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海 軍

∆ Feat. Tanuki's People ∆


Habituée depuis quelque temps au climat plus clément d’East Blue, la commandante Ambrosias avait du mal avec la fraîcheur de son île natale. Préférant rester le plus longtemps au chaud dans sa cabine personnelle, la capitaine du Béluga avait laissé la manoeuvre à sa seconde. La lieutenante Ligéia était compétente et supervisée par le sergent-chef Paracchini, son quartier maître et navigateur. Comme elle l’avait prévu, l’accostage se déroula sans encombres. Quittant le confort de ses quartiers, la militaire se rendit sur le ont et ne tarda pas à descendre la coupée. Sur place, le Colonel Felix et une petite troupe de marins avaient décidés de former un comité d'accueil pour leur collègues. Les locaux étaient évidemment au courant des récents faits d’armes de la commandante Ambrosias. Celle qu’ils avaient longtemps connus comme la gentille petite vétérinaire du coin était aujourd’hui célèbre pour avoir capturé le second de l’ex-corsaire Glutonny et avoir causé la mort du membre déchu de l’amirauté Claes Gerritzon. La réalité était cependant bien plus complexe pour l’ancien capitaine des hommes du Houar. Étant membre du Cipher Pol, l’agent d’Isigny n’avait pas eu le droit aux honneurs et son implication, pourtant majeure, avait été passée sous silence. Ambrosias, elle, savait n’avoir été qu’un pion dans l’opération, mais c’était bien à elle qu’étaient revenus les lauriers. Bien qu’elle ne s’en trouve pas digne, elle gardait le silence. Son ancien supérieur sur Tanuki vint lui serrer la main un grand sourire aux lèvres.


« Commandante Ambrosias, c’est un vrai plaisir de vous revoir. Vous avez fait un long trajet depuis votre départ.

- Plaisir partagé, Colonel. Vous me faites honneur, merci.

- Pas besoin d’être aussi humble vous savez. Je sais d’où vous êtes partie et ce que vous avez du surmonter.

- Je dois en réalité beaucoup au Colonel Shoga.

- Oui, c’est ce que j’ai cru comprendre, mais nul besoin de minimiser vos victoires. Je pense pouvoir dire sans me tromper que nous sommes tous fiers de vous ici.

- Merci, Colonel.

- Accepteriez-vous de dîner avec moi ce soir ?

- Avec plaisir.

- Parfait. Ce soir vingt heures ?

- Reçu. »



Saluant son supérieur hiérarchique, Ambrosias et les hommes qui l’accompagnaient rendirent les honneurs aux marins de Tanuki avant que ces derniers ne prennent congé. Une fois le soir venu, elle se rendrait au QG local pendant que ses hommes resteraient à bord. Une fois fois le lendemain venu, la commandante laisserait ses hommes se reposer. Cela faisait longtemps que la jeune femme n’avait pas eu le droit à de bonnes permissions bien méritées. Suite à la mort de Gerritzon, le Commodore Epinondas avait définitivement décidé de mettre la main sur la talentueuse officière qu’il avait déjà remarqué de loin au Cimetière d’épaves. Généreux, le militaire avait décidé de donner un peu de répit à ses futurs subordonnés avant qu’ils n’entrent à son service. En tant que capitaine du Béluga, le choix de l’endroit où partir se ressourcer était revenu à Ambrosias qui avait décidé de faire voile vers Tanuki. Retourner chez elle n’était pas une chose si facile, le souvenir de sa mère y étant bien plus fort que partout ailleurs, mais elle souhaitait y investir son capital pour mener à bien un projet qui lui tenait à coeur. certes, ses hommes ne s’amuseraient pas beaucoup, mais au moins ils auraient un peu de calme et de paix. Cigarette au bec, Dario s’approcha de sa supérieure.


« Tanuki, hein ?

- Quoi ?

- Qu’est-ce qu’on fait ici franchement ?

- Ça me regarde.

- Oh, sois pas grognon comme ça.

- Arrête de me tutoyer, je te l’ai déjà dis plusieurs fois.

- Bien, bien, Commandante. Et du coup ?

- Profitez des permissions qu’on vous offre, c’est tout.

- Je finirai bien par le savoir, tôt ou tard. »



Ne prenant pas la peine de répondre, la jeune femme s’éloigna du navire, laissant à sa seconde les rennes de l’équipage. Allumant un cigare, elle grimaça quand une brise fraîche vint lui caresser les joues. Le froid avait tendance à rendre ses brûlures douloureuses, ce qui n’était jamais très agréable. N’ayant plus qu’un idée en tête, la militaire quitta le port et entra dans les terres en direction de la demeure familiale. Bien que sa mère ne soit plus de ce monde, elle la sentait partout ici. Le coeur lourd, elle avançait lentement sur les chemins étriqués de l’île. Sur son passage, les moutons la regardaient en continuant de mâcher de l’herbe, les cloches de leurs cous teintant légèrement en fonction de leurs mouvements. Le calme de l’endroit lui rappelait son enfance, mais tout lui hurlait ce qu’elle avait perdu ici. Même s’il elle essayait de ne pas y penser, Tanuki était pour elle synonyme de souffrance. Physique d’abord avec son corps mutilé, et mentale avec le décès de sa mère. Arrivée à destination, la militaire s’arrêta sur place et soupira longuement. La maison faisait peine à voir. Elle n’avait jamais été bien plus que la demeure d’une famille d’éleveurs, mais depuis qu’elle n’était plus occupée, elle manquait cruellement d’entretien.


« Heureusement que tu n’es plus là pour voir ça. »


Sortant timidement la clé de sa poche, Ambrosias approcha de la porte et la tourna dans la serrure. Pénétrant chez elle, une odeur de renfermé ne manqua pas de venir lui chatouiller les narines. Personne n’était plus venu ici depuis son départ de Tanuki quelques mois auparavant. Une légère couche de poussière recouvrait l’ensemble du mobilier tandis que quelques toiles d'araignée assez impressionnantes se trouvaient au plafond. Avançant sans but, la commandante fit quelques pas en faisan grincer le plancher. Le silence de la bâtisse était uniquement brisé par le bruit du vent qui venait se heurter contre ses murs. Seule, la femme laissa ses émotions prendre le dessus et s’autoriser à pleurer. Inondant ses joues de larmes, elle alla s’assoir sur une chaise en posant son cigare. Restant là en silence pendant plus d‘une heure, comme en pèlerinage, Ambrosias ferma finalement les yeux en posant son front contre la table.


« Hé ! »


Relevant la tête en hâte, la militaire regarda autour d’elle pour définir l’origine de l’invective qu’elle venait d’entendre. Ne voyant rien par les fenêtres, elle s’essuya longuement les yeux avant d’ouvrir la porte. Quelle ne fut pas sa surprise de tomber face à face avec une jeune adolescente aux cheveux bruns. Plissant les yeux un instant, elle ne mit pas longtemps à la reconnaitre.


« Marie ? Qu’est-ce que tu fais ici ? »


La nouvelle venue n’était autre que sa petite-cousine, fille de Fred Lagniel, son cousin qui tenait un restaurant sur le port. Jeune et débordante d’énergie, elle trépignait presque sur place tant elle semblait heureuse de croiser la militaire.


« Ambrosias ! Je suis si contente de te revoir. Combien de temps tu vas rester à Tanuki ? Tu fais quoi ici ? T’as combattu des pirates récemment et...

- Du calme, une question à la fois.

- On ne t’a pas vu depuis des mois, qu’est-ce que tu viens faire à Tanuki ?

- Veiller sur un projet qui me tient à coeur.

- Rapport au chantier du vieux village de Bonchamp ?

- Comment tu sais une chose pareille ?

- C’est pas si grand que ça Tanuki, tout le monde sait tout sur tout le monde. Tu fais quoi là bas ? On a vu plein de monde se rendre sur place, des gens d’un peu partout.

- C’est un peu long à expliquer.

- Je veux savoir, dis moi tout ! »



S’arrêtant quelques instants, la jeune femme blonde observa sa cousine en détail. Sa curiosité maladive était légendaire au sein de la famille et elle savait qu’elle ne se débarrasserait pas facilement d’elle.


« D’accord, entre. Je vais te raconter, mais occupe toi de nous faire un peu de thé.

- Bien sûr ! »



Sautillant sur place, l’adolescente emboita le pas à son ainée avant de refermer la porte derrière elle. Une fois les boissons préparées avec ce qui restait dans les placards, les deux femmes prirent place et la commandante se confia. Son projet était de créer un réseau de cliniques vétérinaires à travers le monde. Quand elle travaillait encore dans le domaine, elle avait souvent déploré le fait qu’il n’existe pas de grands centres permettant, comme pour les humains, de centraliser plusieurs spécialités spécifiques au même endroit. Des hôpitaux pour animaux en quelque sorte. Bien qu’elle soit toujours docteur, Ambrosias n’avait plus le temps de gérer une chose pareille, mais elle avait les fonds pour subventionner un tel projet, et c’était exactement ce qu’elle souhaitait faire. Après avoir contacté le seigneur de Mistoltin par escargophone, elle avait pu lui racheter quelques terres au centre de l’île, non loin d’une rivière, là où se trouvait le village aujourd’hui inhabité de Bonchamp. Aidée par Althias à distance, les travaux avaient déjà commencé depuis quelques temps grâce à l’argent qu’elle envoyai régulièrement sur Tanuki. Quand l’endroit avait commencé à prendre forme, le noble s’était servi de ses contacts sur les blues pour rendre une fois encore service à la militaire en démarchant divers spécialistes en médecins vétérinaires. En leur offrant quelques avantages et un salaire particulièrement décent de la part d’Ambrosias, il avait été en mesure de recruter six docteurs, ce qui serait amplement suffisant pour faire tourner la clinique. Un comptable local accepta quant à lui de s’occuper de la gestion financière des lieux. Si l’entreprise appartiendrait effectivement à Ambrosias, elle n’en assurerait donc pas ni la gestion ni la sécurité. Ce dernier point posait d’ailleurs problème, car elle n’avait toujours pas décidé si elle devait protéger l’endroit ou non. La garnison locale semblait suffisante, mais son expérience passée avec le pirate Mizukawa Sutero l’inquiétait. Reposant sa tasse de thé avec fracas, Marie se leva en trombe.


« Je peux m’en charger !

- Pardon ?

- Je défendrai ta clinique, fais moi confiance.

- Tu es adorable, c’est vraiment gentil de ta part, mais tu n’es encore qu’une jeune fille, ce n’est pas un métier pour toi.

- Quoi ?! C’est faux ! Je sais me battre, mieux que presque tout le monde ici. Y’a que le colonel qui m’arrive à la cheville.

- Parce qu’il t’arrive de l’affronter ?

- Bien sûr, toutes les semaines ! C’est mon ami, il dit que je suis douée. »



Ambrosias avait quelques doutes à ce sujet. Menue comme elle était, sa cousine ne semblait pas très impressionnante. D’un autre côté, la militaire elle-même n’avait rien d’une grande pugiliste. Outre cela, elle doutait que ce soit une très bonne idée.


« Tes parents me tueraient si j’acceptais une telle chose. Ils portent de grands espoirs sur toi.

- Je sais bien... C’est juste que... Je veux pas tenir un restaurant moi plus tard.

- Tu veux t’engager dans la Marine, c’est ça ?

- Quoi ? Non pas du tout, je veux être vétérinaire comme toi avant !

- Vétérinaire ?

- Oui, c’est ça ! Mes parents ne veulent pas me payer des études pour le devenir, mais si je reste aux côtés des gens de la clinique, j’apprendrai à leurs côtés, c’est certain.

- Hum. Je ne sais pas.

- Allez dis oui, dis oui, dis oui !

- Du calme. »



Prise de court, la militaire ne savait pas trop quoi faire des informations données par se petite-cousine. Son ancienne profession l’avait comblée de bonheur et aujourd’hui encore elle lui apportait beaucoup, elle comprenait donc l’envie de Marie de le devenir. D’un autre côté, lui laisser les rennes de la sécurité de l’endroit entre les mains n’était peut-être pas une très bonne idée. Après tout, que valait-elle vraiment ? Fronçant les sourcils, Ambrosias détailla l’adolescente.


« Dehors, on va voir ce que tu vaut vraiment.

- C’est vrai ? Génial ! Tu seras pas déçue crois moi.

- Moins de bla bla, en avant. »



Comme elle était déjà debout, la jeune fille se lança à pleine vitesse vers la porte qu’elle passa sans la refermer. Se relevant plus lentement avec un sourire amusé, la commandante lui emboita le pas avant de refermer la porte derrière elle.



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Les cheveux flottant dans le vent, Ambrosias alluma le cigare qu’elle venait de porter à ses lèvres devant sa cousine dépitée. Il était évident que la militaire ne prenait pas réellement la jeune fille au sérieux. Gardant son épée dans son fourreau, elle lui fit un signe de la main pour lui dire de commencer. Se mettant d’emblée en position de combat, Marie parvint à surprendre son ainée. Elle se plaçait bien, légèrement de biais et faisait attention à sa garde. Expirant un épais nuage de fumée, la vétérinaire comprit qu’elle ne mentait pas, elle savait se battre, cela ne faisait aucun doute, restait cependant à mesure l’étendue de ses capacités. Immobile, la commandante plissa les yeux quand sa cousine approcha pour tenter un jab du gauche rapidement suivi par un direct du droit. L’enchainement était classique mais pas dénué d’efficacité. De plus, Marie était plus rapide que ne l’avait d’abord pensé la militaire. Reculant d’un pas pour esquiver un uppercut qui venait conclure l’enchainement, Ambrosias prit son cigare entre ses doigts.


« Pas mal du tout. Où as-tu appris à te battre ?

- Au QG, avec les marins. Felix me donnait souvent des cours quand je venais le voir.

- Je vois. »



La jeune femme savait que le colonel était quelqu’un de sympathique, mais pas qu’il était du genre à donner des leçons gratuites à une civil. Soit il cherchait à passer le temps, soit il voulait la recruter à terme, difficile à dire. Énergique, l’adolescente revint à la charge, obligeant finalement son ainée à contrer quelques coups. Elle se déplaçait bien et savait frapper, mais que valait son jeu de jambe ? Tournant autour de la jeune fille, la commandante l’obligea à alterner les mouvements à droite et à gauche, ce qu’elle n’avait aucun mal à faire. Frappant légèrement en contre-attaque par moments, Ambrosias vit qu’elle savait contrer et maintenir sa garde haute. Après cinq minutes, Marie transpirait déjà à grosses gouttes et sa respiration devenait de plus en plus rapide.


« Tu sais manier une épée ?

- Un peu, oui.

- Voyons voir ça. »



Dégainant son meitou Coeur d’Acier, la vétérinaire le plaça entre les mains de sa petite-cousine tandis qu’elle prenait pour elle un simple poignard. En temps normal, une dague n’aurait rien pu faire contre une telle lame, mais la différence de niveau était telle qu’Ambrosias ne risquait pas grand chose. Plutôt que de rester attentiste, la militaire prit l’initiative et malmena réellement l’adolescente. Elle l’acculait de plus en plus, poussant ses limites de plus en plus loin. Voyant qu’elle tenait malgré tout assez bien, elle passa sa garda, la désarma et lui érafla légèrement la joue avec sa lame. Voyant son sang couler, Marie paniqua et trébucha en arrière.


« Aie !

- On continue ! »



aniquée, l’adolescente chercha à fuir en arrière tandis que la militaire lui fonçait dessus. Ses mouvements devenaient plus faciles à prévoir et ses capacités diminuaient à mesure que montait son stress. De plus en plus terrifiée, elle ne se battait plus qu’avec l’énergie du désespoir, jusqu’à ce que finalement Ambrosias ne l’envoie au sol d’un coup dans le plexus. Pendant que la jeune fille se tordait de douleur en cherchant son souffle, son ainée alla chercher son arme et le rangea dans son fourreau. Impassible, la militaire remit son cigare entre ses lèvres avant d’aider la jeune fille à se relever.


« Tu es douée. »


Retrouvant lentement de l’air dans les poumons, l’adolescente regardait sa cousine avec un mélange de colère et d’incompréhension.


« Je... Je pensais qu’on devait juste s’entrainer !

- Non, je voulais tester tes limites et voir si tu avais réellement le niveau pour la tâche que tu te proposes d’accomplir. Te ménager ne m’aurait par permis de le savoir.

- T’es complètement folle !

- Ne le prend pas comme ça. Se battre n’est pas un passe-temps, si tu affrontes une personne déterminée, elle pourra chercher ta mort. Dans la vraie vie, on ne s’arrête pas à une fois que l’autre est au tapis. Les pirates se moquent de donner ou non la mort. Tu comprends ?

- Mais... Je voulais juste aider !

- Je sais. De ce que j’ai vu, je pense que tu en as la force, du moins physiquement, mais je ne pense pas que tu sois prête. Rentre chez toi. »



Tournant les talons, la militaire alla fermer la porte de la maison familliale à clé avant de s’en aller sans rien dire, son cigare continuant de fumer en laissant une trainée derrière elle. Ambrosias savait qu’elle avait été dure avec sa jeune cousine, mais assurer la sécurité d’un endroit dans un monde pareil n’était pas une chose à prendre à la légère. Elle avait le niveau pour le faire, mais elle était encore si jeune, si inexpérimentée et puis elle faisait partie de sa famille. Lui faire courir des risques ne lui plaisait pas du tout.


De retour au port, elle passa une partie de la journée à bord à remplir quelques formulaires et rédiger quelques comptes-rendus. Snick en profita pour lui raconter quelques histoires qu’elle avait déjà entendu plusieurs fois, mais elle ne releva pas. Le rat avait horreur qu’on lui dise qu’il radote. Les heures passèrent et la nuit tomba lentement. Passant une écharpe autour de son cou, la jeune femme se rendit au QG de Tanuki vingt minutes avant l’heure de son rendez-vous avec le colonel Felix. Les marins locaux, qu’elle connaissait fort bien, la saluaient sur son passage. Arrivant à l’entrée de la base, elle écrasa son cigare et passa les portes. L’endroit n’était finalement pas si différent d’Orange Town. Il fallait dire que la Marine avait la fâcheuse tendance de copier les choses à l'identique quand elles fonctionnaient bien. Pour recevoir Ambrosias, le colonel avait décidé de faire dresser la table dans une salle plus petite que celle prévue pour les réceptions. Quatre personnes, peut-être cinq auraient pu y manger, mais guère plus. Plutôt que de voir des marins les servir durant tout le repas, Citizen préféra que tout soit mis sur la table et qu’ils se débrouillent ensemble, chose que la commandante apprécia également. Après de longues minutes à parler de tout et de rien, les deux militaires en vinrent à s’intéresser à la jeune Lagniel.



« Vous l’avez vraiment passée à tabac ?

- Plus ou moins, oui.

- Ambrosias...

- La ménager n’aurait pas été lui rendre service.

- Vous avez toujours été efficace, mais vous êtes parfois trop dure. Ce n’est qu’une jeune fille.

- Justement, si je lui confie la sécurité de la clinique elle risque de se retrouver en danger.

- Vous faites allusion à l’attaque de 1623 ? »



Même après toutes ces années, Ambrosias n’aimait pas parler de l’incident Sutero. Cet odieux pirate était la cause de grands traumatismes chez elle qu’elle ne parvenait toujours pas à surmonter. En plus de la mutiler, il l’avait rendu aigrie, froide et dure. Marquant un temps d’arrêt, la commandante se contenta de hocher la tête.


« Je n’étais pas là, vous le savez bien, je n’ai pas vécu l’attaque, mais rien n’est jamais plus arrivé depuis mon affectation sur Tanuki. Je veille sur l’île et je ne laisserai rien ni personne s’en prendre à mes administrés. Marie n’aura rien à craindre à Bonchamp. Vous devriez lui laisser une chance.

- Et si malgré tout quelqu’un arrivait à passer votre surveillance ?

- Alors elle serait en danger, à Bonchamp ou chez ses parents, cela ne changerait rien j’en ai peur.

- Peut-être. »



Soucieuse, Ambrosias ne fut pas de très bonne compagnie pour le reste du repas. Une heure plus tard les deux militaires se quittèrent et la jeune femme passa la nuit à bord du Béluga. Seule avec ses pensées, elle pesa longuement le pour et le contre. Le dilemme que lui posait la chose n’était vraiment pas simple à résoudre. S’endormant tard à cause de ses idées noires, l’amie des animaux ne dormit pas très bien.



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Le lendemain, tôt dans l’après-midi, Ambrosias quitta de nouveau le port pour s’enfoncer dans les terres. Bien que native de Tanuki, elle n’était presque jamais allée à Bonchamp. L’endroit ayant été abandonné peu avant sa naissance, il servait surtout de repaire hanté pour les enfants. Du moins jusqu’à récemment. Grâce aux fonds débloqués par la militaire, de nombreux ouvriers supervisés par Althias s’étaient mis au travail pour redorer le blason du village. Suivant le cours de la rivière Jouenne qui se jetait dans la mer non loin du port, la commandante avait marché un long moment sur les sentiers parfois escarpés de l’île. Comme toujours, de nombreux moutons de différentes espèces l’avaient regardé passer sans cesser de brouter de l’herbe. Le vent était bien plus frais que le jour précédent mais la jeune femme était fort heureusement habillée pour l’occasion. Pour une native de Tanuki, il était important d’étudier le climat tous les jours pour décider de la meilleure tenue à porter. Arrivant finalement à destination, Ambrosias s’étonna de voir l’avancée des travaux. La dernière fois qu’elle était venue à Bonchamp, il devait y avoir plus de quinze ans, l’endroit était désert et la plupart des bâtissent tenaient à peine debout. Aujourd’hui, tout était différent. Quelques peintres continuaient d’étoffer la façade de quelques bâtiments et deux échafaudages étaient encore sur place, mais dans l’ensemble, l’endroit avait littéralement fait peau neuve. Tout était propre, joliment décoré et bien agencé. Bien au courant de l’arrivée imminente de la militaire, le seigneur de Mistoltin était déjà sur place. Bien apprêté, il fit signe à la grande brûlée quand elle entra dans son champ de vision.


« Commandante ! Je suis fort aise de vous revoir.

- Lord Althias. »



Toujours très amoureuse de cet homme qu’elle connaissait si peu mais qui avait déjà tant fait pour elle, la militaire ne savait toujours pas comment se comporter en sa présence. par habitude, et certainement pour se protéger, elle restait farouchement cachée derrière un bouclier d’impassibilité et de professionnalisme.


« Vous avez fait bon voyage depuis la route de tous les périls ?

- Plutôt, oui.

- Bien, bien, très bien. Pas mal n’est-ce pas ? »

Se tournant à quatre vingt dix degrés sur sa droite, il désigna le village de l’index avec une fierté non feinte. Il fallait bien reconnaitre que c’était du très bon travail, surtout en sachant d’où l’on partait.

« Impressionnant, en effet.

- Vos fonds ont été bien utilisé, comme vous pouvez le constater aisément.

- Je n’avais pas le moindre doute à ce sujet.

- Content de vous l’entendre dire. Suivez-moi, je vais vous faire visiter. »



Suivant le noble comme son ombre, Ambrosias approcha du village. L’endroit était méconnaissable. Là où il y avait précédemment des habitations, des fermes ou des granges, on trouvait à présent plusieurs bâtiments servant de cliniques pour les différents spécialistes ou d’entrepôts pour le matériel médical. Faisant le tour du propriétaire, la commandante fit la connaissance des vétérinaires qui travailleraient dorénavant pour elle, ainsi que du comptable qui prendrait soin de ses intérêts. Ils avaient tous l’air professionnels et compétents. Une fois encore, la jeune femme faisait confiance au noble. S’il les lui avait recommandé, ce n’était pas pour rien. Durant toute une heure, la propriétaire inspecta les bâtiments, les pièces qu’ils contenaient et le matériel mis à disposition. Tout était véritablement parfait et à la pointe de ce qui se pouvait se faire dans le domaine. Jamais elle n’avait eu autant de moyens quand elle travaillait dans cette branche. Terminant leur visite par le bureau du gestionnaire, Ambrosias et Althias y prirent place.


« Incroyable. C’est bien plus que ce que je n’osais espérer.

- Comme vous dites. Nous n’avons pas chômé. Enfin, les ouvriers tout du moins.

- Ne minimisez pas votre implication, je n’aurai jamais réussi à accomplir tout cela sans vous.

- Pour tout vous dire, ça m’a fait plaisir, et puis j’aime me trouver des occupations pour tromper l’ennui.

- Merci, sincèrement. »



Offrant un franc sourire à la commandante, le noble s’enfonça un peu plus dans son siège. Quand Ambrosias lui proposa un des ses cigares, il y réfléchit quelques secondes avant d’accepter. Bien vite, la pièce commença à s’enfumer, pour le plus grand plaisir de la militaire.


« J’ai reçu un appel du Colonel Felix ce matin.

- À quel propos ?

- Une dénommée Marie Lagniel, votre cousine si j’ai bien tout compris.

- Hum. Il n’avait pas à faire ça.

- Je pense que vous devriez accepter. Citizen est compétent, la clinique ne risque rien.

- Ce n’est pas aussi simple que ça.

- Je sais bien, mais voyez les choses de manière plus pragmatique. Aucune attaque n’a plus touchée Tanuki depuis cinq longues années. Nous avons un colonel compétent et toute une division pour nous protéger. Les richesses locales font peine à voir en comparaison d’autres îles plus grandes de la région. Et de toute façon nous n’avons trouvé personne pour assurer la sécurité des lieux. Je doute même que ce soit réellement nécessaire.

- S’il lui arrive quoi que ce soit, je ne pourrai pas me le pardonner.

- Vous lui rendriez pourtant service en acceptant. Elle pourra prendre des cours pour devenir elle-même vétérinaire, et rien ne vous empêchera plus tard de la remplacer.

- Je sais tout ça, je le sais bien, c’est juste plus facile à dire qu’à faire.

- Vous me faites confiance ? »



Tapotant son cigare entre ses doigts, la jeune femme plongea son regard azur dans celui du noble. Il lui rendit la pareille avec insistance et une immense confiance en ce qu’il disait.


« Oui.

- Alors la chose est entendue. »



Pour seule réponse, la grande brulée hocha lentement la tête de bas en haut. Malgré le fait qu’elle soit poussée à accepter par son ancien colonel et son être aimé, elle doutait toujours. Comment pouvait-elle être sûre de faire le bon choix ? Et si quelqu’un attaquait l’île en son absence ? Toutes ces questions lui polluaient l’esprit et elle avait bien du mal à ne pas y penser. Faisant mine de rien, elle termina son cigare puis quitta la pièce avant de prendre congé d’Althias. Elle avait vu ce qu’elle voulait voir. Tout était parfait, du moins sur le papier. Il ne restait plus qu’à donner un dernier coup de balai et la clinique serait lancée.



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Accoudée au comptoir, Ambrosias avala une rasade d’eau fraîche entre deux cuillères de son potage aux herbes. Cela lui faisait une drôle d’impression de venir manger chez son cousin et ne pas prendre un bol de son fameux ragoût. Ceci étant, depuis qu’elle avait acquis la faculté de parler avec les animaux, il lui était tout aussi impossible de les manger  que de leur faire du mal. Si elle n’était pas dans le prosélytisme, elle se tenait de rester droite et fidèle à ses idéaux malgré tout. L’air désabusée, la jeune femme regardait dans le vide. La conversation qu’elle venait d’avoir avec le père de Marie ne s’était pas exactement bien passée. L’homme n’aimait pas du tout l’ingérence de sa cousine dans ses affaires de famille et s’il ne lui avait pas encore demandé de quitter l’établissement, cela relevait autant de la chance que de sa grande politesse. La soupe à la grimace était de mise, aussi la commandante décida qu’elle ne prendrait pas de dessert sur place. Laissant quelques billets à sa place, elle s’en alla sans un mot sous les regards curieux de quelques clients.


Dehors, une légère bruine arrosait l’île et la jeune femme tremblota sur place en remettant son écharpe en place. Le temps n’étant pas idéal à la consommation du tabac, elle décida de faire l’impasse sur ce petit plaisir. Revenant lentement vers le Béluga, elle tomba nez à nez avec sa petite-cousine. L’adolescente portait un épais manteau rembourré de fourrure et un pansement sur sa joue ne manqua pas de rappeler à Ambrosias leur combat non si lointain. Posant la main sur le manche de son meitou, la blonde s’arrêta sans rien dire. Marie souriait bêtement tant elle était heureuse.



« Merci ! » dit-elle simplement avant de se lancer vers son ainée.


Les bras grand ouverts, elle enlaça la militaire, ce qui ne manqua pas de la surprendre. Plus petite que la vétérinaire, la jeune fille lui arrivait au niveau de la poitrine. Assez mal à l’aise face à cette démonstration d’affection, Ambrosias ne répondit rien et se contenta finalement de poser une main maladroite dans le dos de sa cousine. Après un instant qui lui sembla durer une éternité, Marie s’écarta.



« Je sais que mes parents t’en veulent, mais je ne te décevrai pas. Promis, juré !

- Il n’est pas question de décevoir ou non. L’important c’est que tu restes saine et sauve.

- Oui, bien sûr.

- Je me moque de l’argent, si à l'avenir vous veniez à être directement menacés par des gens trop dangereux, donne leur ce qu’ils veulent. Ne te bats que si tu n’as absolument aucun autre choix, c’est bien clair ?

- Ça l’est.

- Je ne rigole pas, Marie, ne t’avises pas de me mentir ou de prendre la chose à la légère.

- C’est promis, je ferai attention à moi.

- Bien. Tu veux visiter le Béluga ?

- Carrément ! »



Laissant échapper un rictus fugace, la militaire tourna les talons pour passer la coupée en compagnie de l’adolescente. Elle espérait sincèrement que rien n’arriverait, que personne ne s’en prendrait à Tanuki. Il y avait peu de chances que cela arrive, et quand bien même, si un tel malheur venait à se reproduire, elle comptait sur la présence d’esprit de Marie pour ne pas se faire tuer bêtement. Elle avait toute la vie devant elle, la perdre bêtement ne servirait à rien. Si elle devait choisir, Ambrosias préférait perdre toute sa fortune que sa petite-cousine. Tâchant au mieux de faire taire ses inquiétudes, elle entama le tour du propriétaire tandis que Snick pointait naturellement le bout de son nez pour pouvoir commérer comme il aimait tant le faire.



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