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Chasseur de primes, ma foi, un métier sérieux

Parfois, Alegsis travaillait ses dossiers avant de s'essayer à peinturlurer le tout venant de son Colors Trap. Et il les travaillait rigoureusement, d’ailleurs. Ces fois-là, cependant, coïncidaient généralement avec les grognements plaintifs d’un estomac bien mal contenté par les vaches maigres.
Les journaux en étaient pourtant pleins, de ces histoires de chasseurs de primes richissimes. La propagande du Gouvernement Mondial, après tout, devait encourager à ce qu’on assainisse les mers des malotrus de diverses obédiences. La vérité toutefois, au-delà de l’encre sur le papier, avait quant à elle quelques tristes accents marmiteux à énoncer.

Qu’il fut brigand de ces eaux ou exaltés de la révolte, le primé, il ne se jetait tout seul dans les menottes. Aussi, entre deux primes ravies à l’envolée par celui qui, de la chasse à l'homme, en vivait, les émoluments se faisaient parcimonieux. Des canailles labellisées par le Gouvernement Mondial, cela faisait une paye qu'Alegs n’en avait pas raflées. De là, le berry se faisait rare et les victuailles plus encore. Ses dernières bombances ? Alegsis les devait à quelques pêches de fortunes, le cul vissé sur son pédalo. À lui, les journaux ne lui dédieraient pas d’articles à sensation ; il donnait comme une mauvaise image de la profession. Tout impécunieux pouvait-il être cependant, sa misère tutoyait celle du gros de ses confrères. Chasseur de primes, c’était un vrai métier ; encore fallait-il s’y être échaudé suffisamment afin de s’en rendre expert.
Les journaux, encore eux, disaient bien que le 70 % des traqueurs abandonnaient l’affaire dans leur première année d’activité. Alegs, toutefois, ne lisait pas les journaux. D’abord car son alphabétisme l’en prévenait et, d’autre part, car il n’en avait pas les moyens.

Du fait qu'il fallait bien bouffer et que le pédalo était de moins en moins étanche, l’Épavien en chasse s’était alors essayé – chose rare – à un effort de réflexion préalable avant de se désigner une proie. À essayer de mordre le gros gibier plus d’une fois, il avait manqué d’y perdre des dents ; quant aux butins comptant parmi les plus abordables, on s’écharpait habituellement à raison quinze vautours pour déterminer qui raflerait la prime. Le contexte concurrentiel étant ce qu’il était, mieux valait miser sur les valeurs de niche. Et à bien la chercher, il l’avait trouvée sa carne rare, escomptant bien en faire un festin.
Les primés insaisissables, quand la gratification ne culminait pas bien haut, il s’en trouvait peu pour les pister. Trois mois à renifler les flots pour ne finalement récolter qu’une queue de hareng, il y avait là matière à désespérer les plus hardis et même les plus cupides.

Emrik Kazon, cet homme-ci, on le savait plus poisseux qu’une anguille enduite de savon. Sa foucade à lui, elle le poussait sur le sentier des enlèvements d’enfants pour en quémander la rançon. Deux fois il avait le coup. Alors, à l’usure, la Marine s’était dit que deux millions, pour sa petite gueule, c’était idoine. Seulement, Emrik, c’était un prudent. À jamais mouiller plus de vingt-quatre heures sur la même île, ses poursuivants, il en avait rendus fous des bataillons entiers. De quoi en tout cas vacciner leurs congénères d’une traque infructueuse ; d’autant que le jeu n’en valait certainement pas chandelle pour une somme aussi misérable.
Et Alegsis, à lui seul, réussirait là où même Baroque Works renonçait ? Il avait cette prétention. Ses oreilles d’hippopotame, si ses petits camarades du Cimetière d’Épaves s’en étaient copieusement moqués lorsqu’il était enfant – et du reste aussi par ailleurs – elles lui étaient toutefois drôlement utiles à traîner ici ou là, pour dégoter du ragot.

Le monde étant fait admirablement, chaque homme avait son point faible. Celui du bon Kazon, c’était le jeu. Durant un mois entier, le bougre rongeait son frein d’ici à ce que La Frégate lève l’ancre. La Frégate, contrairement à son intitulé, n’en était cependant pas une. Le bâtiment, pour ce qu’il avait de fameux, tenait de la bicoque montée sur coque. Un soir dans le mois, le tripot se laissait aller à la dérive au beau milieu des flots d’East Blue. De là, il se trouvait pléthore de réprouvés pour venir s’y joindre. Les paris qu'on y pratiquaient y étaient plus audacieux et onéreux qu’ailleurs. Le mauvais sang de la bonne société, ceux qui aimaient à frayer dans le lugubre, y côtoyait sans peine et sans crainte les forbans venus y perdre leur butin. Le propriétaire, disait-on, graissait la patte à qui de droit pour que jamais, la Marine n’aille trop rôder à ses abords.
Sous peu, Alegsis n’aurait qu’à y cueillir sa prime.

Son coup, néanmoins, il lui faudrait le calculer habilement. Or, l’habileté lui faisait cruellement défaut. Un faux-pas, et toute la flibuste locale l’enverrait par le fond. Ils y seraient nombreux les pirates ; peut-être près d’une centaine. De quoi s’estimer heureux de ne jamais avoir eu sa gueule dans les journaux au moment de se mêler à eux.
L'embarcation d’Emrik, serait accostée à même le vaisseau. Lui n’embarquerait pas depuis le port – quel qu’il fut – d’où partirait le tripot pour la nuit. Le chasseur de primes – car il avait réellement cogité son plan pour une fois – avait envisagé de couler la barque de sa cible tandis que celle-ci serait affairée aux paris. De quoi lui couper la retraite, en somme. Seulement, la prouesse, en plus de devoir être perpétrée sans être vu, élèverait si haut les suspicions ambiantes qu'elles s’érigeraient en un mur protecteur dressé autour du gibier.
S’embusquer au loin et poursuivre Emrik quand celui-ci décamperait ? Alegsis, avec son embarcation à pédales, aurait de toute façon été distancé par une crawleuse nonagénaire. Aussi lui faudrait copiner à bord et partir en sa compagnie. C’était son plan.

L’emplacement nocturne de La Frégate, situé non loin du Cap des Roccents, était connu de tous les initiés ; pirates comme chasseurs de primes. Aussi le traqueur chapeauté n’eut aucun mal à s'y rendre, quoi qu’il devait la praticité de son séjour au seul clair de lune venu lui dégager l’horizon. C’était en effet à chaque pleine lune que La Frégate quittait son port d’attache. Quelques barques miteuses y étaient par ailleurs déjà arrimées ; leur assortiment ne put ainsi que gagner en prestige alors qu’un minuscule pédalo fut mêlé en leur sein. Alegs fit son entrée.

- « J’en prendrai pour cinq-mille berries de jetons », annonça-t-il crâneur à la guichetière qui, à le voir si prétentieux, le toisa de tout le lourd poids de son mépris.

Impressionnée, celle-ci ne le fut pas tellement. À l’intérieur, on y misait à raison de centaines de milliers de berries, aussi, voir un pareil olibrius accoudé contre le comptoir du guichet, le visage modelé par la frime, ne put que lui arracher un profond soupir.

- « Non attendez ! Paniquait-il déjà sans grâce. Me donnez pas un seul jeton de cinq-mille. Mettez-moi plutôt…., il comptait sur ses doigt, ses lèvres énumérant la comptabilité qu’il tenait alors approximativement, ça y'est, j'y suis, mettez-moi pour cinquante jetons de cent. »

À son précédent mépris, la guichetière y ajouta l’irrésistible consternation venue lui animer les tripes et l’âme devant ce petit joueur débarqué d’on ne sait où. Ses jetons de cent, au père Jubtion, elle les lui jeta comme des graines à la volaille, pressée qu’elle était de le voir décamper tant sa tronche ne lui revenait pas.
Ses bras chargés de sa cagnotte malingre, l’intrus pénétra les lieux. On y fumait beaucoup et on ne s’imbibait pas moins. Un Audio Dial, quelque part, distillait une musique dans l’air au milieu des braillements ambiants. Alegsis eut-il eu le moindre doute quant à sa destination qu’il se savait à présent rencardé : l’air embaumait la piraterie à plein nez.

Déambulant gauchement avec sa gueule d’ahuri, Alegs, de ses gros yeux idiot, scrutait visages et alentours. Pas d’Emrik à l’horizon, mais à la place, une chiée de Den Den Vidéo accrochés aux murs, ici et là.

- Oh la la ! J’ai très soudain envie de faire caca. S’exclama l’Épavien d’une intonation mal actée et monocorde.

Ainsi formulait-il son alibi – bien que personne ne faisait attention à lui – pour mieux s’en aller aux latrines y trouver une cabine appropriée à ses desseins douteux. Ici, on n’y trouvait pas d’escargot indiscret, aussi y alla t-il à cœur joie.

- Brush Crush : Contrefaçon Cinglante ! Avait-il, de dans sa cabine, scandé comme une formule magique.

Et magique fut effectivement la formule car, entré dans son chiotte avec cinquante jetons de cent dans les bras, il en ressortait avec cinquante de dix-mille. Le pinceau lui avait été salutaire.
Partir immédiatement avec une somme si honteusement contrefaite ? Il aurait pu essayer à ses risques et périls, considérant que plusieurs paires d’yeux de gastéropodes s’étaient posés sur lui. Non, de son casino flottant, il en ressortirait rincé, mais pas les mains vides, espérant bien quitter la scène son bras en accolade au-dessus de l’épaule de sa proie.

Et la proie, à force de la chercher de l’œil, il la trouva autour d’une table de jeu. C’était coutumier dans les casinos. Pas de siège cependant ; rien que trois hommes debout autour d’une table surélevée aux rebords octogonaux. Il y avait de la place pour huit, donc pour un quatrième. Faisant à son tour irruption parmi le petit comité, le chasseur de primes déchargea sur la table ses jetons rutilants d’une peinture juste sèch.

- Alors ?! Entama-t-il bonhomme, avec son grand sourire de casse-couille niaiseux. On se la fait cette partie de petits chevaux ou bien ?

Fidèle à lui-même – et c’était à déplorer – il se jetait dans l’arène sans en connaître les règles. N’ayant aperçu que trois dés et un bol mis à la disposition de tout joueur susceptible de se présenter à la table, Alegsis ignorait jusqu’au nom même du jeu dans lequel il venait de se commettre.
L’inconvénient des plans d’Alegs ne tenait pas aux plans en eux-mêmes, mais à celui chargé de les exécuter. La suite des événements promettait d’être incongrue pour ne pas dire dramatique.
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Où suis-je ? Était certainement la toute première question lorsque les pupilles de Bao et de sa coiffe furent synchronisées. Il semblait être dans la cale d'un navire, entre des tonneaux. Au hublot, rien à signaler si ce n'est deux choses : Il faisait nuit, et il était amarré en présence de plusieurs autres navires. Afin d'y voir plus clair, le sabreur-pêcheur décidait de faire un tour des lieux intellectuellement, se remémorant les évènements passés, en débutant par le fait de fouiller ses poches. Des clopes. Ses sabres toujours à la ceinture, un briquet et un bon en papier, froissé mais encore lisible.

Hier soir, alors qu'il était en mer, Bao ainsi que l'équipage de pêcheurs se sont amarrés aux abords de Logue Town. A la sortie du chalutier, le contre-maître attendait tout ce beau monde avec un bon pour les coordonnés de la prochaine expédition comprenant date, heure, port de départ ainsi que durée de la mission mais également et surtout ; une bonne bourse pour services rendus. Ils avaient pêchés, des semaines durant. Et lorsque les jours n'étaient pas propices à prendre la mer, faute à une grosse coque de noix peu parée pour la haute voltige, ils restaient à terre. C'était l'occasion, pour beaucoup, de se faire un petit billet supplémentaire. Pêchant sous la pluie, sur le port afin de déverser voir d'inonder de poissons et coraux aux marchés, restaurants, mais surtout à la population. Outre ça, lorsqu'ils partirent en expédition, c'était toujours l'affaire de deux ou trois semaines. L'occasion d'être nourri et logé à même le chalutier, mais également de voir du pays. Tout le stock était revendu et les bénéfices allaient dans la poche du contre-maître, redistribuant presque équitablement entre toutes les têtes.

De ce fait, qui disait jour de paie, disait placer économiquement chaque berry et investir au maximum pour éviter la banqueroute dans les prochains jours. En toute logique, oui. Mais lorsque la logique avait une tête d'ours, un corps frêle ainsi que deux sabres, c'était un poil différent.

Pourquoi se loger dans une auberge, c'était coûteux et généralement les poubelles, ou les ponts, faisaient de bons abris également. Notamment lorsqu'on était inventif pour se chauffer. Il était du genre à vivre chaque jour comme il l'entendait, et chaque nuit comme un animal sauvage. Il lui arrivait de boire, environs sept soirs par semaine et une trentaine de jours par mois. Il n'était pas difficile à satisfaire, il appréciait généralement lorsque ça lui brûlait la trachée et l'œsophage. C'était signe que c'était de bonne facture, ainsi que fonctionnel. A contrario, un alcool trop liquoreux, ainsi que sucré, n'était pour ses papilles qu'un jus de fruit en plus raffiné. Le sabreur laissait ce qui était raffiné aux petits noblions.

Il avait bu, en cette fin d'après-midi. Et un poil trop vite trop ivre, ses pas l'avaient emmenés vers le port. De là, c'était plutôt simple. Bao était un piètre navigateur, et dans l'état où il s'était trouvé tantôt, il lui aurait été impossible de prendre la barre. De ce fait, en se réveillant dans la cale, planqué entre des tonneaux, il s'était dit qu'il avait du clandestinement entrer ici pour se coucher, parce qu'il n'avait rien trouvé d'autre.

Discrètement, il tentait d'écouter autour de lui, mais les lieux semblaient inhabités. Comme s'il n'y avait plus personne. Pourtant, il ne reconnaissait aucun port depuis son unique point de vue, le hulot de la cale. Fallait sortir pour savoir. Ses pas l'emmenèrent à l'étage supérieur, en plein cœur de l'embarcation. Accrochée aux pilotis comme bon nombre, le voilà qui, se dressant face à lui un monument que tout parieur se devait de connaître. Une bâtisse qui se dressait face à lui, le toisant du regard comme pour l'inciter à venir.

▬ Je... Je rêve là ?

Le paradis des joueurs était là. La Frégate. Tout joueur dépensier qu'il est, connaissait cette légende. Mais jamais Ô grand jamais il n'avait pu approcher de cette idylle, tant il n'y croyais guère. Autour de lui, le clair de lune éclairait la mer tel un phare dans la nuit, allongeant et étirant l'ombre des différents bateaux, qu'ils soient petits sloops, barques et autres pédalos. Sa veine fut de ne pas tout dépenser en biture pour la soirée, puisque maintenant, il pouvait s'adonner à sa troisième passion - située juste après le maniement des sabres et la biture - le gambling.

Ses accointances avec les salles de jeux allaient forcément le mener vers une destination comme celle-ci, à terme. Mais pour cette fois-ci, c'était dû à une chance extrême. Clairement, il ne voulait pas laisser sa chance passer, fallait tenter de rentrer dans ce bateau-maison de jeu, et espérer qu'ils ne tiennent aucun listing et laissent les gens passer tant qu'ils ont des berrys à claquer.

Le clodo n'avait pas grand chose à faire changer, il n'avait pas claqué tout son salaire mais comptait, au moins, en garder une bonne partie pour survivre quelques jours. Il échangeait le surplus, ce qu'il allouait généralement pour prendre des chambres ou pour graisser la patte d'un marchand afin de l'emmener à la place d'une marchandise, c'était généralement de cette façon qu'il voguait à travers East Blue.

Quelques millier, transférés en jetons de toutes les couleurs. L'argent était dématérialisé, c'était plus facile de jouer des petits bouts de plastiques colorés, on en oubliait presque les valeurs qui étaient écrites dessus. Et lorsqu'un million et un seul berry possédaient la même forme et le même poids, les joueurs sont beaucoup plus enclins à le claquer bêtement. Installé à une table qui semblait libre, le voilà commençant à parier pour jouer aux dés. Il connaissait les règles, et même avec une certaine gueule de bois, ce serait facile.

▬ Des chevaux ? Je... Je n'connais pas cette variante.

S'allumant une clope, le deuxième drôle d'oiseau de la tablée penchait sa tête vers l'annonciateur de cette règle.

▬ Elle consiste en quoi, la variante des p'tits ch'vaux ?
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D’Emrik Kazon, on ne savait finalement que peu de choses. Hormis qu’il fut un kidnappeur d’enfant extraordinaire – ce qui ne pesait jamais bien lourd sur un C.V – ses échanges escargophoniques avec les familles, de ce que la Marine put glaner, tendaient vers des ronchonnades acariâtres. Il était pirate l’homme-là, aussi on n’aurait trop su attendre de lui une maîtrise émérite de l’imparfait du subjonctif l'auriculaire dressé, mais même pour un rombier qui œuvrait dans le registre de la flibuste, il avait franchement mauvais caractère. Et c’est comme deux petits animaux stupides et insouciants que les nouveaux joueurs avaient convergé vers sa table.
Le « bonjour, comment allez-vous » ne fut pas exactement de mise. D’un ton agressif quoique maîtrisé entre ses dents serrées, Emrik y allait de son accueil chaleureux.

- Bordel, on laisse vraiment entrer n’importe qui à bord. Il se retournait vers son partenaire de jeu, un homme fade à la personnalité toute aussi ectoplasmique. Quand je pense qu’on a connu la belle époque. Dis, tu te souviens quand Loth en était ?

Loth Reich avait en effet marqué son époque avant de s’évanouir un jour comme un songe, laissant à penser qu’il ne fut qu’une légende.

- Oh eh bien j… répondit son voisin avant d’être aussitôt coupé.

- Tu l’as dit ! Ça, ça avait de la gueule. Alors que maintenant, son visage se décomposa en une expression de mépris renfrogné alors qu’il tendit sa main successivement en direction d’Alegsis et de l’excentrique au masque d’ours, maintenant… on a « ça ».

Apparemment peu disposé à se présenter sous son meilleur jour – à moins que ce meilleur jour fut justement celui qu’il exhibait– il avait l’art et la manière de se faire aimer de son monde. Du reste, il se comportait ainsi avec tous ceux amenés à croiser sa route. Désagréable au dernier degré comme s’il avait juré de l’être, Emrik avait la langue bien pendue. Si pendue qu’on s’en serait volontiers saisi pour la lui arracher d’un coup sec. Et il n’en était qu’aux échauffements le bougre !

- Je veux dire… t’es quoi toi ? demanda t-il au chasseur de primes avec de la véhémence plein le verbe. Un survivant d’un Buster Call ? Parce que, BORDEL, il faut s’en prendre des boulets de canon dans la gueule pour ressembler à ça. J’ai pas raison ?!

À nouveau, et cette fois en usant du coude pour mieux le solliciter, il avait consulté son voisin falot qu’il devait sans doute connaître de longue date à tant se montrer complice à son endroit.

- C’est pas exactement ce qu… rétorqua au mieux celui-ci alors qu’on ne lui laissa pas l’occasion de terminer sa phrase.

- Un peu que j’ai raison ! Avait spontanément repris Emrik avant de se tourner vers le quatrième gugusse attablé debout autour de la table de jeu. Et toi ! Le rudoyait-il déjà. T’as bouffé le fruit du guignol ? C’est quoi ton histoire au juste ? Je veux dire, qui entre avec un masque comme ça dans un casino ? Il se corrigeait aussitôt. Non. Mieux. QUI LAISSE ENTRER UN TYPE AVEC UNE DÉGAINE PAREIL ?! Quand je pense que c’était un établissement de prestige.

Du mieux qu’il put – c’est-à-dire bien mal – son camarade s'essaya à quelques explications pour tempérer son jugement.

- J’imagine qu’il deva….

- On est d’accords, éructa le rançonneur, ces types sont des taches ; un point c’est tout.

À tenir le crachoir, au point même de l’ôter sans cesse des lèvres de son camarade afin de mieux s’en saisir à nouveau, Emrik, en quelques phrases de temps, s’était mieux présenté que s’il avait narré sa biographie. Avec quant à lui un long sourire de débile aux lèvres tremblantes, ses yeux innocemment fermés, Alegsis s’efforçait au mieux de conserver un visage avenant. Il avait, à chaque réplique du grossier personnage, émit un court et gêné « Jerihihi » afin de dissimuler les sentiments que lui dictaient ses aspirations profondes.
Son plan, il l’avait à peine mis en branle qu’il en était déjà à le reconsidérer dans les grandes largeurs. Tenter le pari de l’amitié avec un pareil énergumène pour ensuite l’entraîner au loin et le capturer, c’était déjà compromis. L’hypothèse en tout cas lui paraissait douteuse. Lui faire sauter les dents à coups de poing, en revanche, lui paraissait une tactique autrement plus valable. Plus séduisante aussi. Très tentante en tout cas.
Seulement, il y avait le personnel de sécurité et plusieurs dizaines de forbans aux mousquets biens chargés dans les alentours. Aussi tempérait-il son irrésistible envie de broyer le gugusse. Par avance, toujours avec son petit sourire crispé, à contenir au mieux les larmes qui lui étaient montées aux yeux lors de la remarque sur le Buster Call, il savourait par avance l’instant où il lui mettrait la main dessus. À ce moment-là, il aurait la main leste.

- Mais du moment qu’ils ont du fric à perdre ces ânes-là, est-ce que j’ai des raisons de me plaindre ? La question du boucannier n’appelait à aucune réponse alors qu’il reprenait aussitôt : Vous savez jouer au Cee-Lo mes chéries ? Parce que si « oui » tant mieux et si « non » tant pis. Allez, je lance les dés, vous suivrez le mouvement.

- Le silot ? Murmura Alegs alors qu’il se saisissait le menton le temps d’une profonde réflexion, attestant alors de son absolue méconnaissance des règles.

À ne jamais laisser quiconque piper mot entre ses saillies, d’un tempérament volontaire et affable, même si atrabilaire, ce forban savait ce qu’il voulait et en jeta déjà pour cinquante-mille berries de jetons avant de jeter les dés dans sa coupelle. Rien. Puis encore rien et, enfin, au troisième lancer : quelque chose.

- Et qui font six ! Scanda-t-il après qu’un double quatre et un six s’illustrèrent sur les trois dés jetés pour l’occasion.

Tous, à la table, avaient frôlé de peu la défaite. Une suite quatre-cinq-six aurait en effet sonné le glas.
C’est entre les mains du sieur Jubtion qu’atterrirent ensuite les dés. Avec un long sourire idiot et des gros yeux qui suintaient la panique, il n’avait qu’une idée très approximative de ce qu’il devait faire après avoir misé lui aussi un de ses jetons frauduleux et regardé jouer son futur supplicié.
Longuement, il les agita dans ses mains les dés, avant de finalement se résoudre à les laisser lui échapper dans son bol. Lui ne dut pas s’y reprendre à deux fois pour que le résultat fut concluant. Tous à table ne purent qu’écarquiller les yeux en observant le rendu.

Et le résultat est....:

- Triple sept ! Qui dit mieux ? Demanda-t-il guilleret et ingénu, se figurant que personne n’apercevrait le supercherie flagrante. Si avec ça je récolte pas la timbale.

De l’intelligence, Alegsis n'en avait pas des masses à faire valoir, mais de l’optimisme, il en avait à revendre. Assez pour vivre dans l’opulence jusqu’à la fin de ses jours.
Avoir usé de sa peinture « discrètement » pour truquer les dés – et si mal – situait les bornes de son génie. Davantage enragé par la stupidité de son voisin que par sa lamentable tentative de tricherie, Emrik lui mit un violent coup de poing venu s’abattre sur le sommet du chapeau. Tandis que le chasseur de primes en fut à se tenir la tête de ses deux mains, une larme au coin de chaque œil, le pirate brandissait un poing rageur en sa direction alors qu’une veine enflée frétillait sur son front.

- Bougre de con ! Si tu triches, fais-le au moins correctement !

On reconnaissait un pirate à sa morale. À ça, et à la prime qu'il avait sur le dos. Tricher n’était pas proscrit aussi longtemps qu’on ne se faisait pas prendre. Les règles de La Frégate stipulaient que tout fraudeur percé à jour devait laisser sa mise. Aussi le résultat du lancer de dés d’Alegsis fut considéré comme nul pour ce tour.
Avec une petite moue déçue de gamin vexé, le tricheur lécha les dés pour en laver la peinture et les tendit ensuite benoîtement à son voisin de gauche, celui dont une clope pendait au bord de l’immense masque d’ours.
Sentant une hésitation à l’idée de se saisir de dés couverts de sa bave, Alegsis le rassura alors :

- Si t’as pas assez pour miser, je peux te prêter des jetons si tu veux. Il n'avait pas compris l'indélicatesse de son précédent geste. Il ne comprenait jamais rien. Allez, lance-toi, toi aussi tu peux faire un triple sept !

Sa bêtise était si outrecuidante – bien qu’énoncée avec calme et bonhomie – qu’Emrik manquait de s’étrangler dans la bile rien qu’à l’entendre. Il fallait avoir les nerfs solides pour jouer avec Alegsis Jubtion. Non pas parce qu’il avait l’art de mettre la pression, mais du fait que sa crétinerie était telle qu’elle engouffrait avec elle tous ceux qui s’y exposaient.
Il fallait cependant lancer les dés.


Règles du Cee-Lo:
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[justified]Toisé d’abord en silence, ignoré ensuite, c’est sans un mot que son voisin l’avait délesté de ses dés avant de les jeter. Deux fois en ce qui le concernait, pour aboutir à deux six et un quatre. Emrik, la première manche achevée en ces termes, récoltait alors les berries comme on fauchait la moisson. Prolifique celle-ci. Du blé, il en avait ainsi amassé à raison de quelques dizaines de milliers le temps d’un premier larcin commis aux dés. Dés qu’il fit virevolter une fois de plus la coupelle pour aboutir à un double deux au milieu duquel était venu se perdre un trois. De quoi le faire souffler des naseaux et d’entre les dents, frustré qu’il fut d’un score si médiocre.
C’était par là que passait le frisson du pari : la rage. Des belles âmes, plus érudites que d’autres sur leur vice, savaient qu’à une table de jeu, ils n’étaient pas accrocs aux gains, mais à l’espoir. L’espoir de pouvoir être récompensé pour une prise de risque : de réussir. Le fait est que le ravisseur en vadrouilleur, d’espoir, il en avait peu pour l’instant. Hésitant avant de remettre les dés à son voisin de gauche – et il avait par ailleurs de très bonnes raisons de l’être – il l’avertit entre ses dents :

- Y’a pas de sept dans les dés ! Me refais pas le coup là, je pourrais perdre patience.

C’était aimable à lui d’instruire son partenaire de jeu qui, jusqu’à présent, ne saisissait trop rien aux règles, sans d’ailleurs chercher à comprendre de quoi il en retournait. Alegsis ? Il jetait les dés et les mises dans un festival hasardeux dont il saurait s’il avait été l’heureux gagnant à condition que les autres le lui disent. Ce qui, en soi, constituait une tactique comme une autre. À supposer toutefois que celle-ci ne fut pas orchestrée d’une main de pitre.

- Eh, ça va, du calme… je suis pas débile non plus. Enfin pas trop.

Semoncé qu’il fut lors de sa précédente phase de jeu, tout portait à croire qu’il aurait retenu la leçon. Mais les cancres, précisément parce qu’ils étaient ce qu’ils étaient, ne retenaient jamais la leçon qu’on leur passait. Aussi, le chasseur de primes fit à nouveau rouler les dés dans le bol, retourna ce dernier avant de laisser planer un léger suspens sur le montant qu’il se résigna finalement à dévoiler. Alors qu’il levait la coupelle, ses trois camarades de jeu se penchèrent un peu plus sur la table afin de découvrir le résultat d’un lancer que tous espéraient régulier.

Court et idiot fut leur rêve.

Spoiler:

Se pensant tout d’abord terrassé par une crise cardiaque, Emrik manqua de tomber à la renverse, prenant appui sur un pied venu se reculer au dernier moment afin de prévenir sa chute. Il se rattrapa au bord de la table, en sueur, pantelant fébrilement devant ce résultat qui défiait l’entendement pour ce qu’il avait de débilité à mettre en exergue. Aussi lui fallut-il un certain temps pour reprendre ses esprits après que ceux-ci furent violemment chamboulés par un coup d’imbécilité brute.

- Nom de.. le… mais comment il a… RAAAH !

La colère succédant naturellement à l’ébahissement qui fut le sien, le pirate sauta sur son chasseur de prime – celui-ci étant alors bien mal parti pour s’en faire un ami comme le prévoyait son plan – allant même jusqu’à lui mordre son chapeau ainsi qu’une partie du crâne qu’il recouvrait.

- Arrête, aïe… tu triches ! Se dépêtrait au mieux Alegsis tandis que les deux autres joueurs vinrent à son secours afin de prévenir un drame qui, sans leur intervention, eut vraisemblablement été des plus sanglant.

Une fois de plus, à ce spectaculaire crétin, sa mise lui fut ravie sous le nez sans que son lancer fut considéré comme valide. Du reste, il ne s’en inquiéta pas tant il ne saisissait pas les enjeux en présence.
Cette manche-ci, c’est l’étrange énergumène à tête d’ours qui la remporta. Une maigre somme cependant, car ses trois compères avaient misé parcimonieusement.

Avec un triple deux pour inaugurer le nouveau tour qui venait, cette fois plus enthousiaste que précédemment, Emrik se tempéra soudain, prenant conscience de qui jouerait après lui. Il avait les nerfs sensibles et Alegsis, dans toute son insouciance, s’était plu à jouer de la harpe avec.
La main tremblante tendue vers ce qu’il croyait pouvoir considérer comme un provocateur à force que ce dernier se moqua si bien de son monde à multiplier les pitreries, c’est avec un vain espoir qu’il escomptait qu’on joua sérieusement.

- Dernière chance… Bavait-il presque, alors que l’écume manquait de lui sortir par le nez à envisager quelle nouvelle idiotie allait s’accomplir sous ses yeux maintenant gorgés de veines rouges et épaisses.

Avec un petit rictus sûr de lui, Alegsis empoigna le petit bol avant de le faire vaciller tout contre la table de jeu une fois encore. Ce n’était plus tant le résultat qu’on craignait qu’il révéla à ce stade, mais l’étendue de l’ânerie qu’il avait bien pu perpétrer pour cette fois.

Le plus lentement du monde, car il se plaisait en plus à croire qu’il avait le sens du spectacle, Alegs souleva délicatement la coupe avant de tout dévoiler d’un mouvement brusque. Sur la table alors, ni cartes ni dés ne furent à déplorer… car il n’y avait rien.

- Ma~gie ! S’exclama-t-il ensuite, sincèrement fier de lui. Vous devinerez ch’amais où ch’ont les dés.

Absolument certain de sa dernière allégation, il riait ensuite d’un rire franc et jovial, sa bouche grande ouverte, dévoilant ainsi les dés restés dissimulés entre ses dents. Son rire triomphal perpétré bruyamment, Alegs le Magnifique hasarda alors une spéculation quant aux conséquences résultant de sa présente maestria.

- Du coup, cha fait un triple zéro, donc che gagne, non ?

Il avait effectivement trouvé la parade ; celle qui allait lui valoir de copiner prochainement avec les poissons.

- Bon… qui d’autre vote pour que ce con-là passe par-dessus bord ?

La main levée, n’ayant plus en lui la force pour se mettre en rogne, s’en tenant alors à une lassitude très franchement blasée, Emrik clôturait la séance de folie furieuse dont ils furent tout trois les spectateurs navrés.

- Moi.

- Mo...

- Moi ! Brandit bien haut la main le principal concerné, ne s’imaginant pas un instant qu’on puisse parler de lui. Eh mais… s’exclamait-il surpris, alors que le personnel était presque aussitôt venu se saisir de lui par les bras, c’est pas moi le con ! Y’a méprise.

Il n’y avait pas de méprise, rien qu’une légitime exaspération exprimée de concert par la voie du suffrage universel conscrit autour d’une table de jeu. Alegsis, quand il s’essayait à l’infiltration, avec tout ce que le labeur supposait de subtilité, ne faisait jamais de vieux os. Il était comme indisposé à la chose. Désormais glacé et trempé après qu’un « plouf » retentissant ait signé son départ , il avait barboté dans le noir et à tâtons jusqu’à finalement retrouver son pédalo.

- On n’a pas idée de traiter comme cha, il cracha les dés restés logés dans le creux de ses joues, de traiter comme ça un honnête chasseur de primes ! Se scandalisa-t-il bruyamment avant que la sécurité, en masse, et un mousquet dans chaque main, fit irruption hors des quartiers du casino pour retrouver le pont à toute vitesse. [b][color=#40575F]Oups, accusa bien tard l’abruti notoire lorsque celui-ci prit compte de la bévue que fut la sienne. Une autre à ajouter à une liste qu’on disait interminable.

Dans la précipitation, il avait pédalé à s’en rompre les chevilles tandis que derrière lui, le plomb craché abondamment en sa direction alla se perdre dans les fonds marins, manquant chaque fois de lui érafler ses oreilles. La vision d’un tel départ, occasionné en trombe et dans le déshonneur, aurait, par quiconque, été qualifié d’un échec cuisant. Alegsis, quant à lui, appelait ça « jeudi ». Et ces « jeudi »-ci, qu’il expérimentait en réalité à chaque jour que comptait la semaine, il y’en aurait d’autres. Bien d’autres. La faute, alors, n’incombait pas tant à la déveine ou aux circonstances, mais plutôt à ce qui se trouvait au beau milieu. Ce quelque chose avait un chapeau, une tête pas possible, et il fendait une fois de plus les flots à toute blinde pour échapper à la mort qu’il invoquait à chacune de ses bouffonneries involontaire. Cette calamité ambulante avait pour doux nom Alegsis Jubtion. [/justified]
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