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La violence se savoure mieux entre potes

Il y a pas mal de choses, dans le monde, qui mettent Klara mal à l’aise. Par exemple, dans l’un de ses cauchemars récurrents, elle se retrouve seule sur scène, devant des milliers de spectateurs, à devoir improviser un spectacle de danse. A chaque fois, elle se réveille en sursaut. Et dans la liste de ses pires craintes, se réveiller au beau milieu d’un des endroits les plus crades ayant jamais existé, avec pointés sur elle une demi-douzaine de paires d’yeux globuleux, c’est dans le top trois. Elle ouvre difficilement l’œil, son mal de tête tape contre les parois de son crâne, comme si il voulait s’échapper et s’attaquer à tout ce qui l’entoure. Le bourdonnement qui siffle dans ses oreilles s’estompe petit à petit, en même temps que ses yeux s’habituent à la faible lumière de l’endroit.

« Ca y’est !
– Oooh !
– Elle est encore vivante, regardez, ses yeux s’ouvrent !
– Ben, évidemment qu’elle est encore vivante, elle respire depuis tout à l’heure.
– Tu sais, j’ai déjà vu des gens tellement amochés, qu’ils respiraient encore mais qu’à l’intérieur, ils étaient complètement décédés.
– Oui ! Il paraît qu’un coup de poing, si on y met plein plein d’amour, ça peut envoyer l’âme de quelqu’un valser dans l’hyper-espace !
– Ouais, même qu’après, le corps, c’est plus qu’un gros tas de viande qui respire tout seul.
– Un genre de pilote automatique?
– Oui !
– Et c’est quoi, l’hyper-espace?
– C’est comme l’espace, dans le ciel, mais en encore plus cool.
– Woaw ! »

Finalement, elle préfère le sifflement et les acouphènes. Elle frissonne en croisant le regard de ces types qui la matent depuis tout à l’heure entrain de dormir. Même en essayant très fort, c’est difficile de faire plus flippant. Le petit cagibi, transformé à la hâte en chambre d’hôte, parvient à peine à contenir toute la petite troupe. On y retrouve de tout : des hommes-poissons, un long-bras, et juste des humains louches. Rien qu’en les regardant, on pourrait chopper le tétanos, ou une maladie encore inconnue.

« Qu’est-ce qu’on fait, maintenant?
– Ben, je sais pas moi.
– M’sieur Doppio a dit de le prévenir dès qu’elle se réveille.
– T’es sûr? Il a dit de le prévenir quand le gros chien aura fini sa sieste.
– C’est elle !
– Il est bizarre alors, comme chien.
– En plus, elle bouge pas. Elle nous regarde juste. Elle est cassée vous pensez?
– Peut-être ! Attendez, j’ai une idée. »

Comment est-ce qu’elle s’est retrouvée là, déjà? « Doppio ». Ce nom lui dit quelque chose. Une poiscaille. C’est ça. Elle a combattu avec. Pourquoi, déjà? Elle ferme les yeux pour se concentrer, et pour faire abstraction de ces zigotos. L’arène. Elle a combattu dans l’arène. Et ce type là, cette homme poisson, il a du bien l’aimer, parce qu’il l’a emmené ici, après les combats. Une vive douleur dans le bras la sort de ses pensées. L’un des clochards qui l’observent, un homme-poisson petit et grassouillé, vient de lui planter un bâton dans la peau, en la fixant d’un regard expert. Ignorant la douleur qui lui parcours l’entièreté du corps, Klara s’empare du bout de bois et le lance en plein dans sa poire. Il tombe à la renverse, se relève avec difficulté, et se masse l’arcade, ouverte, avant de lécher le sang sur ses doigts.

« Merci m’dame. »

La chasseuse en profite pour se relever. Derrière le groupe, il y a une banderole tâchée de sang, avec écrit « Bi1venue s e, bon rettablissemengue ».

« Ça va? »

C’est une petite humaine qui lui parle. Toute mince, elle porte juste une salopette rapiécée, et sa peau est couverte de bleus et d’hématomes, que Klara parcourt rapidement du regard.

« Tu aimes mes tatouages? »

Ça suffit. Elle étouffe. Il faut qu’elle sorte d’ici, et surtout qu’elle s’éloigne de ces débiles. Elle se lève, prend appuie contre le mur couvert de rouille pour éviter de tomber, et, une fois sa vision stabilisée, passe la porte grinçante.

« Bienvenue à la Fun Base, m’dame. »

Un entrepôt. Le quartier général de ces fous, c’est un entrepôt désaffectée, sale et à l’abandon. Elle s’en souvient, maintenant. Le type qu’elle recherche, il a rejoint cette sorte de secte, et si quelqu’un peut lui dire où il se trouve, c’est bien le gourou.

« Il est où, ce Doppio? »

Ses cordes vocales sont aussi rouillées que les murs qui l’entourent. Les transformations incessantes, la viande humaine, et la poussière ont visiblement laissés une trace de leur passage.

« Ben, on sait pas, nous. 
– Vous savez pas ou se trouve votre chef?
– Nan ! Il est super mystérieux, c’est pour ça qu’on l’adore. Souvent, il s’en va pendant plusieurs jours, et on sait jamais où il va. Alors on prie jusqu’à son retour. Et après, il fait une super entrée fracassante.
– Vous… Priez?
– Oui ! On se cogne la tête contre des gros blocs de béton jusqu’à ce qu’ils soient tout rouge et que des bouts de cervelles collent dessus. Tu veux venir prier avec nous? 
– Ça ira, je préfère attendre dans mon coin.
– Tu vas pas t’ennuyer?
– Tu peux te transformer en gros chien?
– Je peux te croquer?
– Tu veux faire un concours de coup de boule? Le premier qui meurt a perdu ! »

L’attente risque d’être longue.
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- Aaaah ! M'sieur Doppio ! On vous cherchait partout !
Ne crie pas voyons, j'ai des acouphènes depuis que je suis rentré à la maison.
- Désolé ! Je voulais vous dire que-
Ou plutôt c'est un genre de sifflement. J'ai un moineau dans la tête ! Il me picore la matière grise tout en chantant des conneries...
- La chienne-fille s'est réveillée !
Oh ! Je suis soulagé, j'avais l'impression qu'elle était claquée, ça m'aurait fendu le coeur, on a eu de la chance !

Trop bien, ma copine à poils durs est sur pattes, prête à dévorer les tibias de l'univers. Elle m'a foutu une drôle de frousse à s'évanouir comme ça devant tout le monde on a pas idée de faire ça à de nouveaux amis, j'avais aucune idée de ses antécédents médicaux elle aurait pu nous faire une crise de leucémie ou un sale coup de ce genre. Je lui ai alors fais du bouche à bouche assorti d'un massage cardiaque, Craig Kamina était toubib alors je dois l'être aussi un petit peu. Eh bien non je le suis pas du tout mais c'était tordant d'entendre ses côtes croustiller !

J'ai aussi bu un peu de son hémoglobine pour voir... Tu sais le sang ça raconte des histoires sur les gens... L'âme qui trempe dans le sang l'imprègne forcément de ses arômes... Et ouaaaah le sang de Klara m'a raconté une horrible histoire... Mais attends j'en parlerai plus tard, sois patient...

-Vous faisiez quoi m'sieur Doppio ?
Je réalisais un dessin avec la cervelle collée sur ce mur. C'est un bonhomme qui sourit.
-Oh, vous lui avez fait trois jambes !
Ah non celle du milieu c'est son zizi.
-On croyait tous que vous étiez repartis sillonner les coulisses du néant !

Oh ben dis donc il est con lui... Mignon avec sa petite frimousse bariolée de cicatrices en W qui lui font une sorte de moustache sous le pif... Mais tout con... con comme un âne mais un âne c'est super gentil et intelligent... alors que lui... ben il est juste con...

J'y suis toujours, on sort jamais du néant une fois qu'on a mis un pied dedans, c'est comme un deuxième corps que t'enfiles par-dessus ton corps en viande, façon survet. Le néant c'est un survet. Je l'arbore toujours et en même temps je suis là devant toi, à crever d'envie de caresser tes cicatrices en W et à t'en faire d'autres pour former le mot "WOW !".
- Wow ! Voilà une idée pertinente !

Je plonge une palme dans ma mâchoire et m'arrache un croc qui me servira de pinceau. Le O va pas être évident, les cicatrices circulaires à mains levées c'est un sacré défi !

***

Tu vas bien Klara ? T'as l'air patraque ! Toute pâlote, et puis tu fais de gros yeux en me regardant, tu sais pas quoi dire ça doit être la fatigue et les commotions qui t'ont amputé d'un peu de QI, t'inquiètes pas c'est surcoté ce truc-là. T'as l'air patraque c'est pas seulement parce que tu as poussé ton petit corps mou dans ses limites, c'est aussi parce que tu as une carence de vitamine C, c'est courant sur ces mers. Tu devrais boire plus de jus de fruits.

Je te tends un jus d'orange.

C'est cool que tu sois déjà debout à vadrouiller dans notre chez-nous. Tu as soif de découvertes ! Sitôt levée déjà partie à l'aventure, à la recherche d'un os à ronger. Je t'adore, tu me rappelles moi dans ma jeunesse.
... Je suis pas sûre d'être plus jeune que toi.
Le temps s'écoule différemment pour moi. Un mois est égal à un an... Un an est égal à un siècle... Un siècle est égal à une seconde... Bon allez bois le jus d'orange.

Elle regarde mon pote WOW !. Elle apprécie son nouveau tatouage saignant, je crois. C'est son sourire au coin qui me fait penser ça ! Ou alors c'est du dégoût j'en sais rien, on la lit pas facilement, oh la la quelle mystérieuse jeune femme, à la fois mystérieuse jeune femme et bon chien loyal, ça c'est une combinaison gagnante je te le dis, elle a sa place dans ma collection de gens géniaux.

Tu as écris sur sa gueule ?
Oui !
-M'sieur Doppio transforme nos corps en oeuvres d'art ! On arrive en tant qu'amas de viande moches et cons, on ressort en chefs d'oeuvre post-modernes exotiques et emplis de sens...
Tu aimes la déco de l'entrepôt d'ailleurs, Klara-chan ?
J'avais pas remarqué qu'il y en avait une.
Écoute, promène toi et observe. Je veux ton avis. Il importe beaucoup pour moi ! Réfléchis bien puis donne une note sur 5 à la déco.

Il faut la mettre à l'aise elle est toute crispée c'est n'importe quoi. Mes doppiorangers s'acharnent à te communiquer leur chaleur humaine depuis ton réveil, et regarde toi, t'es crispée on dirait que tu vas faire exploser tes sphincters. Elle est cernée d'amour mais l'invite pas à visiter sa cervelle de caniche. Fais pas ta mijorée dis donc en plus de ta carence en vitamine C, je diagnostique une carence en délire, en gros délire, tu vas devoir prendre des compléments alimentaires, de la saine souffrance directement injectée sous tes poils, et tu vas devoir boire ton jus d'orange aussi !  

Oublie pas de boire ton jus d'orange !

Les doppiomen nous suivent à travers la FUN HOUSE, ils bourdonnent comme un essaim, t'entends tout un tas de commentaires parfois un peu racistes sur les canidés... mais quoiqu'ils peuvent te dire faut pas que tu le prennes mal... Ici on blesse les corps et on répare les esprits, jamais l'inverse...

-Oh ! Eh ! Ça c'est mon sang là, sur le mur là !
-Ah oui je t'avais planté un tesson au sommet du crâne, comme un espèce de chapeau rigolo !
-Et puis c'est aussi dans ce coin-là qu'on avait joué aux chaises musicales tous ensemble avec m'sieur Doppio !
-C'était Fred qui avait gagné ! Il avait aplati m'sieur Doppio ici, là, regarde Klara ! Un os lui était sorti du cul, on a trouvé ça tordant alors on l'a laissé là. Regarde Klara !
-Regarde l'os, Klara !
-Tu vas mordiller l'os du cul de m'sieur Doppio, Klara ?

Je crois que c'est le surplus de private jokes ! Ça empêche Klara de comprendre la portée universelle de ce qu'on bricole ici. Non non on doit construire quelque chose tous ensemble, un monument dans lequel Klara résonnera et dans lequel je résonnerai et dans lequel chaque âme ici présente résonnera pour une éternité voire plus.

-Ici on avait fait une balle aux prisonniers avec des oursins !
-Jamy avait caché des explosifs dans certains oursins mais on savait pas lesquels. C'est là que j'ai perdu ma main t'as vu ? Ensuite on l'a remplacé par un crochet !
Vous avez beaucoup de belles histoires à raconter...

Tu as l'air impatiente, oui. Oui t'es pas ici pour de simples déconnades entre potes.

Tu cherches l'élévation...
En fait, je cherche quelqu'un.
J'ai goûté ton sang tout à l'heure...
Euh, ah ?
Le sang parle à mes papilles... Il est l'ambassadeur des âmes.

Ton sang m'a dit : "j'ai rien pour moi, si ce n'est une forme de clébard cocasse qui régale mes amis tout autant que mes ennemis.
Doppio j'ai besoin de toi, fais moi sortir de ce corps mou, je suis un sang qui rêve d'aventure, un sang qui rêve de s'étaler sur les murs, les murs de ta maison et aussi sur les parois de l'univers.

J'en ai assez de tourner dans ce corps étroit !

Fais moi sortir j'étouffe Doppio, à l'aide au secours, ouille à l'aide aïe ouille"


Bon sur la fin j'interprète.

Mes Clubistes comprennent où je veux en venir ! Ils s'écartent, des sourires radieux éclairent l'intérieur de notre temple ! Cette joie lumineuse met en valeur chaque relief, chaque tâche, chaque trou, chaque cicatrice sur leurs magnifiques visages. Je m'avance d'un pas, Klara recule d'un pas ! C'est mignon on dirait qu'elle a peur, pourtant je souris à m'en claquer les joues, c'est trop mignon, une tempête de mignon, un séisme de mignon, une supernova de mignon, un sursaut gamma de mignon.

Tu devrais boire ce jus d'orange !
Je veux pas... me battre contre toi. Je suis pas assez en forme pour... profiter ?
C'est pas une bagarre. J'ai besoin que d'un seul coup. En un seul coup bien placé, je peux redémarrer ton âme... Tu traverseras une douleur inédite... Un voyage à vitesse supraluminique par-delà l'univers...

Rien de comparable à ce que tu as pu expérimenter jusque là... Une souffrance à la fois terrifiante et hilarante, à la fois brève et éternelle.

Elle gommera aussitôt ton mal de tête et tout tes problèmes !

C'est par ce genre de douleur que j'ai moi-même goûté à l'absolu, il y a longtemps ! Je veux partager cette saveur unique avec toi. Alleeeeez, tu te laisses tenter ?

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« Euh, ben… »

C’est quoi, déjà, cette histoire de sang qui parle? Et puis, ce qu’il raconte, c’est quand même ridicule…

« Ça peut pas attendre?
- Le Fun n’attends pas !
- On parle d’une patate à combien de dorikis, déjà?
- Beaucoup trop pour toi !
- D’accord. J’ai déjà les côtes en bouillie, et j’ai l’impression que t’y es pour quelque chose, c’est pas suffisant?
- Une simple blessure superficielle, ça ne compte pas !
- Après ça, tu m’aides à retrouver le type que je cherches?
- Klarosse Klarosse Klarosse… Je t’offre le Fun, et la quintessence de l’existence, tout ça dans une petite boite emballée avec du papier cadeau en Amour, et toi, tu ne penses qu’à ce « type ». C’est bien triste… Je suis triste maintenant, tu es contente?
- Pas vraiment.
- Elle a rendu triste m’sieur Doppio !
- M’sieur Doppio, j’peux avoir la permission de lui arracher les yeux?
- Oui moi aussi m’sieur ! Mais juste pour rigoler !
- Bande de tarés… Bon. Une patate. Évite les côtes. Dans la gueule, ça me va. Après, tu m’aides, d’accord? »

Après tout, se dit-elle, ça peut pas être si pire. Quand on souffre, c’est signe qu’on vit, non? Elle va juste vivre très très fort. Dit comme ça, l’idée semble presque même attrayante. Et puis il faut bien l’admettre, quand elle n’est ni sur la piste d’un détraqué, ni entrain de se battre à mort contre ce même détraqué, et ben, la vie, c’est plutôt ennuyant pour elle. Et Doppio, l’adjectif « détraqué », il y a moyen que ça lui corresponde à peu près. Il n’est juste pas primé. Et c’est juste pas à mort. En tout cas, pas pour l’instant.

« Bon, ça vient? »

Mieux vaut vite en finir, et après, les inf-. ***. Il est difficile pour un simple narrateur de trouver l’onomatopée correspondante à ce qu’il vient de se passer. Un coup sec, brutal, rapide, puissant, couvert d’une touche d’amour étrange mais bien présente. Nous allons donc opter pour PFCHTOUISHM. Crac. En plein dans la gueule.

Tout les Clubistes s’exclament en cœur. C’est beau. Ça réchauffe même le cœur, pour qui peut entendre. Klara ne fait pas partie de ces chanceux, puisque le coup lui a momentanément ôté la possibilité d’entendre quoi que ce soit. De voir aussi, d’ailleurs. Il lui faut un petit moment pour que sa vision se stabilise à nouveau. C’est donc ça, un coup de poing à sept milles dorikis? Heureusement qu’il a été recouvert du haki de l’amour, sinon, ça aurait bien pu la décapiter. Son nez pisse le sang, et le goût métallique de cette hémoglobine lui picote les papilles gustatives. Elle a l’habitude, en louve, c’est pas grave.

« Bravo Klara-san, mon petit cœur visqueux est a présent rempli de joie ! Une joie immense, presque infinie ! Et toi?
- Ça va, répond-elle en se tenant le nez la tête relevée. Je t’en mettrai bien une aussi, mais je crois bien que je peux pas te toucher, tu vas devenir tout vaseux, et ça me dégoûte un peu.
- Mon marécage n’est qu’un lac de joie et de fun, tu verras on y est bien, mais attention des fois on a pas pieds ! Houla oui, on s’y noie parfois ouille…
- Oui ! S’exclame l’un de ses sous-fifres, une fois, j’suis resté dedans pendant super longtemps !
- Tu y es mort, répond solennellement le Gourou, et puis je t’ai redonné naissance, tu es rené de tes cendres, comme un phénix, mais couvert de sang et de vomis !
- Et un peu de pus aussi.
- Je peux frapper un de tes sbires à la place? Demande simplement Klara en ignorant cette croustillante anecdote.
- Ce ne sont pas des sbires ! Mais oui, tu peux.
- Celui qui voulait m’arracher les yeux?
- C’est moi m’dame ! Vous voulez arracher les miens?
- Un coup dans les parties, ça ira.
- Ouille ouille ouille ! Commence Doppio. Une place de choix, la douleur doit être folle ! Ohlala, il vomit même par terre maintenant… Admire ton œuvre Klara-san, tu peux en être fière ! »

Tout le Club s’extasie. Ça chante même, « Moi ! Moi ! Moi ! ». Un après-midi tout à fait classique pour les habitants de ce magnifique entrepôt couvert de crasse. C’est un peu comme une récréation, mais qui dure toute la vie, au lieu de durer une dizaine de minute. Et puis avec des règles de pieds-ballon un peu différente aussi. Le ballon, c’est souvent la tête d’un clubiste. Klara a même failli oublier son objectif ! Oops. Il va bientôt falloir souffler dans le sifflet et annoncer la fin prématurée de la fête. Si Ravel, le type qu’elle cherche, a bien fait partie du Fun Club a un moment, il ne doit pas être très loin.
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Klara...
Quoi ?

Ils se retournent vers nous. Ils s'attendent à ce que de la lumière jaillissent de ma gorge.

T'as une tâche brune sur le front, on dirait de la merde.
Ah ? Oh...

Par réflexe, les autres Clubistes vérifient tous leurs propres fronts. Eh non amigos, tout ce que je dis n'a pas forcément portée universelle. Parfois une tache de merde sur un front est juste une tache de merde sur un front. Le cerveau qui brûle derrière cette tâche de merde n'a rien à voir avec la tâche de merde elle-même, tu vois le truc ?

J'ai la cervelle imbibée de plaisir, je l'essore pour profiter de son jus. Une après-midi à nous déchirer la gueule dans tous les sens de ce noble terme, Klara a fini par se décoincer comme il se doit... Nous l'avons initié à nos divertissements les plus populaires et la voilà devenue des nôtres, sans aucun doute elle fera une bonne artisan de la souffrance ! Je le vois je le sens, en elle il y a ce "truc", ce """"truc""""" qui pousse les meilleurs à se précipiter du haut de la première falaise venue, et qui pousse les pires à se regrouper ici. Tu es des pires, Klara, tu es des pires et tu as fais le choix de te confier à moi. Ok je vais te sculpter ! Quand j'aurai terminé tu seras l'une de mes plus belles pièces ! Pour commencer on se fera à tous des chaussons en peau de chien ! J'espère qu'il y aura assez de matière je vise toujours trop grand...

Doppio.

Ah. C'est Karla... Karla Marx, ma petite chérie ! Une coquine qui excelle dans la confection de toutes sortes de douleur, le destin l'a placé sur ma route et la voilà collée sous ma chaussure telle un délicieux chewing-gum mentholé.

Karla aime gâcher les fiestas, je crois que ça l'excite, elle est l'eau froide je suis la lave, elle essaye de me percer de son regard mais il ricoche, la voilà qui tire sa gueule de mépris, celle qu'elle utilise pour rappeler à son petit monde qu'il est un dépotoir dont elle est la reine, sauf que eh attention ! C'est au roi qu'elle parle !

Je dois te parler, tout de suite. Ça sera rapide.
Ok ! Je brule d'impatience de t'écouter !
A l'écart.

Des secrets ooh tu deviens aguicheuse Karla, j'espère qu'ils impliqueront une grande quantité d'amour et de haine mélangés. Elle me tire par la manche de mon petit veston, je vous ai déjà parlé de mon veston ? Je l'ai déniché dans une benne un soir de printemps, dans un état quasi neuf, le fumet de son vieux cuir me rappelait les doux après-midi entre potes à shooter dans des carcasses faisandées... Non je plaisante je suis pas assez vieux pour avoir de vrais souvenirs ! Je l'ai trouvé dans une benne un soir et je l'ai plus jamais enlevé depuis... Je crois qu'il a fusionné avec mes écailles.

Karla me tracte dans la salle de conférences de la Fun House. Plein de tabourets, une trentaine de tabourets, rangés en cercle autour d'un immense puits gorgé de boue, de sang caillé et d'excréments. J'adore cette salle, je l'ai pas encore montrée à Klara ! J'adore Klara.

Karla colle son visage au mien, je crois d'abord qu'elle cherche à me lécher mais en fait elle me parle.

Je suis repassée à l'arène cette après-midi, je voulais me renseigner sur cette Klara.
De la Klaralogie ? On en a fait plein ici, tu aurais du rentrer avec nous...
Ce loup pourrait foutre la merde parmi tes agneaux.
Je comprends pas la métaphore, le loup c'est elle et la merde c'est moi ?
Elle joue double jeu, c'est une chasseuse de primes. Elle est intéressée par Ravel, uniquement par lui, pour l'instant. Hors de question qu'on lui livre, je suis d'avis de...
Karla, je crois que tu es jalouse. Mais pour Klara je ne suis rien de plus qu'un meilleur ami gay, tandis que toi tu es ma petite copine hétéro. Deux types de relations très différentes ! Y a pas lieu de piquer une crisette.

Je peux pas dire que je sois très attentif à ses couinements, j'avais été hypé par le secret mais me voici désormais empêtré dans une emmerde profonde... Quel ennui... C'est bien ma veine... Un bon 80% de mon cerveau est en train de s'éteindre, je force le dernier cinquième à maintenir la conversation avec Karla mais... je te mens pas, personne en a rien à foutre... aucun de mes neurones en a quoique ce soit à foutre, ce qu'elle raconte n'a aucun intérêt... Faut que je m'éjecte de cette conversation, elle entraîne en moi un taux de dopamine négatif... On peut en mourir...

Putain, tu comprends ce que ça signifie ? Elle pourrait être dangereuse pour la cohésion du groupe. Si elle fait le lien entre toi et Craig Kamina, ou si elle décide de se servir dans tout ces tocards primés qui te servent de coussins, ça...
Je dois interrompre notre entretien ou je risque d'y passer, tu comprends ?
Quoi ?
Arrête de parler, tu m'ennuies, je sens mon âme partir ! Aïe aïe AÏE REVIENS, petite âme !

Je la pousse dans le puits.
Shplouf ! Ça éclabousse pas beaucoup, c'est normal, t'imagines pas comment ça peut être visqueux cette chiasse-là.

MAIS CONNARD ?! POURQUOI ?
Tu as violé une loi du Fun Club, Karla... Le passé existe pas ici... Le futur non plus... Rien d'autre qu'un présent qui s'attarde...
AIDE MOI A REMONTER ! J'VAIS TE BUTER, ABRUTI !
Le présent est visqueux... comme le contenu de cette pataugeoire sans fond... Tu vas devoir t'en sortir toute seule ! C'est ta sanction. D'accord ? Une petite fessée sur le cul, rien de très sévère, mais c'est important que tu comprennes la...
JE TE JURE QUE JE T'OUVRIRAI LE BIDE JUSTE POUR TE PISSER DANS LA VESSIE !
... leçon.

Bon c'est pas que ça me lasse, le spectacle me régale, tu t'ébats dans mon monde cracra il est devenu ton nouveau chez-toi, et ENFIN tu commences à reconstruire des phrases cohérentes je retrouve ta vivacité d'esprit avec laquelle mon âme résonnait. C'est pas que ça me lasse mais je dois revoir un petit détail ! Avec Klara. Rien de grave, t'inquiètes pas.

PETITE PUTE ! T'ES QU'UNE PUTE !
AH AH ! C'EST CELUI QUI LE DIT QUI L'EST !

Et je me casse en courant en bousculant les tabourets. Echec et mat.

***

... C'était quoi ce bordel ? Vous foutez quoi dans cette salle ?
Ah je te la montrerai plus tard, j'adore cette salle, tu verras. Ecoute. Tu cherches euh... Ravioli.
Ravel.
Tu cherches Ravel ! Je sais pas trop ce que tu veux lui faire... et je m'en fous... S'il est là ce Ravel, c'est qu'il a fait le choix le plus important de sa vie et jamais il le regrettera... On regrette jamais de me prêter son âme, j'y fais super gaffe... Jamais je fais tomber une âme par terre par accident, tu sais ?
Ah... Ça me rassure.
Tu auras Ravel ! Mais lui, il t'aura aussi. Donnant-donnant !
Attends, quoi ?
Une âme pour une âme !
Euh, quoi ? Attends...
Je vais envoyer les doppiosters retrouver Ravel ! Ils vont lui proposer une petite bagarre, toi contre lui ! On va s'éclater un max... Je créerai les conditions pour que ça soit croustillant ! Tout le monde prendra son pied ! Nuit démente en vue, accroche toi à ton slip.
... Un combat à mort ?
On peut jamais trop savoir ! Parfois personne meurt, parfois tout le monde... Mais la Mort c'est nul, c'est qu'un prout décevant. Je préfère que les gens survivent... Comme ça, le Fun continue...

Le Fun s'arrêtera jamais, Klara... Il accélère et maintenant tu es sur sa trajectoire...


Depuis qu'il était revenu à la vie, Doppio ne s'était jamais énervé !
C'était rarissime de le voir ainsi, légèrement tendu, un toouuuut petit peu crispé.
Quand ça arrivait, c'était qu'il était salement en pétard.
Souvent parce qu'un sagouin ou une sagouine avait contrarié ses belles idées...
Heureusement il savait rebondir et imaginait sans cesse des projets toujours plus chouettes !
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Personne ne sait vraiment comment est conçu le quartier général du Fun Club. Il est quasiment certain qu’il s’agisse d’un ancien entrepôt désaffecté, mais le reste n’est que légende et rumeur. L’une de ces rumeurs, par exemple, raconte que l’endroit aurait été construit sur un très ancien cimetière, issu d’une civilisation aujourd’hui oubliée, et fortement portée sur les pratiques occultes, ce qui expliquerait l’état d’esprit des habitants de l’endroit. D’autres pensent que la bâtisse servait autrefois d’asile, et que les esprits des âmes tourmentées par la folie hantent encore les lieux. Ce qui, encore une fois, expliquerait pourquoi les petits êtres ayant trouvé refuge ici sont… comme ils sont.

Pour Fritz, qui ne croit que ce qu’il voit, ce sont de pures inventions. Non, la vérité, elle est ailleurs, et il compte bien mettre la lumière sur cet étrange club. Parole de journaliste. Bien qu’il ne soit plus de la profession depuis des années et des années (depuis qu’il a comprit que la piraterie, plus que les scoops, ça paye pas mal, en fait), Fritz a su conserver une part de son ancien hobby. Plutôt pratique, ce côté fouille-merde, car c’est pour ça qu’on l’a choisi pour ce job. Ce Fun Club, ça jette de l’ombre sur les écuries de l’arène officielle de Dead End. Leurs combattants disparaissent, et pas sous les applaudissements d’une foule assoiffée de sang. On les débauche, on les massacre, et de plus en plus, on ne parle plus de spectacle et de pari, mais de Fun. C’en est trop. La grande silhouette fine, presque malade, de notre journaliste retombe mollement sur le sol humide du sous-sol. Le couloir qui s’étends devant et derrière lui est plongé dans la pénombre, et il n’y voit pas à plus de trois mètres. Il est passé par une sorte de bouche d’égout, camouflée par une grosse caisse en bois, elle-même cachée dans une pièce à l’abandon de l’entrepôt. La Fun Base, en plus de sa bâtisse principale, camoufle un réseau sinueux de sous-sol et de caves, comme une sorte de gros intestin, tout aussi sale et visqueux.

Heureusement pour Fritz, il est lui-même crade et visqueux. Ses sens, en alerte, ne lui servent pas à grand-chose, si ce n’est peut-être son ouïe qui, aiguisée, lui laisse entendre des petits tambours, au loin, qui résonnent faiblement jusqu’à lui. Il renifle un coup, comme un fin limier, mais ne sent que l’odeur de pue, de déjection, avec une pincée de mort. Ca ne l’arrête pas le moins du monde. Serrant son escargo-photographe dans ses mains frêles, il continue de s’avancer pas à pas, s’enfonçant inexorablement dans l’antre du démon.

« Salut. »

Pas un sursaut, rien. Fritz se contente de blêmir, de se retourner lentement vers la provenance de la voix, et d’appuyer sur la coquille de son appareil, qui émet un petit bleep. Un loup, un véritable loup. Fritz a entendu parler des bizarreries du Fun Club, mais ça…

« Tu n’es pas Ravel.
- … Euh, non. Pourquoi?
- Bah. Tant pis. Salut. »

Et juste comme ça, le loup dépasse Fritz, et continue sa route, disparaissant à moitié dans les ténèbres.

« Hey, attends ! Qui es-tu ?
- Klara.
- Klara du Fun Club ?
- Juste Klara.
- Et tu fais quoi ?
- Je cherche quelqu’un. C’est le but du jeu.
- Du jeu ? Attends…

Klara ne l’attend pas. Le museau a ras du sol, elle renifle, cherchant la moindre piste. Mais faut bien admettre que ça daube, ici-bas. Et puis, finalement, elle a quelque chose. Un genre de mix entre le poisson frit, la sueur, et une autre odeur indescriptible, mais plutôt ignoble. En tout cas, ça ressemble à l’étoffe qu’on lui a fait renifler un peu plus tôt, et qui est censée la mener jusqu’à sa cible. Elle accélère l’allure, tourne à gauche, à droite, s’enfonce dans un nouveau corridor, jusqu’à plonger sur un petit être à la chevelure rougeâtre et mi-longue. En le renversant, cette même chevelure s’envole à quelques pas de là et retombe mollement sur le sol.

« Eh oui ! s’exclame le petit être qui n’a rien d’humain, et encore moins de Ravel. C’était une boutade ! Je porte son manteau.
- Fait chier. »

Klara peste, repousse le petite homme poisson contre le mur, un peu trop fort d’ailleurs, et reprends sa route, car à présent, plusieurs autres pistes olfactives emplissent ses narines. Fritz a du mal à la suivre, mais il s’efforce de la rejoindre, après avoir interrogé l’homme-poisson. C’est une sorte de chasse à l’homme. Traquer la cible, puis, visiblement, s’engager dans un féroce combat en arène. « Ca va être trop trop cool », affirme l’homme-poisson. Fritz, c’est le mot « arène » qui le fait tiquer. Il continue sa poursuite de la femme-louve, qui s’est déjà bien trop éloignée de lui.

Il court, dans un tunnel qui n’en fini plus. Il ne remarque pas tout de suite que l’obscurité s’évapore petit à petit, trop concentré à tendre l’oreille, car au loin, ce sont des cris de foule qu’il entend. Une petite lumière blanche l’attends, à plusieurs mètres. Il a l’impression de s’échapper du couloir de la mort, pour enfin atteindre le paradis, ou quelque chose comme ça. Peut-être que là-bas, ça sent moins la bouse…

En fait, non, c’est encore pire.

« OUAAAAAAIS !!! » s’exclame une foule histérique.

Que se passe-t-il? Très simple, Klara a enfin retrouvé la trace de sa cible du jour, et la piste l’a menée droit dans ce petit coin des sous-sol tout à fait charmant, et ré-aménagé en arène de fortune. Au dessus, près des grilles d’évacuation, les gradins. Il n’y a pas de chaises, bien sûr, juste quelques parpaings et des cartons. Au milieu, debout sur une pile de caisses en bois, le Gourou.

« Enfin Klarosse ! Tu as trouvé ton ami ! Bravo. Tu as bien aimé mes petites blagounettes? C’était pour pimenter un peu. Mais ne soit pas trop triste ! Il reste encore plein de jeux ! Là, on fait une petite pause combat, et après on reprend, d’accord? »

Au sol, enfermé entre des grilles qui montent et empêchent les combattants de grimper trop facilement, la cage de l’arène. Au fond de celle-ci, un être grand, élancé, la chevelure rouge-feu qui flotte au vent, bien qu’il n’y a pas vraiment de courant d’air ici.

« Salut, Ravel.
- P’tain, t’as changée, t’es encore plus laide qu’avant !
- Merci.
- Parait que t’as remonté Grand Line juste pour me voir ! C’est vrai?
- Possible.
- T’es vraiment obsédée, tu veux pas me foutre la paix? J’ai passé 20 ans en taule par ta faute, connasse.
- Ca fait même pas dix ans, tocard. Et c’est pas assez. »

En fait, Fritz n’écoute pas. Il n’entend même pas la grille se refermer derrière-lui, faisant du pauvre journaliste-pirate un combattant comme les deux autres. Non, il est juste choqué par ce qu’il voit. C’est horrible, c’est malfaisant, même. Une arène. Non homologuée. Les grands pontes de l’Arène, la véritable, de Dead End vont pas être très content. Imaginez un peu : au lieu de parier dans l’Arène officielle, les gens viennent parier ici. C’est ignoble. Ou même pire : imaginez un instant qu’ils ne parient même pas, et qu’ils ne soient là que pour s’amuser, sans engrosser les bookmakers. Fritz frissonne, et serre son appareil photographique dans ses mains. Clic. Il prend toutes les preuves nécessaires à provoquer la fermeture définitive de cet endroit. Clic Clic Clic. Ces gens n’ont aucune idée de ce qui les attends, et…

PAN.

Fritz s’est jeté au sol en entendant le coup de feu partir. Ce Ravel, là, vient de lancer les hostilités. Il tire, encore et encore, partout, mais surtout sur la louve, qui risque d’avoir du mal à s’approcher de lui, ou même à s’en sortir. Heureusement, il doit recharger. Petit moment de répis.

« Dit, machin.
- Moi? Réponds fébrilement Fritz.
- Tu es un pirate?
- Oui ! Affirme-t-il fièrement.
- Et tu es plutôt méchant, ou pas? »

Alors là, oui ! Sur Dead End, être un pirate, c’est bien entendu une fierté, mais être un sale pirate, vicieux et violent, ça l’est encore plus.

« Bien sûr ! J’ai pillé, j’ai tué, j’ai torturé, j’ai vendu quelques esclaves aussi, euh, j’ai fais quoi d’autre moi déjà… J’ai brûlé quelqu’un, un jour !
- Parfait. »

Il n’en faut pas plus pour rassurer Klara. Au moment ou Ravel finit de recharger, la louve croque directement dans la chair de Fritz, plantant ses crocs dans le bras du pauvre homme ainsi qu’une partie de son buste, et court en direction de son adversaire. Le bouclier de chair et d’os fait suffisamment effet pour protéger la chasseuse de prime des balles pendant un temps, avant qu’elle ne jette ce qui est maintenant rien de plus qu’un cadavre frais en direction de Ravel. Il se baisse, et le corps de Fritz fait un ignoble bruit en s’écrasant tête la première contre la cage de fer.

L’escargophotographe, tombé au milieu de l’arène, tente de ramper vers la sortie.
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Il ne rampe pas loin. Quelques mètres devant lui, un petit paquet de viande gâtée vient s'éclater le museau. C'est Doppio qui, tout excité, a glissé du sommet de ses caisses avant de venir se casser la gueule sur le métal froid. Adorant sentir ses os s'épanouir librement sous sa chair, il n'a pas jugé nécessaire de demander à son logia d'amortir sa chute.

Il se relève ensuite, la gueule ornée d'un sourire mutin. Ses yeux rivés sur Fritz, ce dernier se doute qu'il vit ses dernières minutes, heureusement en très bonne compagnie.

-C'est qui le mec avec l'escargot ? Un ami de m'sieur Doppio ?
-Ça fait partie du show ? J'ai adoré le moment où la chienne l'a croqué, c'était trop inspirant...
-MOI BEN j'ai adoré quand...
-C'est quoi le délire avec l'escargot-photo ?
-Une métaphore peut-être ? C'est une incarnation du voyeurisme, il illustre où nous mène l'attrait de la violence !
-Le voyeurisme nous mène à nous faire croquer par des chiennes géantes.
-Ouais, super.
-OUAIS BEN MOI, j'ai adoré quand il...


Doppio s'approche de Fritz, il a l'air un peu gavé : pas en colère, juste, tu vois, saoulé, façon "oh mince mon car vient de se barrer juste devant moi alors que d'habitude à cette heure-là il est toujours un petit peu en retard de une, deux minutes". Les cars n'existent pas dans cet univers donc tu dois pas comprendre ce que je veux dire.

Eh oui je te tutoie c'est moi Doppio ! J'ai fais semblant d'être un narrateur à la troisième personne depuis le début. Sacré twist. Ne fais pas un AVC de surprise s'il te plaît. Voilà, respire, calme toi. Surveille ta tension, et mange moins de sucre.

Je suis saoulé parce que ce garçon bien curieux chipe la vedette à mes deux superstars. Je m'approche de lui et le réprimande gentiment, en enfonçant un doigt dans son crâne fêlé, ça fait "squik squik". A la façon d'un petit cri de souris... Bizarre.

-P-PITIÉ !
Tu t'accapares le rôle-titre dans ma petite pièce de théâtre amateur sans demander son avis au réalisateur, dont tu contredis toute la démarche artistique... Mes amigos n'ont d'yeux que pour toi, t'es content maintenant ? Vilain, vilain.
-CHUIS QU'UN JOURNALISTE ! J'AI BLESSÉ AUCUN DE TES POTES !
Ah ? T'aurais du.
LAISSE MOI PARTIR J'PARLERAI PAS DE CE QUE J'AI VU, J'VEUX PAS CREV...
Chut !

Je lui pince les lèvres, il se tait. Ses cris écrasaient les chants des flingues et des griffes. Les cris sont des nuisances, ils sont poussés par les profanes endormis incapables d'apprécier l'instant présent. Tu chies dans le gâteau, Fritz. Les gens qui gâchent les bons délires des autres sont les pires, il faudrait tous leur suturer les lèvres avec du barbelé. Mais là, j'ai que mes doigts pour le faire.

Tu vas crever de toute façon, regarde toi tu ressembles plus à rien, ton sang pue la défaite. Perdu pour perdu reste à côté de moi et profite du spectacle ok ? Souris au Fun et souris à la Mort, voilà, je t'accorde une extrême-onction délirante.

Je pose ma palme sur son front pour le bénir. Je dessine aussi un zizi dessus pour rigoler... Oh allez si c'est marrant. Avec toute la sueur et le sang qu'il dégage, on dirait que le zizi fait pipi. J'en peux plus...

Reléguons ce nulos à sa place, il mérite pas autant d'attention et il mérite pas que je le décore avec autant de bon goût. Je crache dessus.

Puis enfin, je me réintéresse aux VRAIS astres de mon système. Klara est restée en mode clébard, évidemment. Pourquoi être un humain quand on peut être un chien ?

Bah mince Ravel ! Klara a gommé la distance, alors il passe un adorable moment au corps à corps. Il compte trop sur ses pan-pan, il a zéro style en bagarre, je lui ai souvent reproché. C'est heureusement un passionné de la douleur, il est dans le top 10 des gars qui savent encaisser ici. Je vois des plaies béantes sur ses bras, sur ses joues, de sales griffures, un délice quand ça devient purulent ça.

Klara, elle, n'a pas eu droit à son minimum de souffrance, je ne crois pas... Elle a bien quelques trous ici et là, mais ces petits impacts n'arrêtent pas un météore décidé à te rentrer dedans... Je la vois motivée à en finir, une cascade de bave aux lèvres. Ça c'est à cause de Fritz, il l'a aidé à s'approcher de Ravel, sans lui elle se serait fait injecter des kilos de plomb dans les veines avant d'atteindre sa proie, elle aurait moins fait la maligne. Vilain Fritz, vilain ! T'es un vilain Fritz ! VILAIN ! T'as vraiment enculé le Fun ce coup-là.

Je me frotte le menton l'air sérieux. Je me retourne vers Fritzy.

Ravel est en mauvaise posture, tout porte à croire qu'il va finir dans le bidon de Klara. Il aurait besoin d'un gros coup de CHANCE pour gagner.

Fritz répond pas. Je lui fais un clin d'oeil.

La CHANCE va-t-elle lui sourire ?

Je me tourne vers mon public, je leur adresse un sourire énorme, et ils comprennent aussitôt, à leur tour ils me sourient.

A peine une dizaine de secondes plus tard, bam ! Les ténèbres. Coupure générale. Obscurité complice.
Soudain une complète cécité générale, suivie d'une hystérie. Des gueuleries et des rires, des applaudissements, et rapidement maintenant des os craquent, je devine par ma simple ouïe l'envol de dents hors de leurs mâchoires, tandis que mon nez me décrit les images dessinées par le sang.

C'est pas tout ! Mes joyeux troubadours se sont munis de tambourins et de violons d'acier, je leur ai demandé de jouer l'Enfer, le son de l'Enfer, et voilà que commence une symphonie de fracas métalliques, et de crissements délicieux. Je forme d'épais bouchons de boue devant mes tympans. Un autre sens éteint.

Mon pif sensible continue de parler à mon cerveau, mon cerveau gonflé veut qu'on le laisse tranquille. Je me bouche le nez ! C'est aussi parce que je sais ce que Jean-Claude, mon charmant cuistot cannibale, prépare en coulisse. Je lui ai demandé un grand bouillon d'intestins nécrosés. Utiliser son pif va bientôt devenir insoutenable ici !

Je n'ai pas besoin d'yeux, ni d'oreilles, ni de nez ! Quand le coeur Sait, les sens deviennent futiles. Ma boue se répand dans l'arène, elle me raconte chaque crevasse, chaque bosse, elle me raconte le métal froid, elle me raconte le sang, elle progresse dans les ténèbres, visqueuse et radieuse. J'ai plus aucun contact avec ce monde si ce n'est par le marais... et le marais cherche avidement Klara.

On est pareils à ce niveau là toi et moi Klara on compte trop sur nos sens, on est de gros assistés... C'est de la connerie tout ça ça nous détourne de la réalité pure qui ne se conçoit que par le Coeur et la Douleur... Prenons exemple sur Ravel... Lui il a déjà du, comme moi, abandonner ses sens, et il a du commencer... à Savoir... Sur ce point là j'avoue que Ravel est un maestro et qu'il me dépasse... Il Sait comme personne, et la douleur le fait Savoir encore plus...
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Bizarrement, être privée de ses sens, c’est pas mal galère. C’est même sacrément casse-couille, en fait. C’est le constat que se fait Klara en tout cas, pendant qu’elle se fait massacrer la gueule à coup de bourre-pifs.

Paf Paf Paf
CRACK

Quelque chose vient de se briser, un nez, une côte, personne ne sait, même pas elle ! Mais ça fait mal, en tout cas. Ça, elle le sait par contre. La douleur irrite tout son être, c’est la seule chose qui soit un tant soit peu clair, en ce moment. Le reste, c’est qu’un genre de flou artistique. Ses pensées, son environnement, même ce connard de Ravel. Le capharnaüm ambiant lui donne envie de se percer les tympans et de plus jamais entendre un tel vacarme, et cette odeur de merde lui donnerait presque envie de gerber. Les cadavres, elle a vachement l’habitude d’en voir, et donc d’en sentir, mais là… Les joyeux membres du Fun Club ont toujours une sorte d’odeur de chiure qui les suit partout, mais là c’est un autre niveau encore. C’est comme si toute la créativité et l’imagination de l’humanité toute entière avait été mise en commun pour créer le pire encens que l’histoire des encens n’ai jamais connu. Comme quoi, l’humain est capable du meilleur comme du pire.

Elle essaie de se ressaisir. Elle voit plus rien, entend plus rien, sens plus rien, mais elle maîtrise encore ses mouvements, ça oui. Alors elle se jette en arrière, même si c’est pour n’avoir qu’une micro-seconde de répit. Le tocard d’en face, il a pas besoin de voir, non non. Il a quelque chose d’autre, quelque chose qu’elle n’a pas. Probablement quelque chose qu’elle n’obtiendra pas maintenant, car la timeline serait bancale, sinon. Alors il lui faut trouver un truc à elle. Une combine.

Hélas ! Pas simple quand on s’en prend plein la gueule. Elle essaie d’esquiver, en prédisant plus ou moins le prochain coup. Après la méga-droite dans les côtes, un uppercut peut-être?

Perdu !

C’est un coup de pied qui vient l’envoyer valser, en plein dans la poitrine, ça lui coupe le souffle. Elle s’écrase contre le mur froid derrière elle. Le froid, elle le sent, c’est bon signe non? Par contre, elle pensait pas être si proche du fond de l’arène, ça c’est un sacré problème. Elle va fuir où, maintenant? Sur les côtés? Elle peut essayer.

Raté, elle s’est pris un croche patte et s’est éclaté sur le sol comme une merde ! Il peut vraiment la voir, ce con? Impossible. C’est bien au-delà des sens. Sans la voir, ni l’entendre, il savait qu’elle allait se jeter sur la gauche. Il l’a senti, mais pas avec le pif, là-dedans, dans la tête. Elle le sait. Ce qu’elle sait pas, par contre, c’est qu’en ce moment il est entrain de se marrer, parce qu’il gagne, il l’écrase même. Elle l’entends pas ricaner, mais elle sent plus les coups, ça la laisse respirer, et penser à la contre-attaque. Déjà, louve ou pas? Elle sait même pas sous quelle forme elle est, là. Son esprit divague dans le noir complet, même son propre corps devient une sorte de vague forme instable dans sa tête. Elle se ressaisit. Au final, elle s’en fout. Elle doit l’attaquer, c’est tout ce qui compte. Même si elle touche pas. Faut tenter quelque chose. Faut comprendre. Lui, il a arrêté de se foutre de sa gueule, et a repris ses assauts. Cette fois, Klara se jette en avant, rien à foutre des droites qui lui arrivent en pleine poire. Elle envoie ses bras vers l’avant, se souvient qu’elle a quitté sa forme de zoan quand il l’a envoyé valsé contre le mur, ça touche pas, ou alors ça effleure. Ravel sait d’où viennent les coups.

Elle privilégie la rapidité, au détriment de la puissance, c’est pas grave ça, c’est pour voir. Il esquive, mais ses mouvements sont pas aussi rapide qu’avant. Il sait où elle va taper, mais peut pas toujours réagir en conséquence. Si seulement elle était plus rapide, et tapait pas à l’aveugle…

Crack. Cette fois, c’est son épaule qui a prit, houla oui ! Elle l’a bien senti ça. Ses yeux lui servent à rien, mais ses nerfs eux travaillent d’arrache-pied pour bien la faire morfler ! Tout ses nerfs crient, en panique : ALERTE, ALERTE, CA VA PAS CA, OUILLE C’EST UNE GROSSE INFORMATION DE DOULEUR CA, FAIS ATTENTION TOUT DE MÊME TON CORPS MORFLE !!!

Elle peut pas réagir à temps, Ravel est trop rapide, elle trop faible sans ses sens. Par contre, elle remarque que son corps, lui, réagit plutôt vite. Un coup dans le bide ? Hop, l’information remonte directement au cerveau, même pas le temps de dire aïe qu’elle se tort de douleur. Elle est peut-être là, la solution, qu’elle se dit. C’est là-dessus qu’il faut se concentrer. Subir un peu, volontairement, sentir la douleur, se l’approprier, l’écouter.

Quand on y pense, c’est même un peu les idées du Fun Club, c’est ça que Doppio lui rabâche à longueur de temps. Gnagna faut suivre la douleur, l’embrasser, lui faire un gros câlin. Alors Klara se décide à faire un bon gros câlin à sa douleur. Ses nerfs chantent, dansent, se tordent, lâche de minuscules impulsions qui remontent jusqu’à la cervelle. Ça vient des jambes, des bras, de la gueule, du crâne, du bide, ça devient de plus en plus nette, tant mieux, car il faut se dépêcher avant qu’elle ne ressemble plus qu’à de la pâtée ! Une côte. Le poing de Ravel s’est enfoncé dedans, d’un coup sec, rapide, haineux.

Elle en profite pour lui chopper le bras. Il s’arrête, surpris. « Elle bouge encore, cette grognasse? » est sûrement ce qu’il se dit à ce moment là, mais on ne peut pas en être sûr, c’est une interprétation. Klara, elle, pense plus à rien. Elle utilise les forces qu’il lui reste pour le projeter au sol. Le bras, elle le tord, elle peut pas entendre le grognement de son adversaire parce que l’orchestre Doppien n’a pas encore fini son spectacle. Elle écrase son pied sur le sol, un peu au hasard, ça fait mouche. Elle continue. Elle piétine ce qu’elle devine être le buste de Ravel au sol. C’est toute sa haine qu’elle met dedans, en maintenant bien le bras, puis tandis qu’elle se pose de tout son poids sur le corps de son adversaire, elle tire ce bras dans le sens où faut surtout pas, sinon CRACK. Et crack il y a.

Il bouge plus trop. Elle sait même pas si elle lui a éclaté le crâne ou pas encore. En tout cas, ce qui est sûre, c’est qu’elle veut s’assurer d’en finir ! Alors ni une ni deux, on reprends une forme un peu laide, avec des crocs, et si Ravel peut bel et bien prévoir ce qui arrive avec son étrange capacité, il doit sûrement se chier un peu dans le slip.
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