Une Araignée et un Poisson pratique la Juste Violence

Une femme en vetement de nonne se dresse soudain les mains sur la table et s’exclame sur un vieux mercenaire solitaire, au milieu de ce pub bruyant.

“Comment? Mais c’est une magnifique prime que je vous propose ! Le plan est parfait.
-Vot’ Adrienne, vous croyez que l’on connaît pas son passif, p’tet?
-Par dieu ! Que sont devenus les chasseurs de prime de nos jours?
-Y a des plans foireux qu’il faut savoir éviter, ma sœur. Et j’préfère vous l’dire, personne ne voudra risquer sa vie contre une armoire à glace qui a survécu à Grandline.
-Restez donc à claquer des genoux dans cette taverne. Je trouverai quelqu’un pour vous faire mentir.
-Un ou deux suicidaires, c’est pas de ça qui manque si vous voulez mon avis. Y en a bien une dans les ordres.
-Comme il y a des pisseuses mercenaires, apparemment. Hihi !
-Pff ! J’ai trop de respect pour fracasser une nonne mais c’est pas l’envi qui me manque.”

Agacée, la jeune blonde ne se décourage pas. Elle en est à son troisième refus de la soirée. Probablement que son approche est mauvaise, ou qu’elle ne vise pas les bons profils pour son plan de capture.

En circulant dans les tables, un individu attire finalement son regard. Dans un coin isolé, il été planté là un homme poisson avec une sorte d’animal de compagnie étrange. L’aubaine de trouver un chasseur de prime capable de maîtriser le karaté aquatique dans cette île. Il faut à tout prix qu’elle l’engage.

Toute seule, la nonne ne peut s’occuper de la grande Adrienne Ramba, mère supérieure de la Juste Violence. Voilà un long moment, que la petite blonde joue les sœurs apprenties. Sa véritable identité est Capulina Dubal, alias Agent Tarentule, fleuron -selon elle- du Cipher Pol venu mettre un terme à la source principale de dissidence au sein de l'Ordre de la Juste Violence. D’après son évaluation, elle a besoin d’une petite assistance pour assurer ses arrières, d’où ses recherches dans les lieux de réunion connus de chasseurs de prime.

S’installant avec un petit sourire devant l’individu seul, elle reste un petit instant silencieuse. Inclinant légèrement la tête, l’agent Tarentule commence sa quatrième tentative de recrutement.

“Salutations, cher monsieur. Cherchez-vous un travail facile, avec peu d’effort qui promet des gains plus que potables? Si tel est le cas, je peux vous en proposer un. Mais avez-vous, comme tous les autres, trop peur de vous mouiller? Hihi !”

Remarque raciste, s’il en est. C’est suivant la sensibilité de chacun, comme la blonde le dirait.

Costume:

L'approche de la nonne ne manqua pas de faire sursauter la loutre qui vient rapidement se cacher dans les vêtements de Beethoven. Lui qui se targué depuis plusieurs minutes d'avoir pu leur trouver un abri sûr et une petite auberge modeste, mais propre, où se regroupaient nombres de chasseurs de prime. Il sautillait sur la table fière de lui, en se jetant des fleurs imaginaires et en racontant que maintenant, ils devaient trouver de quoi payer le logement. Car même si Beethoven avait accepté d'abandonner son statut plus riche de Koneashima, Maître Lulli avait du mal à faire le deuil de leurs berries perdues.

- "Pourquoi aurais-je peur d'être mouillé ? Si je le suis, il me suffit de me sécher ?"

Beethoven était très troublé par l'étrange question de cette inconnue sortie de nul part et aux vêtements saugrenus. Maître Lulli avait sorti sa tête du kimono de l'homme poisson pour dévisager la nonne un peu plus. Puis, grimpant aux oreilles de Beethoven, il lui dit sans aucune discrétion :

- "Elle est bien étrange cette bonne femme. Méfie toi."

Sans quitter des yeux l'étrangère, le chasseur de prime acquiesça d'un geste de la tête.

- "Et puis c'est quoi cette tenue, pourquoi elle est déguisée ?"
- "Il s'agit là d'un déguisement donc ?"
- "Je ne vois pas qui porterait ça par plaisir."
- "Peut-être il y a t'il un carnaval dans cette bourgade ?"
- "Surement."

Les deux garçons échangeaient en gardant les yeux rivés sur la femme et en inspectant sa tenue sous toute ces coutures. Pourtant, quelque chose ne sortait pas de l'esprit de Beethoven. Elle avait parlé de gain et l'homme-poisson, sachant sa bourse vide, semblait intéressé par ce qu'elle pouvait proposer. Innocemment, il la questionna alors :

- "Vous souhaitez que je vous protège pendant les festivités du carnaval ?"

Un cheminement logique appuyé par une validation de la tête de Lulli, maintenant debout sur l'épaule de Beethoven, les bras croisés.

L’agent Tarentule ne peut s'empêcher d’une expression de dédain devant la loutre parlante. Elle sent comme une odeur se dégager de l’animal. Elle tente d’ignorer cette gène pour le bien de sa mission. L’individu semble bien peu averti et expérimenté sur le monde. Une main d'œuvre naïve, il y a rien de mieux pour arriver à ses fins. Faire beaucoup avec peu de moyen, c’est ce qui mesure l’excellence d’un agent du Cipher Pol.

“Arum. Je sens qu’il faut reprendre certaines bases, mon… Messieurs? Quoi qu’il en soit, vous pouvez m’appelez Soeur Béatrice. Je vois que vous avez quelques minutes pour que l’on parle de notre Seigneur. Hihi !”

Il est temps de montrer à quel point sa couverture est tellement bien ficelé qu’elle en est même devenue la meilleure disciple de la cible qu’elle doit vaincre. Sortant un chapelet, l’agent Tarentule pose ses mains jointes sur la table.

“Figurez vous, mon brave, que je suis de celles qui ont voué leur vie à la prière et à l'enseignement du Divin. Nous sommes les disciples de sa règle, d’où la fondation de notre Ordre : La Juste Violence. Partout où nous passons notre mission est de propager cette pratique du Bien et honorer ainsi le Seigneur. Que son nom soit sanctifié.”

Ses yeux regardent vers le plafond et ses mains tenant le chapelet se rapprochent de sa poitrine. Son intonation imite celle d’une prière lui donnant l’air d’une grande illuminée.

“En vérité, je vous le dis, nous sommes les bourreaux du Mal sous toutes ses formes les plus abjectes. La criminalité en première ligne.  Nous abandonnons notre vie à ce combat perpétuel. En combattant les criminels, nous nous condamnons à porter ainsi le poids lourd de leurs péchés. Nous offrons ainsi une issue vers le Salut de leur âme. Par un don de soi ultime, nous leur offrons une chance dans l’au-delà. Notre existence, nous la passons, ainsi, à nous laver les péchés que nous portons pour eux. Par la piété, l’humilité et l'austérité, nous portons camouflons notre corps tel un uniforme. Oui, nous sommes les soldats de notre Seigneur en ce bas-monde ! Notre Foi inébranlable sauvera nos âmes car Notre Seigneur incarne le Bien et le Pardon. Bénis soient nos fondateurs, nos mères, nos pères, nos frères et sœurs. La Juste Violence persévéra ! Amen.”

Son regard se pose à nouveau sur ses interlocuteurs étrangers. Elle constate bien que son discours n’a pas l’air de les transcender. Soupirante, la nonne laisse tomber ses mains sur la table.

“Je vous ai perdu à partir de quel moment? Bref, ce n’est pas le cœur du sujet. Le vrai problème est que l'ordre n’est pas exempt d’égarement. Ma mère supérieure Marie Thérèse en est l’exemple parfait. Elle initie une dangereuse réforme qui ronge son âme. Sa méthode est d’infiltrer et côtoyer le Mal pour en sortir le Bien. Quelle ineptie ! C’est comme vouloir faire du blanc avec du noir. Dans tous les cas, l’Inquisiteur a toléré cette nouvelle vision du dogme. Un ébranlement historique pour l’ancestralité de notre règle. J’estime qu’en tant que jeune sœur, il est de mon devoir de corriger cet écart. L’empathie pour le Mal crée les conditions du chaos, de la souffrance et de la perte de sa propre âme. Ce n’est qu’un leurre dont la profonde gentillesse de notre Mère Supérieure n’a pu résister. Je sauverai son âme en la battant et en la livrant purger sa peine.”

Accoudée, elle baisse le ton de sa voix et s’incline un peu plus vers les deux hommes-poissons.

“Passons à ce qui vous intéresse certainement bien plus. Si tout se déroule parfaitement, nous partagerons une prime de 72 millions de berries. Il faudra l'assister contre mes propres sœurs et notre mère supérieure pour pouvoir espérer la toucher.”

Perdu à quel moment ? À tous les moments. Pendant ce long et terrible monologue, le regard de Beethoven n’avait cessé de se tourner vers maître Lulli qui avait répondu à son air circonspect par un haussement d’épaule. Toute cette démonstration, ces paroles, ces gestes. Cela sonnait si étrange aux oreilles de l’homme-poisson. Pourtant, il semblait appréhender un peu de la foi de cette femme au travers de la sienne enver l’Océan. Mais beaucoup d'explications restaient floues. En revanche, lorsque la jeune femme commença à parler prime, là, elle semblait communiquer avec la langue de la loutre.

Sautant de l’épaule de Beethoven, maître de Lulli se rapprocha rapidement de la femme en la pointant du doigt, comme s’il se voulait menaçant.

- “Ah ah vile gredine, je savais que ton attitude était loin d’être bien nette, tu essayes de nous entourlouper ! Tu n’es qu’une pauvre civil, tu ne peux toucher l’argent de la prime alors tu essayes d’utiliser notre licence pour te procurer la richesse ! Je vois clair dans ton jeu !”

La petite loutre était certain courageuse de s’opposer de la sorte à la femme, dévoilant avec une vive voix son plan maléfique. Pourtant le regard noir de la nonne suffit à le faire rebrousser chemin à retourner se cacher dans les vétements de l’homme-poisson en poussant un petit crie de terreur. Le regard de beaucoup d’habitués de l’endroit s’était tourné vers eux alors que Beethoven restait perdu face à la demande de la nonne. Pourtant, son âme de bon samaritain lui donnait envie de croire en cette femme.

- “Maître …”
- “Hmmm” grogna la loutre.
- “Peut-être pouvons nous l’aider tout de même. Cette pauvre femme semble avoir besoin d’aide.”
- “Mais elle veut nous voler notre argent !”
- “Nous pouvons négocier la prime.”

Puis la loutre acquiesça d’un geste de la tête, descendant encore une fois de sa cache pour venir faire les cent pas devant la présumée cliente en disant :

- “Bien ma petite dame. on accepte de vous aider. CEPENDANT ! Nous voulons les deux tiers de la prime de cette hors-la-loi !”

Puis crachant dans sa petite patte poilue, il la tendit à la nonne en espérant qu’elle la sert.

- “Deal ?”

L’argent aguiche et met tout le monde d’accord. Les chasseurs de prime ne sont pas plus vertueux que les pirates. Ce n’est que instrumentaliser la vénalité de certains. Cela tombe bien, Capulina n’est absolument pas attaché aux billets verts.

“Oh ! Marché conclu. Et si vous êtes efficace, je pourrai même vous en offrir la totalité. Hihi !”

Malgré son approbation, Soeur Béatrice ignore la main dégoûtante qui lui est tendue. Elle préfère largement tapoter le haut du crâne de cette petite créature parlante. La blonde n’a jamais vu d’homme-poisson de cette forme. Est-ce une malformation de naissance? Ou un croisement entre un tonttata et un homme-poisson? L’agent Tarentule se lève donc, un regard discret sur le katana de l’autre chasseur de prime bien plus charmante… enfin pour un homme-poisson.

“Alors, suivez moi. Nous avons du pain sur la planche pour les préparatifs.”

Quittant la taverne, la nonne les guide ainsi vers une sombre forêt. Le sourire aux lèvres, elle touche quelques troncs marqués par un symbole d’araignée gravé. Ce sont ses repères. A travers quelques buissons, Soeur Béatrice arrête le pas du chasseur de prime et sa créature parlante.

“A partir de maintenant, ne criez plus, soyez discret. Si vous rencontrez un sanglier, ne le provoquez pas. Si vous remarquez ou êtes surpris par une autre de mes sœurs, fuyez. Oh, et ne vous perdez pas, il se peut que vous activiez un de mes pièges dissimulés sur le chemin vers l’abbaye. Ce serait dommage que vous mouriez pitoyablement sans avoir combattu. Hihi !”

Elle s’approche ensuite d’un parterre de feuillage banal. S’accroupissant, l’agent Tarentule plonge la main sous quelques feuilles. Elle y tire une toile épaisse dissimulée. Dévoilant un espace à peine creusé avec trois pelles. L’agent Tarentule a tenté toute seule mais la tâche est bien trop laborieuse pour ses mains délicates.

“J'espérais avoir plus de mains secourables, mais il semble que les chasseurs de prime ne sont plus ce qu'ils étaient. En tout cas, il faut creuser un trou assez large pour piège un gros gabarit. Je vous laisse commencer, je dois récupérer des tonneaux pour compléter ce piège ultime. Soyez sérieux, cette préparation pourra nous sauver la vie. Pensez aux douches de billets que vous prendrez après cette grosse prise. Hihi !”

Elle plaque une pelle sur le ventre de l’homme-poisson, avant de filer.

“Je reviens vite, mes chers petits poissons. Hihi !"

Disparaissant entre les feuilles et les arbres, la nonne laisse ainsi les deux compères seuls devant leur tâche laborieuse.