila au coin d'une lèvre.
La sentence ? Elle ne se fit pas attendre, une idée d'évasion avait germée et il la mit rapidement à profit. Cela surprit aussi bien Mahach que le binoclard, mais certainement pas autant que le quatrième larron en taule avec eux. Usant des chaînes qui liaient ses menottes en granit marin, posté derrière l'insouciant, Joe n'avait pas hésité avant de nouer les maillons autour de la gorge du pauvre bougre.

- P'tain Joe ! Pile au moment où j'ai une bonne main faut qu'tu zoques ceux que j'peux plumer. Tu crois pas qu'ma journée est suffisamment pourrie pour qu't'en rajoutes nan ?!

Insensible au sort de son compagnon de cellule, Mahach ne trouva qu'à pester après les "incivilités" du cafard. Ce dernier, aux yeux gorgés de veines alors qu'il s'adonnait à sa besogne, achevait enfin d'étrangler sa proie sous le regard pétrifié de trouille du vieillard partageant la charmante compagnie des Blattards.
Asphyxié, le corps de la victime s'écroula brutalement une fois défait de l'étreinte froide de la chaîne lui ayant entravée la gorge.

- Bon ! Voilà le plan ! C'est un grand classique. Pendant que l'autre fait semblant d'être mort, j'appelle les condés derrière la porte en disant qu'il s'est étouffé avec une arrête. Ils vérifient ce qui va pas, on les assomme, on pique les clés et si tout va bien, dans dix minutes on brandira chacun les deux majeurs pour dire au revoir à Fenyang.
Des questions ?


- Il a pas l'air de faire semblant d'être mort...

- Jamais y goberont que l'autre s'est étouffé avec une arrête, on a mangé de la purée à midi !


Aidé des lourds et épais bracelets noués autour de la moitié de ses avants-bras, Joe percuta successivement les nez respectifs de Mahach et de son compagnon d'infortune.

- Pas de questions donc ! Gaaaaaaaaaaaaaaardes ! Gaaaaaaaaaaaaaaaaaaardes !

Des deux marines situés de l'autre côté de l'épaisse porte en bois, ils n'étaient séparés en réalité que d'un interstice suffisamment large pour les scruter. Excédés des cris incessants de ce prisonnier retors qui employait toute son énergie à leur charcuter les tympans, les matelots cédèrent et jetèrent un œil aux trois crasseux qui marinaient en cellule.

- Quoi ?!

Ne percevant que le regard hostile qui les fusillait tous trois, Joe savait que la suite du plan dépendrait de sa prestation à venir.

- Ô infamie ! Ô funeste destin ! Homme ! Ôôô toi l'homme tu es bien peu de chose !
Ce camarade, ce compagnon, que dis-je ! Cet ami ! Il se délectait encore il y a peu des mets exquis  généreusement payés par le contribuable quand... frappé insidieusement par la main cruelle d'un destin trop facétieux, étranglé même... il s'étouffa... avec.... une arrête.


Alors que tous à ce stade auraient volontiers cédé à l'ovation, le punk, trop peu au fait du prodige théâtral qu'il contemplait de son regard morne fit "peuh", ne manquant pas de rouler des yeux pour insister sur son désaccord scénaristique.

- tagueuleMahachjetejuretagueule ! Si seulement nous avions les moyens d'inspecter sa gorge meurtrie, si seulement nous avions.... la technologie.... pour ramener ce malheureux... à la vie !

Presque étonné de n'avoir droit à aucun applaudissement en fin de tirade, Joe retroussa le nez en constatant en plus que ces yeux qui le scrutaient de l'autre côté de la porte étaient secs. C'eut été inconcevable pour lui de penser qu'il en avait peut-être fait trop et que sa diatribe sonnait comme le son précurseur d'un mauvais coup.
Enfin, puisqu'il ne pouvait pas décemment ignorer ce dont il venait d'être témoin, le marine qui les avait observés par l'interstice vociféra quelques mots à l'intention de son collègue.

- Eh Marco ! Y'a Pitt le mou qui vient d'clamser ! Si j'te jure Haha ! Y s'est étouffé avec une arrête ce con. Quoi ? Ah non, je sais pas comment y s'y est pris, on a pas servi de poisson depuis trois jours au moins...

- Alleeeeeez.... Dans tes dents.

- T'jours est-il que ce bâtard de violeur est mort avant qu'sa syphilis l'achève. Tu parles d'une veine ha-ha !

Tant de jovialité à l'idée qu'un captif n'ait quitté ce monde ne rassura pas vraiment le brelan d'incapables derrière les barreaux. Leur manigance se présentait plutôt mal.

- Bon les trois marioles là, on va vous laisser surveiller Pitt encore trois jours. Peut-être qu'y nous fera une seconde venue, mais j'en doute ha-ha.

Ainsi se clôtura la discussion entre une flibuste impuissante et un marine au sens de l'humour douteux. Son texte en accord avec sa gestuelle, Joe avait terminé sa prestation théâtrale à genoux. C'est donc dans cette position, désemparé, bouche entrouverte devant cet échec patent qu'on venait de lui jeter à la gueule avec tant de désinvolture, qu'il prit la nouvelle.
Ses applaudissements, il y eut tout de même enfin droit. On aurait pu croire Mahach beau joueur de frapper des mains avec autant de ferveur, seulement, il congratulait son capitaine pour une tout autre raison.

- Et maint'nant, la cage va c'mmencer à empester la charogne. Bien joué Joe ! Bien joué !

Silencieux, effacé, abattu, Joe retourna s'asseoir avec son public et s'empara des cartes autrefois détenues par sa victime. Cela lui arracha un rictus bien fade.

- Tu devrais me remercier crevure de crêteux, parce que l'autre con il t'attendait au tournant avec une quinte flush...


***


- Voilà, voilà, vous savez tout.

Depuis leur infortunée tentative d'évasion, avortée avant même qu'elle n'ait pu éclore, il avait fallu se changer les idées. La trivialité d'un jeu de carte n'avait suffit à distraire suffisamment le trio. Comme cela se faisait entre bagnards, vînt bien assez tôt le temps de raconter les périples qui les avait menés respectivement dans le trou à rat qu'ils se coltinaient à présent tous les trois.
S'étant attendus à un récit pour le moins insipide de la part de ce vieux binoclard aux allures de bibliothécaire, les Blattards étaient tombés de haut. De très haut.

- Et... juste à titre indicatif... on parlerait de combien ?

- Cinq milliards de berries.

Joe ayant perdu connaissance sur le coup, certaines sommes lui faisant plus d'effet qu'il ne le souhaiterait, Mahach enchérit sans même relever.

- Attends... Tu détournes cinq milliards juste en magouillant la compta et tu te rends à la marine ? C'est quoi ton problème ?!

Converser avec des camarades aussi peu attentifs que les Blattards avait ça de désespérant que le vieux devait répéter cent fois la même chose pour se retrouver ensuite accusé de radoter.

- Parce que bougre de.... Les cinq milliards je les ai piqués à Kiyori qui me faisait confiance pour blanchir ses comptes. J'en mettais de côté année après année, toujours des sommes dérisoires comparées à tout ce que rapportait ses affaires. Ça a duré le temps que ça a duré...

Sceptique, le punk l'était. L'histoire était vraisemblable, mais qu'un individu aussi insignifiant puisse faire les poches d'un Empereur sans avoir à porter le moindre coup, cela le dépassait.

- Blanchir son oseille ? Que je sache elle paie pas d'impôts.

- Elle a de très nombreux partenaires dans plusieurs affaires, et elle a tendance à se servir plus qu'ils ne pensent le savoir. Si ça s'ébruite, elle pourrait perdre quelques alliés sans parler de ressources financières.

Une fois que Mahach eut fini de rire suite à l'évocation des "nombreux partenaires" de la déesse enfant, il reprit automatiquement son sérieux et, pour mêler l'utile à l'agréable, réveilla son capitaine d'un coup de botte s'écrasant sur sa cage thoracique. Le cafard aurait pu lui en vouloir, céder à cette névrose hystérique qui l'assaillait ponctuellement, étrangler un deuxième détenu pour poursuivre sa lancée, mais il n'en fut rien. À la place, revenu à lui soudainement, visage déformé par une grimace paniquée, il se saisit de Mahach à la jambe.

- Cinq milliards Mahach ! Cinq milliards !

- Ouais ouais, c'est le nombre d'baffes que j'veux t'mettre dans la gueule chaque jour. Mais dis voir vu qu't'es réveillé, toi qui réfléchis bien quand il est question pognon, le récit de l'autre fumier, ça t'aurait pas stimulé pour nous sortir de là.

Visage grave, lui qui se révélait excessivement expressif en toutes situations conserva une face terne. La seule hypothèse d'évasion vraisemblable et sérieuse qui égratigna les méninges de Joe ne pourrait se faire qu'avec une aide extérieure, et quelle aide.

- C'est Siver ton nom c'est ça ?

Le principal intéressé acquiesça, il ne connaissait pas Joe depuis longtemps, mais il avait compris que pour rester en vie quand on était exposé à sa compagnie prolongée, mieux valait éviter le bruit et les gestes brusques.

- Et.... Dis-moi Siver.... Kiyori... Tu crois qu'elle sait que t'es parqué à Karantane en ce moment ?
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Alors que le vent se levait et que le ciel devint progressivement gris, j’eus un frisson désagréable. Un profond malaise. Non sans froncer les sourcils, je portai un regard vers l’horizon, mais il n’y avait rien. Aucun navire en vue. L’espace d’un instant, j’eus un mauvais pressentiment. L’espace d’un instant seulement. Mais même en étendant mon haki de l’observation jusqu’à son maximum, je ne ressentis aucun danger, aucune menace. La mine presque désabusée, je passai une main dans ma chevelure et finit par hausser les épaules. Je devenais pour de vrai un parano, moi. Il me fallait du repos. Des vacances ! La chaleur d’Alabasta me manquait. Les gosses de l’orphelinat aussi. Après livraison à Enies Lobby, c’était décidé ! J’allais leur faire une petite surprise avec de nombreux cadeaux. Rien que le fait de les imaginer tous heureux m’arracha un sourire avant que je ne fourre mes mains dans les poches de mon jeans, tout en prenant la direction de la base que commandait Phol. Hermest qui était à mes côtés pendant un moment, lui, resta figé sur place. Il fixait le point que j’observais précédemment avec une attention toute particulière. Son immobilité et sa concentration me poussèrent à me stopper et à me retourner vers lui :

- « Qu’est-ce qu’il y a gamin ? Ethan te manque ? »

Il m’arrivait de le taquiner de temps à autre sur ce point. Lui et le p’tit Ethan, c’était pas du tout une grande histoire d’amour. C’était malheureux, mais on ne pouvait rien y faire et ce n’était pas comme si je pouvais les forcer à s’apprécier. Du moment qu’il y avait le respect, le reste à mes yeux était superflu. Ceci dit, le jeune homme ne me répondit pas tout de suite. Il continua de regarder avec insistance devant lui, si bien que je me sentis obligé d’observer à mon tour ce qui semblait le captiver. Nous passâmes ainsi une minute sans qu’il ne se passât grand-chose, puis je m’allumai une autre cigarette. Sauf qu’il commença soudain à pleuvoir ce qui eut le mérite de reconnecter le brun à notre monde. Il se surprit à mater le vide comme un con, tourna ses yeux vers mon visage et capta aussitôt mon sourire railleur. S’il avait été une demoiselle, il aurait certainement rougi de gêne. J’eus un rire, avant de me retourner tout en lui faisait signe de me suivre. Il était temps de rentrer à la base. Je prévoyais également de libérer la division féminine qui nous suivait depuis perpet’. Elles n’avaient plus du tout d’utilité à mes yeux et il était inutile que je les traine avec moi comme si je voulais les greffer à ma flotte. Pas moyen de faire ça…

- « J’ai un mauvais pressentiment… »

- « Hein… ? »


Alors que nous marchâmes silencieusement sous le tintamarre des tonnerres qui grondaient à intervalles assez réguliers, ses dires me perturbèrent. Je m’arrêtai une deuxième fois pendant une poignée de secondes, levai les yeux au ciel, puis je continuai mon chemin non sans lui avoir dit cette phrase : « Ça doit être la faim qui doit te jouer des tours. Viens… On va certainement trouver à bouffer dans leur base paumée. » Hermest ne discuta pas et me suivit silencieusement comme mon ombre. Si je ne laissais rien paraitre, j’étais tout de même assez troublé par l’impression du bonhomme semblable à la mienne. Il y avait quelque chose qui tournait pas rond. Mais mon haki ne m’indiquait pas grand-chose. Délire ? Fatigue ? Faim ? Je revenais sans cesse aux mêmes réflexions. Un bon repas et un petit repos me permettraient d’y voir plus clair, très certainement. Une fois à l’intérieur de la base, des gars nous emmenèrent à une grande salle à l’étage où se trouvaient d’autres officiers qui se pétaient la panse. Une sorte de réfectoire. Koko –Ma cuisinière perso- quand elle me vit, s’approcha de moi et me prévint que le ravitaillement était déjà fini. Nous avions de quoi tenir jusqu’à Enies Lobby. Rapide et efficace. C’était tant mieux !

- « Quand est-ce que vous repartez d’ici ?! »

La voix de Phol qui était à proximité fut plus ou moins agressive. En me tournant vers lui et en voyant sa gueule défigurée par un amalgame de colère et de frustration qu’il essayait tant bien que mal de camoufler, je compris aussitôt ce qui s’était passé. Il avait dû se prendre un gros vent/râteau par la CP9. Compatissant, je posai une main sur son épaule la plus proche en remuant la tête de gauche à droite, les yeux fermés. Je comprenais ce qu’il ressentait et ne pouvait être que désolé pour sa poire. D’un autre côté, c’était pas plus mal pour lui. Alors que je tapotais son épaule comme un paternel, une alarme se déclencha soudain au sein de la base. Les types du coin furent aussitôt paniqués là où la division Carter, mes hommes et moi étions juste surpris et perdus. L’un des sous-officiers déboula dans la salle et manqua même de s’éclater la tronche au sol en tombant. Il se releva prestement et se mit alors à gueuler : « DES NAVIRES ! DES NAVIRES PIRATES SE DIRIGENT DROIT VERS NOTRE POSITION !!! » Là encore, ça allait. S’il ne s’agissait que de simples rookies ou de supernovas qui voulaient foutre la merde, on pouvait s’en occuper tranquillement. Sauf qu’un seul détail allait plonger toute la salle dans la stupeur la plus totale…

- « Et alors ? Combien sont-ils ? »

- « Une dizaine Commandant ! Une dizaine ! Ils sont sortis de nulle part et ils sont à moins d’une dix kil- »

- « Vous avez pu les identifier ? »
Qu’avais-je demandé tout d’un coup, coupant ainsi la parole au pauvre soldat affolé pour qu’il abrège.

- « Vu les Jolly Roger, il n’y a pas de doute… C’EST UNE FLOTTE DE LA DÉESSE ENFANT ! »

- « QUOI ?! »


Panique générale ! La nouvelle eut l’effet d’une bombe. Il eut des chuchotements, des cris, plusieurs bruits d’assiettes brisées… Bref… Une psychose comme je n’en avais pas vu depuis bien longtemps. Dire que je voulais me servir un peu de purée de pommes de terre alors que je n’avais pas correctement mangé depuis plus de 72 heures… C’était pas d’bol ! Vraiment pas de chance ! Je fis usage de mon haki et je pus maintenant sentir sans aucun problème les navires qui s’avançaient vers nous. L’effet de surprise avait été bon. Ces pirates nous prenaient de court. J’eus finalement un soupir là où Hermest serrait ses poings et grognait de rage. Pourrait-on appeler ça une intuition exacerbée ? Ou bien s’éveillait-il au haki de l’observation sans s’en rendre compte ? Va savoir… Toujours est-il qu’il fallait s’organiser et très vite… Mais avant : « BON, BON ! DU CALME S’IL VOUS PLAIT ! FAITES MONTER TOUS NOS EFFECTIFS SUR L’ILE ET ARMEZ-VOUS. MES ORDRES ARRIVERONT BIENTÔT ! MAIS SURTOUT NE CÉDEZ PAS A LA PANIQUE ! ALLEZ, GROUILLEZ ! » Je n’avais pas réellement gueulé, mais j’avais parlé bien assez fort pour imposer le calme et me faire comprendre. Un tant soit peu rassérénés, les officiers s’exécutèrent vite fait.

Mais avant toute chose…

- « Phol… Tu me cacherais quelque chose ? Maintenant que j’y pense, tu voulais que je me barre vite fait de ton coin, non… ? »

Nous n’étions plus qu’une poignée d’officiers encore sur place. Phol, un brin décontenancé, finit par me relever grosso modo la présence du comptable de Kiyori qui s’était rendu de lui-même. Une affaire de détournements de fonds… Et la déesse enfant qui voulait se venger en envoyant une flotte conséquente pour récupérer le chien qui avait eu l’audace de la trahir. Pour peu, j’aurai eu un sourire. Pour peu. Sauf que bon, avec ce qui nous attendait à l’horizon, il n’y avait pas de quoi se marrer. Je finis par me lever pour me diriger vers l’une des fenêtres du gigantesque réfectoire. Après m’être débarrassé de la buée sur la vitre devant moi, je pus discerner les navires au loin. Des galions pour la plupart. Ce qui signifiait qu’il y avait un nombre considérables de forbans à leur bord. Un sifflement se fit entendre et tout de suite après, une grosse explosion ! Pas bien loin de notre position, tiens. A croire que ça commençait déjà. « T’as des canons, j’espère ? » Phol acquiesça heureusement. Un haussement d’épaules de ma part lui fit signe qu’il pouvait lui aussi répondre à cette déclaration de guerre. Un coup d’escargophone de Phol s’en suivit et on entendit aussitôt nos canons gronder. Moi pendant ce temps, j’échafaudais des plans dans ma tête…

- « Combien d’hommes tu as ici avec toi ? »

- « Environ un millier… »

- « Si j’associe ma flotte à celle de la division Carter, on a à peu près le même nombre d’éléments… Et de ce que je vois… Kiyori ne fait pas dans la dentelle… Ils ont peut-être le double, voire même le triple de notre effectif… »


Une telle supposition aurait terrorisé un bon nombre de nos officiers, parce qu’une dizaine d’embarcations comme ça, ça transportait au bas mot 4000 à 5000 personnes. Si j’étais bien conscient que la quantité ne rimait pas forcément avec la qualité, j’étais pas non plus con pour sous-estimer les lieutenants des empereurs. Il était plus que clair qu’une fidèle lieutenante de Kiyori commandait une flotte aussi importante. Ou peut-être même deux vu le nombre de  bateaux… Ça serait pas déconnant. Alors qu’il y avait une certaine effervescence, Koko qui était restée dans le réfectoire me lança quelques pommes que je réceptionnai sans mal avant de commencer à les dévorer, non sans quitter des yeux l’horizon qui s’étendait devant moi. Pour le moment, bataille de boulets de canons : L’idée était de les ralentir et de les maintenir loin de notre position. Mais ça ne durerait certainement pas. Phol ne devait pas avoir beaucoup de munitions. De plus, je n’étais pas con pour me jeter à corps perdu dans la bataille à coups de geppo et de soru comme j’en avais l’habitude. Vu le pedigree de nos ennemis, il me fallait patienter encore. J’aurai bien envoyé la CP9 en première ligne, mais dans un souci d’économie de forces, je me retins.

L’un de nos canons réussit à toucher un navire ennemi.

Jusqu’à épuisement de nos cartouches, on allait bien voir combien de temps on pouvait tenir ainsi.

Le temps pour moi de trouver des solutions adéquates au terrain sur lequel nous étions.
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Sans une once d'hésitation, les pirates n'avaient pas tardé à franchir la ligne imaginaire délimitant la portée des canons de la Marine. Malheureusement, la plupart de ces derniers dataient d'un autre époque et avaient visiblement souffert d'un entretien peu rigoureux au cours des dernières années, ce qui motiva la Commodore à darder un regard noir vers celui qu'elle tenait pour responsable d'un tel manque au règlement, affairé à diriger un bataillon d'artilleurs un peu plus bas. Le cœur du Commandant Phol, déjà brisé quelques instants auparavant, devait désormais souffrir la haine de sa bien-aimée qui ne voyait en lui qu'un énième parvenu à la tenue plus que contestable. Ce genre de larves qui n'avaient définitivement rien à faire sur Grand Line, selon elle, même si elle se gardait bien de le dire tout haut. La moitié de ses mots était si virulente lorsqu'elle avait quelqu'un dans le collimateur qu'elle ne dépassait jamais la censure de son esprit.

Aux côtés d'Annabella, la Lieutenante Browneye commençait légèrement à s'inquiéter de la tournure que prenait la situation. Pourtant impérieusement calme en temps normal, la femme de lettres détestait tout autant que sa supérieure les imprévus qui avaient comme don particulier de la mettre incroyablement mal à l'aise. A défaut de pouvoir se ronger les sangs, celle-ci n'épargnait plus rien de sa manucure désormais.

- Ma Commodore, que fait-on ? Deux canons sur trois visent à côté et les réserves de boulets commencent drastiquement à... diminuer. constata la jeune femme en braquant un regard inquiet vers les stocks de plus en plus décimés de munitions, jadis entassées les unes sur les autres.

Libérées de toute affectation, les deux officières étaient venues commander les tirs depuis le sommet du pont où avaient été installées les vieilles tourelles. Pourtant, malgré leurs efforts pour corriger la balistique à chaque essai, les dégâts occasionnés chez la flotte ennemie demeuraient négligeables. Cette stratégie ne payait définitivement pas. Et tandis que l'albinos cogitait nerveusement pour trouver une alternative, ce fut l'apparition de la Lieutenante-Colonelle, provenant des quais où étaient amarrés les deux cuirassés de l'Amiral, la corvette et deux autres croiseurs sous le commandement de Phol, qui lui mit la puce à l'oreille.

Cinq navires étaient clairement insuffisants pour organiser un barrage à la dizaine de dreadnoughts sur les quelques milles séparant les deux fronts. Un écart qui se réduisait à chaque minute et signifiait de plus en plus un débarquement inévitable des forces dépêchées par l'Impératrice Pirate d'ici moins d'une heure. Toutefois, à bord des deux navires extérieurs, le matériel était loin d'être aussi défaillant que celui de la Section 12. A bord de la Jouvencelle, les femmes étaient qualifiées et les couleuvrines tiraient correctement, ça la Commodore en était certaine. La blonde considéra donc une dernière fois l'artillerie qui leur faisait défaut d'un œil torve qui ne présageait, en définitive, rien de bon pour la bleusaille.

Cherchant alors par réflexe à réajuster le manteau qui couvrait auparavant ses épaules, l'officière rencontra un vide frustrant qui ne fit que la rendre moins obséquieuse dans son désir de donner de nouvelles directives. Elle attendit le moment adéquat, entre deux coups de tonnerre, pour hurler aux hommes placés sous son commandement de cesser le feu, provoquant de façon progressive une foule de regards étonnés et de sourcils levés. Mais tous finirent par s'exécuter sans broncher devant l'injonction de la Commodore Holmes.

- Très bien ! Je veux que toutes les femmes de la 346ème et la moitié des hommes ici présents suivent la Lieutenante Browneye jusqu'aux quais. Nous allons contenir l'assaut des pirates directement en mer ! Les autres, restez ici et continuez à canonner tout ce qui passe un poil trop près des récifs. Mieux vaut éviter de leur faire savoir que nos canons sont de mauvaise facture, même s'ils ont dû finir par s'en douter...

S'en suivit alors un court instant silencieux au cours duquel les concernés n'eurent d'autre réflexe que de se regarder bêtement dans le blanc des yeux. Et comme s'y attendait l'agente, ce furent finalement les vaillantes femmes de la 346ème qui réagirent les premières et emboitèrent prestement le pas de la littéraire, bientôt suivies par leurs congénères masculins. La stratégie semblait néanmoins avoir échappé à Vasilieva qui alpagua sa supérieure, une lorgnette à la main :

- Ma Commodore, vous êtes sûre de ce que vous faites ? Vous comptez vous battre en mer ? Savez-vous au moins à qui l'on a à faire ?!

Légèrement désobligeante, la Lieutenante-Colonelle semblait davantage paniquée qu'autre chose, cependant son méli-mélo psychologique venait ponctuer chacune de ses phrases d'une mollesse incroyable. Et pourtant, l'albinos n'avait aucune difficulté à lire ses véritables émotions dans son regard : quelque chose l'effrayait, c'était certain. De fait, cette-dernière passa sur le manque de civisme de sa subordonnée pour adopter une expression perplexe. Elle avait eu des informations avec le Vice-Amiral, connaissait l'ennemi, se doutait de la présence d'un Lieutenant de la Déesse Enfant... et ensuite ? Elle avait déjà eu l'occasion de se confronter à Mei Yang aux Pythons Rocheux. Ce fut d'ailleurs plus ou moins le discours qu'elle tint à son bras-droit qui secoua négativement la tête, comme pour signifier qu'elle n'avait absolument pas saisi l'importance d'un élément capital dans l'histoire.

- Non, ce n'est pas tout. Tenez, regardez par vous-même. contesta la Colonelle tout en tendant à sa supérieure l'instrument de navigation qu'elle avait apporté avec elle. Le Jolly Roger du navire le plus à gauche de la flotte...

Annabella s'appliqua, faisant coulisser les différentes parties de la longue-vue pour observer les dreadnoughts de plus près... et enfin distinguer leur pavillon noir. Oui, il s'agissait bien de celui de Kiyori, cela ne faisait aucun doute. Sauf qu'un élément venait parfaire le symbole, juste en-dessous de ce dernier : un chiffre distinctif de la flotte à laquelle appartenait le bâtiment...

- La... La quatrième flotte ?! hoqueta l'agente malgré elle, à la fois choquée et surprise par la découverte, mais surtout en plein déni de sa véracité. Impossible, Mei Yang est censée être derrière les barreaux et son équipage dispersé aux quatre vents ! Alors comment...

- Alors vous non plus n'êtes pas au courant ?

La voix avait surgi du vide. Elle était sombre, lugubre, son timbre laissait entrevoir le désespoir à l'état pur. Marche après marche, le corps du Commandant apparut finalement. Probablement une visite improvisée dans les strates supérieures des remparts pour chercher à comprendre pourquoi les deux tiers de son effectif venaient de rejoindre les navires en contrebas. Jusqu'à ce qu'il saisît des bribes de la conversation échangée par les deux jeunes femmes.

- C'est arrivé il y a un peu plus d'une semaine. Enna Tyreval, la Commandante de la Cinquième Flotte, a aidé Mei Yang ainsi qu'une centaine de détenus à s'évader de Jotunheim. Probablement en préparation de cette attaque...

La bouche entrouverte, interloquée par cette révélation, la Commodore ne répondit pas. Elle déplia simplement sa lunette pour détailler plus longuement les drapeaux pirates et remarquer le changement quasiment imperceptible des numéros sous les crânes. Ils étaient bien attaqués par deux Lieutenantes de la Déesse Enfant ; plus ça allait et plus la situation semblait s'empirer, désormais. Ce qui expliquait le faciès décomposé de l'officier subalterne. Raison de plus pour agir promptement. Chaque minute comptant, l'agente s'arracha à sa contemplation des voiles noires voguant dans leur direction pour récupérer son sang froid.

- Ne nous décourageons pas ! Rien n'est perdu d'avance, nous possédons beaucoup plus de ressources que vous ne pouvez l'imaginer, Commandant. affirma-t-elle, bien consciente de ce que cela voulait dire ; un bref coup d’œil vers Vasilieva l'informa qu'elle aussi venait de saisir. Je vais rejoindre les navires et mener les bombardements depuis les récifs, les canons à  bord sont bien meilleurs et plus précis. Je vous confie le commandement de cette zone... Ne perdez pas espoir.

Ces derniers mots, la jeune femme les avait arrachés à son subconscient sans s'en rendre compte. Bien évidemment, il convenait à un officier de faire en sorte que ses hommes ne perdissent pas la foi, mais c'était bien la première fois que cela arrivait à la Commodore. Conforté par une assurance venue de nulle part, l'expression de ces quelques mots eut un effet requinquant sur les deux jeunes gens qui ne tardèrent pas à se mettre en position : l'une suivit sa supérieure, l'autre prit contact avec le nouveau Lieutenant en charge des bombardes.

Et vingt minutes après, les six navires étaient disposés de façon à montrer leur flancs garnis de canons à la flotte pirate. Tous firent feu en même temps, déchaînant un orage des plus brutaux qu'il était uniquement possible de voir lors des batailles navales. Cette fois-ci, l'un des navires fut heurté de plein fouet et vit son grand mât se détacher de sa structure pour s'abattre de tout son long sur la moitié du dreadnought. Mais, assez rapidement, les hommes à bord furent secourus par un vaisseau allié qui les réceptionna à son bord.

Et la contre-attaque des pirates ne tarda pas à se faire entendre.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Mar 21 Mar 2017 - 13:07, édité 1 fois
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Bientôt dix minutes. Dix minutes qu’une bataille navale avait débuté. Comme si c’était normal, j’étais toujours au réfectoire, une tasse de café à la main. Les quelques officiers derrière moi auraient pu s’inquiéter de constater ma passivité, sauf qu’ils savaient que j’étais en train de réfléchir à un plan. L’initiative prise par la CP9 était bonne, mais elle allait révéler ses limites dans pas longtemps : Niveau munitions, on était encore plus à sec que la garnison du coin. Dans pas moins d’un quart d’heure, les bombardements de notre escadre allaient cesser et j’étais curieux de voir comment elle allait défendre nos navires qui seraient plus que vulnérables. Enfin… Voir… Pas dit que ce serait le cas. Car une idée émergeait lentement dans mon esprit. Une idée assez folle et totalement risquée, mais qui pourrait s’avérer payante si j’arrivais à bien fignoler les détails du contrat à venir. Mais tout de même… Ça blessait mon égo que de faire ça. C’était limite humiliant. Mais j’étais également conscient qu’avec ces gens-là, nous aurions une force de frappe considérable et des alliés de poids. Avec eux, le nombre de nos ennemis ne serait plus qu’un facteur anodin. J’eus un soupir. C’est dans ce genre de cas que je regrettai amèrement l’absence de Yama et Ethan.

- « Koko… Il reste encore des trucs à manger ? »

- « Oui, mais pourquoi… ? C’est pas le mom- »

- « Fais-moi confiance. Emballe-moi deux plats à emporter. Quand à toi Hermest, contacte Taizo et dis-lui de me ramener deux uniformes de la marine et mon meitou. Qu’il grouille ! »

Un temps dubitatifs, mes lieutenants finirent par s’exécuter sans plus discuter. Pendant qu’Hermest donnait des instructions à Taizo via escargophone, un autre lieutenant qui devait au beau milieu de la bataille, Koko alla dans les cuisines et fourra un maximum de victuailles dans un baluchon qu’elle confectionna à la hâte. Elle revint vers moi à la hâte. Sans perdre plus de temps, je leur fis signe de me suivre et nous sortîmes en silence des lieux quasi-déserts. Une fois dehors, nous pûmes constater qu’en plus du temps merdique, la bataille faisait rage. Mais malgré tous les cris, explosions et autres joyeusetés du même genre, je marchai tranquillement en prenant un chemin bien précis. Si je n’avais pas encore vu le lieu où avaient été emprisonnés les blattards, je pouvais les sentir grâce à mon mantra ce qui me permit de me diriger vers eux sans aucun risque de me perdre. Nous les retrouvâmes donc après une minute de marche dans une cellule en plein air. Drôle de prison pour cette garnison. M’enfin… Plus rien ne pouvait m’étonner ici. Un garde était resté dans les environs pour la forme et avait l’air bien content d’être là. Qui aimerait se frotter aux pirates d’un empereur ? Logique. Je lui intimai l’ordre d’ouvrir la cellule ce qu’il fit sans broncher.

- « Hermest, retire leurs menottes. Koko, donne-leur le paquet… »

- « SALEM ! TU N’Y PENSES PAS ! »

- « Je ne t’ai pas demandé ton avis, Koko. Exécute-toi… »


Mon ton avait été sec, signe que mes ordres ne devaient pas souffrir de contestation. Devant ma froideur, Koko se résolut à déballer la bouffe en silence tandis qu’Hermest retira les menottes de Mahach et son cafard de capitaine. Pour ma part, je m’adossai à des barreaux les bras croisés et la mine stoïque. J’eus un regard pour le dernier prisonnier, mais je détournai bien vite la tête, n’étant nullement intéressé par lui. J’aurai pu lui foutre des beignes parce que c’était à cause de lui qu’on se retrouvait dans cette putain de situation, mais je préférai économiser mes forces. Néanmoins, une chose m’interpella au point que j’eus un sourire presque railleur : « Je sais pas trop à qui t’a piqué ça, mais ça t’irait presque bien, petit bâtard… » Pauvre punk. Il avait beau avoir fait le fier avec le manteau de la marine sur ses épaules, qu’en ma présence, il était toujours en colère. Poings et dents serrés, prêt à me bondir dessus comme un animal blessé qui n’avait rien à perdre. Mais il le savait... Il le savait pertinemment qu’il n’était pas encore assez mûr pour m’inquiéter. Surtout qu’actuellement, il était bien trop faible. D’où le gros gueuleton devant eux. Pour leur redonner des forces. On pourrait croire que j’étais gentil, mais non. Situation oblige comme on dit…

- « Comme vous l’entendez, on subit une grosse attaque et on manque de bras… »

Même pas le temps de continuer qu’un boulet de canon vint exploser à moins de dix mètres de la cellule, de quoi effrayer le pauvre comptable de Kiyori qui fut à la limite de faire dans son froc. Il avait l’air de se rendre compte de ce qui se passait aux alentours. La pluie commençait à perdre en intensité à mesure que le temps passait. Météo bien capricieuse… « Je vais aller droit au but : Ou bien vous nous aidez à repousser cette assaut, ou bien je vous laisse pourrir dans votre cellule… Avec la chance que vous avez, vous survivrez peut-être à ces bombardements… » Là encore, nouvelle explosion à proximité qui fit hurler de terreur le vieux comptable qui avait les larmes aux yeux et qui semblait supplier Joe du regard, comme s’il avait une seule fois compté dans cette équation. Dans ma tête, il n’avait jamais eu la moindre utilité. J’étais bien connu pour ne pas me faire chier avec ce genre de détails pendant la guerre. Ce qu’il me fallait, ce n’était pas un otage mais bel et bien de bras valides. Le Biutag et son crétin de punk étaient les candidats idéaux pour mener à bien une bataille de cette envergure. Suffirait de les foutre en première ligne…

Des corsaires de circonstances quoi…

- « Si t’acceptes, je ferais en sorte qu’on ne prononce pas la peine de mort… C’est comme on le dit hein : Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir… » Conclus-je avec un petit sourire aux lèvres.

La balle était maintenant dans leur camp.
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Stoïque, apathique au possible, le cafard demeurait assis en tailleur à boulotter le gueuleton que leur avait jeté Salem pour les amadouer. Agaçant en toutes circonstances, Joe piaffait plus qu'il ne mâchait, faisant attendre cette réponse qui sembla mettre des siècles à se manifester. Enfin il déglutissait, sa bouche s'entrouvrit et.... il se servit une nouvelle bouchée de l'immonde pitance. Cette légère provocation suffisait à le rendre guilleret, mais elle ne fut pas du goût de son interlocuteur.

- Ou alors je vous bute ici et maintenant.
J'ai dix navires ennemis sur feu, si je dois me les coltiner en sachant que j'ai une épine dans le cul dans votre genre, autant me débarrasser de vous pour être plus confortable.


Brusquement plus pressé de mâcher pour s'exprimer de vive voix, Joe manqua de s'étrangler ce faisant. C'était à présent sur ce genre d'individu que le vice-amiral Fenyang misait pour gonfler sa force de frappe. Déjà, il regrettait sa décision.
Tapotant du poing sur sa cage thoracique pour faire passer le repas qui avait manqué d'avoir raison de lui, le principal intéressé allait pouvoir enfin entreprendre son approche diplomatique en faisant savoir ce que lui suggérait cette requête alléchante.

- En deux mots : "Mon cul" Beeurp

Pareil argumentaire fit davantage tressaillir le punk à ses côtés que leur recruteur.

- Wow wow wow wow ! J'ai mon mot à dire moi ! J'une femme et un môme, alors la peine de mort en moins, j'suis preneur, surtout si l'moyen d'y échapper c'est castagner son monde.

Tenter d'apitoyer le fondateur des Blattards avec une complainte sur la gueuse et les mouflets avait moins de chance d'aboutir que de réussir un mille mètre à la nage lorsqu'on avait la panse garnie d'un fruit démoniaque. De cette réplique, Mahach ne récolta qu'une paire d'yeux levés au ciel. Cela faisait déjà un temps qu'ils bourlinguaient ensemble, et le matelot n'arrivait pas à se faire à ce comportement dédaigneux lui étant trop souvent adressé.

- Plutôt être sourd qu'entendre des conneries pareilles mon pauvre Mahach. Son histoire à l'autre, c'est un coup à se retrouver en première ligne pour amortir les boulets de canon, ça je te le garantis.
Et puis entre nous, ton gosse, ton gosse... j'ai beau être proche de mes sous, je miserais volontiers dix sacs pour dire qu'il est pas de toi.


Seule l'intervention tardive de Salem, médusé de leurs crises répétitives permit d'empêcher Mahach d'achever son capitaine à grand coup de bracelets en granit marin. Les contemplant là, à se bouffer le nez derrière les barreaux, leur geôlier réfléchissait. Partagé entre le regret de ne pas les avoir tué à Juicy Berry et l'amertume de devoir s'en remettre à eux, il en vînt à se demander sérieusement comment faire passer leur mort en cellule pour un accident.

- Eh puis, colonel Fenyang...

- Vice-amiral.

Ne pas céder à la provocation, ne surtout pas céder à la provocation. Biutag, pirate aguerri avait fini par apprendre à distinguer les grades à force de se confronter au bras armé du gouvernement mondial ayant toujours eu le bon sens de délimiter clairement le potentiel de son avidité. S'il avait fait mine de confondre le rang de son interlocuteur, c'était délibéré afin de le rabaisser.

- Vice-amiraaaaaaaaaal ! T'entends ça Mahach ? Paraît qu'il faut faire des pieds et des mains pour en arriver là où il est.

- Des pieds et des mains, j'sais pas, par contre faut savoir utiliser sa langue. La sienne est limite blanchâtre à force d'gagner du galon hahaha !

Alors qu'ils en étaient encore, il y a quelques secondes à peine, à se mettre sur la gueule pour un prétexte aussi futile qu'idiot, ils semblaient maintenant cul et chemise lorsqu'il s'agissait de se mettre d'accord à manquer de respect au seul homme capable de leur éviter le couperet. Les Blattards étaient en soi un phénomène d'étude psychiatrique prompt à rendre fou le plus endurci des thérapeutes.
Sans même lever un sourcil ou battre une paupière pour exprimer son exaspération, Salem se contenta de donner un ordre aux gardiens postés devant la porte.

- Bon, ouvrez que je les bute, ça sera ça déjà ça de fait.

Veule au point de se bâtir une réputation basée sur ce trait de caractère, Joe ne trembla pas, il continuait de sourire, sournois. Il savait que tuer des prisonniers d'une telle valeur que la leur constituerait le point final de la progression hiérarchique du vice-amiral Fenyang, et, avide de par nature, il ressentait cette même soif d'obtenir "plus" émanant de ce marine pourtant si intègre. Tout les séparait, et pourtant, leur insatiabilité mutuelle constituait le ciment indiquant que tous deux étaient issus du même moule.

- Hin-hin-hin... Fenyaaaaaang... On ne bluffe pas avec un menteur enfin.
Mais si tu tiens tant à nous voir arrêter les balles ennemis avec nos dents, il va falloir plus qu'un repas et un abandon de la peine de mort.


Évidemment il fallait plus, toujours plus, après tout, c'était au cafard que Salem s'était adressé.

- J'ai ouï dire que... récemment, une place de capitaine corsaire s'était libérée ya-hin-hin.

- Tu n'y penses pas sérieusement rassure-moi ?

Actuellement détenu par la marine pour un agrégat de crimes malsains justifiant amplement sa prime, c'est notamment l'assassinat d'un corsaire assermenté par le gouvernement mondial qui l'avait propulsé dans la cellule où il pataugeait actuellement en compagnie de son matelot. Non mécontent d'avoir exploité son potentiel de nuisance jusqu'à son paroxysme, son absence de culot l'amenait maintenant à quémander le poste de cet homme à qui il avait ôté la vie. Cet homme, qui était pourtant un parent de Fenyang.

- Crever de la flibuste ça m'tente bien, mais tapiner pour les mouettes, là Joe, t'vas trop loin.

Jamais Salem n'eut un jour cru être d'accord avec ce punk qu'il avait en horreur. Il aurait encore préféré subir la potence à leur place que leur assurer la bonne grâce du gouvernement mondial.

- J'aurais juste à dire à mes supérieurs que vous êtes morts de faim faute de vivre...

Sentence cinglante. Sur cette réponse qui se voulait définitive, l'impérieux vice-amiral s'en retournait au front, il avait suffisamment perdu de temps. Ses nerfs avaient été encore plus éprouvés par l'aplomb pernicieux de cette vermine certaine de sa survie que par la symphonie des canons qui auraient raison de Karantane sous peu.

- Allons vice-amiral ! Ne partez pas comme ça !

Toujours avec ce sourire vicieux collé à la gueule, Joe s'étant rué jusqu'aux barreaux qu'il enserra de ses mains.

- Tout ce que tu as à faire, c'est signer un papier pour attester de mon nouveau rang, t'en as l'autorité. Et.... Si d'aventure je venais à crever du tumulte ambiant... Ce papier ne vaudrait plus rien non ?

Aucune limite ne pouvait entraver la cupidité du cafard lorsqu'il voulait s'emparer de quelque chose. Il en était littéralement à parier sa vie pour ce simple bout de papier comme il l'appelait. Cette argutie sournoise, propre au tempérament retors du Blattard en chef n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd.
Obtenir un allié de circonstance amené à lui servir de chair à canon pour pas un rond, voilà que cette perspective suffit à stopper le vice-amiral Fenyang. Dissimulant un sourire  révélateur d'un sadisme latent, il se tourna vers l'un de ses subalternes.

- Rédige le contrat que j'y appose ma signature.

- Enfin vice-amiral Fenyang ce....

Paternaliste mais imposant, Salem posa une main lourde sur l'épaule de ce marine à la conscience plus pure que la sienne. En cet instant, il se voulait aussi rassurant que menaçant.

- Hermest... Sois certain d'une chose. Que ce soit par Enna ou par moi, pour le cafard, il n'y aura pas d'autre salut que la tombe.

***


Cette formalité administrative accomplie, c'est la mort dans l'âme et avec une sensation de dégoût que des représentants du gouvernement mondial daignèrent introduire la clé dans les menottes, seules garantes de l'impuissance blattarde. Enhardis par leur liberté retrouvée, la joie de Joe et Mahach fut de courte durée lorsqu'on leur mit violemment dans les mains les uniformes de marine qu'ils devraient porter.
C'était une condition sine qua non à leur acceptation dans les rangs des forces de Karantane. Rien de plus compliqué pour deux pirates que de tenter une défection déguisés en mouette.

- Joe... J'me sens sale...

À contrecœur, Mahach s'était rangé derrière l'avis de son capitaine. Au fond, peut-être s'accommodait-il déjà d'une vie de serviteur du gouvernement mondial. Peut-être était-ce là la voie qu'il s'était cherchée pour gagner en respectabilité, faire honneur à ce marmot qu'il avait laissé auprès de sa mère.
Seulement, sous la bannière du jolly roger ou des cinq points du G.M, aussi longtemps qu'il servirait Joe, il serait amené à briller aux yeux de son chiard en tant qu'ordure subalterne. Quelque soit la faction, c'était son capitaine qui posait problème.
Ces mots, il les lui avait adressés après avoir enfilé l'uniforme de matelot imposé. L'intonation y mêlait honte et dégoût.

Quand soudain, pimpant dans cet uniforme blanc et bleu, ayant conservé cette casquette marine par-dessus laquelle il y avait inscrit "pirate", Joe surgit du vestiaire dans lequel on les avait amenés. Paradoxalement, le cafard reluisait avec cet accoutrement pourtant supposé sordide pour tout pirate qui se respecte.
D'une démarche fière et droite, il fit claquer ses bottes neuves en s'avançant vers le punk.

- Tu sais c'est quoi la différence entre toi et moi ?

N'étant pas d'humeur particulièrement joueuse en cet instant, le punk se retint de lui répondre franchement.

- Sur moi....

Joe noua ce petit collet bleu du plus bel effet qui s'étendait sous le col de l'uniforme marine classique.

- C'est la classe.
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Joe peut bien babiller, j’en ai rien à foutre parce que moi, j’ai un manteau.

- Un peu de respect envers ton Commodore, mousse de seconde classe Biutag, que j’ironise un brin.
- Y’a bien quelque chose qui va t’apprendre le respect envers ton Capitaine : c’est mon poing au milieu de ta tronche, “Commodore” Besinger ...

Ce connard a bien appuyé sur le “Besinger”, sur lequel j’ai grincé des dents.

- Sale fils de ch...
- A ce propos, ta soeur va bien.


Elle ? Oh ouais  ... Elle ! L’albinos et son toutou de service ...... Enfin de retour ... Sans oublier son toutou de service ...
Quand j'ai passé ma pince à travers les barreaux, j’ai senti quelque chose chez elle qui m’a fasciné bien plus que son regard distant quoi qu’un peu amusé ... Cette petite peur intime qui te fait frissonner délicieusement et qui t’anime pour accomplir des choses que tu n’aurais pas fait sans ... Celle-là même qui devient vite une addiction et qui te fait frissonner quand tu es en manque ... Moi aussi elle m’a fait frissonné. Au début surtout. Et puis maintenant, je l’ai adopté. Oser se détruire pour se sentir vivant !
Au début, on aime pouvoir se rattraper de justesse ... Éviter le gros du danger ... Parce que c’est encore plus jubilatoire ... Alors on recommence ... Jusqu’à ce qu’on puisse plus éviter les dégâts ... Mais on continue d’aimer ça !
Oh oui, c’est ce que j’ai aimé chez elle ! Si c’est le risque qui l’a grisée dans un frisson que j’ai partagé, chez moi ç’a plutôt était l...

- Eh, qu’est-ce que tu nous fait Mahach ?
- Hein ?
que je demande en revenant à moi.
- Bah je sais pas, t’avais l’air tout bizarre ... T’as envie d’aller ch...
- Mais nan ! C’est rien. Laisse tomber.


Surtout qu’elle est encore en train de nous mater bizarrement, avec ce petit éclat de malice qui témoigne de son amusement à nous étudier comme des sujets de laboratoire.
Ah ouais, ça m’a complètement charmé ! Je sais pas si on peut vraiment parler d’amour mais toujours est-il que j’ai ressenti quelque chose qui m’attire chez elle. Pis même si ç’en était, il serait impossible. Et j’ai pas l’habitude de m’attarder sur des merdes qu’on peut pas réaliser.

Même si apparemment, elle conn...

- C’est ça d’être tristement célèbre, c’est qu’on en fait pâtir sa famille.

Bordel de merde ! On peut plus penser tranquillement ! Juste l’instant de capter que le Salem vient de baver, je lui réponds aussi sec :

- Hin hin hin, tu l’as dit ! Et c’est à cause du mec que tu considérais comme ton frère que t’es parti à ma recherche, hein ?
- Fais bien attention le crêteux, sans que ça ne concerne Biutag, je pourrais bien revenir sur ma décision ...
- Eh non, “Vice-amiral”. Le contrat ...


La lieutenant de l’albinos s’éclaircit la voix pour couper court à nos petites querelles..

- Ahem. Si je puis me permettre, nous avons une bataille à livrer je vous rappelle.
- Exact. Surtout que nous sommes arrivés à court de munitions ...
- D’où notre présence ici ...


C’est vrai, j’en aurais presque oublié que c’était l’heure de se daubler comme dirait l’autre Crêtu ! Mais ça, c’est à cause de l’albinos aussi ... C’est qu’elle me laisse pas indifférent la pépée ! Parce que bon, y’a bien des fois où je m’attarde sur des trucs qu’ont l’air impossibles, juste pour le plaisir de montrer aux cons que ça l’était pas !
Nan pis j’ai une femme et un gosse quand même ... Pas que je sois jaloux, hin hin, mais bon ...

- Nan mais t’es sûr que ça va aller Mahach ? Va donc défé...
- J’TE DIS QUE C’EST BON !
- Moi si je te dis ça, c’est pour toi hein ... Ca peut que te faire du bien ...


Sauf que. Sauf que quand j’y pense, ça me fait chier aussi de me taper avec les mecs de Kiyori ... Parait que c’est loin -très loin- d’être un thon l’Empereur ... Alors forcément, si on commence à taper sur les siens, je peux aussi faire une croix dessus. Je dis pas que j’avais ma chance, mais je pouvais pas savoir sans tenter.

Allez, je me reprends ! Surtout que les troupes commencent à s’amasser autour de nous, en compagnie de Phol qui tire une sale gueule, pis que les rafiots vont avoir fait de dégueuler leur équipage sur la terre ferme. Salem va donner ses ordres.

- Bon. Phol, toi et tes gars, vous allez prendre le flanc gauche pendant que nous on prendra le flanc droit avec la Commodore Holmes et son équipage ! Je veux des fusiliers en hauteur pour dégrossir les rangs, surtout qu’ils sont en surnombre, alors le reste des troupes on les attendra dans un goulet d’étranglement ! Et vous deux, les racailles de la piraterie, vous viendrez avec nous. Et gare à celui qui voudra jouer les tire-au-flanc !
- Hm. Vice-Amiral, je suggère que vous preniez une poignée de vos meilleurs hommes pour épauler le Commandant Phol. Je me charge de garder les pirates en visu.


Il prend une seconde pour considérer la chose avant de continuer :

- Vous avez raison. Ce qui ont l’habitude de me suivre, venez avec moi encore une fois !

Comme d’habitude, son ton est ferme mais galvanisant et bienveillant. J’aurais pu dire de lui que c’est un zig doué pour diriger des mecs, mais comme l’envie de le buter se fait encore plus forte ...
Alors que les troupes commencent à se diviser pour gagner leur poste, je me vois obligé de beugler :

- Oï, autant je suis partant pour me foutre sur la gueule, et même dans ce costume de merde, autant là, je suis pas trop en l’état ...

Tout le monde s’arrête.

- Qu’est-ce que tu veux ? qu’elle me demande l’albinos.
- Ne me fais pas regretter davantage mon acte, Mahach.
- Ouais bah, vu ma gueule, je peux pas me daubler sans mon Panaché. Pis comme j’sais pas où est-ce que vous avez foutu ma sacoche ...
- Qu’est-ce que c’est ?
- Une p’tite fiole tout droite sortie d’la gnolerie du Kiril.


Le Salem soupire mais finit par faire un geste de la caboche pour dire à un de ses mecs d’aller me chercher ça pendant qu’il se fait la malle avec Phol et toute la clique.
Nous, on attend encore un peu. A cause de moi, hinhin. Et en plus, ça fait trépigner Joe d’impatience qui a envie de se défouler, c’est banco !
Au bout de quelques minutes, voilà le peigne-cul du Salem qui revient avec ma précieuse liqueur qu’il me tend enfin.

- C’est bien, brave mou-mousse ! T’auras le droit à un su-sucre !

Pour toute réponse, il me lance un regard noir avant de rouler des yeux, sous l’attention d’une Commodore sans manteau qui reste distante mais qui manque pas de nous épier.

- Allez. En position.
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Dix minutes plus tard, la Marine avait vidé les quais suite à un manque cruel de munitions. Le tonnerre s'était brusquement arrêté et le foudroiement des navires ennemis avec lui. Un second navire avait été touché dans la bataille, grâce à la précision des couleuvrines de la 346ème. Les hommes à son bord, brusquement percutés par une salve de boulets, n'avaient pas eu le temps d'être secourus : un trou gigantesque dans la coque avait eu raison de l'équilibre fragile qui maintenait la ligne de flottaison du navire. Celui-ci avait pris l'eau à une vitesse incommensurable, n'épargnant aucun de ses passagers dans sa chute inexorable vers les fonds marins.

Ça avait été là la dernière victoire de la Jouvencelle, avant que celle-ci ne manquât de souffle.

Les canons en haut n'avaient pas tardé à suivre, eux-aussi. Malgré leur inefficacité, ils constituaient toutefois une certaine menace à proximité et pouvaient bien empêcher un débarquement des pirates. Désormais, plus rien ne pouvait empêcher leur progression le long des lignes formées par les cordes au bout desquelles trônaient des grappins qu'ils avaient prestement fixés à différents points d'attaches, quasiment un mille1 plus loin, sur le pont. Ce qu'il restait d'un endroit qui, jadis, devait contenir d'autres effectifs que la Section Douze, qui n'était maintenant plus que l'ombre d'elle-même. La base de la Marine de Karantane, autrefois grande de plusieurs pâtés de maisons, se réduisait désormais à un ridicule bâtiment juché dans un pilier où se trouvait la plateforme permettant l'accès aux quais.

Quais bien vite vidés par les hommes qu'Annabella commandait, pour venir rejoindre au pas de course le sommet de la structure. Outre le plateforme élévatrice qui servait principalement à déplacer des objets lourds et des conteneurs, il existait bien heureusement des escaliers, pour permettre un déplacement plus véloce au sein de la structure. Avant de s'y engager, la Commodore put tout juste remarquer que les murs de celui-ci étaient garnis d'un étrange corail bleuté. Elle fut aussitôt mise en garde par sa Lieutenante :

- La source de nombreux maux sur Karantane. C'est de là que vient la "Peste Bleue" qui a contaminé la population de la zone avant qu'un vaccin ne soit trouvé. Je vous déconseille d'y toucher, Commodore.

Ce qu'elle ne fit donc pas, attendant plutôt en compagnie de la rousse que tous les hommes eussent vidé les lieux pour rejoindre leurs homologues.

Elle trouva ces derniers massivement regroupés près des anciennes tourelles où le Vice-Amiral semblait désormais réfléchir à un plan pour endiguer le flot de pirates qui ne cessait de grandir, au loin. Stratégiquement, les canons avaient été orientés dans leur direction, il devait donc rester encore quelques projectiles pour faire feu. A cette distance là, la blonde devinait leur efficacité, mais aussi le danger qu'ils pouvaient constituer pour les forces alliées comme ennemies. En bref, de l'artillerie lourde, pas conçue pour être précise ni de loin... ni même de près. Les pensées de l'agente étaient plus ou moins claires à ce moment... Et puis elle le vit.

C'était bien sa veste qui couvrait des épaules masculines sous un crâne partiellement rasé qui n'avait rien à faire en dehors d'une cellule et avait visiblement trouvé sa place aux côtés de Fenyang. Par réflexe plus qu'autre chose, elle s'étaient empressée de sortir Demi pour venir trépaner le détenu qui avait osé l'humilier quelques instant plus tôt, mais fut stoppée dans son élan par un regard négatif et presque désolé du Vice-Amiral. Ce qu'elle ne comprit pas sur l'instant, elle l'apprit alors par la suite, aux grands dépends de sa colère et de son orgueil qui ne purent se faire violence.

Persuadé d'être à l'écart du risque, l'Iroquois s'amusa par la suite à la regarder fixement, plus que son acolyte, incitant la jeune femme à lui rendre des regards hostiles. Fou comme il l'était, il en vint même à s'imaginer qu'elle était en train de lui parler. Certes, ce fut exécrablement que la langue de l'albinos se délia ultimement pour lui dire de regarder ailleurs, mais ses mots semblaient prendre une toute autre tournure dans la tête du pirate. Raison pour laquelle elle cessa tout bonnement de le considérer, reprenant l'attitude froide et hautaine par défaut qui la caractérisait.

Finalement, lorsque Fenyang termina de dérouler le plan de l'attaque, qui était somme toute assez simple et consistait principalement en une bataille rangée avec quelques stratégies basiques, les hommes se regroupèrent par bataillons sous les ordres de leurs sergents, laissant la poignée d'officiers considérer solennellement leur prochain baroud d'honneur avant de lancer l'assaut.

Le premier tir de canon marqua soudainement la séparation des troupes.

Pendant ce temps là, du côté des boucaniers...

Cela faisait plusieurs bonnes minutes que les pirates avaient fini de débarquer. Bien évidemment, beaucoup d'hommes étaient restés à bord pour garder les vaisseaux, mais la grande majorité des forbans hérissait le plateau où les Lieutenantes donnaient les ordres.

Mei Yang affichait un sourire carnassier découlant de son désir irrépressible de vengeance. Sous les plis de sa robe qui camouflait son absence de bras droit elle conservait encore de profondes cicatrices de son combat avec la Commodore Holmes. Aujourd'hui elle lui ferait payer le prix de sa fourberie.

- Tous nos hommes sont là, Mei. Et les canons sont en chemin.

- Alors inutile d'attendre plus longtemps, ils doivent déjà avancer vers notre position. ordonna la Commandante de la Quatrième tout en dardant un œil empli de curiosité et de tout un tas d'autres sentiments vers l'horizon, dissimulé par l'épais bâtiment en ruine qui leur faisait face.

L'endroit n'avait rien de charment mais aurait pu constituer un très bon repère de pirates. C'était probablement le seul avantage que possédaient les bases de la Marine en partie désaffectées. Nul doute que Kiyori serait heureuse d'aménager l'endroit après leur victoire, peut-être même que la Quatrième en ferait son nouveau Crâne-qui-Rit. Qui savait. Mais une chose pouvait être sûre : aujourd'hui, la Section Douze et tout ce qui était venu la renforcer allait disparaître. Qu'importaient la présence de la Commodore Holmes ou celle du Vice-Amiral Fenyang, les pirates avaient eu tout le loisir de remarquer leur infériorité numérique et les défauts dans leur équipement. La riposte allait les faire saigner, c'était certain.

- Qu'y a-t-il derrière ce bâtiment, Murphys ?

- Rien, c'est tout vide et tout plat. Probablement une ancienne cour pour les entraînements de la Marine. Apparemment il leur faut de l'espace pour se muscler les os. ricana le révolutionnaire reconverti, qui tenait totalement du pirate typique désormais. C'est, à peu de choses près, tout ce qui nous sépare de notre objectif. Le champ de bataille idéal, mais sur un pont.

- Parfait. Fais donc porter quelques pièces d'artillerie tout là haut alors, qu'ils ne soient pas les seuls à pouvoir nous bombarder.

Chose qui ne tarda pas à se faire, lorsqu'au bout de quelques minutes un premier tir put se faire entendre. Le projectile expédié avait fini sa route moins d'un sillon2 avant la structure derrière laquelle se campaient les flibustiers.

Le coup d'envoi était donné du côté de la Marine et les pirates ne tardèrent pas à suivre, sous l'injonction des deux Lieutenantes de la Déesse Enfant qui commandaient l'assaut. Alors les canons tonnèrent d'un côté comme de l'autre, venant marteler l'épaisseur du sol en pierre sur lequel avait été construite la structure que le combat ne laisserait probablement pas intacte. Les soldats en première ligne rencontrèrent bientôt les forcenés les plus déments dont les rires et hurlements diaboliques semblaient se superposer de la façon la plus pirate qu'il fût sur le vacarme ambiant.

Le choc fut alors d'une rare brutalité.

1. Soit mille-six-cent mètres. Je commencer à détailler les unités de longueurs impériales au cas où ça passerait à la trappe.
2. Environ deux-cent mètres.

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D’une rare brutalité ?

C’était presque un euphémisme.

La bataille de Kanokuni qui avait été un véritable enfer n’était rien à côté de ce que nous vivions. Coups d’feux, mêlées, boulets de canons… Tout y passait et les morts s’enchainaient. Malgré mes ordres, bon nombre de marines furent assez désordonnés ce qui avait provoqué de nombreux morts dans notre camp. Les raisons étaient plus ou moins nombreuses ; les principales étant la faim (Si des officiers avaient eu le temps de se péter la panse, la plupart des soldats n’avaient pas eu le temps de le faire, trop occupés à charger les provisions sur nos navires), la fatigue (Mon équipage avait enchainé missions sur missions depuis le début cette année) et surtout la peur. La peur de se frotter aux fripouilles de Kiyori. Le simple fait d’entendre son nom inspirait la crainte et ses sbires profitaient de cet état de fait à bon escient. D’ailleurs, ces derniers avaient réussi à gagner chacun des flancs de notre garnison et nous encerclaient dorénavant. La bataille ressemblait maintenant à un siège plus qu’autre chose. La défense avait été le mot d’ordre. Une position que je détestais particulièrement, n’étant pas du tout vraiment versé dans cet art-là. La journée fut donc apocalyptique, si bien qu’à la tombée de la nuit, nous avions pratiquement perdu la moitié de nos troupes formées bien trop précipitamment et pas du tout synchronisées. Repousser le premier assaut fut une maigre compensation…

Vers dix-neuf heures, le manque de visibilité sur le champ de bataille due à la nuit noire, força les nombreux pirates à arrêter de nous pilonner de tous les côtés. Si ces derniers avaient fini par se retirer et à s’éloigner de notre camp, ils nous entouraient toujours de toutes parts. Pareil à l’horizon. Les nombreux galions des deux lieutenantes formaient une ligne qui dissuadait quiconque de tenter de fuir par la mer. Aucune échappatoire. Le blocus qu’ils avaient ingénieusement mis en place nous empêchait également de communiquer via den-den mushi. Les ondes étaient fatalement brouillées. Exit les massages et autres signaux de détresse. Nous devions nous débrouiller par nous-même. Je n’ai jamais été autant dans la merde. La mort, je l’avais frôlé de très près en solo et plus d’une fois, mais pas comme ça. Pas avec de nombreux soldats sous mes ordres. Mon haki ne s’étendait pas non plus sur « toute l’île ». Karantane était trop grand. Même la moitié de cette immense architecture n’était pas couverte pas mon fluide pourtant bien maitrisé. Raison pour laquelle j’avais par la suite approché Phol pour lui demander s’il avait des alliés ici, mais la réponse fut négative. Aucun putain d’allié. Rien. Si les autochtones du coin étaient au courant pour la bataille (et ils l’étaient forcément vu le boucan de toute cette journée), ces derniers ne viendraient pas nous porter assistance.

Nous voilà dans de beaux draps…

De quoi ruiner l’atmosphère et démoraliser la majorité de nos hommes.

Plutôt que chercher à les remotiver, je m’étais isolé dans un coin et je réfléchissais à un plan pour nous sortir de ce bourbier. Continuer de défendre l’endroit en espérant une aide extérieure revenait à rêver. Il y avait aussi la possibilité de leur rendre le fameux comptable, mais rien ne me disait qu’ils arrêteraient d’assaillir la garnison si jamais nous procédions de la sorte. Je gommai alors cette éventualité de mon esprit. La fuite n’était pas non plus une option. Ces bandits n’auraient aucun mal à couler nos embarcations avec les leurs. Ce combat était déséquilibré depuis le début. Problème de logistiques, manque de bras… A bien y regarder, c’était perdu d’avance. La seule chose que je pouvais éventuellement essayer, c’était de foutre cette fois-ci les individualités les plus fortes en première ligne et de liquider un bon nombre d’ennemis pour obliger les lieutenantes de Kiyori à se montrer. Les tuer reviendrait à semer la panique dans leurs rangs. Malheureusement, c’était pareil pour nous, ce pourquoi je n’avais pas activement participé à la bataille d’aujourd’hui, trop occupé à essayer de coordonner nos troupes et à neutraliser les boulets de canons qui volaient vers nous via des ondes tranchantes. Si je venais à tomber, les marines sous mes ordres y passeraient aussi. C’était indéniable. De longues réflexions qui s’avérèrent être un véritable casse-tête en somme…

Un casse-tête qui m’empêcha de dormir contrairement à plusieurs personnes.

Qui plus est, j’étais sur le qui-vive. Avec mon haki, je surveillais les déplacements ennemis. Au cas où.

Pis, lorsque le soleil se leva, ma gueule en dit long : Shooté au café, j’avais des cernes, les yeux rouges et une faim qui me creusait sauvagement. Les nerfs à vif aussi. De loin, on pouvait sentir mon irritation. J’avais bien trop réfléchi et la solution de mettre à l’avant les plus forts de cette armée me paraissait être le meilleur plan. Pour être sûr de mon choix, je fis appel à Veronica, lieutenante des Carter qui était dotée d’un QI de génie et avec qui j’avais eu l’occasion de converser lorsque je m’étais rendu sur le nouveau monde pour sauver les miches de l’albinos. Son verdict fut sans appel : « Hélas amiral, la défaite sera inéluctable si nous continuons ainsi. Ces forbans nous auront à l’usure… La seule option qui nous reste est d’attaquer, mais avec le peu d’hommes que nous avons… » Tirant sur ma clope que j’avais allumé depuis son arrivée, j’avais arrêté de l’écouter. Sa première analyse me conforta dans l’idée que je n’avais plus qu’à mettre du mien, à me jeter à corps perdu dans la prochaine confrontation. « Très bien. Je te laisse la défense du coin. T’auras plus ou moins 700 marines sous ton commandement. Hermest assurera ta sécurité ! » La jeune femme se mit à rougir, paniquée. La tâche semblait bien trop lourde pour ses frêles épaules, mais un sourire et la déclaration qui suivit achevèrent de la calmer et de la convaincre.

- « Notre survie dépend de toi maintenant. Et puis, t’es certainement la meilleure pour mettre en place quelque chose. J’ai confiance en toi plus que n’importe qui d’autre ! »

Y’a des jours où je savais tchatcher et d’autres pas. Là en l’occurrence, j’étais bien trop fatigué et nerveux pour trouver autre chose à dire. Mais malgré tout, mes mots firent mouche. Vero reprit contenance et effectua un salut militaire qui m’arracha un petit rire malgré les circonstances dans lesquelles nous étions. « Dis à Phol et à ta commodore qu’ils ont droit à 150 hommes et pas une personne de plus. Biutag, Mahach et moi allons-nous occuper de l’autre flanc. Avec un peu de chance… » Avec un peu de chances, on pourrait certainement en finir dès aujourd’hui. Mais j’étais bien trop optimiste. D’ailleurs, en matant l’horizon depuis l’endroit où nous étions, je vis deux galions ennemis surgir brusquement de la mer et se positionner aux côtés des navires déjà sur place. Ma mâchoire se crispa. Revêtements… Des putains de revêtements ! Voilà qui expliquait pourquoi Hermest et moi avions senti le danger sans pour autant le localiser précisément. Ce processus expliquait aussi l’effet de surprise des flottes des deux grosses salopes qui voulaient nous la mettre bien profond depuis hier. Comme si tout avait été prévu. Ce constat m’enragea et me motiva en même temps. J’allais avoir enfin l’occasion de faire usage de mon meitou ! Sentant d’ailleurs les forces adverses se diriger vers nous, je triai sur le volet une centaine d’hommes et pris également tous mes lieutenants avec moi.

- « FAITES VENIR BIUTAG ET MAHACH TOUT DE SUITE ! »

Les coups de canons adverses grondèrent une fois de plus, signal du début d’une nouvelle bataille.

La deuxième journée promettait d’être encore plus sanglante que la première.
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Sommeiller dans les dortoirs aménagés pour les marines ? Que nenni. S'ils en avaient l'uniforme, Mahach et Joe n'en avaient pas le cœur. Aussi, s'étant encanaillés dans le luxe ostentatoire du palais de Juicy Berry, la simple idée de partager la chambrée avec ces pue-la-sueur de marines ne les enchantait guère. Ça, et surtout le risque que quelques esprits taquins ne les égorge pendant leur sommeil.

En plein siège mené depuis la mer, il n'avait pas été compliqué pour eux de trouver une demeure abandonnée. Aurait-elle été pleine de convives qu'ils l'auraient vidée à leur façon. Une façon à eux. Une façon blattarde.
Huit heures de sommeil leur avait suffit là où la grande majorité des braves qui succombaient à l'assaut n'avaient pas encore fermé l'œil. Ce n'était d'ailleurs pas les efforts qui les avaient épuisés, la veille, sans la supervision du vice-amiral occupé au four et au moulin, ils avaient disserté sur l'incapacité des femmes à faire la guerre correctement, critiquant une à une chacune des matelot du sexe faible qui employaient jusqu'aux confins de leurs forces pour repousser l'attaque tandis que les deux "mâles" se contentaient de les observer du haut d'un troquet déserté par le propriétaire.

Ce fut un lever pénible pour le punk. Sans surprise, il répugnait à l'idée d'enfiler à nouveau cet symbole de la disgrâce flibustière qu'était l'uniforme de marin qu'on lui avait imposé, mais surtout, il enrageait de ne pas pouvoir se griller cette délicieuse petite clope matinale dont il raffolait tant. Presque vingt-quatre heures sans nicotine, cela ne pouvait que davantage attiser sa furie.

- Joe... T'as pas une clope ?

Déjà prêt, son uniforme impeccable car ayant bien prit soin de s'éloigner de là où était l'action, le capitaine Blattard nouait ses lacets avec minutie.

- Tu veux dire... ce substitut de phallus dont certains ressentent le besoin physique de porter périodiquement à leurs lèvres ? Naaaaan, je fais pas dans ce registre Mahach, désolé.

- Oh va t'faire enculer...

Sain de corps à défaut d'être sain d'esprit, le cafard lui avait répondu sans même lui adresser un regard alors qu'il se mirait dans ces rangers qu'il venait juste de cirer. Que cela l'amusait de jouer au matelot modèle. Sans prendre au sérieux la menace alarmante qui ravageait Karantane sans répit, persuadé de toujours trouver un moyen de s'en sortir même en pleine apocalypse, Joe se distrayait au mieux, tentant de simuler la vie quotidienne d'un marine. Du moins telle qu'il la concevait.

- Seconde classe Mahach ! À mon commandement.... au bistrot !

Le cafard n'avait pas une très haute opinion des zélés serviteurs du gouvernement mondial. Au garde à vous, fagoté comme l'as de pic, le seconde classe Mahach se sentait prêt à mener à bien cette mission. C'était parti pour une nouvelle journée de commentaires des forces armées de la marine, le tout, attablé depuis le troquet où ils avaient, la veille, pris leurs habitudes. Des mauvaises habitudes, cela allait sans dire.

Marchant en rythme malgré eux, ils conversaient le plus tranquillement du monde tandis que les boulets de canon n'en terminaient pas de faire vaciller chaque édifice de Karantane.

- J'sais pas c'mment t'as fait pour roupiller, qu'est-ce qu'ils ont pu me faire chier les autres avec leurs boulets de canon. Aujourd'hui j'te jure, on va les dérouiller, question d'principe.

Cette perspective n'enchantait guère le Blattard en chef. Toutefois, son subalterne privé de nicotine, sans doute était-ce la meilleure solution pour l'aider à détendre ses nerfs.

- C'est vrai que les putes de Kiyori manquent de savoir vivre. Je veux dire, il est où le respect dû à l'uniforme ?

- Joe faut que t'arrêtes, t'es pas plus marine que j'suis reine de Dressrosa...

Au milieu des hurlements de douleur de ces blessés amputés à coup de canon, des larmes et des peur, deux irresponsables que même l'artillerie des lieutenantes de Kiyori ne semblaient vouloir viser déambulaient comme si le monde autour d'eux n'existait pas. Seulement, l'adversité n'épargnait personne, pas même les plus idiots. Les affres de la guerre avaient œuvré, eux aussi finirent par être heurtés. Pas par un boulet de canon, cela eut été trop beau.
Arrivés devant le troquet qu'ils avaient quitté confiant la veille, Mahach, dévasté, s'effondra à genoux, visage décomposé. Joe, lui, demeura droit, presque digne, ne pouvant dissimuler une trogne endeuillée par ce qu'il venait de voir.

De la petite gargote, il ne restait qu'un tas de planches sous lesquelles toute la marchandise s'était brisée. Tremblant, Mahach se saisit d'un tesson de bouteille qui avait voltigé à quelques mètres des décombres, le chérissant au creux de ses mains alors que les larmes lui montaient aux yeux.

- Où ça nous mène la folie des hommes ?! Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir boire maintenant ?

Même dans la débâcle, quand tout semblait perdu, il fallait savoir rester digne. Poussant la comédie un peu loin, n'étant pas très disposé à la modération quand des élans de connerie s'emparaient de lui, Joe saisit son homme d'équipage par le col afin de le redresser violemment.

- Tiens le coup Mahach ! Maintenant on a une raison de se battre, que cette peine se mue en rage ! Relève-toi bon sang !

- Joe arrête de tirer sur mon col tu vas le déformer.

- Pardon.

La séance de cinéma blattarde se clôturait sur cette séquence burlesque. Pas chagrinés pour un sou, ni par cette destruction matérielle, encore moins par les centaines de morts autour d'eux, les deux forbans étaient tout de même vaguement contrariés. Heureusement pour eux, l'un des hommes de Salem se ruait en leur direction, les vacances étaient terminées.

- Qu'est-ce que vous foutez là ?! Une heure qu'on vous cherche ! Salem vous attend.

- Bah il a qu'à v'nir.

Réponse pleine de bon sens du punk qui ne suffit cependant pas à satisfaire l'émissaire venu pour les traîner par la peau du cul s'il le fallait.

- Vous êtes bons pour mener l'assaut sur le flanc Est avec le vice-amiral, bougez-vous !

Tel un enseignant confronté à des élèves dissipés, le malheureux n'observa qu'un vide intersidéral dans le regard des deux pièces rapportées de la fringante piraterie. Pire encore, sans avoir écouté un traître mot de ce qu'on venait de lui dire, Mahach s'en était allé trouver quelques camarades mouetteux qui s'affairaient à canarder la flotte adverse de leurs canons à courte portée.

- 'scusez-moi mademoiselle, vous auriez pas une clope ?

- Foutez-moi le camp ! Vous voyez pas qu'on est occupés ?!

- Ça va, ça vaaaaa ! Un simple "non" aurait suffit. L'autre qui fait son intéressante pour pas me filer une tige, j'te jure.

S'en retournant là où il avait laissé les camarades qu'il n'avait quitté qu'un instant, il fut étonné de la tournure des événements. Le monde changeait trop vite autour de lui.

- Eh Joe, qu'est-ce que tu fous les mains en l'air ?

Pointé du mousquet de ce marine résolu à les ramener au commandant en chef, le cafard adressa une simple moue blasée en guise de réponse. Tout ce qu'il avait fait, c'était demander s'il pouvait prendre ses congés à partir d'aujourd'hui. La réponse l'avait alors amené à lever les mains pour ne pas se faire tirer dessus.

- VOUS ALLEZ ME SUIVRE BORDEL !

***

De l'auriculaire, se dégageant les oreilles malmenées par les tirs incessants des canons et les cris fréquents venus lui égratigner les tympans, Joe se présenta nonchalant et décontracté à Salem, suivi de près par Mahach.

- Pas trop tôt ! Pas le temps pour un résumé, vous me suivez et vous butez tout ce qui bouge. C'est dans vos cordes ?

Impertinent, après avoir étouffé un bâillement, le cafard leva la main.
Bien qu'il pressentait de très loin l'ineptie qui allait être prononcée, Salem usa des dernières forces mentales qui lui restaient afin d'être ouvert d'esprit et lui accorder la parole.

- Si on te suit, ça veut dire que tu vas bouger, et vu qu'il faut qu'on bute tout ce qui bouge.... hin-hin.... tu vois où je veux en venir ?

Fenyang avait effectivement vu où Joe avait voulu en venir, cependant, ce dernier n'avait pas vu venir la magistrale baffe s'écraser sur sa joue. Question con, réponse adéquate. Sur cet élan de discipline, l'impérieux vice-amiral jeta le Bazooka saisi à Joe sur Juicy Berry afin d'écraser le cafard et accessoirement lui offrir un peu plus de consistance pour opérer l'assaut imminent.

- Ne me décevez pas ou ce sera la dernière chose que vous accomplirez en ce bas monde.

Enhardi quand on parlait de tabasser son prochain, Mahach fut partant. Son capitaine se redressa. Habile de ses doigts quand il s'agissait de magner la gâchette, il savait faire usage de sa dextérité pour accomplir les larcins les plus sommaires. Sans même qu'on n'ait eu le temps de lui prêter un regard, il avait subtilisé deux des escargophones réunis dans la pièce où les avait attendu Salem.
D'un ton pernicieux, lâche et annonciateur d'une fourberie dissimulée, tout en essuyant le sang coulant du coin de sa lèvre d'un revers de la main afin de mieux afficher ce sourire vicieux qui était le sien, Joe répondit aimablement :

- Oui chef.
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Voilà pourquoi j’aurais pas pu m’engager ! Des batailles qu’en finissent pas ... Très peu pour moi. Pis de toute façon, au Grey T y’a personne qui cherche à s’engager ou qui te force à le faire ... Personne sauf ma soeur. Je crois que j’aurais incrusté la gueule de mon vieux dans le mur avant qu’il ait l’idée. Mais je me rappelle aussi que je l’ai fait pour d’autres raisons.

M’enfin ...


Les rangs se forment. Un mur qu’on doit être. Les fusiliers à genoux et debout, sur deux rangs, Joe et moi au milieu devant Salem, et on laisse venir, armes chargées ou tirées au clair. Pour l’instant, le large couloir devant nous est vide. L’escalier qui descend en spirale angulaire et sur lequel il donne est vide aussi. Pourtant, la tension monte déjà et la fatigue nous bouffe.

- En avant ! Brisez leur formation ! que ça beugle juste en dessous de nous, au niveau de la mer, juste avant une salve de cris galvanisés de la part des pirates de Kiyori.

Les Marins resserrent leur étreinte autour de leurs armes, déterminés mais inquiets.

- J'vais essayer de les contenir dans un cercle de baies pour que vous puissiez tirer. Mais j'vous préviens, le premier qui m'touche j'lui reviens en pleine gueule.

Temporiser pour dégrossir les rangs, c’est tout ce qu’on peut faire. Et je tarde pas, on peut sentir le sol trembler sous leur assaut. Aussitôt je me morcelle en baies que je maintiens au plafond pour l’effet de surprise. Sitôt les premières dizaines de pirates arrivées à notre hauteur que je contrôle leur chute et que je commence à tournoyer. Certains mêmes se prennent des baffes directement, comprenant par là même plus vite que les autres ce qui leur arrive. Le premier flot est bloqué, mais eux aussi font feu parfois. Une fusillade assourdissante fait rage, alors je planque ma trombine derrière des soldats tout en essayant de maintenir mon vortex. Je sens qu’on essaie de les parer par endroit alors je redouble d’efforts. Pis mes yeux croisent ceux de Joe, sourire vicieux jusqu’aux oreilles.

- J’ai peut être pas de lunettes mais ...

Il se lève brusquement, bazooka chargé sur l’épaule.

- ... t’as intérêt de décarrer de là !


BOUM !



Les pirates et des éclats du bâtiment volent de partout ! Et même par delà la rambarde explosée jusque sur les rafiots en contre-bas ! Un vrai feu d’artifice ou chaque étincelle est un humain ! Le plomb jaillit de partout aussi, et bien vite, c’est la fin du premier round avant le deuxième qui va pas se faire attendre. Pas de répit dans une bataille. Et pourtant, déjà tellement de corps et de sang ...

- Chargez ! Ne les laissez pas passer !

A nous de pousser des cris galvanisés alors que les deux forces se percutent enfin dans un fracas monstre de lames qui s’entrechoquent. Mes baies rappelées, je commence à distribuer des Black Monster Canon Ball à ceux qui me passent sous le coude mais asséner autant de coups explosifs à l’aide de mes baies infusées au Haki, ça me fatigue très vite. Trop vite. Mais je peux pas m’essouffler comme ça, maintenant ! Joe qui joue de la queue de scorpion et de mousquets s’en donne à coeur joie, même Salem avec des cernes jusqu’aux genoux se bat avec nous. On est tous en pleine mêlée, couverte par des explosions qui pètent de partout ! L’odeur de la poudre et du règnent en maître pendant qu’on se tue à savoir qui gagnera la bataille mais ils tellement nombreux ! Je peux pas cramer toute ma force comme ça ...

Alors je décide de préférer la vitesse à la force, et aussitôt j’envoie mes baies fendre le flot d’ennemis et je les fais rebondir très vite, à en devenir presque invisibles. Elles se heurtent des tas et des tas de choses sans que je ne sache quoi.


...


Les minutes filent bien difficilement ... les blessures superficielles s’accumulent, tout autant que la fatigue et les morts, surtout pour les pirates ...
Alors que je rappelle mon corps à moi pour prendre le temps de me reprendre mon souffle un instant, je regarde où sont Joe et Salem, comme je fais de temps en temps. Toujours en pleine bataille mais il regarde furtivement Salem plongé à corps perdu en plein combat avant de balancer presque nonchalamment un truc par dessus les ruines de l’étage. J’aurais juré que c’était un escargophone ...

Mais je me demande si Salem l’a v... Salem ? Où est-ce que ce chien a bien pu passer ? Nan parce que malgré tout, je sais rester lucide et je perds pas de vue mon objectif. C’est qu’il se bat bien le félon, mais il donne aussi beaucoup de sa personne dans ce conflit ... Et si quelqu’un doit bien faire un aveu de faiblesse tôt ou tard, c’est bien lui hin hin h...OUMF !

Je reçois soudain un violent coup de poing dans la colonne vertébrale ! Je me retourne aussi sec, pognes et ratiches serrées, prêt à faire payer le double au connard qu’a osé me frap...

- Abruti ! Tu crois que c’est le moment de récupérer ? C’aurait pu être la lame de ton adversaire !

Salem ... J’aime pas ce ton moralisateur ... Mais je dois bien avouer qu’il a raison, j’ai fait une grave erreur à me fatiguer pour peanuts ... Mais bon, ça reste Salem ... Je peux pas ne pas lui envoyer un petit pic dans son amour propre ...

- C’est ça ... C’est pas l’envie qui t'manque pourtant hein ? Dommage que t’aies les poings liés ! Toi par contre, me tourne pas le dos ...
- T’en fais pas pour moi, va. Si je ne m’éloigne pas de l’engeance indésirée de la pourriture, c’est pour mieux la tenir en laisse et la museler.
- Laisse-moi rire, tu sais toi-même que t'auras un moment de faiblesse tôt ou tard ...
- Oh mais ris, ris. En attendant, c’est toi qui se fatigue inutilement et qui me laisse des ouvertures. Un coup perdu est si vite arrivé ... qu’il en serait déjà trop tard pour être dommage.


Et il me largue avec un sourire avant de foncer dans le lard d’un zig plus grand que les autres à l’aide d’un Soru ... J’en viens à me dire qu’il a pas tort ... et puis cette attaque ... Le Rokushiki ... La voilà la solution !
Je recule un peu pour m’isoler et j’attends qu’un pirate me fonde sur la gueule, ce qui ne tarde pas à arriver. Bras tendu, je plie et bloque mon index avec mon pouce, comme si j’avais un minuscule pistolet, je force sur mon doigt, vise le front du pirate et ...

Bing !

J’envoie l'extrémité de mon index sous forme de baie heurter à une vitesse folle le front du pirate qui plaque sa main sur l’endroit où j’ai fait mouche ! Un peu de sang ... ?

Hahaha ! Mais oui ! C’est ça ! J’ai qu’à m’entrainer à faire des espèces de Shigan ! Et c’est même ce que je fais immédiatement à brandir mes index recroquevillés sur eux-mêmes sur la tronche des pirates de l’Empereure ! Et j’enchaine les espèces de Shigan à ma sauce, comme si c’était un jeu ! Bon, je fais pas trop de mal pour le moment, mais suffisamment pour taler leur chair voir commencer à la pénétrer ! C’est ce que je fais pendant plusieurs minutes, un rictus géant aux lèvres, celui là même qui me fend la gueule en deux !

Ouais, sauf que. Sauf que je reperds Salem de vue alors que j’ai envie de le prendre pour cible juste pour m’amuser un peu avec lui ... Je me mets à le chercher encore mais en distribuant des gnons aux pirates et en poussant les marins ... En cognant des ... mecs et en jartant ... d’autres mecs ... En ...

- Putain Mahach ! Fais gaffe merde !

Hein ? Ah, Joe ...
Je repousse et recogne ... Putain mais où t’es fourré encore sale chien ?


Et puis bordel, c’est quoi ce foutu bruit qui me vrille les tympans ? Ce vrombissement sourd ... J’ai ... J’ai l’impression qu’il résonne à l’intérieur ... de mon cigare ?!
J’arrête deux secondes mes conneries, ça devient vraiment atroce ! Rhaa ! J’entends plus que ça ! Je grince des dents, les paluches sur le crâne en train de me le griffer mais je sens plus rien de ce que je m’inflige ! Les bruits extérieurs se coupent à chaque fois que mon coeur bat !

ARRÊTEZ CA !

Ma vue se trouble ! Des voix ! J’entends des voix ! Plein ! De partout ! De tout le monde ! Je tombe à genoux ! Je comprends rien ! Je vais devenir cinglé ! J’ai l’impression qu’on me fend la carafe ! Que ma cervelle se déchire ! Que ma tête va exploser ! Que mes yeux et mes tympans vont sauter ! Trop de pression ! Et ces voix ! Ces putains de voix !

AAAAAAAAAAAAAAAH ! FERMEZ VOS GUEULES !

C’est infernal ! Tout résonne ! Ca me lance et pas qu’un peu ! Comme une rage de dent mais dans le caisson ! Je crois que je chiale et ça me fait un mal de chien ! Je peine à respirer ! A déglutir ! Haletant ... hoquetant ... Tout est noir autour de moi ! Je le sais même si mes châsses sont fermées sous la douleur ! Et froid. Le sol. Je sens la fraicheur du sol sur mes joues.

BUTEZ- MOI ! ACHEVEZ-MOI !

Je hurle. A m’en déchirer les cordes vocales. A en dégueuler du sang s’il le faut. Si ça peut permettre d'aller mieux mais nan. Putain ... Pitié ... Pitié ... Arrêtez ça ...

Puis plus rien. Que le son. Plus aucune douleur.
Je me sens happé par le haut. Qu’on me jette au sol comme une vieille merde. Je sens mon coeur battre la chamade dans ma poitrine malgré le chaos qui règne dans ma cervelle et mes oreilles.

- Mais qu’e... BOUM BOUM ...e prend à la fin ? Arrêt... BOUM BOUM ...ouer aux cons Mahach ! Si on p... BOUM BOUM ...u signes notre arrêt de mort à t... BOUM BOUM ...
- Ta gueule Salem ... TA GUEULE !


On me soulève, sûrement lui, et on me plaque violemment contre un mur en me tenant par le col. Je le sens, mais le vrombissement est trop fort et ancré dans mon crâne pour que j’en ai quelque chose à foutre.

- J't’en prie ... J't’en prie ... Fais leur fermer leur gueule ! Arrête tout c'merdier ! S'te plait !
- ...elle voix ? ...el merdier ?
- Mais tout ! TOUT ! J'vais devenir cinglé ! Ou alors achève-moi ! Pitié !


Rien pendant un instant. Mais rien. Vraiment. Le néant. Le noir complet. Je me sens tordu de douleurs alors que le Salem m’a choppé par le paletot contre le mur, décollé du sol. Pis je me mets à voir des formes ... Des auras ... Des silhouettes ... Je me sens ... détendu ... serein ... Relâché ...

Une aura presque dorée proche de moi, qui me tient ... S-Salem ? Une flot difforme bleu et dans celui-ci un mec avec une aura rouge ... Joe. Pas de doute ...

Salem me lâche, je retombe le long du mur ... Vu sa gueule, je comprends qu’il vient de me sonder et vu ce que je viens de vivre, on tilte tous les deux ...

- Le ... Le Man ... Tu ... Tu nous as fait une crise de ...
- ... Alors c’est ça ...


Il déglutit. Maintenant je tire la même gueule surprise que lui.

- ... le Ha- ... le Haki ... de l’Empathie ... ?
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Il convenait de séparer les forces de façon plus ou moins égale. Sur ce point là, la Commodore approuvait la décision du Vice-Amiral dont la stratégie pourrait probablement leur coûter une défaite moins cuisante. Néanmoins... néanmoins elle désapprouvait grandement la remise en liberté des pirates et leur comportement dédaigneux vis à vis de la bataille qui, qu'ils le voulussent ou non, les concernait eux aussi. Elle avait pu, lors de la première journée de combats, remarquer leurs silhouettes décharnées toiser la "plaine" du pont. Et elle avait su leur balancer des regards démontrant la puissance de son mépris à leur égard. Ces deux-là avaient définitivement leur place dans une cellule, tout du moins jusque là.

La première bataille s'était donc déroulée sans la présence des officiers supérieurs et des Lieutenantes de Kiyori. Il s'agissait, entre autre, d'une sorte de formalité d'affrontement.

Tandis que le soleil franchissait l'horizon et que les hommes fatigués et blessés revenaient penauds et meurtris du no-man's-land, l’État Major présidé par Fenyang avait alors pu débattre sur les dernières statistiques qui n'avaient décidément rien d'engageantes. On perdait. Alors il avait évoqué des représailles pour la prochaine journée : cette fois-ci une attaque sur deux flancs digne des enseignements de la Marine d'élite. Il incombait donc à Annabella de préserver la surprise le plus longtemps possible.

La moitié de l'armée pirate s'était retranchée dans son avant-poste, derrière le bâtiment qui tenait bon, bien hors de portée des canons et sur lequel on avait placé les vigies en guise de sentinelles. Elles parcouraient de long en large le toit de la bâtisse rectangulaire amochée, dans une ronde solennelle. Planqués derrière une dune de débris, la centaine de soldats placée sous les commandements conjoints de la Commodore et de Phol patientait. Plus loin, la bataille faisait hurler les hommes et gicler le sang entre les forces de Fenyang et celles de la seconde Lieutenante.

Lunettes à la main, la Caporale Fhira espionnait l'ennemi.

- J'en vois deux, peut-être trois. Leurs mouvements sont réguliers, toutefois l'est encore possible de contourner leur vigilance. J'ai pu remarquer, plus loin derrière, la carcasse d'une bâtisse susceptible d'nous camoufler. Au moins le temps de donner l'assaut sur leur flanc est, ma Commodore. rapporta-t-elle finalement tout en rangeant soigneusement son objet dans sa sacoche et en renfermant sa poigne sur la crosse de son fusil à la place.

Suite aux récents échanges, le nombre de femmes au sein de la 346ème avait encore diminué et les survivantes s'étaient désormais résignées. Ce qui faisait évidemment crisser les dents de Valisieva, minait le moral de l'aveugle et accablait leur supérieure de profonds regrets. La Lieutenante Browneye avait, quant à elle, été retenue au QG de la Section 12 pour tenir le fort, au cas où.

N'eut donc été la présence de Mei Yang, cela n'était pas leur combat. Et tout cela arrivait à cause d'un seul homme. A leur retour à la base, l'agente s'assurerait donc que chaque criminel encore en vie fût immédiatement exécuté. Y compris l'équipage des Blattards.

- Et Mei Yang ?

- Absente, ma Commodore. Elle n'semble pas participer à la bataille. Permission de dire c'que j'en pense, m'Comm'dore ? questionna la jeune femme tout en faisant un salut des plus sincères.

- Accordée.

- J'pense qu'elle attend qu'vous montriez le bout d'votre nez, ma Commodore.

L'albinos fit mine de réfléchir, bien consciente que la Caporale devait avoir raison. Mais cette idée lui trottait déjà dans la tête depuis quelques temps désormais. Elle éluda toutefois la réponse pour ne pas froisser l'espoir du régiment qui les suivait.

Outre les femmes de la 346ème, les autres soldats étaient déjà assez effrayés pour ne pas avoir à subir la menace supplémentaire d'une épée de Damoclès liée à la présence de la Commodore à leurs côtés. Celle-ci ne tarda d'ailleurs pas à donner l'ordre de se déplacer vers le lieu indiqué quelques instants plus tôt par Benett Fhira.

La discrétion restait de mise, malgré l’importance des combats qui faisaient rage à quelques sillons de là.

***

Il fallut une dizaine de minutes à Annabella pour faire le point avec Phol et Vasilieva sur la stratégie à adopter avant l'assaut. Bien sûr, tandis que l'une préférait une solution brutale et nette basée sur l'effet de surprise, l'autre suggérait au contraire de garder l'ennemi à distance en se campant sur les positions actuelles. Par chance, le bâtiment, qui devait autrefois être une clinique, possédait encore deux de ses murs et fournissait, comme l'avait évoqué la Caporale, une bonne couverture aux troupes massées à l'intérieur.

A quelques dizaines de verges1 de là quelques centaines de flibustiers s'attelaient à diverses tâches dans leur campement, à découvert. Et la Lieutenante de la Quatrième flotte s'était de nombreuses fois retrouvée dans le collimateur du fusil sniper de la Caporale. Mais l'ordre de faire feu n'était jamais venu. Les balles ne pouvaient rien contre de pareils monstres, avait argué la Commodore.

Après dix minutes passées à écouter ses subalternes donc, celle-ci trancha : au vu de l'équipement que possédait la 346ème, il était totalement possible de fondre les deux propositions en une seule. L'ingénieure principale du navire avait, à cet effet, fabriqué en grandes quantités des grenades fumigènes et autres artifices capables de répandre la confusion dans les rangs adverses tout en conservant l'effet de surprise. Celle-ci gardait actuellement le vaisseau mais leur avait fourni le matériel adéquat avant leur départ. Il s'agissait là d'un avantage considérable.

Ainsi, l'assaut ne fut pas donné clairement. Mais la projection soudaine d'une demi-douzaine d'objets sphériques de l'autre côté de la "palissade" précéda l'apparition des tireurs d'élite de Phol au sommet des murs. Et en même temps que la fumée s'échappait, ceux-ci levèrent leurs canons et firent feu sur les premiers hommes intrigués et confus. Ce furent les détonations des gros calibres qui firent sonner l'alerte et, parallèlement, signèrent la charge de l'infanterie.

Méconnaissables grâce à leurs masques à gaz, les soldats suivaient de près la Commodore qu'un Soru eut tôt fait de propulser dans le camp ennemi où elle ne tarda pas à faire des ravages. Surpris et hébétés, la plupart des boucaniers venaient simplement se trouver sur son chemin et ne pouvaient pas faire grand chose sinon lever un fusil, un sabre, un pistolet en espérant l'atteindre. Malgré toutes les tentatives, aucun tir ne faisait mouche. L'ombre blanche et bleue faisait l'effet d'une centaine d'hommes à elle seule tandis que ses adversaires demeuraient impuissants. Ils ne comprenaient pas, ils ne comprenaient plus. Et ses complices n'étaient pas en reste derrière elle. Les seuls cris qui parvenaient aux oreilles d'Annabella étaient ceux des ennemis que le bataillon pourfendait brutalement. Tout se déroulait bien, très bien même. Peut-être même trop bien.

Jusqu'à ce que la blonde se rendît compte, une fois le centre de la zone atteint, que son ennemi juré s'était volatilisé.

Ce fut alors la voix de cette-dernière qui trahit sa position : en hauteur, dans l'un des étages délabrés et à demi-effondrés du bâtiment qui les séparait de l'autre bataille. A priori seule, élevée sur un morceau de béton, elle toisait ses adversaires avec une expression triomphante sur le visage. Et quand elle se décida à parler, non, à gronder d'une voix pleine de mépris et de haine, la Commodore ressentit même un frisson. Le rictus mauvais qui lui habitait le visage n'était définitivement pas un bon présage.

- Tu t'es crue maligne, hein Holmes ?! Que l'on ne devinerait pas ta présence ni celle de tes hommes ? C'est triste de nous sous-estimer... ricana la Lieutenante tout en dévoilant la présence de trois silhouettes familières à ses côtés.

Trois silhouettes que la blonde reconnut aisément comme autant de forbans qu'elle avait envoyés en prison par le passé et qui s'étaient, comme Yang, visiblement échappés. Son sang se glaça particulièrement à la vision de l'ex-Lord Président de Lone Down, désormais vêtu de la façon la plus pirate qu'il fût.

- Mais comme tu le vois, nous t'avons attendue avec impatience... Et maintenant te voilà pile à l'endroit où nous voulions que tu sois. Fais bien tes prières, sale chienne ! CANONS PRÊTS A FAIRE FEU !!

L'ordre acheva de paralyser les hommes et femmes de la Marine. Tandis que les derniers pirates rendaient leur souffle en contrebas, les regards étaient progressivement plus nombreux à se braquer vers la Lieutenante dont les injonctions dévoilèrent bientôt la présence de plusieurs rangées de canons montés sur les différents étages du bâtiment en ruine. Là où des murs se trouvaient encore et étaient percés de fenêtres, il était possible de voir poindre les bouches noires prêtes à relâcher toute l'amertume du monde. Toutefois la plupart des canonniers étaient sans protection et à portée, ce qui témoignait de la fragilité de l'attaque. Mei Yang risquait ainsi la vie d'une vingtaine de ses hommes sur un coup de poker.

Mais il était trop tard pour faire quoi que ce fût désormais.

- FEU !!!

Les boulets furent prestement expulsés dans l'air.

Dans un geste instinctif, Annabella leva les bras et essaya d'interrompre la volée grâce à une secousse... qui tarda à venir. Ses pouvoirs étaient encore affaiblis suite à sa dernière bataille et le médecin lui avait intimé de ne pas les utiliser avant un bon mois. Il avait eu raison.

L'onde de choc ne renvoya pas les boulets mais ralentit drastiquement leur course et fit dévier quelques uns. Deux ou trois échappèrent toutefois au contrôle du fruit des séismes et vinrent s'écraser autour de la blonde, provoquant à terme des mugissements et des cris de douleur mais laissant la Commodore à priori intacte. Sinon déséquilibrée par une violente céphalée qui la poussa à extérioriser son dernier repas. Une seconde passa avant que Phol ne donnât l'ordre de riposter, abattant grâce à ses tireurs embusqués dans et sur la clinique les artilleurs à découvert.

Le visage déformé par un rictus malveillant, la Lieutenante et ses sbires plongèrent alors dans la bataille. Ceux-ci se déversèrent des bâtiments environnants dans lesquels ils s'étaient camouflés pour permettre le bon déroulement du plan. Définitivement en surnombre, ils étaient près d'un millier et n'eurent aucun mal à encercler les survivants de la dernière salve.

Malgré tout cela, la Marine, en forte mauvaise posture, tint bon. Hommes et femmes restèrent vaillants dans l'assaut qui suivit.

***

Une demi-heure s'était écoulée. Dans une bataille, il était courant que les secondes parussent être des minutes et ces mêmes-minutes des heures entières. C'était le cas, présentement.

Le charnier était réel, les corps gisaient innombrables et rendaient le sol mou et spongieux. Il était impossible d'avancer sans butter dans un cadavre, un membre, une tête ou bien des viscères. La violence des combats était inouïe et cela faisait bien longtemps que les snipers, à court de munition, avaient été obligés de rejoindre les rangs des fantassins. La Marine parvenait à tenir tête en petit nombre à la piraterie uniquement grâce à ses officiers. Et sur les cent-cinquante hommes et femmes dépêchés par la Commodore et par le Commandant Phol ne demeuraient désormais plus qu'une petite cinquantaine. La 346ème avait connu de nombreuses pertes, mais c'était bien la Section Douze qui en pâtissait le plus. Les femmes étaient moins sensibles à la douleur et mieux entraînées. Elles continuaient à se battre malgré la fatigue et les blessures, forçant l'admiration de leurs congénères mâles. Mais ne se faisaient pas d'illusions pour autant : l'ennemi demeurait plus nombreux, en meilleure forme et bien plus féroce.

Seul un miracle leur permettrait de renverser la vapeur.

Tapies dans l'ombre, les deux officières rendaient coup sur coup, sans qu'aucune ne parvint à avoir l'ascendant sur l'autre. La récente semi-maîtrise du Haki de l'Armement profitait à la Commodore, cependant la faiblesse de ses pouvoirs et les conséquences de leur utilisation lui faisaient perdre en force. D'un autre côté, le sabre utilisé par la Lieutenante n'avait rien à envier à Dent de Requin, l'arme avec laquelle la Lieutenante-Colonelle Vasilieva parvenait à tenir en respect le nouvellement quartier-maître de la Quatrième, Guiness Murphys. Amoindri par la perte de ses capacités surhumaines, celui-ci constituait cependant un redoutable escrimeur. Un peu plus loin, Phol en décousait avec l'ex-Supernova que Fenyang et Annabella avaient capturé à bord de l'Umi Ressha, quelques mois auparavant. Le Roi Edwald II n'avait visiblement pas récupéré des cicatrices boursouflées qui lui mangeaient le visage et affichait en combat un mélange de haine et de désolation dans ses postures.

Chacun avait affublé l'officière, à un moment ou à un autre, d'un profond regard noir. Et celle-ci avait déjà bien assez à faire avec leur capitaine

La perte de son bras droit ne profitait définitivement pas à cette dernière non plus, mais le manque d’agilité dans ses mouvements était désormais compensé par la force surhumaine avec laquelle elle abattait chacun de ses coups. Les débris en pierre volaient, le sol tranché affichait parfois des trous immenses et béants qui, Anna en était sûre, finiraient par mener sur les récifs de corail en-dessous. Et les fondations des bâtiments alentours souffraient des impressionnants combats démêlant les adversaires puissants et pugnaces.

Dagues en main, la Commodore essayait de conserver ses forces en parant ou esquivant les coups de son adversaire. De temps à autre la jeune blonde concentrait son Haki dans l'une de ses mains pour essayer de frapper la pirate mais échouait tout autant. Les initiatives ne menaient à rien sinon à l'épuisement.

Et puis il y eut un imprévu dans l'enchaînement, dans la danse partagée par les deux femmes.

En un instant, la Commodore se vit brutalement soulevée au-dessus du sol par la tenaille de deux serres épaisses et gigantesques venues lui paralyser les épaules. Cette tête de Toucan, l'agente la reconnut aisément.

- Vous...

Le Juge Suprême était resté en dehors de la bataille jusqu'à maintenant. Il avait attendu son moment, celui où il fondrait sur sa proie pour rendre justice. Jusqu'alors il ne s'était jamais douté que la fameuse Commodore dont parlaient tant ses compagnons serait aussi l'un des agents du CP4 responsables de sa descente aux enfers. Il exultait désormais de pouvoir faire une pierre deux coups en aidant sa capitaine à s'en débarrasser.

Celle-ci ne tarda pas à abattre sa lame sur la poitrine de son opposante. Qui parvint toutefois à se dégager partiellement de l'emprise du toucan pour éviter un coup fatal, faisant connaître à son épaule une douleur atroce : la lame, si elle avait manqué de peu sa véritable cible, s'était toutefois enfoncée profondément dans la chair de l'agente au niveau de sa clavicule ; elle avait même entamé l'os. L'oiseau laissa alors choir le corps à terre, conscient que la Commodore ne se relèverait plus.

A quatre pattes devant la Lieutenante de la Déesse Enfant, celle-ci saignait abondamment de sa blessure, le visage tourné vers le sol. Un geste de la pointe de la lame de son adversaire l'obligea à relever le menton malgré elle.

- Tu as perdu, Holmes. Voilà ce qu'il en coûte de s'attaquer à un Empereur.

La pirate ricanait, retardant fatalement le moment de la mise à mort. Mais déjà son sabre se levait pour venir désolidariser la tête de la Commodore de ses épaules. Tiraillée par la douleur, Annabella ne trouva rien à répondre. Elle n'en avait pas fini malgré tout.

L'épée s'abattit une seconde fois et rencontra la résistance d'une paume tendue sur son chemin. Une paume noire, couverte de sang, qui comprima brusquement la lame en se refermant et la brisa nette. Puis suivit le mouvement de tout un corps sombre qui se redressa. Lentement. Péniblement. Jusqu'à être parfaitement et anormalement droit.

- Tu aurais mieux fait... de rester en prison... laissa échapper la blessée dont le visage était désormais strié de bandes noires et les yeux injectés de sang.

La souffrance se lisait particulièrement bien sur son visage et le sang continuait de s'écouler hors de sa plaie, mais elle tenait bon, elle tenait droit, le regard bloqué sur son adversaire, un sourire macabre et crispé entre les lèvres. Les interdits n'avaient plus aucune emprise sur elle désormais, pas dans cet état.

Toujours sous sa forme de volatile, le juge s'était rapidement écarté en voyant la jeune femme briser d'une main l'arme de son capitaine, mais crut penser un instant qu'il était de bon ton d'empêcher la Commodore de contre-attaquer. D'un battement d'aile, le piaf revint donc dans la course, toutes griffes sorties, paré à les enfoncer dans la chair de son opposant qui lui tournait le dos. Mais un poing noir vint soudainement mettre un terme à cette insurrection, frappant l'air entre l'oiseau et sa proie. Air qui se brisa net dans une fissure bleutée avant que Couak ne fût parcouru de puissantes secousses.

L'instant d'après le Zoan avait retrouvé sa forme humaine et gisait inanimé en petit tas sur le sol. L'onde sismique, quant à elle, avait poursuivi son chemin jusqu'à atteindre les nuages et les tourmenter, provoquant ultimement une profonde trouée bleue dans la masse grisâtre. Un puissant déploiement des capacités surhumaines de la Commodore qui avaient arraché chez son adversaire un regard sinistre et, chez la responsable, une profonde migraine. Le visage davantage comprimé, elle parvint toutefois à faire un pas en direction de la Lieutenante, puis un autre, la main gauche tendue, le temps que la Lieutenante reprît ses esprits.

- Ha ! On dirait que tu as atteint tes limites, salope ! Qu'espères-tu faire dans ton état ?! harassa la pirate dans un air de contentement à peine dissimulé.

Et pourtant.

Pourtant la Commodore ne stoppa pas sa marche funeste pour autant, continuant pas après pas, la main toujours tendue comme dans l'espoir d'agripper son ennemie. Le regard dissimulé sous ses cheveux blancs maculés de sang, elle affichait désormais un teint pale comme un linge. Le Haki de l'Armement l'avait quittée, mais quelque chose en elle semblait sommeiller. Elle avait juste besoin de se concentrer et...

Et puis soudain, elle s'arrêta, visiblement à bout de forces. Ce qui ne manqua pas de provoquer l'hilarité de la brune qui ne put se retenir davantage. Un mot lui vint alors en tête et elle entreprit de le faire connaître à son adversaire, mais celle-ci le murmura avant elle :

- Pathétique.

Ce fut le dernier mot que prononça la Commodore avant de brutalement agripper puis sectionner l'air dans un mouvement vertical de ses deux mains, les doigts courbés et plantés dans le vide comme tant de griffes acérées. Dans ses pensées se forma juste le mot Azrael2.

Puis ce fut le commencement de l'apocalypse.

1. Environ un mètre (trois pieds).
2. La technique ultime du Fruit des Séismes qui permet de terraformer l'endroit. Exemple du manga.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Dim 26 Mar 2017 - 22:16, édité 1 fois
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Au début, tu dis que c’est la fatigue.

Que ça te joue des tours.

Que ça te fait perdre l’équilibre, vu comment le sol se dérobe sous tes pieds…

Sauf que quand tu vois la mer se diviser façon Moïse à certains endroits, sans compter les raz-de-marée qui avalaient certains navires avec une facilité déconcertante, tu dis qu’il y a un problème…

Un sacré problème.

Un très gros problème même…

- « C’est quoi cette merde… ? »

En plantant mon gros sabre dans le sol et en m’y accrochant solidement pour ne pas tomber, j’assistais presque avec impuissance à la scène qui s’imposait à nous. Partout, c’était la panique. Partout, c’était des cris de détresse. Partout, c’était l’incompréhension. Il n’était plus question de marines ou de pirates. Il n’était plus question d’hommes ou femmes. Il n’était plus question de jeunes ou de moins jeunes ; mais il était question de survie. Des fissures se dessinaient çà et là sur toute la surface du pont qui s’inclinait très dangereusement, au point qu’on avait l’impression qu’il allait se briser en mille morceaux. C’était d’autant plus flippant que les secousses qui ébranlaient les fondations du gigantesque édifice n’arrangeaient rien à la stabilité de l’île. J’étais tellement dépassé par les évènements que mon seul réflexe fut de rattraper Mahach par sa crête, alors qu’il chutait inexorablement vers la mer à l’instar de pas mal de gens. L’un de mes sous-officiers avait également réussi à s’accrocher à mon épée, avant d’utiliser le rope action pour sauver un maximum de nos compagnons et un allié de circonstances, à savoir le Biutag. Autour de nous, plusieurs édifices s’écroulèrent comme de vulgaires châteaux de cartes. Démentiel…

Mais alors que je repris contenance, je pus sentir l’origine de cette puissance phénoménale via mon mantra. Lors des premières secondes, je crus rêver. C’était juste pas possible quoi. Ça pouvait même pas être vrai ! Mais les souvenirs du Nouveau monde me revirent en tête et me firent d’un coup de poing en pleine gueule. Alors que les tremblements continuaient et menaçaient de bousiller la partie supérieure du pont sur laquelle nous étions, je restais coi. Pour la première fois depuis que je la connaissais, j’eus peur de cette personne. La crainte s’était instillée pendant quelques secondes dans mon cœur, avant que je ne déglutisse en secouant ma tête de gauche à droite. C’était pas du tout le moment de penser à elle. Ni à ce qu’elle venait de provoquer. J’avais des doutes certes, mais il n’y avait qu’une seule chose qui pouvait expliquer un tel déchainement de la nature dans la zone : Un fruit du démon. Et pas n’importe lequel. Ça expliquerait d’ailleurs pas mal de trucs. Mais même pas le temps d’y penser que le sol sous nos pieds finit par craquer et céder. La pression des secousses sismiques avait fait mouche et une grosse crevasse très profonde s’était dessinée au-dessous de notre position. Même pas le temps d’exécuter de bouger le moindre muscle que nous chutâmes…

Boire la tasse ne m’enchantait guère. Et c’était d’autant plus chiant quand on savait que les deux cafards étaient maudits par les eaux.

Les fruits du démon, c’est définitivement une plaie… Vraiment…

Mais alors que je nous voyais déjà au fond des eaux, nous atterrîmes sur une surface très dure et rocailleuse. Il me fallut une bonne poignée de secondes pour me relever, avant de faire usage de mon épée pour balayer toutes les décombres et autres débris qui menaçaient de nous aplatir comme des crêpes. Puis, en observant autour de moi, je constatai qu’un gigantesque récif avait émergé du fond des eaux. Une partie des fondations de Karantane partiellement détruite. Ledit recif était assez gigantesque pour continuer le combat s’il devait s’éterniser encore ; même si à mon sens, nous n’étions pas loin du dénouement final. Avec certains pirates au fond des eaux et d’autres écrabouillés par les gravats des anciennes structures, la flotte ennemie ne devait plus avoir un nombre important de combattants. Ils avaient essuyé le plus gros des dégâts. En foutant un coup de pied dans les côtes de Mahach pour qu’il se relève rapidement, je me mis à utiliser mon mantra pour essayer d’évaluer ce qu’on a pu essuyer comme pertes. Le constat fut rude : A peu près un quart de notre effectif avait péri… Si c’était cela la conséquence d’un pouvoir aussi destructeur, j’étais bien content d’être épéiste. Mais cette pétasse devait s’en foutre ! A se demander si elle le maitrisait d’ailleurs. Rien qu’à cette pensée, je me mis à nourrir de la haine à son égard. Le truc qui se sent à des kilomètres…

Et dire qu’elle ne m’en avait même pas parlé. Vraie bombe à retardement…

Mais alors que je me perdais dans mes pensées peu flatteuses pour la CP9, trois galions ennemis qui avaient été épargnés par tout ce désordre foncèrent droit sur nous.

Je pus alors sentir une présence bien plus imposante que celles des autres au sein du premier navire.
La deuxième lieutenante nous faisait enfin honneur de sa présence.

Pas trop tôt…

Je commençais à désespérer.


Hrp : Pas fameux, désolé.
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Entre trois noyades esquivées de justesse et un lot de secousses malvenues, l'heure était venue pour Joe de dresser un bilan édifiant de la situation.

- Fait chier...

Succin mais vrai, le verdict était sans appel. Quoi de plus chaotique qu'une bataille ? Pas de place pour la ruse ou les coups fourrés, on cogne et on oublie pas de croiser les doigts pour qu'un boulet de canon vous tombe sur le coin du museau. L'uniforme avait beau lui aller convenablement, la responsabilité qui lui incombait pesait un peu trop lourd pour ses épaules de vermine.
Et puis, en pleine fournaise, traîné de force par Salem, il s'était cassé un ongle. C'était un signe, le signe qu'il fallait décamper. Que ce soit un ongle incarné ou même un nez qui coule, n'importe quoi aurait pu être un signe suffisamment éloquent selon lui pour foutre le camp en vitesse.

- Où qu'tu vas Joe ?!

De tous les redresseurs de torts potentiels qui lui servaient d'alliés d'occasion, il avait fallu que ce soit Mahach, fidèle parmi les fidèles, boulet parmi les boulets qui le surprenne en pleine tentative de désertion.

- Là où on crève pas de préférence.

Cherchant à appuyer la thèse qu'il soutenait mordicus, Joe montra du doigt ici et là les multiples affres d'une guerre de titans, un champ de bataille où il n'avait manifestement pas sa place.

- Regarde-moi le chantier ! Et vas-y qu'il y a des récifs qui se dressent, et vas-y qu'on sépare la mer en deux au moindre pet de travers....
C'est malsain tout ça.


"Malsain" dans la bouche du cafard avait de quoi faire rire quand on avait eu droit à un bref aperçu de son C.V. Toutefois, la guerre n'était pas son registre de prédilection. Il n'était pas "un canfard" mais "le cafard". Seul au milieu des insectes grouillants qui s'écharpaient ici-même, il perdait de sa superbe.
Trop soucieux de son identité, et accessoirement de sa santé, la retraite était encore la solution de confort pour conserver ses acquis.

- Eh puis.... J'ai ce que je voulais hin-hin.

Fier d'un coup de bluff comme on ne pouvait en faire qu'une fois par millénaire, Joe était parvenu à obtenir le contrat lui octroyant le rang de capitaine corsaire qu'il brandit sous le nez de Mahach. Ce dernier ne fut pas impressionné le moins du monde. Derrière le sang de ses ennemis ruisselant sur son visage, il masqua une certaine gêne.

- Joe... C'est un faux...

Le monde s'écroula sous les pieds du cafard.

- C'est pas un marine qui peut te donner tes accès au G.M, pour ça faudrait plutôt voir d'côté des décisionnaires en chef. Et eux... Bah j'te cache pas que ta p'tite gueule y z'en ont plutôt rien à péter...

Mieux valait apprendre ça de la bouche d'un """ami""" que de la marine quand ils les remettraient en cage après s'être servi d'eux. Fenyang n'était pas homme à laisser repartir tranquillement l'assassin d'un frère d'arme ou une petite raclure responsable de la mort d'une éminence corsaire accréditée par le conseil des cinq.

- M... Mais... Pourquoi tu me l'as pas dit plus tôt bougre de... fils de... AH l'ENCULÉ !!!

L'émotion se manifestait exclusivement sous forme de rage chez le cafard.

- Oh t'sais, moi, quand y'a d'la castagne je cherche pas les histoires. Me suis dit qu'après m'être fait la main sur le ramassis de chiasseux de l'autre pute j'm'en irais achever not' glorieux commandant. Histoire qui crève au champ d'honneur tout ça.

Il était vrai que le glorieux vice-amiral était exténué. Ce n'était plus son système nerveux qui lui permettait de se mouvoir, mais une volonté sans borne. Sans borne apparente tout du moins, car peu à peu, il faiblissait. Et Dieu sait qu'il ne faisait pas bon faiblir lorsque deux pirates relativement peu scrupuleux vous avaient pris en grippe.
Redressant le burn bazooka qu'il maintenait positionné sur son épaule endolorie à force d'en supporter le poids, le cafard venait d'ajourner sa débâcle.

- Ooouh... Je sais pas pour toi, mais je me sens soudain d'humeur à faire un recours hiérarchique auprès du vice-amiral là. Tu crois qu'il est occupé ?


Scrutant la foule qui s'étripait Mahach parvint à distinguer les deux silhouettes imposantes se faisant face, éradiquant tout homme dans le sillage de leur duel.

- J'sais pas trop. y s'bastonne avec une greluche qui doit faire trois fois ta taille. T'entends quoi par recours hiérarchique ?

Visage terne, babines légèrement retroussées dévoilant sa mâchoire et l'amertume qu'exprimait une pareille grimace, Joe arma sèchement son bazooka, n'adressant qu'un regard et un sourire au punk en guise de réponse.

- Ah, bah dans ce cas j'en suis !

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Ah la vache ...

Tige au bec -parce que ouais, les secousses ç’a bien fait tomber quelques zigs et lâcher quelques affaires, dont des clopes qu’on se gardait jalousement- je fais quelques moulinets des épaules, pas moins pour m’étirer que pour vérifier que la carrosserie est intacte, avec tout ces chamboulements ... Autant les miens que ceux de la base d’ailleurs ... Je sais toujours pas qui a massacré le décor comme si c’était du beurre, mais ça rigole pas ...

- Et donc ? Tu préfères t’la jouer discrèt...
- Mahach, Mahach ...
- Bon, d’accord, la Voie royale.
- Impériale, même !


L’aime pas jouer les grouillants quand ça pullule de vermines le Joe. C’est pas n’importe quel cafard, c’est le Cafard.
Le poing sur le cou, je fais craquer mes vertèbres.

- Reste bien derrière moi, et couvre ma gueule.

Pas de réponse, mais pas besoin. En position, on mate une dernière fois l’immensité devant nous, animée par le chaos de la bataille, avec au milieu nos cibles.

- Prêt ? que je beugle pour couvrir le brouhaha du combat.
- Plus que jamais.
- Tu veux que j’te dise un truc ?
- Nan, je veux que tu avances et que tu me fasses de la place.
- T’sais que j’ai buté l’frère d’arme d’Salem ?
- Oui, c’est pour ça que nous a foutu dans la merde jusqu’au cou. Mais aujourd’hui, ON vient finir TON travail.
- Maalem qu’i’s’appelait. Et tu sais c’que c’est la différence entre eux ?
- Je m’en fous, marche.


Je me retourne vers lui, le rictus carnassier large. Parce qu’autant avec le Lieutenant-Colonel c’était purement gratuit, autant avec le Vice-Amiral, ça va être lâche ...

- Bah. Avec Maalem, c’était maal ; avec Salem ça va être sale.

Rien. Le silence total, pas de réaction si ce n’est un malaise de ma part. Et puis la seconde d’après Joe pète un cable.

- T’es sérieux ? Tu me fais perdre mon précieux temps pour des conneries ?!
- Nan mais au final même moi j’savais que c’allait être nul au moment où c’est sorti ...


Ni une ni deux, je fais volte-face à la bataille et je tends les bras, dégainant mes pistolets invisibles.
Si au début je commence par nous déblayer le chemin à coups d’espèce de Shigans, on est vite submergé par le flot de marins et pirates qui se foutent sur la gueule, alors je me morcelle et je deviens un nuage de baies explosives. Je nous protège d’abord, Joe et moi en tourbillonnant autour de nous, mais dès qu’il y a un pirate un peu trop proche, je dévie une ou deux baies infusées de Haki que je vais lui écraser sur la gueule avec un mouvement tiré de la Boxe du Poing Invisible. Le sillon s’ouvre devant nous et se referme derrière nous. Et parfois, Joe les finit avec un coup de bazooka dans la tronche.

Pas avec une munition hein. Il leur emmanche l’arme dans le cigare avant presque de s’excuser pour elle et de la chouchouter avec un coup de lustrage pour nettoyer le sang frais si nécessaire.

Nous faut bien cinq/dix minutes pour tracer notre route. Mais plus on se rapproche, plus on sent les impacts des coups que s’échangent le Salem et la Lieutenant. Quand on arrive, on s’aperçoit qu’eux aussi ont leur petite arène rien qu’à eux. Aucun type n’a envie de bouffer un de leur coup, alors c’est vrai que nous, on fait un peu tâche.

En fait nan, Joe dirait qu’on se fait enfin remarquer, parce que c’est aussi le but recherché. Leurs lames entrechoquées dans une bonne parade des familles de la part du Vice-Amiral, la demi-géante baisse à peine le regard sur nous.

- Eh, Joe ? T’as vu sa gueule ? On dit qu’Kiyori c’est une bonnasse, j’espère qu’elle est plus belle qu’elle en tout cas, hin hin h... Hein ? Ah, oh ... S’cusez-nous ma Dame -chouette bisento- loin d’moi l’idée de vous importuner à fatiguer not’ Salem adoré mais j’pense qu’il va pas tarder d’être mûr, or je n’aim’rai pas que vous l’tuiez.
- Chiot insolent, je vais te remettre à ta place ...
- Enchanté, mais sachez que j’en ai pas vraiment. Bon, sinon, buter c’sale chien c’est un privilège qui ME revient ! Ce serait vraiment d’la bombe si vous nous laissiez vous ... exploser ?!


Toujours rien. La gêne, mais la gêne ! Elle commence à renvoyer le coup du Vice-Amiro et à lever sa lame sur ma gueule ...

- Joe ... Mon effet ...
- Faut vraiment que t’arrête l’humour mon pauvre garçon ...
- Mon effet bordel, J...



BOUM !
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C'était un miracle. Ou une malédiction, pour l'une comme pour l'autre. Jamais Anna n'aurait pensé pouvoir déployer autant de puissance et y survivre. Jamais elle n'aurait pensé voir Mei Yang y survivre elle aussi. Et pourtant toutes deux se tenaient debout, sur un lopin de terre épargné par les secousses, par les soulèvements et les abaissements de la croute terrestre. Oh certes le morceau de pont avait fait une chute vertigineuse avant de rencontrer les récifs sortis de la mer en contrebas, toutefois cela n'avait visiblement pas suffit pour mettre un terme à l'existence des deux monstres aussi ensanglantés que sévèrement blessés par la bataille.

L'albinos affichait désormais des oreilles rougies par le sang qui s'en déversait faiblement. Il en allait de même pour ses narines ainsi que sa bouche et elle pouvait aisément supposer que certaines vieilles fractures s'étaient rouvertes. Le coup porté avait dépassé l'entendement, son contre-coup n'avait pas été plus bénéfique.

D'un autre côté, la Lieutenante de la Quatrième parvenait encore à tenir debout malgré des articulations quasiment broyées et des os qui, logiquement, ne devraient plus être que de la compote. Ses voltiges suite au déséquilibre soudain du sol, de l'air et de tout ce que l'onde de choc avait retourné sens-dessus-dessous ou presque sur un bon mile, l'avaient définitivement plus que sonnée. C'était encore sa capacité à se tenir debout qui était mise au défi, tellement la pesanteur avait revu son jugement sur la carcasse de la pirate en l'envoyant promener dans les méandres sismiques de l'attaque. Mais elle s'était relevée... comme son adversaire.

- Un pouvoir... si puissant. Quel gâchis... parvint à épeler longuement la brune tout en pointant du doigt son opposante. Je trouverai... un moyen de... m'en emparer... ensuite.

Malheureusement pour son interlocutrice, Annabella semblait vidée de son énergie. Aussi ne trouva-t-elle pas la force de répondre, juste celle de tenir tête à son adversaire en continuant à la fixer inlassablement avec des pupilles éclatées et rougies par l'hémorragie. Elle avait toutefois trouvé l'énergie de récupérer ses poignards qu'elle avait, quelques temps avant l'attaque, rangés à sa ceinture. Mais n'était clairement pas en état de les lever pour menacer la capitaine.

Ce qu'elle put faire, à l'extrême limite, fut de prévoir les poings qui ne tardèrent pas à pleuvoir pour essayer de lui administrer le coup fatal. L'Empathie couplée au Kami-E décuplaient sa vélocité, mais son visage affichait toujours cette même expression de mort cérébrale. Un cas d'inconscience, comme si la Commodore n'était plus vraiment là.

Puis au bout d'une énième rafale, elle ne put éviter convenablement un enchaînement de jeux de jambes et de phalanges qui lui firent écoper d'une morsure de la gauche dans le ventre... et la firent reculer sur plusieurs yards. Cette première victoire arracha même un râle de soulagement à la Lieutenante de la Déesse Enfant qui se gaussa pour la première fois depuis longtemps.

Son sourire n'avait cependant plus rien de beau désormais, épluché par les dents perdues ou cassées par la technique du fruit des séismes.

Pliée en deux, Anna ne put rien faire d'autre que retomber mollement sur ses rotules, agenouillée une fois de plus face à son ennemie jurée. Celle-ci ne se fit pas prier pour percer une fois de plus ses défenses en lui pourvoyant un superbe crochet du gauche qui la mit quasiment KO. Mais une force inconnue semblait désormais gouverner le corps immobile, toujours agenouillé, de la Commodore déchiquetée qui semblait refuser de tomber intégralement.

Et l'expression de Yang changea une fois de plus, passant de la satisfaction à la colère.

- Tu vas... crever... salope ! s'acharna cette dernière tout en lui meurtrissant les traits avec son unique main, recouverte d'un premier fluide noir et d'un second rouge sombre. Cela aurait été mentir que de dire que ses articulations ne souffraient pas des dégâts qu'elles causaient à présent.

Cinq, six, sept coups avec ou sans élans vinrent donc s’abattre sur les joues de la tête bien trop malmenée de la blonde qui ne semblait même plus souffrir, parvenue à ce stade. Elle encaissait simplement comme un sac de sable. Sans dire un mot, sans bouger, sans ciller plus que quelques centimètres à chaque fois.

Et puis il y eut l'attaque de trop.

Car celle-ci rencontra une résistance cette fois. Celle d'une paume sombre qui vint stopper l'unique main de la pirate... et la comprimer fortement. Les yeux révulsés, la Commodore semblait ne plus vraiment contrôler ses muscles, comme si une force tierce était véritablement aux commandes. Bien évidemment ce n'était qu'un réflexe instinctif du corps transporté aux portes de la mort, mais l'agente ne s'en souviendrait probablement jamais. Bloquée dans cette position, non sans proférer nombre d'insultes à l'égard de la Marine et de toute sa famille, la pirate tenta de se défaire mais ne put, ce faisant, qu'asseoir davantage la position de son adversaire.

Alors de son pied droit elle entreprit de faire levier.

Ne comprit son erreur que trop tard.

Et rencontra une seconde main qui le saisit à son tour.

Vulnérable, sans Haki de l'armement, le membre ainsi stoppé ne tarda pas à faire payer au prix fort l'insouciance de sa propriétaire.

Schrraackk !

Instantanément broyé par les cinq doigts sombres qui s'en étaient saisis, le membre postérieur provoqua, tel le tendon d'Achille, la déconcentration et l'inexorable chute de la Lieutenante Mei Yang. Instantanément décolorée, sa main suivit donc.

Schrraackk !

Puis ce fût au tour de son crâne, saisi entre deux puissantes serres brunes qui firent pression sur ses tempes pendant de longues secondes. Des secondes abominables qui firent transiter des expressions plus inhumaines les unes que les autres sur le faciès de la victime qui ne se rendit à l'évidence qu'au dernier moment avant que...

Schplaackk !

...que les mots ne fussent inutiles et qu'une onomatopée ne suffît à décrire la fin que réserva la Commodore Holmes à la Commandante de la Quatrième flotte de l'Impératrice. Puis ne s'effondrât à son tour, inanimée, dans les gravats et le sang.
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- « C’est quoi cette meuf… ? »

Alors qu’elle fut pratiquement une cible à bout portant, la lieutenante avait réussi in-extrémis à dévier la roquette qui menaçait d’exploser sur sa gueule grâce à la lame de son bisento. La scène surréaliste m’avait arraché une gueule stupéfaite, mais je me repris bien vite lorsque je la vis agiter son arme vers les blattards. Qu’elle les bute m’arrangerait bien, mais je n’avais pas encore ce luxe que de me débarrasser d’eux. C’est donc plus par calcul que par pitié que je lui balançai une lame de vent qu’elle se vit obligée d’éviter en reculant ce qui épargna ainsi les pirates qui étaient apparemment encore de mon côté. Du 3 contre 1 donc. C’était chiant de l’avouer, mais j’étais un peu soulagé. Plus les secondes passaient et plus ma vue se brouillait. Ne parlons même pas de ce mal de tête dû aux efforts et à un manque de sommeil cruel. Je faisais définitivement peine à voir. La perche le comprit assez vite. Elle l’avait capté lors de nos échanges assez brutaux où elle avait même pris un avantage certain sur moi avant l’arrivée inopinée des forbans. Preuve en était que j’avais de nombreuses coupures et autres estafilades un peu partout sur le corps. Tu parles d’un combat équilibré. Il était bien beau le vice-amiral…

- « Les insectes attendront. Ma priorité, c’est toi… »

Un sourire mauvais barra la gueule de la lieutenante qui fonça sur moi comme une furie. Même pas le temps de bouger que son bisento menaçait déjà de décoller ma tête du reste de mon corps. Si je réussis à utiliser mon solide meitou comme bouclier pour parer son coup, la force qu’elle avait exercée me fit décoller du sol et m’envoyer bouler plusieurs mètres plus loin. Non satisfaite de me ridiculiser, la girafe chargea encore une fois, non sans avoir évité un énième projectile du Biutag. Malgré son gabarit plutôt imposant, ses réflexes étaient assez impressionnants. Pas étonnant qu’elle soit une lieutenante d’un empereur. Rapidement sur pieds grâce à un relevé carpé, je lui balançai une onde tranchante, encore, histoire de la maintenir loin de moi. Car en plus d’être forte, elle avait une envergure plus importante et une portée monstrueuse du fait de la longueur de son bisento plutôt solide dans le genre. Niveau combat rapproché, rien à dire : C’était un monstre. C’était aussi pour ça que je détestais les meufs plus grandes que moi. D’un chiant… De fait, je puisai dans mes ressources insoupçonnées la force de faire usage du retour à la vie ; si bien que je gagnai un mètre de plus avec le lot de muscles qui allait avec. Je devins moche, mais peu importe…

- « Qu’est-ce… »

Cette fois-ci, ce fut mon meitou qui faillit la transpercer. Sans avoir eu le temps de comprendre, j’avais utilisé l’envergure de ma nouvelle taille pour lui porter un coup d’estoc qu’elle réussit à dévier de sa poitrine. La pointe de ma lame lui arracha quand même une partie de son flanc, ce qui eut pour effet de la foutre dans une rogne pas possible. Résultat ? Un coup latéral bien senti au flanc qui me fit saigner comme jamais, au point que je tombai sur un genou. Satisfaite de ma position d’infériorité, elle leva son bisento dans le but de me fendre le crane, mais fut interrompue par une roquette qui s’écrasa et explosa sur son dos. Sauf que la demi-géante n’en fut pas KO pour autant. L’attaque lui avait gâché ses vêtements et brulé la chair, mais c’était tout. Elle tourna sa tête vers les blattards qui s’en étaient mêlés une fois encore et leur adressa un regard plein de haine. Un laps de temps dont je profitai pour lui porter un coup oblique au torse. Œil pour œil, dent pour dent ! Son sang se mit à jaillir comme un geyser. Mon attaque ne fut pas mortelle, mais assez conséquente pour qu’elle titube et baisse les bras en grognant de douleur et de rage. Elle était assaillie de partout. Mais de colère, la lieutenante couvrit intégralement son corps de fluide et…

- « Crève ! »

Me porta un coup d’estocade.

Son bisento transperça mon abdomen, plus précisément mon muscle droit. Pris de court, je ne pus que lâcher mon arme, les yeux écarquillés. La salope m’avait bien eu. Son visage noirci par le haki était déformé par un amalgame de colère et de joie. De colère parce que j’avais réussi à la blesser sérieusement. De joie parce qu’elle me voyait déjà six pieds sous terre. Alors que je vomissais mon propre sang et que mes forces m’abandonnaient, j’eus un ultime sourire qui fit hausser un sourcil à mon adversaire. Lorsque celle-ci baissa son regard, elle put voir que j’avais réussi à agripper le manche de son bisento avec mes deux mains enrobées de haki. Elle voulut le bouger, l’extirper de ma chair, mais ne put pas. J’avais concentré tout mon jus dans mes mains et je ne lâchais pas prise malgré l’anémie qui pointait le bout de son nez. Pire encore pour elle ! Ma chevelure avait poussé à une vitesse plus que vertigineuse et mes mèches formèrent des tentacules capillaires qui vinrent ligoter ses membres pour la clouer sur place. Enna fut incapable de bouger. Mon sourire ensanglanté et mon regard de prédateur malgré mon état lamentable la fit encore plus rager. Je venais de lui faire un gros coup de pute et elle en avait conscience…

« SALE CHIEN !! LÂCHE-MOI ! LÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂCHE-MOI ! »

Ne restait plus qu’aux blattards d’en finir.

Enfin… S’il ne me trahissait pas…

C’était un gros pari. Mais je n’avais pas d’autres choix que de le tenter.
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