Le Grand Tournoi Courtois des Clans

La lice préparée par le Clan Mackenzie pour l'occasion rassemblait toute la noblesse des terres environnantes en ce début de matinée. Les femmes présentes dans les gradins s'étaient apprêtés de leurs plus beaux tissus, de parures et de bijoux tandis que les jeunes hommes s'impatientaient déjà de voir les déchaînements de testostérones qui allaient s'agiter devant leurs yeux.
Et pour cause, un événement tel que celui-là était un moment rare avec les tensions actuelles entre les Clans d'Alba.

Un homme, vêtu d'une simple toge, à la longue barbe grisonnante, s'imposa sur l'estrade principale. C'était un des sages druides de Dùn Èideann, il garantissait la neutralité et la bonne foi de cet événement. Il sortit un parchemin en tissu de sa cape et, après l'avoir déroulé, se mit à le lire à haute voix, coupant ainsi tous les bavardages des spectateurs.

- Oyez, Oyez braves gens, damoiselle et damoiseaux ... Bienvenue a la XXIVème édition du Grand Tournoi Courtois des Clans !

Le Grand Tournoi Courtois des Clans était une tradition ancrée depuis longtemps dans la culture Albanne. Depuis les temps sombres que cette île avait connus, il s'était révélé être un substitut idéal à la guerre, permettant aux clans participants de prouver leur force et imposer leur respect tout en baissant les tensions ambiantes.

- Je suis le sage druide Dein Drumum et serais le garant de la bonne foi de cette compétition. Je salue le Laird Ruaridh Mackenzie et la Laird Flora Fraser qui sont les organisateurs de cette édition.


L'attention de la foule se dirigea sur les gradins royaux, ou les silhouettes des deux chefs de clans saluèrent l'assemblée. Il était rare de voir deux personnalités si célèbres et influentes de cet acabit au même endroit, c'était là l'une des caractéristiques du Grand Tournoi Courtois des Clans.

Une fois l'acclamation de la foule et les salutations des Lairds finis, le druide reprit la parole.

- Ainsi la cérémonie d'ouverture peut débuter !

Vint alors des deux côtés une brigade d'écuyers portants fièrement les bannières de leur clan, de leurs armoiries et les heaumes de leurs seigneurs. Ils déroulèrent d'une marche militaire tout du long de la lice pour finir face aux gradins, accompagnés d'une symphonie de trompettes tout aussi bien encadrée.

Une fois la cérémonie et la parade achevée, le druide qui s'était effacé durant repris sa place sur l'estrade pour annoncer la suite.

- Pour les commençailles ... Les commençailles étaient les premières joutes de la journée, réservées aux débutants, les chevaliers qui n'avaient pas encore guerroyer... J'ai l'honneur d'appeler le champion du Clan Fraser, jeune neveu de Dame Flora Fraser, le chevalier Sir Alexander Fraser.

La porte des champions s'ouvrit sous la trompette du héraut d'armes et une silhouette en armure sur le dos d'un cheval en sortit. Avançant en trot le long de la lice, sous les bannières et les armoiries qui le représentaient, il s'avança naturellement vers sa Laird qui brandissait un long tissu de lin d'un bleu épuré. Les uses et coutumes voulaient qu'une femme de son rang, en attachant de bout de tissu sur le casque de son champion, lui vouait honneur et bénédictions pour les jeux à venir.

Ainsi, Alexander Fraser descendit de sa monture et s'inclina devant son seigneur.


Gloups ! J'étais mort de trouille à l'intérieur de cette armure ! Déjà qu'en public, je n'étais point à l'aise, mais voilà qu'acclamé par toute cette foule, j'étais à deux doigts de la crise d'angoisse !
Pourquoi le destin s'acharnait sur moi et fallait-il que je me retrouve ici, à porter l'armure d'un éminent Sir de mon clan ?!

- J'appelle à suivre le champion hôte de cette édition du Grand Tournoi Courtois des Clans, le preux guerrier du Clan Mackenzie, Ualraig Farghasdan !

Et voilà que la porte d'en face s'ouvrait et laissait apparaître le colosse qui allait devenir mon adversaire. J'en tremblais rien qu'à la silhouette de son impressionnante musculature et ne pouvais m'empêcher de ressasser la suite des événements qui m'avaient conduit jusqu'ici ...




J'étais content d'avoir été choisi comme palefrenier pour le Clan Fraser durant cette édition du Grand Tournoi Courtois, même si je savais qu'au fond, c'était une excuse des villageois pour se débarrasser de moi quelque temps.
Je savais bien qu'à leurs yeux je n'étais qu'un pestiféré dû à ma maladie et aux bandages qui recouvraient mon corps, mais ma mère me répétait sans cesse que c'était en étant bon que les gens découvriraient mon vrai visage, celui caché sous les rubans de lins.

Et puis si j'avais accepté, c'était car je voyais ce Grand Tournoi comme une occasion parfaite pour quitter mon travail des terres agricoles des basses-terres et voir du paysage ! Mais voilà, il fallait toujours qu'un pépin s'immisce dans ma soupe...

Alors que je nettoyais le foin des écuries que le clan Mackenzie avait apprêté pour l'occasion au Clan Fraser, j'entendis une discussion entre Dame Flora Fraser et quelques écuyers.

- Vous ne l'envisagez pas sérieusement ma Seigneuresse ?! Un pauvre gueux en tant que champion du Clan ??!!
- Nous n'avons aucune autre option valable. Nous devons agir pour l'honneur des nôtres !

La cheffe du clan et ses serviteurs semblaient en désaccords d'un sujet qui m'échappait encore. Je ne compris que trop tard lorsque, d'une surprise générale, elle vint s'adresser à moi.

- Excusez-moi jeune fermier ... J'ai un service de la très haute importance à vous demander. Me dit-elle d'un regard gêné.

En réalité, c'était moi le plus gêné des deux. Je n'avais jamais eu l'occasion de m'adresser à des gens de si haut rang et, par pur réflexe, m'inclinai humblement face à elle.

- Relevez-vous voyons, les temps ne sont pas pour les courtoisies. Nous avons un sérieux problème et vous êtes malencontreusement le seul à pouvoir nous aider !

Je fus rempli de stupeur. En quoi un pauvre fermier, pestiféré de surcroît, pouvait bien lui être utile, si ce n'est retirer la bouse de ses souliers ?!

- Mon neveu, Sir Alexander Fraser et ses écuyers sont épris d'une ... Très méchante maladie.
- Une gastro ! Une terrible gastro même ! Criait un serviteur mécontent au loin. Il fallait que nos champions attrapent tous une gastro ! Bon Dieu !
- Hum. Fit-elle taire son servant un peu trop bavard d'un raclement de la gorge. Malheureusement, nous n'avons personne pour le remplacer. Et je ne puis demander aux autres chevaliers de prendre sa place, car Alexander étant un bachelier, il serait un affront pour un Sir expérimenté de guerroyer en son nom ! Je commençais à y voir plus clair, mais une question demeurait : pourquoi moi ? Vous êtes un brave travailleur de la terre, vos puissants muscles nous le prouvent et malgré votre condition ... S'arrêtait-elle en regardant mon corps momifié... Atypique, dirons-nous, je pense que vous être la personne idéale pour ce service imminent !

Le regard de notre Laird devenait de plus en plus insistant, et même perturbant. Il fallait être bon disait ma mère, et être bon, c'est rendre service. Mais je n'avais pas vraiment envie de "guerroyer" comme ils le disent, surtout devant une foule en délire, moi qui étais si timide ...

- Alors ?
- Et bien ... Je ...
- Vous acceptez ?
- Disons ... que ...
- Je n'entends pas très bien, pouvez-vous parlez plus fort ?!
- Oui ! C'est bon, j'accepte !

J'étais psychologiquement plus faible qu'elle et la pression constante qu'elle portait sur mes épaules et j'avais préféré accepter - à mon plus grand désarroi - plutôt que de lui refuser une faveur ... Misérable que j'étais ...

Et c'est comme ça que tout à commencé.