L'aube d'un nouveau temps

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海 軍

∆ feat. Wayne & Bart ∆


Quelques jours seulement s'étaient écoulés depuis l'incident. L'incident, drôle de nom pour désigner des attentats en chaîne qui avaient causés la mort d'une centaine de personne en quelques heures. Kikai no Shima avait été le témoin de l'affrontement final sanglant entre les forces de la Marine et le Chinamire Kitsune. Si la puissante mafia était ressortie perdante, elle avait causé de terribles dommages. Parmi les militaires, l'on comptait quatre vingt trois morts au combat et pas moins de deux cent blessés. Bien pire, les civils avaient également payé un lourd tribut, portant les chiffres à cent soixante dix victimes. Le bilan humain était effroyable. En tant que colonelle de Kikai no Shima, Ambrosias s'estimait responsable de ce drame. Coupable, elle ne cessait de refaire le film des derniers événements dans sa tête. Elle cherchait à savoir ce qu'elle aurait pu faire pour éviter ce triste ce jour, sans toutefois y parvenir. King Bradley l'avait pris au dépourvu. Jamais elle n'aurait pu imaginer un tel coup d'éclat. Le dernier baroud d'honneur du chef mafieux avait été à l'opposé de ses méthodes habituelles, rendant le tout indétectable. En utilisant son immense fortune, le défunt avait été en mesure de rassembler de très importantes forces pour lancer l'assaut et son chimiste fou l'avait également bien aidé avec ses explosifs.


Pourtant, l'État-Major ne semblait pas lui en tenir rigueur. Le passé révolutionnaire de Bradley ayant été depuis longtemps dévoilé par la commodore de Saint Just, les huiles trouvaient que sa mort valait bien ce petit sacrifice. Qu'étaient après tout moins de deux cent quidams aux yeux de l'immense gouvernement mondial ? Bien sûr, certains locaux en voulaient à la Marine et à la colonelle, mais l'écrasante majorité avaient largement retourné sa veste, tournant définitivement le dos à la mafia. En attaquant la population pour faire diversion, le Chinamire Kitsune s'était aliéné la population. Pour les supérieurs d'Ambrosias, c'était donc bien une victoire, une belle et grande victoire. Toujours pire, on allait la décorer pour cela. La militaire allait recevoir des médailles pour ses actes, en dépit des nombreux morts qui étaient à déplorer. Pour elle, c'était un non-sens absolu. Telle était pourtant la Marine.


Les blessures de la colonelle n'étant pas très grave, bien que nombreuses et douloureuses, elle ne passa qu'une journée à l’hôpital. Dès sa sortie, elle redoubla d'efforts pour reprendre la situation en main, demandant toujours plus d'efforts de la part de ses soldats. Il fallait éteindre les derniers incendies, arrêter les criminels toujours en fuite, s'occuper des nombreux prisonniers et gérer les blessés. L'ensemble était exténuant pour elle, mais elle tenait bon tant bien que mal. Passant des heures entières derrière son bureau, elle en oubliait de dormir. Ambrosias passait des coups d'escargophone, remplissait sa paperasse, donnait ses ordres, le tout jusqu'à tomber de fatigue.


Jour après jour, la situation commença à se calmer, et la militaire commença à respirer. Son corps tout entier la faisant souffrir horriblement, elle avalait des anti-douleurs sans grande modération. Les traits tirés et affichant d'immenses cernes noires, la jeune femme faisait peine à voir avec son visage tuméfié et sa paupière droite fermée par un cocard. Se sentant plus en forme malgré tout, elle voulut s'entretenir avec deux personnes pour qui elle se montrait reconnaissante. Tout d'abord, le lieutenant-colonel Wayne Macallan, venu en renfort avec ses soldats pour aider les forces locales, mais aussi un jeune caporal dénommé Diez qu'elle ne connaissait pas personnellement. Ensemble, les deux hommes lui étaient venus en aide face à King Bradley. C'était grâce à eux qu'elle avait pu prendre finalement le dessus sur son adversaire. Sans leur aide providentielle, elle aurait certainement perdu le combat. Souhaitant les recevoir en privé, elle demanda à la commandante Zhang de les faire mander pour l'heure du thé.


Une fois le moment venu, les deux militaires firent irruption dans le bureau de la colonelle. Pour les recevoir, la jeune femme se trouvait au centre de la pièce, sur un fauteuil qui faisait face à un canapé de velours rouge. Sur la petite table basse séparant les deux meubles, une théière fumante, quelques tasses et des sucreries étaient préparées. Sans se lever, à cause du piètre état dans lequel elle se trouvait, l'officière leur fit signe d'approcher.



« Messieurs, je tenais à vous remercier personnellement pour votre aide face à Bradley. J'ai fais part à l'État-Major de vos actes et recommandé que vous soyez décorés pour l'exemple. Sachez que je suis à présent votre débitrice et que je paye toujours mes dettes. Si à l'avenir vous veniez à avoir besoin de moi, je répondrai toujours à l'appel. Une tasse de thé ? »



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J’avais eu le plus grand mal à trouver le sommeil pendant plusieurs nuits, je n’arrivais pas à m’enlever les images de ce carnage de ma tête. La première nuit fut de loin la pire de toutes, car j’avais eu le malheur de passer par le service médical pour une histoire de contusions et de plaies légères. Ils avaient installé un hôpital de campagne pour tenter de faire face à la quantité astronomique de blessés en tout genre. Qu’est-ce que je foutais là avec mes égratignures alors que des centaines de blessés hurlants à la mort avaient des membres arrachés ou les tripes à l’air. Partout où je tournais le regard, je ne voyais qu’une seule chose, du sang ! Du sol au plafond, même les blouses blanches des toubibs étaient entièrement recouvertes d’hémoglobine. J’étais resté planter un moment incapable d’avancer, pour finalement faire demi-tour de honte. J’étais retourné tel un zombie dans mes quartiers avec une boule dans le ventre. J’étais resté toute la nuit les yeux grands ouverts, fixant le plafond, avec le cri de blessés qui raisonnaient dans ma tête encore et encore.
Notre Sergent-Chef annonça à l’appel les chiffres :


« Quatre-vingt-trois soldats tombés et plus de deux cents blessés… »


Notre régiment était celui qui avait connu le moins de perte au final, car nous n’avions pas participé au gros des combats. Notre mission avait été de défendre le QG jusqu’au bout contre des vagues d’ennemies. Pourtant cela n’empêchait pas nos rangs d’être clairsemés à l’appel, je n’arrivais pas à déterminer le nombre de pertes chez nous.
La vie reprenait petit à petit son cours normal les jours suivants, je me plongeais dans les tâches qui m’étaient confiées pour tenter d’oublier les images d’horreurs. Pourtant, partout où je regardais autour de la caserne, c’était une vision de champ de bataille. Certes, les corps avaient été retirés en priorités, mais les murs, les bâtiments, même le sol, tout porter les stigmates de la violente bataille. Je n’en revenais toujours pas de la puissance de cette mafia, ils n’avaient pas hésité à utiliser des boulets de canon pour parvenir à leurs fins. Il faudrait du temps, beaucoup de temps pour que ce lieu retrouve son apparence initiale, quant à nous, j’avais cru comprendre que notre mission ici était terminée. Je gardais un goût amer avec une sensation de gâchis immense de ce qu’il venait de se passer. Je m’étais senti tellement impuissant face aux évènements, tout juste bon à rester camper derrière des sacs de sable alors que tant d’autres se battaient au cœur de la bataille.
Personne n’osait aborder le sujet entre nous, nous faisions comme si de rien n’était, mais personne n’était dupe. Pour nous tous dans le régiment, c’était la première épreuve du feu, et quelle épreuve…
Alors que je me trouvais dans les vestiaires en train de m’équiper pour effectuer ma mission de patrouille quotidienne. Un gradé que je ne connaissais que de vus alla à ma rencontre :


« Caporal Diez ?!»


« Oui ?... »


« Veuillez me suivre immédiatement, sur ordre de la Colonelle Ambrosias. »
Je m’exécuter sans chercher à comprendre, les derniers jours avaient été tellement éprouvants, que mon cerveau était bien trop fatigué pour pouvoir fonctionner correctement. Je me retrouvais donc à traverser tout le quartier Général pour me retrouver dans les locaux dédiés à l’État-Major. C’était la première fois depuis mon affectation que je retrouvais ici, ce n’était pas vraiment un endroit habituel pour un simple caporal de la Marine.
Après avoir franchi d’innombrables couloirs et escalier, le sergent-chef me désigna une porte et me demanda d’attendre. Il frappa à la porte et m’annonça puis me fit signe d’entrer à mon tour.


Qu’est-ce que je foutais là sérieusement ? Je n’étais pas du tout à mon aise loin de mon habitat naturel.
Je me retrouvais l’instant d’après dans le bureau de la colonelle. Elle était assise au centre de la pièce sur un fauteuil. Certes, je n’avais pas eu l’occasion de la croiser souvent, mais elle était méconnaissable à mes yeux. Je me sentais soudainement pris d’une honte immense, car même notre commandant avait connu l’enfer de la guerre alors que moi. Elle paraissait au bout de sa vie, comme si elle n’avait pas dormi durant des semaines, c’était presque flippant de la voir dans cet état cadavérique.


Je m’avançais d’un pas prudent en sa direction n’osant pas décrocher un mot, pour me poster devant elle au garde à vous. Simultanément, une autre personne entra dans la pièce, je me retournais pour voir avec stupeur qu’il s’agissait du Lieutenant-Colonel Macallan. Mon cerveau se réveilla brutalement pour faire sonner l’alerte générale. Je comprenais enfin ma présence ici, c’était à cause de ce que j’avais fait subir au lieutenant-colonel pour le remettre en état ! J’étais bon pour finir au trou, voir me faire radier des effectifs ! Alors que je m’apprêtais à ouvrir ma bouche pour mâchouiller un semblant d’explication pour me sortir de ce pétrin, la Colonelle prit la parole :
« Messieurs, je tenais à vous remercier personnellement pour votre aide face à Bradley. J'ai fait part à l'État-Major de vos actes et recommandé que vous soyez décorés pour l'exemple. Sachez que je suis à présent votre débitrice et que je paye toujours mes dettes. Si à l'avenir vous veniez à avoir besoin de moi, je répondrai toujours à l'appel. Une tasse de thé ? »


J’étais resté bouche bée devant les paroles de ma supérieure, j’étais à mille lieues de m’imaginer un tel dénouement. Une fois la stupéfaction passée, j’éprouvais à présent un sentiment de culpabilité. Qu’est ce que j’avais fait de si exceptionnel pour être ici ? Quand je voyais le nombre de soldats qui avaient perdu un membre ou bien la vie dans la bataille. Le fait d’avoir sauvé un officier était donc un plus important que tout le reste ?
Après un moment d’hésitation, je revenais à la réalité, prenant soudainement conscience qu’une colonelle venait à l’instant de me proposer une tasse de thé, à moi simple caporal.


« Ou.. oui, volontiers, ma colonelle. Vous n’avez aucune dette envers moi, ma colonelle, je n’ai fait que mon travail, rien de plus. Sans vous, manquez de respect, je ne pense pas avoir été le plus méritant lors de la bataille, je n’étais pas en première ligne… »


Je me sentais tellement mal à l’aise d’être ici, bloqué entre deux officiers supérieurs, j’avais besoin d’une grande bouffée d’air frais et d’un shot de rhum pour me remettre de mes émotions.
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Comme d’hab j’ai dégusté. Mal de crâne, contusions à foison, j’suis sur d’une chose, mes pouvoirs de maudit ne me permettent pas d’être insensible à la douleur. Mais j’suis vivant. Ouais j’suis bien vivant. Celui qui aura ma peau n’est visiblement pas sur l’île du vice. En tous cas je suis plutôt surpris. Le colonel m’a convoqué et généralement quand ça commence comme ça.. bah je me fais sermonner, on l’hurle dessus et j’écope d’une sanction. Pour le coup, cette fois-ci c’est différent. Remerciement solennel sur fond de proposition de tasse de thé. J’dois dire que c’est quand même agréable de pas me prendre la tête avec la hiérarchie pour une fois. Faut dire que j’ai fait mon boulot.. qu’on a fait notre boulot. J’hoche la tête en direction d’Ambrosias, même si j’aurais préféré une Whisky qu’un thé, on va pas faire le difficile. Quand aux décorations, j’pense qu’aucun de nous trois ne fait ce boulot pour ça…


Pas de ça entre nous colonel.. on a juste fait notre job. On a montré à la vermine de Kikai No Shima que le crime ne paie pas.


Et putain c’est jouissif de se l’entendre dire. Je me suis renseigné sur le nouveau colonel, parait que toute cette affaire avait finit par devenir personnelle. En tous cas on passe d’un extrême à l’autre. Du colonel rongé par la corruption jusqu’au plus profond d’sa putain d’âme, a la dame de fer. Parait qu’elle est inflexible, parait qu’elle est pas commode. Moi tout ce que je vois là, c’est un bout de femme qui nous fait servir du thé. Mais si mon expérience m’a bien apprit une chose, c’est de ne pas se fier aux apparences. J’traine ma carcasse sur l’une des chaises et prends une gorgée de thé, avant de me tourner vers l’autre gus qui se trouve là. J’le reconnais, c’est la bleusaille qui m’a filé un coup de pouce à l’entrée de la garnison. Ouais c’est bien lui. Peut être que des remerciements sont de mise ? Boarf c’est pas le genre de la maison. Même si sans son intervention j’aurais peut être finit lynché par ces putain d’mafiosi. Regardez le, tout frais, tout neuf, tout droit sorti de l’école. J’ai l’impression de voir l’un de mes gars quand on m’les a confié à ma réintégration. Chacun de ces bras cassés avait la même lueur dans le regard, la lueur du type qui va enfin s’confronter au monde et découvrir que c’est un sacré bordel. Ouais, chacun des Viandards avait cette petite bouille pleine d’espoir et de bonne volonté et regarde où ils en sont aujourd’hui. De vrais chiens de guerre à qui j’confierai ma vie sans une once d’hésitation.


T’étais peut être pas en première ligne l’ami.. mais dans une bataille, chaque maillon de notre chaîne de commandement.. chaque soldat a son importance.


Nouvelle gorgée de thé, je commence alors à songer aux miens. L’assaut de l’arène ne s’est pas déroulé sans pertes. Huit morts, une quinzaine de blessés.. on va dire que malgré tout on s’en sort plutôt bien. Les victimes ont déjà eu droit à leur cérémonie de funérailles. J’ai horreur de ça bordel, mais j’sais bien qu’il y en aura d’autre. Le monde est loin d’être tendre, surtout quand tu t’enrôles dans la marine et que tu pars sur la route de tous les périls. Et pourtant j’crois bien que je m’y ferai jamais. Bref, le navire est en train d’être ravitaillé, les blessés sont soignés à bord, on ne tardera pas à lever l’ancre. Au programme ? Le Royaume de Drum, on continue notre route dans l’espoir d’intercepter « Le Sanguinaire ». Faut dire que depuis la chute du Malvoulant, cet enfoiré a toutes les raisons de penser qu’il va pouvoir se hisser au sommet. Mais revenons à nos moutons, j’sens cette espèce de tension chez notre jeune caporal. Première zone de combat ? Possible ouais.


Il n’y a aucune victoire sans sacrifice Caporal. Et les nôtres tomberont tant que l’ordre ne régnera pas pleinement sur ces mers. Peut être que je serai le prochain à tomber.. peut être que ce sera toi… Quand bien même, nous continuerons à nous battre. C’est notre devoir.


Parfois je me surprend à sortir ce genre de truc. Le pire c’est que je suis convaincu de ce que je dis bordel… Rendre les mers plus sûres, écraser ces maudits pirates… Après tout, c’est pour ça que j’ai signé. Pour ça qu’ils ont signé. Et même si c’est foutrement moche de voir ses camarades tomber les uns après les autres, c’est la suite logique des choses. La meilleure chose à faire pour honorer leur mémoire, c’est de continuer le job. Je me redresse douloureusement sur ma chaise, espérant que le colonel n’en viendra pas à la partie administrative barbante d’après mission…
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    « Le Lieutenant-colonel dit vrai. »


    Grimaçant en prenant sa tasse de thé, Ambrosias ne tarda pas à le goûter. Comme toujours, il était parfaitement à son goût. Même s'il ne faisait pas très froid, la chaleur du breuvage parcourant sa gorge lui faisait le plus grand bien. Toussotant légèrement, elle se renfonça dans son fauteuil.


    « Tout le monde a fait de son mieux. Je suis fière de vous, comme de tous mes hommes. »


    Ce que la jeune femme gardait pour elle-même, c'était le poids que faisait peser sur elle la culpabilité d'être la responsable finale de tous ces morts. Ces sacrifices, comme le disait Wayne, étaient absolument insupportables pour la colonelle. Ce n'était pas pour cela qu'elle s'était engagée, pas pour cela qu'elle combattait. Aujourd'hui, alors qu'elle était plus forte qu'elle ne l'avait jamais été, elle venait de subir les plus grosses pertes de sa carrière. En analysant la chose de manière plus cynique, elle se serait vite rendu compte que cela tenait en partie au fait qu'elle dirigeait trois fois plus de soldats qu'auparavant, mais pour l'heure, elle ne voyait pas les choses de la sorte.


    « Sans Bradley pour tenir la barre du Chinamire Kitsune, il ne tardera pas à sombrer. »


    Sortant de l'immense commode dans le coin droit de la pièce, Snick, le gros rat gris d'Ambrosias fit son apparition. Zigzaguant rapidement, il sauta ensuite vers la jambe de la militaire et l'escalada jusqu'à finir sur sa cuisse. Attrapant l'animal avec délicatesse, la femme le posa sur son accoudoir gauche avant de s'avancer vers la table basse pour prendre un sablé entre ses doigts. Après en avoir arraché un morceau, elle le tendit au rongeur qui s'empressa de le dévorer. Caressant le rat du bout de l'index, la colonelle soupira.


    « Je m'occuperai des rapports, vous êtes libre de repartir quand vous le voudrez, Macallan, mais vous êtes libre de rester aussi longtemps que vous le voudrez. J'ai fait lever la loi martiale, si vous voulez profiter des casinos de l'île. Diez, je vous offre une semaine de permissions. »



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    Je sortais du bureau de la colonelle perplexe, j’avais besoin de temps pour digérer tout ça dans ma petite tête de caporal. Les paroles du lieutenant-colonel avaient réussi à me toucher au plus profond de moi-même. Mais plus que les paroles au final, c’était, le ton utiliser par Macallan. J’étais intimement convaincu qu’il pensait ce qu’il disait, ce n’était pas un énième discours d’officier pour nous la mettre à l’envers, nous la bleusaille. Ce type parlait avec son cœur, et je dois dire que cela m’avait vraiment touché, car c’est quelque chose de rare chez nous, de très rare.
    Depuis mon entrée dans l’institution, j’avais toujours eu une vision assez caricaturale des officiers, des êtres souvent hautains, qui méprisent de façon consciente ou inconsciente leurs troupes. Il est évident que nous ne sommes pas du même monde eux et nous. Pour les hommes de rangs, l’officier est avant tout celui qui vous demande de se faire tuer à sa place.


    Mais ma vision des choses était à présent tout autre après cette entrevue. Peut-être que certains nous considéraient sur le même pied d’égalité qu’eux, et ce Macallan faisait partie de ces gens-là. J’espérais à présent qu’il accepte la proposition d’Ambrosias de faire la route avec nous. Avec un type comme ça à nos côtés, nul doute qu’il se révélerait très utile, il avait tout pour devenir un modèle pour nous tous.


    Mais cette soudaine euphorie disparue comme elle était venue au fur et à mesure que je me rapprochais de mes quartiers. Je croisais nombre de soldats couverts de bandages, parfois de la tête aux pieds, affichant des mines dévastées. Le retour à la réalité fut brutal pour le coup et je me voyais mal faire part de mon entrevue avec nos officiers avec le reste de mes camarades. Ce n’était ni le moment ni le lieu pour expliquer que j’avais non seulement bu le thé avec eux, mais en plus que je me voyais offrir une semaine de permission.
    Assis sur mon lit, je restais pendant plusieurs minutes, plongé dans mes pensées. J’étais en plein doute sur la marche à suivre à présent, peut être qu’il était préférable que je passe sous silence cette histoire de permission et que je continu comme si de rien n’était ? D’autant plus que cette histoire était un coup à me faire mal voir par les autres, je voyais déjà la réaction des mauvaises langues :


    « Diez le pistonné ! »


    « Diez le fayot ! »


    Même si j’étais de nature à que tout cela me passe par-dessus la tête et que j’étais convaincu de jouir d’une image auprès de mes camarades. J’avais peur qu’au vu du contexte, tout ceci ne vol en éclat. Alors je restais sur ma couche cherchant quel serait le meilleur choix…


    Dix minutes plus tard, je me trouvais en civil en dehors de la caserne, direction le centre-ville.


    « T’étais peut être pas en première ligne l’ami.. mais dans une bataille, chaque maillon de notre chaîne de commandement.. chaque soldat a son importance. »


    Les paroles de Macallan m’avaient finalement ramené vers le droit chemin. Je n’étais peut-être pas revenu de la bataille avec un membre en moins, mais je savais ce que j’avais fait là-bas ! Moi aussi, j’avais risqué ma vie et fait verser le sang de l’ennemi ! Il était grand temps que je chasse définitivement ce sentiment de culpabilité qui me ronger depuis la fin des hostilités.


    J’entrais dans la première taverne qui croisa mon chemin, l’endroit était bondé de clients. A croire que tout le monde avait une bonne raison de s’envoyer un godet dans le gosier à présent. Bien évidemment, une bonne partie de la clientèle était composée de militaires, je reconnaissais certaines têtes de la 149ième A. Ils avaient beau avoir des têtes de dures, ils avaient l’air d’avoir sacrément morflé les salauds.


    Une fois sur mon tabouret en face du comptoir, je faisais signe au tavernier pour qu’il me serve :


    « Tu veux quoi mon garçon ?! »


    « Un truc costaud, pour pouvoir me remettre les idées en place ! »


    « J’ai exactement ce qu’il te faut gamin ! Avec ça, tu vas vite oublier tous tes soucis. »


    Il sortit une bouteille sans étiquette d’un placard et me plaça un petit verre en face de moi. Je m’envoyais le shoot d’une traite sous le regard intrigué de plusieurs bidasses. Saloperie de tord-boyaux, j’avais la gorge en feu !! Je ne trouvais même plus le souffle et fus prit d’une quinte de toux de tous les diables. Les soldats à côté de moi explosèrent de rire en voyant ma tronche rouge écarlate.


    « Je le reconnais ! C’est un des puceaux de la B ! Alors mon gars, ce baptême du feu ?! »


    Il m’envoya une énorme claque dans le dos pour ne rien arranger à mon état.


    « Tavernier remet lui la petite sœur, je crois que notre ami a besoin de se sentir en vie !  Pour la colo Ambrosias !»


    Une demi-heure et trois verres plus tard, je finissais la tête dans le caniveau vomissant toutes mes tripes sous les rires moqueurs des militaires de la 149ième A
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    Libre de retourner à mes affaires ou alors de rester un peu sur l'île du Vice. J'avoue que l'idée de flamber ma modeste paie dans l'un des tripots ou casinos du coin me démangeait la main. Faut dire que j'ai eu mes moments de chance, peut être que j'serais en veine... Et à quoi bon ? Prendre une retraite anticipée au soleil ? T'es pas fait pour ce genre de conneries Wayne. Un soldat, bien souvent, ça meurt l'arme à la main. Pas le temps pour ça de toute manière, aussitôt le colonel salué, aussitôt la caserne quittée, voila que j'entamais déjà ma redescente vers le port. Ce détour imprévu m'aura permis d'me rendre utile mais j'vais avoir quelques jours de retard. Prochaine destination, le Royaume de Drum. Espérons que j'serai totalement remit d'ici là... Arrivé devant mon croiseur, Le Couperet j'croise James et Kyara qui taillent un brin de causette sur le quai.


    On se remet en route les gars, Kikai no Shima n'a plus besoin de nous.. et on à un rendez-vous à n'pas manquer.

    On se repose jamais hein ? Pas moi qui vais me plaindre.

    Kyara ? Les gars, ça donne quoi ?

    Encore une douzaine de blessés. Mais rien de bien méchant, vos hommes ont la tête dure boss.

    Parfait, on appareille immédiatement dans ce cas.


    J'grimpe à bord, Jack me fait son rapport, m'expliquant que les provisions sont faites, que tout est prêt pour notre prochaine expédition depuis déjà deux jours. Alors on perd pas d'temps, le navire commence à appareiller et je me pointe sur le pont pour faire un de ces discours inspirant devant mes gars. Rien de bien exceptionnel, juste souligner que j'suis fier de ce qu'ils ont accompli jusqu'à présent et leur indiquer que nous nous dirigeons probablement vers une nouvelle mission périlleuse. Mais après tout, j'pense pas que qui que ce soit à bord ait signé pour une vie tranquille. Galvanisés, les Viandards se mettent à leurs postes et très vite le navire quitte les quais. Peut être reviendrais-je ici un jour. Peut être pas. Peut être bien que ce sera mon dernier rodéo. Le croiseur s'éloigne rapidement de Kikai no Shima, direction les eaux glaciales de Drum pour un coup de filet, qui je l'espère mettra un terme à ma traque.. ou qui scellera mon destin. Faut dire que vie de soldat est assez hasardeuse, et j'me dis soudain autant profiter de l'instant. Je me penche sur le bastingage et je dégaine ma petite flasque de whisky pour en prendre une gorgée... Boire en service Wayne... Encore un superbe motif pour me prendre une réflexion. Oh et puis merde.. après tout j'mérite bien un petit plaisir.