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La menace fantôme

En temps normal, mettre pied à terre était un plaisir, une forme de soulagement. Ici, je grinçais des dents, tiraillée de l'intérieur par mes blessures mal cicatrisées, tandis que mes pieds foulaient le sable fin. À d'autres endroits, la plage n'existait pas et les racines des gigantesques mangroves étaient le seul moyen de débarquer ; nous avions choisi de continuer jusqu'à trouver une baie convenable au milieu des enchevêtrements d'arbres aquatiques.

Nous n'avions évidemment aucune idée de quelle direction prendre pour arriver à destination.

« - Angelica, je te laisse le navire. Je vais faire un tour en repérage.

- Je viens aussi. »

Il était rare que Karen se porte volontaire, aussi fus-je surprise aux premiers abords, avant de comprendre : elle était mon sauf-conduit si jamais nous tombions sur des hommes de son frère. Sans elle, les négociations risquaient d'être rapidement écourtées.

« - Parfait. Toi aussi, Judas ? » demandai-je en voyant l'homme se placer dans mon giron.

« - J'ai besoin de me dégourdir les jambes. »

J'opinai du chef. Nous étions donc trois à partir en exploration. Rafaelo semblait décidé à faire bande à part et s'était déjà enfoncé dans la forêt ; je le regardais partir d'un air suspicieux, espérant que sa présence sur l'île ne gênerait pas mes plans.

Nous n'avions que très peu d'informations quant à notre destination, en vérité : Angelica avait été capable de nous sortir ses cours sur la biodiversité locale, mais ce n'était pas ce qui nous intéressait. Amber Frost s'était installé ici après avoir aidé les autochtones à se débarrasser de Maria Manson et placé l'île sous sa protection ; le Malvoulant n'avait pas donné réponse à cela, trop occupé à se remettre de ses conflits avec les pirates d'Armada. Nul ne savait dès lors ce qu'il était advenu de Mangrove Works, ni comment le Yonkou l'occupait. Toutefois, il était certain que si notre homme avait été sur place, il se serait occupé de nous accueillir en personne. Et peut-être qu'il aurait mieux valu que ce soit le cas pour lui, car nous avions l'avantage de la surprise.

« - Restez sur vos gardes, » intimai-je, tandis que nous mettions les pieds dans la jungle.

Usant de l'empathie tous les cent mètres, je m'assurais qu'aucune présence néfaste ne nous prenne à revers. À part l'homme, il n'existait pas réellement de prédateurs pouvant nous donner du fil à retordre. Outre l'humidité et la chaleur ambiante, l'île était un endroit relativement paradisiaque ou du moins agréable à visiter. Alors que nous marchions, j'envisageais même la possibilité d'y installer un commerce pour profiter de la richesse des ressources naturelles. Cette pensée fut suffisante pour me faire perdre ma concentration et laisser une fenêtre de tir à l'ennemi. Celui-ci devait être redoutable car il n'en perdit pas une miette.

« - Halte ! Vous êtes cernés, mettez vos mains là où on peut les voir.

- Bonny ?

- J'ai merdé. »

L'ancienne agente grommela quelque chose dans sa barbe, puis elle fut la première à abdiquer. Judas et moi-même la copièrent sans faire d'histoire : dans mon état, impossible de lutter contre l'ennemi tapi, quand bien même je devinais sa présence désormais. Une poignée d'hommes dans les branches des arbres évidemment. L'un d'entre eux, un grand blond en tunique verte avec un arc, se laissa tomber devant nous pour nous faire la causette.

« - Qui êtes-vous et que venez-vous faire ici ? »

Intéressant, il n'avait aucune idée de nos identités respectives. Pour Judas, normal, mais pour Jones et moi...

« - Nous sommes des pirates, » répondis-je ; aucune raison de mentir là-dessus. « Nous avons accosté non loin et cherchions justement la civilisation pour faire affaires.

Je perçus l'expression de l'archer à travers son masque : c'était le même que celui de Rafaelo, un regard plein de haine et de pulsions meurtrières. Visiblement, il ne portait pas la flibuste dans son cœur, mais s'il avait pu nous tuer, il l'aurait probablement déjà fait. Au lieu de cela, l'inconnu leva deux doigts en l'air, donnant probablement l'ordre à ses hommes de baisser leurs armes.

« - En temps normal, vous seriez déjà morts... Mais notre accord avec Frost nous oblige à faire fi de nos convictions. Nous allons vous guider jusqu'à Abondance. Sachez cependant que nous n'hésiterons pas à vous éliminer au moindre écart.

- Compris. »

Pouce en l'air cette fois-ci. À leur tour, les soldats camouflés quittèrent leurs positions et vinrent nous encercler ; tous portaient le même costume que le porte-parole, il devait s'agir de l'uniforme des gardes forestiers. Ainsi escortés, nous pûmes continuer. D'une certaine façon, la chance nous souriait puisque les autochtones savaient où aller, ce qui raccourcissait considérablement notre trajet et permettait à Karen de rapidement dresser une carte de l'île pour retrouver notre chemin.

Le voyage se fit dans un silence de plomb, parfois interrompu de discussions triviales entre le Lion de North et moi. Les Robins des Marais ne parlaient pas : la seule chose que nous pûmes apprendre d'eux était leur nom, en plus de celui de la seule ville de l'île. Abondance... cela me renvoyait à mes pensées mercantiles et mon désir d'étendre mes activités sous couvert d'anonymat.


Dernière édition par Eleanor Bonny le Dim 13 Juin 2021 - 21:36, édité 1 fois
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Quand on arrive dans ce genre d'île, faut que j'ai la gigote, et que je devrai  bouger vite fait bien fait visiter le coin. J'aurai sûrement pas d'autre occasion de le faire. Je sais pas où on est, mais je sais qu'il y'a de la thunes à se faire, sinon Bonny serait pas là. De toute manière, quand on a pas essayé, on sait pas. Alors je préfère voir par moi même ce que cette île à dans le ventre. Ce fameux Nouveau Monde qui fait tant parler de lui et qui nous allons pouvoir côtoyer m'a tapé dans l'œil. Des trucs qu'on ne verrait pas ailleurs, des merveilles et des malédictions, et surtout des trésors doivent nous attendre dans ces contrées si peu cartographiées. Je me régale d'avance du butin et de l'effet de surprise que nous ferions alors.

Un chant guerrier en tête, j'avance le cœur léger, sans me soucier du chemin, après tout Bonny est un robot avec un système de détection surnaturel. Je sous estime son côté lunatique, et nous voilà dans de beaux draps. Une paire de collants apparaît au loin, et des chausses aussi vertes que la forêt qui nous entoure. Je met les mains dans les poches, car on pointe sur moi de sacré flèches, et surtout par solidarité envers Eleanor, qui n'est plus qu'une épave au demeurant, bien que le pire soit passé, son seuil critique étant depuis longtemps derrière elle. Si l'on engage la bagarre maintenant, il y'a des chances qu'elle y passe, aussi je reste derrière, et ne pipe pas mot quand on me point d'une arme, pour me demander d'avancer. Le ton est plutôt calme, posé, qu'agressif. On a l'impression qu'ils sont blasés, plus que vindicatifs.

- Je parie que ça t'aurais fait plaisir qu'on t'attache, Bonny !
Que je fais en ricanant, passant devant elle, toujours habillé de mon débardeur, et perché sur des gétas. plombées. Et nous quittons l'endroit aussi sec, direction une ville nommé ... Abondance ? Bon, bah ça présage de bons truc vous croyez pas ? Moi ce que j'aimerais en abondance c'est du rhum, des femmes et un brin de musique pour faire glisser l'tout, pas toi Bonny ? Ouai j'ouvre ma gueule c'est vrais, mais j'aime ça. Et puis je suis dans une position tout sauf agréable, donc faut pas s'étonner si ça me fout l'frisson.

J'ai envie de me frotter auprès qui voudra faire le pas, mais je sais que c'est pas raisonnable. Alors on attends, et on voit. On laisse les autres juger du bon moment pour user de ses phalanges. Je souris férocement quand on m'regarde. J'suis au niveau d'un barbare pour eux j'ai l'impression, y'a un mélange de peur et de suffisance dans leur regard, comme si y'avait quelque chose d'animal en moi, qui agitait quelque  chose en eux.

On arrive bientôt en ville ? Que j'lâche au chef de la petite troupe ... J'ai envie de chier, et j'ai pas de papier. Et puis vous avez une si jolie forêt, j'ai pas envie de tout gâcher.
Mais on me réponds encore moins qu'on me regarde dans les yeux. Mire moi cette bande de manouche, qu'ils doivent penser, y'a même un grand musclé qui essaye de communiquer, c'est sûr que ça doit trotter dans leur tête. Pourtant on parle la même langue, mais un coup de tête du plus grand des gars de la forêt, me dissuade d'en demander plus. On arrivera quand on arrivera, soit.

J'continue ma route en sifflotant, ça commence à me gonfler d'être ici. Mais j'ai même pas pris mes chaînes avec moi, donc pas la peine de compter sur quoi que ce soit de spectaculaire ou d'acrobatique dès à présent. Faudrait improviser sur le chemin si l'on devrait se battre aujourd'hui. J'ai toujours quels atouts dans ma manche, pensez pas que j'me ramollis avec le temps, bien au contraire. J'continue de grandir, de monter en puissance.

Il me manque plus qu'une petite marche à franchir, et je côtoierai les sommets. Mangrove n'est qu'une étape sur mon long voyage pour conquérir les livres d'histoires, et entrer dans le club des grands hommes. Et puis si on pouvait s'en mettre plein les poches au passage ...  
    Tout cela n’avait que trop duré. Si tôt les barques mises à la mer, l’assassin avait sauté dans les airs avant de disparaître vers l’horizon de terre dans une traînée fumeuse. Aux orties la promesse de tous les tuer dès que terre serait en vue. De nouvelles résolutions, un plan plus audacieux. Et au sommet, quelque chose que Sweetsong pourrait lui donner : la mort de Mint Basara. Rien de plus, rien de moins. Mais pour cela, encore fallait-il dessiner toutes les étapes de ce futur plan.

    La traînée grise frôla les flots et s’engouffra dans la forêt comme si elle n’avait jamais existé. Il y avait des projets et des informations qu’il devait à tout prix transmettre et vérifier, à commencer par informer Cendre des derniers événements. Pour cela, il lui faudrait se rendre dans le cœur de Mangrove Works. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il devrait faire profil bas s’il voulait éviter de rencontrer une personne inopportune … Tout le monde ne portait pas les assassins révolutionnaires dans leur cœur ici. Quant aux autres forces en exercice ici … il lui faudrait creuser un peu. Pas de cellule révolutionnaire signifiait opérer en aveugle. Comme dans le bon vieux temps, quand il n’était pas le Secret. Son mantra résonnait une myriade d’avertissements à ses oreilles, tout n’était que danger ici.

    Bienvenue sur l’île la plus pourrie du Nouveau-Monde.

    La menace fantôme Mon-macairap-environments03a-fantasshiieeeeee01a

    L’histoire gagna rapidement les habitants de la mangrove, les quelques huttes s’agitèrent, et les verres s’entrechoquèrent. Les gars ramenaient quelque chose. Une prise comme on en avait pas vue depuis longtemps. On n’aurait su dire s’ils l’avaient déjà attrapée ou non, ni de quoi ou qui il s’agissait. C’était un frémissement, car si certains savaient, d’autres se jetaient dans la masse pour profiter de l’engouement. Il se passait enfin quelque chose, quelque chose pour les divertir de la mort et de la crasse. Cet endroit se nommait Abondance, mais tout hurlait son contraire. Que s’était-il donc passé ici depuis la prise de contrôle par Frost ? Des choses terribles.

    Les huttes s’entassaient les unes sur les autres, dans un désordre calculé. Le chaos s’organisait pour coloniser chaque parcelle de vide. La cité semblait instable, opulente. Callipyge, honteuse. Quelque chose de malsain qu’on aurait su définir, au travers des fumées charbonnées et de l’odeur caractéristique de la flibuste. Cité de plaisirs, et de mésaventures. En soi, un endroit déplacé pour une jeune femme aux cheveux cendrés.

    La tenue d’assassin l’avait quitté pour arborer un béret vissé sur son crâne, ses cheveux serrés en un chignon sous son chef. Sa cicatrice était masquée par un cache-œil en cuir auburn. Une grande vareuse venait auréoler sa tenue et révéler ses seins barrés par de nombreuses couches de tissu pour masquer leurs formes. De grandes bottes ceignait ses pieds, surmontées d’un pantalon en lin de mauvaise facture. Ample, rapiécé. Certainement volé. Une mousse en devenir, imperceptible dans cet accoutrement. Il tenait un verre entre ses mains, attendait sagement la suite des événements. Toutes ses tentatives s’étaient avérées infructueuses, il n’avait pas pu établir le moindre contact avec la Révolution, ni avec Ragnar. Cela faisait trop longtemps qu’il était parti de Méga-Rêva, et son infiltration dans les convois lui avait pris trop de temps. Il ne savait pas où en était la coalition pour faire chuter Teach … et traîner sur l’île d’un autre Yonku n’était pas non plus une bonne idée. Tout écart serait vu comme un contrefait diplomatique.

    De plus, Frost était connu pour ses côtés … extrêmes. Au moins avaient-ils une rancœur commune envers le Gouvernement. S’il pouvait détourner cela à son profit, et l’utiliser pour pointer le Yonkou sur une cible unique … Peut-être que Sweetsong trouverait son utilité au final. S’il la livrait au pirate, il pourrait y négocier quelque chose d’intéressant.

    Mais ce n’était pas ce qui le préoccupait pour l’instant. Il avait perçu l’altercation dans la forêt, et quelque chose tiraillait sur ses nerfs. Un mauvais pressentiment. Quelque chose de terrible allait se passer ici, il le pressentait, mais il ne savait pas quoi. La dernière fois qu’il avait eu ce pressentiment … C’était à Jötunheim. Et tous savaient comment cela avait fini …
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    Notre procession arrivait à terme. C'était tant mieux, car Judas avait la bougeotte et j'avais peur qu'il ne décide de voler dans les plumes de notre escorte à tout moment. Eux ne nous accordaient aucune attention... en apparence, car au moindre pas de travers, j'étais certaine que les réactions seraient immédiates. Nous n'étions pas dans le Nouveau Monde pour rien et la dangerosité de cette île sise sur la Voie Agitée se ressentait dans l'atmosphère. Les mangroves étaient silencieux et peut-être y avait-il d'autres endroits sur l'île plus redoutables, en attendant c'était l'humain ici qui était le plus à craindre.

    Je réfléchissais entre temps, essayant de comprendre quelle était la nature de la relation entre les Robins des Mangroves et Frost. Assurément, ils étaient assujettis, mais ils semblaient aussi être autonomes car aucun escargophone n'avait été sorti pour prévenir de la présence d'étrangers dans la forêt. Nous serions peut-être conservés sous bonne garde pendant toute notre vadrouille vers et dans la ville.

    Je savais que cela taperait sur les nerfs du Lion de North, toutefois plus le temps passait et plus j'étais persuadée qu'il y avait une carte à jouer ici. Peut-être n'étions-nous pas obligés de nous conformer au plan initial et pouvions-nous profiter d'atouts supplémentaires pour arriver à un résultat totalement différent. Remettre simplement Sloan n'était pas un gage de sécurité face à un Empereur à qui j'avais déjà volé dans les plumes. Toutefois, j'avais un premier objectif à atteindre avant cela.

    Et il se trouvait à Abondance.

    À la suite de deux bonnes heures de marche, peut-être plus, la cité nous apparut, en partie baignée de ténèbres par le ciel crépusculaire. Creusant le pied d'un gigantesque mangrove, elle ne payait pas de mine et n'avait en réalité d'abondant que le titre.

    « - C'est quoi ce trou ?! » ne put s'empêcher de constater mon camarade.

    Jones et moi-même lui décochâmes un regard meurtrier. Il ne s'agissait pas de se faire des ennemis maintenant et nous ne savions pas à quel point nos gardes-chiourmes étaient susceptibles. Mais ils demeurèrent fidèles à leurs évidentes convictions et ne relevèrent pas la pique.

    « - La nuit ne va pas tarder à tomber. Arrivés en bordure de la ville, nos chemins vont se séparer. Essayez de nous dégoter une chambre, je vous retrouve plus tard ! »

    Un coup d’œil d'une des gardes dans ma direction ; une minette aux yeux bleus transperçant. Ils n'étaient pas sourds, finalement ; je l'alpaguai en me plaçant à son côté :

    « - Je suis venue à la recherche d'un ingénieur du nom de Bosch. Cela vous dit quelque chose ? Et inutile de jouer aux mimes, si vous ne voulez pas me répondre je trouverai par moi-même. Mais je ne pense pas que vous vouliez me voir déambuler librement sur l'île... »

    Touchée. Le regard de la jeune femme bifurqua lentement vers le mien, avant qu'elle ne fasse la moue et se détache du peloton pour en référer à son supérieur. Après une brève discussion, elle finit par revenir à ma hauteur dans la file :

    « - Je vais vous mener jusqu'à sa maison, puis je vous raccompagnerai jusqu'à l'endroit où vos amis ont choisi de passer la nuit.

    - Vous ne comptez vraiment pas nous lâcher d'une semelle ?

    - Non. Trop dangereux. Pour vous comme pour nous. Si jamais... » commença la garde avant de se taire subitement, comprenant qu'elle en avait trop dit.

    Bien, j'avais touché le jackpot, héritant de la pipelette de la bande visiblement. Bosch m'aiderait sûrement à gagner sa confiance ; je comptais sur lui pour me mettre au courant de tout ce qu'elle refusait de me raconter.

    L'homme en question, je l'avais rencontré un an auparavant, lors de mon passage à Nursery. Il avait participé à ma transformation complète en cyborg, avant de disparaître quelques mois après sans prévenir. Les registres du CP9 mentionnaient qu'il avait fuit pour Mangrove Works, si bien qu'on lui avait collé une étiquette de déserteur. Voir que j'étais désormais incapable de maintenir mon corps robotique faisait que j'avais besoin d'éléments comme lui dans mes contacts, peut-être même au sein de mon équipage, sans la garantie qu'il accepte. J'espérais en tout cas qu'il m'aiderait, en dépit de tout ce qu'il s'était passé depuis.

    Les lumières de la ville se rapprochaient désormais, tandis que nous longions un chemin creusé dans une racine morte depuis belle lurette. Après deux ramifications, le groupe se sépara, me laissant seule avec la jeune femme drapée de vert dont le regard me fuyait, peut-être par timidité. Il fallait de tout dans un régiment. Nous regardâmes la délégation s'éloigner avant de poursuivre vers notre propre destination.

    De loin, l'endroit ne payait pas de mine, mais de près on se rendait compte de la taille des édifices et de leur nombre. La cité faisait pratiquement le tour de l'arbre, en vérité gigantesque, et les toits de certaines bâtisses étaient les rues de certaines autres, si bien que les terrasses donnaient au paysage un côté exotique et apaisant. Il régnait dans l'air un mélange d'odeurs : celle de la sève et des aliments frits, probablement des poissons et fruits de mer qui devaient foisonner dans les hauts-fonds. Peut-être avions-nous mal jugé la ville à son apparence...

    Comme souvent, les génies sont des individus solitaires. Dunmer ne dérogeait pas réellement à la règle et avait fait construire sa villa, en vérité une petite maison en pierre taillée et surmontée de tuiles noires, à l'écart de l'agglomération. Nous avançâmes sur le pas de la porte, la jeune femme se postant à mes côtés, stoïque, dos contre la pierre, tandis que je toquais contre le bois.

    Trois coups. Aucune réponse. Trois autres. Il fallait forcer avec les hurluberlus. Trois autres encore.

    « - Oui, oui, c'est bon, c'est bon ! J'arrive... »
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    S'il y'a de la beauté à Abondance, elle se trouve ailleurs que dans ses rues et ses maisons au charme pittoresque et l'allure bancale. A chaque pas, je me demande si je vais pas passer au travers d'un dédale souterrain, dans cette cité à l'allure de gruyère. Tout est taillé à même le bois d'un immense arbre, véritable centre du monde. Plus l'on monte haut et plus on se dirige vers les affres du pouvoir et de la richesse dans cette ville. Il était connu que les hommes puissants déteste qu'on leur chie dessus, aussi se perchent-ils toujours dans le plus haut spot de l'île. Mention spéciale pour les bars d'un seul tenant, avec des tabourets qu'on ne peut déplacer car taillé à même le bois de la mangrove. De choix, on ne nous a laissé que très peu. Ce serait "Le cailloux dans la botte", et pas un autre établissement qui nous accueillerait.

    Les soldats nous encerclent encore tout le long du voyage jusqu'à l'auberge, où le plus haut gradé pénètrera en même temps que nous, par soucis de calme parmi les autochtones. Il faut dire que des gars comme nous, ça en jette. On est des étrangers pure souche, et moi j'suis qu'un égaré loin de chez moi, qui sait pas trop s'il doit juste regarder, ou bien agir et donner un coup de pogne. J'aime l'idée que même les puissants puissent redouter le retour du bâton, le revers de la médaille, les conséquences d'une popularité pareille. C'est simple, une bonne droite dans ta gueule, histoire de te remettre les idées en place, et t'rappeler que le monde est vaste, et qu'il existe encore des couillons dans mon genre. Ca te plait comme idée Frost ?

    J'suppose que dans ton cœur gelé, y'a plus de place pour moi, mais sur ta peau j'pourrais imprimer la marques de mes doigts, et signé Judas d'une franche droite dans ses abattis.

    - Bonjour, trois chambres, et trois formules complètes pour ... heu... Conscient d'être écouté par les soldats, et la faune locale qui s'est arrêté de jacter depuis qu'on a passé la porte, je choisis mes mots, j'essaye d'être malin quoi. Vous moquez pas. Une nuit au moins, nous verrons pour la suite. Que je fais en déposant le montant affiché sur une planche de bois dans le mur à côté de l'aubergiste. J'ai quelques latitudes monétaire, c'est Bonny qui règle l'addition après tout. Je regarde Karen, qui ne croise pas mon regard depuis un moment, comme si elle avait quelques grief contre moi.

    - Il va sans dire que plus vous resterez dans vos chambres, meilleur ce sera. Nous laissons quelques hommes dans les parages, juste au cas où. N'hésitez pas à leur demander pour quoi que ce soit. Ils se feront un plaisir de vous escorter. Fait le gars taiseux depuis taleur, qui a sa langue déliée par le plaisir de plus nous avoir dans les pattes. Il semble soulagé, et se sauve derechef... Je regarde ma comparse, et lui tends les clefs de sa chambre et de celle d'Eleanor.

    Je sais même pas quand elle va revenir. J'fais quoi en attendant, j'demande à un garde chiourme d'me faire le tour de la ville en mode touriste ? J'aime découvrir par moi même les choses, sentir une ville et me coller à elle, histoire de prendre son pouls, d'apprendre à la connaître en me perdant dans ses dédales, et en découvrant ses secrets.

    Karen soutient qu'on doit pas faire de vagues, et laisser le temps à la patronne de se remettre sur pied, avant de lancer quoi que ce soit sur qui que ce soit, ou que ce soit. Moi j'dis que le temps qu'on découvre nos méfaits, ou bien nos aventures, Bonny serait redevenue le monstre qu'elle a toujours été, et qu'on me lâchera la grappe.

    J'ai la désagréable sensation qu'on essaye de m'passer une laisse, alors j'fais comme tout bon cabot, et j'évite de justesse la corde en m'enfuyant dès que possible par la fenêtre de ma chambre. Je descends façon Auditore de la petite bâtisse, qui donne sur une ruelle aveugle que j'suis jusqu'à un labyrinthe sculpté dans le bois, j'suis mon instinct et m'embarque direction les hauteurs, voir s'il y'a pas du cossu par la bas.
      Assise sur un fauteuil, je patientais, une tasse entre les mains. La prothèse dérobée à En marche faisait le boulot, lorsqu'elle ne se déconnectait pas de façon intempestive et me laissait dans une situation cocasse. Le thé s'était à demi-renversé, malgré mes efforts pour le rattraper. La soldate me regardait gravement.

      Mais que faisait Bosch au juste ?

      Nous attendions depuis une bonne dizaine de minutes dans le silence ; le scientifique s'était esquivé après nous avoir ouvert la porte, prétextant la nécessité d'aller chercher des outils. J'espérais juste qu'il ne nous faisait pas faux bond, comme prenaient l'habitude de le faire les traîtres en présence d'un danger. Pourtant, un danger, je n'en étais pas un : j'étais plutôt venue en quête d'aide, en amie. Il savait que j'étais toute autant dans la panade que lui vis à vis du Gouvernement Mondial.

      Comme j'avais le loisir de penser à tout et n'importe quoi, le fil de mes réflexions vint s'attarder un moment sur mes subalternes que j'avais laissés aux bons soins des Robins. J'espérais sincèrement qu'ils n'étaient pas en train de faire des conneries, l'un ou l'autre, car je les soupçonnais d'avoir un caractère trop bien trempé pour se laisser surveiller comme des enfants. Si Judas n'était pas le premier à essayer de se faufiler par un trou de souris pour échapper à leur vigilance, l'espionne le serait... peut-être avec un peu plus de jugeote et de professionnalisme cependant.

      « - Et me voilà ! » revint l'homme, tout sourire, une mallette dans la main et un imbroglio de métal et de verre sur le crâne, probablement pour le diagnostic. « Sachez que normalement mes tarifs sont élevés, mais je ne vous ai pas oubliée, non. Vous faites un peu partie de ma famille, vous êtes un de mes enfants, je ne vous facturerai que les parties à remplacer.

      - À la bonne heure. »

      Je n'avais aucune idée de ce que je devais faire ou ce que le savant fou attendait de moi, je restais donc stoïque pendant qu'il m'auscultait... le visage et la tête essentiellement. Cette partie là se portait bien pourtant ?

      « - Parfait, votre appareil crânien est intact. Par chance, le reste est remplaçable, mais si votre tête avait été touchée, je n'aurais rien pu faire. Le seul matériel qui permettrait de réparer la coque qui renferme votre masse cérébrale se trouve sur Nursery.

      - Bon, dans ce cas si on passait à ce qui est plus problématique ? »

      Mon bras métallique souleva légèrement la tasse pour désigner son contenu qui humidifiait à présent le tapis. Les sourcils de l'homme signifièrent sa consternation en constatant les dommages, avant de se rehausser dans ma direction.

      « - Il va vous aussi vous falloir un autre bras, celui-ci n'est pas compatible. Heureusement, j'ai encore mes entrées à Nursery lorsqu'il s'agit d'obtenir des pièces de rechange. Suivez-moi. »

      Saisissant sa trousse à outil, le scientifique ouvrit la marche jusqu'à une sorte de sas en acier. Celui-ci gardait l'entrée d'un escalier en aval duquel se trouvait une autre pièce, nettement plus éclairée ; ainsi, la maison qui ne payait pas de mine renfermait tout de même une sorte de laboratoire souterrain. Avant de s'engager dans le cœur de la résidence, Bosch fit signe à mon escorte de rester à distance en lui montrant le plat de la main.

      « - Veuillez nous attendre ici.

      - Mais je...

      - Vos obligations vis à vis de ma patiente ne vous permettent pas d'outrepasser le secret médical.

      - Vous ne pouvez p...

      - Si je peux. Mais si cela vous pose problème, je peux toujours en toucher deux mots à Sir Isaac. »

      Un frisson parcourut l'échine de la garde forestière. C'était la première fois que j'entendais ce nom et pourtant il ne semblait pas anodin ; je me promettais de chercher à en savoir plus, même si pour cela il fallait arracher les vers du nez au scientifique. Visiblement refroidie, la jeune femme bâtit en retraite, retournant sagement sur son siège sans nous adresser le moindre regard, tandis que le sas se refermait derrière nous.

      « - Nous voilà tranquilles. J'ai été prévenu de votre arrivée, j'avais déjà tout préparé. »

      De grandes dalles luminescentes déchargeaient leur lumière depuis le plafond. Mon regard se promenait sur la quantité massive d'outils qui jonchaient les murs et les bureaux autour d'un siège central. Dunmer me devançait suffisamment pour arriver avant moi devant l'un de ses espaces de travail et saisir, trier et regrouper des dossiers en pagaille qui le jonchaient. Ceci fait, il me tendit la documentation avant de m'inviter à prendre place.

      « - Voilà un peu de lecture. Asseyez-vous, cela risque de prendre un peu de temps. »

      Feuilletant les feuilles rapidement, je m'exécutai, trouvant bientôt ma silhouette bloquée par les multiples crochets et sangles de la « table d'opération ». De ma chaise furent rapidement retirées les parties confortables en cuir pour ne laisser qu'une armature à laquelle je restais solidement attachée. Visiblement, l'endroit regorgeait de surprises, toutefois je ne cillai pas, même lorsque je me vis pivoter à la verticale : je faisais confiance au vétéran de la Brigade Scientifique, il savait ce qu'il faisait.

      Plongeant mon regard dans les lignes de texte manuscrit, j'apprenais énormément de choses sur l'île et son historique depuis l'arrivée de Frost. Certaines autres informations, que n'importe qui sur l'île aurait jugées sensibles, notamment notre amie restée à l'étage, mais qui étaient pourtant consignées ici, me donnaient des idées sur la suite. De façon générale, lorsqu'une question me venait à l'esprit, je la communiquais à Bosch qui me répondait du tac au tac, malgré la concentration dont il faisait preuve ; petit à petit, je sentais la gêne disparaître et les spasmes diminuer, tandis qu'il réparait les organes endommagés. Après les blessures infligées par Boïna vint le tour du bras à remplacer, bien que même sans cela je me sentais déjà renaître.

      Un claquement satisfaisant, similaire à celui d'un bras démis qu'on replace, m'apporta la confirmation dont j'avais besoin. La sensation artificielle d'avoir à nouveau un membre se prolongea instantanément jusqu'au bout des doigts, parcourant une chair mensongère parfaitement similaire au reste du corps. Tandis que les sangles sautaient une à une, Bosch m'administrait un produit en spray qui recouvrait mes blessures, ne laissant que de légères boursouflures similaires à des cicatrices.

      « - Ils ont vraiment pensé à tout.

      - Heureuse coïncidence liée aux imperfections du produit. C'est le mieux que je puisse faire, » répondit l'ingénieur en rangeant soigneusement ses outils.

      Je lui devinais un côté maniaque compulsif ; c'était comme si j'avais disparu tandis qu'il s'affairait à remettre à sa place chaque chose, dans la position et l'angle de départ. Le carrelage était propre et net ici, l'hygiène de la pièce était dans l'ensemble impeccable contrairement au reste de la maison, probablement une déformation professionnelle datant de Nursery. D'ailleurs, les murs blancs et les néons y faisaient penser étrangement, comme si le scientifique n'avait pas réussi à totalement couper le cordon.

      Une heure s'était écoulée, peut-être plus. Je pouvais sentir d'ici que notre garde-chiourme à l'étage était sur les nerfs, forcée à poireauter et m'escorter partout, respecter les ordres de cet étrange dans les bonnes grâces de Sir Isaac. J'avais ma petite idée sur le nom et le personnage désormais ; les quelques points qui méritaient un éclaircissement avaient été abordés par le médecin qui semblait avoir dépanné plus d'une fois le Robin des Marais.

      Tandis que nous émergions du sous-sol, je réfléchissais à la suite. Mes compagnons s'étaient probablement dispersés et faire un passage à l'auberge serait une perte de temps. Si Bosch pouvait se porter garant pour notre petit groupe...

      « - Ce serait avec plaisir, malheureusement j'ai peur que mes compétences n'aillent pas jusque là. Les Robins des Marais n'ont pas confiance envers les étrangers, notamment les pirates, depuis la prise de pouvoir par Frost. Comme tu as pu le voir, la ville est pratiquement à l'arrêt et le commerce avec le monde extérieur totalement interrompu. »

      Il avait dit cela devant la soldate, répétant un discours que j'avais lu plus tôt dans les dossiers, de sorte à ce que ce soit bien entendu par les trois paires d'oreilles. Car nous n'avions plus rien à faire ici, la garde se posta à l'entrée, attendant impatiemment que notre procession à travers le salon et le vestibule se termine. Je prenais un malin plaisir à la faire attendre, il était vrai, mais ma liberté prenait fin à présent alors que nous dépassions le pas de la porte à nouveau.

      « - Bien, je vais vous escorter jusqu'à l'auberge et prendre congé.

      - Oh, j'ai bien peur que ce ne soit pas aussi simple que cela.

      - Que voulez-vous dire ? »

      J'occultai la question, révélant le poignet de mon bras que Boïna avait laissé indemne et l'escargophone qui y était attaché. Je composai le numéro de ma timonière sans prêter garde aux gros yeux de ma nounou. Il me fallut bien une minute pour établir la connexion.

      « - Karen ? Je viens de finir avec Bosch. Où es-tu ?

      - Je me rapproche de ta position, je devrais être là bientôt.

      - Parfait. Des nouvelles de Judas ?

      - Aucune. Cet énergumène doit sûrement se balader dans la ville comme si de rien n'était. »

      Je soupirai ; un véritable singe celui-là. Probablement le plus imprévisible des hommes sous ma gouverne, une véritable tête brûlée, mais aussi un précieux allié. Il apportait au moins autant d'avantages que d'inconvénients à l'équipage.

      « - Reçu. Espérons qu'il ne fasse pas trop de conneries. »

      J'espérais aussi qu'on puisse le retrouver en chemin. D'un geste précis, je renvoyai le denden miniature à ses songes et repliai ma manche. À côté de moi, l'anonyme demeurait muette, mais je savais qu'elle n'en pensait pas moins. Nous échappions visiblement à la vigilance de ses frères ; ses doutes venaient d'être fondés. Sortant un paquet de cigarettes de ma poche, je m'en grillai une et après un petit temps d'attente, lui décrochai :

      « - Vous en faites pas, on n'est pas des méchants. On est juste venus ici pour traiter avec le Fléau. » Puis réalisant que je ne connaissais même pas l'identité de celle qui me collait aux basques depuis plusieurs heure, je demandai dans un sourire : « Au fait, je ne connais même pas votre nom. Moi c'est Bonny, Eleanor Bonny. »


      Dernière édition par Eleanor Bonny le Mar 13 Juil 2021 - 18:25, édité 3 fois
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      Quelque chose était en train de changer. Une étrange nausée gagnait les sens de l’assassin, à mesure que le temps passait. Il avait profité de son avance sur la petite troupe pour faire le tour de l’île et récolter quelques informations sur le folklore local, s’était mêlé aux uns et aux autres pour se faire passer tantôt pour une gamine, tantôt pour une coureuse. Sa tenue lui donnait la possibilité de se faufiler partout pour jouer à ce jeu qu’il avait réalisé mille fois depuis que son apparence avait changé. Demeurer inconnu avait ses avantages, des avantages que l’un des tueurs les plus réputés au monde avait oublié … Tueur … il détestait ce mot. Judas le lui avait pourtant mis dans la tête, tout comme les milliers de personnes qui conspuaient ce qu’il était. Un mal nécessaire. Nécessaire jusqu’à quand ?

      Retourner à une vie normale n’était plus qu’une douce utopie. Depuis combien d’années n’avait-il pas vu ses enfants ? Son fils et sa fille … Deux années, deux longues années. Il serait un étranger pour eux. Alors il avait cédé, trouvé de quoi les contacter, adressé un message à Céline et prétexta un problème de visio denden pour ne pas, encore une fois, montrer à quel point son visage avait changé. Autant cela ne le préoccupait pas face au monde, autant ses enfants … ses enfants devraient connaître son vrai visage. Il n’était pas simple d’être l’un des membres des DRAGONS. Surtout pour ses proches. L’académie révolutionnaire de Skypeia se portait bien, sa femme et Shaïness formaient efficacement les nouvelles recrues. Bientôt, bientôt il pourrait y retourner.

      Trop de choses à penser, trop d’éléments en tête. Sa famille, la Cause, le monde. La chasse donnée aux révolutionnaires … et son projet dément. Ragnar luttait, de l’autre côté du monde, contre Teach. L’aide révolutionnaire avait été apportée par ses soins, mais l’assassin, lui, n’avait pas encore pris part au combat. Le pourrait-il ? Ses ressources n’étaient pas aussi illimitées qu’il le laissait croire. Quant à ce qu’il se profilait en cet instant … la menace prenait forme, de plus en plus présente. Il sentait qu’il allait bientôt se confronter à un nouveau Yonkou. Mais un Yonkou qui pourrait servir ses intérêts. Ouvrir une brèche, répliquer coup sur coup. Il se gratta le menton, engloutit ce qu’il lui restait de bière. Peut-être que Bonny serait utile, finalement. Oui, ce projet devait de plus en plus palpable à mesure qu’il y réfléchissait. Comment faire d’une pierre deux coups. Il devait provoquer une entrevue avec Frost. Mais c’était plutôt compliqué à exiger lorsqu’on était soi-même le secret le mieux gardé de la Révolution. Un sourire en coin germa sur ses lèvres. Il y avait des informations que même Frost aimerait avoir après tout … un plan se profilait. La première pièce … qui ferait chuter le conseil des cinq étoiles.

      Bien entendu, il devrait en parler à ses pairs, mais il savait déjà que certains d’entre eux nourrissaient la même aspiration. Quant à son Excuse … elle était plus vindicative encore.

      « Salut Judas. » lâcha-t-il lorsque le bonhomme passa devant lui, dans sa tentative de gagner les hauteurs.

      Un sourire amusé se peignit sur les traits de l’assassin lorsqu’il joignit le pas du colosse, dont il atteignait quasiment le menton à présent. Il tira sur ses vêtements, qui le se serraient un peu. Ils ne s’étaient pas vu depuis un petit moment, mais rien ne laissait croire que Judas ait pu être malmené par les locaux.

      « C’est pas par là que trouvera les meilleurs bars, mais peut-être les meilleures bières … J’ai autre chose à te proposer. » murmura-t-il, avant de bifurquer dans une direction.

      Une ruelle un peu plus étroite, un chemin tortueux. Ils grimpèrent quelques marches arborées, se faufilèrent entre diverses cabanes avant d’arriver à une place qui surplombait l’ensemble. Une sorte d’endroit commémoratif, où quelques locaux étaient occupés à fumer une herbe particulièrement odorante. Les deux comparses crevèrent les nuages de fumée pour avancer sur un promontoire qui révélait une grande partie de l’île, et de ses différentes parties.

      « Là, tu as le navire de Sweetsong. »
      pointa du doigt.

      « Ici, c’est où vous avez été appréhendés. » continua-t-il.

      « Alors, dis-moi Judas, à qui appartient ce navire qui mouille tranquillement dissimulé dans la baie ? »


      Il n’avait pas chômé depuis son arrivée et avait identifié les premiers acteurs de son plan. Il n’était pas possible de se tromper : un crâne jaune auréolé tel un soleil, sur fond rouge. Ceci confirmait son pressentiment. Leur arrivée, à Bonny, Judas et lui, sur l’île semblait avoir déclenché une cascade d’événements … pour laquelle l’assassin muselait autant que possible sa propre voix. Qu’il soit découvert avant qu’il ait pu faire ce qu’il voulait serait … problématique. Vu la taille du navire, quelqu'un d'importance était ici. Pas Frost directement, mais un de ses sbires. Et si un navire mouillait ici, sans inquiéter personne, cela voulait-il dire que Sweetsong était en danger ? Assurément. 

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      Quand j'vois cette mangrove à perte de vue, mon instinct de bucheron peut qu'être à l'affut du moindre signe que pourrait lui donner le bois de ses terres, même si ses arbres là, sont plus résistant que la moyenne, ils restent des végétaux, et une bonne taille de temps en temps, ça fait pas de mal à un rosier alors pourquoi pas à cette flore là ? Pour autant, aucun signe ne me viennent, rien, nada, walouh. Il faut dire que j'ai aucune capacité pour lire dans la faune, alors j'vais me contenter de visiter pour le moment, mon poing dans la poche, mais pas loin de sentir le bousin apparaître. Le bousin est un corbeau des tempêtes, l'un de ses annonciateurs de la fin de la tranquillité, et du début des hostilités. Au loin un énorme navire mouille dans une des baie que faisaient les racines en terminant leur croissance dans l'océan du Nouveau Monde.

      Et bien, les choses sérieuses commençaient, mais à voir la tronche du drapeau, ce n'était pas Frost lui même qui venait rendre visite, mais bien l'un de ses seigneurs de guerre, fidèle toutou et suivant de l'empereur des mers, qui était entrain d'accoster.

      - Je vois, ça à commencer alors ... Très bien, je crois qu'il faut que je retourne à l'auberge maintenant, tu m'suis ou tu continues de faire cavalier seul ? Tout aide est bonne à prendre. Après tout, j'en avais encore une, une carte dans la manche, qui me permettrais peut être de faire la différence contre des monstres comme les alliés de Frost, et qui saurait faire pencher la balance de notre coté.

      Je n'suis plus le même, j'ai changé, évolué, j'ai sû me renouveller. Il était temps de tester ma nouvelle puissance à son maximum contre des ennemis qui pouvaient encaisser. Et si j'frappe pas assez fort ? j'frapperai plus fort. Jusqu'à m'en demettre l'epaule et m'en déchirer les muscles, m'en froisser un tendon. Pas d'pitié pour les pirates de peu de foi, j'suis un genre de médium, qui pointe dans la direction de frost ; Vilain bonhomme qui a fait de vilaines choses. Il était temps d'être punis pour ses crimes, que quelqu'un change la donne, et rende à cette île sa propriétaire première  ; Celle du peuple.

      Ca, Rafaelo pouvait l'entendre, et ça, c'était le seul argument que j'avais pour le convaincre de me suivre dans cette aventure.

      - Tu vas pas bouder dans une mangrove en attendant que ça se passe, si ? J'te promet que le spectacle en vaudra la chandelle ! Tu vas enfin voir comment j'ai pris en puissance depuis Goa ! Un gosse, j'vous jure. Une vraie teigne en tout cas, j'lache jamais l'morceau. Devenir plus fort, devenir plus fort. Trimé pour en arriver ou j'en suis. Savoir ce que vaut l'effort et la sueur passée et déversée dans mes activités, dans mes exercices, dans toutes les batailles que j'ai mené, c'est aussi ça, ma force.

      J'suis un vieux briscard, j'apprécie la réussite, mais l'échec fait partie de ma vie, au même titre que la victoire est fruit du hasard parfois, et qu'elle se décide sur le fil de cheveux d'une jeune fille qu'on rencontre au détours d'une rue principale.  L'amour, c'est comme la guerre ; Plus on avance dans le temps, plus on fourbit ses armes. Plus on s'aime, plus on saigne.

      L'amour et la haine, deux faces d'une même pièce.

      Arrivant sur place, Rafaelo nous fait remonter jusqu'à ma chambre sans repasser devant les gardes, toujours à nos portes. En catimini, comme deux jouvenceaux à l'odeur de pimprenelle alléchés, nous nous glissons sous le cordeau de sécurité et nous nous présentons devant la porte de notre partenaire, plus à même de répondre aux questions techniques de mon ami révo.

      - Hey, j'crois que le vent se lève, un navire aux couleurs de Frost arrive ... Elle en dit quoi, la patronne ?  
      Que j'fais en poussant la porte naturellement, sans prêter attention aux détails. Sauf que dans la piaule, y'a plus personne ...

      - Bon bah j'sens j'vais encore me tourner les pouces ... Que 'jfais pour moi même. Pis j'me tourne vers Rafaelo ... J'te paye ma première tournée ?


      Dernière édition par Judas le Mer 14 Juil 2021 - 14:46, édité 1 fois
        « - Tu en dis quoi, Bonny ?

        - Hein ? »

        Nous nous étions écartées des sentiers battus, Abondance dans notre dos. Nous nous étions retrouvées près d'une heure plus tôt et venions de traverser toute la ville pour essayer de retrouver le joyeux luron, faisant le tour des tavernes. Rien. Pourtant j'aurais juré alors que son penchant pour l'alcool nous mettrait sur sa piste...

        « - On fait quoi ? »

        Question rhétorique, Karen savait exactement ce qu'il fallait faire : rallier le camp du Commandant de Frost et lui annoncer notre arrivée. En théorie. En pratique, c'était tout autre chose et je me sentais plus en sécurité avec la présence du mastodonte à mes côtés ; j'espérais cependant qu'en constatant notre absence à l'auberge, il aurait le bon sens de regagner le navire pour nous y attendre. Ou pour que nous l'attendions lui et les autres au point de rendez-vous.

        La soldate se refusait à nous aider ; elle nous escortait tout au plus en conservant le silence, muette. Nous avions confisqué ses affaires par peur qu'elle ne donne l'alerte, sait-on jamais ; elle n'était plus réellement en position de force. La nuit était tombée et les gardes étaient suffisamment espacées pour nous permettre de nous faufiler incognito. Elle avait vite compris que si elle se mettait à beugler, elle y perdrait au change. Je voulais bien être sympa mais il y avait des limites.

        « - Si tu nous disais où trouver ton chef, Blanchette, pour qu'on lui rende visite en chemin, peut-être qu'on aurait pas à jouer la comédie ?

        - Vous refusez de vous plier aux règles de l'île, vous n'aurez rien de ma part, » décrocha la gamine avec véhémence.

        Bien. Alors objectif principal ; sans un laissez-passer humain, hors de question de s'aventurer en milieu hostile. Le berger était nettement moins doux encore que ses brebis, mieux valait ne pas le contrarier. Si je devais avoir des ennuis, je préférais que ce ne soit pas avec les locaux ; au moins le Fléau je pouvais le faire chanter. Et puis il y avait une opportunité sur laquelle je me refusais à cracher.

        Dans les dossiers que m'avait tendus Bosch figuraient des cartes ; j'avais plus ou moins une idée d'où se trouvaient les grands belligérants de Mangrove. Frost avait établi son camp au nord, stratégiquement, et c'était vers là que nous nous rendions. À cette heure, toute rencontre ne pouvait être que fortuite, pourtant mes sens ne tardèrent pas à détecter une anomalie.

        « - Quelque chose vient dans notre direction, peut-être à plus d'un kilomètre de nous. Des hommes, ils sont plusieurs. On dirait une cavalcade, l'un d'entre eux se fait pourchasser...

        - Peut-être des Robins ?

        - Impossible. Nous avons ordre de ne pas nous aventurer au nord de la ville. »

        Des pirates alors. Karen perçut mon expression sur mon visage avant même que je ne dise le moindre mot :

        « - Oublie. On n'a aucune idée de ce dans quoi on s'embarque.

        - C'est pas le plan depuis le début ça ? »

        Je ricanai, avant de saisir sous mon bras mon garde-chiourme et m'élancer vers la battue. Les mangroves défilaient autour de moi à une vitesse prodigieuse ; la jeune femme se retenait de hurler, découvrant pour la première fois les effets du Soru. Karen, quant à elle, me talonnait malgré sa désapprobation.

        On eut bien vite fait d'avaler la distance, retrouvant la lueur familière de torches dans la nuit. Où nous étions, les marécages avaient laissé place à une forêt touffue et les arbres, étroits et nombreux, offraient une bonne planque pour épier ce qu'il se passait. Notre arrivée semblait providentielle : à bout de force, le fuyard s'était écroulé de fatigue sous nos yeux. Coïncidence ou non, Blanchette retrouva ses esprits pile au même moment et l'identifia sans peine :

        « - Dax !

        - L'un des vôtres ?

        - Sûrement vu sa tenue, » remarquai-je tout en réfléchissant à la suite.

        Les adversaire du Robin se rapprochaient à grand pas, tandis qu'il tentait de se relever, cherchant à récupérer son souffle. Mais il avait trop forcé, cela se voyait... il était foutu. Blanchette ne tenait pas en place, tiraillée à la fois par l'envie d'aller secourir son frère d'arme et par la peur qui se lisait sur son visage. Elle ne s'était sûrement encore jamais frottée à des pirates. Ma main se posa sur son épaule, lui faisant comprendre qu'il valait mieux pour elle de rester où elle était.

        À la place, c'était moi qui sortais de l'ombre, tandis que des flambeaux poignaient d'entre les buissons. Trois grands costauds et un gringalet me faisaient face avec des regards ahuris, ne comprenant pas ce que je venais faire là, entre leur proie et eux.

        « - T'es qui toi ?

        - Qui je suis n'a aucune importance. Par contre, je vous conseille de rebrousser chemin sans faire d'histoires. »

        Tout de suite, les éclats de rire ; grand classique. La scène, je l'avais vécue des dizaines de fois et elle se terminait toujours de la même manière. Un conseil : ne jamais sous-estimer les petits teigneux. Il existait une fable à ce sujet d'ailleurs, à propos d'une souris qui aurait réussi à vaincre un éléphant en duel, l'origine de leur peur bleue pour les marsupiaux apparemment.

        Il était évident que les hommes qui nous faisaient face n'étaient pas des individus isolés : sûrement une poignée d'hommes issus de l'équipage du Commandant de Frost que nous cherchions. Leurs vêtements débraillés et leur barbe hirsute, sauf pour le nain qui affichait un visage glabre, hurlaient le mot « pirate ».

        « - T'as du cran, gamine. Quand j'en aurai fini avec lui, je m'occuperai de toi ma jo-

        - Bla. Bla. Bla. On est en 1628, ça serait pas mal de changer de discours. Innover un peu, que diable... on est dans le Nouveau Monde ou sur West Blue là ? »

        Non mais c'était vrai, toujours les menaces de viol pour les femmes, sinon la torture... Pourquoi pas changer et proposer de me faire subir une mort lente et douloureuse tandis que c'était mon protégé qui se faisait violer ? Visiblement, les forbans n'étaient pas d'accord avec mes idées novatrices.

        « - T'as tout gagné, je vais t'étriper la première, » rugit celui à qui j'avais coupé la parole, le plus grand, gros, gras des quatre.

        Une balle de revolver partit aussitôt, sans qu'aucun pistolet n'ait été dégainé. Ni aucun projectile d'ailleurs. L'homme s'effondra raide mort ; je soufflai sur mon index, souriante.

        « - Très bien, vous avez gagné. Si on me demande, je dirai que c'est vous qui avez ouvert les hostilités. De toute façon vous ne serez plus là pour témoigner. »

        Je pouvais le jurer à ce moment : je crus entendre l'un des trois chier dans son froc. Quelques secondes plus tard, ils gisaient tous dans leur sang, dissimulés par les hautes herbes. Seul le plus petit des trois était encore en vie ; je le soulevais au-dessus du sol en m'adressant à lui. C'était lui qui s'était conchié, de l'autre main je me pinçais le nez tout en lui posant les questions les plus élémentaires :

        « - Réponds à mes questions et peut-être que je t'offrirai une mort rapide.

        - P-pitié j-je...

        - Non, non, non. Des réponses à mes questions, rien d'autre. »

        Dans mon dos, je sentis Karen et Blanchette sortir de leur cachette pour assister le Robin. Celui-ci s'était redressé mais restait sur ses gardes, ne sachant ni ce qu'il se passait, ni à quelle sauce il allait être mangé. Heureusement, la vision de sa consœur sortant de nulle part l'occupa suffisamment pour lui passer l'idée de faire quelque chose de stupide.

        « - Combien de vos hommes sont sur l'île ?

        - J...

        - J'ai dit : combien ? » répétai-je en plantant lentement l'extrêmité de mes doigts dans la cage thoracique du bonhomme.

        Des trois, il serait le moins chanceux. Parfois, mieux valait ne pas sortir du lot. La nuit étouffait ses gémissements ; ses joues étaient couvertes de larmes. Pas la moindre once d'empathie ne transpirait de mes traits.

        « - Deux cent-t-taine, p-peut-être plus... p-pit-

        - Nooooon, » le coupais-je à nouveau dans une mimique exagérée, pratiquement. « Étiez-vous au courant de notre présence ?

        - V-v...

        - Tu m'as bien comprise. Eleanor Bonny ; le navire qui mouille dans la crique c'est mon équipage. »

        Le sentiment d'effroi chez ma victime allait en s'aggravant, si bien qu'il peinait à formuler le moindre son à présent. Certaines histoires circulaient à mon sujet, toutes n'étaient pas vraies, mais j'étais souvent dépeinte comme un monstre... À raison, heureusement ou malheureusement.

        J'enfonçai plus profondément mes doigts, espérant faire sortir le minus de sa léthargie, la réaction fut spontanée :

        « - L-le navire d-dans la crique, o-oui ! Le c-commandant... a e-envoyé un équipage en r-repérage. J-je ne sais p-pas plus... »

        C'était amplement suffisant, au-delà de mes espérances même. Je me doutais que notre présence n'était pas passée inaperçue, mais j'avais besoin d'une confirmation. Il me fallait entrer en contact avec Angelica au plus vite pour la prévenir qu'elle aurait de la visite. Si Sloan venait à être capturé, je perdrais un atout certain.

        Je lâchai le pauvre hère sur le sol, lui offrant un espoir de liberté... avant de poser ma botte sur son ventre pour le garder rivé au sol et tendre mon majeur et mon pouce accolés dans sa direction. Un claquement de doigts et il rejoignait ses compères, le front percé d'un trou.

        La situation venait soudainement de s'accélérer. Tout en retournant vers la lumière, auprès des deux Robins et de Jones, je révélai mon escargophone et entrepris de joindre ma Lieutenante... en espérant qu'il ne soit pas déjà trop tard.


        Dernière édition par Eleanor Bonny le Mer 21 Juil 2021 - 10:27, édité 1 fois
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        Soit. Le suivre … Il fallait dire que Sweetsong jouait à merveille le jeu de la séduction : elle semblait désireuse de ne pas froisser l’assassin, tout en faisant tout ce qui était en son pouvoir pour limiter sa propre vulnérabilité. L’indécision de Rafaelo lui permettait de se reconstruire et de faire face. Il fallait qu’il profite de cette situation de faiblesse, afin de prendre l’aval sur son ennemie … mais Judas ne cessait de le convaincre. De tenter de donner une seconde chance à l’ex-directrice du CP 9. L’ennemi de mon ennemi était mon ami … un adage qui n’engageait que ceux qui y croyaient. Alors il haussa tout simplement des épaules, dans sa tenue de dockeuse. Que faire d’autre ? Pas de quoi contacter les siens, bloqué ici … et les couleurs de Frost maintenant ? Bon sang, quelque chose de lourd se tramait. Il fallait qu’il en cause à Sweetsong, qu’il lui tire les vers du nez. Il accepta le premier verre de Judas, l’air un peu ailleurs. Un peu plus grand, au visage un peu plus anguleux. Des racines noires pointaient dans ses cheveux pâles.

        « Merci, Jud’. » fit-il, avec une voix un peu moins frêle.

        Il détestait ça, sentir son mantra s’alarmer, le danger hurler partout. Mais il ne pouvait user de ses dons sans se trahir. Il n’était qu’une femme qui buvait un verre avec un ami … prisonnier. Personne ne l’avait vu dans l’équipage, mais vu sa dégaine, il leur semblait logique que cette fillette soit de l’équipage de Bonny. Alors on les laissa tranquilles … bien qu’ils auraient dû se poser la question de pourquoi une personne de plus s’était jointe à eux. L’avantage des larbins, pas payés à réfléchir mais seulement à obéir.

        « Bon, t’as une idée des plans d’Annabella sur place ? Il y a quelque chose de louche, Judas. Quelque chose qui me dit que tout ça va mal finir. Je déteste ne pas savoir ce que je fais ici … et j’ai de plus en plus l’impression qu’elle a un plan derrière la tête. Elle doit son sursis à toi … mais plus le temps passe, moins elle reste faible. Viendra un moment où elle tentera de s’émanciper … » lui avoua-t-il, avant de boire une gorgée.

        Soudain, l’agitation commença à gagner un peu le bar. Quelque chose remuait autour d’eux, et l’assassin leva un sourcil. Il fit un signe de tête à Judas tandis que les hommes du coin s’échangeaient des chuchotements. Un garde alla parler à un autre, puis un second fit le chemin. On les pointa du doigt puis, l’un d’eux sortit. Rafaelo relâcha son mantra, aussi fin que possible, et perçut une agitation dans les âmes environnantes. Quelque chose qui les perturbait, et qui glissait tel une flaque d’huile sur les esprits. Alors il étendit, encore et encore, sa perception. Jusqu’au navire de Bonny, où l’agitation était à son maximum. Il tenta d’en isoler les voix, d’approfondir sa perception mais le mantra avait ses limites. L’assassin fit signe à Judas de faire silence, d’un doigt, pendant qu’il fermait les yeux. Il prenait le risque que sa voix soit perçue, mais … quelque chose se jouait dans les coulisses. Ah, là. Il la percevait : elle courait. Paniquée ? Non. Il n’aurait su dire. Mais elle se déplaçait vite pour revenir … vers son navire.

        Il ouvrit les yeux.

        « Quelque chose se passe au navire de Bonny. Je ne sais pas ce que c’est … mais beaucoup de personnes convergent là-bas. » affirma-t-il avant de poser sa boisson sur le comptoir.

        Judas n’avait peut-être pas connaissance du mantra ou de ce qu’il permettait de faire, mais il ne fallait pas être sorcier pour comprendre que quelque chose se tramait ici.

        « Et mon matériel est resté à bord, merde … Je sais pas ce qu’il se passe, mais faut que je me tire. Désolé Jud’. » reprit-il de sa voix d’homme.

        L’assassin se leva et marqua un temps d’arrêt. Il observa son ami puis … lui fit signe de le suivre à l’étage. Ils n’étaient pas trop surveillés, il percevait une baisse d’attention chez leurs gardes : ils discutaient entre eux, marquaient une envie de se trouver ailleurs qu’ici assez flagrante. Pas besoin du mantra pour voir ça. Le révolutionnaire laissa un filet de fumée s’échapper à ses pieds et crocheta une table qu’il renversa, un peu plus loin. La boisson se retrouva sur les clients et … les cris commencèrent à monter. Il fit un clin d’œil à Judas puis grimpa en vitesse les marches. Il ne faudrait pas beaucoup de temps avant que leurs garde-chiourmes s’aperçoivent de la supercherie. Une fois en haut, il attrapa le désormais pirate sous le bras et mua le bas de son corps en fumée pour s’échapper de là. Il rasa les toits puis se jeta dans la forêt pour rester caché, et il ne lui fallut pas longtemps, libéré du terrain impraticable qu’était la forêt, pour se rapprocher du navire de Bonny. Là, il relâcha Judas à terre, peu avant la crique, puis entreprit de raser le sol, toujours sous forme fumigène, et de reprendre figure humaine dissimulé dans les fourrés.

        Là, des hommes encerclaient la baie et Angelica se tenait sur le navire, son arme à la main. Elle toisait les intrus, aussi agréable que d’habitude. Aucun coup n’était parti, mais la tension était à son comble. Rafaelo dégaina une dague de son dos, prêt à s’en servir si besoin. Des pirates menaçant des pirates … ce n’était pas si étonnant. Mieux valait ne pas intervenir et attendre de voir ce qui allait se passer. Il profiterait de la première occasion pour aller sécuriser son matériel, hors de question que la présence révolutionnaire soit confirmée ici avant qu’il n’ait pu mettre en place ses pions sur l’île. Car oui, Judas avait raison, il y avait beaucoup à faire pour le peuple ici. Mais encore plus si on ajoutait la variable Frost dans l’équation. Il ne devait révéler sa présence qu’au moment opportun, pour être certain de prendre l’ascendant sur les futures négociations …
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        Je vole. De la fumée opaque autours de moi m'empêche de bien voir l'île de Mangrove Works en entier, mais j'ai un panorama d'enfer, dont même certains locaux ne peuvent profiter. J'suis un privilégié, même si j'tangue tellement et la sensation est si désagréable, que j'ai plus l'impression d'être au supplice. On est au dessus de l'auberge en trois secondes, au dessus de l'île en quelques minutes, tout défile à toute vitesse, plus rapide qu'un train, plus sûr qu'un ballons, plus solide qu'un navire, le mode de transport que j'avais plus ou moins choisis vaut le détours.

        On me dépose là, comme un sac de provision un peu gênant, et l'ami révolutionnaire continue sa route tel une fusée, un véritable ovni ce gaillard.

        Moi aussi j'ai quelques surprises dans la manche, et on parle pas de paquet de carte, ni d'as de pique. J'suis une machine à distribuer les tatanes, déjà, mais j'ai aussi un p'tit truc en plus. Le cœur léger, le pas alerte, j'me dirige vers le navire de Bonny, les mains dans les poches, sifflant comme le ferait tout bon touriste de mon acabit. J'suis sur un air bien connu de North blues, une balade composé par un génie mafieux qui travaillait à la solde de Timuthé, fut une époque.

        Ah, j'sais plus trop si c'était mieux avant, mais en ce moment j'me marre bien alors autant continuer mon bout d'route avec l'Exsangue. Après la mission infiltration dans la coque de fer de la secte En Marche, après les négociations forcées et complexes avec Rafaelo, me tarde de pouvoir taper quelques gredins en bonne et due forme.

        Le nouveau navire qui arrive m'permet d'penser que la pause est finie, que l'entracte est passé, que l'on va pouvoir enfin s'marrer, et passer aux choses sérieuses. Après j'peux m'tromper, j'suis humain. J'ai mes limites, et le mantra n'est pas du tout développé chez moi, ce qui me laisse être le roi des aveugles dans un monde de borgne.

        Notez qu'mon égo est aussi gros qu'moi, et j'mesure plus de deux mètre, et j'pèse près d'un p'tit quintal.

        J'me présent sur le navire, pensant y trouver la pirate au cœur de fer. Femme forte et indépendante ça, on admire, on aime, on craint, on déteste. Elle fait son effet et laisse pas indifférente. Tant qu'on juge c'est qu'on y attribue de l'importance et de l'intérêt, alors faire parler de soi pour une ancienne Cipher Pol, c'est chapeau l'artiste. Elle connait son nouveau métier, la piraterie, et j'me fais pas d'bile pour elle.

        J'me sirote un whisky, pour le goût plus que pour l'alcoolémie, sur le pont du navire tandis que la scène prend place, et que l'chaos prochain s'prépare. Personne n'vient m'parler, personne. Sur la proue, près de la tête du navire, les pieds dans le vide, j'veille.

        Personne viendra gâcher la fête, j'suis la pour m'en assurer. C'mon p'tit coté videur d'auberge, un truc hérité d'mon passé dans une cage, avec du sang, d'la crasse et de la sueur pour seule compagnie. Et des mâles en mal de violence pour seul public.

        Bref, il est temps pour moi d'te laisser, j'ai du pain sur la planche.
          Nous faisions route vers le QG des Robins, à l'Est de l'île, dans le calme. Nulle parole, nul chuchotis ne venaient perturber la marche, tous se doutaient que l'atmosphère était suffisamment de plomb pour ne pas avoir à y ajouter de la tension. Je sentais que les deux gardes forestiers avaient des questions et j'en avais tout autant, mais le discours gagnait à être donné devant le grand manitou en premier.

          Je n'étais qu'un intermédiaire. A ce moment même, mon navire devait riposter à l'attaque d'un ennemi inconnu ; Angelica avait bien reçu le message et nous ne nous étions pas attardées en discussions, elle avait tôt fait de réveiller les hommes endormis et les mettre en ordre de bataille. Lorsque je raccrochai, une ombre s'était posée sur le navire ; Judas et Rafaelo étaient de retour. Aucune raison de s'inquiéter.

          Mes certitudes avaient mené à tout cela : j'étais certaine que les Robins étaient suffisamment en mauvais termes avec les pirates pour ne pas les prévenir de leur présence, mais je ne m'attendais pas à ce que les hommes de Falstaff remarquent notre présence. Là, je m'étais trompée.

          « - Nous y sommes bientôt ? »

          Le feuillage des Mangroves qui nous encadraient avait viré au rose ; des pétales germaient sur les branches et tombaient sur les chemins ou les petits canaux naturels creusés entre les imposantes racines.  Le changement dans le paysage était remarquable, même si je ne comprenais pas pourquoi les Robins avaient tenu à s'installer ici plus qu'ailleurs.

          « - On y est, » nota Dax.

          Velen Dax. Il avait le regard perdu dans le vide, il cherchait quelque chose. Puis il posa sa main sur un tronc d'arbre quelconque et une corde tomba. Étions-nous supposés grimper dans les arbres ? Non. En tirant sur le fil, un pan du décors se retira comme par magie pour dévoiler un monte-charge. Quelque chose me disait que les Robins avaient encore d'autres petits tours dans leur sac et que, sans le savoir, ne venions d'éviter des pièges certainement mortels.

          L'ascenseur était en bois mais fonctionnait de façon mécanique ; un levier suffit à nous propulser vers le haut, gagnant le sommet après quelques dizaines de secondes. Nous pouvions désormais y voir les bâtiments, cabanes perchées ou creusées dans les troncs des mangroves-cerisiers avec probablement toutes sortes d'utilités. Je dénotais la présence d'une taverne et me demandais si la sève des arbres promettait une boisson spéciale. Où que mon regard se perde sur l'île, je voyais des opportunités que Frost n'avait pas su saisir. J'espérais sincèrement que Sir Isaac ferait front à mes côtés pour libérer l'endroit et lui permettre de fleurir.

          Même si la nuit nous berçait depuis plusieurs heures, le camp n'était pas moins actif. Dans le noir, des yeux brillaient tout autour, signe que la vigilance des Robins était de mise, que des sentinelles étaient postées dans les arbres et nous observaient prudemment. Cependant Dax était là ainsi que Blanchette, quelque part heureuse de revenir à bon port, et nous n'étions que deux intruses. Karen ne disait rien, comme à son habitude, bien que plus ataraxique que jamais depuis qu'elle avait compris que j'avais de la suite dans les idées. Elle n'appréciait pas mon geste, elle ne voulait pas de guerre ouverte entre son frère et moi, je le devinais dans son regard et je connaissais sa façon de penser.

          Nos deux amis discutèrent avec les gardes à l'entrée d'un bâtiment plus grand, sis à califourchon sur l'un des troncs les plus épais et les plus haut. Finalement, le droit d'entrer nous fut donner et nous découvrîmes une large salle, similaire à un hall ou bien une pièce de banquet sans bancs ni tables... vide.

          « - De la visite, à cette heure. »

          La porte derrière nous grinça et se ferma. C'était probablement volontaire si le siège en bois aux allures princières n'abritait aucun illustre fessier, l'homme s'était assis sur une chaise en osier à côté de la porte, tel un videur lisant le journal mondial. Encore un de ces phénomènes refusant ses privilèges, sûrement.

          « - Je suis au courant, » coupa Sir Isaac alors que son subalterne était sur le point de faire son rapport.
          « Je sais tout déjà. Tu t'es introduit dans le camp de nos alliés sans ma permission, tu as failli y laisser ta vie et seule l'intervention de cette pirate t'a permis de revenir ici sain et sauf. Je ne te félicite pas, Dax.

          - Tu ne comprends pas ! Tu n'as pas vu ce que j'ai vu. Toi aussi tu te doutais qu'ils étaient liés avec les disparitions, maintenant j'en ai la preuve ! »

          L'homme posa son journal, nous dévoilant son visage. Il ne montrait aucune émotion et surtout pas de la compassion. Mais ce n'était pas non plus le faciès d'un tyran, juste d'un homme amené à faire des choix douloureux.

          « - Et qu'est-ce que ça change ? Crois-tu que je vais risquer la vie de tous les habitants de l'île en en sauvant une poignée ? Je n'ai pas envie que le Fléau revienne régler des comptes. Malheureusement, tout cela est en dehors de notre juridiction. Tu viens de franchir la ligne, Velen. »

          L'intéressé serrait les poings ; la façon dont se parlaient les deux hommes laissait entendre qu'il y avait plus qu'une simple hiérarchie entre eux, ils se respectaient. Et même si Dax semblait être une tête brûlée, il n'en était probablement pas moins un guerrier. Il n'avait pas une expression de lapereau apeuré lorsque nous l'avions sauvé : il ne voulait juste pas avoir du sang sur les mains, car il savait où cela le mènerait. Maintenant il n'avait plus le choix...

          « - Tu le sais. Tu as trahi ton serment en devenant l'ennemi de Falstaff, il connaît ton nom et ton visage. Il te recherche. Mais plutôt que d'affronter le destin, tu t'es allié à une pirate et tu es venu ici. Mais je ne peux accéder à tes souhaits...

          - Tu ne vas rien faire pour délivrer des habitants que tu étais censé protéger ? Tu ne comptes pas te dresser contre l'envahisseur ?

          - Pas comme ça. Avec le temps, nous y parviendrons. Mais risquer l'ire d'un autre empereur ne figure pas parmi mes objectifs. J'en ai déjà eu assez avec Teach. Toutefois, je vais...

          - ...renforcer la garde, envoyer une protection pour les individus les plus isolés ? Tu l'as déjà fait plusieurs fois, regarde où cela nous a menés. »

          Les yeux du Robin percèrent dans l'ombre ; il se redressa de sa chaise et apparut de toute sa hauteur. C'était un homme grand, très grand, aux cheveux blonds à l'allure musculeuse. Dax devait probablement li arriver à hauteur d'épaule. Son regard n'était plus qu'une mince fente.

          « - Qui es-tu pour me dire ce que je dois faire ? »

          Son interlocuteur fit un pas en arrière, machinalement. L'homme débordait d'une aura de puissance qui me laissait moi-même impressionnée. Mais visiblement, la discours avait un double sens. Tendant la main vers son subalterne, Isaac saisir une étoffe frappée du symbole des Robins, cousue sur le vêtement vert de chaque soldat. Il l'arracha, purement et simplement et la jeta par terre.

          Son regard était dur, mais pas seulement. Mon mantra m'indiquait une nature cachée, un lien profond entre les deux hommes qui me permettait de saisir une tristesse de voir partir un ami. Les deux se tenaient comme des piquets, se défiant du regard. J'étais étonnée par la témérité du jeune homme qui pourtant avait été le premier à fuir devant les ennuis ; il paraissait évident à présent que ce n'était pas par peur, sauf peut-être par appréhension de cet instant.

          « - Velen Dax, tu es démis de tes fonction. Merci pour ce que tu as apporté aux Robins des Marais, mais à présent il te faudra poursuivre ton chemin seul. »

          Ton autoritaire mêlé de fierté. Un homme taillé par ses choix qui se tenait devant un autre homme qu'il respectait, car lui agissait en suivant son cœur, sans contraintes. Je savais d'avance que ma requête allait donc rester lettre morte. Lentement, le regard du renégat se détacha de celui de son ancien supérieur et se posa sur la porte vers laquelle il se dirigea d'un pas lourd, ouvrit grandement et fit claquer dans son sillon. Un comportement normal pour un homme qui venait de perdre son rêve d'enfance, même si cela je ne le savais pas encore.

          Et ce ne fut qu'à ce moment là que Sir Isaac sembla noter ma présence :

          « - Eleanor Bonny. Vous n'êtes pas la bienvenue ici, mais puisque vous avez « sauvé » un de mes protégés, j'accepte d'écouter ce que vous avez à dire. Car vous n'êtes pas venue juste pour le raccompagner, je me trompe ? »

          Son visage était lugubre. Cette fois-ci, aux oubliettes la chaise en osier ; l'homme marcha jusqu'à son trône s'y assit tel un Roi. Sa prestance n'était que plus digne, ainsi, soulignant davantage la différence de ton. Mais j'avais vu pire, je souriais en portant ma main à mon sternum, presque maniérée :

          « - En effet. »
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